Language of document : ECLI:EU:T:2000:84

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

22 mars 2000 (1)

«Concurrence - Règlement (CEE) n° 4064/89 - Décision déclarant uneconcentration compatible avec le marché commun - Recours en annulation -Motivation - Recevabilité»

Dans les affaires jointes T-125/97 et T-127/97,

The Coca-Cola Company, établie à Wilmington, Delaware (États-Unis), représentéepar Me M. Siragusa, avocat au barreau de Rome, et Me N. Levy, du barreaud'Angleterre et du pays de Galles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude deMes Elvinger et Hoss, 15, Côte d'Eich,

Coca-Cola Enterprises Inc., établie à Atlanta, Géorgie (États-Unis), représentéepar M. P. Lasok, QC, et M. M. Reynolds, solicitor, du barreau d'Angleterre et dupays de Galles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude Zeyen, Beghin etFeider, 56-58, rue Charles Martel,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. W. Wils, membredu service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprèsde M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, centre Wagner,Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

The Virgin Trading Company Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentéepar M. I. Forrester, QC, du barreau d'Écosse, ayant élu domicile à Luxembourg enl'étude de Me A. May, 31, Grand-rue,

et

République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing,Ministerialrat au ministère fédéral des Finances, et C.-D. Quassowski,Regierungsdirektor au même ministère, en qualité d'agents, Graurheindorfarstraße108, Bonn (Allemagne),

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation d'une partie des motifs de la décision97/540/CE de la Commission, du 22 janvier 1997, déclarant une concentrationcompatible avec le marché commun et le fonctionnement de l'accord sur l'Espaceéconomique européen (affaire n° IV/M.794 - Coca-Cola/Amalgamated BeveragesGB) (JO L 218, p. 15),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie),

composé de M. B. Vesterdorf, président, Mme V. Tiili, MM. J. Pirrung,A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 8 juillet 1999,

rend le présent

Arrêt

Parties

1.
    La requérante, The Coca-Cola Company (ci-après «TCCC»), et la société de droitanglais Cadbury Schweppes plc (ci-après «CS») sont titulaires de droits sur diversesmarques de boissons gazeuses non alcoolisées commercialisées en Grande-Bretagneet dans d'autres pays. Elles fournissent à des entreprises tierces d'embouteillage lesconcentrés et les ingrédients utilisés pour préparer des boissons commercialiséessous ces marques et les autorisent à distribuer leurs boissons dans un territoiredéterminé.

2.
    Amalgamated Beverages Great Britain (ci-après «ABGB»), entreprise filiale deTCCC et de CS, était chargée de l'embouteillage, de la distribution, de lapromotion et de la commercialisation des boissons de ces sociétés et faisait réaliserces activités par sa filiale, la société Coca-Cola & Schweppes Beverages Ltd (ci-après «CCSB»).

3.
    Coca-Cola Enterprises Inc. (ci-après «CCE») est la première entreprise mondialed'embouteillage des produits de TCCC. Elle a été créée en 1986, lorsque TCCCa commencé à regrouper ses activités d'embouteillage aux États-Unis, et son capitala été ouvert au public à concurrence de 51 %. Hormis ses activités aux États-Unis,CCE est devenue, à la suite d'une série d'acquisitions à partir de 1993,l'embouteilleur de TCCC en Belgique, aux Pays-Bas et en France.

Cadre factuel et juridique du litige

4.
    Les présents recours s'inscrivent dans le cadre plus large des procédures en matièrede concurrence engagées par la Commission au titre des articles 85 et 86 du traitéCE (devenus articles 81 CE et 82 CE), impliquant TCCC et/ou ses embouteilleursen Europe. La première affaire a pour origine une procédure engagée enseptembre 1987, au titre de l'article 86 du traité, contre une filiale italienne deTCCC, The Coca-Cola Export Corporation (ci-après «TCCEC»), au cours delaquelle la Commission a considéré que celle-ci détenait une position dominantesur le marché des boissons gazeuses non alcoolisées au cola (ci-après les «colas»).Dans le cadre de cette procédure, TCCEC, tout en exprimant des réserves surl'existence d'un marché pertinent des colas et sa position dominante alléguée surce marché, s'est engagée à respecter certaines obligations spécifiques concernantles accords conclus avec des distributeurs dans les États membres (voircommuniqué de presse IP/90/7). Cet engagement a été repris par CCE dans ladécision qui fait l'objet des présents recours.

5.
    Il ressort du dossier que la position dominante alléguée de TCCC sur le marchédes colas a, de nouveau, été mise en cause à la suite d'une plainte pour violationde l'article 86 du traité, déposée en 1993 [...](2) contre sa filiale, l'embouteilleurfrançais Coca-Cola Beverages SA (ci-après «CCBSA»). Il résulte également dudossier que, en août 1995, la Commission avait fait valoir que CCBSA dominait lemarché français des colas et s'était livrée à des pratiques abusives au sens del'article 86 du traité.

6.
    Le 9 août 1996, la Commission a reçu de CCE une notification, au titre durèglement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôledes opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1).

7.
    L'opération notifiée portait sur l'accord de CS et TCCC de procéder à laliquidation d'ABGB par la vente de leurs participations respectives dans celle-ci àCCE, qui, à l'époque des faits, n'exerçait aucune activité commerciale en Grande-Bretagne.

8.
    Par sa décision 97/540/CE, du 22 janvier 1997, la Commission a déclaré l'opérationnotifiée compatible avec le marché commun, conformément à l'article 8,paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, et le fonctionnement de l'accord surl'Espace économique européen (affaire n° IV/M.794 - Coca-Cola/AmalgamatedBeverages GB) (JO L 218, p. 15, ci-après la «décision» ou la «décision attaquée»).

9.
    Dans les motifs de cette décision, la Commission a, entre autres constatations, faitles suivantes: premièrement, TCCC est en mesure d'exercer une influencedéterminante sur CCE et, dès lors, elle contrôle cette entreprise au sens de l'article3, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89; deuxièmement, les colas vendus enGrande-Bretagne constituent le marché pertinent aux fins de l'évaluation de laconcentration notifiée et, troisièmement, CCSB occupe une position dominante surle marché britannique des colas. Elle a, toutefois, conclu (point 214) ce qui suit:

« [B]ien que l'opération proposée entraîne une modification structurelle qui peutégalement entraîner un changement du comportement de CCSB sur le marché [...]il n'est pas possible d'opérer une distinction suffisamment claire entre lespossibilités qui découleraient directement du projet et celles qui existent déjà dansla structure actuelle de CCSB pour conclure que l'opération proposée renforce laposition dominante de CCSB sur le marché des colas en Grande-Bretagne au sensde l'article 2 du règlement [n° 4064/89].»

10.
    Dans sa décision, la Commission a, en outre, relevé que CCE s'était engagée à ceque, aussi longtemps qu'elle contrôlerait CCSB, cette dernière respecte les mêmesengagements que ceux pris en 1989 par TCCEC (voir ci-dessus point 4), consistantà renoncer à certaines pratiques commerciales considérées comme illégaleslorsqu'elles sont employées par une entreprise en position dominante. Selon lepoint 212 de la décision, «ces engagements répondraient à certaines despréoccupations exprimées par des tiers au cours de la procédure».

Procédure

11.
    C'est dans ces circonstances que, par requêtes déposées au greffe du Tribunal le22 avril 1997, TCCC et CCE ont introduit deux recours en annulation contre ladécision (affaires n°s T-125/97 et T-127/97).

12.
    Par actes déposés au greffe du Tribunal le 2 juin 1997, la Commission a soulevé,dans les deux affaires, une exception d'irrecevabilité. Les 5 et 8 septembre 1997,CCE et TCCC ont déposé leurs observations sur cette exception.

13.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 29 septembre 1997, Virgin TradingCompany Ltd (ci-après «Virgin») a demandé à intervenir dans les deux affairesà l'appui des conclusions de la Commission.

14.
    Par lettres du 16 octobre 1997, TCCC et CCE ont contesté l'intérêt à intervenir deVirgin et demandé, en application de l'article 116, paragraphe 2, du règlement deprocédure, le traitement confidentiel d'un certain nombre des documents déposésau Tribunal dans le cadre des présentes affaires.

15.
    Par lettres du 30 octobre 1997, la République fédérale d'Allemagne a demandé àintervenir dans les deux affaires à l'appui des conclusions de la Commission.

16.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 3 novembre 1997, CCE et TCCCont demandé à intervenir dans les affaires T-125/97 et T-127/97 au soutien l'une del'autre.

17.
    Par lettres du 10 novembre 1997, la Commission a considéré que, en ce quiconcerne les demandes en intervention de Virgin, les demandes de traitementconfidentiel de TCCC et de CCE n'étaient pas justifiées et qu'aucun traitementconfidentiel ne saurait être accordé vis-à-vis de la République fédéraled'Allemagne.

18.
    Par lettre du 12 novembre 1997, la Commission s'est opposée aux demandesd'intervention susmentionnées de CCE et de TCCC.

19.
    Par demandes déposées au greffe du Tribunal les 19 et 21 novembre 1997, CCEet TCCC ont sollicité le traitement confidentiel de certains de leurs documents, àl'égard l'une de l'autre.

20.
    Par lettre du 7 juillet 1998, TCCC s'est référée, à l'appui de la recevabilité de sonrecours, à des documents émanant de certaines autorités de la concurrence afin dedémontrer que la décision attaquée et, notamment, les constatations contenuesdans celle-ci portant sur la définition du marché pertinent avaient déjà été prisesen compte par des juridictions et autorités de la concurrence en France, en Italieet en Lituanie au détriment de ses intérêts [...] Par lettre du 28 août 1998, laCommission a pris position sur le contenu de ces documents.

21.
    Par ordonnances du 18 mars 1999, le président de la première chambre duTribunal a fait droit aux demandes d'intervention de Virgin et de la Républiquefédérale d'Allemagne dans les deux affaires et a rejeté celles de TCCC et de CCE.

22.
    S'agissant des demandes de confidentialité de TCCC et de CCE à l'égard l'une del'autre, elles ont été admises, provisoirement, par la même ordonnance, aux fins dela procédure sur l'exception d'irrecevabilité.

23.
    Par décision du Tribunal du 9 avril 1999, les deux affaires ont été renvoyées à lapremière chambre élargie.

24.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure oraleaux fins de statuer sur l'exception d'irrecevabilité. Dans le cadre des mesuresd'organisation de la procédure au titre de l'article 64 de son règlement deprocédure, il a invité la Commission et CCE à répondre à certaines questionsécrites et la Commission à déposer le procès-verbal de la réunion du comitéconsultatif du 7 janvier 1997 ainsi que tout autre document remis aux membresdudit comité aux fins de cette réunion. Les parties ont été entendues en leursplaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audiencedu 8 juillet 1999.

25.
    En application de l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal, les affairesT-125/97 et T-127/97 sont jointes aux fins de l'arrêt.

Conclusions des parties

26.
    Dans sa requête, TCCC conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer la décision nulle et de nul effet dans la mesure où, dans cettedécision, la Commission constate: l'offre de colas correspond en Grande-Bretagne à un marché concerné, CCSB occupe une position dominante surce marché et TCCC contrôle CCE au sens de l'article 3, paragraphe 3, durèglement n° 4064/89;

subsidiairement,

-    déclarer la décision nulle et de nul effet dans sa totalité dans la mesure oùune déclaration en ce sens est nécessaire pour annuler les constatationsvisées ci-dessus et déclarer que l'acquisition d'ABGB par CCE est autoriséeconformément à l'article 10, paragraphe 6, du règlement n° 4064/89;

et, dans l'un ou l'autre de ces cas,

-    déclarer nul et non avenu l'engagement donné à la Commission par CCEle 17 février 1997, ainsi que la constatation sur laquelle la Commission s'estfondée pour demander et obtenir cet engagement, à savoir que CCSBoccupe une position dominante sur un marché concerné correspondant àl'offre de colas en Grande-Bretagne;

-    condamner la Commission aux dépens;

-    prendre toute autre mesure que le Tribunal jugera appropriée.

27.
    Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, TCCC demande au Tribunal,d'une part, soit de rejeter cette exception, soit de déclarer que l'engagement ainsique les constatations contestés de la Commission, contenus dans la décisionattaquée, sont dépourvus d'effets juridiques et, d'autre part, de condamner laCommission aux dépens en application de l'article 87, paragraphe 3, du règlementde procédure.

28.
    Dans sa requête, CCE conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer que la décision est nulle et de nul effet dans la mesure où laCommission constate dans cette décision: TCCC contrôle CCE au sens del'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, l'offre de colas enGrande-Bretagne constitue un marché distinct et CCSB est en positiondominante sur ce marché;

subsidiairement,

-    déclarer que les «décisions» suivantes, selon lesquelles: TCCC contrôleCCE au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, l'offrede colas en Grande-Bretagne constitue un marché distinct et CCSB est enposition dominante sur ce marché, contenues dans la décision sont nulles;

-    condamner la Commission aux dépens.

29.
    Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, CCE demande au Tribunalde déclarer son recours recevable et, en tout état de cause, de condamner laCommission aux dépens en application de l'article 87, paragraphe 3, du règlementde procédure.

30.
    Dans les deux affaires, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter les recours comme irrecevables;

-    condamner les requérantes aux dépens.

31.
    Dans ses mémoires en intervention, déposés le 12 mai 1999, Virgin conclut à cequ'il plaise au Tribunal:

-    rejeter les recours comme irrecevables;

-    condamner les requérantes aux dépens.

32.
    Dans ses mémoires en intervention, déposés le 12 mai 1999, la République fédéraled'Allemagne conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter les recours commeirrecevables.

Sur l'exception d'irrecevabilité

Argumentation des parties dans l'affaire T-125/97

33.
    TCCC soutient qu'elle est directement et individuellement concernée par ladécision attaquée et que celle-ci constitue un acte attaquable au sens de l'article173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230,quatrième alinéa, CE).

34.
    En ce qui concerne sa qualité à agir, TCCC expose, en premier lieu, qu'elle estmanifestement concernée par la décision attaquée. La constatation principale dela Commission selon laquelle CCSB, en sa qualité de seul embouteilleurbritannique des produits de TCCC, occupe une position dominante sur le marchédes colas en Grande-Bretagne serait fondée sur le fait que CCSB embouteille etdistribue le produit de celle-ci, à savoir le «Coca-Cola». En deuxième lieu, tant laconstatation selon laquelle CCSB est en position dominante que l'engagement deCCE auraient comme effet de restreindre radicalement le comportementcommercial de CCSB au détriment de la vente des produits de TCCC.

35.
    Enfin, si la constatation contestée de la Commission selon laquelle TCCC contrôleCCE était fondée, il s'ensuivrait que TCCC serait individuellement et directementconcernée par la décision attaquée (arrêts de la Cour du 29 mars 1979, NTN ToyoBearing e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185, point 9, et du 28 février 1984,Ford/Commission, 228/82 et 229/82, Rec. p. 1129, point 13).

36.
    S'agissant de l'existence d'un acte attaquable, TCCC soutient que la constatationde l'existence d'une position dominante dans la décision entraîne, pour CCSB, desconséquences importantes et durables, susceptibles d'exercer des effets juridiquespréjudiciables, au sens de l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1981,IBM/Commission (60/81, Rec. p. 2639, ci-après l'«arrêt IBM»).

37.
    En premier lieu, cette constatation imposerait à CCSB une «responsabilitéparticulière», de sorte qu'un comportement généralement considéré comme légaldans le marché en cause pourrait être considéré comme un abus de positiondominante, ce qui, en l'espèce, aurait pour effet de restreindre la libertécommerciale de cette société.

38.
    En deuxième lieu, cette constatation pourrait être utilisée par la Commission dansdes affaires pendantes et futures. A cet égard, TCCC soutient ne pas avoirconnaissance d'un cas dans lequel la Commission aurait modifié ses vues sur ladéfinition du marché ou l'existence d'une position dominante dans des affairessuccessives, concernant la même entreprise [décisions de la Commission80/182/CEE, du 28 novembre 1979 (IV/29.672 - Floral), et 82/203/CEE, du 27novembre 1981 (IV/30.188 - Moët et Chandon (London) Ltd), relatives à uneprocédure d'application de l'article 85 du traité CEE (respectivement JO 1980,L 39, p. 51, et JO 1982, L 94, p. 7]. Selon TCCC, la perspective d'une actionengagée tant contre elle que contre CCSB n'est pas hypothétique. En effet, VirginCola Company, concurrent de TCCC, aurait saisi la Commission d'une plainte,pour abus d'une position dominante au Royaume-Uni en violation de l'article 86du traité. La constatation d'une position dominante de CCSB dans la décisionattaquée aurait ainsi comme effet de priver TCCC de la possibilité de contester cegrief avancé par Virgin Cola Company dans sa plainte. De même, en août 1995,la Commission aurait engagé une procédure contre CCBSA en faisant valoir quecelle-ci avait exploité abusivement sa position dominante sur le marché français descolas. Or, la question capitale de la définition du marché du produit aurait étélaissée en suspens dans l'attente de l'issue de la procédure ayant abouti à l'adoptionde la décision attaquée.

39.
    TCCC ajoute que la constatation litigieuse risque d'accroître la probabilité de sacondamnation à une amende dans une affaire ultérieure et invoque, à cet égard,l'arrêt de la Cour du 15 mars 1967, Cimenteries CBR e.a/Commission (8/66 à11/66, Rec. 1967, p. 93).

40.
    En troisième lieu, TCCC soutient qu'il existe un risque grave que les juridictionsnationales, en particulier celles du Royaume-Uni, se considèrent liées par laconstatation litigieuse, ce qui lui porterait préjudice par rapport aux propriétairesde marques concurrentes ainsi qu'à CCSB, par rapport à de futurs plaignants(communication de la Commission du 13 février 1993 relative à la coopérationentre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 85et 86 traité, JO C 39, p. 6, point 20, et arrêt de la Cour du 28 février 1991,Delimitis, C-234/89, Rec. p. I-935). A cet égard, TCCC invoque l'arrêt du 29 juin1978, BP/Commission (77/77, Rec. p. 1513), dans lequel la Cour a déclaré recevablele recours de la partie requérante qui soutenait que la constatation par laCommission d'une exploitation abusive d'une position dominante pouvait êtreinvoquée contre elle devant les juridictions nationales par un plaignant potentiel,dans une action ultérieure (voir aussi arrêts de la Cour du 1er février 1979,Deshormes/Commission, 17/78, Rec. p. 189, du 24 novembre 1987,RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617, et du 31 mai 1988, Rousseau/Cour descomptes, 167/86, Rec. p. 2705, point 7; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996,Postbank/Commission, T-353/94, Rec. p. II-921).

41.
    En quatrième lieu, TCCC souligne que la législation de certains États membres,telle que celle du Royaume-Uni, prévoit que les décisions de la Commission ont uncaractère obligatoire pour les juridictions nationales. A cet égard, TCCC se réfèreà l'arrêt rendu par la High Court of Justice (Royaume-Uni) dans l'affaire BritishLeyland Motor Corp. Ltd/Wyatt Interpart Co. Ltd, selon lequel, d'une part, unarrêt de la Cour de justice se prononçant sur une constatation de la Commissionportant sur l'exploitation abusive par une entreprise de sa position dominante aforce de chose jugée en vertu de l'European Communities Act de 1972 et, d'autrepart, une décision de la Commission qui n'est pas contestée devant le jugecommunautaire doit avoir le même effet qu'un arrêt de la Cour de justice (1979CMLR 79). Elle cite également la décision rendue dans l'affaire Iberian UKLtd/BPB Industries Ltd, dans laquelle la High Court of Justice a conclu qu'il seraitcontraire à l'ordre public de permettre à des personnes qui ont été parties à desprocédures communautaires relatives à la concurrence de contester de nouveaudevant une juridiction nationale le bien-fondé d'une décision de laCommission (1996 CMLR 601).

42.
    En ce qui concerne l'engagement auquel CCE a souscrit, TCCC soutient qu'ilproduit des effets juridiques et constitue, dès lors, un motif distinct et indépendantde la recevabilité de son recours, conformément à la jurisprudence (arrêt de laCour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, dit «Pâte debois», C-89/95, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec.p. I-1307). Cet engagement aurait pour conséquence d'empêcher CCSB de recourirà des stratégies commerciales potentiellement rentables dont peuvent toujoursprofiter ses concurrents tout en l'exposant au risque de se voir condamner à desamendes.

43.
    TCCC fait valoir, ensuite, que l'autorisation par la décision attaquée de l'opérationnotifiée n'enlève rien à la recevabilité de son recours, aucun argument en senscontraire ne pouvant être tiré de l'arrêt du Tribunal du 17 septembre 1992, NBVet NVB/Commission (T-138/89, Rec. p. II-2181, ci-après l'«arrêt NBV et NVB»).

44.
    En premier lieu, tant la constatation de l'existence d'une position dominante quel'engagement litigieux de CCE entraîneraient des effets négatifs, indépendants del'autorisation de la concentration notifiée, et affecteraient cette société dans lamesure où ils la contraindraient à assumer des obligations spéciales et à mettre finà tout comportement qui pourrait passer pour abusif.

45.
    En deuxième lieu, à la différence des parties requérantes dans l'arrêt NBV et NVB,TCCC ne serait pas une partie ayant obtenu gain de cause dans le cadre de laprocédure devant la Commission.

46.
    En troisième lieu, dans l'arrêt NBV et NVB, l'argument des requérantes selonlequel les considérants de la décision litigieuse pourraient être invoqués contre ellesdans le cadre des procédures engagées devant les juridictions nationales aurait étéfondé sur la prémisse que les juridictions nationales, tout en se ralliant àl'appréciation de la Commission concernant les effets restrictifs des accords notifiés,rejetteraient, cependant, le volet de ladite décision portant sur l'absenced'affectation des échanges intracommunautaires. Or, en l'espèce, le risque que desjuridictions nationales invoquent la constatation de l'existence d'une positiondominante au détriment de TCCC n'impliquerait pas le rejet simultané par cesjuridictions de tout autre aspect de la décision attaquée.

47.
    Subsidiairement, au cas où le recours serait jugé irrecevable, TCCC demande auTribunal, afin d'éviter d'être exposée aux risques évoqués ci-dessus, de dire pourdroit que la constatation par la Commission de l'existence d'une position dominanteétait, en l'espèce, inutile et qu'elle est dépourvue d'effets juridiques.

48.
    A cet égard, TCCC souligne que la Commission, en adoptant la décision attaquéesur la base de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, n'avait pas besoinde se prononcer définitivement sur les questions de la position dominante et del'étendue du marché concerné. De telles constatations ne sont, selon TCCC,nécessaires que si la Commission prend une décision au titre de l'article 8,paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, déclarant une concentration incompatibleavec le marché commun (arrêt de la Cour du 2 mars 1983, GVL/Commission, 7/82,Rec. p. 483, point 23). A cet égard, TCCC se réfère à la pratique de la Commissionconsistant à ne pas se prononcer sur des questions qu'il est inutile de débattre,notamment lorsqu'il est évident que l'opération notifiée n'a pas d'effetsanticoncurrentiels sur le marché, comme c'était le cas en l'espèce.

49.
    TCCC conclut que l'absence de contrôle juridictionnel des constatations litigieusesporterait atteinte à la sécurité juridique, dès lors que les entreprises concernéesdevraient soit reconnaître leur bien-fondé, soit les considérer comme dépourvuesd'effets juridiques. Or, TCCC estime avoir le droit de connaître sans ambiguïté sesdroits et obligations, afin de pouvoir prendre des décisions en toute connaissancede cause (arrêts de la Cour du 9 juillet 1981, Gondrand Frères et Garancini,169/80, Rec. p. 1931, point 17, et du 18 mars 1975, Deuka, 78/74, Rec. p. 421).

50.
    La Commission soutient que le recours, dans la mesure où il ne porte pas sur ledispositif de la décision mais uniquement sur certains de ses motifs, doit être rejetécomme manifestement irrecevable. Elle rappelle que les motifs d'un acte nesauraient être contestés que s'ils constituent le support nécessaire du dispositif d'unacte faisant grief (arrêt NBV et NVB, point 31). Or, le dispositif de la décisionattaquée, dans la mesure où il déclare l'opération notifiée compatible avec lemarché commun sans être assorti d'aucune condition ou charge au sens de l'article8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 4064/89, ne produirait aucuneffet juridique susceptible de faire grief.

51.
    La Commission expose que la responsabilité particulière de CCSB de ne pas porteratteinte par son comportement à une concurrence non faussée dans le marchécommun (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec.p. 3461) découle de l'effet direct de l'article 86 du traité sans qu'il soit nécessairequ'elle prenne une décision afférente à cette question. A cet égard, la Commissionajoute que le dispositif de la décision attaquée ne contient aucune constatation deposition dominante.

52.
    Quant aux conséquences qu'une telle constatation dans les motifs de la décisionattaquée peut avoir sur le traitement des affaires futures au titre de l'article 86 dutraité, la Commission fait valoir que toute décision d'application dudit articlecontient une appréciation motivée de l'existence d'une position dominante et d'unabus de celle-ci, qui peut faire l'objet d'un recours devant le juge communautaire.

53.
    Ensuite, sur l'argument de la requérante selon lequel la constatation de l'existenced'une position dominante l'exposerait à des risques de condamnation à desamendes dans d'autres affaires, la Commission soutient que, ainsi qu'il résulte dela jurisprudence en la matière, une telle constatation n'implique pas en soi unreproche quelconque à l'égard de l'entreprise concernée (arrêtMichelin/Commission, précité, point 57). En tout état de cause, s'agissant d'unintérêt qui porte sur une situation juridique future incertaine, il ne saurait non plusjustifier la recevabilité du recours (arrêt NBV et NVB, point 33).

54.
    La Commission indique que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, unjuge national est lié uniquement par le dispositif d'une décision déclarant uneopération de concentration compatible avec le marché commun et non par desconstatations qui ne constituent pas le support nécessaire de ce dispositif. En outre,ainsi que le Tribunal l'a souligné dans l'arrêt NBV et NVB, les juridictionsnationales pourraient toujours, en cas de doute, saisir la Cour de justice d'unequestion préjudicielle.

55.
    Quant à l'argument selon lequel, en vertu de la législation de certains Étatsmembres, telle que celle du Royaume-Uni, ses décisions auraient un caractèreobligatoire pour les tribunaux nationaux, la Commission rétorque que lajurisprudence citée par la requérante concerne des décisions de constatation d'unabus de position dominante qui, par définition, ne peuvent pas être mises en causedevant une juridiction nationale si elles n'ont pas été attaquées devant lesjuridictions communautaires ou si le recours a été rejeté, ce qui n'est pas le cas enl'espèce. En outre, il serait incompatible avec les principes d'autonomie et deprimauté du droit communautaire de faire dépendre la recevabilité d'un recoursen annulation des spécificités des droits nationaux.

56.
    La Commission conteste, enfin, que l'engagement pris par CCE puisse justifier larecevabilité du recours, dès lors que ledit engagement ne fait pas partie dudispositif de la décision, n'est assorti d'aucune condition ou charge au sens del'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 4064/89 et ne constituepas non plus le support nécessaire dudit dispositif. Cette analyse serait corroborée,par ailleurs, par deux lettres de M. Drauz, directeur de la Merger Task Force dela Commission (ci-après la «MTF»), des 8 et 9 janvier 1997, adressées à CCE.

57.
    Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, TCCC soutient que la thèseprincipale de la Commission, dans la mesure où elle se base sur la placequ'occupent les constatations contestées dans la décision attaquée et non pas surles effets juridiques qu'elles produisent, est contraire à l'arrêt IBM. En outre, dansl'arrêt Pâte de bois, précité, la Cour, en partant des effets juridiques intrinsèquesdes engagements en général et sans faire référence au fait que l'engagementlitigieux n'était pas mentionné dans le dispositif de la décision en cause mais étaitjoint en annexe à celle-ci, aurait jugé que ledit engagement constituait un acteattaquable.

58.
    TCCC conteste, également, l'argumentation de la Commission selon laquelle lesconstatations contestées ne constituent pas un «support nécessaire» du dispositifde la décision et ne peuvent donc pas être soumises au contrôle juridictionnel. Enpremier lieu, une telle argumentation méconnaîtrait le fait que la constatation del'existence d'une position dominante dans une décision de la Commission, si elleest fondée, exerce des effets juridiques même si elle ne constitue pas le «supportnécessaire» du dispositif de cette décision. En second lieu, ce serait sur la base dela constatation que CCSB occupe une position dominante que la Commission aconclu que, faute d'éléments de preuve suffisants démontrant que l'opérationnotifiée renforcerait cette position dominante, ladite opération devait être déclaréecompatible avec le marché commun (point 215 de la décision).

59.
    TCCC soutient aussi que, contrairement à la thèse de la Commission, l'effet directde l'article 86 du traité ne fait pas obstacle à ce qu'un recours formé contre unedécision prise en application de cette disposition soit déclaré recevable.

60.
    En particulier, la question de savoir si une entreprise occupe une positiondominante ne pourrait être résolue qu'après un examen complexe du cadrejuridique, économique et factuel, fondé sur une comparaison de nombreux facteurs.En l'espèce, le fait que l'examen de la question de la position dominante contestéea nécessité 63 paragraphes dans la décision attaquée montrerait l'importance dela constatation litigieuse dans la présente affaire et ferait craindre que cettequestion ne soit plus réexaminée par la Commission dans des futures procéduresimpliquant CCSB. En outre, l'existence de cette position dominante n'aurait pasrecueilli l'unanimité des membres du comité consultatif [avis du comité consultatifen matière de concentration entre entreprises rendu lors de sa 42e réunion, le 7janvier 1997, relatif à l'avant-projet de décision concernant l'affaire IV/M.794 -Coca-Cola Enterprises Inc./Amalgamated Beverages Great Britain (JO 1997, C 243,p. 12)].

61.
    Selon TCCC, la thèse de la Commission selon laquelle toute décision future priseen application de l'article 86 du traité, constatant l'existence d'une positiondominante, doit toujours être motivée est dépourvue de pertinence, dès lors quela question qui se pose en l'espèce est celle de savoir si une telle motivationreposera sur des constatations contenues dans des décisions antérieures impliquantla même entreprise, comme ce fut le cas dans la décision 92/163/CEE, du 24 juillet1991 (IV/31.043 - Tetra Pak II) (JO 1992, L 72, p. 1, paragraphes 93 et 98). Enoutre, dans sa communication des griefs dans l'affaire postérieure n° IV/M.833, TheCoca-Cola Company/Carlsberg A/S, la Commission se serait déjà référée auxconstatations concernant la définition du marché pertinent contenues dans ladécision attaquée.

62.
    S'agissant des effets de la décision attaquée dans le cadre des procédures devantles juridictions nationales, TCCC soutient que, contrairement à ce que fait valoirla Commission, il ne résulte pas de l'arrêt NBV et NVB qu'un juge national doittenir compte uniquement du dispositif d'une décision d'application des règles dela concurrence. A l'appui de sa thèse, TCCC invoque, d'une part, la décision du 23mai 1997, du conseil belge de la concurrence, n° 97-C/C-12, dans l'affaireP&G/Tambrands et, d'autre part, la décision de l'autorité italienne de laconcurrence «Finmeccanica/Aviofer» (Bullettin n° 52/26, 1997) dans lesquelleslesdites autorités se sont fondées, pour définir le marché du produit concerné, surles constatations et les considérations relatives au marché pertinent, contenues dansdes décisions antérieures de la Commission.

63.
    Elle ajoute que, même si une décision de la Commission ne s'impose pas auxjuridictions nationales, il n'en reste pas moins que celles-ci, ainsi que les autoritésnationales de la concurrence, sont, de fait, liées par des décisions antérieures de laCommission concernant les mêmes parties. Quant à l'argument de la Commissionselon lequel une question préjudicielle de l'article 177 du traité CE (devenu article234 CE) permettrait à TCCC d'obtenir un contrôle juridictionnel des constatationscontestées, il serait aussi dépourvu de pertinence. En effet, si une juridictionnationale, dans le cadre d'une affaire future impliquant les mêmes parties, décidaitde tenir compte des constatations contenues dans la décision attaquée, aucunequestion relative à la validité ou à l'interprétation de cette dernière ne seraitsoulevée au sens de l'article 177 du traité.

64.
    Enfin, TCCC conteste que l'engagement litigieux a été souscrit volontairement etqu'il visait uniquement à répondre à des soucis exprimés par des tiers. En effet, ilressortirait de la décision d'ouverture de la seconde phase de la procédure que laCommission avait, dès le début, considéré les observations des tiers commel'élément le plus préoccupant sur le plan de la concurrence (points 24 à 27). Entout état de cause, il résulterait de l'arrêt Pâte de bois, précité, qu'un engagementn'est pas un acte unilatéral, dépourvu de lien avec une décision d'application desrègles de la concurrence, car les obligations créées par un tel engagement devraientêtre assimilées à des injonctions de cessation d'infractions. La Cour aurait ainsiestimé que, en prenant cet engagement, les requérantes s'étaient bornées, pour desraisons qui leur étaient personnelles, à acquiescer à une décision que lacompétence de la Commission l'aurait autorisée à prendre unilatéralement.

65.
    La partie intervenante, Virgin, se rallie aux arguments de la Commission.

66.
    La République fédérale d'Allemagne soutient, également, que les constatationscontestées ne constituent pas des actes attaquables au sens de la jurisprudence. Ellese réfère, à cet égard, à la jurisprudence allemande selon laquelle la constatation,dans une décision, de la participation d'une entreprise à un oligopole ne produitpas de conséquences négatives pour cette dernière, l'acquisition d'un tel pouvoirde marché étant en réalité la preuve d'une «haute performance» de celle-ci etconstituant même un atout de publicité. En outre, dans le cadre du contrôle desconcentrations en Allemagne, les entreprises concernées doivent accepter desconstatations relatives à l'existence d'un pouvoir de marché comme c'est le cas dansun marché dominé par un oligopole.

Argumentation des parties dans l'affaire T-127/97

67.
    CCE soutient que, d'une part, les trois constatations faites par la Commission dansla décision attaquée, à savoir, premièrement, que TCCC exerce un contrôle surCCE, deuxièmement, qu'il existe un marché séparé des colas et, troisièmement, queCCSB occupe une position dominante sur ce marché, ainsi que, d'autre part,l'engagement concernant la conduite concurrentielle de CCSB constituent desdécisions ou des parties d'une décision et sont attaquables au sens de l'article 173du traité.

68.
    CCE fait valoir que la place des constatations contestées dans le corps de ladécision attaquée est dépourvue de pertinence pour ce qui est de la question dela recevabilité du recours. A cet égard, elle invoque l'arrêt IBM et l'ordonnance dela Cour du 30 septembre 1987, Brother Industries e.a./Commission (229/86, Rec.p. 3757), selon laquelle les considérants d'une décision peuvent être révélateurs del'existence d'un acte contestable, distinct de la décision elle-même. En outre, lesconstatations contestées, contrairement à ce qui était le cas dans l'arrêt NBV etNVB, serviraient à étayer le dispositif de la décision attaquée.

69.
    En particulier, la constatation selon laquelle TCCC contrôlerait CCE modifieraitmanifestement la position juridique de cette dernière dans la mesure où, chaquefois qu'elle voudrait réaliser de nouvelles acquisitions, les activités et le chiffred'affaires de TCCC devraient être pris en compte pour analyser les effets sur laconcurrence. Quant à l'argument de la Commission selon lequel cette constatationne fait pas partie du dispositif de la décision attaquée et n'en constitue pas lesupport nécessaire, CCE rétorque que la seconde phase de la procédure a étéouverte précisément parce que la Commission était convaincue de la réalité d'untel contrôle.

70.
    Il en serait de même de la constatation contestée selon laquelle CCSB occupe uneposition dominante sur le marché britannique des colas. Une telle constatationimposerait à CCE et à CCSB une responsabilité particulière au sens de l'arrêtMichelin/Commission, précité. En outre, cette constatation, combinée avec celle ducontrôle exercé par TCCC, exposerait CCE à l'imposition d'amendes dans le cadrede procédures futures, même au cas où TCCC serait seule responsable desinfractions aux règles de la concurrence. En outre, même s'il est vrai que l'article1er de la décision attaquée ne se réfère pas expressément à la constatation del'existence d'une position dominante, il devrait cependant être lu comme signifiantque, malgré l'existence d'une telle position, l'opération notifiée est déclaréecompatible avec le marché commun.

71.
    S'agissant de l'engagement litigieux, CCE soutient qu'il constitue un acte attaquableau sens de l'article 173 du traité. Non seulement il produirait des effets juridiquesà l'égard de CCE et de CCSB, mais il servirait également à étayer la constatationselon laquelle TCCC contrôle CCE puisqu'il ne s'appliquerait qu'aux filiales deTCCC dans lesquelles celle-ci possède plus de 51 % du capital (arrêt Pâte de bois,précité). CCE souligne que, contrairement à ce que soutient la Commission, celle-cilui a demandé de prendre cet engagement le lendemain de la réunion du comitéconsultatif du 7 janvier 1997 (voir lettre du 8 janvier 1997, jointe en annexe 2 à larequête). Or, la Commission aurait présenté l'engagement litigieux au comitécomme si CCE l'avait déjà souscrit. En outre, la Commission aurait déjà invoquéledit engagement dans le cadre d'une autre procédure relevant de l'application del'article 85, paragraphe 1, du traité (autorisation des accords de licence entre CSet CCE, IP/97/148).

72.
    CCE soutient, ensuite, qu'elle a un intérêt légitime à l'annulation de la décision ence que celle-ci risque de constituer un précédent tant pour la Commission que pourles juridictions et les autorités de la concurrence nationales. Contrairement à ceque soutient la Commission, il ne s'agirait pas de cas futurs et incertains, car celle-ci serait déjà saisie de deux plaintes impliquant CCE. Ainsi, dans sa décision95/421/CE, du 21 décembre 1994, déclarant la compatibilité avec le marchécommun d'une concentration (affaire n° IV/M.484 -Krupp/Thyssen/Riva/Falck/Tadfin/AST) (JO 1995, L 251, p. 18), la Commissionaurait fait référence à une décision antérieure adoptée sur la base du traité CECAafin de constater que le marché géographique était mondial (point 42). Dans sadécision 95/354/CE, du 14 février 1995, relative à une procédure d'application durèglement n° 4064/89 (affaire n° IV/M.477 - Mercedes-Benz/Kässboher) (JO L 211,p. 1), la Commission aurait expressément invoqué deux décisions antérieures afind'étayer sa conclusion selon laquelle il y avait deux marchés pertinents à distinguer(points 14 et 65). En outre, dans son arrêt du 9 novembre 1994, ScottishFootball/Commission (T-46/92, Rec. p. II-1039), le Tribunal aurait déclarérecevable le recours de la requérante qui cherchait à se protéger du risque d'êtreexposée à d'autres décisions de la Commission prises en application de l'article 11,paragraphe 5, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlementd'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après le«règlement n° 17»). Selon CCE, une décision de la Commission qui contient uneappréciation au sujet d'une situation de fait particulière, eu égard aux règles de laconcurrence, exerce une influence incontestable sur les juridictions et autoritésnationales même si elle ne les lie pas juridiquement.

73.
    Enfin, CCE considère que, en vertu du principe de primauté du droitcommunautaire, un juge national ne peut pas déclarer invalide une décision de laCommission et, en application de l'obligation de coopération loyale découlant del'article 5 du traité CE, les autorités nationales sont censées éviter de prendre desdécisions qui vont à l'encontre de celles prises par les institutions communautaires(arrêt rendu par la High Court of Justice, Iberian UK Ltd/BPB Industries, 1996CMLR 601, et décision du conseil de la concurrence français du 29 octobre 1996,n° 96-D-67).

74.
    La Commission fait valoir que le recours est également manifestement irrecevableparce qu'il ne vise pas le dispositif de la décision attaquée, mais certains de sesmotifs, qui ne constituent pas des actes attaquables au sens de l'article 173 dutraité. Elle soutient que les arguments de CCE soulevés à l'appui de la recevabilitéde son recours doivent être rejetés pour les mêmes raisons que celles exposéesdans le cadre du recours dans l'affaire T-125/97.

75.
    La Commission conteste, également, l'argument de CCE selon lequel laconstatation de l'exercice d'un contrôle de fait de TCCC sur CCE produirait deseffets juridiques, au cas où cette dernière procéderait à de nouvelles acquisitionsen Europe, en faisant valoir qu'il s'agit de situations futures et incertaines. De plus,selon la Commission, une telle constatation ne fait pas partie du dispositif de ladécision attaquée et n'en constitue pas non plus un support nécessaire.

76.
    Les parties intervenantes Virgin et la République fédérale d'Allemagne soulèventles mêmes arguments que ceux soulevés dans le cadre du recours dans l'affaire T-125/97.

Appréciation du Tribunal

77.
    Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptiblesde faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité lesmesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter lesintérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique decelui-ci (arrêt IBM, point 9, arrêt de la Cour du 31 mars 1998, Francee.a/Commission, C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I-1375, point 62, et arrêt du Tribunaldu 4 mars 1999, Assicurazioni Generali et Unicredito/Commission, T-87/96, nonencore publié au Recueil, point 37).

78.
    Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu des'attacher à sa substance (ordonnance de la Cour du 13 juin 1991,Sunzest/Commission, C-50/90, Rec. p. I-2917, point 12, et arrêt Francee.a./Commission, précité, point 63).

79.
    Il s'ensuit, en l'espèce, que le seul fait que la décision attaquée déclare l'opérationnotifiée compatible avec le marché commun et ne fait donc pas grief, en principe,aux requérantes ne dispense pas le Tribunal d'examiner si les constatationscontestées produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter lesintérêts de celles-ci.

Sur la constatation de l'existence d'une position dominante

80.
    Il y a lieu de relever tout d'abord que, comme la Commission l'a souligné, lesobligations imposées aux entreprises par l'article 86 du traité (arrêtMichelin/Commission, précité, point 57, arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, TetraPak/Commission, T-51/89, Rec. p. II-309, point 23, du 17 juillet 1998, ITTPromedia/Commission, T-111/96, Rec. p. II-2937, point 139, et du 7 octobre 1999,Irish Sugar/Commission, T-228/97, non encore publié au Recueil, point 112) neprésupposent pas que la position dominante de ces entreprises ait été constatéedans une décision de la Commission, mais découlent directement de cettedisposition. En effet, dès lors qu'une entreprise se trouve en position dominante,elle est, conformément à la jurisprudence susmentionnée, tenue, le cas échéant,d'adapter en conséquence son comportement afin de ne pas porter atteinte à uneconcurrence effective sur le marché, indépendamment de l'adoption éventuelle parla Commission d'une décision à cette fin.

81.
    Ensuite, la constatation par la Commission de l'existence d'une position dominante,même si elle est de nature à exercer, en fait, une influence sur la politique et lastratégie commerciale future de l'entreprise concernée, ne produit pas d'effetsjuridiques obligatoires au sens de l'arrêt IBM. Une telle constatation résulte del'analyse de la structure du marché et de la concurrence qui y règne au moment del'adoption par la Commission de chaque décision. Le comportement quel'entreprise considérée comme étant en position dominante sera, par la suite,amenée à adopter afin d'éviter une infraction éventuelle à l'article 86 du traité estainsi fonction d'une série de paramètres qui traduisent, à chaque moment, lesconditions de concurrence prévalant sur le marché.

82.
    En outre, dans le cadre d'une éventuelle décision d'application de l'article 86 dutraité, la Commission devra, de nouveau, définir le marché pertinent et procéderà une nouvelle analyse des conditions de concurrence, qui ne sera pasnécessairement fondée sur les mêmes considérations que celles ayant été à la basede la constatation antérieure de l'existence d'une position dominante.

83.
    Ainsi, en l'espèce, le fait que, dans l'hypothèse d'une décision d'application del'article 86 du traité, la Commission puisse, ainsi qu'elle l'a elle-même déclaré lorsde l'audience, être influencée par la constatation litigieuse ne signifie pas que, pourcette seule raison, cette constatation produit des effets juridiques obligatoires ausens de l'arrêt IBM. Contrairement à ce que soutient TCCC, celle-ci n'est pasprivée de son droit d'introduire un recours en annulation devant le Tribunal pourcontester une éventuelle décision de la Commission constatant un comportementabusif de CCSB.

84.
    S'agissant des effets que la constatation de l'existence d'une position dominantepeut avoir à l'égard de l'application des règles de la concurrence par les juridictionsnationales, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée n'a pas été prise sur lefondement de l'article 86 du traité, mais sur celui du règlement n° 4064/89 etn'affecte en rien la compétence conférée aux juges nationaux de faire applicationde l'article 86 susvisé.

85.
    En tout état de cause, la possibilité qu'un juge national puisse, en appliquantdirectement l'article 86 du traité à la lumière de la pratique décisionnelle de laCommission, arriver à la même constatation de l'existence d'une positiondominante de CCSB ne signifie pas non plus que la constatation litigieuse produitdes effets juridiques obligatoires. En effet, un juge national devant apprécier desagissements postérieurs à la décision attaquée de CCSB dans le cadre d'undifférend opposant cette dernière à une partie tierce n'est pas lié par lesconstatations antérieures de la Commission. En effet, rien ne l'empêche deconclure que, contrairement à ce que la Commission avait constaté à l'époque del'adoption de la décision attaquée, CCSB n'est plus en position dominante.

86.
    Ces conclusions ne sont pas infirmées par la jurisprudence citée par TCCC àl'appui de la recevabilité de son recours. En premier lieu, concernant l'arrêtBP/Commission, précité, force est de constater que cet arrêt porte sur le droitd'une entreprise de contester devant le juge communautaire la légalité d'unedécision de la Commission lui reprochant d'avoir violé l'article 86 du traité, mêmesi aucune amende ne lui est infligée. En effet, dans la mesure où une décisionconstatant l'abus d'une position dominante peut servir de base à une éventuelleaction en indemnité introduite par des tiers devant le juge national, il existe unintérêt incontestable pour son destinataire à introduire un recours en annulationcontre celle-ci. Or, en l'espèce, les requérantes ne justifient pas avoir un tel intérêt,la décision attaquée n'ayant pas mis en cause la compatibilité de l'opérationnotifiée avec le marché commun ni relevé l'existence de comportements abusifs deCCSB.

87.
    Quant à la pertinence de l'arrêt Deshormes/Commission, précité, il y a lieu derelever que, dans cet arrêt, la requérante placée, sur le plan du déroulement de sacarrière, dans une situation complexe s'est vue reconnaître un intérêt légitime, néet actuel à attaquer une décision dont les effets ne se matérialiseraient qu'après samise à la retraite. Or, en l'espèce, il y a lieu de constater que la simpleconstatation, dans les motifs de la décision attaquée, de l'existence d'une positiondominante de CCSB ne détermine en aucune manière l'évolution éventuelle de laposition de celle-ci sur le marché et est dépourvue d'effets juridiques définitifs pourle futur. Pour le même motif, l'arrêt Rousseau/Cour des comptes, précité, estégalement dépourvu de pertinence.

88.
    Dans l'arrêt RSV/Commission, précité, la Cour a, certes, admis que la requéranteavait un intérêt légitime à former un recours en annulation contre une décision dela Commission ordonnant la restitution d'une aide illégale qui lui avait été accordéepar le royaume des Pays-Bas, alors même qu'elle était tenue, en application dudroit néerlandais et des procédures nationales déjà engagées contre elle, derembourser le montant d'aide reçu en cas de faillite ou de sursis de paiement.Cette solution a, toutefois, été justifiée par la considération que, si la requérantepouvait, sur la base des moyens de droit interne, s'opposer à cette restitution, ladécision en cause constituerait pour le gouvernement néerlandais l'uniquejustification de sa demande de remboursement (points 9 et 10). Or, en l'espèce, laconstatation litigieuse n'est à la base d'aucune autre décision prise par laCommission à l'encontre de CCSB pour violation des règles de concurrence.

89.
    S'agissant de l'arrêt Postbank/Commission, précité, il y a lieu de relever que, si lerecours contre une décision de la Commission d'autoriser des parties tierces àproduire devant les juridictions nationales des documents contenant desinformations qualifiées de confidentielles par la requérante a été déclaré recevable,c'est parce que le Tribunal a considéré qu'une telle décision pouvait constituer uneviolation des articles 214 du traité CE (devenu article 287 CE) et 20 du règlementn° 17. Or, en l'espèce, la simple constatation de l'existence d'une positiondominante ne saurait être constitutive d'une violation des dipositions du droitcommunautaire.

90.
    Quant à l'argument de TCCC selon lequel la constatation de l'existence d'uneposition dominante n'est nécessaire que si la Commission prend une décision autitre de l'article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, déclarant une opérationnotifiée incompatible avec le marché commun, il doit être rejeté comme dépourvude pertinence. En effet, lorsque la Commission envisage de déclarer une opérationnotifiée compatible avec le marché commun, elle est tenue, au vu des particularitésde chaque opération, de motiver suffisamment sa décision afin de permettre auxtiers, le cas échéant, de contester le bien-fondé de son analyse devant le jugecommunautaire. S'il est vrai que, comme TCCC l'a souligné, il ressort de lapratique décisionnelle de la Commission que, en règle générale, celle-ci ne procèdeà une analyse détaillée de la définition du marché pertinent et des acteurs présentssur celui-ci que si elle envisage de rendre une décision d'incompatibilité, rien nel'empêche, compte tenu de l'obligation de motivation susmentionnée, d'effectuerune telle analyse lorsqu'elle adopte une décision de compatibilité, notamment s'ils'agit d'une décision prise en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlementn° 4064/89.

91.
    Enfin, s'agissant du risque invoqué par les requérantes de se voir exposer àl'imposition d'amendes pour violation des règles de concurrence, il y a lieu derappeler que ce n'est pas la seule constatation de l'existence d'une positiondominante de CCSB à un moment donné qui peut, éventuellement, exposer lesrequérantes à un tel risque, mais l'adoption par celles-ci de comportementsconstituant une exploitation abusive d'une telle position. La référence, par TCCC,à l'arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, précité, n'est pas pertinente à cetégard. En effet, si, selon la Cour, les parties à un accord sont recevables à contesterune décision de la Commission prise en vertu de l'article 15, paragraphe 6, durèglement n° 17, c'est parce qu'une telle décision les prive définitivement de laprotection légale que leur confère le même article, en son paragraphe 5, et lesexpose à un grave risque de sanctions pécuniaires (p. 105 et 106; voir, aussi, arrêtdu Tribunal du 27 février 1992, Vichy/Commission, T-19/91, Rec. p. II-415, point16). Cependant, cette immunité est accordée uniquement à l'égard de l'activitédécrite dans la notification et ne confère aucune protection à l'égard desagissements futurs, autres que ceux faisant l'objet dudit accord. Or, en l'espèce, laconstatation litigieuse ne prive pas les requérantes d'une protection légale qui leuraurait été accordée par une disposition spécifique et ne vise pas non plus àencadrer un comportement particulier de CCSB, déjà soumis à l'examen de laCommission.

92.
    Il résulte des considérations qui précèdent que la simple constatation de l'existenced'une position dominante de CCSB dans la décision attaquée est dépourvue d'effetsjuridiques obligatoires de sorte que les requérantes ne sont pas recevables pourcontester son bien-fondé.

Sur la constatation relative à la définition du marché pertinent

93.
    Les requérantes n'étant pas recevables à contester la constatation de l'existenced'une position dominante de CCSB, elles ne le sont pas non plus, à plus forteraison, pour contester la constatation préliminaire de l'existence d'un marché descolas.

Sur l'engagement litigieux

94.
    Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, s'il est vrai que CCE a fait valoir dansses mémoires écrits que l'engagement litigieux produisait des effets juridiques à sonégard, seule TCCC a conclu dans sa requête à l'annulation de la décision attaquéedu fait de l'incorporation dans ses motifs dudit engagement. Dans ses réponses auxquestions écrites du Tribunal, CCE a précisé qu'elle n'avait pas demandél'annulation formelle de l'engagement litigieux au motif que celui-ci «[faisait] partieintégrante de la décision litigieuse et ne [constituait] pas un acte juridique distinct».Elle a ajouté à l'audience que l'engagement litigieux était, en fait, un acte pris parelle-même et ne pouvait, par conséquent, faire l'objet d'un recours en annulation.

95.
    Il s'ensuit que, dans la mesure où CCE n'a pas conclu à l'annulation de la décisionen ce qu'elle avait trait à l'engagement litigieux, seuls les arguments de TCCCconcernant les effets juridiques prétendument produits par ledit engagement serontpris en considération aux fins de l'appréciation du Tribunal.

96.
    A cet égard, il convient, tout d'abord, de rejeter la thèse de la Commission selonlaquelle les requérantes ne sont pas recevables à contester la légalité del'engagement litigieux au motif que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une conditionformelle au sens de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89. En effet, ilrésulte de la jurisprudence en la matière qu'un tel engagement peut faire l'objetd'un recours en annulation s'il résulte de l'analyse de sa substance qu'il vise àproduire des effets juridiques obligatoires, au sens de l'arrêt IBM (voir, aussi,France e.a./Commission, précité, points 60 à 69). En outre, il convient de releverque la Commission elle-même a déclaré, dans ses réponses écrites aux questionsdu Tribunal, que certains engagements, mentionnés uniquement dans les motifs desdécisions prises au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous b), du règlementn° 4064/89, pouvaient, le cas échéant, produire de tels effets.

97.
    Par conséquent, afin de déterminer si l'engagement litigieux produit des effetsjuridiques obligatoires, il y a lieu d'examiner si la déclaration de compatibilité del'opération notifiée a été conditionnée par celui-ci, en ce sens que, en cas deviolation de ses termes, la Commission pourrait révoquer sa décision, comme ellea déclaré dans ses réponses écrites aux questions du Tribunal pouvoir le faire àpropos de certaines décisions de compatibilité adoptées au titre de l'article 6,paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89.

98.
    Il résulte de l'examen du dossier et des réponses des parties aux questions oralesdu Tribunal que la décision de la Commission, du 13 septembre 1996, d'engagerla procédure au sens de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89a été prise en raison, entre autres, des objections sérieuses soulevées lors de lapremière phase de la procédure par des parties tierces, portant sur la compatibilitéde l'opération notifiée avec le marché commun [voir annexe 3 aux observations deTCCC sur l'exception d'irrecevabilité et, en particulier, points 23 et suivants de ladécision de la Commission au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c) durèglement n° 4064/89].

99.
    Il résulte, également, du dossier que, par lettre envoyée à la Commission lelendemain d'une réunion des requérantes avec le membre de la Commission encharge des questions de concurrence, M. Van Miert, le 19 décembre 1996, CCE aproposé de prendre une série d'engagements dans la mesure où cela aurait éténécessaire pour que la Commission autorise l'opération notifiée. Cette lettre étaitrédigée dans les termes suivants:

«Ces propositions sont censées rencontrer les préoccupations exprimées dans lacommunication des griefs dans le cas où il est jugé approprié de proposerl'interdiction de l'opération. [...] Toutefois, sans préjudice de cette décision, lesparties ont, à tout moment, manifesté leur volonté de chercher à rencontrer lespréoccupations exprimées par la Commission dans la communication des griefs enprésentant des modifications à l'opération, raisonnables et proportionnées et quiont un caractère fondamentalement structurel [...]. Les parties pensent que lesengagements proposés, exposés ci-après, qui ont pour elles des conséquencescommerciales importantes, réalisent cet objectif et rencontrent les préoccupationsspécifiques identifiées dans la communication des griefs [...]. Si ces propositionssont acceptables pour la Commission, les parties sont disposées à les développerformellement sous la forme d'engagement écrit. Sur cette base, nous espérons qu'ilsera possible de présenter l'opération à la Commission en vue d'obtenir unedéclaration de compatibilité en application de l'article 8, paragraphe 2, durèglement relatif au contrôle des concentrations.» (Jointe en annexe 13 à la requêteT-125/97.)

100.
    Le lendemain de la réunion du comité consultatif du 7 janvier 1997, pendantlaquelle l'engagement proposé par CCE a été discuté en détail, le directeur de laMTF a, par courrier du 8 janvier 1997, répondu à la lettre susmentionnée dans lestermes suivants:

«Je me réfère à la lettre du 20 décembre 1990 adressée au commissaire Van Miert,dans laquelle vous offriez formellement différents engagements que les partiesétaient disposées à prendre. Nous vous invitons à confirmer par écrit l'engagementconcernant le comportement futur, à savoir que tant que CCE contrôlera CCSB,cette dernière adoptera les restrictions proposées dans l'engagement donné à laCommission par la Coca-Cola Export Corporation en 1989. [...] Nous pensonsqu'un tel engagement, s'il est correctement mis en oeuvre, rencontrerait certainespréoccupations exprimées par des tiers.»

101.
    Certes, ainsi qu'il ressort de l'avis du comité consultatif, celui-ci avait expressémentinvité la Commission «à prendre dûment en considération les observationsformulées au cours de la réunion du comité, notamment en ce qui concerne lesengagements que [The] Coca-Cola Export Corporation [avait] pris envers laCommission en 1989», et le courrier du 8 janvier 1997 pourrait être interprétécomme exprimant l'intention de la Commission de faire dépendre l'autorisation del'opération notifiée du respect par CCSB de ces mêmes obligations. Toutefois,force est de constater que le directeur de la MTF a, cependant, pris soin dedissiper tout doute à cet égard en soulignant dans cette même lettre que la décisionautorisant l'opération notifiée ne serait pas conditionnée par l'engagement litigieuxde CCE. [«La déclaration de compatibilité ne dépendait pas de votre confirmation,mais l'engagement serait visé dans la décision finale. Le comité consultatif aapprouvé cette position» (voir annexe 13 à la requête T-125/97)].

102.
    Le 9 janvier 1997, le directeur de la MTF a envoyé pour approbation à CCE unextrait du projet de la décision attaquée relatif à l'engagement litigieux. Par lettredu 13 janvier 1997, le General Counsel de CCE a confirmé par écrit prendre cetengagement tout en approuvant la décision de la Commission d'autoriserl'opération notifiée sans l'assortir de condition («CCE et les autres parties sefélicitent de la décision d'approuver sans réserve l'opération proposée et je suisheureux de confirmer que tant que CCE contrôlera CCSB, cette dernière adopterales engagements donnés à la Commission par The Coca-Cola Export Corporationen 1989. Nous espérons que ces garanties permettront de résoudre l'ensemble desquestions non encore réglées avec la Commission, relatives à cette opération»).

103.
    Le contenu de cet échange de correspondance entre la Commission et CCE estainsi repris au point 212 de la décision attaquée. En effet, il ressort dudit point quela Commission a pris note, sans en faire une obligation formelle au sens de l'article8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, de l'engagement pris par CCE. («Entout état de cause, la Commission relève cependant que CCE s'engage à ce que,aussi longtemps qu'elle contrôle CCSB, cette dernière respecte les engagementspris envers la Commission par The Coca-Cola Export Corporation en 1989. Cesengagements répondraient à certaines préoccupations exprimées par des tiers aucours de la procédure.»)

104.
    Il résulte ainsi de ce qui précède que, en adoptant la décision attaquée, laCommission n'a pas, comme elle l'avait indiqué dans sa correspondance avec CCE,voulu faire dépendre l'autorisation accordée de l'engagement litigieux.

105.
    En tout état de cause, la thèse de TCCC selon laquelle cet engagement aurait étédemandé par la Commission est contredite par le fait que, un mois après l'adoptionde la décision attaquée, CCE a de nouveau proposé de prendre le mêmeengagement afin d'obtenir, cette fois, l'autorisation des accords de licencesexclusives conclus entre elle et CS, qui, bien qu'ils fassent partie intégrante del'opération notifiée, devaient être examinés au regard de l'article 85 du traité (voirlettre de CCE à la Commission, du 17 février 1997, «Engagement donnévolontairement par CCE en l'espèce joint sous sa forme finale comme convenu»,et communication de presse de la Commission, IP/97/148).

106.
    Il s'ensuit que l'engagement litigieux est dépourvu d'effets juridiques obligatoires,en ce sens qu'une violation de ses termes n'affectera en rien la légalité de ladécision attaquée et n'entraînera pas non plus sa révocation. Dès lors, il neconstitue pas un acte attaquable au sens de l'article 173 du traité, de sorte que lerecours de TCCC, pour autant qu'il vise la légalité dudit engagement, doit êtredéclaré irrecevable.

Sur la constatation relative au contrôle que TCCC exerce sur CCE

    

107.
    S'agissant de la question de savoir si la constatation de la Commission selonlaquelle TCCC contrôle CCE constitue un acte attaquable au sens de lajurisprudence susmentionnée (voir ci-dessus point 96), il y a lieu de relever que,pour constater que l'opération notifiée était de dimension communautaire au sensde l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, la Commission s'est fondéeexclusivement sur le chiffre d'affaires réalisé par CCE et ABGB aux niveauxinternational et communautaire. Dès lors que le chiffre d'affaires de TCCC, en tantqu'entreprise concernée au sens de l'article 5, paragraphes 1 et 4, du règlementn° 4064/89 n'a pas été pris en considération par la Commission pour fonder sacompétence exclusive pour contrôler l'opération notifiée, la constatation litigieuseest dépourvue d'effets juridiques à l'égard des requérantes (arrêt du Tribunal du24 mars 1994, Air France/Commission, T-3/93, Rec. p. II-121, points 45 à 47).

    

108.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument de CCE selon lequel laconstatation litigieuse produirait des effets juridiques en ce qu'elle l'obligerait ànotifier à la Commission tout projet futur de concentration, en raison du chiffred'affaires total réalisé par elle et TCCC, sous peine de se voir imposer desamendes en vertu des articles 4 et 14 du règlement n° 4064/89, et en ce qu'ellel'exposerait à des amendes en vertu du règlement n° 17 pour des agissementsanticoncurrentiels de TCCC. En effet, tout comme la constatation relative àl'existence d'une position dominante, la constatation relative à l'exercice par TCCCd'une influence déterminante sur CCE, au sens de l'article 3, paragraphe 3, durèglement n° 4064/89, dépend d'une série de facteurs, tels que la participation desactionnaires aux assemblées générales annuelles de CCE, qui sont en constanteévolution. Par conséquent, la décision attaquée n'a pas comme effet de figer, pourl'avenir, la nature des relations commerciales ou des liens, structurels ou autres,entre TCCC et CCE. Ainsi, elle ne peut pas servir de base pour impliquer lesrequérantes dans d'éventuelles procédures d'application des règles de concurrenceen raison du contrôle que, selon la Commission, TCCC exerçait sur CCE àl'époque de l'adoption de la décision attaquée.

109.
    Il s'ensuit que les recours sont irrecevables pour autant qu'ils visent à l'annulationde la constatation de la Commission selon laquelle TCCC contrôle CCE.

Sur les conclusions en annulation subsidiaires de TCCC

110.
    Dès lors que les constatations contestées de la Commission concernant la définitiondu marché pertinent, l'existence d'une position dominante de CCSB et le contrôlede CCE par TCCC ne produisent pas d'effets juridiques obligatoires affectant lesintérêts de la requérante et ne constituent donc pas des actes attaquables au sensde l'article 173 du traité, les conclusions subsidiaires de TCCC visant à l'annulationde la décision attaquée dans sa totalité, pour autant qu'une telle annulation seraitnécessaire pour annuler lesdites constatations, doivent, elles aussi, être déclaréesirrecevables.

111.
    Il résulte de tout ce qui précède que les recours doivent être rejetés comme étantirrecevables dans leur totalité.

Sur les dépens

112.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selonl'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunalpeut ordonner qu'une partie intervenante autre qu'un État membre supporte sespropres dépens.

113.
    Conformément aux conclusions des parties, il y a, dès lors, lieu de condamnerTCCC et CCE aux dépens, respectivement, dans les affaires T-125/97 et T-127/97.La partie intervenante Virgin supportera ses propres dépens.

114.
    Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, laRépublique fédérale d'Allemagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Les recours sont rejetés comme irrecevables.

2)    The Coca-Cola Company et Coca-cola Entreprises Inc. sont condamnéesaux dépens, respectivement, dans les affaires T-125/97 et T-127/97.

3)    The Virgin Trading Company Ltd et la République fédérale d'Allemagnesupporteront leurs propres dépens.

    

Vesterdorf
Tiili
Pirrung

            Meij                    Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'anglais.


2:     Données confidentielles occultées.