Language of document : ECLI:EU:T:2019:760

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

24 octobre 2019 (*)

« Énergie – Décision de la commission de recours de l’ACER – Détermination des régions pour le calcul des capacités – Recours en annulation – Intérêt à agir – Irrecevabilité partielle – Règlement (UE) 2015/1222 – Compétence de l’ACER »

Dans l’affaire T‑333/17,

Austrian Power Grid AG, établie à Vienne (Autriche),

Vorarlberger Übertragungsnetz GmbH, établie à Bregenz (Autriche),

représentées par Mes H. Kristoferitsch et S. Huber, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

Verbund AG, établie à Vienne, représentée par Me S. Polster, avocat,

partie intervenante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), représentée par MM. P. Martinet et E. Tremmel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil et T. Müller, en qualité d’agents,

par

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

et par

Polskie Sieci Elektroenergetyczne S.A., établie à Konstancin-Jeziorna (Pologne), représentée par Me M. Szambelańczyk, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision A-001-2017 (consolidée) de la commission de recours de l’ACER, du 17 mars 2017, rejetant des recours contre la décision no 6/2016 de l’ACER relative à la détermination des régions pour le calcul des capacités,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mmes V. Tomljenović (rapporteur), président, A. Marcoulli et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Austrian Power Grid AG et Vorarlberger Übertragungsnetz GmbH, sont des gestionnaires de réseau de transport (ci-après « GRT ») pour l’électricité en Autriche.

2        Le 13 novembre 2015, le réseau européen des GRT pour l’électricité a publié une proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité, conformément à l’article 15 du règlement (UE) 2015/1222 de la Commission, du 24 juillet 2015, établissant une ligne directrice relative à l’allocation de la capacité et à la gestion de la congestion (JO 2015, L 197, p. 24).

3        Le 17 novembre 2015, les GRT ont soumis la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité aux autorités de régulation nationales pour approbation en vertu de l’article 9, paragraphe 6, sous b), du règlement 2015/1222.

4        Le 13 mai 2016, l’autorité de régulation nationale autrichienne, Energie-Control Austria für die Regulierung der Elektrizitäts- und Erdgaswirtschaft (E-Control), a demandé aux GRT de modifier la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité (ci-après la « demande de modification du 13 mai 2016 »).

5        Le 17 mai 2016, le président du forum des régulateurs de l’énergie, la plate-forme sur laquelle les autorités de régulation nationales se sont consultées et ont coopéré afin de parvenir à un accord sur la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité, a informé l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) que les autorités de régulation nationales n’étaient pas parvenues à une décision unanime sur la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité.

6        Le même jour, le président du forum des régulateurs de l’énergie a transmis au directeur de l’ACER un courriel d’E‑Control du 13 mai 2016, par lequel celle‑ci l’avait informé de son intention de demander aux GRT une modification de la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité.

7        Le 18 mai 2016, le président du forum des régulateurs de l’énergie a fait parvenir au directeur de l’ACER la demande de modification du 13 mai 2016.

8        Le 17 novembre 2016, l’ACER a adopté la décision no 6/2016 relative à la détermination des régions pour le calcul des capacités. À son article 1er et dans son annexe I, la décision no 6/2016 détermine les régions pour le calcul de la capacité conformément à l’article 15 du règlement 2015/1222. Selon l’article 2 de la décision no 6/2016, la définition des frontières des zones de dépôt des offres, donnée dans son annexe I, est sans préjudice d’une décision éventuelle, adoptée sur le fondement des articles 32 à 34 du règlement 2015/1222.

9        La décision no 6/2016 a fait l’objet de quatre recours auprès de la commission de recours de l’ACER, dont ceux introduits par les requérantes, celui introduit par E-Control et celui introduit par Verbund AG. Par leurs recours, les requérantes ont notamment sollicité :

–        l’annulation partielle de la décision no 6/2016, à savoir :

–        premièrement, de l’article 1er lu conjointement avec l’annexe I, de l’article 1er, paragraphe 1, sous c), deuxièmement, du mot « également » ainsi que de la partie de texte « aux fins de l’allocation de la capacité aux zones de dépôt des offres concernées jusqu’à ce que les conditions visées à l’article 5, paragraphe 3, [de l’annexe I] soient remplies » dans l’annexe I, article 2, paragraphe 2, sous e), troisièmement, de l’annexe I, article 5, paragraphe 1, sous s), quatrièmement, de l’annexe I, article 5, paragraphe 3, et, cinquièmement, de l’annexe I, carte no 3 ;

–        de l’article 2 et ses annexes IV et V ;

–        de toute autre disposition de la décision no 6/2016 qui introduit explicitement ou implicitement ou qui reconnaît l’introduction d’une frontière de zone de dépôt ou d’allocation de capacité à la frontière germano-autrichienne ;

–        à titre subsidiaire, le remplacement de la décision no 6/2016 par une décision qui ne prévoit pas l’introduction d’une frontière de zone de dépôt entre l’Autriche et l’Allemagne ou l’introduction de l’allocation de capacité à la frontière germano-autrichienne ;

–        à titre encore plus subsidiaire, l’annulation de la décision no 6/2016 dans son ensemble.

10      Le 31 janvier 2017, le président de la commission de recours de l’ACER a décidé de traiter les quatre recours dans le cadre d’une seule procédure administrative qui a été enregistrée sous la référence A-001-2017 (consolidée).

11      Le 17 mars 2017, la commission de recours de l’ACER a adopté la décision A-001-2017 (consolidée), rejetant des recours contre la décision no 6/2016 de l’ACER relative à la détermination des régions pour le calcul des capacités (ci-après la « décision attaquée ». Par cette décision, les recours introduits par les requérantes et par E-Control ont été rejetés comme étant non fondés, et celui introduit par Verbund comme étant irrecevable.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2017, les requérantes ont introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2017, Exaa Abwicklungsstelle für Energieprodukte a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions des requérantes. Par ordonnance du 5 juin 2018, Austrian Power Grid et Vorarlberger Übertragungsnetz/ACER (T‑333/17, non publiée, EU:T:2018:350), le Tribunal a rejeté cette demande en intervention au motif que l’intéressée n’avait pas démontré son intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions des requérantes.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 septembre 2017, la République de Pologne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de l’ACER. Par décision du 30 octobre 2017, le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 septembre 2017, la République tchèque a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de l’ACER. Par décision du 30 octobre 2017, le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 septembre 2017, Verbund a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions des requérantes. Par ordonnance du 27 avril 2018, Austrian Power Grid et Vorarlberger Übertragungsnetz/ACER (T‑333/17, non publiée, EU:T:2018:285), le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 septembre 2017, Polskie Sieci Elektroenergetyczne S.A. (ci-après « PSE ») a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de l’ACER. Par ordonnance du 4 décembre 2017, Austrian Power Grid et Vorarlberger Übertragungsnetz/ACER (T‑333/17, non publiée, EU:T:2018:880), le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

18      Les intervenantes ont déposé leurs mémoires et les parties principales leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

19      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, d’une part, le Tribunal a demandé à l’ACER de produire un document et, d’autre part, il a invité l’ACER et les requérantes à répondre à des questions par écrit. Les parties ont répondu à ces mesures d’organisation de la procédure dans le délai imparti.

20      Par lettre du greffe du Tribunal du 20 juin 2019, les parties ont été informées du fait que le Tribunal avait décidé de statuer sans phase orale de la procédure, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure.

21      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée dans son intégralité, y compris les parties suivantes de la décision no 6/2016 :

–        premièrement, l’article 1er lu conjointement avec l’annexe I, l’article 1er, paragraphe 1, sous c), deuxièmement, le mot « également » ainsi que la partie de texte « aux fins de l’allocation de la capacité aux zones de dépôt des offres concernées jusqu’à ce que les conditions visées à l’article 5, paragraphe 3, [de l’annexe I] soient remplies » dans l’annexe I, article 2, paragraphe 2, sous e), troisièmement, l’annexe I, article 5, paragraphe 1, sous s), quatrièmement, l’annexe I, article 5, paragraphe 3, et, cinquièmement, l’annexe I, carte no 3 ;

–        l’article 2 et ses annexes IV et V ;

–        à titre subsidiaire, annuler intégralement la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant la commission de recours de l’ACER ;

–        condamner l’ACER aux dépens.

22      L’ACER conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

23      La République tchèque conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

24      La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme étant irrecevable ou non fondé.

25      PSE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

26      Verbund conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité, y compris les parties suivantes de la décision no 6/2016 :

–        premièrement, l’article 1er lu conjointement avec l’annexe I, l’article 1er, paragraphe 1, sous c), et, deuxièmement, le mot « également » ainsi que la partie de texte « aux fins de l’allocation de la capacité aux zones de dépôt des offres concernées jusqu’à ce que les conditions visées à l’article 5, paragraphe 3, [de l’annexe I] soient remplies » dans l’annexe I, article 2, paragraphe 2, sous e) ;

–        l’article 2 et ses annexes IV et V ;

–        à titre subsidiaire, annuler intégralement la décision attaquée et renvoyer l’affaire devant la commission de recours de l’ACER.

 En droit

27      À l’appui du recours, les requérantes invoquent sept moyens. Le premier moyen est tiré d’un défaut de compétence de l’ACER pour modifier la proposition commune des GRT concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité. Le deuxième moyen est tiré du fait que la commission de recours de l’ACER a commis une erreur en supposant que l’ACER était autorisée à ne pas prendre en considération la demande de modification du 13 mai 2016 et que l’ACER était donc compétente pour adopter la décision no 6/2016. Le troisième moyen est tiré de ce que la commission de recours de l’ACER a commis une erreur en supposant que l’ACER était compétente pour déterminer des zones de dépôt des offres dans le cadre de la procédure visée à l’article 15 du règlement 2015/1222. Le quatrième moyen est tiré de ce que la commission de recours de l’ACER aurait erronément interprété la notion de « congestion structurelle » ainsi que l’étendue de son contrôle. Le cinquième moyen est tiré de ce que la commission de recours de l’ACER a considéré, à tort, que la scission de la zone de dépôt des offres germano-autrichienne était proportionnée. Le sixième moyen est tiré de ce que la commission de recours de l’ACER a considéré, à tort, que l’instauration d’une zone de dépôt des offres germano-autrichienne ne restreignait pas les libertés fondamentales. Le septième moyen est tiré de ce que la commission de recours de l’ACER a considéré, à tort, que la décision no 6/2016 de l’ACER était conforme aux règles procédurales.

 Sur la recevabilité

28      En l’espèce, il y a lieu d’examiner trois fins de non-recevoir. Premièrement, l’ACER, soutenue par la République de Pologne, conteste la recevabilité du recours dans la mesure où il tend à obtenir l’annulation de la décision no 6/2016. Deuxièmement, il y a lieu d’examiner d’office l’existence de l’intérêt à agir des requérantes en ce qui concerne l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où celle-ci a rejeté des recours administratifs introduits par des tiers. Troisièmement, il convient d’examiner d’office la recevabilité du chef de conclusions des requérantes tendant au renvoi de la présente affaire devant la commission de recours de l’ACER.

 Sur la contestation de la décision no 6/2016

29      L’ACER, soutenue par la République de Pologne, conteste la recevabilité du recours dans la mesure où il tend à l’annulation de la décision no 6/2016. En effet, c’est à bon droit que les requérantes auraient exercé leur droit de recours à l’encontre de la décision no 6/2016 devant la commission de recours de l’ACER. En revanche, selon l’ACER, elles n’auraient pas le droit d’introduire directement un recours en annulation contre la décision no 6/2016.

30      Les requérantes contestent ces arguments.

31      À titre liminaire, il importe de souligner que, en l’espèce, le seul acte susceptible de recours devant le Tribunal est la décision attaquée.

32      En effet, en l’occurrence, la décision no 6/2016 a été adoptée sur le fondement de l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222, qui prévoit que l’ACER statue selon la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 713/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, instituant une agence de coopération des régulateurs de l’énergie (JO 2009, L 211, p. 1). Selon l’article 19 du règlement no 713/2009, une décision visée notamment à l’article 8 du même règlement est susceptible de recours auprès de la commission de recours de l’ACER. En vertu de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 713/2009, seules les décisions prises par la commission de recours de l’ACER ou, au cas où celle-ci n’en a pas le droit, par l’agence peuvent être contestées devant le Tribunal conformément à l’article 263 TFUE. La décision attaquée ayant été adoptée sur le fondement de l’article 19 du règlement no 713/2009, celle-ci constitue le seul acte susceptible de recours devant le Tribunal en l’espèce.

33      Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la République de Pologne à juste titre, s’agissant du chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision no 6/2016, le présent recours a été introduit après l’expiration du délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE et doit, par conséquent, être considéré, en ce qui concerne cette décision, comme étant tardif.

34      Enfin, dans la mesure où les requérantes semblent demander au Tribunal de prononcer une injonction à l’encontre de la commission de recours de l’ACER, tendant à l’annulation partielle de la décision no 6/2016, force est de constater que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union européenne, même lorsqu’elles ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (voir ordonnance du 19 juillet 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑169/16, non publiée, EU:T:2016:441, point 13 et jurisprudence citée). Dans le cadre d’un recours en annulation, il incombe en effet à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt rendu (voir ordonnance du 22 juin 2015, In vivo/Commission, T‑690/13, non publiée, EU:T:2015:519, point 31 et jurisprudence citée).

35      Il résulte de ce qui précède que le recours est irrecevable dans la mesure où il tend à l’annulation partielle de la décision no 6/2016 ou à ce qu’il soit enjoint à la commission de recours de l’ACER de prononcer une telle annulation.

 Sur l’intérêt à agir

36      L’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (arrêt du 10 avril 2013, GRP Security/Cour des comptes, T‑87/11, non publié, EU:T:2013:161, point 44) et doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. L’intérêt à agir doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée).

37      Afin de garantir la bonne administration de la justice, toute personne introduisant une action en justice doit, indépendamment de la voie de recours choisie, avoir un intérêt à agir né et actuel (voir ordonnance du 22 juin 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EMA, T‑440/15, non publiée, EU:T:2016:400, point 36 et jurisprudence citée). L’existence d’un intérêt à agir suppose que le recours est susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 46 et jurisprudence citée, et du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, EU:T:2009:72, point 43 et jurisprudence citée).

38      Il incombe à la partie requérante d’apporter la preuve de son intérêt à agir (arrêt du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, EU:T:2005:129, point 31, et ordonnance du 21 janvier 2016, Proforec/Commission, T‑120/15, non publiée, EU:T:2016:50, point 20).

39      En l’espèce, par leurs conclusions, les requérantes demandent l’annulation de la décision attaquée dans son ensemble. Dans la décision attaquée, la commission de recours de l’ACER a rejeté les recours introduits par chacune des requérantes visant l’annulation de la décision no 6/2016, mais également ceux introduits par E-Control et par Verbund.

40      Or, force est de constater que les requérantes n’ont apporté aucun élément qui pourrait démontrer que l’annulation de la décision attaquée pour autant que celle-ci a rejeté les recours administratifs introduits par E-Control et par Verbund serait susceptible de leur procurer un quelconque bénéfice, qui va au-delà du bénéfice qu’elles auront du fait d’une éventuelle annulation de la décision attaquée en tant qu’elle rejette leurs propres recours administratifs. Les requérantes ne sont donc pas parvenues à démontrer leur intérêt à agir à cet égard.

41      Partant, il y a lieu de rejeter le présent recours comme étant irrecevable dans la mesure où il vise à l’annulation de la décision attaquée pour autant que celle-ci a rejeté les recours administratifs introduits par E‑Control et par Verbund.

 Sur la recevabilité de la demande de renvoi de la présente affaire devant la commission de recours de l’ACER

42      Par les conclusions soulevées à titre subsidiaire, les requérantes demandent au Tribunal, à la suite de l’annulation de la décision attaquée, de renvoyer l’affaire devant la commission de recours de l’ACER.

43      Or, ainsi qu’il a été exposé au point 34 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union, même lorsqu’elles ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts.

44      Il y a donc lieu de rejeter le recours comme étant irrecevable dans la mesure où les requérantes ont conclu à ce que le Tribunal renvoie l’affaire devant la commission de recours de l’ACER. Pour les mêmes raisons, il y a lieu de rejeter la conclusion identique, soulevée par Verbund.

 Sur le deuxième moyen, tiré du fait que la commission de recours de l’ACER a commis une erreur en estimant qu’elle était autorisée à ne pas prendre en considération la demande de modification du 13 mai 2016 et qu’elle était compétente pour statuer sur la proposition commune des GRT

45      Dans le cadre de leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que la commission de recours de l’ACER aurait, dans la décision attaquée, commis une erreur de droit lorsqu’elle a considéré, en substance, que l’ACER était compétente pour adopter, en vertu de l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222, une décision en ce qui concernait la proposition commune des GRT, à savoir la décision no 6/2016, alors même que l’ACER savait, depuis le 18 mai 2016, que E‑Control avait soumis la demande de modification du 13 mai 2016.

46      L’ACER, soutenue par la République tchèque, par la République de Pologne et par PSE, conteste ces arguments.

47      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1222 prévoit que, dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur de ce règlement, tous les GRT élaborent conjointement une proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité.

48      Selon l’article 9, paragraphe 6, sous b), du règlement 2015/1222, les propositions concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité font l’objet d’une approbation par toutes les autorités de régulation nationales.

49      Il résulte du premier membre de phrase de l’article 9, paragraphe 6, du règlement 2015/1222 que la détermination des régions pour le calcul de la capacité relève de la notion de « modalités et conditions ou méthodologies », visée à l’article 9, paragraphes 10 à 12, du même règlement.

50      L’article 9, paragraphe 10, du règlement 2015/1222 énonce que, aux fins de l’approbation d’une proposition concernant les « modalités et conditions ou méthodologies », les autorités de régulation nationales compétentes se consultent, coopèrent et se coordonnent étroitement afin de parvenir à un accord. Les autorités de régulation nationales statuent sur la proposition commune des GRT dans un délai de six mois à compter de la réception de celle-ci.

51      Conformément à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 713/2009, lorsque les autorités de régulation nationales ne sont pas parvenues à un accord en ce qui concerne la proposition commune des GRT dans un délai de six mois, ou à leur demande conjointe, et qu’elles n’ont donc pas approuvé ladite proposition commune, l’ACER statue sur l’approbation de cette proposition. Il résulte de l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222 que l’absence d’un accord visant l’approbation, par les autorités de régulation nationales, dans ledit délai, de la proposition commune des GRT est l’élément qui confère à l’ACER la compétence pour statuer sur la proposition commune des GRT.

52      L’article 9, paragraphe 12, première phrase, du règlement 2015/1222 prévoit qu’une ou plusieurs autorités de régulation nationales peuvent demander une modification d’une proposition visant les « modalités et conditions ou méthodologies ». Il résulte également de cette disposition que, si une demande de modification a été soumise aux GRT, ceux‑ci soumettent à leur tour une proposition commune modifiée aux autorités de régulation nationales pour approbation dans un délai de deux mois à compter de la demande. Selon l’article 9, paragraphe 12, deuxième phrase, dudit règlement, les autorités de régulation nationales compétentes statuent sur la proposition commune modifiée dans un délai de deux mois à compter de sa soumission. Enfin, selon l’article 9, paragraphe 12, troisième phrase, du même règlement, lorsque les autorités de régulation nationales compétentes ne sont pas parvenues à un accord sur la proposition commune modifiée dans le délai de deux mois, ou à leur demande conjointe, l’ACER statue sur cette proposition commune modifiée.

53      Il ressort d’une lecture combinée de l’article 9, paragraphe 10, du règlement 2015/1222 et de l’article 9, paragraphe 12, du même règlement que, étant donné que le pouvoir d’approbation d’une proposition commune des GRT est confié à l’ACER après l’écoulement de la période de six mois permettant l’approbation de la proposition par les autorités de régulation nationales, une telle demande de modification doit nécessairement être introduite pendant la période de six mois visée à l’article 9, paragraphe 10, du règlement 2015/1222, à moins que, avant l’expiration de ce délai, l’ACER n’ait déjà été saisie d’une demande conjointe des autorités de régulation, telle que celle visée à l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222.

54      De plus, il découle implicitement, mais nécessairement de l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222 que, dès qu’une demande de modification a été soumise, en principe, l’ACER ne peut procéder à l’approbation d’une proposition commune initiale des GRT sur le fondement de l’article 9, paragraphe 11, dudit règlement. Le simple fait qu’une autorité de régulation nationale soumette une demande de modification aux GRT a pour conséquence que l’ACER n’acquiert pas la compétence décisionnelle visée à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222.

55      En revanche, l’ACER est compétente pour statuer sur une proposition commune des GRT lorsque, en dépit de l’existence d’une demande de modification, les autorités de régulation nationales confient, selon l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222, à ladite agence, par une demande conjointe, la tâche d’approuver la proposition commune initialement soumise par les GRT ou lorsque, en l’absence d’une telle demande de modification, lesdites autorités nationales choisissent de raccourcir à l’unanimité le délai de six mois visé à l’article 9, paragraphe 10, du même règlement.

56      Si les GRT concernés ne soumettent pas de proposition modifiée, la procédure prévue à l’article 9, paragraphe 4, du règlement 2015/1222 s’applique. Cette disposition prévoit que, si les GRT ne soumettent pas aux autorités de régulation nationales une proposition commune modifiée concernant les « modalités et conditions ou méthodologies » dans les délais prescrits, ils communiquent aux autorités de régulation nationales compétentes et à l’ACER les projets correspondants de proposition modifiée, en précisant les raisons qui ont empêché la conclusion d’un accord. L’ACER en informe la Commission européenne et, si celle-ci en fait la demande, analyse, en coopération avec les autorités de régulation nationales compétentes, les raisons de cet échec, qu’elle communique à la Commission. Dans un délai de quatre mois à compter de la réception des informations communiquées par l’ACER, la Commission prend les mesures appropriées pour permettre l’adoption des « modalités et conditions ou méthodologies » requises.

57      En l’espèce, il est constant que, le 17 novembre 2015, les GRT ont soumis leur proposition commune du 13 novembre 2015 concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité conformément à l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1222 et que les autorités de régulation nationales ne sont pas parvenues à un accord en ce qui concerne cette proposition. Ainsi, lorsque le président du forum des régulateurs de l’énergie a, le 17 mai 2016, communiqué à l’ACER le défaut d’accord, cette dernière semble être devenue compétente pour statuer sur cette proposition en vertu de l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222.

58      Toutefois, depuis le 13 mai 2016, il existait une demande de modification élaborée par E‑Control tendant, en substance, premièrement, à la suppression de la frontière de la zone de dépôt des offres germano-autrichienne et, deuxièmement, à la fusion de deux régions en une seule et unique région de calcul de la capacité. Il est constant que cette demande de modification a été soumise aux GRT par E‑Control le 13 mai 2016 et, partant, avant l’expiration du délai de six mois visé à l’article 9, paragraphe 10, du règlement 2015/1222, soit, en l’espèce, le 17 mai 2016. Enfin, il est constant qu’il n’y avait pas, à la date du 13 mai 2016, de demande conjointe des autorités de régulation nationales demandant à l’ACER de statuer conformément à l’article 9, paragraphe 11, du même règlement. La demande de modification du 13 mai 2016 a été portée à la connaissance de l’ACER le 18 mai 2016.

59      Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été relevé aux points 47 à 56 ci‑dessus, il y a lieu de constater que, du fait de la soumission aux GRT, par E-Control, de la demande de modification du 13 mai 2016, l’ACER n’avait pas le pouvoir de prendre une décision sur la proposition commune des GRT du 13 novembre 2015 dans le cadre de la procédure visée à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222.

60      Partant, la commission de recours de l’ACER a commis une erreur de droit lorsqu’elle a considéré que cette agence avait encore la compétence, au titre de l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222, pour adopter une décision visant la proposition des GRT du 13 novembre 2015 concernant la détermination des régions pour le calcul des capacités, alors qu’elle savait que E‑Control avait introduit une demande de modification, que les GRT n’avaient pas eu l’occasion de rédiger une proposition commune modifiée en réponse à cette demande et que les autorités nationales de régulation n’avaient pas eu l’opportunité de parvenir à un accord en ce qui concerne une telle proposition modifiée.

61      Ce constat n’est pas remis en cause par les autres arguments de l’ACER et des parties qui sont intervenues au soutien de ses conclusions.

62      Premièrement, s’agissant de l’argument de l’ACER selon lequel elle a traité et pris en compte le contenu de la demande de modification du 13 mai 2016, il convient de relever d’emblée que l’ACER n’a pas fait entièrement droit à cette demande de modification. Plus précisément, elle n’a pas fait droit à cette demande dans la mesure où celle‑ci visait la suppression de la frontière de la zone de dépôt des offres germano‑autrichienne.

63      De plus, force est de constater que le fait qu’une autorité de régulation nationale ait, en vertu de l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222, introduit une demande de modification constitue un élément qui a pour conséquence que l’ACER n’acquiert pas la compétence dont elle est en mesure de se prévaloir en application de l’article 9, paragraphe 11, de ce règlement (voir point 54 ci‑dessus). Selon l’article 9, paragraphe 12, du même règlement, la soumission d’une demande de modification donne lieu à l’existence d’une compétence décisionnelle de l’ACER dans le respect des conditions propres à cette disposition, à savoir à la condition que les GRT aient formulé une proposition commune modifiée, d’une part, et que les autorités de régulation nationales ne soient, quant à elles, pas parvenues à un accord en ce qui concerne la proposition commune modifiée ou que ces autorités aient saisi l’ACER d’une demande conjointe visant cette proposition modifiée, d’autre part.

64      Dès lors, contrairement à ce que fait valoir l’ACER, le fait pour cette dernière d’avoir pris en compte, en l’espèce, la demande de modification du 13 mai 2016 ne remédie pas au fait que, en conséquence de l’introduction de cette demande, elle n’avait pas la compétence visée à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222 pour adopter la décision no 6/2016. De plus, en l’espèce, la prétendue prise en compte partielle, par l’ACER, de la demande de modification du 13 mai 2016 dans la décision no 6/2016 ne change rien au fait que cette agence n’a pas respecté les étapes procédurales prévues à l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222 et que, en réalité, s’agissant de la compétence décisionnelle et de la procédure suivie, la décision no 6/2016 se place en dehors du cadre réglementaire prévu à l’article 9, paragraphes 11 et 12, du règlement 2015/1222. En effet, l’adoption de la décision no 6/2016 constituait une ingérence tant dans l’exercice du droit des GRT de formuler une proposition commune modifiée concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité que dans l’exercice du droit des autorités de régulation nationales, au nombre desquelles figurait E-Control, d’approuver une telle proposition modifiée.

65      Enfin, dans ses écritures, l’ACER a invoqué une lettre du 13 juillet 2016 du secrétaire général du réseau européen des GRT pour l’électricité, qui, selon elle, aurait été adressée à son directeur et par laquelle les GRT auraient indiqué qu’ils ne soumettraient pas de proposition modifiée concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité.

66      Or, il y a lieu de constater que, dans cette lettre, qui a été versée au dossier du Tribunal en tant qu’annexe B.3 au mémoire en défense, le secrétaire général du réseau européen des GRT pour l’électricité a notamment soutenu que, depuis la communication de la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité aux autorités de régulation nationales en novembre 2015, ni l’ensemble des GRT, ni son organisation n’avaient reçu une quelconque communication formelle concernant le processus d’approbation de ladite proposition commune. Il ressort, certes, de cette lettre qu’il n’a pas été demandé aux GRT, à la suite de la demande de modification du 13 mai 2016, de fournir une proposition commune modifiée concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité. Cependant, la lettre du 13 juillet 2016 ne contient aucune allégation explicite selon laquelle les GRT auraient refusé ou auraient envisagé de s’abstenir de soumettre une proposition commune modifiée.

67      À supposer que cette lettre doive être comprise comme une absence ou une abstention, par les GRT, de soumettre une proposition modifiée à la suite de la demande de modification du13 mai 2016, introduite dans les délais par l’autorité de régulation autrichienne, alors l’article 9, paragraphe 12, dernière phrase, du règlement 2015/1222 trouverait à s’appliquer, cette disposition renvoyant à la procédure prévue par l’article 9, paragraphe 4, du même règlement. Or, en l’espèce, il est constant que cette dernière procédure n’a été ni déclenchée ni respectée.

68      Partant, il convient de rejeter comme non fondé l’argument de l’ACER selon lequel la décision attaquée ne serait pas entachée d’erreur, au motif que l’agence aurait partiellement fait droit, dans la décision no 6/2016, aux modifications proposées par E‑Control.

69      Deuxièmement, l’ACER fait valoir que la demande de modification du 13 mai 2016 n’aurait pas été valable au titre de l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222 et que, partant, cette demande ne l’aurait pas empêchée de statuer sur la proposition commune des GRT concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité conformément à l’article 9, paragraphe 11, de ce même règlement. En effet, selon l’ACER, une demande de modification introduite au titre de l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222 aurait dû être validée par toutes les autorités de régulation nationales des États membres concernés, conformément à l’article 9, paragraphes 6 et 10, du règlement 2015/1222, et ce, en particulier, afin de garantir l’efficacité de cette procédure. Or, la demande de modification du 13 mai 2016 aurait été présentée de manière unilatérale, à savoir sans l’accord des autres autorités de régulation compétentes.

70      D’abord, il convient de relever que l’article 9, paragraphe 12, première phrase, du règlement 2015/1222 énonce expressément qu’une demande de modification d’une proposition commune des GRT concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité peut être introduite valablement par « une ou plusieurs autorités de régulation nationales ». Compte tenu du terme « une » figurant dans cette disposition et du fait que ce terme ne manque point de clarté ni ne donne lieu à des doutes quant à son interprétation, et sauf à priver l’article 9, paragraphe 12, première phrase, du règlement 2015/1222, pour partie, de son effet utile, il ne saurait être exigé que les régulateurs autres que l’autorité de régulation nationale qui a soumis une demande de modification soient d’accord avec le contenu d’une telle demande afin qu’une telle demande puisse être considérée comme étant valide.

71      Cette conclusion est confirmée par le contexte dans lequel s’intègre l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222.

72      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1222 réserve aux GRT le droit d’élaborer la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité. Selon l’article 9, paragraphe 6, sous b), et paragraphe 10, de ce règlement, les autorités de régulation nationales détiennent, quant à elles, uniquement un droit d’approbation de la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité. Ainsi, lorsque les autorités de régulation nationales sont formellement saisies pour la première fois de la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité, elles n’ont pas le droit de modifier elles-mêmes, par leur propre décision, une telle proposition.

73      Or, en accordant la possibilité à chaque autorité de régulation nationale de formuler, certes à une unique occasion, une demande de modification d’une proposition commune des GRT, l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222 cherche à établir un équilibre entre le droit des GRT de soumettre une telle proposition, d’une part, et l’absence de pouvoir des régulateurs nationaux de modifier, de leur propre chef, une telle proposition, d’autre part.

74      Ensuite, contrairement à ce que soutient la République tchèque, la possibilité de demander unilatéralement une modification de la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité ne rend pas inutile la procédure visée à l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222. Plus précisément, la République tchèque fait valoir que, si certaines des autorités de régulation nationales concernées refusent d’approuver les modifications demandées par une autre autorité de régulation, aucun accord visé à l’article 9, paragraphe 10, du règlement 2015/1222 n’est possible et qu’il appartient donc nécessairement à l’ACER de statuer conformément à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222. À cet égard, il suffit de constater que, d’une part, si une demande de modification a été introduite, cela a pour conséquence que l’article 9, paragraphes 10 et 11, du règlement 2015/1222 n’est plus, en principe, applicable et que, d’autre part, cet argument ne remet pas en cause la possibilité qu’une modification proposée soit approuvée par toutes les autorités de régulation nationales concernées.

75      Il convient donc de rejeter les arguments selon lesquels la finalité de l’article 9, paragraphe 12, du règlement 2015/1222 exigerait que, en l’espèce, la demande de modification du 13 mai 2016 dût être validée par toutes les autorités de régulation nationales concernées. De plus, le fait qu’une seule autorité de régulation nationale détient le droit de demander des modifications de la proposition commune concernant la détermination des régions pour le calcul de la capacité ne prive pas les procédures visées dans le règlement 2015/1222 de leur effet utile.

76      Troisièmement, l’ACER considère que le deuxième moyen invoqué à l’appui du recours est manifestement insuffisamment étayé au motif que les requérantes n’auraient pas expliqué en quoi, à leur avis, il serait erroné que la commission de recours de l’ACER n’ait pas soulevé d’objection contre le fait que l’ACER s’était fondée sur l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222.

77      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de façon claire de la requête que, selon les requérantes, dès la soumission de la demande de modification du 13 mai 2016, les conditions de l’applicabilité de l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222 n’étaient plus remplies. Selon les requérantes, dès l’introduction de cette demande, l’ACER n’était donc plus en droit d’adopter une décision au titre de sa compétence visée à l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222, telle que la décision no 6/2016. Par ailleurs, pour autant que l’ACER soutient que les requérantes n’expliquent pas en quoi le raisonnement figurant dans la décision attaquée et portant sur un prétendu défaut de compétence aurait été « inapproprié », il importe de souligner que, par le deuxième moyen, les requérantes ne font valoir aucun argument tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée.

78      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel le deuxième moyen est manifestement insuffisamment étayé.

79      Il découle de ce qui précède que la commission de recours de l’ACER a commis une erreur de droit lorsqu’elle a constaté dans la décision attaquée que c’était à juste titre que l’ACER avait adopté la décision no 6/2016 sur le fondement de l’article 9, paragraphe 11, du règlement 2015/1222.

80      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen et donc d’annuler la décision attaquée dans la mesure où celle-ci rejette les recours introduits par les requérantes à l’encontre de la décision no 6/2016.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

82      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

83      En l’espèce, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en mettant à la charge des requérantes trois quarts de leurs propres dépens, l’ACER supportant, outre ses propres dépens, un quart de ceux des requérantes, conformément aux conclusions de ces dernières.

84      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la République tchèque et la République de Pologne supporteront chacune leurs propres dépens.

85      Selon l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 dudit article supportera ses propres dépens. Il y a donc lieu de juger que Verbund et PSE supporteront chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision A0012017 (consolidée) de la commission de recours de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), du 17 mars 2017, rejetant des recours contre la décision no 6/2016 de l’ACER relative à la détermination des régions pour le calcul des capacités est annulée dans la mesure où elle rejette les recours d’Austrian Power Grid AG et de Vorarlberger Übertragungsnetz GmbH.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’ACER supportera ses propres dépens ainsi qu’un quart de ceux exposés par Austrian Power Grid et par Vorarlberger Übertragungsnetz.


4)      Austrian Power Grid et Vorarlberger Übertragungsnetz supporteront trois quarts de leurs propres dépens.

5)      La République tchèque, la République de Pologne, Verbund AG et Polskie Sieci Elektroenergetyczne S.A. supporteront chacune leurs propres dépens.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 octobre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.