Language of document : ECLI:EU:T:2004:176

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
10 juin 2004 (1)

« Fonctionnaires – Agent auxiliaire – Interprète de conférence – Article 74 du RAA – Fin de l'engagement »

Dans les affaires jointes T-153/01 et T-323/01,

Mercedes Alvarez Moreno, demeurant à Berlin (Allemagne), représentée, dans l'affaire T-153/01, initialement par Mes G. Vandersanden et D. Dugois, puis par Me Vandersanden, et, dans l'affaire T-323/01, par Mes Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mmes F.  Clotuche-Duvieusart et M. Langer, puis par Mme  Clotuche-Duvieusart et M. D. Martin, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des lettres de la Commission des 13 et 23 février 2001 indiquant à la requérante qu'il ne lui était plus possible d'engager des interprètes de conférence de plus de 65 ans et, d'autre part, une demande de dommages-intérêts,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 11 septembre 2003,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
Le régime applicable aux autres agents des Communautés (ci-après le « RAA ») a été défini par l’article 3 du règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le RAA (JO L 56, p. 1). Aux termes de son article 1er, premier alinéa, le RAA s’applique à tout agent engagé par contrat par les Communautés.

2
Dans le cadre du chapitre 9 « Fin de l’engagement » du titre III « Agents auxiliaires » du RAA, l’article 74 prévoit :

« Indépendamment du cas de décès de l’agent auxiliaire, l’engagement de ce dernier prend fin :

1. pour les contrats à durée déterminée :

[…]

b) à la fin du mois au cours duquel l’agent atteint l’âge de 65 ans ;

[...] »

3
L’article 78, premier alinéa, du RAA dispose :

« Par dérogation aux dispositions du présent titre, les agents auxiliaires engagés par le Parlement européen pour la durée des travaux de ses sessions sont soumis aux conditions de recrutement et de rémunération prévues à l’accord intervenu entre cette institution, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale pour l’engagement de ce personnel. »

4
Enfin, dans le cadre du chapitre 8 « Voies de recours » du titre III « Agents auxiliaires » du RAA, l’article 73 prévoit :

« Les dispositions du titre VII du statut relatives aux voies de recours sont applicables par analogie. »

5
Le règlement (CE, CECA, Euratom) n° 628/2000 du Conseil, du 20 mars 2000, modifiant le règlement n° 259/68 (JO L 76, p. 1) dispose :

« (1) Afin de garantir l’égalité de traitement entre les interprètes de conférence engagés pour le compte des institutions et organismes communautaires, il convient de les soumettre à un même régime légal.

(2) Il y a dès lors lieu que tous les interprètes de conférence soient engagés en qualité d’agents auxiliaires relevant du titre III du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes.

Article premier

À l’article 78 du [RAA], [un troisième] alinéa […] est ajouté :

‘Les mêmes conditions de recrutement et de rémunération appliquées aux interprètes de conférence recrutés par le Parlement européen sont applicables aux agents auxiliaires engagés par la Commission en qualité d’interprètes de conférence pour le compte des institutions et organismes communautaires.’

Article 2

Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes. »

6
Le règlement n° 628/2000 est entré en vigueur le 26 mars 2000, comme le prescrit son article 2.

7
Par décision du 13 juillet 1999, le bureau du Parlement a adopté la réglementation applicable aux interprètes auxiliaires de session (ci-après la « réglementation de 1999 »).

8
L’article 8 de la réglementation de 1999 renvoie aux dispositions du RAA et autres règles applicables à l’ensemble du personnel pour toute question non prévue par la réglementation de 1999 ou par la convention de 1999 (voir point 11 ci-après).

9
En vue d’obtenir l’accord requis par l’article 78 du RAA, la réglementation de 1999 a été transmise, par lettres du 29 juillet 1999 du secrétaire général du Parlement, au Conseil de l’Europe et à l’Assemblée de l’UEO. Aux termes de ces lettres, ladite réglementation entrerait en vigueur le 1er septembre 1999 sauf observations contraires des deux destinataires. Les deux destinataires n’ayant pas formulé d’objections, la réglementation de 1999 est devenue l’accord visé à l’article 78, paragraphe 1, du RAA.

10
À partir de l’entrée en vigueur, le 26 mars 2000, du règlement n° 628/2000 jusqu’à l’adoption par la Commission de sa réglementation du 20 avril 2001 applicable aux interprètes de conférence engagés selon les dispositions de l’article 78 du RAA, la réglementation de 1999 a été appliquée, à titre transitoire, aux interprètes de conférence engagés par la Commission sur la base de l’article 78, troisième alinéa, du RAA.

11
À partir de 1970, la Commission est devenue partie aux conventions-cadres quinquennales conclues avec l’association internationale des interprètes de conférence (AIIC) aux fins de définir les conditions de travail et le régime pécuniaire des interprètes de conférence free-lance engagés par la Commission pour le compte des institutions communautaires. La convention fixant les conditions de travail et le régime pécuniaire des interprètes de conférence auxiliaires de session (IAS) et free-lance (IFL) recrutés par les institutions de l’Union européenne (ci-après la « convention de 1999 »), signée le 28 juillet 1999 et entrée en vigueur le 1er septembre 1999, dispose notamment :

« Article premier : Champ d’application de la [c]onvention

La présente [c]onvention s’applique, quel que soit leur lieu d’affectation, aux [IAS et IFL] engagés par la Commission aux conditions stipulées dans la réglementation concernant les interprètes de conférence applicable pour l’[i]nstitution où ils effectuent leurs prestations.

[…]

Titre VI : Règlement des différends individuels

Article 23 : Procédure précontentieuse

Les fonctionnaires visés aux articles 31, paragraphe 1, et 32, paragraphe 2, examinent, à la demande d’un interprète, toute difficulté surgissant dans le cadre des relations contractuelles de ce dernier avec leur institution. La décision intervient dans un délai de quatre semaines à compter de la réception de la demande.

Si la difficulté n’a pu être réglée, l’interprète peut la porter, dans un délai de six semaines, devant les personnes visées aux articles 31, paragraphe 2, et 32, paragraphe 2, qui se prononcent dans un délai de quatre semaines.

Article 24 : Procédure contentieuse devant la Cour de [j]ustice

Si le différend n’a pu être réglé dans le cadre de la procédure visée à l’article 23, l’interprète peut saisir le Tribunal de première instance à qui compétence est attribuée dans les contrats d’engagement individuels des interprètes, en application des articles 42 du traité CECA, 238 (ex 181) du traité CE et 153 du traité CEEA.

Sans préjudice des dispositions de la présente convention et de ses annexes, et de celles de contrats d’engagement individuels, le droit belge est applicable aux relations contractuelles entre l’interprète et les institutions.

Article 25 : Règlement des différends individuels

Les articles 23 et 24 de la convention ne s’appliquent pas aux interprètes engagés en application de l’article 78 du RAA, ceux-ci bénéficiant des dispositions de l’article 73 du RAA. »


Faits à l’origine du recours

12
La requérante, qui a atteint l’âge de 65 ans le 20 juin 2000, a travaillé à plusieurs reprises, à partir de 1986, sur une base contractuelle en tant qu’interprète de conférence pour la Commission.

13
Par lettre du 15 septembre 2000, adressée à M. M. Benedetti, chef du service commun « Interprétation-conférences » (SCIC), la requérante a demandé des explications concernant la réalité de l’information selon laquelle la limite d’âge de 65 ans serait applicable aux interprètes free-lance ainsi que sur les modalités de mise en œuvre de cette limite d’âge. La requérante a réitéré sa demande par lettre du 25 janvier 2001.

14
Le 9 février 2001, les conseils de la requérante ont adressé un courrier à M. D. Walker, directeur du SCIC, afin qu’il soit pris position sur la situation de la requérante. En conclusion de ce courrier, il est indiqué :

« Vous voudrez bien, dès lors, nous faire connaître, dans les meilleurs délais, la décision sur la base de laquelle les interprètes free-lance ne pourraient plus travailler pour la Commission au-delà de 65 ans et la base juridique de celle-ci.

Nous réservons par ailleurs les droits de Madame Alvarez Moreno au cas où votre réponse ne nous donnerait pas satisfaction. »

15
Par lettre du 13 février 2001, M. Benedetti a répondu aux questions posées par la requérante dans son courrier du 25 janvier 2001 en indiquant que les interprètes avaient été informés de la modification de leur situation résultant de l’adoption du règlement n° 628/2000, que la délégation de l’AIIC était informée des conséquences pratiques de l’entrée en vigueur de ce règlement et qu’il n’était pas possible, à cet égard, d’instaurer une période transitoire.

16
Par lettre du 23 février 2001, en réponse au courrier des conseils de la requérante du 9 février 2001, M. Walker a indiqué ce qui suit :

« Étant donné que les informations communiquées à Mme Alvarez par notre lettre du 13 février me paraissent répondre aux questions que vous avez soulevées, je vous transmets copie de la réponse qui lui a été envoyée. Elle permet notamment d’établir que la Commission ne peut pas recruter des interprètes de conférence de plus de 65 ans en raison de l’article 74 du [RAA], selon lequel l’engagement de l’agent auxiliaire prend fin de plein droit à la fin du mois au cours duquel il a atteint l’âge de 65 ans. »

17
Dans cette lettre, M. Walker indique également que la base juridique de ce régime est le règlement n° 628/2000 prévoyant que les interprètes de conférence engagés par la Commission sont recrutés en qualité d’agents auxiliaires.

18
Le 5 mars 2001, les conseils de la requérante ont adressé à M. Walker un courrier contenant les passages suivants :

« Nous avons bien reçu votre courrier du 23 février 2001 et nous vous en remercions.

Nous avons bien pris note que la Commission ne pourrait plus recruter des interprètes de conférence de plus de 65 ans en raison de l’article 74 du RAA et que la base juridique d’un tel régime serait l’article 78 du RAA tel que modifié par le règlement n° 628/2000 du Conseil du 20 mars 2000.

Nous présumons, toutefois, que l’application de ce nouveau régime aux interprètes de conférence sur [la] base de l’article 78 du RAA fait suite à l’adoption d’une décision en ce sens de la part de la Commission.

Afin de nous permettre de défendre intégralement les droits de notre cliente, auriez-vous l’obligeance de bien vouloir nous faire parvenir une copie de cette décision [?] »

19
Par lettre du 22 mars 2001, M. Walker a répondu ce qui suit :

« L’article 78 du régime applicable aux autres agents (RAA) prévoit en son premier alinéa que les agents auxiliaires engagés par le Parlement européen pour la durée des travaux de ses sessions sont soumis, par dérogation aux dispositions du titre III (du RAA), aux conditions de recrutement et de rémunération prévues à l’accord intervenu entre cette institution, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale pour l’engagement de ce personnel.

Le règlement n° 628/2000 du Conseil du 20 mars 2000 a ajouté à l’article 78 du RAA un alinéa [...]

En vertu de ce règlement, les interprètes free-lance engagés par la Commission sont donc recrutés, sans qu’une autre décision soit nécessaire, en qualité d’agents auxiliaires relevant du titre III du RAA.

L’article 78 du RAA constitue une disposition dérogatoire au régime général du RAA uniquement en ce qui concerne les conditions de recrutement et de rémunération des auxiliaires interprètes de conférence. La fin de l’engagement ne relève pas de ces conditions et les autres dispositions du titre III du RAA sont donc pleinement d’application.

L’article 74 prévoit que l’engagement de l’agent, qu’il bénéficie d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée, prend fin de plein droit à la fin du mois au cours duquel il atteint l’âge de 65 ans. Aucune dérogation n’est prévue à cette disposition et par conséquent aucun auxiliaire interprète de conférence ne peut plus exercer à partir de cet âge.

[...] »

20
Le 4 avril 2001, la requérante a introduit une réclamation se fondant, à titre principal, sur l’article 23, paragraphe 2, de la convention de 1999 et, à titre subsidiaire, sur l’article 25 de ladite convention, lequel renvoie à l’article 73 du RAA. Elle y invoque une violation de l’article 78 du RAA ainsi qu’une violation du principe de non-discrimination et des droits acquis. Elle fait valoir qu’elle est une interprète free-lance et qu’une limite d’âge pour la prestation des services des interprètes free-lance doit être considérée comme relevant des conditions de recrutement visées à l’article 78 du RAA. Elle ajoute que les engagements des interprètes de conférence étant limités à quelques jours, une limite d’âge ne peut constituer une condition relative à la fin de l’engagement. Elle en conclut que la prescription de l’article 74 du RAA est inappropriée à la situation des interprètes free-lance et considère avoir subi un préjudice.

21
Par lettres du 6 juin 2001 puis du 12 juin 2001, les conseils de la requérante ont indiqué à M. H. Reichenbach, directeur général de la direction générale « Personnel et administration » de la Commission, ainsi qu’à M. Benedetti, qu’il n’avait pas été répondu à la réclamation de la requérante.

22
Par lettre du 8 août 2001, la requérante a indiqué à M. Reichenbach qu’elle n’avait pas reçu de réponse à sa réclamation, laquelle avait été introduite, à titre subsidiaire, sur la base de l’article 25 de la convention de 1999 et donc dans les délais prescrits par l’article 90 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »). Dans cette lettre, la requérante a affirmé que cette procédure devait être détachée de la procédure introduite sur la base de l’article 23, paragraphe 2, de la convention de 1999 et qu’elle escomptait recevoir une réponse à sa réclamation dans les meilleurs délais.

23
Le 7 septembre 2001, la Commission a rejeté la réclamation de la requérante. La requérante a accusé réception de ce rejet le 10 septembre 2001. Dans cette lettre, la Commission indiquait que la requérante ne pouvait pas être recrutée en qualité d’agent auxiliaire, l’article 74 du RAA précisant que l’engagement de l’agent auxiliaire prend fin à la fin du mois au cours duquel celui-ci atteint l’âge de 65 ans. En l’absence de dispositions relatives à une limite d’âge dans la convention de 1999, l’article 74 du RAA serait applicable indépendamment de la durée du contrat d’agent auxiliaire conclu.


Procédure

24
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2001, la requérante a introduit un recours, inscrit sous le numéro T-153/01, en application des articles 23 et 24 de la convention de 1999.

25
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 décembre 2001, la requérante a introduit, à titre conservatoire, un recours, inscrit sous le numéro T-323/01, en application de l’article 25 de la convention de 1999.

26
Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2002, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité dans l’affaire T‑323/01. La requérante a déposé ses observations à cet égard le 28 mai 2002.

27
Par ordonnance du 15 novembre 2002, le Tribunal a joint l’examen de l’exception d’irrecevabilité soulevée dans le cadre de l’affaire T-323/01 à celui du fond de cette affaire.

28
Par ordonnance du 11 juillet 2003, les parties ayant été entendues, le président de la cinquième chambre du Tribunal a joint les affaires T‑153/01 et T‑323/01 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

29
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a, d’une part, décidé d’ouvrir la procédure orale et, d’autre part, invité la Commission à répondre à une question avant l’audience. La Commission a satisfait à cette demande dans le délai qui lui avait été imparti.

30
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience publique du 11 septembre 2003.


Conclusions des parties

31
Dans les affaires jointes T-153/01 et T-323/01, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler les lettres de la Commission des 13 et 23 février 2001 ;

annuler la décision de la Commission du 7 septembre 2001 portant rejet de la réclamation ;

autoriser la requérante à continuer à offrir ses services en tant qu’interprète free-lance au-delà de l’âge de 65 ans ;

condamner la Commission à la réparation du préjudice subi ;

condamner la Commission aux dépens.

32
Dans les affaires jointes T-153/01 et T-323/01, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter les recours comme étant irrecevables et, à titre subsidiaire, comme étant non fondés ;

statuer sur les dépens comme de droit.


Sur la recevabilité des recours

33
Il convient de relever que les recours introduits dans les affaires T‑153/01 et T‑323/01 opposent les mêmes parties, portent sur le même objet et sont fondés sur la même cause. Ils ont toutefois été introduits en vertu de règles procédurales différentes. Ainsi, le recours formé dans l’affaire T‑153/01 a été introduit en vertu des articles 23 et 24 de la convention de 1999, alors que le recours formé dans l’affaire T‑323/01 a été introduit, à titre conservatoire, en application de l’article 25 de ladite convention, lequel renvoie à l’article 73 du RAA.

34
La Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité dans le cadre de la seule affaire T-323/01, mais a toutefois soulevé des motifs d’irrecevabilité dans ses écrits dans l’affaire T-153/01. À cet égard, elle fait valoir, en substance, que les voies de recours ouvertes en l’espèce sont celles visées à l’article 73 du RAA, et non celles prescrites aux articles 23 et 24 de la convention de 1999, et qu’il n’existe pas d’acte faisant grief.

35
Il convient, dans un premier temps, de déterminer quelles sont les voies de recours ouvertes à la requérante.

Sur les voies de recours ouvertes

36
La requérante soutient, dans le cadre de ses recours, qu’elle relève du statut de free-lance et qu’elle n’a donc pas été engagée en application de l’article 78 du RAA, mais en application de la convention de 1999. Les voies de recours qui lui seraient ouvertes seraient, par conséquent, celles des articles 23 et 24 de ladite convention.

37
La Commission considère, au contraire, que les articles 23 et 24 de la convention de 1999 ne sont plus applicables à la requérante depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 628/2000 et que le recours formé dans l’affaire T-153/01, introduit en application des articles 23 et 24 de ladite convention, est, partant, irrecevable.

38
Le Tribunal estime que, afin d’identifier les voies de recours ouvertes à la requérante, il convient de déterminer le statut dont elle relevait dans le cadre de ses relations contractuelles avec la Commission. Bien que relevant du fond de ces affaires, cette question, soulevée par la requérante dans le cadre de son premier moyen, tiré d’une violation de l’article 78 du RAA, doit être examinée dans le présent contexte.

39
Il convient de rappeler que la requérante a été engagée en qualité d’interprète de conférence, à raison d’une succession de périodes d’emploi, dont chacune était limitée à quelques jours, par le biais de contacts informels, ultérieurement régularisés par des confirmations d’engagement.

40
Dans le cadre des présents recours, elle demande l’annulation des lettres de la Commission des 13 et 23 février 2001 lui indiquant que cette dernière ne ferait plus, en application de l’article 74 du RAA, appel aux services d’interprètes de conférence âgés de plus de 65 ans. Il doit être considéré que la requérante revendique ainsi la possibilité de pouvoir continuer à être engagée par la Commission en dépit du fait qu’elle ait atteint cet âge.

41
Il ressort de l’avant-dernière confirmation d’engagement de la requérante du 5 avril 2000 que celle-ci a été recrutée en qualité d’interprète de conférence free-lance pour la période du 3 au 4 mai 2000. Aux termes de la dernière confirmation d’engagement de la requérante, datée du 28 avril 2000, il est toutefois indiqué qu’elle était engagée en qualité d’« interprète auxiliaire de conférence » et que le contrat était régi par la convention de 1999 et par l’article 78 du RAA applicable, en vertu du règlement n° 628/2000, aux agents auxiliaires engagés par la Commission en qualité d’interprètes de conférence.

42
Il s’ensuit que la requérante a été recrutée, lors de son dernier engagement, en application de l’article 78, troisième alinéa, du RAA. La Commission a indiqué, lors de l’audience, que ce changement de statut résultait de l’entrée en vigueur du règlement n° 628/2000, dont il ressortirait que tous les interprètes de conférence doivent être recrutés en qualité d’agents auxiliaires.

43
Certes, il est vrai, comme le fait valoir la requérante, que la Cour a estimé dans son arrêt du 11 juillet 1985, Maag/Commission (43/84, Rec. p. 2581, point 22), que les interprètes d’appoint engagés par la Commission sur la base de contrats de courte durée et renouvelés de manière fréquente d’année en année ne pouvaient pas prétendre à la qualité d’agent communautaire au sens du RAA. La Cour a toutefois, dans cet arrêt, réservé la question des interprètes engagés par le Parlement sur la base de l’article 78 du RAA (arrêt Maag/Commission, précité, point 23).

44
Or, s’agissant de cette réserve, il a été jugé que le Parlement était habilité par l’article 78 du RAA à engager des interprètes free-lance en qualité d’agents au sens de cette disposition et que cet engagement leur conférait nécessairement la qualité d’agent auxiliaire au sens du titre III du RAA (arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Gebhard/Parlement, T‑109/96, Rec. p. II‑2785, points 38 à 44, et du 23 février 2000, Kooyman et Van Eynde-Neutens/Parlement, T‑223/97 et T‑17/98, RecFP p. I‑A‑31 et II‑135, point 50).

45
Le règlement n° 628/2000 ayant étendu le champ d’application de l’article 78 du RAA aux interprètes recrutés par la Commission, il convient de considérer que la solution ainsi dégagée par le Tribunal concernant les interprètes recrutés par le Parlement en vertu de l’article 78, premier alinéa, du RAA est applicable, par analogie, aux interprètes engagés par la Commission en application de l’article 78, troisième alinéa, du RAA.

46
Ainsi, il y a lieu de considérer que la Commission pouvait valablement décider de recruter la requérante en application de cet article et que cet engagement lui avait nécessairement conféré la qualité d’agent auxiliaire au sens du RAA.

47
Il s’ensuit que les voies de recours ouvertes en l’espèce sont celles prescrites à l’article 73 du RAA, à savoir les voies de recours statutaires. Il importe d’ailleurs de relever qu’il ressort des articles 23 et 24 de la convention de 1999 que la procédure de règlement des différends individuels qu’ils instituent n’est applicable qu’afin de régler les difficultés surgissant dans le cadre des relations contractuelles de l’interprète avec son institution et qu’elle ne saurait donc être applicable en l’espèce, la requérante ne contestant pas la validité ou lルexécution de l’une de ses confirmations d’engagement.

48
En conséquence, le recours dans l’affaire T-153/01, introduit en application des articles 23 et 24 de la convention de 1999, doit être rejeté comme étant irrecevable.

49
Dans ces circonstances, il convient de se prononcer sur les autres motifs d’irrecevabilité soulevés par la Commission dans le cadre du recours formé dans l’affaire T-323/01.

Sur l’existence d’un acte faisant grief dans l’affaire T-323/01

Arguments des parties

50
La Commission fait valoir que la prétendue demande de la requérante adressée à M. Walker en date du 9 février 2001 ne visait qu’à obtenir la production de la décision sur la base de laquelle les interprètes free-lance ne pourraient plus être engagés au-delà de 65 ans ainsi que la base juridique de cette décision. Aucune autre demande ne serait contenue dans cette lettre. Or, la lettre de la Commission du 23 février 2001 s’étant limitée à fournir à la requérante ces informations, il ne saurait être considéré que la Commission a adopté une décision faisant grief à la requérante. Elle précise qu’une décision individuelle mettant en œuvre le règlement n° 628/2000 n’aurait pu intervenir qu’en présence d’une demande concrète de la requérante d’obtenir un nouveau contrat d’engagement.

51
En tout état de cause, le règlement n° 628/2000 étant entré en vigueur le 26 mars 2000, la requérante ayant atteint l’âge de 65 ans le 20 juin 2000 et son dernier contrat d’engagement portant sur la journée du 5 mai 2000, lequel prévoit expressément l’application dudit règlement, la requérante ne pourrait valablement soutenir qu’elle ignorait l’existence et la portée de ce règlement avant d’avoir reçu la lettre du 23 février 2001.

52
Dans ces circonstances, hormis le fait qu’il n’existerait pas de décision faisant grief à la requérante, sa réclamation du 4 avril 2001 aurait été introduite tardivement.

53
La Commission soutient de surcroît que la seule manière de remettre en cause sa prétendue décision aurait été d’invoquer l’illégalité du règlement en cause, ce que la requérante n’a pas fait contrairement aux requérants dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 1998, Chvatal e.a./Cour de justice (T‑154/96, RecFP p. I‑A‑527 et II‑1579, points 96 et suivants).

54
La requérante rétorque que les lettres de la Commission des 13 et 23 février 2001 (ci-après les « lettres attaquées ») font expressément référence à la modification de l’article 78 du RAA par le règlement n° 628/2000, dont il découlerait que tout engagement de la requérante comme interprète free-lance ne serait plus possible au-delà de 65 ans. Dès lors, les lettres attaquées seraient, au regard de leur contenu et de leur motivation, des actes juridiques. Ces lettres constitueraient également une prise de position définitive de la Commission et affecteraient les droits de la requérante dans la mesure où la requérante ne pourrait plus être engagée par la Commission depuis son 65e anniversaire.

55
Par conséquent, les lettres attaquées seraient des actes faisant grief susceptibles de faire l’objet d’une réclamation telle que celle introduite le 4 avril 2001. Les délais de procédure prescrits par l’article 90 du statut auraient été respectés et le présent recours serait donc recevable.

Appréciation du Tribunal

56
Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique (arrêts du Tribunal du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T‑562/93, RecFP p. I‑A‑247 et II‑737, point 23, et du 13 juillet 2000, Hendrickx/Cedefop, T-87/99, RecFP p. I‑A‑147 et II‑679, point 37). Tel ne saurait être le cas de simples lettres d’informations (arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T-52/92, Rec. p. II‑1047, point 42).

57
En l’espèce, la requérante revendique la possibilité de pouvoir de nouveau être recrutée par la Commission en dépit du fait qu’elle a atteint l’âge de 65 ans. Elle demande, dans ce contexte, l’annulation des lettres de M. Benedetti du 13 février 2001 et de M. Walker du 23 février 2001.

58
Concernant, tout d’abord, la lettre de M. Benedetti du 13 février 2001, il s’agit d’une réponse à la lettre de la requérante du 25 janvier 2001 visant à obtenir des informations sur les conditions dans lesquelles il avait été décidé d’appliquer aux interprètes de conférence l’article 74 du RAA.

59
Dans cette lettre, M. Benedetti se contente de répondre aux questions posées par la requérante. Les informations ainsi fournies correspondent à une communication de renseignements dépourvue de caractère décisionnel. Dès lors, cette lettre ne faisant pas grief à la requérante, le recours, en ce qu’il vise à son annulation, est irrecevable.

60
S’agissant ensuite de la lettre de M. Walker du 23 février 2001, il s’agit d’une réponse à la lettre du 9 février 2001, émanant des conseils de la requérante, aux termes de laquelle il était demandé, d’une part, qu’il soit pris position sur sa situation et, d’autre part, que lui soit transmise la décision selon laquelle les interprètes free-lance ne pouvaient plus être recrutés au-delà de l’âge de 65 ans. En conclusion de cette lettre, il était indiqué que les droits de la requérante demeuraient réservés dans l’hypothèse où la réponse à cette demande ne lui donnerait pas satisfaction. Eu égard à son contenu, cette lettre doit être considéré comme une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

61
En réponse à cette demande, M. Walker a affirmé que la Commission ne pouvait plus engager d’interprètes de plus de 65 ans. Bien que cette lettre ne se réfère pas individuellement à la situation spécifique de la requérante, elle doit être objectivement interprétée en ce sens que la Commission, considérant qu’elle devait appliquer l’article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA aux interprètes recrutés en vertu de l’article 78, troisième alinéa, du RAA, se refusait à engager de nouveau la requérante en raison de son âge.

62
Il s’ensuit que cette lettre constitue un acte faisant grief à la requérante et que la procédure précontentieuse prescrite aux articles 90 et 91 du statut ayant été respectée, le recours dans l’affaire T-323/01 est recevable en ce qu’il vise à l’annulation de la lettre de M. Walker du 23 février 2001.

Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions dans l’affaire T‑323/01

63
Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de lui reconnaître le droit de continuer à offrir ses services comme interprète free-lance au-delà de l’âge de 65 ans. À cet égard, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge communautaire, dans le cadre du contrôle de légalité, d’adresser des injonctions aux institutions communautaires ou de se substituer à ces dernières (arrêts du Tribunal du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T‑19/90, Rec. p. II‑615, point 30, et du 11 juin 1996, Sánchez Mateo/Commission, T‑110/94, RecFP p. I‑A‑275 et II‑805, point 36).

64
Dès lors et conformément à ce que soutient la Commission, ce chef de conclusions doit être rejeté comme étant irrecevable.


Sur le fond dans l’affaire T-323/01

Sur la demande en annulation

65
À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens tirés respectivement, d’une violation de l’article 78 du RAA, d’une violation du principe de non-discrimination ainsi que d’une violation des principes de non-rétroactivité, de respect des droits acquis, de confiance légitime, de bonne administration et de sécurité juridique. Il convient d’examiner le premier de ces moyens.

Arguments des parties

66
La requérante fait valoir que l’article 78, troisième alinéa, du RAA est ambigu et qu’il ne lui est pas applicable. En effet, en sa qualité d’interprète free-lance, la convention de 1999 lui serait applicable et, aucune de ses dispositions ne prévoyant une limite d’âge à l’engagement des interprètes, elle pourrait continuer à être recrutée par la Commission au-delà de l’âge de 65 ans. La caractéristique principale du statut des interprètes free-lance serait d’ailleurs l’absence de limite d’âge à l’exercice de leurs fonctions.

67
À cet égard, la requérante s’oppose à l’allégation de la Commission selon laquelle, la convention de 1999 ne prévoyant pas de limite d’âge, il conviendrait de se référer au droit commun, à savoir à l’article 74 du RAA.

68
De surcroît, elle relève que la Cour a jugé que les interprètes de conférence ne peuvent pas être considérés comme des agents communautaires au sens du RAA (arrêt Maag/Commission, précité, points 17 à 20). Dans ces circonstances, la Commission ne pourrait soutenir que, en l’espèce, les dispositions applicables sont celles du RAA, dont l’article 74, paragraphe 2, sous b), à l’exception de celles relatives aux conditions de recrutement et de rémunération.

69
Selon la requérante, la convention de 1999 et le règlement n° 628/2000, auxquels il est fait référence dans sa dernière confirmation d’engagement, couvriraient le même domaine, à savoir les conditions générales d’engagement des interprètes de conférence auxiliaires de session et des interprètes free-lance. Ces deux textes seraient en contradiction et la Commission ne pourrait, du fait de l’adoption du règlement nº 628/2000, unilatéralement modifier les termes de la convention de 1999. L’article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA ne saurait donc valablement être opposé à la requérante. Les institutions communautaires demeureraient toutefois libres d’adopter des réglementations dans le cadre de l’application de l’article 78 du RAA, mais uniquement en ce qui concerne les conditions de recrutement et de rémunération et non en ce qui concerne les conditions relatives à la fin de l’engagement lorsque les parties à la convention de 1999 ont marqué leur accord, notamment quant à leur soumission à l’impôt communautaire (arrêt Gebhard/Parlement, précité).

70
À cet égard, après avoir affirmé dans ses écritures que les conditions de recrutement et de rémunération visées à l’article 78 du RAA ne contiennent pas la limite d’âge visée à l’article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA, la requérante a déclaré, lors de l’audience, s’en remettre à la sagesse du Tribunal afin de trancher cette question.

71
Enfin, les confirmations d’engagement ne contenant aucune référence à une limite d’âge, il serait impossible pour une personne même avisée de savoir qu’une telle limite peut lui être opposée.

72
La Commission répond que l’objectif du règlement n° 628/2000 est de soumettre tous les interprètes de conférence non-fonctionnaires ou agents temporaires au statut d’agent auxiliaire. Elle rappelle que le titre III du RAA, relatif aux agents auxiliaires, est structuré de la manière suivante : les articles 55 et 56 traitent de l’engagement des agents auxiliaires, les articles 57 à 60 gouvernent leurs conditions de travail et les articles 74 à 77 régissent la fin de leur engagement. L’article 78 constituerait une disposition dérogatoire à celles du titre III du RAA. Cependant, cette dérogation ne visant que les conditions de recrutement et de rémunération, les règles régissant la fin de l’engagement des personnes relevant de l’article 78, troisième alinéa, du RAA seraient celles de l’article 74 du RAA prévoyant la limite d’âge de 65 ans.

73
Ainsi, la requérante relèverait de l’article 78, troisième alinéa, du RAA et la convention de 1999 ne lui serait plus applicable depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 628/2000. S’agissant, dans ce contexte, de l’invocation par la requérante de l’arrêt Maag/Commission, précité, la Commission relève que cet arrêt est antérieur à l’adoption du règlement n° 628/2000 et à la modification subséquente de l’article 78 du RAA.

74
La Commission souligne que la Cour a pris soin, dans cet arrêt, de préciser que son interprétation concernait le texte du RAA en vigueur à cette époque. La Cour a également constaté, dans cet arrêt, que, en ce qui concerne la réglementation arrêtée par le bureau du Parlement au titre de l’article 78 du RAA, il suffit de rappeler que cette disposition autorise une dérogation en faveur des seules personnes engagées par le Parlement pour la durée des sessions, qui ne peut être invoquée par les interprètes free-lance engagés par les autres institutions communautaires. Or, le règlement n° 628/2000 aurait précisément modifié cette disposition du RAA.

75
En outre, la convention de 1999 ne constituerait pas une règle de droit supérieure, comme la requérante le prétend. La requérante se serait également contredite en affirmant, d’une part, que le règlement n° 628/2000 ne peut modifier la convention de 1999 et, d’autre part, que la Commission est fondée à modifier unilatéralement les règles précédemment fixées. En effet, le Conseil, et non la Commission, en sa qualité de législateur communautaire, pourrait unilatéralement modifier le statut.

76
En tout état de cause, à supposer même que la fixation de l’âge de la retraite soit une condition de recrutement, l’article 74 du RAA serait applicable à défaut de dérogation expresse dans la réglementation interne ou la convention de 1999.

77
S’agissant de la spécificité des contrats ayant lié la requérante à la Commission, cette dernière fait valoir que, les interprètes étant désormais recrutés en tant qu’agents au sens de l’article 78 du RAA, cet engagement leur a nécessairement conféré la qualité d’agents auxiliaires au sens du titre III du RAA (arrêt Gebhard/Parlement, précité, point 44). Enfin, compte tenu de l’entrée en vigueur du règlement n° 628/2000, les institutions communautaires auraient été contraintes de contracter directement avec les interprètes de conférence et de les considérer comme des membres de leur personnel avec pour conséquences une soumission à l’impôt communautaire et l’application de la limite d’âge de 65 ans.

78
La Commission relève, à cet égard, que l’argument de la requérante selon lequel elle n’a jamais signé de contrat d’agent auxiliaire n’est pas fondé. En effet, la confirmation d’engagement de la requérante, datant du 28 avril 2000 et concernant une prestation réalisée le 5 mai 2000, contiendrait une référence explicite au règlement n° 628/2000 et à son applicabilité.

Appréciation du Tribunal

79
Il convient de rappeler que la requérante a été engagée en qualité d’interprète de conférence, à raison d’une succession de périodes d’emploi, chacune limitée à quelques jours, par le biais de contacts informels régularisés par des confirmations d’engagement. Il ressort de sa dernière confirmation d’engagement qu’elle a été engagée en qualité d’interprète auxiliaire de session en application de l’article 78 du RAA.

80
À cet égard, conformément à ce qui a été constaté dans le cadre de l’examen de la recevabilité, la Commission était habilitée par l’article 78, troisième alinéa, du RAA à engager la requérante en qualité d’agent auxiliaire au sens du titre III du RAA.

81
Aux termes de l’article 78, troisième alinéa, du RAA, les conditions de recrutement et de rémunération applicables aux agents auxiliaires ainsi engagés par la Commission en qualité d’interprètes de conférence sont celles qui s’appliquent aux interprètes de conférence recrutés par le Parlement en application du premier alinéa du même article.

82
Il ressort clairement d’une lecture combinée des premier et troisième alinéas de l’article 78 du RAA que les dispositions du titre III du RAA ne s’appliquent aux agents auxiliaires ainsi engagés que dans la mesure où elles constituent des conditions qui ne sont pas couvertes par les conditions de recrutement et de rémunération prévues par l’accord conclu en application du premier alinéa, à savoir, en l’occurrence, par la réglementation de 1999 (voir ci-dessus point 7).

83
La Commission considère, en substance, que les dispositions de l’article 74, paragraphe 1, sous b), figurant au chapitre 9 « Fin de l’engagement » du titre III du RAA, aux termes desquelles il est prévu que l’engagement de l’agent auxiliaire prend fin à la fin du mois au cours duquel il atteint l’âge de 65 ans, ne constituent pas une « condition de recrutement ou de rémunération » au sens de l’article 78 du RAA, de sorte que son application à la requérante n’est pas exclue par la dérogation visée à l’article 78, premier alinéa.

84
Or, les contrats d’engagement des interprètes de conférence conclus en application du troisième alinéa, comme du premier alinéa, de l’article 78 du RAA se caractérisent par le fait qu’ils sont conclus pour certains jours spécifiques, de sorte que tant la date du début que celle de la fin de l’engagement constituent des éléments indispensables du recrutement des agents auxiliaires en question.

85
En effet, d’une part, étant donné que le terme du contrat d’engagement est toujours fixé par l’indication, dans celui-ci, des jours spécifiques des prestations, aucun recours à l’article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA n’est nécessaire pour déterminer la fin de l’engagement. D’autre part, dans le contexte de ce type de contrat, la prescription de cet article constitue une des « conditions de recrutement » visées à l’article 78 du RAA, dès lors que la durée précise de l’engagement est fixée, conformément à l’article 56 du RAA, en tant que condition d’engagement. En d’autres termes, s’agissant d’un contrat limité à des jours spécifiques, la fin de l’engagement constitue une condition caractéristique et indispensable du recrutement de l’interprète, inhérente à celui-ci.

86
Il s’ensuit que l’article 74 du RAA constitue une des dispositions du titre III du RAA auxquelles le Parlement a dérogé lorsqu’il a adopté la réglementation de 1999.

87
Par conséquent, c’est à tort que la Commission a considéré que l’article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA était applicable à la requérante et qu’il ne s’agissait pas d’une condition de recrutement au sens de l’article 78 du RAA.

88
La circonstance alléguée par la Commission selon laquelle, à défaut, dans la convention ou la réglementation de 1999, de disposition expresse instaurant une limite d’âge au recrutement des interprètes, ceux-ci sont soumis aux dispositions du RAA et donc à son article 74, paragraphe 1, sous b), ne saurait contredire la conclusion énoncée ci-dessus.

89
Il est vrai que l’article 8 de la réglementation de 1999 renvoie aux dispositions du RAA et aux règles applicables à l’ensemble du personnel pour toute question non prévue par ladite réglementation ou par la convention de 1999. Toutefois, étant donné que la raison d’être de la réglementation de 1999 est de permettre au Parlement d’engager les interprètes auxiliaires de session pour des jours spécifiques, la « fin de l’engagement » au sens de l’article 74 ne constitue pas une question non prévue par la réglementation de 1999. En outre, au vu du caractère occasionnel de tels engagements et du fait que les institutions n’ont pas l’obligation d’engager un interprète particulier à un moment donné pour une période minimale, l’âge de l’interprète ne saurait constituer un élément pertinent pour ce qui est de l’exécution des services en question. Il s’ensuit que la stipulation d’une limite d’âge ne constitue pas une clause indispensable dans un contrat d’engagement d’un interprète et rend nécessaire le recours à l’article 74 du RAA.

90
Dès lors, l’interprétation donnée par la Commission à l’absence, dans la réglementation ou la convention de 1999, de dispositions fixant une limite d’âge au recrutement des interprètes de conférence ne saurait être retenue.

91
Il résulte de tout ce qui précède que la Commission est mal fondée à opposer à la requérante les prescriptions de l’article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA.

92
Il s’ensuit que le présent moyen doit être accueilli et que la décision du 23 février 2001 doit être annulée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par la requérante à l’appui du recours dans l’affaire T-323/01.

Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

93
Selon la requérante, son préjudice résulterait de la circonstance selon laquelle elle ne peut plus offrir ses services à la Commission et subit, de ce fait, un manque à gagner certain depuis plus de deux ans. En outre, la décision de ne plus faire appel à la requérante porterait atteinte au dévouement avec lequel elle a servi l’institution. Elle dénonce enfin l’absence de transparence qui a entouré l’adoption de la position de la Commission.

94
La requérante précise, à cet égard, que son choix de devenir interprète free-lance plutôt que de devenir fonctionnaire est largement lié à la possibilité de travailler au-delà de l’âge de 65 ans. En outre, eu égard à la nature contractuelle du régime juridique des interprètes free-lance, il aurait été nécessaire de procéder à une négociation entre les parties à la convention de 1999 afin, notamment, d’instaurer des mesures transitoires permettant de garantir les droits des interprètes ayant atteint l’âge de 65 ans.

95
L’argument de la Commission selon lequel elle n’avait pas d’autre choix que d’appliquer le règlement n° 628/2000 serait fallacieux, dès lors que la Commission conférerait audit règlement une portée erronée.

96
Dans le cadre de sa réplique, la requérante fait valoir que, contrairement à ce que prétend la Commission, il n’existe pas de lien étroit entre les conclusions en annulation et celles en indemnité. Le préjudice subi résulterait, à cet égard, principalement de l’absence de transparence et d’explications de la Commission en dépit des demandes en ce sens formulées par la requérante mais également par d’autres interprètes. La mauvaise administration de la Commission aurait justifié le désarroi de la requérante et l’introduction du présent recours.

97
Elle considère donc que sa demande en réparation est autonome et doit être soumise à un régime de recevabilité et de fond qui lui est propre. Elle évalue ses préjudices matériel et moral à 100 000 euros.

98
La Commission s’oppose à l’argumentation ainsi développée par la requérante.

Appréciation du Tribunal

99
Dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, l’administration d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut visant à obtenir le dédommagement et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (arrêt du Tribunal du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T‑500/93, RecFP p. I‑A‑335 et II‑977, point 64).

100
Lorsqu’il existe un lien direct entre un recours en annulation et une demande en indemnité, cette dernière est recevable en tant qu’accessoire du recours en annulation, sans qu’elle doive nécessairement être précédée d’une demande invitant l’autorité investie du pouvoir de nomination à réparer le préjudice prétendument subi et d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande (arrêts du Tribunal du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 46, et Y/Cour de justice, précité, point 66).

101
En l’espèce, la requérante fait, en substance, valoir qu’elle a subi un préjudice matériel et un préjudice moral résultant, d’une part, de la décision de la Commission du 23 février 2001 et, d’autre part, du comportement de la Commission lié au défaut de transparence ayant entouré l’adoption de cette décision, et cela en dépit de ses demandes d’explications.

102
S’agissant de la demande en indemnité fondée sur le prétendu défaut de transparence et d’explications, il ne saurait être considéré qu’elle est directement liée à la décision de la Commission du 23 février 2001. En effet, il n’est pas prétendu que le défaut invoqué ait été la source de l’illégalité reprochée dans le cadre de la présente demande en annulation, à savoir l’application à la requérante de l’article 74, paragraphe 1, sous b), du RAA, si tant est qu’il ait été fait application dudit article. Dès lors, cette demande en indemnité aurait dû être précédée d’une demande de la requérante invitant l’administration à réparer ce préjudice ainsi que, éventuellement, d’une réclamation dans laquelle la requérante aurait contesté le bien-fondé du rejet explicite ou implicite de sa demande. Tel n’étant pas le cas en l’espèce, il y a lieu de déclarer cette demande en indemnité comme étant irrecevable.

103
S’agissant de la demande en indemnité fondée sur l’illégalité de la décision de la Commission du 23 février 2001, il convient de constater qu’il existe, à l’évidence, un lien direct entre cette action et le recours en annulation visant à l’annulation de ladite décision. La demande en indemnité, en ce qu’elle vise le prétendu préjudice résultant de l’adoption de la décision du 23 février 2001, est donc recevable en tant qu’accessoire du présent recours en annulation.

104
Dans ce cadre, dans l’hypothèse où une faute de la Commission est établie, seule l’existence d’un préjudice réel et certain en découlant est susceptible d’engager la responsabilité de la Communauté et de donner lieu à réparation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 mai 1995, Wafer Zoo/Commission, T‑478/93, Rec. p. II‑1479, point 49, et ordonnance du Tribunal du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T‑172/00, RecFP p. I‑A‑91 et II‑429, point 38).

105
Concernant le préjudice matériel invoqué, il y a lieu de constater que l’adoption d’une interprétation inexacte d’une disposition du statut et, par analogie, du RAA ne constitue pas, par elle-même, une faute de service (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 juillet 1972, Heinemann/Commission, 79/71, Rec. p. 579, point 11, et arrêt du Tribunal du 9 juin 1994, X/Commission, T‑94/92, RecFP p. I‑A‑149 et II‑481, point 52). De surcroît, la requérante ne peut valablement prétendre qu’elle a subi une perte de revenu résultant de la circonstance selon laquelle elle n’a pas été engagée par la Commission depuis son 65e anniversaire, dès lors que la Commission n’avait, en tout état de cause, pas l’obligation de faire de nouveau appel à ses services. Il demeure en effet toujours loisible à l’administration de ne pas conclure de nouveau contrat d’agent auxiliaire avec un interprète auquel elle avait précédemment fait appel, et cela quels que soient l’âge de ce dernier et les motifs qui la conduisent à cette décision. Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi le caractère certain de son préjudice.

106
Quant au préjudice moral invoqué par la requérante, il a été itérativement jugé que l’annulation de l’acte attaqué peut constituer en elle-même une réparation adéquate et en principe suffisante de tout préjudice moral que la requérante peut avoir subi (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, points 25 à 29, et arrêt du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, point 62). Or, en l’espèce, la décision de la Commission du 23 février 2001 ne comportant aucune appréciation négative des capacités de la requérante, l’annulation de cette décision doit être considérée comme une réparation adéquate du préjudice moral subi par la requérante.

107
Eu égard à ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter la demande en indemnité.


Sur les dépens

108
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

109
S’agissant de l’affaire T‑153/01, la requérante ayant succombé et la Commission ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

110
Quant à l’affaire T‑323/01, la Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours dans l’affaire T‑153/01 est rejeté comme étant irrecevable.

2)
Dans le cadre du recours dans l’affaire T‑323/01, la décision du 23 février 2001 est annulée.

3)
Le recours dans l’affaire T‑323/01 est rejeté pour le surplus.

4)
Chacune des parties supportera ses propres dépens afférents au recours dans l’affaire T‑153/01.

5)
La Commission supportera l’ensemble des dépens afférents au recours dans l’affaire T‑323/01.

García-Valdecasas

Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juin 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1
Langue de procédure : le français.