Language of document : ECLI:EU:T:2022:142

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 mars 2022 (*)

« Énergie – Directive 2009/125/CE – Exigences d’écoconception pour les dispositifs d’affichage électroniques – Règlement (UE) 2019/2021 – Interdiction des retardateurs de flamme halogénés dans le boîtier et le support des dispositifs d’affichage électroniques – Compétence de l’auteur de l’acte – Erreur manifeste d’appréciation – Sécurité juridique – Proportionnalité – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑113/20,

Bromine Science Environnemental Forum (BSEF), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. Cana, E. Mullier et H. Widemann, avocates,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. De Meester et Mme L. Haasbeek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement (UE) 2019/2021 de la Commission, du 1er octobre 2019, fixant des exigences d’écoconception pour les dispositifs d’affichage électroniques conformément à la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil, modifiant le règlement (CE) no 1275/2008 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) no 642/2009 de la Commission (JO 2019, L 315, p. 241), en tant que celui-ci interdit l’utilisation des retardateurs de flamme halogénés dans le boîtier et le support des dispositifs d’affichage électroniques,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh et Mme T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 novembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Bromine Science Environnemental Forum (BSEF), est une association internationale sans but lucratif de droit belge, établie à Bruxelles (Belgique), qui représente les producteurs de brome ainsi que les producteurs de produits à base de brome et de technologies liées au brome. Parmi ces produits figurent les retardateurs de flamme halogénés (ci-après les « RFH »).

2        Selon l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie (JO 2009, L 285, p. 10, ci-après la « directive sur l’écoconception »), afin de garantir la libre circulation de ces produits sur le marché intérieur, cette directive fixe les exigences que les produits liés à l’énergie couverts par des mesures d’exécution doivent remplir pour être mis sur le marché ou mis en service et contribue au développement durable en augmentant l’efficacité énergétique et le niveau de protection de l’environnement, tout en accroissant la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

3        L’article 15, paragraphe 1, de la directive sur l’écoconception prévoit la possibilité d’adopter des mesures d’exécution, qui visent à modifier des éléments non essentiels de la directive en la complétant et qui sont arrêtées conformément à la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 19, paragraphe 3, de ladite directive.

4        En se fondant sur l’article 15, paragraphe 1, de la directive sur l’écoconception, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) 2019/2021, du 1er octobre 2019, fixant des exigences d’écoconception pour les dispositifs d’affichage électroniques conformément à la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil, modifiant le règlement (CE) no 1275/2008 de la Commission et abrogeant le règlement (CE) no 642/2009 de la Commission (JO 2019, L 315, p. 241, ci-après le « règlement attaqué »).

5        Selon son article 1er, premier alinéa, le règlement attaqué établit des exigences en matière d’écoconception applicables à la mise sur le marché et à la mise en service des dispositifs d’affichage électroniques, notamment les téléviseurs, les moniteurs et les dispositifs d’affichage dynamiques numériques.

6        L’article 3 du règlement attaqué prévoit que les exigences en matière d’écoconception énoncées à l’annexe II de ce règlement sont applicables à partir des dates qui y sont indiquées. Le point D.4 de cette annexe dispose que, à partir du 1er mars 2021, l’utilisation de RFH n’est pas autorisée dans le boîtier et le support des dispositifs d’affichage électroniques (ci-après l’« interdiction en cause »).

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2020, la requérante a introduit le présent recours.

8        Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés respectivement le 14 mai, le 28 août et le 21 octobre 2020.

9        Le 10 mars 2021, la requérante a présenté une demande de mesure d’instruction par acte séparé, en vue de se voir communiquer les preuves documentaires portant sur la réunion du 19 décembre 2018 du comité pour l’écoconception et l’étiquetage énergétique des produits liés à l’énergie, réunion au cours de laquelle, selon elle, il aurait été décidé de rétablir l’interdiction des RFH, qui ne figurait pas dans la version antérieure du projet de règlement.

10      Le 14 juin 2021, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée au titre de l’article 90 du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci a posé une question aux parties pour réponse écrite, à laquelle ces dernières ont répondu dans le délai imparti.

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce qu’il interdit les RFH ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      Sans avoir formellement soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission conteste la recevabilité du recours, en faisant valoir que la requérante ne saurait être considérée comme étant directement concernée par le règlement attaqué, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

14      Il convient de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52).

15      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère qu’il y a lieu, dans un souci d’économie de procédure, d’examiner d’emblée le bien-fondé du recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité. En effet, en l’espèce, le caractère recevable ou irrecevable du recours n’apparaît pas de manière évidente et son examen nécessiterait une analyse longue et complexe, tandis que le recours doit, en tout état de cause, pour les motifs exposés ci-après, être rejeté comme non-fondé.

16      La requérante avance sept moyens au soutien de son recours, qu’il convient d’examiner successivement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, et de l’article 15, paragraphe 2, sous c), i), de la directive sur l’écoconception et de ce que la Commission aurait agi ultra vires et privé d’autres dispositions de droit de l’Union de leur effet utile en adoptant le règlement attaqué

17      Par son premier moyen, la requérante conteste, en substance, la compétence de la Commission pour adopter le règlement attaqué, dès lors que, selon elle, d’autres instruments juridiques auraient été plus appropriés pour adopter l’interdiction en cause. En outre, elle estime que, en adoptant le règlement attaqué, la Commission n’aurait pas respecté le champ d’application ni l’effet utile de ces autres instruments.

18      Tout d’abord, la requérante fait valoir que la directive sur l’écoconception impose expressément que les exigences en matière d’écoconception soient adoptées « sans préjudice » de la législation de l’Union en matière de gestion des déchets et des produits chimiques. Or, la directive 2011/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011, relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (JO 2011, L 174, p. 88, ci-après la « directive LdSD ») et le règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, ci-après le « règlement REACH ») prévoiraient expressément que la Commission limite l’utilisation des substances chimiques dans les équipements électriques et électroniques, tels que les dispositifs d’affichage électroniques, dans le respect de garanties et d’exigences procédurales bien spécifiques. Dès lors, en interdisant les RFH au titre du règlement attaqué, la Commission aurait contourné les conditions et les garanties applicables en vertu de ces actes législatifs de l’Union.

19      Ainsi, la requérante estime que la directive sur l’écoconception ne constitue pas le cadre juridique approprié pour limiter la présence de substances chimiques dans les équipements électriques et électroniques (ci-après les « EEE »), tels que les dispositifs d’affichage électroniques, pendant les phases d’utilisation ou de gestion des déchets. En effet, le considérant 35 de cette directive énoncerait clairement que celle-ci est « complémentaire par rapport aux instruments [de l’Union] existants », tandis que l’article 15, paragraphe 3, sous b), de cette directive prévoirait que, lorsqu’elle adopte des exigences, la Commission « tient compte […] des dispositions [de l’Union] applicables ». En prévoyant, à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive sur l’écoconception que « [l]a présente directive et les mesures d’exécution adoptées en vertu de celle-ci sont sans préjudice de la législation [de l’Union] en matière de gestion des déchets et de la législation [de l’Union] en matière de produits chimiques […] », le législateur de l’Union aurait intégré une obligation positive expresse afin de s’assurer que les exigences en matière d’écoconception ne portent pas atteinte à la législation de l’Union applicable en matière de gestion des déchets et de produits chimiques. De plus, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, sous c), i), de cette directive, la compétence de la Commission lui permettant d’adopter des mesures d’exécution telles que le règlement attaqué serait limitée, notamment, aux cas dans lesquels « il n’y a pas d’autres mesures législatives [de l’Union] pertinentes ou [lorsque] le problème n’a pas été résolu de façon adéquate par le jeu des forces du marché ».

20      Selon la requérante, les termes « sans préjudice » de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive sur l’écoconception imposent à la Commission de veiller à ce que toute mesure fixant des exigences d’écoconception en application de cette directive ne porte pas atteinte et n’affecte pas le règlement REACH, ni la directive LdSD, ni la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (JO 2012, L 197, p. 38, ci-après la « directive DEEE »). Or, en l’espèce, l’adoption de l’interdiction en cause porterait atteinte à l’équilibre des compétences de la Commission établi entre les différents textes législatifs applicables aux produits chimiques, aux déchets et aux produits. En effet, d’une part, l’interdiction des RFH ne serait pas liée à la conception des produits, mais à l’utilisation de substances chimiques. D’autre part, en interdisant tous les RFH dans les dispositifs d’affichage électroniques, l’interdiction en cause entraverait toute évaluation de la nécessité d’une interdiction et des propriétés de ces substances, ainsi que les garanties procédurales prescrites par le règlement REACH ou la directive LdSD.

21      La requérante conteste également que le règlement attaqué ait été adopté en vue de répondre à un objectif spécifique, étant donné que les matières plastiques provenant des dispositifs d’affichage électroniques seraient mélangées avec des matières plastiques provenant d’autres déchets d’équipements électriques et électroniques (ci-après les « DEEE »). La question du recyclage des matières plastiques issue des DEEE serait donc plus large que la présence des RFH. Le mémoire en défense confirmerait que l’évaluation au titre de la directive LdSD est la plus appropriée en ce qu’elle couvrirait la question de la présence de RFH spécifiques dans tous les EEE et pas seulement dans les dispositifs d’affichage électroniques.

22      Ensuite, la requérante fait valoir que, en interdisant tous les RFH, indépendamment de leur concentration, dans le boîtier ou le support des dispositifs d’affichage électroniques, en prévoyant des interdictions qui ne sont pas prévues par ces instruments ou en omettant de tenir compte de certains seuils qui y sont prévus, le règlement attaqué va à l’encontre des dispositions de la directive LdSD, du règlement REACH et de la directive DEEE.

23      À cet égard, la requérante estime que la reconnaissance, au cours de la présente procédure, de la nécessité d’un seuil pour la présence de RFH en vertu du règlement attaqué constitue la preuve d’une erreur de droit manifeste. En effet, la nécessité juridique de la présence d’un seuil, qui semblerait être reconnue par la Commission, ne saurait dépendre de la question de savoir si la présence de substances au-dessus de ce seuil sera effectivement vérifiée ou comment elle le sera.

24      La requérante souligne, par ailleurs, que la direction générale (DG) « Environnement » de la Commission se serait opposée à l’introduction de l’interdiction en cause dans le règlement attaqué, « afin d’éviter un chevauchement juridique », étant donné que l’utilisation des substances dangereuses concernées est déjà régie par la directive LdSD. Il découlerait également de l’analyse d’impact ressortant de la consultation interservices de 2018 que « d’autres cadres législatifs seraient plus adaptés, tels que la directive LdSD et le règlement REACH ».

25      Il existerait, en effet, un certain nombre d’instruments juridiques, tels que la directive LdSD ou le règlement REACH, qui, contrairement à la directive sur l’écoconception, traiteraient spécifiquement de la réglementation des substances chimiques et de la gestion des déchets, régiraient les pouvoirs de la Commission en la matière et, ce qui est important, prévoiraient les procédures applicables dans ce domaine.

26      Ainsi, l’évaluation de la Commission dans le cadre de l’adoption du règlement attaqué ne contiendrait pas les éléments susceptibles de traiter tous les points soulevés par la directive LdSD et le règlement REACH, notamment en ce qui concerne l’impact socio-économique de l’interdiction et la question de savoir si les possibilités de remplacement sont « adéquates ».

27      Partant, les différences en termes de procédure entre ces cadres juridiques seraient telles qu’elles seraient susceptibles de conduire à un résultat différent du résultat obtenu au moyen du règlement attaqué.

28      Enfin, la requérante fait valoir que, en limitant l’utilisation des RFH dans les dispositifs d’affichage électroniques en vertu du règlement attaqué au lieu d’envisager ces limitations éventuelles dans le cadre plus approprié de la directive LdSD ou du règlement REACH, la Commission aurait privé ces instruments du droit de l’Union de leur effet utile.

29      La Commission conteste les arguments de la requérante.

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 1, de la directive sur l’écoconception, cette directive « établit un cadre pour la fixation d’exigences [de l’Union] en matière d’écoconception applicables aux produits liés à l’énergie, afin de garantir la libre circulation de ces produits sur le marché intérieur ». L’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive précise qu’elle « fixe les exigences que les produits liés à l’énergie couverts par des mesures d’exécution doivent remplir pour être mis sur le marché et/ou mis en service » et qu’« [e]lle contribue au développement durable en augmentant l’efficacité énergétique et le niveau de protection de l’environnement, tout en accroissant la sécurité de l’approvisionnement énergétique ».

31      Le terme « écoconception » est défini à l’article 2, point 23, de la directive sur l’écoconception comme étant « l’intégration des caractéristiques environnementales dans la conception du produit en vue d’améliorer la performance environnementale du produit tout au long de son cycle de vie ». L’article 2, point 24, de cette directive définit les termes « exigence d’écoconception » comme étant « toute exigence relative à un produit ou à sa conception et visant à améliorer sa performance environnementale, ou toute exigence relative à la fourniture d’informations concernant les caractéristiques environnementales d’un produit ».

32      Il ressort également du considérant 13 de la directive sur l’écoconception que les exigences d’écoconception visent à réduire l’impact environnemental du produit tout au long de son cycle de vie, y compris en ce qui concerne la sélection et l’utilisation des matières premières, la fabrication, le conditionnement, le transport et la distribution, l’installation et l’entretien, l’utilisation et la fin de vie. Le fait de prendre en considération, au stade de la conception, l’impact environnemental d’un produit tout au long de son cycle de vie pourrait aisément faciliter l’amélioration de la performance environnementale avec un bon rapport coût/efficacité, y compris en termes de ressources et d’efficacité des matériaux, et ainsi contribuer à atteindre les objectifs de la stratégie thématique sur l’utilisation durable des ressources naturelles.

33      L’article 15, paragraphes 1 et 2, de la directive sur l’écoconception définit les critères auxquels les produits doivent répondre afin d’être couverts par les mesures d’exécution prévues par cette directive. Parmi ces critères figure, sous c), celui selon lequel « le produit présente un potentiel significatif d’amélioration en ce qui concerne son impact environnemental sans que cela entraîne des coûts excessifs, compte tenu notamment des éléments suivants : [premièrement], il n’y a pas d’autres mesures législatives [de l’Union] pertinentes ou le problème n’a pas été résolu de façon adéquate par le jeu des forces du marché ; et [deuxièmement], les performances environnementales des produits disponibles sur le marché présentant des fonctionnalités équivalentes sont très inégales ».

34      L’article 15, paragraphes 3 et 4, de la directive sur l’écoconception précise la manière dont la Commission doit préparer ses projets de mesures d’exécution. L’article 15, paragraphe 4, sous b), prévoit ainsi que la Commission « réalise une évaluation concernant l’impact sur l’environnement, les consommateurs et les fabricants, notamment les [petites et moyennes entreprises (PME)], en termes de compétitivité, y compris sur les marchés extérieurs [à l’Union], d’innovation, d’accès au marché et de coûts et d’avantages ».

35      En outre, l’article 15, paragraphes 5 à 10, de la directive sur l’écoconception prévoit un certain nombre de critères que les mesures prises dans le cadre de cette directive doivent respecter. L’article 15, paragraphe 6, de cette directive prévoit ainsi que les mesures d’exécution adoptées au titre du paragraphe 1 établissent des exigences d’écoconception conformément à l’annexe I ou à l’annexe II de cette directive. L’annexe I indique ensuite :

« Lorsqu’elle élabore les mesures d’exécution établissant des exigences génériques d’écoconception en application de l’article 15, la Commission doit identifier, en fonction des produits couverts par la mesure d’exécution, les paramètres pertinents en matière d’écoconception parmi ceux qui sont énumérés dans la partie 1 […] »

36      Le point 1.1 de l’annexe I de la directive sur l’écoconception détermine les phases du cycle de vie du produit auxquelles les exigences en matière d’écoconception peuvent s’appliquer. Il inclut, sous a), la sélection et l’utilisation des matières premières, tandis qu’il mentionne, sous b), la fabrication. Il inclut expressément, sous f), la phase de la fin de vie, c’est-à-dire l’état d’un produit ayant atteint le terme de sa première utilisation jusqu’à son élimination finale.

37      Le point 1.2, sous d) et e), de l’annexe I de la directive sur l’écoconception indique que la « production prévue de déchets » et les « possibilités de réemploi, de recyclage et de récupération des matériaux et/ou de l’énergie » font partie des caractéristiques environnementales qui doivent être évaluées pour chaque phase.

38      Le point 1.3 de l’annexe I détermine les paramètres qui doivent être utilisés, si nécessaire, pour évaluer le potentiel d’amélioration des caractéristiques environnementales visées au point 1.2, à savoir, notamment, « d) [l’]utilisation de substances classées comme dangereuses pour la santé et/ou l’environnement ; […] f) [la] facilité de réemploi et de recyclage […] ; j) [les] quantités de déchets produits et quantités de déchets dangereux produits ; […] »

39      Il ressort de l’analyse d’impact conduite par la Commission en vue de l’adoption du règlement attaqué que l’utilisation de retardateurs de flamme, de manière générale, et de RFH, en particulier, pose problème en ce qui concerne la recyclabilité des matières plastiques qui les contiennent. L’utilisation d’un retardateur de flamme, quel qu’il soit, fait baisser la qualité du plastique recyclé par rapport au plastique original ne contenant pas de retardateurs de flamme. En ce qui concerne les dispositifs d’affichage électroniques, les RFH posent tout particulièrement problème du point de vue du recyclage. En pratique, les parties en matières plastiques des dispositifs d’affichage électroniques contenant des RFH sont systématiquement incinérées, ce qui conduit à un taux de recyclage plus faible.

40      Ces considérations sont reflétées au considérant 15 du règlement attaqué, qui indique ce qui suit :

« La présence de [RFH] constitue un problème majeur pour le recyclage des matières plastiques des dispositifs d’affichage électroniques. L’utilisation de certains composés halogénés a été limitée par la directive [LdSD] en raison de leur toxicité élevée. Certains de ces composés sont encore présents dans des dispositifs anciens et d’autres sont toujours autorisés. Le contrôle de la teneur maximale en composés non autorisés dans les matières plastiques recyclées n’étant pas rentable, toutes sont finalement incinérées. Il existerait des solutions alternatives pour la majeure partie des éléments en matières plastiques des dispositifs d’affichage électroniques, tels que le boîtier et le support, ce qui permettrait d’augmenter le rendement du recyclage des matières plastiques. L’utilisation de [RFH] dans ces éléments devrait être limitée. »

41      Ainsi, il ressort des dispositions de la directive sur l’écoconception précitées que la Commission était compétente, au titre de cette directive, pour adopter l’interdiction en cause dans le cadre du règlement attaqué.

42      En effet, premièrement, l’utilisation des RFH concerne directement la conception des dispositifs d’affichage électroniques, conformément à l’article 2, point 23, ainsi qu’au point 1.1 de l’annexe I de la directive sur l’écoconception.

43      Deuxièmement, le règlement attaqué n’interdit pas tous les RFH, mais interdit uniquement leur usage dans le boîtier et le support des dispositifs d’affichage électroniques, en vue d’augmenter le rendement du recyclage des matières plastiques contenues dans ces dispositifs, conformément à l’article 2, point 24, à l’article 15, paragraphe 2, sous c), ainsi qu’au point 1.2, sous d) et e), et au point 1.3, sous f), de l’annexe I de la directive sur l’écoconception.

44      Troisièmement, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la Commission n’aurait pas respecté les exigences imposées par la directive sur l’écoconception pour l’adoption du règlement attaqué, notamment l’obligation de réaliser une analyse d’impact et de procéder à des consultations auprès des parties intéressées.

45      Certes, comme le fait valoir la requérante, l’article 1er, paragraphe 4, de la directive sur l’écoconception prévoit que cette directive et les mesures d’exécution adoptées en vertu de celle-ci sont « sans préjudice » de la législation de l’Union en matière de gestion des déchets et en matière de produits chimiques. De plus, le considérant 35 de cette directive énonce que celle-ci est « complémentaire » par rapport aux instruments législatifs existants.

46      Toutefois, il ne saurait être déduit de ces termes que le législateur de l’Union aurait entendu exclure la compétence de la Commission pour agir au titre de la directive sur l’écoconception dans les cas où il apparaîtrait qu’une mesure similaire pourrait être adoptée au titre d’un autre instrument législatif de l’Union, tout en ayant une portée différente et en étant adoptée au terme d’une procédure différente. Comme le fait valoir la Commission, la simple possibilité de limiter l’utilisation des RFH au titre de la directive LdSD ou du règlement REACH ne saurait limiter la compétence de la Commission pour adopter des exigences concernant l’utilisation de ces substances au titre de la directive sur l’écoconception. La question, distincte, visant à déterminer si cette compétence a été exercée par la Commission conformément au principe de proportionnalité sera examinée ci-après, dans le cadre du cinquième moyen.

47      Les termes « sans préjudice » visent plutôt à assurer une application parallèle des différents instruments applicables, sans que l’un ait priorité sur l’autre, dans le respect de leur champ d’application respectif. Ils visent, en d’autres termes, à assurer que les exigences en matière d’écoconception au titre de la directive sur l’écoconception ne portent pas atteinte à la législation de l’Union applicable en matière de gestion des déchets et de produits chimiques (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 7 septembre 2006, Jehle, Weinhaus Kiderlen, C‑489/04, EU:C:2006:527, points 29 à 31, et du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, point 25).

48      Il convient dès lors d’examiner si, comme le fait valoir la requérante, l’interdiction en cause prévue par le règlement attaqué a été adoptée en méconnaissant le champ d’application et l’effet utile d’autres instruments du droit de l’Union, tels que le règlement REACH, la directive LdSD ou encore la directive DEEE.

49      Premièrement, s’il est vrai que l’interdiction en cause porte sur un éventail plus large de RFH que ceux soumis à limitation par le règlement REACH ou la directive LdSD, ni le règlement REACH ni la directive LdSD ne prévoient que les substances non interdites par les règles qu’ils contiennent doivent être autorisées dans tous les produits mis sur le marché de l’Union. La requérante n’a d’ailleurs identifié aucune règle spécifique du règlement REACH, de la directive DEEE ou de la directive LdSD qui aurait été enfreinte.

50      De plus, ni la directive LdSD, ni la directive DEEE, ni le règlement REACH ne contiennent de dispositions particulières autorisant l’utilisation de RFH spécifiques dans les dispositifs d’affichage électroniques.

51      À cet égard, la situation de l’espèce doit être distinguée de celle concernant la réglementation de l’utilisation du cadmium dans les dispositifs d’affichage électroniques ou du mercure dans les sources lumineuses au titre de la directive LdSD, dans la mesure où l’utilisation de ces substances est entièrement réglementée par cette directive.

52      En effet, s’agissant de la présence de mercure dans les EEE, l’article 4, paragraphe 1, et l’annexe II de la directive LdSD interdisent l’utilisation du mercure à une concentration supérieure à 0,1 % dans tous les EEE, sauf exemptions expressément prévues aux points 1 à 4 de l’annexe III de cette directive. De même, l’utilisation du cadmium est interdite en vertu de l’annexe II de la directive LdSD, sauf exemption temporaire applicable en vertu de l’annexe III, point 39, de cette directive.

53      En l’espèce, en revanche, le règlement REACH et la directive LdSD contiennent des restrictions d’utilisation de certains RFH sans toutefois contenir de dispositions particulières permettant expressément l’utilisation de RFH spécifiques dans les dispositifs d’affichage électroniques.

54      Dès lors, le fait d’interdire l’utilisation de RFH supplémentaires par rapport à ceux soumis à restriction au titre de la directive LdSD et du règlement REACH, pour une application très particulière, n’est pas contraire aux dispositions de ces instruments juridiques.

55      Deuxièmement, la requérante affirme que l’interdiction en cause ne serait pas cohérente avec les valeurs maximales de 0,1 % en poids définies pour les polybromobiphéniles (ci-après les « PBB ») et les polybromodiphényléthers (ci-après les « PBDE ») à l’annexe II de la directive LdSD ainsi que pour le bis(pentabromophényl)éther (ci-après le « DecaBDE ») à l’annexe XVII du règlement REACH.

56      À cet égard, il convient de garder à l’esprit que l’interdiction en cause impose des exigences en matière d’écoconception pour les dispositifs d’affichage électroniques en raison des problèmes de recyclage rencontrés par la présence de RFH dans certaines parties de ces dispositifs. L’objectif de l’interdiction en cause n’est donc pas d’interdire les RFH dans les dispositifs d’affichage électroniques en raison de leur dangerosité, mais plutôt en raison de leurs inconvénients en termes de capacité de recyclage des matières plastiques dans lesquelles ils s’insèrent.

57      Dès lors, comme le fait valoir la Commission, il n’était pas nécessaire de fixer un seuil de tolérance pour les RFH dans le règlement attaqué, comme le font la directive LdSD et le règlement REACH pour certaines substances. Le fait que la directive LdSD et le règlement REACH prévoient des seuils de tolérance pour certains RFH, compte tenu de l’absence de dangerosité de ces substances en dessous de ces seuils, ne saurait porter atteinte à la compétence de la Commission d’adopter l’interdiction en cause. Cette interdiction vise en effet à remédier à un problème spécifique lié à l’utilisation des RFH dans les dispositifs d’affichage électroniques, et non pour tous les produits mis sur le marché de l’Union, comme c’est le cas pour le règlement REACH, ou pour tous les DEEE, comme pour la directive LdSD.

58      En tout état de cause, s’agissant de la limitation imposée au DecaBDE, prévue au point 67 bis de l’annexe XVII du règlement REACH, la Commission a confirmé lors de l’audience, sans être contredite par la requérante, que celle-ci ne s’appliquait pas aux EEE relevant du champ d’application de la directive LdSD, tels que les dispositifs d’affichage électroniques.

59      S’agissant des seuils de tolérance fixés pour les PBB et le PBDE à l’annexe II de la directive LdSD, la Commission a précisé, sans avoir été contredite par la requérante sur ce point, que la question du seuil de tolérance ne se posait qu’au stade de la vérification physique, alors que, en l’espèce, le respect des exigences prévues par le règlement attaqué est généralement vérifié au moyen de contrôles documentaires. Néanmoins, dans l’hypothèse où des essais physiques auraient lieu, les seuils de tolérance de 0,1 %, établis par la directive LdSD et le règlement REACH, seront appliqués, comme l’a indiqué la Commission dans ses écritures.

60      Cela ressort désormais également clairement du point 1.8 de l’annexe IV du règlement attaqué, tel que modifié par le règlement (UE) 2021/341 de la Commission, du 23 février 2021, modifiant les règlements (UE) 2019/424, (UE) 2019/1781, (UE) 2019/2019, (UE) 2019/2020, (UE) 2019/2021, (UE) 2019/2022, (UE) 2019/2023 et (UE) 2019/2024 en ce qui concerne les exigences d’écoconception applicables aux serveurs et aux produits de stockage de données, aux moteurs électriques et aux variateurs de vitesse, aux appareils de réfrigération, aux sources lumineuses et aux appareillages de commande séparés, aux dispositifs d’affichage électroniques, aux lave-vaisselle ménagers, aux lave-linge ménagers et aux lave-linge séchants ménagers, et aux appareils de réfrigération disposant d’une fonction de vente directe (JO 2021, L 68, p. 108). Même si l’adoption de ce règlement modificatif est postérieure à l’introduction du présent recours, il convient de relever qu’il n’apparaît pas que, avant l’adoption de cette modification, introduite à des fins de clarification, l’interdiction en cause aurait nécessairement été, dans sa mise en œuvre, incompatible avec les seuils de tolérance établis par la directive LdSD et le règlement REACH. À cet égard, il convient en effet de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une disposition de droit de l’Union est susceptible de faire l’objet de plusieurs interprétations, il convient de privilégier celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (voir arrêt du 7 mars 2018, Cristal Union, C‑31/17, EU:C:2018:168, point 41 et jurisprudence citée).

61      Partant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’interdiction en cause n’enfreint aucune disposition de la directive LdSD ou du règlement REACH fixant des valeurs maximales (ou seuils de tolérance) pour certains RFH tels que les PBB, le PBDE ou le DecaBDE.

62      Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel l’interdiction en cause priverait d’effet utile l’analyse en cours des RFH de type TBBP-A en vue d’une possible limitation au titre de la directive LdSD, il convient de rappeler, comme le fait à juste titre la Commission, que cette analyse concerne la présence de ce type de RFH dans tous les EEE. Par conséquent, si les RFH de type TBBP-A étaient déjà interdits d’utilisation dans le boîtier et le support des dispositifs d’affichage électroniques en vertu de l’interdiction en cause, l’analyse en cours au titre de la directive LdSD serait toujours utile afin de déterminer si ces RFH devraient également être interdits dans d’autres EEE.

63      Quatrièmement, dans la mesure où la requérante affirme que l’interdiction en cause méconnaît le champ d’application et l’effet utile de la directive DEEE, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cette directive, en particulier ses considérants 4 et 11 ainsi que son article 4, prévoit clairement la possibilité de résoudre un problème en amont, lors de la phase de production, comme en l’espèce, lorsque ce problème ne peut pas être résolu, ou ne peut l’être que moyennant des coûts disproportionnés, en aval, lors de la phase de fin de vie du produit.

64      Or, en l’espèce, il ressort notamment de l’analyse d’impact que les solutions en aval étaient insuffisantes, dans la mesure où les recycleurs optent pour l’incinération de toutes les matières plastiques contenant des RFH, car il n’est pas économiquement viable de séparer les matières plastiques contenant des substances autorisées de celles contenant des substances limitées par la directive LdSD. De plus, le considérant 11 de la directive DEEE envisage expressément d’utiliser l’écoconception pour résoudre les problèmes de réutilisation en amont. Dès lors, comme le fait valoir la Commission à juste titre, l’interdiction en cause prévue par le règlement attaqué contribue aux objectifs de la directive DEEE et lui est complémentaire. Si, comme le fait valoir la requérante, la problématique du recyclage des matières plastiques provenant de DEEE est en effet plus large que celle de la présence des RFH dans les dispositifs d’affichage électroniques, cela n’enlève rien au fait que la Commission pouvait valablement considérer que l’interdiction en cause contribuerait à accroître la recyclabilité de ces dispositifs en réduisant la quantité totale de matières plastiques contaminées.

65      Cinquièmement, s’il est vrai que l’interdiction en cause n’a pas été adoptée en suivant les procédures prévues par la directive LdSD ou par le règlement REACH, il convient toutefois de relever que cette interdiction a été adoptée en suivant les procédures pertinentes prévues par la directive sur l’écoconception, ce que la requérante ne conteste pas. Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 41 à 47 ci-dessus, cette directive octroie clairement à la Commission la compétence pour adopter le règlement attaqué en l’espèce, de sorte que le cadre procédural applicable était celui prévu par cette directive et non ceux prévus par d’autres instruments, tels que la directive LdSD ou le règlement REACH.

66      Sixièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la DG « Environnement » aurait exprimé des doutes concernant le projet d’interdiction en cause, il convient de relever qu’une telle prise de position d’un service de la Commission lors d’une consultation interservices ne saurait suffire pour établir l’illégalité du règlement attaqué. En tout état de cause, lesdits doutes révèlent surtout la préoccupation d’assurer la cohérence avec d’autres instruments juridiques, tels que la directive LdSD. Or, la Commission ne conteste pas que la directive LdSD aurait également pu constituer un instrument pertinent pour adopter l’interdiction en cause, mais elle fait valoir qu’une telle interdiction aurait eu une portée plus large dans le cadre de cette directive, puisqu’elle aurait alors été applicable à tous les EEE et non uniquement aux dispositifs d’affichage électroniques. En effet, l’interdiction en cause exclut seulement l’utilisation des RFH dans deux composants spécifiques des dispositifs d’affichage électroniques, afin de répondre à un problème spécifique lié au faible taux de recyclage de ces produits.

67      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission était compétente pour adopter l’interdiction en cause du règlement attaqué et que, ce faisant, elle n’a enfreint aucune disposition de la directive LdSD, du règlement REACH ou de la directive DEEE.

68      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

69      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que, en interdisant l’utilisation des RFH dans les dispositifs d’affichage électroniques au titre du règlement attaqué, la Commission a violé ses droits de la défense.

70      En effet, la directive LdSD et le règlement REACH, contrairement à la directive sur l’écoconception, traiteraient spécifiquement de la réglementation des substances chimiques et de la gestion des déchets, régiraient les pouvoirs de la Commission en la matière et prévoiraient les procédures applicables dans ce domaine.

71      Or, la requérante fait valoir que, si elle avait été en mesure de formuler des observations au titre de ces instruments en ce qui concerne, notamment, une évaluation scientifique des effets sur la santé humaine ou l’environnement, une évaluation socio-économique ou encore une évaluation de l’incidence sur des entités telles qu’elle-même, l’analyse effectuée par la Commission aurait pu conduire à une mesure différente. En particulier, si la nécessité d’interdire les RFH avait été examinée dans le cadre du règlement REACH ou de la directive LdSD, l’évaluation et la consultation publique auraient été obligatoirement effectuées pour chaque substance, plutôt que pour l’ensemble du groupe sans la moindre évaluation de la nécessité d’interdire des RFH individuellement.

72      En tout état de cause, la requérante estime que, si l’évaluation avait été effectuée en vertu des différents cadres juridiques établis par le règlement REACH ou la directive LdSD, elle aurait eu la possibilité « d’être mieux à même de se défendre », ce qui suffirait à considérer que ses droits de la défense ont été violés.

73      La Commission conteste ces arguments.

74      À cet égard, il convient de rappeler que les droits de la défense, tels qu’ils sont définis par la jurisprudence et l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (en ce qu’il vise le droit d’être entendu), ne trouvent à s’appliquer que durant la procédure d’adoption d’un acte faisant grief et de portée individuelle. S’agissant des actes de portée générale, ni le processus de leur élaboration ni ces actes eux-mêmes n’exigent, en vertu des principes généraux du droit de l’Union, tels que le droit d’être entendu, consulté ou informé, la participation des personnes affectées, à moins qu’une disposition expresse du cadre juridique régissant l’adoption dudit acte confère un tel droit procédural à une personne affectée (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, points 86 et 87 et jurisprudence citée).

75      Or, il est constant que le règlement attaqué ne constitue pas un acte de portée individuelle, mais qu’il possède au contraire une portée générale. La requérante ne saurait dès lors se prévaloir de droits de la défense dans le cadre de la procédure d’adoption du règlement attaqué ni du droit d’être entendue, en dehors des droits procéduraux qui lui sont expressément conférés par la réglementation applicable.

76      En outre, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été constaté aux points 41 à 47 ci-dessus, que la directive sur l’écoconception octroie clairement à la Commission la compétence pour adopter l’interdiction en cause. Par conséquent, le cadre procédural applicable en l’espèce était celui prévu par cette directive et non ceux prévus par d’autres instruments, tels que la directive LdSD ou le règlement REACH. Par ailleurs, la requérante n’allègue aucune violation des règles procédurales établies par la directive sur l’écoconception lors de l’adoption du règlement attaqué.

77      Dès lors, la circonstance que les membres de la requérante n’ont pas été consultés en vertu de procédures qui n’étaient pas applicables en l’espèce, ou qu’ils ne pensaient pas devoir participer au forum consultatif prévu par l’article 18 de la directive sur l’écoconception, en tant que parties intéressées par le produit ou groupe de produits en question, ne saurait constituer une violation des droits procéduraux de la requérante au titre de cette directive.

78      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et omis de prendre toutes les informations en considération, violé l’article 15, paragraphe 1, de la directive sur l’écoconception et manqué à son obligation d’effectuer une analyse d’impact appropriée

79      Par ce troisième moyen, la requérante estime que, en introduisant une interdiction générale de tous les RFH sans qu’une analyse au fond appropriée vienne l’étayer, la Commission a commis une erreur d’appréciation et a omis de prendre toutes les informations en considération.

80      Tout d’abord, la requérante fait valoir que l’analyse de la question de savoir si la Commission peut et doit ou non faire figurer l’interdiction de la totalité des RFH dans le règlement attaqué relève de l’appréciation par celle-ci de ses propres compétences et ne dépend pas d’éléments de fait techniques ou scientifiques ni d’analyses complexes, de sorte que la jurisprudence selon laquelle le contrôle du Tribunal devrait se limiter à vérifier si une erreur manifeste d’appréciation a été commise ne trouverait pas à s’appliquer en l’espèce. En tout état de cause, l’absence d’analyse appuyant l’introduction de l’interdiction des RFH dans le règlement attaqué serait si flagrante qu’elle constituerait une telle erreur manifeste d’appréciation.

81      En l’espèce, l’obligation qui incombe à la Commission d’examiner tous les éléments pertinents serait complétée par les obligations prévues par la directive sur l’écoconception.

82      Ainsi, cette directive requerrait que, lorsqu’elle adopte des mesures d’exécution telles que le règlement attaqué, la Commission examine notamment, d’une part, si les exigences d’écoconception sont bien établies sur la base d’analyses technique, économique et environnementale, en équilibrant les différentes caractéristiques environnementales et, d’autre part, l’impact sur l’environnement, les consommateurs et les fabricants, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), en termes de compétitivité, d’innovation, d’accès au marché et de coûts et avantages. La Commission serait également tenue de s’assurer que ses mesures d’exécution n’aient pas, d’une part, un impact négatif significatif sur les fonctionnalités du produit et, d’autre part, un impact négatif significatif sur la compétitivité de l’industrie. Le document de travail SWD(2017) 350 de la Commission, du 7 juillet 2017, intitulé « Lignes directrices pour une meilleure réglementation », contiendrait des dispositions détaillées sur la façon dont la Commission doit effectuer une telle analyse d’impact.

83      Or, la requérante estime que l’analyse effectuée par la Commission ne remplissait pas ces obligations.

84      En effet, premièrement, la Commission aurait omis de prendre en considération la législation pertinente existante, parmi laquelle le règlement REACH, la directive LdSD et la directive DEEE. Selon la requérante, le fait que d’anciens RFH puissent encore être présents dans d’anciens dispositifs d’affichage ou que tous les RFH ne soient pas soumis à limitation en vertu de la directive LdSD ne rendrait pas nécessaire l’interdiction de ces substances par la directive sur l’écoconception. La directive DEEE reconnaîtrait cela expressément. De plus, la Commission serait tenue, en vertu des lignes directrices pour une meilleure réglementation, d’examiner la cohérence d’une mesure de l’Union envisagée, tant en interne qu’avec d’autres mesures de l’Union, notamment lorsque différentes dispositions législatives entendent réguler les mêmes domaines d’action, ce qu’elle n’aurait manifestement pas fait.

85      Deuxièmement, la Commission aurait également omis d’examiner l’impact du règlement attaqué sur les consommateurs, comme le requiert la directive sur l’écoconception. En effet, l’utilisation de retardateurs de flamme dans les boîtiers des dispositifs d’affichage serait motivée par des considérations de protection contre les incendies. Les RFH auraient, contrairement à d’autres retardateurs de flamme, pour principaux avantages de réduire le risque d’inflammation ainsi que de ralentir la propagation d’un incendie. La Commission reconnaîtrait d’ailleurs, dans son analyse d’impact finale, que les retardateurs de flamme seront toujours nécessaires. Partant, selon la requérante, du fait de l’interdiction, les RFH seront remplacés dans une large mesure par d’autres substances chimiques retardatrices de flamme, susceptibles de poser, elles aussi, des problèmes, pour le recyclage en particulier. Ainsi, si la Commission avait évalué les retardateurs de flamme phosphorés, par exemple, elle aurait constaté qu’il s’agit d’une solution moins intéressante du point de vue de l’empreinte carbone et de l’économie circulaire. Or, l’analyse d’impact finale n’aurait pas examiné ce scénario de remplacement, alors que, si le cadre législatif applicable aux produits chimiques avait été suivi, ce scénario aurait bel et bien été examiné.

86      Troisièmement, la requérante considère que l’analyse d’impact effectuée par la Commission au titre de l’article 15, paragraphe 5, de la directive sur l’écoconception revient à « un exercice consistant à cocher des cases », dépourvu de toute analyse effective de l’impact de l’interdiction en cause sur les RFH. De fait, le seul élément qui aurait été évoqué à l’appui de l’interdiction des RFH lors du lancement de la consultation interservices de 2018 est qu’« une interdiction totale de tous les RFH présents dans le boîtier des dispositifs d’affichage est jugée opportune, sûre, plus simple et plus efficace », ce qui ne serait pas conforme à la norme requise. La Commission aurait omis également d’évaluer la recyclabilité des matières contenant des RFH en tenant compte des différentes méthodes de recyclage.

87      Ensuite, la Commission aurait omis d’apprécier si, pour les substances déjà soumises à limitation en vertu de la directive LdSD et du règlement REACH, il existait une nécessité spécifique d’aller au-delà des restrictions existantes applicables aux dispositifs d’affichage électroniques. Aucune analyse ni aucune justification ne seraient fournies, expliquant en quoi les seuils de concentration prévus dans ces instruments ne seraient pas appropriés pour les dispositifs d’affichage électroniques, alors qu’ils sont censés l’être pour tous les autres EEE. La Commission aurait d’ailleurs omis d’examiner s’il existe un seuil de concentration approprié pour les RFH interdits, ce qui poserait également des problèmes de mise en œuvre et de sécurité juridique importants.

88      Enfin, la Commission n’aurait apprécié ni les propriétés individuelles des substances ni leur capacité individuelle à être recyclées, mais aurait adopté une interdiction générale de l’ensemble du groupe de RFH, qui comprendrait environ 70 substances individuelles pour les seuls retardateurs de flamme bromés, sans aucune appréciation au cas par cas de la nécessité d’interdire chaque substance en particulier. Qui plus est, la Commission n’aurait pas même examiné les propriétés des RFH en tant que groupe. Aucun examen n’aurait été effectué afin d’établir si toutes les substances représentaient le même risque et justifiaient l’adoption de la même approche indifférenciée ou si d’autres considérations pouvaient justifier de ne pas toutes les soumettre à limitation ou de ne les soumettre à limitation qu’à certaines conditions.

89      Une telle pratique serait contraire non seulement à l’obligation qui incombe à la Commission de tenir compte de toutes les informations pertinentes, mais également au considérant 17 de la directive sur l’écoconception, qui requiert que « le niveau des exigences d’écoconception [soit] établi sur la base d’analyses technique, économique et environnementale ».

90      La Commission conteste les arguments de la requérante.

91      Le Tribunal note que, par son troisième moyen, la requérante considère, en substance, que la Commission n’a pas mené d’analyse d’impact appropriée et suffisante avant d’adopter l’interdiction en cause, et qu’elle aurait omis de prendre tous les éléments pertinents en considération.

92      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’elles se livrent à des appréciations complexes, notamment d’ordre scientifique, technique et économique, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, de telle sorte que le contrôle du juge de l’Union à l’égard de ces appréciations doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 97 ; du 22 novembre 2017, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P, EU:C:2017:882, point 34, et du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, points 100 et 101).

93      Or, en considération des évaluations scientifiques et techniques complexes que doit opérer la Commission et eu égard au nombre de paramètres qu’elle doit prendre en compte lorsqu’elle adopte une mesure d’exécution au titre de l’article 15 de la directive sur l’écoconception, l’intervention de cette institution dans ce cadre relève d’une appréciation complexe pour laquelle un large pouvoir d’appréciation doit lui être reconnu.

94      Premièrement, s’agissant du défaut allégué de cohérence entre le règlement attaqué et les différents instruments législatifs, tels que la directive LdSD ou le règlement REACH, dans la mesure où la requérante réitère des arguments qu’elle a présentés dans le cadre du premier moyen, il y a lieu de renvoyer à l’analyse effectuée dans ce cadre, en particulier aux points 49 à 67 ci-dessus.

95      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas tenu compte de l’incidence du règlement attaqué sur les consommateurs, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 15, paragraphe 4, sous b), de ladite directive, « [l]ors de l’élaboration du projet de mesure d’exécution, la Commission […] réalise une évaluation concernant l’impact sur l’environnement, les consommateurs et les fabricants, notamment les PME, en termes de compétitivité, y compris sur les marchés extérieurs à la Communauté, d’innovation, d’accès au marché et de coûts et d’avantages ». En outre, en vertu de l’article 15, paragraphe 5, sous a), de la directive sur l’écoconception, les mesures d’exécution doivent satisfaire au critère selon lequel « il n’y a pas d’impact négatif significatif sur les fonctionnalités du produit du point de vue de l’utilisateur ».

96      Or, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cette évaluation de l’incidence du règlement attaqué sur les consommateurs a été réalisée aux points 2.5.4 et 6.4 de l’analyse d’impact. Ainsi, il ressort de ces points que des solutions de remplacement existent et qu’elles sont déjà largement utilisées dans les dispositifs d’affichage électroniques, de sorte que la requérante ne saurait valablement faire valoir que la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte de la sécurité des produits au regard du risque d’incendie.

97      De plus, l’argument de la requérante selon lequel les RFH présents dans les boîtiers et les supports seraient probablement remplacés par d’autres retardateurs de flamme, tels que les retardateurs de flamme phosphorés, qui pourraient à leur tour poser problème pour le recyclage, n’est pas de nature à infirmer l’exactitude de l’appréciation, qui figure également dans l’analyse d’impact, selon laquelle l’utilisation des RFH dans le boîtier et le support des dispositifs d’affichage électroniques nuit à la recyclabilité de ces parties en matières plastiques qui, au lieu d’être démontées et recyclées, sont incinérées. En outre, la requérante n’établit nullement que les retardateurs de flamme à base de phosphore poseraient les mêmes problèmes en termes de recyclage que les RFH, alors qu’il ressort de l’analyse d’impact que les matières plastiques contenant des RFH ne sont pas du tout recyclées. Au contraire, il ressort de la citation présentée par la requérante dans la réplique que les matières plastiques contenant des retardateurs de flamme dérivés du phosphore le sont, bien que la qualité du recyclage soit légèrement inférieure à celle obtenue avec des matières plastiques ne contenant aucun retardateur de flamme.

98      Troisièmement, en ce qui concerne la prétendue absence ou insuffisance de l’analyse d’impact effectuée au titre de l’article 15, paragraphe 5, de la directive sur l’écoconception, qui, selon la requérante, se résumerait à « un exercice consistant à cocher des cases », il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le tableau mentionné par la requérante dans la requête, qui figure aux pages 49 et 50 de l’analyse d’impact, se limite à présenter les conclusions relatives au respect des différents critères établis par l’article 15, paragraphe 5, de la directive sur l’écoconception, tout en renvoyant aux points de l’analyse d’impact qui traitent de ces critères en détail. En outre, à supposer même que certaines parties de l’analyse d’impact seraient trop restreintes, la requérante n’a pas démontré en quoi les conclusions de cette analyse seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

99      Par ailleurs, la requérante ne saurait utilement se prévaloir du fait que, dans une analyse d’impact antérieure, datant de 2016, la Commission a considéré que « des restrictions ou une interdiction de l’utilisation des retardateurs de flamme semblent toutefois avoir un impact réduit lorsqu’elles sont limitées au secteur des dispositifs d’affichage électroniques et [que] des instruments réglementaires plus appropriés devraient être envisagés ». En effet, cette phrase ne remet pas en cause l’affirmation qui précède, selon laquelle l’obstacle unique à un taux de recyclage important des EEE est la présence de retardateurs de flamme. Comme le fait valoir la Commission, le fait que ce problème ne sera que partiellement résolu par l’adoption du règlement attaqué ne signifie pas que ce règlement et l’interdiction des RFH en vertu de l’interdiction en cause ne seraient pas un moyen approprié afin d’atteindre l’objectif spécifique de parvenir à un taux de recyclage élevé des dispositifs d’affichage électroniques. En ce sens, l’affirmation, dans l’analyse d’impact, selon laquelle « une interdiction totale de tous les [RFH] présents dans le boîtier des dispositifs d’affichage constituerait une solution plus opportune, sûre, simple et efficace [que de simples exigences en matière de marquage et d’informations] » n’est pas contradictoire avec l’analyse qui précède et n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

100    Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait également omis d’apprécier si, pour les substances déjà soumises à limitation en vertu de la directive LdSD et du règlement REACH, il existait une nécessité spécifique d’aller au-delà des restrictions existantes applicables aux dispositifs d’affichage électroniques, il y a lieu de relever que l’analyse d’impact indique clairement les raisons pour lesquelles l’interdiction des seuls RFH soumis à limitation par la directive LdSD et le règlement REACH ne suffirait pas pour atteindre l’objectif poursuivi, qui est d’augmenter le taux de recyclage du boîtier et du support des dispositifs d’affichage électroniques. En ce qui concerne le respect des valeurs maximales fixées dans ces instruments, il y a lieu de renvoyer à l’analyse figurant aux points 55 à 61 ci-dessus dans le cadre du premier moyen.

101    De même, dans la mesure où la requérante considère que la Commission aurait dû évaluer séparément les propriétés individuelles de chacune des 70 substances appartenant au groupe des RFH, il ressort de l’analyse d’impact que le problème spécifique identifié portait sur le fait qu’il n’était pas économiquement viable pour les recycleurs de déterminer quels RFH spécifiques étaient présents dans les matières plastiques, de sorte que toutes les matières plastiques contenant de telles substances étaient incinérées plutôt que recyclées. Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que ce problème ne pouvait être résolu que par l’interdiction d’utiliser tous les RFH, sans procéder à une analyse individuelle des 70 différentes substances appartenant au groupe des RFH.

102    Enfin, cinquièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’analyse d’impact effectuée en vue de l’adoption du règlement attaqué détermine clairement les raisons pour lesquelles l’interdiction en cause ne porte que sur les RFH, compte tenu du problème spécifique qu’ils posent en termes de recyclage, et non pas sur tous les retardateurs de flamme.

103    Au vu de l’ensemble de ces considérations, la Commission a suffisamment pris en compte l’ensemble des éléments pertinents et a procédé à l’analyse d’impact requise, conformément aux exigences de l’article 15 de la directive sur l’écoconception, de sorte qu’elle n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation.

104    Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

105    Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que le règlement attaqué viole le principe de sécurité juridique, qui exige que l’application du droit à une situation donnée soit prévisible.

106    Premièrement, l’interdiction en cause placerait la requérante dans une situation d’insécurité juridique inacceptable, qui découlerait, notamment, de l’absence d’identification claire des substances effectivement visées par l’interdiction en cause. À l’annexe I du règlement attaqué, la notion de « RFH » serait définie comme « un retardateur de flamme contenant un halogène, quel qu’il soit » et un « retardateur de flamme » serait défini comme « une substance qui freine considérablement la propagation d’une flamme ». Ces définitions renverraient à une catégorie de substances, définie en termes généraux en mentionnant des caractéristiques spécifiques, à savoir la présence d’un élément halogène, sans qu’aucune substance soit identifiée individuellement.

107    La requérante souligne également que tous les RFH n’existent pas encore nécessairement et que de telles substances pourraient, à l’avenir, répondre à la définition d’un RFH au sens du règlement attaqué et être automatiquement soumises à interdiction, sans qu’il y ait aucune analyse des risques liés à chaque substance. Telle qu’elle est conçue, l’interdiction générale de RFH non identifiés ne respecterait pas le principe de sécurité juridique, en ce qu’elle ne permettrait pas à la requérante et à ses membres d’apprécier si leurs produits relèvent du champ d’application du règlement attaqué.

108    Deuxièmement, l’absence de sécurité juridique découlerait également de l’absence de tout seuil de concentration minimal à partir duquel l’interdiction s’applique. En effet, il serait tout à fait possible, compte tenu de l’état des techniques d’analyse utilisées aujourd’hui, que des traces d’halogènes soient détectées dans des dispositifs d’affichage électroniques, qui seraient dès lors soumis à limitation au titre du règlement attaqué. En outre, les opérateurs économiques n’auraient aucun moyen de savoir, au moment de la production, si les autorités des États membres appliqueront des essais physiques et donc si les seuils seraient fiables. Cette absence de seuil contrasterait vivement avec les limitations existantes auxquelles les RFH sont soumis en vertu de la directive LdSD et du règlement REACH, qui établissent toutes des seuils de concentration minimaux.

109    La Commission conteste ces arguments.

110    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables, afin que ceux-ci puissent connaître sans ambigüité les droits et obligations qui en découlent et prendre leurs dispositions en conséquence (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, ASM Brescia, C‑347/06, EU:C:2008:416, point 69 ; du 18 novembre 2008, Förster, C‑158/07, EU:C:2008:630, point 67, et du 29 avril 2010, M e.a., C‑340/08, EU:C:2010:232, point 65).

111    En l’espèce, l’interdiction en cause exclut clairement l’utilisation des RFH, actuels ou futurs, dans le boîtier ou le support des dispositifs d’affichage électroniques. En outre, le règlement attaqué définit les termes « dispositif d’affichage électronique » comme un « écran d’affichage et des éléments électroniques associés, dont la fonction première est d’afficher l’information visuelle transmise par câble ou sans-fil », et « [RFH] » comme un « retardateur de flamme contenant un halogène, quel qu’il soit ».

112    Compte tenu de ces définitions, force est de constater que l’interdiction en cause est suffisamment claire, précise et prévisible afin de permettre aux entreprises d’en comprendre la portée et les obligations qui en découlent.

113    Les arguments de la requérante selon lesquels l’interdiction en cause ne renverrait pas à des substances identifiées individuellement et ferait référence aux RFH en tant que groupe, incluant les RFH actuels et futurs, ne sont pas de nature à remettre en cause ce constat. En particulier, le fait que l’interdiction en cause renvoie à une catégorie de substances définie en termes généraux n’est pas, en soi, contraire au principe de sécurité juridique, pour autant que les contours de cette catégorie soient suffisamment clairs. Or, la requérante n’explique pas en quoi elle ne serait pas en mesure d’identifier quelles substances constitueraient des retardateurs de flamme « contenant un halogène », en ce compris s’agissant d’hypothétiques RFH nouveaux développés à l’avenir.

114    S’agissant de l’absence de seuils à partir desquels l’interdiction en cause s’appliquerait, il ne s’agit nullement d’un problème de sécurité juridique, mais plutôt d’une question de cohérence avec d’autres instruments tels que le règlement REACH ou la directive LdSD, question qui a été examinée dans le cadre du premier moyen. En effet, il ressort clairement du règlement attaqué qu’aucun seuil de tolérance n’est prévu pour les RFH dans le boîtier ou le support de dispositifs d’affichage électroniques, dès lors que, selon le considérant 15 du règlement attaqué, l’objectif de l’interdiction en cause n’est pas d’interdire les RFH en raison de leur dangerosité, mais bien d’améliorer le rendement du recyclage de ces composants de dispositifs d’affichage électroniques constitués de matière plastique.

115    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

116    La requérante fait valoir que l’interdiction en cause ne satisfait à aucun des différents aspects du principe de proportionnalité. Selon la jurisprudence de la Cour relative à ce principe, les actes des institutions de l’Union devraient, premièrement, s’abstenir de dépasser les limites de ce qui est approprié, deuxièmement, être nécessaires à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et, troisièmement, être la mesure la moins contraignante, les inconvénients causés ne devant pas être démesurés par rapport aux buts visés.

117    En premier lieu, selon la requérante, la Commission aurait dépassé les limites de ce qui est approprié : premièrement, en utilisant le règlement attaqué au lieu de s’appuyer sur les restrictions prévues par le règlement REACH et la directive LdSD, deuxièmement, en optant pour une interdiction générale des RFH dans les dispositifs d’affichage électroniques au lieu d’adopter d’autres mesures moins contraignantes, telles que le marquage, troisièmement, en interdisant tous les RFH existants et futurs, y compris ceux qui ne sont pas soumis à limitation en vertu du règlement REACH ou de la directive LdSD et, quatrièmement, en omettant d’établir un seuil de teneur minimal. En outre, l’interdiction en cause ne serait pas appropriée pour traiter, plus largement, des enjeux du recyclage des matières plastiques des EEE et de l’économie circulaire.

118    En deuxième lieu, premièrement, l’interdiction en cause ne serait pas nécessaire dès lors que les objectifs déclarés de celle-ci pourraient et devraient être atteints grâce à d’autres instruments législatifs pertinents, notamment le règlement REACH, la directive LdSD et la directive DEEE. La Commission n’aurait pas davantage justifié la nécessité d’interdire les RFH dans les dispositifs d’affichage électroniques, alors que le problème posé par la présence de substances dangereuses dans les matières plastiques serait plus vaste et que la proportion de matières plastiques provenant de dispositifs d’affichage électroniques serait inférieure à la proportion de matières plastiques provenant de l’ensemble des EEE.

119    Deuxièmement, l’interdiction en cause ne serait pas nécessaire dans la mesure où, d’une part, elle s’étendrait à toutes les substances susceptibles de relever, actuellement ou ultérieurement, de la catégorie des RFH au sens du règlement attaqué et, d’autre part, il n’existerait pas de seuil de concentration minimal à partir duquel l’interdiction s’applique. En outre, la Commission n’aurait fourni aucune analyse justifiant la nécessité que le règlement attaqué interdise d’autres substances que celles qui sont déjà soumises à limitation au titre du règlement REACH et de la directive LdSD ou étende l’interdiction des substances déjà soumises à limitation au-delà des seuils prévus par le règlement REACH et la directive LdSD.

120    Troisièmement, l’interdiction en cause ne serait pas nécessaire dans la mesure où elle ne permettrait pas d’atteindre l’objectif déclaré de recyclage des matières plastiques.

121    En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’interdiction des RFH n’est pas la mesure la moins contraignante à laquelle la Commission pouvait recourir, dans la mesure où celle-ci aurait pu renvoyer aux restrictions prévues par d’autres instruments juridiques, tels que le règlement REACH, la directive LdSD et la directive DEEE, prendre des mesures supplémentaires au titre de ces instruments ou encore prendre des initiatives visant à améliorer la mise en œuvre des mesures existantes en vertu de ces instruments.

122    À supposer même que le Tribunal considère que le règlement attaqué était l’instrument approprié pour adopter l’interdiction en cause, il existerait des mesures moins contraignantes, prises ensemble ou isolément, auxquelles la Commission aurait pu recourir en vertu de ce règlement, telles que :

–        interdire uniquement des substances spécifiques identifiées sur la base d’une analyse démontrant la nécessité d’interdire cette substance en particulier ;

–        inclure un seuil autorisant une teneur « minimale » en RFH (comme pour les restrictions prévues par le règlement REACH et la directive LdSD) ;

–        imposer des exigences de marquage des composants en matières plastiques et de fourniture d’informations détaillées sur le type et la quantité des retardateurs de flamme allant au-delà du marquage de la teneur en retardateur de flamme déjà requis par le point D.2 de l’annexe II du règlement attaqué, pour autant que cette exigence existante ait été jugée insuffisante ;

–        imposer des exigences de conception des produits qui facilitent la collecte séparée des matières plastiques des DEEE contenant des RFH, comme l’énoncerait l’analyse d’impact ;

–        imposer des exigences de conception des produits qui limitent la nécessité d’utiliser des RFH, telles que, par exemple, l’exigence de l’utilisation de sources d’alimentation externes standardisées ;

–        exiger l’utilisation de techniques de recyclage complémentaires, telles que les technologies de dissolution chimique conçues pour récupérer le polymère, ôter les additifs et détruire les anciennes substances le cas échéant.

123    La Commission conteste les arguments de la requérante.

124    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union. En vertu de ce principe, les actes des institutions de l’Union ne doivent pas dépasser la limite de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la mesure en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13 ; du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, EU:C:1998:192, point 96, et du 23 septembre 2020, BASF/Commission, T‑472/19, non publié, EU:T:2020:432, point 108).

125    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de mise en œuvre du principe de proportionnalité, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission lorsqu’elle adopte une mesure d’exécution au titre de l’article 15 de la directive sur l’écoconception (voir points 92 et 93 ci-dessus), seul le caractère manifestement inapproprié d’une telle mesure, par rapport à l’objectif que la Commission entend poursuivre, peut affecter la légalité de cette mesure.

126    Tout d’abord, s’agissant du caractère approprié et nécessaire de l’interdiction en cause, il convient de relever que la circonstance que celle-ci aurait pu être adoptée dans un cadre juridique différent, ou que des mesures différentes auraient pu être prises, répondant à une préoccupation différente, ne saurait remettre en cause le caractère approprié et nécessaire de cette mesure, au regard des objectifs qu’elle poursuit.

127    En effet, comme le fait valoir la Commission, l’objectif spécifique poursuivi par l’interdiction en cause consiste, selon le considérant 15 du règlement attaqué, à améliorer le rendement du recyclage de certains composants en matières plastiques des dispositifs d’affichage électroniques et non, comme le fait valoir la requérante, à traiter plus largement des enjeux du recyclage des matières plastiques de tous les EEE, même si ces objectifs se recoupent en partie.

128    Or, au regard de cet objectif spécifique et de la marge d’appréciation dont dispose la Commission à cet égard, l’adoption de l’interdiction en cause par le règlement attaqué, qui fixe certaines exigences en matière d’écoconception pour les dispositifs d’affichage électroniques, conformément à la directive sur l’écoconception, plutôt que par d’autres instruments tels que le règlement REACH ou la directive LdSD, n’apparaît pas manifestement inappropriée ou non nécessaire.

129    Contrairement à ce que fait valoir la requérante à cet égard, tant le règlement attaqué que l’analyse d’impact contiennent des explications suffisantes concernant la nécessité d’interdire l’utilisation de tous les RFH dans le boîtier et le support des dispositifs d’affichage électroniques, et non uniquement ceux qui sont déjà soumis à restriction en vertu du règlement REACH ou de la directive LdSD.

130    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû fournir une analyse de la nécessité d’interdire tous les RFH au-delà des seuils prévus par le règlement REACH ou de la directive LdSD, il y a lieu de renvoyer aux points 55 à 61 ci-dessus.

131    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’interdiction en cause ne serait pas nécessaire dans la mesure où elle ne permettrait pas d’atteindre l’objectif déclaré de recyclage des matières plastiques, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort de l’analyse d’impact, l’interdiction des RFH dans le boîtier et le support des dispositifs d’affichage électroniques est nécessaire afin de garantir que ces parties en matières plastiques soient recyclées plutôt qu’incinérées. Il ressort également de l’analyse d’impact que, en l’absence de ces RFH, le recyclage de ces parties est rentable, même en présence d’autres substances qui le rendent plus difficile. En ce qui concerne les exigences de marquage, de telles exigences ne seraient pas suffisantes dans la mesure où la majorité des dispositifs d’affichage électroniques sont broyés et incinérés plutôt que démontés. Enfin, l’identification des matières plastiques contenant des RFH ne serait pas économiquement viable. Or la requérante n’a pas démontré en quoi ces appréciations figurant dans l’analyse d’impact, effectuée en vue de l’adoption du règlement attaqué, seraient manifestement erronées.

132    Partant, la requérante n’a pas démontré que l’interdiction en cause ne serait manifestement ni appropriée ni nécessaire pour atteindre l’objectif spécifique poursuivi par celle-ci.

133    Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’apparaît pas de manière manifeste que d’autres mesures moins contraignantes auraient été disponibles, tout en permettant d’atteindre l’objectif poursuivi.

134    En effet, tout d’abord, il n’apparaît pas que des mesures adoptées au titre du règlement REACH, de la directive LdSD ou de la directive DEEE auraient été plus appropriées et moins contraignantes pour atteindre l’objectif poursuivi.

135    S’agissant des restrictions adoptées au titre du règlement REACH, celles-ci peuvent être adoptées à l’égard de substances qui comportent certains dangers ou un risque inacceptable pour la santé humaine ou pour l’environnement, mais elles n’ont pas pour objectif de garantir que le recyclage de matières plastiques est économiquement viable ou que le taux de recyclage pour certaines catégories de produits, tels que les dispositifs d’affichage électroniques, est atteint.

136    En ce qui concerne la directive LdSD, celle-ci a pour objectif de limiter l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les EEE. Si la Commission reconnaît qu’il aurait été possible, en principe, d’utiliser cette directive pour limiter l’utilisation des RFH en raison de l’incidence négative sur la recyclabilité des EEE, une telle règle s’appliquerait alors à tous les EEE, à l’exception de ceux bénéficiant d’une exemption spécifique. Une telle interdiction aurait donc eu une portée plus large que celle prévue par le règlement attaqué, qui s’applique uniquement aux RFH utilisés dans le boîtier ou le support des dispositifs d’affichage électroniques. L’interdiction des RFH dans tous les EEE en vertu de la directive LdSD ne serait donc pas une mesure moins contraignante et irait au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser l’objectif poursuivi.

137    En outre, la requérante n’a pas démontré ni même expliqué en quoi l’amélioration de l’application des mesures existantes au titre de ces instruments permettrait d’atteindre l’objectif poursuivi par l’interdiction en cause.

138    Quant aux mesures alternatives énumérées par la requérante (voir point 122 ci-dessus), il convient de relever, à l’instar de la Commission, soit qu’elles seraient bien plus contraignantes pour les fabricants que l’interdiction en cause, soit qu’elles ne permettraient pas d’atteindre l’objectif légitime poursuivi.

139    En effet, premièrement, s’agissant de la mesure consistant à interdire uniquement des substances spécifiques appartenant au groupe des RFH, identifiées sur la base d’une analyse démontrant la nécessité d’interdire cette substance en particulier, outre qu’une telle mesure serait plus difficile à mettre en œuvre, elle ne permettrait pas d’atteindre l’objectif poursuivi par l’interdiction en cause, puisque la nécessité d’interdire tous les RFH a été clairement justifiée dans le règlement attaqué ainsi que dans l’analyse d’impact au motif qu’elle a pour objectif d’augmenter le taux de recyclage de certains composants en matières plastiques présents dans les dispositifs d’affichage électroniques.

140    Deuxièmement, en ce qui concerne la mesure consistant à inclure un seuil autorisant une teneur maximale pour les RFH, comme pour les restrictions prévues par le règlement REACH et la directive LdSD, il y a lieu de renvoyer aux points 55 à 61 ci-dessus.

141    Troisièmement, la requérante soutient qu’aurait été moins contraignante une mesure consistant à imposer des exigences de marquage des composants en matières plastiques et de fourniture d’informations détaillées sur le type et la quantité des retardateurs de flamme allant au-delà du marquage de la teneur en retardateur de flamme déjà requis par le point D.2 de l’annexe II du règlement attaqué, pour autant que cette exigence existante ait été jugée insuffisante. Toutefois, il convient d’observer qu’une telle mesure de marquage ne permettrait pas d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir le recyclage de certains composants des dispositifs d’affichage électroniques, étant donné que la majorité de ces composants en matières plastiques sont broyés et incinérés plutôt que démontés.

142    Quatrièmement, s’agissant de la mesure consistant à imposer des exigences de conception des produits qui faciliteraient la collecte séparée des matières plastiques des DEEE contenant des RFH, il convient de relever, à l’instar de la Commission, qu’elle est également plus contraignante que l’interdiction en cause, car un tri resterait nécessaire et le recyclage serait plus compliqué qu’en l’absence de RFH. De plus, cette mesure ne permettrait pas d’atteindre l’objectif poursuivi par l’interdiction en cause compte tenu du constat effectué par la Commission dans l’analyse d’impact selon lequel, à l’heure actuelle, il n’existe aucune technique économiquement viable en raison de la faible valeur du plastique recyclé qui pourrait en résulter.

143    Cinquièmement, en ce qui concerne la mesure consistant à imposer des exigences de conception des produits qui limiteraient la nécessité d’utiliser des RFH, telles que, par exemple, l’exigence de l’utilisation de sources d’alimentation externes standardisées, une telle mesure serait également plus contraignante dans la mesure où elle s’appliquerait à tous les fabricants, y compris ceux qui n’utilisent déjà plus de RFH dans le boîtier ou le support des dispositifs d’affichage électroniques et pour lesquels le problème à traiter ne se pose donc pas.

144    Sixièmement, s’agissant de la mesure consistant à exiger l’utilisation de techniques de recyclage complémentaires, telles que les technologies de dissolution chimique conçues pour récupérer le polymère, ôter les additifs et détruire les anciennes substances, le cas échéant, la requérante ne démontre pas en quoi une telle mesure permettrait d’atteindre l’objectif poursuivi, ni qu’elle serait économiquement viable pour les recycleurs, compte tenu des problèmes de recyclabilité identifiés dans l’analyse d’impact.

145    Partant, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré qu’il existerait des mesures manifestement moins contraignantes permettant d’atteindre l’objectif poursuivi par l’interdiction en cause, de sorte qu’aucune violation du principe de proportionnalité ne saurait être établie en l’espèce.

146    Il y a lieu, par conséquent, de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

147    Par son sixième moyen, la requérante fait valoir que l’interdiction en cause viole le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination, pour deux motifs.

148    Premièrement, l’interdiction en cause discriminerait les dispositifs d’affichage électroniques par rapport à d’autres catégories de produits. En effet, l’interdiction en cause serait, à la connaissance de la requérante, la première réglementation sur les exigences en matière d’écoconception à interdire la présence de certaines substances. De ce fait, les fabricants de dispositifs d’affichage électroniques et leurs fournisseurs de matières premières seraient traités moins favorablement que les fabricants et les fournisseurs d’autres catégories de produits, qui seraient uniquement tenus de respecter les restrictions adoptées en vertu du règlement REACH et de la directive LdSD.

149    Deuxièmement, elle discriminerait les RFH par rapport à d’autres substances chimiques puisque les RFH seraient les seules substances interdites en vertu du règlement attaqué. En effet, alors que le cadmium serait « un obstacle supplémentaire à la gestion efficace des flux de déchets », les limitations imposées au cadmium par la directive LdSD seraient, contrairement aux limitations imposées aux retardateurs de flamme par ladite directive, soumises à une exemption en vue de leur utilisation dans les dispositifs d’affichage électroniques. Contrairement aux RFH, le règlement attaqué n’interdirait pas l’utilisation du cadmium, pas même après l’expiration de l’exemption prévue par la directive LdSD, mais introduirait un marquage spécifique pour les dispositifs d’affichage électroniques contenant du cadmium. L’interdiction des RFH serait, de plus, discriminatoire par rapport à d’autres substances chimiques utilisées dans les dispositifs d’affichage électroniques, qui ne sont pas soumises à des interdictions et dont le rôle éventuel dans les problèmes rencontrés dans le cadre du recyclage des matières plastiques des EEE ne serait pas même évalué.

150    La Commission conteste ces arguments.

151    Selon la jurisprudence, le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 23 et jurisprudence citée).

152    La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose, dès lors, que les situations visées soient comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, points 25 et 26 et jurisprudence citée).

153    Or, en l’espèce, comme le fait valoir la Commission, la requérante n’explique nullement en quoi la situation d’autres catégories de produits serait comparable à celle des dispositifs d’affichage électroniques, compte tenu, notamment, de l’objectif visant à améliorer le taux de recyclage de certains composants en matières plastiques de ces produits, des difficultés de recyclage posées par la présence de RFH dans ces composants, ou encore du fait que la présence de ces RFH n’est plus nécessaire du point de vue de la sécurité, dès lors qu’il existe des solutions alternatives et qu’elles sont déjà largement utilisées.

154    De même, s’agissant de la prétendue inégalité de traitement entre les RFH et d’autres substances, telles que le cadmium ou d’autres retardateurs de flamme, la requérante ne démontre nullement en quoi ces produits seraient dans une situation comparable au regard des paramètres énoncés au point 152 ci-dessus. S’agissant, en particulier, de la réglementation relative au cadmium, il y a lieu de renvoyer à l’analyse figurant aux points 51 et suivants ci-dessus. S’agissant de la différence de traitement entre les RFH et d’autres retardateurs de flamme comme les retardateurs de flamme phosphorés, il y a lieu de renvoyer au point 97 ci-dessus.

155    Enfin, s’agissant de la prétendue inégalité de traitement inhérente à l’interdiction en cause, du fait qu’elle traiterait de la même manière les RFH qui sont déjà soumis à limitation et ceux qui ne le sont pas, il convient de relever que l’interdiction de tous les RFH est justifiée par l’objectif de l’interdiction en cause consistant à améliorer le taux de recyclage de certains composants en matières plastiques des dispositifs d’affichage électroniques. En effet, il ressort de l’analyse d’impact que le problème spécifique auquel l’interdiction en cause entend remédier porte sur le fait qu’il n’est pas économiquement viable pour les recycleurs de déterminer quels RFH spécifiques sont présents dans les matières plastiques, de sorte que toutes les matières plastiques contenant de telles substances sont incinérées plutôt que recyclées.

156    Dès lors, compte tenu des considérations qui précèdent, la requérante n’a pas démontré que la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement en adoptant l’interdiction en cause du règlement attaqué.

157    Partant, il y a lieu de rejeter le sixième moyen comme étant non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation l’article 15, paragraphe 1, de la directive sur l’écoconception ainsi que de l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, et des articles 7 et 8 de la décision 1999/468/CE et de ce que la Commission aurait agi ultra vires en adoptant le règlement attaqué

158    Par son septième et dernier moyen, la requérante fait valoir que l’adoption de mesures d’exécution en vertu de la directive sur l’écoconception suit la procédure de réglementation avec contrôle, qui exige que la Commission soumette un projet de mesures au comité de réglementation pour l’écoconception afin que ce comité émette son avis sur ce projet. En l’espèce, des modifications substantielles auraient été apportées au projet du règlement attaqué, parmi lesquelles la réinstauration de l’interdiction des RFH, lors de la réunion du comité de réglementation pour l’écoconception du 19 décembre 2018. Lors de cette même réunion, le comité de réglementation pour l’écoconception aurait également émis un avis positif sur le projet du règlement attaqué, qu’il avait modifié.

159    Or, la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO 1999, L 184, p. 23), telle que modifiée par la décision 2006/512/CE du Conseil, du 17 juillet 2006 (JO 2006, L 200, p. 11), prévoirait une liste exhaustive des situations dans lesquelles la Commission peut « soumet[tre] une proposition relative aux mesures », c’est-à-dire modifier le projet de mesure proposé. La Commission disposerait de cette compétence lorsqu’un tel projet de mesures n’est « pas conform[e] à l’avis du comité, ou en l’absence d’avis ». En l’espèce, le comité de réglementation pour l’écoconception n’aurait émis son avis positif que par le biais d’un vote, après avoir modifié le projet du règlement attaqué. Cet élément serait confirmé par le procès-verbal de la réunion en question dudit comité.

160    La requérante estime, dès lors, que la Commission a violé l’article 15, paragraphe 1, de la directive sur l’écoconception ainsi que l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, et les articles 7 et 8 de la décision 1999/468 et qu’elle a agi ultra vires. Ce faisant, la Commission aurait également contourné ses directions générales compétentes et les parties intéressées externes qui avaient auparavant fait part de leurs préoccupations concernant l’interdiction générale des RFH.

161    La Commission conteste les arguments de la requérante.

162    L’article 15, paragraphe 1, de la directive sur l’écoconception prévoit que les mesures d’exécution adoptées en vertu de cette directive sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 19, paragraphe 3, de cette directive.

163    L’article 19, paragraphe 3, de la directive sur l’écoconception prévoit que « dans les cas où il est fait référence au présent paragraphe, l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, et l’article 7 de la décision 1999/468/CE s’appliquent, dans le respect des dispositions de l’article 8 de celle-ci ».

164    Or, la décision 1999/468 a été abrogée et remplacée par le règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13).

165    L’article 13, paragraphe 1, sous e), du règlement no 182/2011 prévoit ainsi que, lorsqu’un acte de base adopté avant l’entrée en vigueur de ce règlement fait référence aux articles 7 et 8 de la décision 1999/468, les articles 10 et 11 dudit règlement s’appliquent.

166    La Commission ne saurait, dès lors, avoir violé les articles 7 et 8 de la décision 1999/468, puisqu’ils n’étaient plus en vigueur au moment où la procédure devant le comité de réglementation sur l’écoconception a eu lieu dans la présente affaire.

167    En outre, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette présentation doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel (voir arrêt du 13 mai 2020, Germanwings/Commission, T‑716/17, EU:T:2020:181, point 145 et jurisprudence citée). Dès lors, dans la mesure où la requérante n’explique pas clairement en quoi les articles 10 et 11 du règlement no 182/2011 auraient été violés en l’espèce, une telle argumentation doit être rejetée comme irrecevable.

168    S’agissant de l’article 5 bis de la décision 1999/468, qui demeure applicable en vertu de l’article 12, deuxième alinéa, du règlement no 182/2011, celui-ci prévoit, à son paragraphe 3, ce qui suit :

« Lorsque les mesures envisagées par la Commission sont conformes à l’avis du comité, la procédure suivante s’applique :

[…]

c)      si, dans un délai de trois mois à compter de leur saisine, le Parlement européen ou le Conseil s’opposent au projet de mesures, celles-ci ne sont pas arrêtées par la Commission. Dans ce cas, la Commission peut soumettre au comité un projet de mesures modifié ou présenter une proposition législative sur la base du traité ;

[…] »

169    Cependant, force est de constater que l’argument de la requérante, selon lequel le comité de réglementation aurait lui-même modifié le projet de règlement avant de donner son avis favorable sur celui-ci, repose sur une prémisse factuelle erronée.

170    En effet, la Commission a expliqué dans le mémoire en défense que, afin d’obtenir un avis favorable du comité, elle avait apporté des modifications à son projet de règlement, conformément à l’article 5 bis de la décision 1999/468. Ainsi, ce n’est pas le comité de réglementation qui a modifié le projet de règlement, mais la Commission, qui disposait de la compétence nécessaire pour le faire. Après la réunion du comité, une mesure a été envisagée par la Commission conformément à l’avis du comité, comme le prévoit l’article 5 bis, paragraphe 3, de la décision 1999/468.

171    Or, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas fourni le moindre élément de preuve permettant de remettre en cause la réalité de ces faits, tels qu’ils ont été décrits par la Commission.

172    Par ailleurs, il y a lieu de rejeter les allégations de la requérante selon lesquelles le comité de réglementation pouvait seulement rendre un avis favorable ou défavorable sur un projet, qui ne pouvait pas être modifié. En effet, aucune disposition du droit de l’Union ne prévoit que ce comité ne puisse pas discuter d’un projet présenté par la Commission, proposer des modifications et voir ces modifications reprises par cette institution. Au contraire, l’article 4, paragraphe 5, du règlement de procédure du comité pour l’écoconception et l’étiquetage énergétique des produits énergétiques prévoit que « […] [a]vant le vote, le président informe le comité de la manière dont les discussions et les suggestions de modification ont été prises en compte, notamment en ce qui concerne les suggestions qui ont reçu un large soutien au sein du comité ».

173    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le septième moyen comme étant non fondé, ainsi que le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner les mesures d’instruction demandées par la requérante, visées au point 9 ci-dessus. En effet, il suffit de constater que la Commission ne s’est nullement fondée sur ces documents pour étayer sa position relative à la légalité du règlement attaqué et qu’ils n’apparaissent pas nécessaires pour statuer sur le présent litige.

 Sur les dépens

174    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

175    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bromine Science Environnemental Forum (BSEF) est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.