Language of document : ECLI:EU:T:2011:727

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

12 décembre 2011(*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Délai de pourvoi – Tardiveté – Original signé de la requête déposé hors délai – Cas fortuit – Article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal – Pourvoi manifestement irrecevable »

Dans l’affaire T‑365/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 4 avril 2011, AO/Commission (F‑45/10, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

AO, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me P. Lewisch, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, AO, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 4 avril 2011, AO/Commission (F‑45/10, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle a été rejeté comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission, du 23 juillet 2009, lui infligeant la sanction de révocation sans réduction de ses droits à pension, avec effet au 15 août 2009, ainsi qu’à l’indemnisation du préjudice moral et professionnel subi du fait de cette décision.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits qui sont à l’origine du litige sont énoncés, aux points 6 à 19 de l’ordonnance attaquée, dans les termes suivants :

« 6      Le requérant est entré au service de la Commission le 1er octobre 1995, en tant qu’agent temporaire. Après avoir passé un concours interne, il a été nommé fonctionnaire stagiaire le 16 mars 2003. Après deux prolongations de sa période de stage à la suite de problèmes de conduite dans le service, le requérant a été titularisé avec effet au 16 juin 2004.

7      Du 16 mars 2003 au 14 août 2009 (ci-après la ‘période concernée’), le requérant a été affecté à la direction générale de la recherche, au sein de laquelle il a travaillé pour différentes unités. Au moment de l’adoption de la décision de révocation, il était classé au grade AD 10.

8      Pendant la période concernée, et surtout à partir du mois de mai 2007, plusieurs incidents se sont produits entre le requérant et ses supérieurs hiérarchiques.

9      Le 5 octobre 2007, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’‘AIPN’) a donné mandat à l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) d’entendre le requérant, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, afin de déterminer si, du fait de son comportement depuis le mois de mai 2007, celui-ci avait violé les dispositions du statut.

10      Le 19 décembre 2007, le requérant a été entendu par l’IDOC au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut. Au vu du rapport de cette audition, et afin de trouver une solution constructive à la situation professionnelle du requérant, l’AIPN a opté pour la procédure interne, non disciplinaire, dite ‘procédure COMPAS’, laquelle prévoit l’intervention d’une structure consultative de ‘coordination de l’assistance psychologique, administrative et sociale’. Toutefois, devant le refus de ce dernier de participer à une telle procédure, l’AIPN a décidé, le 6 mars 2008, d’ouvrir une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, en vertu de l’article 3, sous c), ii), de l’annexe IX du statut, pour violation des articles 12 et 21 du statut.

11      Le 4 mars 2008, le requérant a introduit une demande de mutation au titre de l’article 7, paragraphe 1, du statut, laquelle a été rejetée par note du 4 juin 2008. Cette décision de refus de la mutation sollicitée n’ayant pas fait l’objet de réclamation est devenue définitive.

12      Le 15 avril 2008, le requérant a introduit une demande d’assistance pour harcèlement moral, au titre de l’article 24 du statut.

13      Le 30 avril 2008, l’AIPN a décidé de suspendre le requérant pour une durée indéterminée et de frapper sa rémunération d’une retenue de 1 000 euros pendant six mois, conformément aux articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut.

14      Le requérant a été informé, par note du 5 juin 2008, du fait que sa demande d’assistance pour harcèlement avait été transmise au conseil de discipline pour que celui-ci puisse analyser, dans le cadre de la procédure disciplinaire en cours, les arguments avancés dans cette demande. Le requérant n’a pas présenté de réclamation contre la note du 5 juin 2008, laquelle est donc devenue définitive, et le conseil de discipline a estimé non fondée la demande d’assistance pour harcèlement moral, en considérant que les preuves apportées par le requérant ne permettaient pas d’établir l’existence d’un tel harcèlement.

15      Par courrier du 7 août 2008, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de suspension du 30 avril 2008, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, laquelle a été rejetée par décision du 5 novembre 2008. Cette dernière décision n’a pas fait l’objet de recours.

16      Le 2 décembre 2008, le requérant a été entendu par le conseil de discipline, conformément à l’article 16 de l’annexe IX du statut. Le 23 juin 2009, il a été entendu par l’AIPN, au titre de l’article 22 de ladite annexe. Le 23 juillet 2009, à l’issue de la procédure disciplinaire, l’AIPN a adopté la décision de révocation.

17      Le 29 octobre 2009, le requérant a introduit une réclamation, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision de révocation.

18      Par lettre du 1er décembre 2009, le requérant a fourni des informations complémentaires à sa réclamation du 29 octobre 2009.

19      Par décision du 26 février 2010, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant. »

 Procédure en première instance et ordonnance attaquée

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 11 juin 2010, le requérant a demandé, notamment, l’annulation de la décision de la Commission, du 23 juillet 2009, lui infligeant la sanction de révocation sans réduction de ses droits à pension, avec effet au 15 août 2009, ainsi que l’indemnisation du préjudice moral et professionnel résultant de cette décision.

4        Par l’ordonnance attaquée, adoptée en vertu de l’article 76 de son règlement de procédure, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

5        L’ordonnance attaquée a été notifiée à l’avocat du requérant le 8 avril 2011.

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

6        Par mémoire parvenu par télécopie au greffe du Tribunal le 20 juin 2011, dernier jour du délai de pourvoi fixé à l’article 9, premier alinéa, de l’annexe I du statut de la Cour, le requérant a formé le présent pourvoi.

7        Le 28 juin 2011, soit deux jours avant l’expiration du délai de dix jours prévu, à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure, pour le dépôt de l’original signé de la requête en pourvoi, le greffe du Tribunal a téléphoné à l’avocat du requérant pour l’informer que l’original signé de la requête en pourvoi adressée par télécopieur ne lui était toujours pas parvenu. L’avocat du requérant a indiqué avoir confié ledit original à un prestataire de services de courrier le jour même de sa transmission par télécopie, à savoir le 20 juin 2011, et que celui-ci parviendrait au greffe avant l’expiration du délai de dix jours.

8        Le 30 juin 2011, le délai de dix jours a expiré sans que l’original signé de la requête en pourvoi soit parvenu au greffe du Tribunal.

9        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 1er juillet 2011, l’avocat du requérant a expliqué les raisons pour lesquelles il considérait que, dans les circonstances de l’espèce, le non-respect du délai de dix jours était dû à un cas fortuit, au sens de l’article 9, premier alinéa, de l’annexe I au statut de la Cour, lu en combinaison avec l’article 45, second alinéa, de ce même statut. Il a notamment invoqué une erreur d’adressage commise par le prestataire de services de courrier, chargé de la préparation de l’envoi de l’original signé de la requête en pourvoi au greffe du Tribunal (voir point 38 ci-après), ainsi que le délai pris par le groupe international spécialisé dans la prestation de services de courrier auquel ce prestataire appartient, pour déposer ledit original au greffe du Tribunal, une fois l’erreur d’adressage corrigée. En annexe à sa lettre, l’avocat du requérant a fourni différents documents visant à appuyer ses explications.

10      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2011, l’avocat du requérant a réitéré ses explications et fourni un « second original » de la requête en pourvoi. Ayant constaté que ce dernier document ne correspondait pas à l’original signé de la requête en pourvoi qui lui avait été adressée par télécopieur, le greffe du Tribunal a refusé de l’enregistrer.

11      Le 5 juillet 2011, l’original signé de la requête en pourvoi adressée par télécopieur est parvenu au greffe du Tribunal, qui l’a enregistré.

12      Le 28 juillet 2011, le président du Tribunal a décidé de signifier à la Commission européenne la requête en pourvoi ainsi que les lettres des 1er et 4 juillet 2011. En outre, il a décidé d’inviter la Commission à se prononcer, avant le 23 août 2011, sur l’existence d’un cas fortuit dans les circonstances de l’espèce.

13      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2011, la Commission a fait valoir que, aux fins de déterminer si l’erreur d’adressage était effectivement imputable au prestataire de services de courrier, il conviendrait de vérifier, sur l’enveloppe ou sur le colis contenant l’original de la requête en pourvoi, si l’adresse reportée était celle du Tribunal ou celle du requérant, étant entendu que, dans le second cas, la faute serait celle du requérant. En outre, elle a indiqué qu’il conviendrait de vérifier le contenu du contrat ou du récépissé signé par le requérant avec le prestataire de services de courrier. La Commission a également demandé au Tribunal de suspendre la procédure aussi longtemps qu’il n’aurait pas statué sur la question de la recevabilité de la requête en pourvoi en raison de son dépôt tardif.

14      Le 7 septembre 2011, le président du Tribunal a décidé de verser la réponse de la Commission au dossier et de recueillir les observations du requérant sur la demande de la Commission de suspendre la procédure.

15      Le 7 octobre 2011, la Commission a déposé un mémoire en réponse.

16      Le 18 octobre 2011, le requérant a déposé au greffe du Tribunal ses observations sur la demande de la Commission de suspendre la procédure.

17      Par décision du 28 octobre 2011, le président du Tribunal a refusé que la requête en pourvoi et le mémoire en défense puissent être complétés par un mémoire en réplique et un mémoire en duplique, conformément à l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure.

18      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2011, le requérant a formulé une demande motivée, au titre de l’article 146 du règlement de procédure, aux fins d’être entendu dans le cadre de la phase orale de la procédure.

19      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        le cas échéant, faire droit à ses conclusions en première instance ;

–        lui allouer un euro symbolique en réparation du préjudice moral et professionnel subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le pourvoi comme étant manifestement irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé ;

–        à titre encore plus subsidiaire, rejeter le recours comme étant manifestement non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

21      Aux termes de l’article 145 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le Tribunal peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, le rejeter totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale.

22      En l’espèce, bien que le requérant ait présenté une demande sur la tenue d’une audience, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

23      Aux termes de l’article 9, premier alinéa, de l’annexe I au statut de la Cour, un pourvoi peut être formé devant le Tribunal, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée, notamment contre les décisions du Tribunal de la fonction publique mettant fin à l’instance. Conformément à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

24      Selon une jurisprudence constante, ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge de l’Union européenne de vérifier, d’office, s’il a été respecté (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, points 38 et 39).

25      En l’espèce, comme il a été indiqué au point 5 ci-dessus, l’ordonnance attaquée a été notifiée au requérant le 8 avril 2011.

26      Il résulte des règles de calcul des délais de procédure prévues à l’article 101, paragraphe 1, sous a) et b), et à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure que le délai de recours a expiré le 18 juin 2011. Ce jour étant un samedi, le délai de recours doit être considéré comme ayant expiré le lundi 20 juin 2011, conformément à l’article 101, paragraphe 2, du règlement de procédure.

27      Le texte de la requête est parvenue par télécopie au greffe du Tribunal le 20 juin 2011, soit le dernier jour du délai de recours et, partant, avant l’expiration de ce dernier.

28      Toutefois, conformément à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure, la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure parvient au greffe du Tribunal par télécopieur n’est prise en considération, aux fins du respect des délais de procédure, que si l’original signé de l’acte est déposé à ce greffe au plus tard dix jours après la réception de la télécopie.

29      Or, en l’espèce, l’original signé de la requête en pourvoi est parvenu au greffe du Tribunal le 5 juillet 2011, soit après l’expiration du délai de dix jours prévu à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure. Dès lors, conformément à cette disposition, seule la date de dépôt de l’original signé de la requête en pourvoi, à savoir le 5 juillet 2011, doit être prise en considération aux fins du respect du délai de recours. Partant, il y a lieu de conclure que la requête en pourvoi a été déposée hors délai.

30      Dans ses lettres des 1er et 4 juillet 2011, l’avocat du requérant a fait valoir l’existence d’un cas fortuit pour qu’il soit dérogé au délai en cause.

31      À cet égard, il convient de rappeler que l’application stricte de ces règles de procédure répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice. Conformément à l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour, il ne peut être dérogé aux délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 8 novembre 2007, Belgique/Commission, C‑242/07 P, Rec. p. I‑9757, point 16, et la jurisprudence citée).

32      Les notions de force majeure et de cas fortuit comportent un élément objectif, relatif aux circonstances anormales et étrangères à l’opérateur, et un élément subjectif tenant à l’obligation, pour l’intéressé, de se prémunir contre les conséquences de l’événement anormal en prenant des mesures appropriées sans consentir des sacrifices excessifs. En particulier, l’opérateur doit surveiller soigneusement le déroulement de la procédure entamée et, notamment, faire preuve de diligence afin de respecter les délais prévus (voir ordonnance Belgique/Commission, point 31 supra, point 17, et la jurisprudence citée).

33      Dès lors qu’elle constitue une exception à l’irrecevabilité découlant de l’inobservation des délais de recours, qui sont d’ordre public, la notion de cas fortuit doit être alléguée et démontrée par la partie qui entend en bénéficier (voir, en ce sens et par analogie avec la notion d’erreur excusable, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho et Commission/Commission et de Brito Sequeira Carvalho, T‑40/07 P et T‑62/07 P, non encore publié au Recueil, point 205).

34      En l’espèce, l’avocat du requérant s’est prévalu, dans ses lettres des 1er et 4 juillet 2011, du fait que le prestataire de services de courrier, auquel il avait confié, le 20 juin 2011, l’original signé de la requête en pourvoi aux fins de son dépôt au greffe du Tribunal, avait commis une erreur en envoyant celui-ci à une adresse à Bruxelles. Il n’aurait été averti que le 28 juin 2011 au matin de l’erreur ainsi commise par le prestataire de services de courrier, qui lui aurait alors confirmé que l’envoi pourrait être déposé à l’adresse correcte du greffe du Tribunal, au Luxembourg, le 29 juin 2011. Le 30 juin 2011, il aurait cependant été informé, vers midi, du fait que l’état d’avancement de l’envoi n’était pas clair et, vers 17 heures, du fait que le dépôt de l’original signé de la requête en pourvoi le jour même, au greffe du Tribunal, ne serait très probablement pas possible. Malgré un constant suivi de l’état de l’envoi auprès du prestataire de services de courrier et du groupe de ce dernier, l’avocat du requérant n’aurait pu obtenir un dépôt de l’original signé de la requête en pourvoi avant le 5 juillet 2011. L’avocat du requérant a ainsi prétendu que l’erreur d’adressage de l’original signé de la requête en pourvoi ainsi que le délai pour le dépôt de ce dernier au greffe du Tribunal, une fois ladite erreur corrigée, étaient imputables à l’intervention de tierces personnes, à savoir les sociétés concernées du groupe du prestataire de services de courrier auquel il s’était adressé. Il s’est, en outre, défendu de toute négligence dans la mesure où il n’aurait jamais connu de problèmes de fiabilité avec ledit prestataire de services de courrier, auquel il confiait habituellement de tels envois, et qu’il aurait fait tout ce qui avait été en son pouvoir pour que l’original signé de la requête en pourvoi soit déposé au greffe du Tribunal dans le délai.

35      La Commission objecte que les déclarations du directeur du prestataire de services de courrier, par lesquelles celui-ci reconnaît que sa société est seule responsable de l’erreur d’adressage qui a été commise, ne peuvent suffire, dans les circonstances de l’espèce, pour conclure à l’existence d’un cas fortuit. Tout d’abord, la cause sous-jacente du retard dans le dépôt de l’original signé de la requête en pourvoi ne serait pas cette erreur d’adressage, mais le choix effectué par le requérant d’épuiser l’intégralité du délai de procédure qui lui était offert, en ce compris le délai de distance de dix jours prévu à l’article 43 paragraphe 6, du règlement de procédure. Ensuite, la déclaration émanant du prestataire de services de courrier ne permettrait pas d’exonérer le requérant de toute responsabilité pour le dépôt tardif de l’original signé de la requête en pourvoi. D’une part, cette déclaration ne pourrait pas être regardée comme une « preuve objective et concluante », compte tenu des longues relations commerciales ayant existé entre cette société et l’avocat du requérant. D’autre part, il ressortirait des éléments du dossier que la cause sous-jacente du retard dans le dépôt de l’original signé de la requête en pourvoi aurait été le caractère inadéquat ou ambigu des instructions d’envoi données par le requérant ou son représentant légal au prestataire de services de courrier et/ou la négligence des premiers dans la vérification et le contrôle de l’adresse reportée par le second sur le bordereau d’envoi. En tout état de cause, ce retard serait imputable à la négligence du requérant ou de son représentant légal dans la vérification et le contrôle du bon acheminement de l’envoi par le prestataire de services de courrier, dans les délais prévus, via le système informatique de suivi du courrier accessible sur le site Internet du groupe de ce prestataire.

36      Comme le relève à bon droit la Commission, il convient de relever que le requérant ne démontre pas, en l’espèce, l’existence de circonstances exceptionnelles, ni ne rapporte la preuve de la diligence requise d’un opérateur normalement averti, au sens de la jurisprudence rappelée au point 32 ci-dessus.

37      En effet, il convient de rappeler que la préparation, la surveillance et la vérification des pièces de procédure à déposer au greffe relèvent de la responsabilité de la partie concernée et de son représentant légal. Il appartient notamment à ces derniers de surveiller et de vérifier que les enveloppes ou les colis contenant lesdites pièces, de même que les bordereaux d’envoi apposés sur ces derniers, ont été correctement préparés et, notamment, libellés à l’adresse correcte du Tribunal, à Luxembourg. En outre, il appartient à la partie concernée et à son représentant légal de surveiller et de vérifier que les prestataires de services de courrier auxquels ils décident, le cas échéant, de s’adresser pour l’envoi desdites pièces s’acquittent correctement de leur mission, dans les délais contractuellement prévus (voir, en ce sens et par analogie, s’agissant de l’intervention d’un prestataire de services de reproduction, arrêt de la Cour du 22 septembre 2011, Bell & Ross/OHMI, C‑426/10 P, non encore publié au Recueil, points 48 à 50).

38      Il ressort des éléments du dossier et, en particulier, de la lettre du directeur du prestataire de services de courrier, du 1er juillet 2011, jointe en annexe à la lettre de l’avocat du requérant du 1er juillet 2011, que c’est « [p]ar erreur [que le prestataire de services de courrier a] mis la mauvaise adresse de destination sur le bordereau d’envoi par avion du groupe […] – pas celle mentionnée en haut de page de couverture (Tribunal de l’Union européenne, Luxembourg) mais, à la place, le nom et l’adresse mentionnés en tant que sujet de la lettre de couverture (AO, [confidentiel](1) Bruxelles, Belgique) ». L’erreur d’adressage commise par le prestataire de services de courrier résulte ainsi d’une confusion entre les différentes adresses figurant sur la page de couverture de l’original signé de la requête en pourvoi et, plus précisément, entre l’adresse du Tribunal, à Luxembourg, et l’adresse du requérant, à Bruxelles.

39      Une telle erreur n’a été rendue possible qu’en raison du fait que l’avocat du requérant a, en pratique, délégué au prestataire de services de courrier la tâche de préparer l’envoi postal de l’original signé de la requête en pourvoi et, notamment, de compléter lui-même l’adresse de destination dans le bordereau d’envoi par avion de son groupe, en prenant ainsi le risque d’une éventuelle confusion entre les différentes adresses figurant sur la page de couverture dudit original. Elle est, par conséquent, imputable à un défaut de surveillance et de vérification de l’avocat du requérant et, partant, du requérant lui-même.

40      Dans ce contexte, le fait que l’erreur d’adressage résulte de l’intervention d’une tierce personne, qui a été mandatée par l’avocat du requérant pour préparer l’envoi de l’original signé de la requête en pourvoi au greffe du Tribunal, ne saurait être reconnu comme une circonstance exceptionnelle ou un événement anormal et étranger au requérant.

41      En tout état de cause, il ressort du dossier et, en particulier, de la lettre, précitée du directeur du prestataire de services de courrier (voir point 38 ci-dessus), de la déclaration d’un collaborateur de l’avocat du requérant du 1er juillet 2011, de l’impression réalisée le 1er juillet 2011 de la page de suivi de l’envoi sur le site Internet du groupe du prestataire de services de courrier, jointes en annexe à la lettre de l’avocat du requérant du 1er juillet 2011, ainsi que des lettres de l’avocat du requérant des 1er et 4 juillet 2011, les éléments suivants : l’original signé de la requête en pourvoi a été remis le 20 juin 2011 au prestataire de services de courrier aux fins de préparer son envoi express en recommandé avec avis de réception par le groupe de ce prestataire ; l’envoi en cause s’est vu attribuer la référence IZA70586D950779748 dans le système informatique de suivi du courrier accessible sur le site Internet du groupe auquel appartient le prestataire de services de courrier ; ledit groupe garantissait une livraison pour le jour ouvrable suivant ; l’avocat du requérant n’a surveillé et vérifié l’état d’avancement de l’envoi qu’à compter du 28 juin 2011, date à laquelle il a été informé par le prestataire de services de courrier et par le greffe du Tribunal que l’envoi en cause n’avait toujours pas été déposé et le renvoi de celui-ci au Tribunal a été retardé par la nécessité, au sein du groupe du prestataire de services de courrier, de prendre position sur la possibilité de faire suivre un envoi d’un pays tiers, où il a été adressé par erreur, vers un autre pays tiers, en l’espèce de la Belgique vers le Luxembourg.

42      Le délai qui a été nécessaire pour le dépôt de l’original signé de la requête en pourvoi au greffe du Tribunal, une fois l’erreur d’adressage commise par le prestataire de services de courrier corrigée, est donc une conséquence directe de ladite erreur, dans la mesure où la correction de celle-ci a soulevé des questions d’ordre logistique et organisationnel dont la résolution a nécessité la prise d’une décision au sein du groupe du prestataire de services de courrier.

43      En outre, il ressort des éléments du dossier et, en particulier, des lettres de l’avocat du requérant des 1er et 4 juillet 2011, que ce dernier n’a pas surveillé et vérifié, dès le 22 juin 2011, auprès du greffe du Tribunal ou dans le système informatique de suivi du courrier accessible sur le site Internet du groupe de son prestataire de services de courrier, que ledit prestataire et le groupe auquel il appartient s’étaient correctement acquittés de leur mission, dans les délais contractuellement prévus. De même, il ne ressort pas du dossier que le requérant ou son représentant légal se seraient inquiétés, entre le 22 et le 29 juin 2011, de ne pas avoir obtenu l’avis de réception de leur envoi. Une telle surveillance ou vérification, pourtant relativement simple à effectuer, aurait permis au requérant ou à son représentant légal de constater, bien avant le 28 juin 2011, que l’envoi en cause n’était pas parvenu au greffe du Tribunal, à Luxembourg, le 21 juin 2011. De surcroît, elle leur aurait permis de réaliser que l’original signé de la requête en pourvoi avait été envoyé par erreur à une adresse à Bruxelles, en Belgique, où il était toujours en attente de livraison. Au vu du délai pour le dépôt de l’original signé de la requête en pourvoi au greffe du Tribunal, une fois l’erreur d’adressage corrigée, il paraît probable que, si le requérant ou son représentant légal avaient réagi dès le 22 juin 2011, le délai prévu à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure aurait pu être respecté.

44      Il s’ensuit que, dans les circonstances de l’espèce, l’erreur d’adressage de l’original signé de la requête en pourvoi ainsi que le délai pour le dépôt de ce dernier au greffe du Tribunal, une fois ladite erreur corrigée, ne peuvent être reconnus comme une circonstance exceptionnelle ou un événement anormal et étranger au requérant ou à son représentant légal, susceptibles de justifier l’existence d’un cas fortuit à l’égard du requérant. En effet, le requérant n’a pas démontré n’avoir eu, par l’intermédiaire de son représentant légal, aucune part de responsabilité dans l’erreur d’adressage de l’original signé de la requête en pourvoi ainsi que dans le délai pour le dépôt de ce dernier au greffe du Tribunal, une fois ladite erreur corrigée.

45      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi est tardif et que, sans même qu’il soit besoin de statuer ni sur la demande de suspension de la procédure ni sur la demande de production de documents et de vérifications formulées par la Commission, celui-ci doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

47      Le requérant ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, il supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      AO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 12 décembre 2011.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.