Language of document : ECLI:EU:C:2006:773

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

12 décembre 2006 (*)

«Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Impôt sur les sociétés – Distribution de dividendes – Crédit d’impôt – Traitement distinct des actionnaires résidents et des actionnaires non-résidents – Conventions bilatérales préventives de la double imposition»

Dans l’affaire C-374/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), par décision du 25 août 2004, parvenue à la Cour le 30 août 2004, dans la procédure

Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation

contre

Commissioners of Inland Revenue,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts (rapporteur), R. Schintgen, et J. Klučka, présidents de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, M. Ilešič, J. Malenovský et U. Lõhmus, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 novembre 2005,

considérant les observations présentées:

–        pour Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, par MM. G. Aaronson et D. Milne, QC, ainsi que par MM. P. Farmer et D. Cavender, barristers,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes E. O’Neill et C. Gibbs, en qualité d’agents, assistées de M. G. Barling, QC, ainsi que de M. D. Ewart et Mme J. Stratford, barristers,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing et U. Forsthoff, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par M. J. Gracia, en qualité d’agent,

–        pour l’Irlande, par M. D. J. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. A. M. Collins, SC, et de Mme G. Clohessy, BL,

–        pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. M. De Grave, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 février 2006,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE, 56 CE, 57 CE et 58 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant des groupes de sociétés aux Commissioners of Inland Revenue (administration fiscale du Royaume-Uni) au sujet du refus de ces derniers d’accorder à des sociétés non-résidentes desdits groupes un crédit d’impôt pour des dividendes qui leur ont été versés par des sociétés résidentes.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), prévoit:

«Lorsqu’une société mère reçoit, à titre d’associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de celle-ci, l’État de la société mère:

–        soit s’abstient d’imposer ces bénéfices,

–        soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale en application des dispositions dérogatoires de l’article 5, dans la limite du montant de l’impôt national correspondant.»

 La réglementation nationale

4        En vertu de la législation fiscale en vigueur au Royaume-Uni, les bénéfices réalisés, au cours d’un exercice comptable, par toute société résidant dans cet État membre sont soumis à l’impôt sur les sociétés dans ledit État.

5        Depuis 1973, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord applique un système d’imposition dit d’«imputation partielle», selon lequel, afin d’éviter la double imposition économique, lorsqu’une société résidente distribue des bénéfices, une partie de l’impôt sur les sociétés payé par cette société est imputée à ses actionnaires. Jusqu’au 6 avril 1999, ce système se basait, d’une part, sur le paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés par la société distributrice et, d’autre part, sur un crédit d’impôt octroyé aux actionnaires bénéficiaires d’une distribution de dividendes.

 Le paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés

6        Conformément à l’article 14 de la loi de 1988 relative aux impôts sur le revenu et les sociétés (Income and Corporation Taxes Act 1988, ci-après l’«ICTA»), dans sa version applicable à l’époque des faits au principal, une société résidant au Royaume-Uni qui verse des dividendes à ses actionnaires est tenue de procéder au paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés («advance corporation tax», ci-après l’«ACT»), calculé sur le montant ou la valeur de la distribution effectuée.

7        Une société a le droit d’imputer l’ACT payé au titre d’une distribution réalisée au cours d’un exercice comptable donné, sur le montant dont elle est redevable au titre de l’impôt sur les sociétés («mainstream corporation tax») pour cet exercice, dans une certaine limite. Si la dette fiscale d’une société au titre de l’impôt sur les sociétés est insuffisante pour permettre l’imputation intégrale de l’ACT, l’excédent d’ACT peut être transféré soit sur un exercice antérieur ou ultérieur, soit aux filiales de cette société qui peuvent l’imputer sur le montant dont elles-mêmes sont redevables au titre de l’impôt sur les sociétés. Les filiales auxquelles l’ACT excédentaire peut être transféré ne peuvent être que des filiales résidentes du Royaume-Uni.

8        Un groupe de sociétés du Royaume-Uni peut aussi opter pour le régime de l’imposition de groupe, qui permet aux sociétés appartenant à ce groupe de reporter le paiement de l’ACT jusqu’à ce que la société mère dudit groupe procède à une distribution de dividendes. Ce régime, qui a fait l’objet de l’arrêt du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C‑397/98 et C‑410/98, Rec. p. I‑1727), n’est pas en cause dans la présente affaire.

 Le crédit d’impôt octroyé aux actionnaires résidents

9        En application de l’article 208 de l’ICTA, lorsqu’une société résidente du Royaume-Uni perçoit des dividendes d’une société résidant également au Royaume-Uni, elle n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés au titre de ces dividendes.

10      En outre, en vertu de l’article 231, paragraphe 1, de l’ICTA, toute distribution de dividendes soumise à l’ACT par une société résidente à une autre société résidente donne lieu, au profit de cette dernière société, à un crédit d’impôt correspondant à la fraction du montant de l’ACT versé par la première société. Aux termes de l’article 238, paragraphe 1, de l’ICTA, dans le chef de la société bénéficiaire, le dividende perçu et le crédit d’impôt constituent ensemble le «revenu d’investissement exonéré» («franked investment income»).

11      Une société résidant au Royaume-Uni ayant reçu d’une autre société résidente des dividendes dont la distribution a ouvert droit au crédit d’impôt, peut reprendre le montant de l’ACT acquitté par cette autre société et le déduire du montant de l’ACT qu’elle-même doit payer lorsqu’elle procède à une distribution de dividendes à ses propres actionnaires, de sorte qu’elle n’acquitte l’ACT que pour le surplus.

12      Conformément au barème F de l’ICTA, une personne physique résidant au Royaume-Uni est assujettie à l’impôt sur le revenu pour les dividendes perçus d’une société résidente de cet État membre. Elle a toutefois droit à un crédit d’impôt correspondant à la fraction du montant de l’ACT versé par cette société. Ce crédit d’impôt peut être déduit du montant dû par cette personne au titre de l’impôt sur le revenu relatif au dividende, ou peut être payé en liquide si le crédit dépasse le montant de l’imposition de cette personne.

13      Ces dispositions ont pour effet que les bénéfices distribués par des sociétés résidentes sont imposés une fois dans le chef des sociétés et ne sont imposés dans le chef de l’actionnaire final que dans la mesure où l’impôt sur le revenu de ce dernier excède le crédit d’impôt auquel il a droit.

 La situation des actionnaires non-résidents

14      Une société qui ne réside pas au Royaume-Uni, n’y est, en principe, assujettie à l’impôt sur le revenu que pour les revenus ayant leur source dans cet État membre, ce qui inclut les dividendes qui lui sont versés par une société résidente dudit État membre. Toutefois, en application de l’article 233, paragraphe 1, de l’ICTA, lorsqu’une société non-résidente ne bénéficie pas d’un crédit d’impôt au Royaume-Uni, elle n’y est pas soumise à l’impôt sur le revenu au titre desdits dividendes.

15      En revanche, lorsque, en vertu d’une convention préventive de la double imposition (ci-après la «CDI») conclue par le Royaume-Uni, une société non-résidente a droit dans cet État membre à un crédit d’impôt intégral ou partiel, elle est soumise dans ce même État à l’impôt sur le revenu au titre des dividendes qu’elle perçoit d’une société résidente.

16      De même, une personne physique non-résidente du Royaume-Uni est en principe soumise à l’impôt sur le revenu dans cet État membre en ce qui concerne les dividendes ayant leur source dans cet État membre mais, dans la mesure où cette personne ne bénéficie pas dans ce même État d’un crédit d’impôt en vertu de la législation nationale ou d’une CDI, elle n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu au titre de ces dividendes dans ledit État.

17      Alors que le Royaume-Uni, dans les CDI conclues avec d’autres États membres ou des pays tiers, se réserve généralement le droit de soumettre à l’impôt les dividendes payés par ses résidents à des non-résidents, ces CDI contiennent souvent des limitations au taux d’imposition que le Royaume-Uni peut appliquer. Ce taux maximal peut varier selon les circonstances, et, en particulier, selon qu’une CDI accorde à l’actionnaire un crédit d’impôt intégral ou partiel.

18      Certaines CDI conclues par le Royaume-Uni n’octroient pas le bénéfice d’un crédit d’impôt aux sociétés résidant dans l’autre État contractant lorsque celles-ci reçoivent des dividendes d’une société résidant au Royaume-Uni. Cela est le cas, notamment, des CDI conclues avec la République fédérale d’Allemagne et avec le Japon.

19      D’autres CDI prévoient un crédit d’impôt sous certaines conditions. Ainsi, le crédit d’impôt prévu par la CDI conclue avec le Royaume des Pays-Bas est accordé de manière intégrale aux actionnaires résidant dans cet État membre qui détiennent moins de 10 % des droits de vote de la société distributrice et de manière partielle lorsque les actionnaires détiennent 10 % ou plus desdits droits de vote.

20      La CDI conclue avec le Royaume des Pays-Bas contient, en outre, une clause dite de «limitation d’avantages», selon laquelle le crédit d’impôt prévu par cette CDI est supprimé lorsque la société actionnaire non-résidente est elle-même détenue par une société établie dans un État avec lequel le Royaume-Uni a conclu une CDI qui n’accorde pas de crédit d’impôt aux sociétés percevant des dividendes d’une société résidente du Royaume-Uni.

21      Il convient de préciser que ces dispositions de la législation en vigueur au Royaume-Uni ont été substantiellement modifiées par la loi de finances de 1998, (Finance Act 1998), qui s’applique aux distributions de dividendes effectuées à partir du 6 avril 1999. Le cadre juridique décrit ci-dessus est celui qui était en vigueur avant cette date.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

22      Le litige au principal relève d’un litige du type «group litigation» au titre de l’ACT, constitué par des demandes en restitution et/ou en compensation introduites contre les Commissioners of Inland Revenue devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, à la suite de l’arrêt Metallgesellschaft e.a., précité.

23      Dans cet arrêt, la Cour, statuant sur des questions préjudicielles émanant de la même juridiction nationale, a dit pour droit, en réponse à la première question posée, que l’article 43 CE s’oppose à la législation fiscale d’un État membre qui accorde aux sociétés résidant dans cet État la possibilité de bénéficier d’un régime d’imposition leur permettant de verser des dividendes à leur société mère sans être assujetties au paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés lorsque leur société mère réside également dans ce même État et leur refuse cette possibilité lorsque leur société mère a son siège dans un autre État membre.

24      Dans sa réponse à la deuxième question posée dans cette même affaire, la Cour a dit pour droit que, lorsqu’une filiale résidant dans un État membre a été soumise à l’obligation d’acquitter par anticipation l’impôt sur les sociétés au titre des dividendes versés à sa société mère ayant son siège dans un autre État membre, alors que, dans des circonstances similaires, les filiales de sociétés mères résidant dans le premier État ont pu opter pour un régime d’imposition les faisant échapper à cette obligation, l’article 43 CE exige que les filiales résidentes et leurs sociétés mères non-résidentes bénéficient d’une voie de recours effective pour obtenir le remboursement ou le dédommagement de la perte financière qu’elles ont subie au profit des autorités de l’État membre concerné à la suite du paiement anticipé de l’impôt par les filiales.

25      Dans l’affaire au principal, le litige pendant devant la juridiction de renvoi au titre de l’ACT comprend quatre groupes différents, pour lesquels des questions communes ont été identifiées. Au moment où la juridiction de renvoi a rendu sa décision, le groupe IV dudit litige est constitué de 28 demandes introduites par des groupes de sociétés comprenant au moins une société non-résidente qui s’opposent au refus des Commissioners of Inland Revenue d’accorder à une telle société non-résidente un crédit d’impôt lorsqu’elle perçoit des dividendes d’une société résidente.

26      Les quatre affaires choisies par la juridiction de renvoi comme affaires «pilotes» aux fins du présent renvoi préjudiciel concernent des demandes introduites à la fois par des sociétés résidentes et par des sociétés non-résidentes appartenant au même groupe que les sociétés résidentes et qui ont perçu des dividendes de celles-ci (ci-après les «demanderesses au principal»). Il s’agit de dividendes versés, entre 1974 et 1998, à des sociétés résidant en Italie (cas du groupe Pirelli), en France (cas du groupe Essilor) et aux Pays-Bas (cas des groupes BMW et Sony).

27      Tandis que, dans le cas du groupe Pirelli, la société non-résidente détient une participation minoritaire, d’au moins 10 %, dans la société résidente, les autres cas concernent des sociétés mères non-résidentes qui contrôlent leur filiale résidente à 100 %. S’agissant des deux sociétés mères résidant aux Pays-Bas, la première est détenue intégralement par une société résidant en Allemagne, tandis que la seconde est détenue par une société résidant au Japon.

28      La juridiction de renvoi relève que ces demandes concernent des questions déjà soumises à la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, mais auxquelles celle-ci n’a pas eu à répondre compte tenu de sa réponse apportée aux première et deuxième questions posées. Tandis que, dans cette affaire, l’octroi d’un crédit d’impôt n’était considéré que comme une alternative au remboursement de l’ACT ou à la réparation des pertes encourues par le paiement de l’ACT, les demandes introduites devant la juridiction de renvoi visent directement l’octroi d’un crédit d’impôt.

29      Dans ces conditions, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 43 CE et 56 CE (lus en combinaison avec les articles 57 CE et 58 CE) (ou les dispositions qui les ont précédés) s’opposent-ils à ce que:

a)      s’agissant d’un État membre A (tel que le Royaume-Uni):

i)      cet État membre instaure et maintienne en vigueur une législation qui confère un droit à un crédit d’impôt intégral en rapport avec des dividendes versés par des sociétés résidentes de l’État membre A (les «dividendes concernés») à des actionnaires personnes physiques résidents de l’État membre A;

ii)      cet État membre applique une disposition de conventions préventives de la double imposition conclues avec d’autres États membres et avec des pays tiers qui confère un droit à un crédit d’impôt intégral (réduit de l’impôt comme prévu par ces conventions) pour des dividendes concernés versés à des actionnaires personnes physiques résidant dans ces autres États membres et dans des pays tiers,

alors qu’il ne confère aucun droit à un crédit d’impôt (qu’il soit intégral ou partiel) pour des dividendes concernés versés par une filiale résidente de l’État membre A (tel que le Royaume-Uni) à une société mère résidente de l’État membre B (tel que la République fédérale d’Allemagne) ni en vertu de dispositions nationales, ni en vertu des dispositions de la convention préventive de la double imposition conclue entre ces deux États?

b)      un État membre A (tel que le Royaume-Uni) applique une disposition de la convention préventive de la double imposition pertinente conférant un droit à un crédit d’impôt partiel pour des dividendes concernés versés à une société mère résidente de l’État membre C (tel que les Pays-Bas), mais ne confère pas un tel droit à une société mère résidente de l’État membre B (tel que la République fédérale d’Allemagne), lorsque la convention préventive de la double imposition conclue entre l’État membre A et l’État membre B ne comporte aucune disposition conférant un crédit d’impôt partiel;

c)       un État membre A (tel que le Royaume-Uni) ne confère pas de droit à un crédit d’impôt partiel, pour des dividendes concernés, à une société résidente de l’État membre C (tel que les Pays-Bas), contrôlée par une société résidente de l’État membre B (tel que la République fédérale d’Allemagne), lorsque l’État membre A applique des dispositions de conventions préventives de la double imposition qui confèrent un tel droit:

i)      aux sociétés résidentes de l’État membre C contrôlées par des résidents de l’État membre C;

ii)      aux sociétés résidentes de l’État membre C contrôlées par des résidentes de l’État membre D (tel que l’Italie) lorsqu’il existe une disposition conférant un crédit d’impôt partiel pour des dividendes concernés dans la convention préventive de la double imposition conclue entre l’État membre A et l’État membre D;

iii)      aux sociétés résidentes de l’État membre D quelle que soit la personne qui contrôle ces sociétés?

d)       Convient-il de répondre différemment à la première question, sous c), si la société résidente de l’État membre C est contrôlée non pas par une société résidente de l’État membre B, mais par une société résidente d’un pays tiers?

2)      En cas de réponse affirmative à tout ou partie de la première question, sous a) à c), quels principes le droit communautaire impose-t-il quant aux droits et voies de recours disponibles dans les circonstances énoncées dans ces questions? En particulier:

a)       l’État membre A est-il obligé de payer:

i)      un crédit d’impôt intégral ou un montant qui lui soit équivalent, ou

ii)      un crédit d’impôt partiel ou un montant qui lui soit équivalent, ou

iii)      un crédit d’impôt, intégral ou partiel, ou un montant qui lui soit équivalent:

–        net de tout impôt supplémentaire sur le revenu dû ou qui aurait été dû si le versement du dividende à l’intéressé avait entraîné le bénéfice d’un crédit d’impôt,

–        net d’un tel impôt calculé sur quelque autre base?

b)      À qui un tel paiement devrait-il être fait:

i)      à la société mère concernée de l’État membre B ou de l’État membre C, ou

ii)      à la filiale concernée de l’État membre A?

c)      Le droit à un tel paiement est-il:

i)      un droit au remboursement de sommes indûment perçues, de telle sorte que ce remboursement est une conséquence ou un accessoire du droit conféré par les articles 43 CE et/ou 56 CE, et/ou

ii)      un droit à la compensation ou à la réparation d’un dommage, de telle sorte qu’il convient de satisfaire aux conditions énoncées dans l’arrêt [du 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, Rec. p. I‑1029], en matière de réparation, et/ou

iii)      un droit à la récupération d’un avantage indûment refusé et, si tel est le cas:

–        un tel droit est-il une conséquence ou un accessoire des droits conférés par les articles 43 CE et/ou 56 CE,ou

–        convient-il de satisfaire aux conditions énoncées dans l’arrêt [Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité], en matière de réparation, ou

–        convient-il de satisfaire à d’autres conditions?

d)       La seconde question, sous c), énoncée ci-dessus appelle-t-elle une réponse différente selon que, dans le cadre du droit national de l’État [membre] A, les demandes introduites le sont au titre d’actions en remboursement ou sont introduites ou doivent l’être au titre d’actions en réparation d’un dommage?

e)       Pour obtenir le remboursement, faut-il que la société introduisant la demande établisse qu’elle ou sa société mère aurait demandé à bénéficier d’un crédit d’impôt (intégral ou partiel selon le cas) si elle avait su qu’elle y était autorisée en vertu du droit communautaire?

f)       La seconde question, sous a), appelle-t-elle une réponse différente si, conformément à l’arrêt [Metallgesellschaft e.a., précité], la filiale concernée résidente de l’État membre A avait pu être remboursée ou avait pu en principe avoir droit au remboursement de l’impôt anticipé sur les sociétés ou à un remboursement au titre de cet impôt pour le dividende versé à la société mère concernée de l’État membre B ou de l’État membre C?

g)      Quelles sont les orientations, s’il en existe, que la Cour de justice considère qu’il conviendrait de donner dans les présentes affaires et quelles sont les circonstances que la juridiction nationale devrait prendre en compte lorsqu’elle est amenée à déterminer s’il y a violation suffisamment caractérisée au sens de l’arrêt [Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité], et en particulier sur la question de savoir si, en l’état actuel de la jurisprudence relative à l’interprétation des dispositions pertinentes du droit communautaire, cette violation présentait un caractère excusable?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question, sous a)

30      Par sa première question, sous a), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 43 CE et 56 CE s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, lors d’une distribution de dividendes par une société résidente, accorde un crédit d’impôt intégral aux actionnaires finals bénéficiaires desdits dividendes qui résident dans cet État membre ou dans un autre État avec lequel ce premier État membre a conclu une CDI prévoyant un tel crédit d’impôt, mais n’accorde pas de crédit d’impôt, intégral ou partiel, à des sociétés bénéficiaires de tels dividendes qui résident dans certains autres États membres.

31      Il ressort du dossier que, plutôt que de soumettre à la Cour un problème de différence de traitement entre, d’une part, des actionnaires finals, résidents ou non, bénéficiaires de dividendes versés par une société résidente et, d’autre part, des sociétés non-résidentes bénéficiaires de tels dividendes, la juridiction de renvoi demande une interprétation du droit communautaire lui permettant d’apprécier la compatibilité avec celui-ci du traitement distinct auquel sont soumises au Royaume-Uni, d’une part, une société résidente qui bénéficie d’un crédit d’impôt lorsqu’elle perçoit des dividendes d’une autre société résidente et dont les actionnaires finals résidents bénéficient également d’un crédit d’impôt lorsqu’ils se voient verser des dividendes et, d’autre part, une société non-résidente qui ne bénéficie au Royaume-Uni, sauf dans certains cas couverts par des CDI, d’aucun crédit d’impôt lorsqu’elle perçoit des dividendes d’une société résidente et dont les actionnaires finals, résidents ou non, n’ont pas non plus droit à un crédit d’impôt.

32      En effet, en vertu de la législation en vigueur au Royaume-Uni, si une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente, bénéficie d’un crédit d’impôt correspondant au montant de l’impôt sur les sociétés payé, de manière anticipée, par cette dernière, une société non-résidente percevant des dividendes d’une société résidente ne bénéficie, en revanche, au titre de cette distribution, d’un crédit d’impôt intégral ou partiel que s’il est prévu par une CDI conclue entre son État de résidence et le Royaume-Uni.

33      Il est vrai que les demanderesses au principal, dans leurs observations devant la Cour, évoquent également la situation moins avantageuse dans laquelle se trouveraient les actionnaires finals percevant des dividendes d’une société non-résidente, lesquels n’ont pas droit à un crédit d’impôt, par rapport aux actionnaires finals percevant des dividendes d’une société résidente, lesquels en bénéficient, en vertu de la législation en vigueur au Royaume-Uni, ou, s’agissant d’actionnaires non-résidents, en vertu d’une CDI. Toutefois, force est de constater que les demanderesses au principal invoquent le traitement moins avantageux auquel seraient soumis les actionnaires de sociétés non-résidentes aux seules fins de dénoncer une restriction à la liberté d’établissement et aux mouvements de capitaux dans le chef desdites sociétés elles-mêmes.

34      Les demanderesses au principal soutiennent, en effet, que la législation du Royaume-Uni en cause est contraire aux articles 43 CE et 56 CE dès lors qu’elle est susceptible de dissuader les sociétés non-résidentes d’établir des filiales dans cet État membre, d’investir dans le capital de sociétés résidentes ou de collecter des capitaux dans ledit État. Cette législation ne pourrait être justifiée ni par une différence pertinente entre la situation des sociétés résidentes percevant des dividendes d’une société résidente et celle des sociétés non-résidentes percevant de tels dividendes, ni par l’objectif d’assurer la cohérence du système fiscal national ou celui de prévenir la double imposition économique des bénéfices distribués.

35      Selon les demanderesses au principal, afin de permettre aux sociétés non-résidentes percevant des dividendes d’une société résidente de mettre leurs actionnaires dans la même situation que les actionnaires de sociétés résidentes percevant de tels dividendes, le Royaume-Uni devrait accorder un crédit d’impôt aux sociétés non-résidentes.

36      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C‑35/98, Rec. p. I‑4071, point 32; Metallgesellschaft e.a., précité, point 37, et du 23 février 2006, Keller Holding, C‑471/04, Rec. p. I-2107, point 28).

37      S’agissant du point de savoir si la législation nationale en cause au principal relève de l’article 43 CE relatif à la liberté d’établissement ou de l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux, il convient de souligner que la question posée concerne des mesures nationales en matière d’imposition de dividendes selon lesquelles, indépendamment de l’ampleur de la participation détenue par l’actionnaire bénéficiaire, une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente se voit accorder un crédit d’impôt, alors que, pour une société non-résidente percevant de tels dividendes, l’octroi d’un crédit d’impôt dépend des dispositions d’une éventuelle CDI que le Royaume-Uni a conclue avec son État de sa résidence. Il s’avère que certaines CDI, telles que celle conclue avec le Royaume des Pays-Bas, font varier l’étendue du crédit d’impôt selon l’ampleur de la participation détenue par l’actionnaire bénéficiaire dans la société distributrice.

38      Il s’ensuit que les mesures en cause sont susceptibles de relever aussi bien de l’article 43 CE que de l’article 56 CE.

39      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, trois des affaires choisies comme affaires «pilotes» dans le cadre du litige pendant devant le juge de renvoi se rapportent à des sociétés résidentes du Royaume-Uni détenues à 100 % par des sociétés non-résidentes. Or, dès lors qu’il s’agit d’une participation qui confère au détenteur une influence certaine sur les décisions de la société et lui permet d’en déterminer les activités, ce sont les dispositions du traité CE relatives à la liberté d’établissement qui trouvent à s’appliquer (arrêts du 13 avril 2000, Baars, C‑251/98, Rec. p. I‑2787, points 21 et 22; du 21 novembre 2002, X et Y, C‑436/00, Rec. p. I‑10829, points 37 et 66 à 68, ainsi que du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, non encore publié au Recueil, point 31).

40      En revanche, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 28 et 30 de ses conclusions, la Cour ne dispose pas d’éléments suffisants pour déterminer la nature de la participation en cause dans la quatrième affaire «pilote» ni de celle détenue par d’autres sociétés parties audit litige. Il ne peut donc être exclu que ce litige porte également sur l’impact de la législation nationale en cause au principal sur des dividendes versés par une société résidente à des sociétés non-résidentes détenant une participation qui ne leur confère pas une influence certaine sur les décisions de la société distributrice et ne leur permet pas d’en déterminer les activités. Dès lors, cette législation doit également être examinée au regard des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.

41      S’agissant, tout d’abord, de l’examen de la question préjudicielle sous l’angle de la liberté d’établissement, les demanderesses au principal soutiennent que, dès lors que, en dehors de certains cas couverts par des CDI, la législation en vigueur au Royaume-Uni n’accorde pas de crédit d’impôt à une société non-résidente percevant des dividendes d’une société résidente ni à ses actionnaires finals, qu’ils soient résidents ou non, elle restreint la liberté d’une telle société non-résidente d’établir des filiales dans ledit État membre. Par rapport aux sociétés résidentes percevant des dividendes d’une société résidente, une société non-résidente serait dans une position désavantageuse en ce sens que, du fait que ses actionnaires ne bénéficient pas d’un crédit d’impôt, elle devrait augmenter le montant de ses dividendes afin que ses actionnaires reçoivent un montant équivalent à ce qu’ils recevraient s’ils étaient actionnaires d’une société résidente.

42      À cet égard, il convient de rappeler que la liberté d’établissement, que l’article 43 CE reconnaît aux ressortissants communautaires et qui comporte pour eux l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l’article 48 CE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté européenne, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C‑307/97, Rec. p. I‑6161, point 35; du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C‑446/03, Rec. p. I‑10837, point 30, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 41).

43      Pour les sociétés, il importe de relever que leur siège au sens de l’article 48 CE sert à déterminer, à l’instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l’ordre juridique d’un État. Admettre que l’État membre d’établissement puisse librement appliquer un traitement différent en raison du seul fait que le siège d’une société est situé dans un autre État membre viderait l’article 43 CE de son contenu (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 18; du 13 juillet 1993, Commerzbank, C‑330/91, Rec. p. I‑4017, point 13; Metallgesellschaft e.a., précité, point 42, et Marks & Spencer, précité, point 37). La liberté d’établissement vise ainsi à garantir le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, en interdisant toute discrimination fondée sur le lieu du siège des sociétés (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/France, point 14, et Saint-Gobain ZN, point 35).

44      En l’occurrence, il n’est pas contesté qu’une société résidente du Royaume-Uni qui perçoit des dividendes d’une autre société résidente se voit accorder dans cet État membre un crédit d’impôt, correspondant à la fraction du montant d’ACT payé par cette dernière, tandis qu’une société non-résidente percevant des dividendes d’une société résidente n’y bénéficie pas d’un tel avantage, sauf en vertu d’une éventuelle CDI conclue entre son État de sa résidence et le Royaume-Uni.

45      De même, lorsqu’une société résidente distribue à son tour des dividendes à ses actionnaires finals et est soumise, à ce titre, au paiement de l’ACT, ces derniers ont droit au Royaume-Uni, lorsqu’ils résident dans cet État ou relèvent d’une CDI prévoyant un tel droit, à un crédit d’impôt pouvant être déduit du montant dont ils sont redevables au titre de l’impôt sur le revenu ou, si le crédit dépasse ce montant, être payé en liquide. En revanche, lorsqu’une société non-résidente verse des dividendes à des actionnaires finals, ceux-ci ne bénéficient pas d’un tel crédit d’impôt.

46      Afin de déterminer si une différence de traitement fiscal est discriminatoire, il convient toutefois de rechercher si, à l’égard de la mesure nationale en cause, les sociétés concernées se trouvent dans une situation objectivement comparable. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une discrimination consiste dans l’application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l’application de la même règle à des situations différentes (voir arrêts du 14 février 1995, Schumacker, C‑279/93, Rec. p. I‑225, point 30, et du 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland, C‑311/97, Rec. p. I‑2651, point 26).

47      Selon les gouvernements du Royaume-Uni ainsi qu’allemand et français, l’Irlande, le gouvernement italien et la Commission des Communautés européennes, en ce qui concerne une mesure nationale accordant un crédit d’impôt aux actionnaires percevant des dividendes d’une société résidente, la situation des sociétés actionnaires résidentes et celle des sociétés actionnaires non-résidentes ne sont pas comparables en ce sens qu’une société non-résidente n’est pas assujettie à l’impôt au Royaume-Uni au titre de ces dividendes. Les gouvernements mentionnés soulignent qu’une société non-résidente n’est pas non plus tenue de payer l’ACT lorsqu’elle distribue des bénéfices à ses propres actionnaires.

48      En revanche, les demanderesses au principal soutiennent que, s’agissant de l’imposition de dividendes perçus d’une société résidente, les sociétés bénéficiaires résidentes et non-résidentes se trouvent dans une situation comparable. Tout en admettant que, au titre de ces dividendes, une société bénéficiaire non-résidente n’est pas assujettie à l’impôt sur le revenu au Royaume-Uni ou, en vertu d’une CDI, y est assujettie, mais bénéficie d’un crédit d’impôt pour l’impôt payé par la société distributrice, elles soulignent qu’une société bénéficiaire résidente est également exonérée de l’impôt sur les sociétés du Royaume-Uni au titre desdits dividendes.

49      À cet égard, il convient de rappeler que les dividendes distribués par une société à ses actionnaires sont susceptibles de faire l’objet, d’une part, d’une imposition en chaîne lorsqu’ils sont taxés, d’abord, dans le chef de la société distributrice, en tant que bénéfices réalisés, et, ensuite, dans le chef d’une société mère, au titre de l’impôt sur les bénéfices, et d’autre part, d’une double imposition économique lorsqu’ils sont taxés, d’abord, dans le chef de la société distributrice et, ensuite, dans le chef de l’actionnaire final, au titre de l’impôt sur le revenu.

50      Il appartient à chaque État membre d’organiser, dans le respect du droit communautaire, son système d’imposition de bénéfices distribués et de définir, dans ce cadre, l’assiette imposable ainsi que le taux d’imposition qui s’appliquent, dans le chef de la société distributrice et/ou dans celui de l’actionnaire bénéficiaire, pour autant qu’ils sont assujettis à l’impôt dans cet État.

51      En vertu de l’article 293 CE, les États membres engageront entre eux, en tant que de besoin, des négociations en vue d’assurer, en faveur de leurs ressortissants, l’élimination de la double imposition à l’intérieur de la Communauté. Or, abstraction faite de la convention 90/436/CEE, du 23 juillet 1990, relative à l’élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d’entreprises associées (JO L 225, p. 10), aucune mesure d’unification ou d’harmonisation visant à éliminer les doubles impositions n’a été adoptée dans le cadre communautaire et les États membres n’ont conclu, au titre de l’article 293 CE, aucune convention multilatérale à cet effet (voir arrêts du 12 mai 1998, Gilly, C‑336/96, Rec. p. I‑2793, point 23; du 5 juillet 2005, D., C‑376/03, Rec. p. I‑5821, point 50, et du 7 septembre 2006, N, C-470/04, non encore publié au Recueil, point 43).

52      C’est dans ce contexte que la Cour a déjà jugé que, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation communautaire, les États membres demeurent compétents pour définir, par voie conventionnelle ou unilatérale, les critères de répartition de leur pouvoir de taxation, en vue, notamment, d’éliminer les doubles impositions (arrêts précités Gilly, points 24 et 30; Saint-Gobain ZN, point 57, ainsi que N, point 44).

53      Ce n’est que pour les sociétés des États membres détenant dans le capital d’une société d’un autre État membre une participation minimale de 25 % que l’article 4 de la directive 90/435, lu en combinaison avec l’article 3 de celle-ci, dans sa version initiale applicable au moment des faits au principal, impose à tout État membre soit d’exonérer les bénéfices perçus par une société mère résidente d’une filiale résidant dans un autre État membre, soit d’autoriser cette société mère à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale.

54      Le seul fait qu’il appartienne aux États membres, pour les participations ne relevant pas de la directive 90/435, de déterminer si, et dans quelle mesure, l’imposition en chaîne ainsi que la double imposition économique des bénéfices distribués doivent être évitées et d’introduire, à cet effet, de façon unilatérale ou au moyen de CDI conclues avec d’autres États membres des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette imposition en chaîne et cette double imposition économique ne signifie pas pour autant qu’il leur est permis d’appliquer des mesures contraires aux libertés de circulation garanties par le traité.

55      Ainsi, lorsqu’un État membre connaît un système de prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, il doit accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Lenz, C‑315/02, Rec. p. I‑7063, points 27 à 49, et du 7 septembre 2004, Manninen, C‑319/02, Rec. p. I‑7477, points 29 à 55).

56      En effet, dans le cadre de tels systèmes, la situation d’actionnaires résidents d’un État membre percevant des dividendes d’une société établie dans ce même État est comparable à celle d’actionnaires résidents dudit État percevant des dividendes d’une société établie dans un autre État membre dans la mesure où tant les dividendes d’origine nationale que ceux d’origine étrangère sont susceptibles de faire l’objet, d’une part, dans le cas d’actionnaires sociétés, d’une imposition en chaîne, et d’autre part, dans le cas d’actionnaires finals, d’une double imposition économique (voir, en ce sens, arrêts précités Lenz, points 31 et 32, ainsi que Manninen, points 35 et 36).

57      Toutefois, si la situation de ces actionnaires doit être considérée comme comparable en ce qui concerne l’application dans leur chef de la législation fiscale de leur État membre de résidence, tel n’est pas nécessairement le cas, en ce qui concerne l’application de la législation fiscale de l’État membre de résidence de la société distributrice, des situations dans lesquelles se trouvent les actionnaires bénéficiaires résidents de cet État membre et les actionnaires bénéficiaires résidents d’un autre État membre.

58      En effet, lorsque la société distributrice et l’actionnaire bénéficiaire ne résident pas dans le même État membre, l’État membre de résidence de la société distributrice, c’est-à-dire l’État membre de la source des bénéfices, ne se trouve pas dans la même position, en ce qui concerne la prévention ou l’atténuation de l’imposition en chaîne et de la double imposition économique, que l’État membre de résidence de l’actionnaire bénéficiaire.

59      À cet égard, il y a lieu de considérer, d’une part, qu’exiger de l’État de résidence de la société distributrice qu’il assure que les bénéfices distribués à un actionnaire non-résident ne soient pas frappés d’une imposition en chaîne ou d’une double imposition économique, que ce soit en exonérant d’impôt ces bénéfices dans le chef de la société distributrice ou en accordant audit actionnaire un avantage fiscal correspondant à l’impôt payé sur lesdits bénéfices par la société distributrice, signifierait en fait que cet État doive renoncer à son droit d’imposer un revenu généré par une activité économique exercée sur son territoire.

60      D’autre part, s’agissant d’un mécanisme visant à la prévention ou à l’atténuation de la double imposition économique par l’octroi d’un avantage fiscal à l’actionnaire final, il importe de relever que c’est normalement l’État membre de résidence de celui-ci qui est le mieux placé pour apprécier la capacité contributive personnelle dudit actionnaire (voir, en ce sens, arrêts précités Schumacker, points 32 et 33 ainsi que D., point 27). De même, pour les participations relevant de la directive 90/435, l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci impose à l’État membre de la société mère qui perçoit des bénéfices distribués par une filiale résidente d’un autre État membre, et non pas à ce dernier État, d’éviter l’imposition en chaîne soit en s’abstenant d’imposer ces bénéfices, soit en les imposant tout en autorisant la société mère à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale.

61      S’agissant de la législation nationale en cause au principal, il convient de souligner que, lorsqu’une société résidente du Royaume-Uni verse des dividendes à une société bénéficiaire, ni les dividendes perçus par une société résidente, ni ceux perçus par une société non-résidente ne sont soumis à l’impôt au Royaume-Uni.

62      Une différence de traitement n’existe donc pas sur ce plan.

63      Une différence existe toutefois entre les sociétés bénéficiaires résidentes et les sociétés bénéficiaires non-résidentes en ce qui concerne la possibilité pour ces sociétés bénéficiaires d’effectuer une distribution de dividendes à leurs actionnaires finals dans un cadre légal qui contient pour ces derniers un crédit d’impôt correspondant à la fraction de l’impôt sur les sociétés payée par la société ayant généré les bénéfices distribués. Il est constant que ladite possibilité est réservée aux sociétés résidentes.

64      Or, c’est en sa qualité d’État de résidence de l’actionnaire que, lorsqu’une société résidente distribue des dividendes à ses actionnaires finals résidents, ce même État membre accorde à ces derniers un crédit d’impôt correspondant à la fraction de l’impôt sur les sociétés payée par la société ayant généré les bénéfices distribués, de manière anticipée, lors de la distribution desdits dividendes.

65      Quant à l’application de mécanismes visant à prévenir ou à atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, la position d’un État membre dans lequel résident tant les sociétés distributrices que les actionnaires finals n’est ainsi pas comparable à celle d’un État membre dans lequel réside une société qui distribue des dividendes à une société non-résidente, qui les verse, à son tour, à ses actionnaires finals, en ce sens que ce dernier État agit, en principe, en sa seule qualité d’État de la source des bénéfices distribués.

66      Ce n’est que lorsque, dans ce dernier cas, une société résidente d’un État membre verse des dividendes à une société résidant dans un autre État membre et que les actionnaires de cette dernière société, quant à eux, résident dans ce premier État, qu’il incombe à celui-ci, en tant qu’État de résidence desdits actionnaires, conformément au principe énoncé dans les arrêts précités Lenz et Manninen, tel que rappelé au point 55 du présent arrêt, de veiller à ce que les dividendes perçus par ces actionnaires d’une société non-résidente soient soumis à un traitement fiscal équivalent à celui réservé aux dividendes perçus par un actionnaire résident d’une société résidente.

67      Ainsi qu’il découle du point 30 du présent arrêt, l’obligation qui incombe, dans un tel cas, à un État membre agissant en sa qualité d’État de résidence de l’actionnaire final ne fait pas l’objet des questions posées par la juridiction de renvoi.

68      Toutefois, à partir du moment où un État membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l’impôt sur le revenu non seulement les actionnaires résidents, mais également les actionnaires non-résidents, pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation desdits actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents.

69      S’agissant des mesures nationales en cause dans l’affaire au principal, tel est le cas, ainsi qu’il a été relevé au point 15 du présent arrêt, lorsqu’une CDI conclue par le Royaume-Uni prévoit qu’une société actionnaire résidente de l’autre État membre contractant bénéficie d’un crédit d’impôt, intégral ou partiel, au titre des dividendes qu’elle perçoit d’une société résidente du Royaume-Uni.

70      Or, si l’État membre de résidence de la société génératrice des bénéfices à distribuer décide d’exercer sa compétence fiscale non seulement sur les bénéfices générés dans cet État, mais également sur le revenu provenant dudit État perçu par les sociétés bénéficiaires non-résidentes, c’est le seul exercice par ce même État de sa compétence fiscale qui, indépendamment de toute imposition dans un autre État membre, engendre un risque d’imposition en chaîne. En pareil cas, pour que les sociétés bénéficiaires non-résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté d’établissement prohibée, en principe, par l’article 43 CE, l’État de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit national afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne, les sociétés actionnaires non-résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes.

71      Il appartient à la juridiction nationale d’établir, dans chaque cas, si cette obligation a été respectée, en tenant compte, le cas échéant, des dispositions de la CDI que ledit État membre a conclue avec l’État de résidence de la société actionnaire (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2006, Bouanich, C‑265/04, Rec. p. I-923, points 51 à 55).

72      Il ressort de ce qui précède qu’une législation d’un État membre qui, dans le cadre d’une distribution de dividendes par une société résidente et en l’absence d’une CDI, accorde aux seules sociétés bénéficiaires résidentes un crédit d’impôt correspondant à la fraction de l’impôt sur les sociétés payée, de manière anticipée, par la société génératrice des bénéfices distribués, tout en réservant aux seuls actionnaires finals résidents l’octroi de ce crédit d’impôt, ne constitue pas une discrimination prohibée par l’article 43 CE.

73      Dès lors que les considérations formulées aux points précédents s’appliquent de la même manière aux sociétés actionnaires non-résidentes ayant perçu des dividendes sur la base d’une participation qui ne leur confère pas une influence certaine sur les décisions de la société distributrice résidente et ne leur permet pas d’en déterminer les activités, une telle législation ne restreint pas non plus la libre circulation des capitaux au sens de l’article 56 CE.

74      Il y a donc lieu de répondre à la première question, sous a), que les articles 43 CE et 56 CE ne s’opposent pas à ce qu’un État membre, lors d’une distribution de dividendes par une société résidente dudit État, accorde aux sociétés bénéficiaires desdits dividendes qui résident également dans cet État un crédit d’impôt correspondant à la fraction de l’impôt acquittée par la société distributrice sur les bénéfices distribués, mais n’en accorde pas aux sociétés bénéficiaires qui résident dans un autre État membre et qui ne sont pas assujetties à l’impôt dans ce premier État au titre de ces dividendes.

 Sur la première question, sous b) à d)

75      Par sa première question, sous b) à d), la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 43 CE et 56 CE s’opposent à ce qu’un État membre applique des CDI conclues avec d’autres États membres en vertu desquelles, lors d’une distribution de dividendes par une société résidente, les sociétés bénéficiaires résidentes de certains États membres ne bénéficient pas d’un crédit d’impôt, alors que les sociétés bénéficiaires résidentes de certains autres États membres se voient accorder un crédit d’impôt partiel.

76      Dans ce cadre, elle demande également s’il est loisible pour un État membre d’appliquer une disposition d’une CDI, dite de «limitation d’avantages», en vertu de laquelle il n’accorde pas de crédit d’impôt à une société résidente de l’autre État membre contractant si celle-ci est contrôlée par une société résidente d’un troisième État avec lequel le premier État membre a conclu une CDI qui, lors d’une distribution de dividendes, ne prévoit pas de crédit d’impôt pour une société bénéficiaire résidente du troisième État, et s’il importe, à cet égard, que la société bénéficiaire non-résidente soit contrôlée par une société résidente d’un État membre ou d’un pays tiers.

77      Pour les motifs exposés aux points 37 à 40 du présent arrêt, il convient d’examiner les mesures nationales en cause au principal tant sous l’angle de la liberté d’établissement que sous celui de la libre circulation des capitaux.

78      Selon les demanderesses au principal, il est contraire aux libertés de circulation pour un État membre de conférer un avantage fiscal aux ressortissants d’un État membre tout en le refusant à des ressortissants d’un autre État membre. Se référant au point 26 de l’arrêt Commission/France, précité, elles soutiennent que l’octroi d’un tel avantage ne peut dépendre de l’existence d’avantages réciproques accordés par l’autre État membre contractant.

79      Les demanderesses au principal soulignent que l’extension d’avantages conférés par une CDI conclue avec un certain État membre aux personnes physiques ou morales relevant d’une autre CDI n’affecterait pas le système des conventions fiscales bilatérales. En effet, il faudrait distinguer entre, d’une part, le droit des États membres de répartir leur compétence fiscale afin d’éviter la double imposition du même revenu dans plusieurs États membres et, d’autre part, l’exercice par les États membres de la compétence fiscale ainsi répartie. Tandis qu’un traitement différent serait justifié s’il résultait de différences entre conventions fiscales en ce qui concerne la répartition de la compétence fiscale, notamment pour refléter des différences entre les systèmes fiscaux des États membres concernés, un État membre ne pourrait, pour éviter ou atténuer la double imposition économique, exercer sa compétence d’une manière sélective et arbitraire.

80      En revanche, les gouvernements du Royaume-Uni ainsi qu’allemand et français, l’Irlande, les gouvernements italien, néerlandais et la Commission contestent la thèse selon laquelle un État membre ne pourrait accorder à un résident d’un autre État membre une protection contre la double imposition économique que s’il accorde la même protection aux résidents de tous les États membres. Si cette thèse était acceptée, l’équilibre et la réciprocité sous-jacents aux CDI existantes s’en trouveraient bouleversés, les contribuables pourraient éluder plus facilement les dispositions des CDI visant à combattre l’évasion fiscale et la sécurité juridique des contribuables en serait affectée.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, en l’absence de mesures d’unification ou d’harmonisation communautaire visant à éliminer les doubles impositions, les États membres demeurent compétents pour déterminer les critères d’imposition des revenus en vue d’éliminer, le cas échéant par la voie conventionnelle, les doubles impositions. Dans ce contexte, les États membres sont libres, dans le cadre des conventions bilatérales, de fixer les facteurs de rattachement aux fins de la répartition de la compétence fiscale (voir arrêts précités Gilly, points 24 et 30, Saint-Gobain ZN, point 57, D., point 52, et Bouanich, point 49).

82      Les demanderesses au principal dénoncent la différence de traitement infligée à des sociétés non-résidentes du Royaume-Uni, du fait que les CDI conclues par cet État membre avec certains autres États membres prévoient un crédit d’impôt pour les sociétés résidentes desdits États membres, alors que les CDI conclues par le Royaume-Uni avec d’autres États membres n’en prévoient pas.

83      Afin de déterminer si une telle différence de traitement est discriminatoire, il convient de rechercher si, à l’égard des mesures en cause, les sociétés non-résidentes concernées se trouvent dans une situation objectivement comparable.

84      Ainsi que la Cour l’a rappelé au point 54 de son arrêt D., précité, le champ d’application d’une convention fiscale bilatérale est limité aux personnes physiques ou morales mentionnées dans celle-ci.

85      Afin d’éviter que les bénéfices distribués ne soient imposés à la fois par l’État membre de résidence de la société distributrice et par celui de la société bénéficiaire, chacune des CDI conclues par le Royaume-Uni prévoit une répartition de la compétence fiscale entre cet État membre et l’autre État contractant. Tandis que certaines de ces CDI ne prévoient pas l’assujettissement à l’impôt au Royaume-Uni des dividendes qu’une société bénéficiaire non-résidente perçoit d’une société résidente de cet État membre, d’autres CDI prévoient bien un tel assujettissement. C’est dans ce dernier cas que les CDI prévoient, chacune selon ses propres conditions, l’octroi d’un crédit d’impôt à la société bénéficiaire non-résidente.

86      Ainsi que le fait observer le gouvernement du Royaume-Uni, soutenu, à cet égard, par la plupart des autres gouvernements ayant soumis des observations à la Cour, les conditions dans lesquelles ces CDI prévoient un crédit d’impôt pour les sociétés non-résidentes percevant des dividendes d’une société résidente varient en fonction non seulement de la spécificité des régimes fiscaux nationaux concernés, mais également de l’époque à laquelle les CDI ont été négociées et de l’étendue des questions sur lesquelles les États membres concernés sont parvenus à un accord.

87      Les situations dans lesquelles le Royaume-Uni accorde un crédit d’impôt à des sociétés résidentes de l’autre État contractant percevant des dividendes d’une société résidente du Royaume-Uni sont celles où le Royaume-Uni s’est également réservé le droit d’imposer ces sociétés au titre desdits dividendes. Le taux d’imposition que, en pareil cas, le Royaume-Uni peut appliquer varie selon les circonstances, notamment selon qu’une CDI prévoit un crédit d’impôt intégral ou partiel. Il existe donc un lien direct entre le droit à un crédit d’impôt et le taux d’imposition que prévoit une telle CDI (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2003, Océ Van der Grinten, C‑58/01, Rec. p. I‑9809, point 87).

88      Ainsi, l’octroi d’un crédit d’impôt à une société non-résidente percevant des dividendes d’une société résidente, tel que prévu dans certaines CDI conclues par le Royaume-Uni, ne saurait être analysé comme un avantage détachable du reste desdites conventions, mais en fait partie intégrante et contribue à leur équilibre général (voir, en ce sens, arrêt D., précité, point 62).

89      Il en va de même pour les dispositions des CDI qui soumettent l’octroi d’un tel crédit d’impôt à la condition que la société non-résidente ne soit pas détenue, directement ou indirectement, par une société résidente d’un État membre ou d’un pays tiers avec lequel le Royaume-Uni a conclu une CDI qui ne prévoit pas un crédit d’impôt.

90      En effet, même si de telles dispositions se réfèrent à la situation d’une société non-résidente d’un des États membres contractants, elles ne s’appliquent qu’à des personnes résidentes de l’un de ces États membres et, en contribuant à leur équilibre général, font partie intégrante des CDI concernées.

91      Le fait que ces droits et obligations réciproques ne s’appliquent qu’à des personnes résidentes de l’un des deux États membres contractants est une conséquence inhérente aux conventions bilatérales préventives de la double imposition. Il en découle que, en ce qui concerne l’imposition de dividendes versés par une société résidente du Royaume-Uni, une société résidente d’un État membre qui a conclu avec le Royaume-Uni une CDI qui ne prévoit pas un crédit d’impôt ne se trouve pas dans la même situation qu’une société résidente d’un État membre ayant conclu une CDI qui en prévoit un (voir, en ce sens, arrêt D., précité, point 61).

92      Il s’ensuit que les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement ne s’opposent pas à ce que le droit à un crédit d’impôt prévu dans une CDI conclue par un État membre avec un autre État membre pour des sociétés résidentes de ce dernier État qui perçoivent des dividendes d’une société résidente du premier État ne soit pas étendu à des sociétés résidentes d’un troisième État membre avec lequel le premier État a conclu une CDI ne prévoyant pas un tel droit.

93      Dès lors qu’une telle situation ne comporte pas de discrimination à l’encontre de sociétés non-résidentes percevant des dividendes d’une société résidente, la conclusion tirée au point précédent vaut également à propos des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.

94      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question, sous b) à d), que les articles 43 CE et 56 CE ne s’opposent pas à ce qu’un État membre n’étende pas le droit à un crédit d’impôt prévu dans une CDI conclue avec un autre État membre pour des sociétés résidentes de ce dernier État qui perçoivent des dividendes d’une société résidente du premier État à des sociétés résidentes d’un troisième État membre avec lequel il a conclu une CDI qui ne prévoit pas un tel droit pour des sociétés résidentes de ce troisième État.

 Sur la seconde question

95      Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

 Sur les dépens

96      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 43 CE et 56 CE ne s’opposent pas à ce qu’un État membre, lors d’une distribution de dividendes par une société résidente dudit État, accorde aux sociétés bénéficiaires desdits dividendes qui résident également dans cet État un crédit d’impôt correspondant à la fraction de l’impôt acquittée par la société distributrice sur les bénéfices distribués, mais n’en accorde pas aux sociétés bénéficiaires qui résident dans un autre État membre et qui ne sont pas assujetties à l’impôt dans ce premier État au titre de ces dividendes.

2)      Les articles 43 CE et 56 CE ne s’opposent pas à ce qu’un État membre n’étende pas le droit à un crédit d’impôt prévu dans une convention préventive de la double imposition conclue avec un autre État membre pour des sociétés résidentes de ce dernier État qui perçoivent des dividendes d’une société résidente du premier État, à des sociétés résidentes d’un troisième État membre avec lequel il a conclu une convention préventive de la double imposition qui ne prévoit pas un tel droit pour des sociétés résidentes de ce troisième État.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.