Language of document : ECLI:EU:T:2022:691

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

9 novembre 2022 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché des ronds à béton − Décision constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) no 1/2003 – Fixation des prix − Limitation et contrôle de la production et des ventes – Décision prise à la suite de l’annulation de décisions antérieures – Tenue d’une nouvelle audition en présence des autorités de concurrence des États membres – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Délai raisonnable – Obligation de motivation – Proportionnalité – Principe non bis in idem – Exception d’illégalité – Infraction unique, complexe et continue – Preuve de la participation à l’entente – Distanciation publique – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑657/19,

Feralpi Holding SpA, établie à Brescia (Italie), représentée par Mes G. Roberti et I. Perego, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi, G. Conte et Mme C. Sjödin, en qualité d’agents, assistés de Me P. Manzini, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2019) 4969 final de la Commission, du 4 juillet 2019, relative à une violation de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 – Ronds à béton) et/ou à la suppression ou à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul (rapporteur), Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Feralpi Holding SpA (anciennement Feralpi Siderurgica SpA et Federalpi Siderurgica SRL), est un fabricant de ronds à béton basé en Italie.

A.      Première décision de la Commission (2002)

2        D’octobre à décembre 2000, la Commission des Communautés européennes a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès d’entreprises italiennes productrices de ronds à béton, dont la requérante, et d’une association d’entreprises, la Federazione Imprese Siderurgiche Italiane (Fédération des entreprises sidérurgiques italiennes, ci-après la « Federacciai »). Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en application de cette disposition.

3        Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert une procédure d’application de l’article 65 CA et formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la « communication des griefs ») notifiés notamment à la requérante. Celle-ci a répondu à la communication des griefs le 31 mai 2002.

4        Une audition des parties à la procédure administrative a eu lieu le 13 juin 2002.

5        Le 12 août 2002, la Commission a adressé, aux mêmes destinataires, des griefs supplémentaires (ci-après la « communication des griefs supplémentaires »), sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204). Elle y a expliqué sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002. La requérante a répondu à la communication des griefs supplémentaires le 20 septembre 2002.

6        Une nouvelle audition des parties à la procédure administrative, en présence des autorités de concurrence des États membres, a eu lieu le 30 septembre 2002. Elle concernait l’objet de la communication des griefs supplémentaires, à savoir les conséquences juridiques de l’expiration du traité CECA sur la poursuite de la procédure.

7        À l’issue de la procédure administrative, la Commission a adopté la décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), adressée à la Federacciai et à huit entreprises, dont la requérante. Elle y a constaté que ces dernières avaient, entre décembre 1989 et juillet 2000, mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux (ci-après les « ronds à béton ») ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA. Elle a, à ce titre, infligé une amende d’un montant de 10,25 millions d’euros à la requérante.

8        Le 4 mars 2003, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Le Tribunal a annulé ladite décision à l’égard de la requérante (arrêt du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission, T‑77/03, non publié, EU:T:2007:319) et des autres entreprises destinataires, au motif que la base juridique utilisée, soit l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de l’adoption de cette décision. De ce fait, la Commission n’avait pas compétence, sur le fondement de ces dispositions, pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA après l’expiration du traité CECA. Le Tribunal n’a pas examiné les autres aspects de cette décision.

9        La décision de 2002 est devenue définitive à l’égard de la Federacciai, qui n’a pas introduit de recours devant le Tribunal.

B.      Deuxième décision de la Commission (2009)

10      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé la requérante et les autres entreprises concernées de son intention d’adopter une nouvelle décision, en corrigeant la base juridique utilisée. Elle a, en outre, précisé que ladite décision serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires. Sur invitation de la Commission, la requérante a présenté des observations écrites le 31 juillet 2008.

11      Par télécopies du 24 juillet et du 25 septembre 2008, puis du 13 mars, du 30 juin et du 15 juillet 2009, la Commission a demandé à la requérante des informations relatives à l’évolution de sa structure et son chiffre d’affaires. La requérante a répondu à ces demandes de renseignements, respectivement, par courriels du 4 septembre et du 17 octobre 2008, puis du 3 avril, du 6 juillet et du 22 juillet 2009.

12      Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la décision C(2009) 7492 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton, réadoption), adressée aux mêmes entreprises que la décision de 2002, dont la requérante. Cette décision a été adoptée sur le fondement des règles procédurales du traité CE et du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1). Elle reposait sur les éléments visés dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires et reprenait, en substance, la teneur et les conclusions de la décision de 2002. En particulier, le montant de l’amende infligée à la requérante, de 10,25 millions d’euros, restait inchangé.

13      Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté une décision modificative, intégrant, dans son annexe, les tableaux illustrant les variations de prix omis de sa décision du 30 septembre 2009 et corrigeant les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page.

14      Le 19 février 2010, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de la Commission du 30 septembre 2009, telle que modifiée (ci-après la « décision de 2009 »). Le 9 décembre 2014, le Tribunal a rejeté ce recours (arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission, T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031). Le Tribunal a annulé partiellement la décision de 2009 à l’égard d’un autre de ses destinataires, réduit le montant de l’amende infligée à deux autres de ses destinataires et rejeté les autres recours introduits.

15      Le 19 février 2015, la requérante a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031). Par arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), la Cour a annulé ledit arrêt du Tribunal ainsi que la décision de 2009 à l’égard, notamment, de la requérante.

16      Dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), la Cour a jugé que, lorsqu’une décision était adoptée sur le fondement du règlement no 1/2003, la procédure aboutissant à cette décision devait être conforme aux règles de procédure prévues par ce règlement ainsi que par le règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), même si cette procédure avait commencé avant leur entrée en vigueur.

17      Or, la Cour a constaté que, en l’espèce, l’audition du 13 juin 2002, la seule qui concernait le fond de la procédure, ne pouvait être considérée comme conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, en l’absence de participation des autorités de concurrence des États membres.

18      La Cour a conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’avait pas l’obligation, avant l’adoption de la décision de 2009, d’organiser une nouvelle audition, au motif que les entreprises avaient déjà eu la possibilité d’être entendues oralement lors des auditions des 13 juin et 30 septembre 2002.

19      Dans son arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), la Cour a rappelé l’importance de la tenue, sur demande des parties concernées, d’une audition à laquelle les autorités de concurrence des États membres sont invitées, son omission constituant une violation des formes substantielles.

20      La Cour a jugé que, dès lors que ce droit explicité dans le règlement no 773/2004 n’avait pas été respecté, il n’était pas nécessaire pour l’entreprise dont le droit avait été ainsi violé de démontrer que cette violation avait pu influer à son détriment sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision litigieuse.

21      La Cour a également annulé d’autres arrêts du Tribunal adoptés le 9 décembre 2014 statuant sur la légalité de la décision de 2009, ainsi que cette décision, à l’égard de quatre autres entreprises, pour les mêmes motifs. La décision de 2009 est en revanche devenue définitive pour les entreprises destinataires qui n’ont pas formé de pourvoi contre lesdits arrêts.

C.      Troisième décision de la Commission (2019)

22      Par lettre du 15 décembre 2017, la Commission a informé la requérante de son intention de reprendre la procédure administrative et d’organiser, dans ce cadre, une nouvelle audition des parties à ladite procédure en présence des autorités de concurrence des États membres.

23      Les 20 décembre 2017 et 16 janvier 2018, la requérante a informé la Commission de son souhait de participer à cette audition. Par lettre du 1er février 2018, elle a présenté des observations dans lesquelles elle a contesté le pouvoir de la Commission de reprendre la procédure administrative et a ainsi invité cette dernière à ne pas procéder à cette reprise.

24      Le 23 avril 2018, la Commission a tenu une nouvelle audition concernant le fond de la procédure, à laquelle ont pris part, en présence des autorités de concurrence des États membres et du conseiller-auditeur, la requérante ainsi que trois autres entreprises destinataires de la décision de 2009.

25      Le 7 mai 2018, la requérante a déposé de nouvelles observations écrites sur l’affaire. Par lettres du 19 novembre 2018 ainsi que du 18 janvier et du 6 mai 2019, la Commission a envoyé trois demandes de renseignements à la requérante concernant l’évolution de sa structure et son chiffre d’affaires. La requérante a répondu à ces demandes de renseignements, respectivement, par lettres du 7 décembre 2018 ainsi que du 30 janvier et du 9 mai 2019.

26      Le 4 juillet 2019, la Commission a adopté la décision C(2019) 4969 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision attaquée »), adressée aux cinq entreprises à l’égard desquelles la décision de 2009 avait été annulée, à savoir, outre la requérante, Alfa Acciai SpA, Partecipazioni Industriali SpA (anciennement Riva Acciaio SpA puis Riva Fire SpA, ci-après « Riva »), Valsabbia Investimenti SpA et Ferriera Valsabbia SpA et Ferriere Nord SpA.

27      Par l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA dans le secteur des ronds à béton en Italie, entre le 6 décembre 1989 et le 4 juillet 2000, à laquelle avaient participé la requérante et ces quatre autres entreprises. L’infraction a consisté en un accord continu et/ou des pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes sur le marché italien des ronds à béton.

28      La Commission a retenu la responsabilité de la requérante en raison de sa participation à l’entente du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000. Par l’article 2 de la décision attaquée, elle lui a ainsi infligé une amende d’un montant de 5,125 millions d’euros, après l’application d’une réduction de 50 % en raison de la durée de la procédure.

29      Le 18 juillet 2019, la décision attaquée a été notifiée à la requérante.

II.    Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2019, la requérante a introduit le présent recours.

31      Sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

32      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties et leur a demandé de produire des documents. Les parties ont répondu à ces questions et à ces demandes de production de documents dans le délai imparti.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juin 2021. Durant l’audience, à la suite d’une question du Tribunal, la requérante a accepté que les moyens soulevés dans la requête à l’appui du présent recours soient renumérotés aux fins de la rédaction de l’arrêt, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

34      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, en tout ou en partie, la décision attaquée en ce que celle-ci la concerne ;

–        et/ou supprimer ou, à tout le moins, réduire le montant de l’amende qui lui est infligée dans ladite décision ;

–        le cas échéant, « déclarer illégal et inapplicable l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003 » ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

36      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante demande, dans son troisième chef de conclusions, au Tribunal de « déclarer illégal et inapplicable l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003 ».

37      Or, il ressort de la requête que, par cette demande, la requérante soulève, par la voie de l’exception, l’illégalité de l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003 au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée ou de la demande de suppression ou de réduction de l’amende.

38      L’exception d’illégalité sera donc examinée, en tant que moyen, avec ceux développés au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée ou de la demande de suppression ou de réduction de l’amende.

39      À l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée ou de la demande de suppression ou de réduction de l’amende, la requérante soulève huit moyens :

–        le premier est tiré de la violation des droits de la défense et des règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018 ;

–        le deuxième est tiré du refus illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure ;

–        le troisième est tiré de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure ;

–        le quatrième est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, d’erreurs d’appréciation et de la violation du principe de proportionnalité ;

–        le cinquième est tiré de la violation du principe non bis in idem et du principe de sécurité juridique ;

–        le sixième est tiré de l’illégalité du régime de prescription organisé par l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003 ;

–        le septième est tiré d’une absence de preuve de sa participation à l’entente entre 1989 et 1995 ;

–        le huitième est tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée quant au constat d’une infraction unique, complexe et continue à son égard entre le 6 décembre 1989 et le 27 juin 2000 et d’une absence de preuve du caractère unique et continu de cette infraction.

A.      Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et des règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018

40      La requérante invoque une violation des règles relatives à la consultation du comité consultatif et à l’audition orale des parties ainsi que de ses droits de la défense.

41      En particulier, la requérante avance trois griefs, concernant l’impartialité requise de la part du comité consultatif, l’absence d’acteurs importants lors de l’audition du 23 avril 2018 et l’impossibilité, pour la Commission, de remédier au défaut procédural censuré par la Cour, tous contestés par la Commission.

1.      Sur l’audition organisée à la suite de la reprise de la procédure administrative

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709, points 38 à 44), la Cour a reproché à la Commission de n’avoir pas donné à la requérante l’occasion de développer ses arguments lors d’une audition qui aurait porté sur le fond de l’affaire en présence des autorités de concurrence des États membres.

43      La Cour a ensuite jugé que le défaut ainsi identifié devait être analysé comme une violation des formes substantielles viciant la procédure indépendamment des conséquences préjudiciables pouvant en résulter pour la requérante (arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission, C‑85/15 P, EU:C:2017:709, points 45 à 47).

44      Analysant l’arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), la Commission a estimé que, si ce défaut était corrigé, la procédure administrative pouvait être reprise à l’encontre des entreprises encore visées (considérant 15 de la décision attaquée).

45      Par lettre du 15 décembre 2017, la Commission a indiqué aux entreprises en cause qu’elle souhaitait reprendre la procédure administrative à partir du point auquel était apparu le défaut identifié par la Cour, c’est-à-dire à partir de l’audition.

46      Dans sa lettre du 15 décembre 2017, la Commission a demandé aux entreprises en cause de manifester par écrit, si elles le souhaitaient, leur intérêt à participer à une nouvelle audition, qui, portant sur le fond du dossier, serait organisée en présence des autorités de concurrence des États membres conformément à la réglementation applicable.

47      Ayant reçu les réponses fournies par les entreprises en cause, la Commission a organisé une nouvelle audition le 23 avril 2018 en présence des autorités de concurrence des États membres.

2.      Sur l’exécution des arrêts d’annulation

48      Il importe de rappeler que, en vertu de l’article 266, paragraphe 1, TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour.

49      Pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, les institutions doivent respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 45 et jurisprudence citée).

50      L’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs, de fond ou de procédure, ayant justifié l’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 47 et jurisprudence citée).

51      Dès lors, la procédure visant à remplacer un acte annulé peut, en principe, être reprise à partir de l’étape affectée par l’illégalité (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 73, et du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 46 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, l’acte ayant été annulé à la suite d’une violation de formes substantielles intervenue dans l’organisation de l’audition (arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission, C‑85/15 P, EU:C:2017:709), il était loisible à la Commission de reprendre la procédure, comme elle l’a fait, à partir de cette étape.

53      C’est dans ce contexte que doivent être examinés les griefs avancés par la requérante à l’appui du premier moyen.

3.      Sur le premier grief, concernant l’impartialité requise de la part du comité consultatif

54      La requérante soutient, en substance, que le comité consultatif n’a pas été valablement consulté, car les modalités mises en place pour organiser l’audition à laquelle devaient être invitées les autorités de concurrence des États membres, dont les représentants composent ledit comité, n’ont pas permis de garantir leur impartialité au moment où celui-ci devait rendre son avis en application de la réglementation.

55      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure pour l’adoption des décisions fondées sur les articles 101 et 102 TFUE est réglée, pour les aspects concernés par le présent litige, par le règlement no 1/2003 :

–        selon l’article 14, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, la Commission, avant de prendre sa décision, consulte un comité composé de représentants des autorités de concurrence des États membres ;

–        l’article 14, paragraphe 3, dudit règlement précise que ce comité émet un avis écrit sur l’avant-projet de décision soumis par la Commission ;

–        l’article 14, paragraphe 5, du même règlement précise que la Commission tient le plus grand compte de l’avis rendu par ce comité en informant celui-ci de la façon dont elle s’est acquittée de cette obligation.

56      Pour l’organisation des auditions, le règlement no 773/2004 fixe les règles suivantes :

–        l’article 12 de ce règlement requiert de la Commission qu’elle donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites ;

–        l’article 14, paragraphe 3, dudit règlement prévoit que les autorités de concurrence des États membres sont invitées à prendre part à l’audition.

57      Selon la jurisprudence, la consultation du comité consultatif constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de la décision litigieuse et entraîne son annulation s’il est établi que le non-respect de règles a empêché ledit comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 148 et jurisprudence citée).

58      La requérante ne soutient pas que les règles énoncées aux points 55 et 56 ci-dessus n’ont pas été respectées en tant que telles. Elle estime toutefois que, lorsque les autorités de concurrence des États membres ont participé à l’audition du 23 avril 2018 et ont, ensuite, rendu leur avis, elles ne se trouvaient pas dans une situation garantissant leur impartialité. Selon elle, ces autorités connaissaient, en effet, au moment de rendre cet avis, la position qu’avaient adoptée la Commission et les juridictions de l’Union européenne dans les décisions et les arrêts ayant jalonné la procédure. Elle fait observer que, d’une part, avant de prendre la décision attaquée, la Commission avait déjà adopté, à deux reprises (en 2002 et 2009), une décision de sanction sans consulter lesdites autorités sur le fond de l’affaire et que, d’autre part, en 2014, le Tribunal avait rendu un arrêt confirmant la position retenue par la Commission. Selon elle, marqué par l’existence de ces décisions et de cet arrêt, le contexte a inévitablement influencé ces mêmes autorités d’une manière rendant impossible la formulation d’un avis en toute impartialité.

59      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE, T‑712/15, EU:T:2017:900, point 42 et jurisprudence citée), même si, lorsqu’il a une portée individuelle, l’annulation ne bénéficie, sous certaines réserves, qu’aux parties au procès (voir arrêt du 8 mai 2019, Lucchini/Commission, T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, points 33 à 37 et jurisprudence citée).

60      Ainsi, les arrêts du Tribunal, qui sont des actes adoptés par l’une des institutions de l’Union, disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi.

61      Partant, en l’espèce, bien que le comité consultatif ait rendu son avis, d’une part, après que la Commission a adopté la décision de 2002 puis celle de 2009 et, d’autre part, après que le Tribunal s’est prononcé dans son arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031), il n’en demeure pas moins que, ayant été annulés, ces décisions et cet arrêt avaient disparu de l’ordre juridique de l’Union et sont censés, en application de ladite jurisprudence, n’avoir jamais existé.

62      En ce qui concerne le prétendu manque d’impartialité des autorités de concurrence des États membres, qui rendrait impossible la formulation par le comité consultatif d’un avis en toute impartialité, il convient de relever que, aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union.

63      L’exigence d’impartialité prévue par l’article 41 de la Charte recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

64      En l’espèce, l’impartialité du comité consultatif lorsqu’il a rendu son avis est mise en cause en ce que, selon la requérante, l’attitude des représentants des autorités qui composent ledit comité a pu être influencée par le fait que ces autorités avaient eu connaissance de la position adoptée sur l’affaire, d’une part, par la Commission dans ses décisions de 2002 et de 2009 et, d’autre part, par le Tribunal dans son arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031).

65      D’une telle connaissance, même à la supposer établie, il ne saurait cependant être déduit un manque d’impartialité pouvant affecter la légalité de la décision attaquée, sauf à mettre en cause les dispositions du traité en vertu desquelles des actes déclarés illégaux sont susceptibles d’être remplacés, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si c’est l’impartialité subjective ou l’impartialité objective qui est ici mise en cause par la requérante.

66      En effet, la connaissance possible d’une solution antérieurement adoptée et, le cas échéant, confirmée dans un arrêt du Tribunal annulé par la suite par la Cour sur pourvoi est inhérente à l’obligation de tirer les conséquences d’une annulation. Décider que la connaissance d’une telle situation pourrait faire obstacle, par elle-même, à une reprise de la procédure affecterait, en soi, le mécanisme d’annulation en indiquant que ce dernier implique non seulement la disparition rétroactive de l’acte annulé, mais aussi l’interdiction de reprendre la procédure. Une telle éventualité serait incompatible avec l’article 266 TFUE, qui, en cas d’annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE, impose aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union de prendre les mesures que comporte l’exécution des arrêts rendus à leur égard sans pour autant les affranchir de la mission consistant à assurer, dans les domaines relevant de leur compétence, l’application du droit de l’Union.

67      Le grief doit donc être rejeté.

4.      Sur le deuxième grief, concernant l’absence d’acteurs importants lors de l’audition du 23 avril 2018

68      La requérante soutient que la Commission, d’une part, a violé diverses règles relatives à l’organisation des auditions et, d’autre part, a commis une erreur en omettant d’inviter plusieurs entités à l’audition du 23 avril 2018, alors que, ayant joué un rôle important dans le dossier, ces entités auraient pu communiquer aux autorités de concurrence des États membres des éléments permettant à ces dernières d’arrêter leur position en pleine connaissance de cause. Selon elle, n’ayant pu bénéficier d’un avis rendu en pleine connaissance de cause par ces autorités, ses droits de la défense ont été méconnus pour les raisons suivantes :

–        la Federacciai aurait dû participer à ladite audition, de même que Leali SpA et sa filiale Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA (ci-après, prises ensemble, « Leali »), ayant entretemps fait faillite, eu égard au rôle central joué par ces dernières dans l’ensemble des faits visés par l’enquête ;

–        Lucchini SpA, ayant également fait faillite, et Riva, placée sous administration extraordinaire, qui étaient les chefs de file du marché, auraient également dû participer à ladite audition ;

–        Industrie Riunite Odolesi SpA (ci-après « IRO »), qui n’avait pas contesté, quant à elle, l’arrêt du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T‑69/10, non publié, EU:T:2014:1030), aurait elle aussi dû participer à ladite audition ;

–        l’Associazione Nazionale Sagomatori Ferro (Association nationale des entreprises de façonnage de fer, ci-après l’« Ansfer ») aurait dû être invitée, cette association, représentant des clients des entreprises concernées, étant intervenue en tant que tiers lors de l’audition du 13 juin 2002 et ayant déclaré, à cette occasion, que l’existence d’ententes restrictives de concurrence n’avait jamais été ressentie sur le marché.

69      Il convient donc d’examiner si, dans l’organisation de l’audition, la Commission a violé une règle qui s’imposait à elle et si elle a, de la sorte ou d’une quelconque autre manière, entravé les droits de la défense de la requérante à l’occasion de l’audition du 23 avril 2018.

70      En premier lieu, il convient de relever que la participation à l’audition fait partie des droits procéduraux dont la violation, en raison de leur nature subjective, doit être invoquée par l’entreprise ou le tiers qui en est titulaire (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2010, ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, T‑62/08, EU:T:2010:268, point 186 ; du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 77, et du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, point 36).

71      Ainsi, la requérante ne saurait demander avec succès l’annulation d’une décision pour le seul motif qu’auraient été méconnus, en l’espèce, des droits procéduraux bénéficiant à des tiers ou à d’autres parties.

72      Par ailleurs, il doit être relevé que, même si les auditions tenues dans le cadre des procédures en matière d’ententes se déroulent le plus souvent sous une forme collective dans la pratique de la Commission, la réglementation ne reconnaît pas de droit à une audition collective pour les entreprises auxquelles une communication des griefs a été adressée.

73      Au contraire, l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 773/2004 précise que toute personne peut être entendue soit séparément, soit en présence d’autres personnes invitées à assister à l’audition, en tenant compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles ne soient pas divulgués (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 697).

74      En second lieu, il convient d’examiner, au-delà du respect dû aux droits dont disposent d’autres personnes ou entités, si, d’une manière ayant pu entraver la défense de la requérante, la Commission a enfreint des règles concernant l’organisation des auditions.

75      À cet égard, il convient de relever que les droits de la défense sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge de l’Union assure le respect. Pareil respect dans une procédure suivie devant la Commission ayant pour objet d’infliger une amende à une entreprise pour violation des règles de concurrence exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence de l’infraction au traité. Ces droits sont visés à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte (voir arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, points 52 et 53 et jurisprudence citée).

76      En l’espèce, la requérante a insisté sur le fait que l’absence de certaines entités avait eu pour conséquence que le comité consultatif n’avait pas pu rendre son avis en toute connaissance de cause. Selon elle, si ces entités avaient été entendues, le contenu de son avis, et, en conséquence, celui de la décision attaquée, aurait ainsi pu être différent. Cette problématique a fait l’objet d’échanges nourris entre les parties, tant à l’écrit que lors de l’audience.

77      À cet égard, il convient de distinguer la situation des entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée, la situation des tiers justifiant d’un intérêt suffisant et la situation des autres tiers.

a)      Sur la situation des entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée

78      Selon l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, les entreprises et les associations d’entreprises visées par la procédure menée doivent avoir l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs qui sont retenus contre elles avant que soit prise à leur égard une décision appliquant l’article 101 ou 102 TFUE. La Commission ne peut fonder ses décisions à leur égard que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations.

79      L’article 12 du règlement no 773/2004 précise que la Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.

80      En l’espèce, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 12 du règlement no 773/2004 avaient donc vocation à s’appliquer à toutes les entreprises ayant participé à l’entente pour lesquelles la décision de 2002 ou la décision de 2009 n’était pas devenue définitive, y compris Riva.

81      Selon la requérante, l’absence de Riva à l’audition du 23 avril 2018 a pu contribuer à vicier la procédure en affectant les conditions dans lesquelles elle pouvait assurer sa défense.

82      À cet égard, il convient de relever, ainsi que cela est indiqué aux considérants 45 et 46 de la décision attaquée, et sans que cela soit contesté par les parties, que :

–        Riva a été informée par la Commission, par lettre du 15 décembre 2017, de la reprise de la procédure ;

–        en réponse à ce courrier, Riva a déposé des observations écrites sans demander, toutefois, à participer à une audition ;

–        Riva n’ayant pas formulé une telle demande, la Commission ne l’a pas invitée à prendre part à l’audition du 23 avril 2018.

83      Au vu de ces éléments, il ne saurait être considéré que, en s’abstenant d’inviter Riva à participer à l’audition du 23 avril 2018, la Commission a violé l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 12 du règlement no 773/2004. N’ayant pas demandé à participer à l’audition, Riva n’avait pas à y être invitée par la Commission. La requérante ne saurait donc valablement se prévaloir d’une violation des dispositions susvisées ayant pu affecter sa défense.

b)      Sur la situation  des tiers justifiant d’un intérêt suffisant

84      L’audition des tiers intéressés est régie par l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003. Cette disposition prévoit que, si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant demandent à être entendues, il est fait droit à leur demande.

85      L’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004 précise :

–        si des personnes physiques ou morales demandent à être entendues et justifient d’un intérêt suffisant, la Commission les informe, par écrit, de la nature et de l’objet de la procédure ;

–        elle donne à ces personnes la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit dans un délai qu’elle fixe ;

–        elle peut les inviter à développer leurs arguments lors de l’audition si ces personnes en font la demande dans leurs observations écrites.

86      En l’espèce, l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004 avaient donc vocation à s’appliquer notamment à cinq entités dont la présence était nécessaire, selon la requérante, pour que l’audition du 23 avril 2018 soit valablement organisée, à savoir, d’une part, la Federacciai, Leali, IRO et Lucchini et, d’autre part, l’Ansfer.

87      En premier lieu, s’agissant des quatre premières entités visées au point 86 ci-dessus, il convient de relever que celles-ci ont renoncé, à un stade antérieur de la procédure, à contester la décision qui leur avait été adressée :

–        la Federacciai n’a pas déposé de recours en annulation contre la décision de 2002 ;

–        Leali, IRO et Lucchini n’ont pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T‑489/09, T‑490/09 et T‑56/10, non publié, EU:T:2014:1039), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T‑69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T‑91/10, EU:T:2014:1033), qui avaient rejeté leurs recours en annulation contre la décision de 2009.

88      Dès lors, selon la jurisprudence, la décision de la Commission prise à l’égard de ces entités est devenue définitive pour ce qui les concerne et, par suite, la procédure étant pour elles terminée, elles n’étaient plus parties à la procédure reprise le 15 décembre 2017 (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 63).

89      Dans ces conditions, les quatre premières entités visées au point 86 ci-dessus ne disposaient pas d’un droit à participer à l’audition du 23 avril 2018 en qualité de parties à la procédure.

90      Certes, les quatre premières entités visées au point 86 ci-dessus avaient la possibilité de demander à la Commission, en démontrant qu’elles présentaient un intérêt suffisant, l’autorisation de prendre part à l’audition du 23 avril 2018 en tant que tiers intéressés, conformément aux dispositions rappelées aux points 84 et 85 ci-dessus.

91      Cependant, la Federacciai, Leali et IRO n’ont pas effectué une telle démarche et, ainsi, il ne saurait être prétendu que la Commission ait pu, dans ce cadre, violer quelque règle que ce soit, avec pour conséquence d’avoir pu affecter l’exercice par la requérante de ses droits de la défense.

92      En revanche, il convient de noter que Lucchini a considéré, de son côté, qu’elle devait bénéficier de l’annulation prononcée par la Cour dans ses arrêts du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C‑89/15 P, EU:C:2017:713), même si elle n’a pas introduit de pourvoi contre l’arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T‑91/10, EU:T:2014:1033). Sur la base de cette argumentation, elle a demandé à la Commission l’autorisation de participer à l’audition du 23 avril 2018. Toutefois, cette demande a été présentée par Lucchini en tant que partie à la procédure reprise le 15 décembre 2017, au même titre, notamment, que la requérante, et non en qualité de tiers intéressé. Cette demande a été rejetée par la Commission à juste titre pour les raisons indiquées aux points 87 et 88 ci-dessus (arrêt du 8 mai 2019, Lucchini/Commission, T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, points 41 et 42). S’étant vu refuser cette possibilité en tant que partie à la procédure, Lucchini n’a pas fait valoir, par la suite, qu’elle pouvait être invitée à l’audition en qualité de tiers disposant d’un intérêt suffisant.

93      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, en s’abstenant d’inviter, d’une part, la Federacciai et, d’autre part, Leali, IRO et Lucchini à participer à l’audition, la Commission a violé une règle procédurale pouvant avoir une incidence sur l’exercice, par la requérante, de ses droits de la défense.

94      En second lieu, s’agissant de la cinquième entité visée au point 86 ci-dessus, à savoir l’Ansfer, la requérante considère qu’elle aurait dû être invitée à l’audition du 23 avril 2018, au vu des informations qu’elle détenait et qui étaient susceptibles d’exercer une influence sur les autorités de concurrence des États membres, relativement à la connaissance qu’elles avaient du dossier.

95      À l’appui de sa position, la requérante présente trois arguments.

96      Premièrement, la requérante soutient que, selon toute vraisemblance, si l’Ansfer avait été informée par la Commission de la reprise de la procédure, elle aurait participé à l’audition du 23 avril 2018, comme elle l’avait fait pour l’audition du 13 juin 2002.

97      À cet égard, il convient de rappeler comment a été ouverte en 2002 la procédure diligentée contre la requérante et contre les autres entreprises alors visées.

98      Comme l’a indiqué la Commission dans sa réponse aux questions du Tribunal et à l’audience sans être contredite par la requérante, l’ouverture en cause est intervenue le 26 mars 2002, suivie de la notification aux parties concernées de la communication des griefs, conformément à l’article 36 CA.

99      Alors, l’ouverture en cause n’a été accompagnée d’aucune mesure de publicité, car la réglementation ne requérait pas de la Commission qu’elle rende publique la décision d’ouvrir une procédure administrative, l’adoption d’une communication des griefs ou, comme en l’espèce, d’une communication des griefs supplémentaires.

100    La façon de procéder n’a pas été différente après que le Tribunal a rendu l’arrêt du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T‑77/03, non publié, EU:T:2007:319), et que la Cour a rendu l’arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709).

101    Après avoir analysé les arrêts visés au point 100 ci-dessus, la Commission a informé la requérante, la première fois par lettre du 30 juin 2008 et la seconde par lettre du 15 décembre 2017, de son intention de « reprendre » la procédure.

102    En particulier, la seconde lettre a été notifiée aux entreprises destinataires de la décision attaquée, mais n’a été communiquée à aucune autre personne ou entité, de même qu’elle n’a fait l’objet d’aucune mesure de publicité.

103    Dans ce contexte, il convient de déterminer si la Commission était tenue d’informer le public de la reprise de la procédure après l’annulation de la décision de 2009, de sorte que, si cette obligation avait été respectée en l’espèce, l’Ansfer aurait été informée et aurait pu demander à participer à la nouvelle audition.

104    À cet égard, il convient de noter qu’aucune règle n’exige de la Commission qu’elle rende publique la reprise d’une procédure à la suite de l’annulation de l’une de ses décisions par un arrêt de la Cour ou du Tribunal.

105    En effet, une telle reprise de procédure intervient dans le cadre de l’exécution d’un arrêt d’annulation.

106    Or, l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. En ce sens, cette disposition impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans ledit arrêt. Toutefois, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à mettre en œuvre afin de tirer les conséquences d’un arrêt d’annulation ou d’invalidation, étant entendu que ces moyens doivent être compatibles avec le dispositif de l’arrêt en cause et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire. Sauf à ce que l’irrégularité constatée ait entaché de nullité l’ensemble de la procédure, les institutions concernées peuvent, afin d’adopter un acte visant à remplacer un précédent acte annulé ou invalidé, reprendre la procédure au stade où cette irrégularité a été commise (voir arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys/Commission, T‑125/16, EU:T:2017:884, points 49 et 52 et jurisprudence citée).

107    Au terme de l’appréciation que la Commission effectue dans ce cadre, elle peut ainsi décider de reprendre la procédure comme elle l’a fait dans la présente affaire, tout comme elle peut abandonner la procédure si elle estime que le dossier peut être clos ou, si elle pense que des mesures d’enquête s’imposent, ouvrir une nouvelle procédure susceptible, dans ce cas, de conduire à la notification d’une nouvelle communication des griefs aux entreprises destinataires conformément à l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

108    En l’espèce, la Commission, ayant effectué ladite appréciation, a décidé de reprendre la procédure au point où elle avait été interrompue, comme le permet la jurisprudence visée aux points 50 et 51 ci-dessus.

109    Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la Commission a mentionné sa communication du 20 octobre 2011 concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6) (voir, en particulier, point 20 de celle-ci), dans laquelle elle s’est engagée, d’une part, à annoncer l’ouverture de chaque procédure d’application de ces dispositions sur le site Internet de sa direction générale de la concurrence et, d’autre part, à publier un communiqué de presse sur le sujet, sauf lorsque de telles mesures de publicité sont susceptibles de nuire au déroulement de l’enquête.

110    Toutefois, comme la Commission l’a fait valoir, la communication en cause ne lui imposait pas en l’espèce de mettre en œuvre les engagements visés au point 109 ci-dessus. En effet, en l’absence de disposition expresse en ce sens, il n’y a pas lieu d’étendre la portée de ces engagements lorsque la Commission reprend une procédure au stade d’une audition précédemment tenue de manière irrégulière, qui est le stade où cette procédure a été interrompue, ainsi que la Commission l’a décidé en l’espèce dans le cadre de l’exécution de l’arrêt d’annulation de la Cour, situation qui se distingue de celle de l’ouverture de la procédure visée dans cette communication.

111    L’argument doit donc être rejeté.

112    Deuxièmement, la requérante soutient que, pour la détermination des tiers à inviter à l’audition, l’Ansfer ne pouvait être considérée comme un simple membre du public, mais avait le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » au sens de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004.

113    Au soutien de sa position, la requérante rappelle que le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » avait été reconnu en 2002 à l’Ansfer par le conseiller-auditeur, ce qui avait permis la participation de cette association à l’audition du 13 juin 2002.

114    Disposant alors du statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant », l’Ansfer ne saurait l’avoir perdu entretemps et aurait dû être invitée à participer, à ce titre, à l’audition du 23 avril 2018.

115    À cet égard, il convient de relever que l’argumentation de la requérante en ce qui concerne le maintien du statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » est conforme à la position défendue par la Commission sur la continuité existant entre les étapes de la procédure administrative même si celle-ci a été interrompue par des procédures juridictionnelles ayant donné lieu à des arrêts d’annulation.

116    Dans cette perspective, il serait légitime de considérer qu’une entité s’étant vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à un stade antérieur de la procédure ait pu le conserver tout au long de la procédure, même si celle-ci a pu être interrompue par une procédure juridictionnelle ayant donné lieu à une annulation prononcée par le juge de l’Union.

117    Il importe donc de déterminer si, en l’espèce, s’étant vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à un moment de la procédure, l’Ansfer a pu conserver ce statut tout au long de cette dernière et aurait dû être invitée à l’audition du 23 avril 2018 ou, à tout le moins, être informée de la reprise de la procédure pour lui permettre de manifester son intérêt et, ainsi, d’être invitée, le cas échéant, à participer à ladite audition.

118    À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du dossier, sans que cela soit contesté par la requérante, l’intérêt manifesté par l’Ansfer pour participer à la procédure n’a pas été maintenu tout au long de cette dernière.

119    En effet, récapitulant les étapes qui se sont succédé, la Commission a précisé, à l’audience, sans être contredite par la requérante, en réponse aux questions posées par le Tribunal, que :

–        en 2002, l’Ansfer avait appris l’ouverture de la procédure par l’intermédiaire d’informations parues dans la presse italienne ;

–        sur la base de ces informations, l’Ansfer avait demandé à la Commission à être autorisée à participer à l’audition du 13 juin 2002 en faisant valoir qu’elle pouvait démontrer, à cet effet, l’existence, en ce qui la concernait, d’un intérêt suffisant ;

–        ayant été invitée à participer, l’Ansfer s’était présentée à ladite audition, où, sans que son représentant y prît la parole, elle avait déposé des observations écrites ;

–        sur cette base, l’Ansfer avait été invitée à participer à la deuxième audition du 30 septembre 2002, relative aux conséquences de l’expiration du traité CECA sur la procédure ;

–        elle n’avait, toutefois, pas répondu à cette invitation et ne s’était pas davantage présentée lors de cette audition ;

–        l’Ansfer n’ayant pas répondu à l’invitation à la nouvelle audition qui lui avait été adressée et ne s’y étant pas présentée, la Commission avait considéré que celle-ci ne demandait plus à participer à la suite de la procédure et ne devait donc pas être invitée à l’audition du 23 avril 2018 ;

–        dans ce cadre, la Commission avait tenu compte du fait que, d’une part, la participation de l’Ansfer lors de l’audition du 13 juin 2002 s’était limitée à la soumission d’observations écrites, sans prise de parole, et que, d’autre part, ces observations avaient été versées au dossier.

120    Or, en vertu de la réglementation, les tiers peuvent prendre part à une audition organisée dans une procédure relative à l’application des règles de concurrence, mais, pour ce faire, ils doivent se manifester auprès de la Commission et établir à l’intention de cette dernière qu’ils présentent un intérêt suffisant pour leur permettre d’y participer (voir points 84 et 85 ci-dessus).

121    En outre, il convient de considérer que, lorsqu’un tiers s’est vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » lors d’une procédure administrative qui a été interrompue par un contrôle juridictionnel au terme duquel une annulation a été prononcée par le juge de l’Union, la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour décider si ce tiers conserve un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue. En effet, la garantie des droits de la défense n’exige pas que la Commission, lorsqu’elle reprend ladite procédure, procède à l’audition des tiers ne disposant plus d’un tel intérêt suffisant (voir, par analogie, arrêts du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 406, et du 11 juillet 2019, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission, T‑582/15, non publié, EU:T:2019:497, point 202 et jurisprudence citée).

122    Dans l’intérêt d’une bonne administration, il convient, en effet, d’éviter une multiplication d’intervenants tout en assurant la participation de ceux qui peuvent apporter une réelle contribution, à charge ou à décharge, à l’analyse du dossier et au respect des droits de la défense, de manière à assurer que l’avis soit rendu par le comité consultatif et que la décision soit prise par la Commission en pleine connaissance de cause et dans le respect des garanties procédurales.

123    C’est au terme d’une telle appréciation que, en l’espèce, l’Ansfer a été invitée en tant que « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à participer à l’audition du 13 juin 2002 et à celle du 30 septembre 2002.

124    Par la suite, au vu de l’absence de réponse de l’Ansfer à l’invitation à participer à la deuxième audition du 30 septembre 2002 et de son absence de participation à cette audition, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que celle-ci avait renoncé à intervenir dans la suite de la procédure ou, à tout le moins, ne souhaitait pas développer davantage ses arguments lors de l’audition du 23 avril 2018 et que sa contribution, déjà versée au dossier et reprise par la suite dans le projet de la décision attaquée, ne justifiait pas de l’informer de la reprise de la procédure pour lui permettre de manifester à nouveau son intérêt et, ainsi, d’être invitée, le cas échéant, à participer à ladite audition.

125    L’argument doit donc être rejeté.

126    Troisièmement, la requérante indique avoir attiré l’attention de la Commission, dans sa lettre du 1er février 2018 et lors de l’audition du 23 avril 2018, sur le fait que la procédure ne pouvait être reprise valablement dès lors que tous les acteurs présents en 2002 ne pourraient être présents à ladite audition, avec pour conséquence de ne donner qu’une vision partielle de l’affaire aux autorités de concurrence des États membres, dont les représentants sont chargés d’exprimer une opinion pour permettre au comité consultatif de rendre son avis conformément à la réglementation.

127    À cet égard, il convient de relever que, ainsi formulée, une telle remarque ne saurait être analysée comme une demande ayant été adressée à la Commission et visant à obtenir de celle-ci qu’elle invite à l’audition l’Ansfer ou d’autres tiers en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, qui permet aux parties de proposer dans leurs observations écrites « que la Commission entende des personnes susceptibles de corroborer les faits exposés dans leurs observations ».

128    Comme le signale la Commission, c’est à la requérante qu’il appartenait, si elle estimait que l’intervention de l’Ansfer était nécessaire, voire seulement utile, pour la défense de son argumentation, d’informer cette association de la reprise de la procédure afin qu’elle se manifeste auprès de la Commission ou de demander à cette dernière, de manière spécifique, d’inviter cette entité.

129    Or, la requérante, dans sa réponse écrite aux questions du Tribunal, a admis n’avoir effectué aucune démarche en ce sens auprès de la Commission ou de l’Ansfer.

130    Il convient d’ajouter que, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, les autorités de concurrence des États membres peuvent demander à la Commission d’entendre des tiers, si elles l’estiment approprié.

131    Rien n’empêchait la requérante de suggérer aux autorités de concurrence des États membres, lors de l’audition du 23 avril 2018, ou avant celle-ci, de demander à la Commission d’entendre l’Ansfer.

132    Or, la requérante n’a pas accompli une telle démarche auprès des autorités de concurrence des États membres, pas plus que lesdites autorités n’ont demandé à la Commission d’entendre l’Ansfer.

133    Partant, l’Ansfer ne disposant plus d’un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue lors de la reprise de la procédure (voir points 115 à 125 ci-dessus) et aucune demande visant à l’entendre n’ayant été adressée à la Commission, il ne saurait être valablement reproché à cette dernière de ne pas l’avoir invitée à participer à l’audition du 23 avril 2018.

134    L’argument doit donc être écarté.

c)      Sur la situation des autres tiers 

135    Pour autant que l’argumentation présentée par la requérante puisse être interprétée comme y faisant référence, il convient de relever que la réglementation prévoit, pour l’organisation des auditions, une troisième situation, qui concerne les tiers ne présentant pas un intérêt suffisant au sens déterminé aux points 84 et 85 ci-dessus.

136    L’article 13, paragraphe 3, du règlement no 773/2004 prévoit la possibilité d’inviter toute personne physique ou morale, autre que les entreprises visées par la procédure ou les tiers justifiant d’un tel intérêt, à exprimer son point de vue par écrit et à assister, le cas échéant, à l’audition. Outre qu’elles peuvent être autorisées à y assister, ces personnes peuvent être invitées à exprimer leur point de vue au cours de l’audition.

137    C’est dans cette situation que se trouvait notamment l’Ansfer, dès lors que, comme cela a été établi, la Commission a pu considérer que cette association ne disposait plus d’un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue, lors de la reprise de la procédure (voir points 115 à 125 ci-dessus).

138    Or, la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer si la participation de tiers non intéressés peut être utile dans les débats, étant précisé que la garantie des droits de la défense de la requérante n’exige pas dans tous les cas que la Commission procède aux auditions demandées (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 121 ci-dessus).

139    Ainsi, en l’espèce, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer, pour les raisons évoquées aux points 115 à 125 ci-dessus, qu’inviter l’Ansfer à l’audition du 23 avril 2018 n’apporterait pas d’élément nouveau aux débats.

140    Dans ces conditions, il ne saurait être valablement reproché à la Commission d’avoir violé une règle procédurale qui aurait pu avoir une incidence sur l’exercice, par la requérante, de ses droits de la défense en omettant d’inviter d’autres tiers à l’audition du 23 avril 2018.

141    L’argument doit donc être rejeté.

142    Au vu des éléments qui précèdent, il peut être conclu que la Commission n’a pas violé de règles procédurales concernant l’audition d’autres personnes ou entités et, par conséquent, que l’exercice des droits de la défense dont se prévaut la requérante n’a pu être entravé d’aucune manière par la violation de telles règles.

143    Pour autant que de besoin, il convient de relever que la requérante n’a pas établi avoir été entravée dans l’exercice de ses droits de la défense indépendamment de la violation d’une règle, en raison de l’absence d’une entreprise ou d’un tiers lors de l’audition organisée en vue de l’adoption de la décision attaquée.

144    Le grief doit donc être rejeté.

5.      Sur le troisième grief, concernant l’impossibilité, pour la Commission, de remédier au défaut procédural censuré par la Cour 

145    La requérante soutient en substance qu’il était impossible de remédier au défaut procédural censuré par la Cour. En raison du délai écoulé, les changements intervenus dans l’identité des acteurs et la structure du marché étaient tels, selon elle, qu’aucune audition ne pouvait encore être organisée dans des conditions identiques ou, à tout le moins, équivalentes à celles qui prévalaient en 2002.

146    À cet égard, il convient de relever que, en raison de l’ampleur des tâches qu’elles impliquent, le contexte dans lequel sont organisées les procédures de concurrence est inévitablement altéré par l’écoulement du temps.

147    Dans un tel contexte, où la concurrence induit constamment des modifications des acteurs, des produits et des parts de marché, la possibilité que de tels changements rendent impossible, par eux-mêmes, l’adoption d’une nouvelle décision affecterait, dans son principe même, la possibilité, pour la Commission, de reprendre une procédure en vue d’appliquer les règles de concurrence en exécution de la mission qui lui est assignée par les traités.

148    Lorsque la Commission décide de reprendre une procédure à la suite d’une annulation de l’une de ses décisions par un arrêt de la Cour ou du Tribunal, elle doit toutefois procéder à une évaluation destinée à déterminer, au vu des circonstances existant au moment de la reprise, et en particulier des effets ayant pu résulter de l’écoulement du temps, si la poursuite de la procédure apparaît encore comme étant une solution appropriée à la situation, ce qu’elle a fait en l’espèce, comme cela est expliqué en réponse au premier grief du deuxième moyen présenté par la requérante à l’appui du recours (voir points 156 à 180 ci-dessous).

149    Le grief doit donc être rejeté.

150    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

6.      Sur la demande de suppression ou de réduction de l’amende présentée à l’audience par la requérante

151    À toutes fins utiles, la requérante a indiqué, lors de l’audience, que, si le Tribunal envisageait de réformer le montant de l’amende, il devrait prendre en compte les arguments soulevés dans le premier moyen, en particulier les effets qu’a produits l’écoulement du temps sur l’exercice des droits de la défense.

152    À cet égard, l’amende ne saurait être réduite ni a fortiori annulée sur le fondement du premier moyen, dès lors que les arguments présentés au soutien de ce dernier ont été intégralement rejetés. En outre, à l’instar de la violation par la Commission du délai raisonnable d’une procédure administrative fondée sur l’article 101 ou 102 TFUE, les effets de l’écoulement du temps sur les droits de la défense invoqués par la requérante, même à les supposer établis, ne sont pas susceptibles de conduire à une réduction du montant de l’amende infligée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, CEPSA/Commission, C-608/13 P, EU:C:2016:414, point 61 et jurisprudence citée).

153    La demande formulée par la requérante doit donc être rejetée sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré du refus illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure

154    La requérante soutient que la Commission n’a pas vérifié à suffisance de droit si la décision attaquée pouvait être adoptée alors que, selon elle, le principe du délai raisonnable, consacré à l’article 41 de la Charte, s’y opposait. D’une part, elle reproche à la Commission une erreur de droit à cet égard. D’autre part, elle fait grief à la Commission de ne pas avoir respecté l’obligation de motivation qui lui incombe.

155    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

1.      Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit

156    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 41 de la Charte, en refusant d’apprécier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de l’adoption de cette décision avec le principe du délai raisonnable.

157    À cet égard, il convient de relever que, comme le signale la requérante, la Commission est tenue de respecter le principe du délai raisonnable repris à l’article 41 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 179, et du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 285).

158    Ainsi, l’écoulement du délai doit être pris en compte lorsque, faisant usage de la marge d’appréciation qui lui est conférée par le droit de l’Union, la Commission apprécie si, dans l’application des règles de concurrence, des poursuites doivent être engagées et une décision adoptée.

159    Il ressort de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’obligation de tenir compte de l’écoulement du délai lorsqu’elle apprécie si de telles poursuites doivent être engagées et une décision de sanction adoptée n’a pas été violée par la Commission. La décision attaquée indique en effet que cette institution a examiné, avant de se prononcer, si, en l’espèce, la procédure pouvait être reprise et si celle-ci pouvait aboutir à l’adoption d’une telle décision, imposant une amende.

160    Ainsi, la Commission a analysé, dans plusieurs passages de la décision attaquée, d’une part, si la procédure ayant conduit à l’adoption de cette dernière avait été menée d’une manière satisfaisante s’agissant des délais et, d’autre part, si des conséquences devaient être tirées de la durée des phases ayant conduit à cette adoption.

161    Par exemple, la Commission a relevé que, selon l’analyse qu’elle avait pu effectuer, d’une part, les activités d’enquête avaient été menées avec diligence et, d’autre part, les interruptions intervenues au cours de la procédure administrative étaient dues au contrôle juridictionnel (considérants 528 et 555 de la décision attaquée).

162    Dans ce cadre, la Commission a reconnu que, comme cela avait été retenu par le Tribunal et la Cour dans les arrêts du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T‑77/03, non publié, EU:T:2007:319), et du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), elle avait commis des erreurs procédurales. Toutefois, elle a fait valoir que ces erreurs, qui avaient pu allonger la durée de la procédure, étaient dues à l’incertitude juridique dans laquelle elle s’était trouvée à la suite de l’expiration du traité CECA (considérant 555 de la décision attaquée).

163    De la même manière, la Commission a admis que, à la suite des erreurs procédurales qui avaient été commises, les différentes phases s’étant succédé avaient pu conduire, pour la procédure envisagée dans son ensemble, phases administratives et interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises, à une durée « objectivement » longue (considérant 528 de la décision attaquée).

164    La Commission a ajouté, dans le cadre de cette appréciation, que, selon elle, cette longueur ne dépassait pas les délais considérés comme étant acceptables au regard de la jurisprudence (considérant 528 de la décision attaquée).

165    De manière complémentaire, la Commission a signalé que, en vertu de la jurisprudence, une durée contraire au principe du délai raisonnable ne pouvait entraîner, à elle seule, l’annulation d’une décision. En effet, selon la Cour, un tel résultat ne pourrait être atteint que si la durée déraisonnable avait affecté les droits de la défense en compromettant la faculté, pour les entreprises concernées, de recueillir les preuves et de présenter leurs arguments. Or, selon la Commission, la requérante n’avait pas démontré que tel avait été le cas en l’espèce (considérants 556 et 557 de la décision attaquée).

166    Par ailleurs, la Commission a indiqué, au considérant 536 de la décision attaquée, que, au regard de la réglementation applicable, et conformément à la jurisprudence développée en la matière, elle avait le pouvoir d’adopter une nouvelle décision.

167    La Commission a admis que l’adoption d’une nouvelle décision devait être précédée d’un examen visant, dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu en matière de poursuite d’infractions au droit de la concurrence, à mettre en balance, d’une part, l’intérêt public à assurer l’application effective des règles de concurrence et, d’autre part, celui des parties à obtenir une décision dans un délai raisonnable et à ce que soient mitigées les conséquences possibles des erreurs qui avaient pu être commises durant la procédure (considérants 536 et 559 de la décision attaquée).

168    En l’espèce, la Commission a procédé à une telle mise en balance en concluant, au vu du caractère grave de l’infraction constatée, d’une part, qu’il était nécessaire d’adopter une décision et, d’autre part, qu’il fallait imposer une sanction aux entreprises destinataires (considérants 560 à 568 de la décision attaquée).

169    Finalement, la Commission a réduit le montant de l’amende conformément à la suggestion formulée par le conseiller-auditeur, de manière à mitiger, dans une certaine mesure (50 %), les conséquences négatives qui avaient pu résulter, pour les entreprises concernées, de la longueur de la procédure et des erreurs procédurales commises (considérants 570 à 573 de la décision attaquée).

170    Ainsi, il ressort de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a vérifié, avant d’adopter cette décision, si le principe du délai raisonnable avait été respecté, en analysant la longueur de la procédure administrative, phases administratives et interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées.

171    Cette conclusion est contestée par la requérante, selon laquelle la Commission, dans la décision attaquée, a refusé de se prononcer sur la longueur déraisonnable de la procédure au motif que cette appréciation devait être réservée au juge de l’Union sans qu’elle puisse se prononcer à ce sujet.

172    À cet égard, il convient de relever que le juge de l’Union peut être saisi de questions relatives à la durée des procédures. Au contentieux de la responsabilité, il doit condamner les institutions, organes ou organismes de l’Union lorsque ces derniers ont causé un dommage en violant le principe du délai raisonnable (arrêts du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, point 94, et du 11 juillet 2019, Italmobiliare e.a./Commission, T‑523/15, non publié, EU:T:2019:499, point 159). Au contentieux de l’annulation, la durée d’une procédure peut avoir pour conséquence l’annulation d’une décision attaquée si deux conditions sont satisfaites de manière cumulative, la première étant que cette longueur apparaisse comme ayant été déraisonnable et la seconde étant que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense (arrêts du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, EU:C:2006:593, points 47 et 48 ; du 8 mai 2014, Bolloré/Commission, C‑414/12 P, non publié, EU:C:2014:301, points 84 et 85, et du 9 juin 2016, PROAS/Commission, C‑616/13 P, EU:C:2016:415, points 74 à 76).

173    Comme le signale la requérante, la compétence ainsi confiée au juge de l’Union ne saurait affranchir la Commission de l’appréciation qu’elle doit effectuer au moment de déterminer les suites qu’il convient de donner à un arrêt d’annulation en application de l’article 266 TFUE.

174    Comme cela a été indiqué, la Commission doit prendre en compte, lorsqu’elle effectue une telle appréciation, l’ensemble des éléments de la cause, notamment l’opportunité d’adopter une nouvelle décision, celle d’infliger une sanction et celle, le cas échéant, de réduire la sanction envisagée s’il apparaît, notamment, que, sans constituer en elle-même un manquement fautif, la durée de la procédure, en ce qu’elle a comporté des phases administratives mais aussi, le cas échéant, des interruptions dues au contrôle juridictionnel, a pu avoir une incidence sur les éléments à prendre en compte pour fixer le montant de l’amende, et notamment sur son caractère éventuellement dissuasif lorsqu’elle intervient longtemps après les faits constitutifs de l’infraction.

175    Cette appréciation, portant notamment sur la durée globale de la procédure, phases juridictionnelles comprises, a été principalement effectuée au considérant 528 de la décision attaquée.

176    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a vérifié, dans la décision attaquée, si la durée de la procédure pouvait faire obstacle à la reprise de la procédure tout en reconnaissant qu’une telle appréciation était placée sous le contrôle du juge de l’Union au contentieux de la légalité et, le cas échéant, de la responsabilité.

177    Dans la requête, la requérante invoque l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), relativement à l’obligation, qui incomberait à la Commission, de vérifier, avant d’adopter une nouvelle décision, si cette adoption serait conforme au principe du délai raisonnable.

178    À cet égard, il convient de relever que, tout comme l’article 47 de la Charte, également invoqué par la requérante, l’article 6 de la CEDH comporte l’obligation de respecter le principe du délai raisonnable dans les procédures juridictionnelles.

179    En l’espèce, l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la Charte ne sauraient en tout état de cause avoir une incidence sur la solution à donner au litige pour ce qui concerne le moyen examiné ici, étant donné que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a procédé, dans les faits, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, à la vérification dont il est question dans l’argumentation développée par elle.

180    Le grief doit donc être rejeté.

2.      Sur le second grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

181    À supposer que l’argumentation de la requérante doive être comprise comme reprochant, en outre, à la Commission d’avoir violé l’obligation de motivation en n’expliquant pas à suffisance de droit pourquoi elle estimait ne pas être tenue d’apprécier le respect du principe du délai raisonnable, le grief manquerait alors en fait.

182    En effet, comme cela a été jugé en réponse au premier grief du présent moyen, la Commission n’a pas refusé de vérifier, dans la décision attaquée, la compatibilité de l’adoption de cette dernière avec le principe du délai raisonnable.

183    Au contraire, il ressort de la réponse au premier grief qu’elle a procédé à cette vérification à suffisance de droit en concluant qu’aucune considération ne pouvait faire obstacle à la reprise de la procédure, à l’adoption d’une nouvelle décision et à l’imposition d’une amende.

184    Le grief doit donc être rejeté et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

C.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure

185    La requérante soutient que la décision attaquée doit être annulée, car celle-ci a été adoptée au terme d’une procédure qui aurait dépassé le délai raisonnable. Selon elle, la durée excessive de la procédure a pour conséquence que la Commission ne disposait plus du pouvoir de sanction. L’argumentation développée au soutien du troisième moyen comporte, en substance, quatre griefs, tous contestés par la Commission.

186    Avant d’examiner ces griefs, il convient de rappeler que, selon la Cour, la durée d’une procédure peut avoir pour conséquence l’annulation d’une décision attaquée si deux conditions sont satisfaites de manière cumulative, la première étant que cette longueur apparaisse comme ayant été déraisonnable et la seconde étant que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense (voir point 172 ci-dessus).

187    Il en résulte qu’une décision de la Commission ne pourrait être annulée au seul motif du dépassement du délai raisonnable si les droits de la défense de la requérante n’ont pas été affectés par ce dépassement.

188    Pour l’analyse du moyen, le Tribunal examinera la première condition en considérant successivement la durée des phases administratives (premier grief), la durée des phases juridictionnelles (deuxième grief) et la durée globale de la procédure administrative, interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises (troisième grief). Ensuite, il analysera, au titre de la seconde condition, si l’exercice des droits de la défense de la requérante a été entravé (quatrième grief).

1.      Sur le premier grief, concernant la durée des phases administratives

189    La requérante soutient que l’affirmation de la Commission selon laquelle les phases administratives de la procédure ont toujours été menées « rapidement et sans interruptions injustifiées » ne tient pas compte de la réalité des faits et ne peut être considérée comme correcte, tout au plus, que pour la phase d’adoption de la décision de 2002, cette phase ayant globalement duré deux ans et deux mois.

190    Les autres étapes procédurales administratives qui ont débouché sur l’adoption, respectivement, de la décision de 2009 et de la décision attaquée, auraient été marquées par des périodes d’inactivité de la Commission manifestement déraisonnables.

191    La durée de l’ensemble de la procédure administrative serait également en elle-même déraisonnable, notamment au regard de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582).

192    À cet égard, il convient de relever que le droit de l’Union exige des institutions qu’elles traitent dans un délai raisonnable les affaires dans le cadre des procédures administratives qu’elles mènent (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 284).

193    En effet, l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général de droit repris, notamment, à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 167 ; du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162, et du 7 juin 2013, Italie/Commission, T‑267/07, EU:T:2013:305, point 61).

194    En l’espèce, il ressort du dossier que quatre phases, ayant duré au total six ans et un mois, se sont succédé devant la Commission au cours du traitement de l’affaire :

–        une première phase, d’une durée d’un an et cinq mois, a séparé les premières mesures d’enquête de l’envoi de la communication des griefs à la Federacciai et aux entreprises concernées ;

–        les trois phases suivantes sont celles qui ont respectivement abouti à l’adoption de la décision de 2002, de celle de 2009 et de la décision attaquée et qui ont chacune respectivement duré neuf mois, deux ans et un mois et un an et neuf mois.

195    Selon la jurisprudence, le caractère raisonnable du délai doit être apprécié en considérant les circonstances  propres à chaque affaire et, notamment, l’enjeu du litige pour l’intéressé, la complexité de l’affaire ainsi que le comportement de la partie requérante et celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 187 et 188).

196    Ainsi, même à supposer que, dans d’autres affaires, la phase administrative ayant suivi l’annulation d’une décision de la Commission par le juge de l’Union, dans le cadre d’une procédure reprise pour adopter une nouvelle décision, ait été plus courte que dans les circonstances de l’espèce, cela ne permettrait pas, en soi, de conclure à la violation du principe du délai raisonnable.

197    En effet, il convient d’examiner le caractère raisonnable du délai en considérant les circonstances propres de chaque affaire au regard notamment des critères mentionnés au point 195 ci-dessus.

198    En premier lieu, concernant l’enjeu du litige pour l’intéressé, il convient de rappeler que, en cas de litige concernant une infraction au droit de la concurrence, l’exigence fondamentale de sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs économiques ainsi que l’objectif d’assurer que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur présentent un intérêt considérable non seulement pour la partie requérante et pour ses concurrents, mais également pour les tiers, en raison du grand nombre de personnes concernées et des intérêts financiers en jeu (voir arrêt du 1er février 2017, Aalberts Industries/Union européenne, T‑725/14, EU:T:2017:47, point 40 et jurisprudence citée).

199    En l’espèce, la Commission a constaté dans la décision attaquée que la requérante avait enfreint l’article 65, paragraphe 1, CA, en participant, du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000, à un accord continu ou à des pratiques concertées concernant les ronds à béton, qui avaient pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes sur le marché intérieur.

200    Sur la base de cette constatation, la Commission a infligé à la requérante une amende de 5,125 millions d’euros.

201    Tenant compte de ces éléments, il est permis de considérer que l’enjeu de l’affaire était important pour la requérante.

202    En deuxième lieu, concernant la complexité de l’affaire, il convient de relever que les erreurs commises par la Commission concernent les conséquences qu’il convenait de tirer, pour la procédure, de l’expiration du traité CECA.

203    Or, il convient de rappeler que les questions liées aux règles applicables aux faits de la cause, tant pour ce qui concerne le fond que pour ce qui a trait à la procédure, en raison de l’expiration du traité CECA, présentaient, comme l’a indiqué la Commission, une certaine complexité.

204    Par ailleurs, l’entente couvrait une période relativement longue (10 ans et 7 mois), concernait un nombre significatif d’acteurs (8 entreprises, comprenant au total 11 sociétés, et une association professionnelle) et impliquait un important volume de documents fournis ou obtenus au cours des inspections (environ 20 000 pages).

205    Au vu de ces éléments, l’affaire doit être considérée comme étant complexe.

206    En troisième lieu, s’agissant du comportement des parties, il y a lieu de relever que la Commission a mené une activité continue en raison des sollicitations abondantes qui lui parvenaient des parties à la procédure administrative.

207    Ainsi, la Commission a dû traiter, dans le contexte de l’adoption de la décision attaquée, de nombreux courriers, en même temps qu’elle devait préparer l’audition du 23 avril 2018 et examiner une proposition de transaction présentée par certaines parties à la procédure administrative le 4 décembre 2018.

208    De ces éléments considérés dans leur ensemble, il résulte que la durée des phases administratives de la procédure n’apparaît pas comme ayant été déraisonnable au regard des circonstances propres à l’affaire et, notamment, de sa complexité, dans un contexte où aucune période d’inactivité inexpliquée ne peut être reprochée à la Commission au cours des étapes ayant jalonné lesdites phases administratives.

209    Le grief doit donc être rejeté.

2.      Sur le deuxième grief, concernant la durée des phases juridictionnelles

210    La requérante critique le caractère déraisonnable, selon elle, de la durée des procédures juridictionnelles. D’une part, la durée totale de ces procédures aurait été de douze ans. D’autre part, chaque procédure devant le Tribunal (affaires T‑77/03 et T‑70/10) aurait duré presque cinq ans.

211    À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général de droit repris notamment à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte.

212    Dans le même sens, le non-respect d’un délai de jugement raisonnable constitue une irrégularité de procédure (arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, point 191).

213    En effet, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle conformément à l’article 47 de la Charte et à l’article 6 de la CEDH (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 177 à 179, et du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, points 282 et 283).

214    Selon la jurisprudence, une violation, par une juridiction de l’Union, de son obligation de juger dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction, non dans un recours en annulation et en suppression ou en réduction du montant de l’amende, mais dans un recours en indemnité, un tel recours constituant un remède effectif (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 26 novembre 2013, Gascogne Sack Deutschland/Commission, C‑40/12 P, EU:C:2013:768, point 89, et du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission, C‑85/15 P, EU:C:2017:709, point 54).

215    Cette jurisprudence est expliquée par le souci, animant le juge de l’Union, de ne pas faire dépendre la légalité d’une décision adoptée par la Commission des conditions dans lesquelles une procédure juridictionnelle a été menée par le juge (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 203).

216    Le grief doit ainsi être rejeté comme étant inopérant.

3.      Sur le troisième grief, concernant la durée globale de la procédure

217    La requérante conteste la durée globale qui a été requise pour le traitement du dossier, depuis les premiers actes d’instruction jusqu’à l’adoption de la décision attaquée. Selon elle, le fait que, lors de cette adoption, cette durée s’élevait à près de 19 ans et concernait des comportements dont certains s’étaient déroulés il y a plus de 30 ans rend cette durée contraire au principe du délai raisonnable.

218    À cet égard, il convient de relever que l’obligation de respecter un délai raisonnable s’applique à chaque étape s’insérant dans une procédure ainsi qu’à l’ensemble formé par elle (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 230 et 231, et conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:256, point 239).

219    En l’espèce, il convient de constater que la période sur laquelle s’est déroulé l’ensemble de la procédure administrative a été exceptionnellement longue, ce qui a d’ailleurs amené la Commission à réduire l’amende finalement infligée à la requérante (voir point 169 ci-dessus).

220    Cependant, la longueur globale de la procédure administrative peut être expliquée, en l’espèce, par la complexité du dossier, étant entendu que, pour certains aspects, elle est due à des éléments afférents à l’affaire proprement dite, tandis que, pour d’autres, elle est liée au contexte dans lequel s’est inscrit le dossier, à savoir l’expiration du traité CECA (voir points 202 à 205 ci-dessus).

221    Certes, des erreurs ont été commises par la Commission dans l’appréciation des conséquences à tirer de l’expiration du traité CECA et ces erreurs ont donné lieu à des annulations prononcées par le Tribunal, puis par la Cour.  

222    Toutefois, ces erreurs ainsi que l’impact qu’elles ont pu avoir sur la durée de la procédure administrative doivent être appréciés en tenant compte de la complexité des questions posées.

223    Par ailleurs, la durée globale de la procédure administrative est en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel et est donc liée au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur différents aspects de l’affaire.

224    À cet égard, il convient de relever que la possibilité pour des entreprises, dans une situation telle que celle de la requérante, de voir leurs affaires examinées plus d’une fois par les autorités administratives et, le cas échéant, les juridictions de l’Union est inhérente au système mis en place prévu par les rédacteurs des traités pour le contrôle des comportements et des opérations en matière de concurrence.

225    Ainsi, l’obligation pour l’autorité administrative d’accomplir diverses formalités et démarches avant de pouvoir adopter une décision finale dans le domaine de la concurrence et la possibilité que ces formalités ou démarches puissent donner lieu à un recours ne sauraient être utilisées par une entreprise comme arguments au terme du processus pour faire valoir que le délai raisonnable s’est trouvé dépassé (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires Feralpi e.a./Commission, C‑85/15 P, C‑86/15 P et C‑87/15 P, C‑88/15 P et C‑89/15 P, EU:C:2016:940, point 70).

226    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, appréciée dans son ensemble, la longueur de la procédure administrative a été excessive et, donc, qu’elle a pu faire obstacle à ce que soit adoptée, par la Commission, une nouvelle décision imposant une amende.

227    Le grief doit donc être rejeté.

4.      Sur le quatrième grief, concernant l’effet, sur les droits de la défense, de la longueur de la procédure

228    La requérante soutient que la durée déraisonnable de la procédure administrative a affecté l’exercice de ses droits de la défense au cours de la troisième phase de cette procédure, comprise entre l’arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709) et l’adoption de la décision attaquée.

229    À cet égard, il convient de rappeler que, comme cela a été indiqué au point 186 ci-dessus, deux conditions doivent être réunies pour que le juge prononce l’annulation de la décision adoptée par la Commission au titre d’une violation du principe du délai raisonnable. La première (longueur déraisonnable de la procédure) n’étant pas remplie, il n’est pas nécessaire, en principe, de vérifier, en réponse au quatrième grief, si la longueur de la procédure administrative a entravé l’exercice des droits de la défense. Il convient toutefois de procéder à cet examen, de manière surabondante, pour donner une pleine réponse aux préoccupations formulées par la requérante.

230    D’une part, il convient de constater que, au cours de la procédure envisagée dans son ensemble, la requérante a eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer son point de vue et d’avancer ses arguments (voir points 3 à 6, 10, 23 et 24 ci-dessus).

231    En particulier, la requérante a pu exprimer son point de vue, durant la troisième phase administrative, dans ses observations du 1er février 2018, lors de l’audition du 23 avril 2018 et dans ses observations du 7 mai 2018 (voir points 23 à 25 ci-dessus).

232    D’autre part, l’examen du premier moyen a permis d’établir que les droits de la défense de la requérante n’avaient été affectés ni par le fait que tous les acteurs ayant participé aux auditions précédentes n’étaient pas présents lors de l’audition du 23 avril 2018, ni par le fait que les représentants des autorités de concurrence des États membres savaient, au moment d’exprimer leur avis au sein du comité consultatif, que deux décisions, dont l’une avait été confirmée par le Tribunal, avaient été adoptées antérieurement à l’encontre des entreprises concernées (voir points 55 à 149 ci-dessus).

233    De ces éléments, il résulte que, même à supposer que la durée de la procédure administrative puisse être considérée comme contraire au principe du délai raisonnable, les conditions à satisfaire en vue d’obtenir une annulation de la décision attaquée ne seraient pas remplies, dès lors qu’aucune atteinte aux droits de la défense découlant de ladite durée n’a pu être établie par la requérante.

234    Dans ces conditions, il convient de considérer qu’aucune des exigences requises pour que le Tribunal puisse prononcer l’annulation de la décision attaquée au titre d’une violation du principe du délai raisonnable n’est satisfaite.

235    Le grief doit donc être rejeté et, avec lui, le troisième moyen considéré dans son ensemble.

D.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, d’erreurs d’appréciation et de la violation du principe de proportionnalité

236    Le quatrième moyen est divisé en quatre griefs. Ils sont tous contestés par la Commission.

1.      Sur le premier grief, concernant la décision erronée de la Commission d’adopter une nouvelle décision imposant une amende

237    La requérante soutient que la Commission a incorrectement exercé son pouvoir d’appréciation en faisant primer l’application effective et l’effet dissuasif des règles de concurrence sur le principe du délai raisonnable. La décision attaquée serait également entachée par une motivation insuffisante sur ce point.

238    À cet égard, il convient de relever que la Commission est investie par l’article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission de veiller à l’application des articles 101 et 102 TFUE.

239    À ce titre, la Commission est appelée à définir et à mettre en œuvre, selon la jurisprudence, la politique de concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2013, Vivendi/Commission, T‑432/10, non publié, EU:T:2013:538, point 22 et jurisprudence citée).

240    Dans ce cadre, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation attesté par le règlement no 1/2003, selon lequel, si elle constate l’existence d’une infraction, elle « peut », d’une part, obliger les entreprises intéressées à y mettre fin (article 7, paragraphe 1) et, d’autre part, infliger des amendes aux entreprises contrevenantes (article 23, paragraphe 2).

241    En matière de concurrence, la Commission s’est ainsi vu confier, indépendamment de la voie suivie pour porter le dossier à sa connaissance, à savoir notamment dans le cadre d’une plainte ou de sa propre initiative, le pouvoir de décider si des comportements doivent faire l’objet d’une poursuite, d’une décision et d’une amende, en fonction des priorités qu’elle définit dans le cadre de sa politique de concurrence.

242    Toutefois, l’existence de ce pouvoir n’exonère pas la Commission de son obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, LL-Carpenter/Commission, T‑531/18, non publié, EU:T:2020:91, point 90 et jurisprudence citée).

243    Dans un contexte où, comme en l’espèce, d’une part, une décision prise par la Commission a été annulée à deux reprises et où, d’autre part, le temps qui s’est écoulé entre les premiers actes d’instruction et l’adoption de la décision a été exceptionnellement long, il appartient à cette institution, au titre du principe de bonne administration, de tenir compte de la durée de la procédure et des conséquences qu’a pu avoir cette durée sur sa décision de poursuivre les entreprises concernées, cette appréciation devant alors apparaître dans la motivation de la décision.

244    En premier lieu, il convient de relever que, comme il ressort de la réponse donnée au troisième moyen, le principe du délai raisonnable n’a pas été méconnu dans les circonstances de l’espèce.

245    Il en découle que l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission a incorrectement exercé son pouvoir d’appréciation, car elle n’aurait pas tenu compte du fait que la durée de la procédure avait dépassé un délai raisonnable, doit être d’emblée écartée.

246    En second lieu, il faut en tout état de cause relever, s’agissant de la motivation fournie par la Commission dans la décision attaquée, que celle-ci a indiqué dans le détail, d’une part, aux considérants 526 à 529 de la décision attaquée et, d’autre part, aux considérants 536 à 573 de cette décision, les raisons pour lesquelles elle a considéré qu’il fallait adopter une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées.

247    Ainsi, la Commission a, d’abord, indiqué que la durée de la procédure n’emportait, selon elle, aucune violation du principe du délai raisonnable (considérants 528 et 555 de la décision attaquée) et que les droits de la défense des entreprises n’avaient pas été violés, dès lors que, d’une part, ces dernières avaient pu présenter leurs observations sur la reprise de la procédure et que, d’autre part, elles avaient également exposé leurs arguments au cours de l’audition du 23 avril 2018. À ce sujet, elle a précisé que la requérante n’avait fourni aucun élément concret à l’appui de son allégation selon laquelle elle n’aurait pas été en mesure d’exercer pleinement ses droits de la défense (considérants 556 et 557 de ladite décision).

248    La Commission a, toutefois, admis avoir commis des erreurs de procédure et a reconnu que ces erreurs avaient pu contribuer à allonger la durée de la procédure.

249    C’est alors que la Commission a procédé à une mise en balance, dans la décision attaquée, de l’intérêt général qu’il y avait à garantir une application effective des règles en matière de concurrence et du souci de mitiger les conséquences possibles des erreurs de procédure commises (considérant 559 de la décision attaquée).

250    À ce titre, la Commission a relevé que les entreprises en cause avaient participé, pendant onze ans, à une infraction considérée comme l’une des restrictions les plus sérieuses en matière de concurrence. Elle a indiqué que, dans un tel contexte, ne pas réadopter une décision constatant la participation des entreprises à ladite infraction serait contraire à l’intérêt général de garantir une application effective du droit de la concurrence de l’Union et irait au-delà de l’intérêt qu’il y aurait de mitiger les conséquences d’une éventuelle violation des droits fondamentaux subie par les entreprises destinataires (considérants 560 et 561 de la décision attaquée).

251    À l’issue de cette mise en balance, la Commission est arrivée à la conclusion que, dès lors qu’une infraction avait été commise, c’est seulement en adoptant la décision attaquée qu’elle pourrait s’assurer que les auteurs de l’infraction ne resteraient pas impunis et seraient effectivement dissuadés d’adopter un comportement similaire à l’avenir (considérants 563 à 569 de la décision attaquée).

252    Au terme de l’analyse, la Commission a précisé que, en vue de mitiger les conséquences négatives qui pourraient avoir été causées par la longueur de la procédure, laquelle visait à corriger les vices de procédure intervenus au cours de l’enquête non attribuables aux entreprises en cause, elle avait décidé de réduire de 50 % le montant des amendes infligées (considérants 570 à 573 de la décision attaquée).

253    Il apparaît ainsi que, dans la décision attaquée, la Commission a fourni une motivation approfondie faisant apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement qu’elle avait suivi pour justifier l’adoption d’une nouvelle décision malgré les deux annulations intervenues dans le passé.

254    Le grief doit donc être rejeté.

2.      Sur le deuxième grief, concernant une erreur d’appréciation commise par la Commission à propos de l’effet dissuasif pouvant être produit par une décision imposant une amende

255    La requérante conteste que la décision attaquée permette de garantir un effet dissuasif. Elle soutient qu’une sanction tardive affaiblirait son objectif, saperait son utilité et contreviendrait à l’« objectif de rééducation des peines », de rang constitutionnel en droit italien. Moins d’une dizaine d’opérateurs seraient encore actifs sur le marché italien des ronds à béton, la demande aurait fortement baissé et les opérateurs auraient eu à faire face à une forte pression concurrentielle des producteurs de pays tiers.

256    À cet égard, il convient de relever que la Commission a pu considérer, au vu du caractère grave de l’infraction constatée, qu’adopter une décision et infliger une sanction était encore justifié, au moment où la décision attaquée a été adoptée, en considération de l’effet dissuasif que pourraient produire, sur les marchés, cette décision et cette sanction.

257    En effet, c’est la sanction, c’est-à-dire le fait d’avoir à payer l’amende infligée, qui dissuade effectivement une entreprise, et de manière générale les acteurs du marché, de commettre une violation des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 TFUE. Certes, la requérante s’est vu infliger une sanction à deux reprises au cours de la procédure, la première fois par la décision de 2002 et la seconde fois par celle de 2009. Toutefois, ces décisions ont été annulées par le juge de l’Union respectivement dans les arrêts du 25 octobre 2007, Feralpi Siderurgica/Commission (T‑77/03, non publié, EU:T:2007:319) et du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709). Dans ces conditions, imposer une sanction dans la décision attaquée a pu être jugé justifié au regard de la nécessité d’assurer l’effet dissuasif.

258    Il peut être ajouté que l’imposition d’une amende par la Commission n’avait pas pour seul objectif, en l’espèce, de conférer un certain effet dissuasif à la décision attaquée, mais également d’éviter une totale impunité aux entreprises concernées, comme cela aurait été le cas si elles n’avaient pas été sanctionnées dans la décision attaquée (voir considérant 527 de la décision attaquée).

259    Or, ce dernier objectif suffisait, à lui seul, au regard des éléments mentionnés dans la décision attaquée, et compte tenu, tout particulièrement, d’une part, du caractère grave de l’infraction constatée par la Commission et, d’autre part, de la durée de cette infraction telle qu’elle avait été établie par ladite institution, pour justifier en l’espèce l’adoption d’une décision imposant une sanction.

260    Le grief doit donc être rejeté.

3.      Sur le troisième grief, concernant une erreur commise par la Commission dans l’appréciation de la possibilité, pour des tiers, d’introduire une action en réparation devant les juridictions nationales

261    La requérante soutient que la décision attaquée n’est pas nécessaire pour l’introduction d’actions en réparation du préjudice causé par l’entente en cause, sachant que de telles actions n’auraient pas été introduites et seraient vraisemblablement prescrites.

262    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 564 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, selon elle, la reprise de la procédure et l’adoption d’une nouvelle décision pouvaient faciliter la tâche de tiers souhaitant introduire, le cas échéant, devant les juges nationaux, une action en réparation.

263    Cette appréciation est fondée. En effet, la Commission ne pouvait exclure, en adoptant la décision attaquée, la possibilité que certaines victimes aient interrompu la prescription et que ladite décision puisse alors faciliter l’introduction, par ces dernières, d’une action visant à obtenir la réparation d’un éventuel dommage.

264    Il convient, par ailleurs, de relever que d’autres pays que l’Italie pouvaient être concernés par l’introduction d’actions en vue d’obtenir la réparation d’un éventuel dommage résultant de l’entente, dès lors que les produits ayant été affectés par cette entente ont pu être achetés par des clients situés à l’étranger.

265    Dans ce contexte, l’application d’autres droits nationaux, prévoyant, le cas échéant, des règles différentes sur le délai de prescription ou les causes pouvant suspendre, voire interrompre, celle-ci, ne pouvait être exclue par la Commission.

266    Ainsi, la requérante, dans son argumentation, reste en défaut d’établir l’existence d’une erreur, sa position se limitant à indiquer qu’elle n’a pas la même opinion que la Commission sur la question concernée, à savoir l’intérêt de l’existence d’une décision de la Commission pour l’introduction d’actions en réparation devant les juridictions nationales par des tiers éventuellement lésés.

267    Le grief doit donc être rejeté.

4.      Sur le quatrième grief, concernant la violation du principe de proportionnalité

268    La requérante a fait valoir, dans ses écritures et lors de l’audience, que, en raison de la durée déraisonnable de la procédure, l’adoption de la décision attaquée était contraire au principe de proportionnalité. Elle soulève à cet égard trois arguments. Premièrement, la procédure administrative n’aurait pas dû être reprise. Deuxièmement, ladite procédure ayant été reprise, la Commission aurait pu adopter une décision sans imposer de sanction. Troisièmement, la Commission ayant imposé à tort une amende, le Tribunal devrait en réformer le montant.

269    À cet égard, il importe de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑180/00, EU:C:2005:451, point 103).

270    Sur le premier argument soulevé par la requérante, il convient de rappeler que, en l’espèce, la Commission a repris la procédure administrative, comme le lui permet la jurisprudence en cas d’annulation d’un acte qui émane d’elle (voir points 49 et 51 ci-dessus).

271    Ainsi qu’il ressort de l’analyse des premier et troisième moyens, la reprise de la procédure administrative ne saurait donner lieu à l’annulation de la décision attaquée, dès lors que la requérante n’a pas établi que la durée de ladite procédure avait été excessive ni que ses droits de la défense avaient été affectés conformément à la jurisprudence rappelée au point 172 ci-dessus. Or, en l’espèce, il ressort de l’analyse des premier et troisième moyens que la requérante ne peut se prévaloir de telles violations.

272    Nonobstant cela, la Commission a pris soin de justifier, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles la reprise de la procédure administrative ainsi que l’adoption d’une nouvelle décision et l’imposition d’une sanction lui paraissaient justifiées, à savoir :

–        garantir une application effective du droit de la concurrence et éviter une impunité des entreprises en cause ;

–        dissuader les entreprises impliquées de commettre une nouvelle infraction au droit de la concurrence ;

–        faciliter les actions en réparation introduites par les éventuelles victimes de l’entente.

273    Dans ces conditions, il convient de rejeter le premier argument de la requérante.

274    Sur le deuxième argument de la requérante, il convient de rappeler que la Commission a veillé à mitiger les conséquences de la longueur de la procédure administrative, pour les entreprises destinataires de la décision attaquée, en leur accordant une réduction de 50 % du montant de l’amende.

275    Selon la requérante, le principe de proportionnalité impliquait toutefois que, en l’espèce, si une troisième décision était adoptée, aucune amende ne lui soit infligée.

276    À cet égard, comme il a été rappelé au point 172 ci-dessus, un dépassement du délai raisonnable, à le supposer établi, ne suffit pas en lui-même pour entraîner une annulation de la décision attaquée, une telle annulation étant réservée aux situations où pareil dépassement a entravé l’exercice des droits de la défense.

277    En outre, comme il a été rappelé au point 172 ci-dessus, lorsque le dépassement du délai raisonnable n’entrave pas l’exercice des droits de la défense, la réparation du dommage causé peut être demandée dans le cadre d’un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

278    Cette position est critiquée par la requérante, pour qui l’introduction d’un recours en indemnité n’est pas un « remède effectif », car cela retarderait encore la constatation de la violation de son droit à un délai raisonnable.

279    À cet égard, il convient de rappeler que le droit à un recours effectif est consacré par l’article 47, paragraphe 1, de la Charte et constitue une prérogative dont le juge de l’Union doit assurer le respect. Ce droit doit être exercé à l’intérieur du système formé par les voies de recours qui sont organisées dans le traité, le recours en annulation servant à contrôler la légalité des actes de l’Union, tandis que le recours en indemnité tend à obtenir la réparation d’un dommage causé par un comportement illégal adopté par ses institutions, ses organes ou ses organismes. Dans ce système, pour obtenir l’annulation d’un acte faisant grief, la requérante doit établir que la validité de cet acte a été entachée par le comportement illégal de son auteur.

280    En l’espèce, la requérante n’a pas démontré que la décision attaquée était entachée d’une quelconque illégalité tirée d’une violation du droit au délai raisonnable ou d’une atteinte aux droits de la défense susceptible de conduire à son annulation.

281    Le deuxième argument de la requérante doit donc être rejeté.

282    Dans son troisième argument, la requérante demande en substance au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction en réformant le montant de l’amende qui lui a été infligée pour tenir compte des circonstances de l’espèce, en conformité avec le principe de proportionnalité.

283    À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union est habilité à exercer une compétence de pleine juridiction au titre de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003 lorsque la question du montant de l’amende est soumise à son appréciation (arrêt du 10 avril 2014, Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission, C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 126).

284    En l’espèce, la requérante a présenté une telle demande au Tribunal, ainsi qu’il ressort, en particulier, du point 158 de la requête, dans lequel, résumant ses demandes, elle indique souhaiter obtenir, à tout le moins, une réduction du montant de l’amende au titre, notamment, de l’article 261 TFUE.

285    Lorsqu’il exerce sa compétence de pleine juridiction, le juge de l’Union est habilité, au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler (en tout ou en partie) l’acte attaqué, à tenir compte de toutes les circonstances de fait pour, le cas échéant, modifier le montant de la sanction [voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86 et jurisprudence citée, et du 10 novembre 2021, Google et Alphabet/Commission (Google Shopping), T‑612/17, sous pourvoi, EU:T:2021:763, point 605].

286    Dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le juge de l’Union peut supprimer, réduire, voire augmenter l’amende infligée (voir arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 334 et jurisprudence citée).

287    Dans ces conditions, le juge de l’Union peut aussi, le cas échéant, porter des appréciations différentes de celles retenues par la Commission pour la détermination du montant de l’amende infligée (voir arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C-603/13 P, EU:C:2016:38, point 75).

288    Dans la décision attaquée, la Commission, sans constater ni une violation du délai raisonnable ni une violation des droits de la défense, a accordé à la requérante une réduction du montant de l’amende, qu’elle a justifiée de la manière suivante :

–        « compte tenu de […] l’insécurité créée par la transition entre les deux traités, circonstance exceptionnelle qui, à l’époque, n’était pas expressément régie par la jurisprudence, […] la Commission considère comme opportun que les parties destinataires de la présente décision bénéficient d’une réduction de l’amende » (considérant 570) ;

–        cette réduction est accordée « en vue de mitiger les conséquences négatives pour ces parties qui pourraient avoir été causées par la longue durée de la procédure qui [a été] nécessaire pour pallier certains vices de procédure intervenus au cours de celle-ci et qui ne sont pas attribuables aux parties destinataires de la présente décision » (considérant 570) ;

–        « l’octroi spontané, par la Commission, d’une réduction du montant de l’amende […] doit être considéré comme suffisant […] pour mitiger les éventuels effets préjudiciables subis par les parties destinataires à cause de la longue durée de la procédure » (considérant 572) ;

–        « [l]es parties destinataires pourront […] bénéficier d’une réduction adéquate des amendes […] afin de mitiger les éventuels effets préjudiciables causés par les erreurs procédurales commises par la Commission » (considérant 573) ;

–        « la Commission considère […] que les erreurs procédurales qu’elle a commises dans le cadre de la transition entre le traité CECA et le traité CE et la durée plus longue qui peut avoir découlé de ces erreurs peut justifier une réparation appropriée pour les destinataires de la présente décision » (considérant 991) ;

–        « compte tenu du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission en matière de fixation des amendes, elle peut […] [accorder] aux destinataires de la présente décision une réduction de l’amende qui devrait être mesurée de telle façon qu’elle ne pénalise pas les entreprises destinataires pour des erreurs de procédure non commises par elles mais qui, en même temps, ne sont pas graves au point de porter atteinte au principe en vertu duquel les cartels sont des violations très graves du droit de la concurrence » (considérant 992) ;

–        « [a]fin de prendre dûment en considération ces facteurs, la Commission conclut qu’une réduction de l’amende de 50 % au titre d’une circonstance atténuante extraordinaire doit être reconnue à tous les destinataires de la présente décision » (considérant 994).

289    Il en résulte que, pour accorder la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante, la Commission s’est fondée, en substance, sur les éléments suivants :

–        l’affaire a été traitée lorsqu’expirait le traité CECA ;

–        cette situation a provoqué des difficultés quant à l’identification des règles applicables ;

–        ces difficultés ont donné lieu aux annulations des décisions de 2002 et de 2009 par les juridictions de l’Union ;

–        ces annulations ont entraîné un allongement de la procédure, dans une mesure qui a pu avoir une incidence défavorable sur la situation des entreprises concernées ;

–        ces circonstances pouvaient être prises en compte pour déterminer le montant de l’amende.

290    À cet égard, il convient de relever que la Commission indique à plusieurs reprises dans les considérants cités au point 288 ci-dessus que, en accordant la réduction du montant de l’amende en cause, elle entendait « mitiger » ou « réparer » les « effets préjudiciables », c’est-à-dire un dommage ayant pu être causé par des « erreurs » qui lui seraient imputables.

291    Bien que de tels termes soient généralement associés à des procédures de nature indemnitaire, il ne ressort pas de la décision attaquée que, en accordant la réduction du montant de l’amende en cause, l’intention de la Commission était d’accorder une réparation pour un dommage causé par un comportement illégal. Nulle part dans ladite décision la Commission ne reconnaît avoir adopté un comportement illégal, par exemple en dépassant le délai raisonnable de la procédure ou en violant les droits de la défense de la requérante. Dans plusieurs passages de cette décision, elle renvoie au contraire à la jurisprudence selon laquelle le remède, en cas de grief concernant la durée de la procédure, doit être trouvé dans le cadre d’un recours en indemnité (considérants 568 et 578).

292    Ainsi, il convient de considérer, en prenant en compte ces différents éléments, que la réduction du montant de l’amende en cause consentie par la Commission ne visait pas pour cette dernière à réparer un comportement illégal, mais simplement à tenir compte des circonstances de l’espèce dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu pour l’imposition des sanctions notamment par l’arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission (C‑510/06 P, EU:C:2009:166, point 82) (voir point 288 ci-dessus).

293    Dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal estime que, en l’espèce, l’amende ne saurait être supprimée, du fait, notamment, de la nécessité d’assurer la pleine application du droit de la concurrence à l’infraction particulièrement grave et d’une durée significativement longue retenue à l’encontre de la requérante, la motivation et la preuve de ladite infraction, ainsi que la participation de la requérante à celle-ci n’étant pas valablement contestées (voir septième et huitième moyens ci-dessous).

294    Cela étant, il doit être tenu compte du fait que l’amende n’a pas été infligée à la requérante dans les quelques années qui ont suivi la commission des derniers comportements anticoncurrentiels constatés par la Commission, mais l’a été près de 20 ans après.

295    À cet égard, il y a lieu de prendre en compte en l’espèce, dans la détermination du montant de l’amende, parmi l’ensemble des circonstances pertinentes, son caractère dissuasif.

296    En effet, la prise en compte du caractère dissuasif vise à assurer que le montant de l’amende incitera, dans une mesure suffisante, l’entreprise concernée, et, de manière générale, l’ensemble des opérateurs économiques, à respecter les règles de concurrence de l’Union (voir arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C-413/08 P, EU:C:2010:346, point 102).

297    En l’espèce, l’objectif de dissuasion a déjà été mis en œuvre à l’égard de la requérante, pour partie en tout cas, d’une part, par la sanction qui lui a été infligée dans la décision de 2002, puis dans celle de 2009, ainsi que, d’autre part, par la perspective que cette sanction puisse être maintenue au terme de la procédure, si les recours juridictionnels introduits par la requérante contre ces décisions étaient rejetés ou si, en cas d’annulation desdites décisions, une nouvelle décision prononçant à nouveau une sanction était adoptée (voir point 257 ci-dessus).

298    Dans ces conditions, il convient de considérer, dans le cadre de l’exercice de la compétence de pleine juridiction, que, compte tenu du temps écoulé entre les derniers comportements anticoncurrentiels et l’adoption de la décision attaquée, la fixation du montant de l’amende à un niveau inférieur au montant de base de 10,25 millions d’euros déterminé par la Commission, dans ladite décision, en application de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3), lesquelles peuvent guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C-441/11 P, EU:C:2012:778, point 80), s’avère suffisante, en l’espèce, pour produire l’effet dissuasif recherché.

299    Au vu de ce qui précède, une réduction de 50 % du montant de l’amende en raison du temps écoulé entre les derniers comportements anticoncurrentiels et l’adoption de la décision attaquée est appropriée.

300    En conclusion, il convient de :

–        rejeter le grief et, avec lui, le quatrième moyen en ce qu’ils visent à obtenir une annulation totale ou partielle de la décision attaquée ;

–        rejeter le grief et, avec lui, le quatrième moyen en ce qu’ils visent à obtenir la suppression ou la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante, en considérant que la réduction du montant de l’amende de 50 % accordée par la Commission dans la décision attaquée était appropriée au vu de l’atténuation du nécessaire effet dissuasif de la sanction du fait du temps écoulé entre la fin de l’infraction et le prononcé de l’amende.

E.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe non bis in idem et du principe de sécurité juridique

301    La requérante soutient que le principe non bis in idem ainsi que le principe de sécurité juridique qui le sous-tend faisaient obstacle à l’adoption de la décision attaquée.

302    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

303    À cet égard, il convient de relever que le principe non bis in idem se trouve exprimé :

–        d’une part, à l’article 50 de la Charte, selon lequel « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi » ;

–        d’autre part, à l’article 4, paragraphe 1, du protocole no 7 de la CEDH.

304    Corollaire de l’autorité de la chose jugée, le principe non bis in idem garantit la sécurité juridique et l’équité en assurant que, lorsqu’elle a été poursuivie et le cas échéant condamnée, la personne concernée a la certitude qu’elle ne sera pas de nouveau poursuivie pour la même infraction (arrêt du 3 avril 2019, Powszechny Zakład Ubezpieczeń na Życie, C‑617/17, EU:C:2019:283, point 33).

305    En matière de concurrence, en particulier, le principe non bis in idem interdit, en principe, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 59, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, EU:T:2009:236, point 178).

306    L’application du principe non bis in idem suppose notamment qu’il ait été statué sur la matérialité de l’infraction ou que la légalité de l’appréciation portée sur celle-ci ait été contrôlée (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 60).

307    S’il est satisfait à cette exigence, le principe non bis in idem interdit une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l’infraction lorsque cette nouvelle appréciation aurait pour conséquence :

–        soit l’imposition d’une seconde sanction, s’ajoutant à la première, dans l’hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue ;

–        soit l’imposition d’une première sanction, dans l’hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 61).

308    En revanche, le principe non bis in idem ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors « acquittement » au sens donné à ce terme dans les matières répressives (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 62, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, EU:T:2009:236, point 190).

309    Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas, en effet, à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 62, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, EU:T:2009:236, point 190).

310    En l’espèce, il doit être constaté que, à ce jour, aucune décision n’a statué de façon définitive sur le fond de l’affaire en ce qui concerne la participation de la requérante aux infractions qui lui sont reprochées. La décision de 2002 a été annulée par le Tribunal en raison de la base juridique utilisée par la Commission et la décision de 2009 a été annulée pour violation des formes substantielles, sans que, dans aucun de ces deux cas, une position définitive ait été adoptée sur les moyens de fond invoqués par la requérante, relatifs à sa participation aux faits qui lui sont reprochés. L’arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031) est le seul à s’être prononcé sur de tels moyens, mais il a été intégralement annulé par la Cour. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, en adoptant la décision attaquée, la Commission ait sanctionné ou poursuivi deux fois la requérante pour les mêmes faits (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 63).

311    Quant à la sanction infligée à la requérante dans la décision attaquée, elle se substitue à celle prononcée dans la décision de 2009, qui, elle-même, avait remplacé la sanction infligée dans la décision de 2002. Les montants payés par la requérante au titre de l’amende infligée dans la décision de 2002, puis dans celle de 2009, lui ont été remboursés à la suite des annulations de ces deux décisions.

312    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le principe non bis in idem ait été violé.

313    La violation du principe de sécurité juridique qui résulterait d’une violation du principe non bis in idem doit donc également être écartée et, partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

F.      Sur le sixième moyen, tiré de l’illégalité du régime de prescription organisé par l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003

314    La requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre du régime d’interruption et de suspension de la prescription énoncé à l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003. Selon elle, ce régime devrait être déclaré inapplicable dans la présente procédure. En effet, il conduirait à des situations où, comme en l’espèce, la Commission pourrait adopter de nouvelles décisions après annulation, sans que soit imposée une limite temporelle à cette possibilité. Un tel résultat serait contraire, d’une part, aux articles 41 et 47 de la Charte et, d’autre part, à l’article 6 de la CEDH, qui, tous, consacrent l’obligation de respecter un délai raisonnable dans les procédures.

315    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

316    À cet égard, il convient de rappeler que, en matière de concurrence, le délai de prescription est régi par l’article 25 du règlement no 1/2003 de la manière suivante :

–        ce délai a une durée de cinq ans [paragraphe 1, sous b), lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, sous a), dudit règlement] ;

–        il peut être interrompu par tout acte de la Commission qui vise à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction (paragraphe 3) ; dans un tel cas, l’interruption anéantit rétroactivement le délai qui a déjà couru et marque le point de départ d’un nouveau délai ; en cas d’interruption, la prescription est acquise, au plus tard, à l’expiration d’un délai de dix ans sans que la Commission ait prononcé une amende ou une astreinte (paragraphe 5) ;

–        le délai est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension (paragraphe 6).

317    Quant au principe du délai raisonnable, il n’est pas fixé ou déterminé à l’avance de manière abstraite pour l’ensemble des procédures susceptibles d’être concernées, mais doit être apprécié en considérant les circonstances propres à chaque affaire, notamment l’enjeu du litige, la complexité de l’affaire, le comportement de la requérante et celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 187 et 188).

318    La requérante reproche au législateur de l’Union de n’avoir pas prévu, dans l’article 25 du règlement no 1/2003, un délai maximal au-delà duquel toute intervention de la Commission serait exclue même si le délai de prescription avait fait l’objet de suspensions.

319    À cet égard, il convient de relever que, tel qu’il a été rédigé, l’article 25 du règlement no 1/2003 résulte d’une conciliation effectuée par le législateur de l’Union, dans l’exercice des compétences qui lui sont conférées, entre deux objectifs pouvant requérir des mesures allant en sens contraires, à savoir, d’une part, la nécessité d’assurer la sécurité juridique en évitant que puissent être indéfiniment mises en cause des situations consolidées avec l’écoulement du temps ainsi que, d’autre part, l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, établissant et sanctionnant les infractions au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 82).

320    Or, la requérante n’a pas démontré, en l’espèce, que le législateur de l’Union avait dépassé, dans la conciliation qu’il a effectuée entre ces objectifs distincts, la marge qui doit lui être reconnue dans ce cadre. En effet, le pouvoir de procéder à des vérifications et d’infliger des sanctions se trouve encadré par des limites strictes. Certes, le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union. Cependant, cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher la circonstance que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours, chacun de ces derniers étant introduits par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai.

321    La conciliation ainsi réalisée par le législateur de l’Union paraît d’autant plus appropriée que les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure, une telle annulation étant réservée aux situations où le dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense, ou, lorsque le dépassement du délai raisonnable ne donne pas lieu à une violation des droits de la défense, en introduisant un recours en indemnité devant le juge de l’Union (voir point 172 ci-dessus).

322    Partant, il convient de rejeter le sixième moyen.

G.      Sur le septième moyen, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante à l’entente entre 1989 et 1995

323    La requérante considère que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit sa participation à l’entente entre 1989 et 1995. Elle invoque, à cet égard, une violation de l’article 65 CA et du principe de la présomption d’innocence, une appréciation erronée des faits et des éléments de preuve ainsi qu’une violation de l’obligation de motivation.

324    La requérante estime que cette insuffisance de preuve de sa participation à l’entente entre 1989 et 1995 porte sur chacun des quatre volets de ladite entente, à savoir les suppléments de prix liés au diamètre des ronds à béton (ci-après les « suppléments de prix ») entre 1989 et 1995 (première branche), le prix de base des ronds à béton (ci-après le « prix de base ») entre 1992 et 1995 (deuxième branche), les délais de paiement entre 1992 et 1995 (troisième branche) et la limitation de la production entre juin et octobre 1995 (quatrième branche).

325    La requérante demande également au Tribunal de réduire en conséquence le montant de l’amende qui lui a été infligée.

326    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

1.      Sur le contenu des dispositions dont la violation est reprochée à la requérante

327    Il convient de rappeler que, lorsqu’il était en vigueur, l’article 65, paragraphe 1, CA interdisait notamment les accords entre entreprises et les pratiques concertées tendant, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence et, en particulier, à fixer ou déterminer les prix, à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ou à répartir les marchés, les produits, les clients ou les sources d’approvisionnement.

328    L’article 65, paragraphe 1, CA s’inscrivait dans le cadre de l’objectif énoncé à l’article 5, deuxième alinéa, troisième tiret, CA, visant à assurer l’établissement, le maintien et le respect de conditions normales de concurrence. Il mettait également en œuvre la prohibition des pratiques restrictives tendant à la répartition ou à l’exploitation des marchés visée à l’article 4, sous d), CA, en ayant pour finalité de sauvegarder l’exigence d’autonomie des entreprises sur le marché afin de faire respecter cette prohibition [avis 1/61 (Modification article 65 CECA), du 13 décembre 1961, EU:C:1961:27, p. 519 ; arrêts du 13 avril 1994, Banks, C‑128/92, EU:C:1994:130, point 12, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 300 et 303].

2.      Sur la charge de la preuve et l’intensité du contrôle juridictionnel

329    Les principes régissant la charge de la preuve et l’intensité du contrôle juridictionnel, qui ont été définis dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, doivent être transposés à l’application de l’article 65, paragraphe 1, CA, par analogie avec la transposition opérée à propos des notions d’accord et de pratique concertée figurant dans ces deux dispositions (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, points 60 et 63, et du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, EU:C:2011:191, points 71 et 73).

330    Premièrement, la Commission avait la charge de prouver l’existence d’une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une telle infraction (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 58).

331    La Commission bénéficiait à cet égard de l’application du principe de la libre administration des preuves (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, EU:T:2004:220, point 72), pour autant qu’elle fît état de preuves sérieuses, précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction avait été commise (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, EU:C:1984:130, point 20, et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 793 et jurisprudence citée). Toutefois, chacune de ces preuves ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par la Commission, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée).

332    Deuxièmement, il incombe au Tribunal d’exercer, sur la base des éléments apportés par la requérante au soutien des moyens invoqués, un contrôle complet sur la question de savoir si les conditions d’application de l’interdiction des ententes anticoncurrentielles se trouvent ou non réunies. Il doit également vérifier d’office si la Commission a motivé sa décision. Lors de ce contrôle, le Tribunal ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission, en matière de politique de la concurrence, pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 155 et 156 et jurisprudence citée).

333    À cet égard, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsistait encore dans son esprit sur cette question (arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 215).

3.      Sur la première branche, tirée d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1989 et 1995

334    La requérante estime que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit sa participation au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1989 et 1995. Elle soulève, à cet égard, deux griefs.

a)      Sur le premier grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1989 et 1992

335    La requérante invoque une absence de preuve de sa participation au volet de l’entente sur les suppléments de prix à compter du 6 décembre 1989, date marquant le point de départ de l’entente, et durant les trois années qui ont suivi, entre 1990 et 1992.

1)      Sur la preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix à compter du 6 décembre 1989

336    La requérante estime que sa participation au volet de l’entente sur les suppléments de prix n’a pas été établie à compter du 6 décembre 1989, date de la première réunion de ladite entente dont la Commission a eu connaissance, parce qu’il n’y a aucune preuve de sa participation, ni de son invitation, à cette réunion. Elle estime que la connaissance des suppléments de prix fixés lors de ladite réunion et l’alignement subséquent de ses suppléments de prix sur ces derniers ne constituent pas la preuve d’une concertation sur les prix.

337    À cet égard, selon la jurisprudence, l’article 65, paragraphe 1, CA prohibait notamment les accords et les pratiques concertées ayant pour objet de restreindre la concurrence sur les prix, sans que des effets anticoncurrentiels aient à être démontrés (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Ensidesa/Commission, C‑198/99 P, EU:C:2003:530, points 59 et 60, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 272, 277 et 635).

338    Par ailleurs, les notions d’accord et de pratique concertée au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA sont définies de la même manière que ces mêmes notions au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, points 60 et 63, et du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, EU:C:2011:191, points 71 et 73). Elles appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 131).

339    Un accord résulte de l’expression, par les entreprises participantes, de la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, notamment en matière de prix, et de faire en sorte que les prix convenus lors des réunions en cause soient atteints ou, le cas échéant, maintenus (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 130, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 262).

340    Une pratique concertée constitue, quant à elle, une forme de coordination entre entreprises qui n’est pas allée jusqu’à la conclusion d’un tel accord, mais qui substitue sciemment une coopération pratique entre elles au détriment de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 26 et jurisprudence citée ; du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 38, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 266 et jurisprudence citée). Elle suppose de réunir trois conditions : une concertation entre plusieurs entreprises, un comportement de ces dernières sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51).

341    Les critères de coordination et de coopération doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun et les conditions qu’il entend réserver à sa clientèle (arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 82).

342    Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre eux de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il est décidé, ou qu’il est envisagé, d’adopter pour soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 83, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 33 et jurisprudence citée).

343    En outre, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire, qu’il incombe aux opérateurs concernés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Cette présomption est d’autant plus pertinente que la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 121, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 51 et 53 et jurisprudence citée).

344    Pour renverser cette présomption, les entreprises en cause doivent prouver que la concertation n’a influencé en aucune manière leur comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 38 et jurisprudence citée), notamment en établissant qu’elles se sont publiquement distanciées de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 23 et jurisprudence citée).

345    Enfin, une entreprise peut n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue à l’article 65, paragraphe 1, CA, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans ce cas, la Commission est en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction et, par suite, de l’infraction dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).

346    Ainsi, le fait qu’une entreprise n’ait pas participé à tous les éléments de l’entente, et notamment qu’elle n’ait pas assisté aux réunions anticoncurrentielles ou qu’elle n’ait pas eu connaissance de tous les contacts anticoncurrentiels entre les concurrents, ne suffit pas à démontrer qu’elle ne possédait pas le degré requis de connaissance pour établir sa participation à cette infraction (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 328 et jurisprudence citée ; du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, point 52, et du 15 décembre 2016, Infineon Technologies/Commission, T‑758/14, non publié, EU:T:2016:737, point 252).

347    En l’espèce, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que l’entente avait porté sur la fixation des suppléments de prix entre le 6 décembre 1989 et le 1er juin 2000 (considérants 575, 621 à 638, 676 et 677) et a retenu la participation de la requérante à ce volet de l’entente durant toute cette période (considérants 866 à 869, 873, 876, 878, 879, 882 et 884).

348    Pour établir la participation de la requérante à partir du 6 décembre 1989, date marquant à la fois le point de départ de l’entente et celui du volet sur les suppléments de prix, la Commission s’est fondée sur trois éléments :

–        premièrement, lors d’une réunion de l’Associazione degli Industriali di Brescia (Association des industriels de Brescia) qui a eu lieu à cette date, les participants ont décidé à l’unanimité d’augmenter, à partir du 11 décembre 1989, les suppléments de prix (considérants 173, 178, 621 et 625 de la décision attaquée) ;

–        deuxièmement, la Federacciai a envoyé le 6 décembre 1989 à toutes les entreprises productrices de ronds à béton, y compris la requérante, une télécopie dans laquelle elle leur a communiqué les augmentations des suppléments de prix et la date de leur entrée en vigueur telles qu’elles avaient été décidées lors de cette réunion (considérants 178, 621 et 623 de la décision attaquée) ;

–        troisièmement, le 7 décembre 1989, la requérante a envoyé une circulaire à ses représentants et à ses clients reprenant les termes convenus lors de la réunion de la veille (considérants 178 et 624 de la décision attaquée).

349    Il ressort de la télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989 adressée « aux producteurs de ronds à béton » que la réunion susvisée ayant eu lieu ce jour-là a eu pour objet que les entreprises du secteur augmentent de manière coordonnée quatorze suppléments de prix figurant dans cette télécopie à compter du 11 décembre 1989. Ladite télécopie précise aussi que la décision d’augmenter ces suppléments a été prise à l’unanimité des participants à cette réunion, sans toutefois indiquer le nom de ces derniers (considérants 422 et 423 de la décision attaquée).

350    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 337 et 339 ci-dessus, la télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989 constitue la preuve qu’un accord ayant un objet anticoncurrentiel, portant sur la fixation par des concurrents d’une composante du prix des ronds à béton, a été conclu lors de la réunion du 6 décembre 1989, comme la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 691 de la décision attaquée.

351    La requérante ne conteste pas avoir reçu la télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989 (considérants 686 et 690 de la décision attaquée). De son côté, la Federacciai a confirmé à la Commission, le 19 septembre 2001, que les termes « entreprises productrices de ronds à béton », qui figuraient sur les communications qu’elle avait envoyées à ces dernières au sujet de l’entente et que la Commission a saisies durant l’enquête, visaient « toutes les entreprises italiennes productrices de ronds à béton », qu’elles soient membres ou non de la Federacciai, ce qui permet de considérer que la requérante faisait effectivement partie des destinataires de la télécopie du 6 décembre 1989 et qu’elle était, dès cette date, informée de l’objet anticoncurrentiel de la réunion qui avait eu lieu ce jour-là.

352    Quant à la circulaire de la requérante du 7 décembre 1989, elle fait expressément référence à la réunion des producteurs de ronds à béton de la veille et communique à ses représentants et à ses clients les nouveaux suppléments de prix fixés lors de cette réunion et qu’elle entend leur appliquer conformément au calendrier arrêté lors de cette même réunion (considérants 178, 624 et 866 de la décision attaquée).

353    Dans ces circonstances, la Commission a conclu à juste titre que la télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989 et la circulaire de la requérante du 7 décembre 1989 établissaient que la requérante avait une entière connaissance, dès le 6 décembre 1989, de l’accord anticoncurrentiel conclu ce jour-là et qu’elle avait immédiatement mis en œuvre cet accord (considérants 624 et 690 de la décision attaquée).

354    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 340 à 343 ci-dessus, le comportement de la requérante ne peut s’analyser en un alignement unilatéral et non coordonné de ses prix sur ceux de ses concurrents, mais constitue une pratique concertée prohibée par l’article 65, paragraphe 1, CA. Conformément à la jurisprudence citée aux points 345 et 346 ci-dessus, il est à cet égard sans importance que la preuve de sa participation à la réunion du 6 décembre 1989 n’ait pas été rapportée.

355    Cette conclusion est contestée par la requérante.

356    Premièrement, la requérante soutient que le fait qu’elle a été informée des résultats de la réunion du 6 décembre 1989 et qu’elle a aligné ses suppléments de prix sur ceux convenus lors de cette réunion était conforme au régime de transparence des prix issu des articles 46 et 60 CA.

357    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 46 CA, la Commission était chargée de surveiller en permanence l’évolution des marchés et des prix. L’article 60, paragraphe 2, sous a), CA instaurait, quant à lui, une transparence des prix en imposant aux entreprises d’informer la Commission, ainsi que l’ensemble des entreprises du secteur, de leurs prix et de leurs conditions de vente, pour permettre aux concurrents d’aligner leurs prix et d’éviter une discrimination entre les clients (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 308 et jurisprudence citée).

358    Selon la jurisprudence, aucune de ces dispositions ne permettait toutefois aux entreprises d’enfreindre l’article 65, paragraphe 1, CA en concluant des accords ou en se livrant à des pratiques concertées de fixation de prix (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 310, 312 à 315 et 318).

359    En particulier, si le régime de transparence des prix issu de l’article 60, paragraphe 2, sous a), CA restreignait dans une certaine mesure la concurrence concernant les prix, il ne permettait pas une coordination des prix préalable à leur publication, interdite par l’article 65, paragraphe 1, CA (arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 264, 307 à 316 et 318). L’objectif de libre concurrence présentait, au sein du traité CECA, un caractère autonome et avait par conséquent la même force impérative que les autres objectifs fixés aux articles 2 à 4 CA (voir arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 303 et jurisprudence citée).

360    En outre, la mise en œuvre de l’article 60 CA relevait de la responsabilité de la Commission et ne pouvait être remplacée par une coordination privée entre entreprises en matière de prix. Des accords entre producteurs ne pouvaient donc être assimilés au système de l’article 60 CA, ne serait-ce que parce qu’ils ne permettaient pas aux acheteurs de se renseigner exactement sur les prix ni de participer au contrôle des discriminations (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 315 et 316).

361    En l’espèce, la Commission a établi à suffisance de droit que l’application par la requérante des suppléments de prix figurant dans sa circulaire du 7 décembre 1989 constituait non pas un alignement unilatéral et non coordonné de ses prix sur ceux de ses concurrents, mais une participation à une pratique concertée prohibée par l’article 65, paragraphe 1, CA reposant sur une coordination des suppléments de prix entre concurrents (considérant 708 de la décision attaquée ; voir également point 354 ci-dessus).

362    Par conséquent, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 358 à 360 ci-dessus, le comportement de la requérante ne peut pas être justifié par les règles sur la transparence du marché issues du traité CECA, car les prix figurant dans les barèmes publiés en application de l’article 60 CA devaient être fixés par chaque entreprise de façon indépendante, sans accord, même tacite, entre elles, ce qui n’était pas le cas des suppléments de prix appliqués par la requérante aux termes de sa circulaire du 7 décembre 1989.

363    Deuxièmement, la requérante considère que, si les éléments retenus à son égard sont suffisants pour établir sa participation à une concertation prohibée par l’article 65, paragraphe 1, CA, la Commission aurait dû adresser le même grief à toutes les entreprises encore actives en 2000 qui, comme elle, avaient sans doute reçu la télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989 et avaient procédé à un alignement de leurs suppléments de prix.

364    À cet égard, selon la jurisprudence, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la portée des procédures qu’elle engage et n’est donc pas obligée de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel. Ainsi, les juridictions de l’Union ne peuvent juger que la Commission, eu égard aux preuves à sa disposition, aurait dû établir l’existence d’une infraction à l’encontre d’une entreprise donnée (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 137 et jurisprudence citée).

365    En tout état de cause, il ressort de la décision attaquée que la situation de la requérante n’est pas la même que celle des entreprises non destinataires de cette décision. En effet, l’infraction a été dûment établie à l’encontre de la requérante, alors que la Commission a estimé ne pas être en mesure de le faire à l’encontre de ces entreprises (considérant 812), et le Tribunal n’est pas saisi de la situation de ces dernières. En outre, l’analogie éventuelle de la situation de la requérante avec celle de ces entreprises ne permet pas d’écarter la responsabilité de la requérante, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 146).

366    Il résulte de ce qui précède que l’argumentation prise de l’absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix à compter du 6 décembre 1989 doit être rejetée.

2)      Sur la preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1990 et 1992

367    La requérante considère que la Commission n’a pas prouvé sa participation à une entente anticoncurrentielle sur les suppléments de prix durant les trois années qui ont suivi le point de départ de l’entente, à savoir entre 1990 et 1992. Elle fait valoir, premièrement, que l’existence de réunions anticoncurrentielles ou d’autres formes de concertations préalables sur les suppléments de prix n’a pas été établie pendant cette période. Deuxièmement, les alignements des suppléments de prix entre mars 1990 et novembre 1992 auraient été distincts et indépendants les uns des autres et conformes au régime du traité CECA. Troisièmement, la télécopie de la Federacciai du 6 décembre 1989, la circulaire de la requérante du lendemain et les alignements de suppléments de prix entre janvier 1993 et juillet 1995 auraient été dépourvus de valeur probante, car ils ne concernaient pas la période couvrant les années 1990 à 1992. Partant, si l’entente du 6 décembre 1989 était considérée comme établie, elle constituerait une infraction isolée, interrompue entre 1990 et 1992, et prescrite.

368    À cet égard, il convient de rappeler que la Commission doit établir l’existence et la durée de l’infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA qu’elle constate ainsi que la participation des entreprises en cause à cette infraction et la durée de cette participation (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2018, Sumitomo Electric Industries et J-Power Systems/Commission, T‑450/14, non publié, EU:T:2018:455, point 52, et du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, sous pourvoi, EU:T:2019:675, point 258 et jurisprudence citée).

369    L’existence et la durée d’un comportement anticoncurrentiel doivent, dans la plupart des cas, être inférées d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (voir arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 39 et jurisprudence citée).

370    Un parallélisme de comportement peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation si la concertation en constitue la seule explication plausible (arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 71).

371    Dans le cas où la Commission constate une infraction aux règles de concurrence en se fondant sur la supposition selon laquelle les faits établis ne peuvent être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une telle infraction. En effet, dans un tel cas, il ne saurait être considéré que la Commission a apporté la preuve de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, Lietuvos geležinkeliai/Commission, T‑814/17, sous pourvoi, EU:T:2020:545, point 296 et jurisprudence citée).

372    En outre, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission doit invoquer, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêts du 12 juillet 2018, Sumitomo Electric Industries et J-Power Systems/Commission, T‑450/14, non publié, EU:T:2018:455, point 52 et jurisprudence citée, et du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, sous pourvoi, EU:T:2019:675, point 258 et jurisprudence citée).

373    Dans le cadre d’une infraction s’étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l’entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l’existence de cette entente, dès lors que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s’inscrivent dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 53 et jurisprudence citée). De même, le fait que la preuve directe de la participation d’une entreprise à cette infraction pendant une période déterminée n’a pas été apportée ne fait pas obstacle à ce que cette participation soit constatée pendant cette période, pour autant que cette constatation repose sur des indices objectifs et concordants (voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, points 27 et 42 et jurisprudence citée, et du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 41).

374    En l’espèce, pour établir la poursuite du volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1990 et 1992 et la participation de la requérante à ce volet durant cette période, la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur un faisceau d’indices constitué par six épisodes d’alignements coordonnés des suppléments de prix, qui ont respectivement eu lieu entre le 21 mars et le 2 avril 1990, entre le 1er et le 20 août 1990, entre le 17 janvier et le 1er février 1991 et entre le 1er juin et le 28 août 1991 (considérant 180), puis entre le 15 octobre et le 1er novembre 1992 et, enfin, entre le 17 et le 23 novembre 1992 (considérants 185, 186, 625 et 628).

375    La Commission a constaté que la requérante avait pris part à au moins trois de ces alignements, respectivement, le 28 mars 1990 (considérant 180, note en bas de page no 116, de la décision attaquée), en janvier 1991 (considérant 180, note en bas de page no 118, et considérant 867 de la décision attaquée) et en novembre 1992 (considérants 185, 625 et 867 de la décision attaquée). Elle a, à cet égard, relevé que cinq concurrents de la requérante avaient aligné leurs suppléments de prix de manière quasiment identique durant les deux premières périodes, soit entre le 21 mars et le 2 avril 1990, puis entre le 17 janvier et le 1er février 1991 (considérant 180 de la décision attaquée), et que six d’entre eux avaient fait de même entre le 17 et le 23 novembre 1992 (considérants 185 et 186 de la décision attaquée).

376    Tout d’abord, il y a lieu de noter que l’alignement du 28 mars 1990 est intervenu deux à trois mois seulement après les alignements concertés qui ont eu lieu, à la suite de l’accord anticoncurrentiel sur les suppléments de prix conclu le 6 décembre 1989, en décembre 1989 pour la requérante et cinq de ses concurrents (considérants 178 et 179 de la décision attaquée ; voir point 352 ci-dessus) et en janvier 1990 pour un autre concurrent de la requérante (considérant 179 de la décision attaquée).

377    En outre, l’alignement de novembre 1992 a eu lieu deux mois seulement avant une autre série de contacts anticoncurrentiels sur les suppléments de prix, à partir de janvier 1993, qui a de nouveau donné lieu à des alignements de ces suppléments auxquels la requérante a aussi participé (considérants 188 et 189 de la décision attaquée). Par ailleurs, sept mois avant l’alignement de novembre 1992, à savoir en avril 1992, la requérante avait pris part à l’extension de l’entente au prix de base et aux délais de paiement (considérants 181 à 183 et 187 de la décision attaquée), dans le but d’augmenter les prix des ronds à béton (considérants 619, 620, 716 et 726 de la décision attaquée), ce qui était aussi l’objectif poursuivi par la coordination sur les suppléments de prix (considérant 726 de la décision attaquée).

378    Enfin, il ressort de la déclaration de Riva que les réunions de l’entente se sont poursuivies entre 1989 et 1992 et que, de manière générale, la requérante participait à ces réunions (considérant 175 de la décision attaquée).

379    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 369, 370 et 373 ci-dessus, les éléments qui précèdent permettent d’établir le caractère plausible de la poursuite sans discontinuité de l’entente concernant les suppléments de prix entre 1990 et 1992 et de la participation de la requérante à cette partie de l’entente durant cette période.

380    Cette conclusion est contestée par la requérante.

381    Premièrement, la requérante fait valoir que les alignements des suppléments de prix de 1990 à 1992 s’expliquaient par le régime du traité CECA organisant la transparence du marché.

382    Cet argument n’est étayé par aucun élément permettant d’établir qu’il constituerait une explication alternative plausible à l’entente, conformément à ce que requiert la jurisprudence rappelée au point 371 ci-dessus pour que la requérante puisse échapper à toute responsabilité au regard de l’infraction constatée à son égard.

383    En tout état de cause, au regard de la jurisprudence citée aux points 358 à 360 ci-dessus, cet argument est dépourvu de fondement, dès lors qu’il est établi que les alignements des suppléments de prix constatés entre janvier 1990 et novembre 1992, auxquels la requérante a en partie participé, relevaient non pas d’un comportement autonome sur le marché, mais d’une concertation entre concurrents prohibée par l’article 65, paragraphe 1, CA.

384    Deuxièmement, la requérante invoque une violation des principes de répartition de la charge de la preuve, de la présomption d’innocence et in dubio pro reo en ce que la Commission aurait exigé qu’elle rapporte la preuve que la concertation préalable n’avait pas eu lieu et qu’elle n’y avait pas participé.

385    À cet égard, c’est à la requérante qu’il incombait de renverser la présomption caractéristique de la pratique concertée, rappelée au point 343 ci-dessus, selon laquelle les alignements de prix auxquels elle avait pris part en mars 1990, en janvier 1991 et en novembre 1992 avaient été déterminés par ses contacts préalables avec ses concurrents sur les suppléments de prix, et notamment par ceux qui avaient eu lieu en décembre 1989, marquant le point de départ de sa participation à l’entente. Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 344 et 371 ci-dessus, la requérante devait, pour ce faire, prouver que la concertation n’avait influencé d’aucune manière son comportement sur le marché, en démontrant l’existence de circonstances donnant un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à une infraction aux règles de concurrence.

386    Or, loin de rapporter une explication plausible alternative à sa participation à un alignement concerté des suppléments de prix en mars 1990, en janvier 1991 et en novembre 1992, susceptible de renverser la présomption caractéristique de la pratique concertée, la requérante n’a pas contesté avoir pris part à ces trois alignements retenus contre elle et a reconnu s’être alors sciemment alignée sur les prix de ses concurrents, prétendant, à tort, qu’ils étaient justifiés par le régime de transparence du traité CECA.

387    Troisièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir invoqué en défense le fait que des arguments similaires à ce grief ont été rejetés par l’arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031, points 240 à 247), annulé par la Cour, ce qui serait susceptible d’influencer le Tribunal et de la priver de son droit à un procès équitable.

388    À cet égard, selon la jurisprudence, l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision judiciaire en cause (voir arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 44 et jurisprudence citée).

389    En l’espèce, il y a lieu de relever que la décision attaquée ne se fonde à aucun moment sur l’arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031), pour établir la preuve de l’entente et la participation de la requérante à celle-ci, cet arrêt n’ayant été invoqué par la Commission que dans son mémoire en défense.

390    En outre, les points de fait et de droit relatifs à la participation de la requérante à l’entente sur lesquels le Tribunal s’est prononcé dans son arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031), et qui ont été contestés par la requérante dans le cadre de son pourvoi contre cet arrêt, n’ont pas été examinés par la Cour dans son arrêt du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), laquelle ne les a donc pas tranchés (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 45 à 47).

391    La position retenue par le Tribunal dans son arrêt du 9 décembre 2014, Feralpi/Commission (T‑70/10, non publié, EU:T:2014:1031) n’est donc revêtue d’aucune autorité de la chose jugée. La Commission a d’ailleurs reconnu, à juste titre, dans sa duplique que cet arrêt, qui a été annulé, n’avait plus aucun effet dans l’ordre juridique de l’Union.

392    Il résulte de ce qui précède que l’argumentation prise de l’absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1990 et 1992 doit être rejetée et, avec elle, l’ensemble du premier grief.

b)      Sur le second grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1993 et 1995

393    La requérante soutient que sa participation au volet de l’entente sur les suppléments de prix n’a pas été prouvée pour la période couvrant les années 1993 à 1995. Premièrement, elle conteste la valeur probante, d’une part, de six télécopies de la Federacciai faisant état de réunions sur les hausses des suppléments de prix envoyées le 25 janvier 1993, le 1er avril 1993, le 7 février 1994, le 30 août 1994, le 13 septembre 1994 et le 22 février 1995 et, d’autre part, de la télécopie envoyée par la Federacciai à Leali le 19 juillet 1995. Deuxièmement, elle considère que la preuve de sa participation à ces réunions n’est pas rapportée.

394    À cet égard, pour établir la continuité de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1993 et 1995, la Commission s’est fondée sur un faisceau d’indices comportant :

–        d’une part, sept télécopies de la Federacciai faisant état des réunions et des décisions sur les hausses de ces suppléments du 25 janvier 1993, du 1er avril 1993, du 7 février 1994, du 30 août 1994, du 13 septembre 1994, du 22 février 1995 et de juillet 1995 (considérants 188, 190, 192, 194, 196, 204, 217 et 219 de la décision attaquée) ;

–        d’autre part, le fait que la requérante avait aligné ses suppléments de prix à la suite de ces télécopies, à l’exception de celles d’août et de septembre 1994 (considérants 189 à 193, 205, 218, 625, 868, 869 et 873 de la décision attaquée).

395    Ce faisceau d’indices montre que, pendant les trois années concernées, la requérante a été tenue informée, à sept reprises, des décisions concertées sur les suppléments de prix et qu’elle les a mises en œuvre à cinq reprises.

396    La requérante concède d’ailleurs avoir eu connaissance, par le biais des télécopies de la Federacciai, des réunions de concertation sur les suppléments de prix durant cette période et de leurs résultats.

397    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 340 à 345 ci-dessus, cette circonstance, avec les alignements de prix auxquels la requérante a procédé, permet d’établir à suffisance de droit la poursuite de sa participation à une pratique concertée.

398    En particulier, conformément à la jurisprudence visée aux points 345 et 346 ci-dessus, l’absence de preuve de la participation de la requérante aux réunions de l’entente entre 1993 et 1995 ne permet pas d’écarter sa responsabilité au titre de l’infraction durant cette période.

399    La requérante conteste toutefois avoir reçu les télécopies de la Federacciai relatives aux réunions des 7 février, 30 août et 13 septembre 1994.

400    À cet égard, premièrement, il convient de constater que ces trois télécopies étaient adressées « aux producteurs de ronds à béton » et que, conformément aux explications données par la Federacciai dans le cadre de l’enquête, cette mention visait l’ensemble des producteurs du secteur, y compris la requérante (voir point 351 ci-dessus).

401    Deuxièmement, la télécopie de la Federacciai du 7 février 1994 rend compte d’une réunion à cette date de l’un des organes de la Federacciai, le conseil de direction de l’Association des produits longs, lors de laquelle de nouveaux suppléments de prix à appliquer à partir du 14 février 1994 ont été fixés (considérants 192 et 625 de la décision attaquée). Or, l’un des membres de cette association était un dirigeant de la requérante (considérants 148 et 192, note en bas de page no 150, de la décision attaquée). Il est donc peu crédible que la requérante n’ait pas au moins reçu cette télécopie, d’autant qu’elle a aligné ses suppléments de prix juste après l’envoi de ce document, exactement à la date convenue lors de la réunion (considérants 193 et 625 de la décision attaquée), ce qu’elle ne conteste pas.

402    Troisièmement, les télécopies de la Federacciai du 30 août et du 13 septembre 1994 rapportent que des réunions se sont tenues respectivement à ces deux dates et que les décisions ont été prises alors d’appliquer une augmentation immédiate des suppléments de prix (considérants 195 et 196 de la décision attaquée).

403    La décision attaquée ne mentionne pas la requérante parmi les entreprises ayant appliqué l’augmentation décidée le 30 août 1994 (considérants 195 et 625 de la décision attaquée) et ne précise pas si l’augmentation décidée le 13 septembre 1994 a été appliquée, par quelles entreprises et à partir de quelle date.

404    Cette circonstance ne saurait toutefois suffire pour écarter la responsabilité de la requérante au titre de l’infraction entre 1993 et 1995. En particulier, la participation directe de cette dernière à ce volet de l’entente a été établie quelques mois avant, en février 1994 (voir points 394, 400 et 401 ci-dessus), et quelques mois après, en février et en juillet 1995 (considérants 204, 205, 218, 219 et 625 de la décision attaquée ; voir également point 394 ci-dessus). En outre, en novembre et en décembre 1994, la requérante avait, à l’instar de nombreuses autres entreprises, communiqué à la Federacciai les données relatives à sa production et à ses ventes de ronds à béton (considérants 198 et 202 de la décision attaquée), ce qui avait été utile pour une gestion efficace de l’entente (considérant 868 de la décision attaquée), dont l’objectif était de soutenir les prix des ronds à béton (considérants 682, 717, 726 et 778 de la décision attaquée).

405    Les éléments visés aux points 400 à 404 ci-dessus permettent d’établir la continuité de la participation de la requérante à l’entente tout au long de l’année 1994.

406    Quatrièmement, la télécopie envoyée par la Federacciai à Leali le 19 juillet 1995 fait état de la satisfaction de la Federacciai concernant l’évolution et l’application des suppléments de prix et atteste ainsi que l’entente était effectivement mise en œuvre à cette période (considérant 219 de la décision attaquée). De fait, la Commission relève que, entre le 18 et le 25 juillet 1995, plusieurs entreprises, dont la requérante, continuaient d’aligner leurs suppléments de prix (considérant 218 de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas.

407    Au vu de ce qui précède, le faisceau d’indices rapporté par la Commission permet d’établir à suffisance de droit la continuité de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1993 et 1995.

408    Cette conclusion est contestée par la requérante.

409    En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’exiger qu’elle rapporte la preuve d’une distanciation publique, ce qui serait contraire aux principes de la charge de la preuve.

410    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la simple approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux autorités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte. Cette complicité constitue un mode passif de participation à l’infraction qui est de nature à engager la responsabilité de l’entreprise concernée (voir arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 73 et jurisprudence citée). De plus, le fait qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats d’une réunion ayant un objet anticoncurrentiel n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à une entente, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (voir arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 136 et jurisprudence citée).

411    En l’espèce, la requérante ne s’est non seulement jamais publiquement distanciée de l’entente, mais elle a continué régulièrement d’aligner ses suppléments de prix sur ceux issus de la concertation entre 1993 et 1995 et n’a pas apporté d’élément susceptible de prouver l’autonomie de ce comportement.

412    En second lieu, la requérante fait valoir que la simple connaissance des réunions auxquelles les télécopies de la Federacciai visées au point 394 ci-dessus font référence et de leurs résultats ainsi que la communication au marché des nouveaux prix étaient conformes au régime du traité CECA.

413    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 358 à 360 ci-dessus, et pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 381 et 383 ci-dessus, le régime du traité CECA sur la transparence du marché ne permet pas d’écarter la responsabilité de la requérante au titre de l’infraction entre 1993 et 1995, car les comportements qui lui sont imputés sur les suppléments de prix durant cette période procèdent d’une concertation préalable prohibée.

414    Il résulte de ce qui précède que le second grief doit être rejeté.

415    Il convient donc d’écarter la première branche dans son intégralité.

4.      Sur la deuxième branche, tirée d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur le prix de base entre le 13 avril 1992 et le 29 août 1995

416    La requérante soutient que la Commission n’a pas établi sa participation au volet de l’entente sur le prix de base entre 1992 et 1995. Elle invoque à cet égard deux griefs.

a)      Sur le premier grief, tiré d’une absence de valeur probante de l’accord du 13 avril au 30 juillet 1992

417    La requérante estime que la Commission n’a pas établi le caractère anticoncurrentiel de l’accord du 13 avril 1992 au 30 juillet 1992 (ci-après l’« accord de 1992 »), marquant le point de départ du volet de l’entente sur le prix de base, ni sa participation à cet accord. Selon elle :

–        d’une part, l’accord de 1992 constitue un projet non signé, non finalisé et non mis en œuvre, tout comme le protocole d’adhésion à cet accord (ci-après le « protocole d’adhésion ») conclu par huit autres entreprises, et les prix pratiqués par les producteurs de ronds à béton étaient nombreux, ce qui serait incompatible avec l’existence d’un accord collusoire ;

–        d’autre part, il n’a pas été prouvé qu’elle connaissait l’initiative sur le prix de base reflétée dans ledit accord et elle a pratiqué des prix de base inférieurs à ceux qui y sont indiqués et selon un calendrier différent.

418    À cet égard, pour déterminer si un accord relève de l’interdiction énoncée à l’article 65, paragraphe 1, CA, il y a lieu de s’attacher à la teneur de ses dispositions et aux buts objectifs qu’il vise à atteindre (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 21). En revanche, la forme selon laquelle se manifeste la concordance des volontés des entreprises participant à l’accord n’est pas déterminante par elle-même (arrêt du 13 juillet 2006, Commission/Volkswagen, C‑74/04 P, EU:C:2006:460, point 37).

419    En l’espèce, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que l’entente s’était étendue à la fixation du prix de base entre le 15 avril 1992 et le 4 juillet 2000 (considérants 575, 594 à 614, 676 et 677) et a retenu que la requérante avait participé à ce volet de l’entente du 15 avril 1992 au 27 juin 2000 (considérants 867 à 869, 871, 875, 876, 878 à 880 et 884).

420    La Commission a fixé le point de départ de la participation de la requérante au volet de l’entente sur le prix de base au 15 avril 1992. Elle s’est fondée à cet égard sur le fait que l’accord de 1992 était entré en vigueur entre le 13 avril 1992 et le 31 mai 1992 et qu’il était applicable jusqu’au 30 juillet 1992 et renouvelable trimestriellement par les parties (considérants 181, 182, 695, 698, 699, 741 et 867 de la décision attaquée).

421    Il ressort de l’accord de 1992 que, « [d]ans une première phase, qui durera un trimestre, l’objet de cet accord est la discipline en matière de prix pour les ronds à béton, tant en barres qu’en rouleaux, sur le marché italien » (considérant 424 de la décision attaquée). Cet accord précisait ensuite les trois montants du prix de base qui devaient successivement s’appliquer durant le trimestre susvisé et indiquait que toutes les parties s’engageaient à respecter ces prix. Il ajoutait qu’« [il] entr[ait] en vigueur le 13 [avril] 1992 et dur[ait] jusqu’au 30 [juillet] 1992 » et qu’« [il pouvait] être renouvelé par la volonté expresse des membres pour un autre trimestre et ainsi de suite ». Il stipulait en outre que, en cas d’infraction au prix indiqué, une pénalité financière était applicable et que, pour garantir son respect et pour couvrir les éventuelles pénalités encourues, chaque entreprise participante s’engageait à fournir une garantie financière. Figurait ensuite la liste des 19 entreprises, dont la requérante, qui étaient soumises à cette obligation.

422    Les termes de l’accord de 1992 illustrent ainsi la rencontre des volontés des 19 entreprises concernées, dont la requérante, à propos d’un objet explicitement anticoncurrentiel sur la fixation en commun du prix de base à partir de la mi-avril 1992.

423    La requérante affirme d’ailleurs dans la réplique que l’intention des parties à l’accord de 1992 était d’y adhérer dans son ensemble.

424    La requérante ne peut donc pas valablement soutenir qu’elle ignorait l’initiative sur le prix de base reflétée dans l’accord de 1992, d’autant que, lorsque cet accord a été conclu, elle prenait part depuis plus de deux ans avec ses concurrents à la concertation sur l’autre composante du prix des ronds à béton que constituaient les suppléments de prix (voir points 347 à 366 et 374 à 386 ci-dessus), avec le même objectif d’augmenter de manière uniforme le prix des ronds à béton (considérants 620, 631, 632, 639, 640 et 726 de la décision attaquée).

425    En outre, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 337 à 339 et 418 ci-dessus, l’accord de 1992 ayant un objet anticoncurrentiel, il est sans pertinence qu’il n’ait prétendument pas été finalisé et ne soit pas entré en vigueur, mais qu’il soit resté à l’état de projet, ou que la requérante ne l’ait pas appliqué. Le caractère explicitement anticoncurrentiel de l’objet de cet accord, sur lequel la requérante et 18 de ses concurrents s’étaient mis d’accord, est suffisant pour relever de l’interdiction prévue à l’article 65, paragraphe 1, CA.

426    En tout état de cause, contrairement à ce que prétend la requérante, l’accord de 1992 stipulait expressément qu’il était entré en vigueur le 13 avril 1992 et qu’il s’appliquerait au moins jusqu’au 30 juillet 1992 (voir point 421 ci-dessus).

427    Le protocole d’adhésion, conclu par huit autres entreprises non mentionnées dans l’accord de 1992, le confirme. Il stipulait que ces huit entreprises avaient l’intention d’adhérer à cet accord « en cours » à partir du 1er juin 1992 (considérants 182, 613, 698 et 699 de la décision attaquée). L’adhésion portait notamment sur le prix de base décidé pour le mois de juin 1992 et les variations qui seraient décidées par la suite par les producteurs adhérents. Ces éléments confortent l’idée que l’accord de 1992 était bien en vigueur au 31 mai 1992, soit la date précédant celle à partir de laquelle lesdites huit entreprises avaient souhaité y adhérer (considérants 613, 698 et 699 de la décision attaquée).

428    La Commission relève également, sans que cela soit contesté par la requérante, que les prix de base convenus dans l’accord de 1992 ont été appliqués par plusieurs entreprises dès le 16 avril 1992 (considérants 183 et 594 de la décision attaquée), que cet accord est resté en vigueur pendant tout le mois de mai 1992, avec la variation prévue du prix de base, et au moins jusqu’en juin 1992, avec son augmentation supplémentaire convenue pour ce mois-là, et que l’absence éventuelle de prolongation formelle dudit accord au-delà du mois de juin 1992 n’a pas empêché la poursuite de la concertation sur la fixation du prix de base jusqu’au 4 juillet 2000 (considérants 594, 595 et 613 de la décision attaquée).

429    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 337 à 339, 345, 346 et 418 ci-dessus, la Commission était en droit d’imputer à la requérante la responsabilité du caractère anticoncurrentiel de l’accord de 1992 et des comportements anticoncurrentiels relatifs à cet accord commis par d’autres entreprises, dès lors qu’il est établi que la requérante avait adhéré à l’objet anticoncurrentiel dudit accord, même s’il n’est pas démontré qu’elle l’ait personnellement mis en œuvre.

430    La requérante invoque trois autres arguments visant à remettre en cause le caractère anticoncurrentiel de l’accord de 1992 et sa responsabilité à cet égard.

431    Premièrement, la requérante estime que qualifier l’accord de 1992 et le protocole d’adhésion d’anticoncurrentiels est contradictoire avec le fait d’avoir écarté cette qualification pour un document similaire intitulé « Accord de réduction de la production ».

432    À cet égard, il ressort du considérant 184 de la décision attaquée que, à une date comprise entre le 13 avril 1992 et fin juin-début juillet 1992, certaines entreprises ont eu l’intention d’intégrer l’accord sur les prix, issu de l’accord de 1992, à un accord de réduction de la production prévoyant, d’une part, un arrêt des installations de trois semaines en juillet et août 1992 et d’une semaine par mois de septembre 1992 à février 1993 et, d’autre part, une vérification des quantités produites.

433    La Commission fait valoir à juste titre que l’accord de réduction de la production ne diminue pas la valeur probante de l’accord de 1992, mais aurait pu constituer, le cas échéant, une preuve supplémentaire de l’infraction qu’elle aurait pu exploiter. En effet, l’accord de réduction de la production visait à renforcer l’étendue et l’intensité de la concertation des entreprises en cause, puisqu’il prévoyait d’ajouter à leur coopération sur les prix une réduction concertée de la production entre juillet 1992 et février 1993 et un contrôle de sa mise en œuvre.

434    Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’accord de 1992 n’était pas secret et qu’il s’inspirait du régime de prix minimaux de la Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA) en vigueur pendant les années 1970, tel que visé dans la décision no 962/77/CECA de la Commission, du 4 mai 1977, fixant des prix minimaux pour certains fers à béton (JO 1977, L 114, p. 1).

435    À cet égard, le contexte réglementaire en vigueur au moment des faits n’autorisait nullement la requérante à participer à des accords anticoncurrentiels et à se substituer ainsi aux autorités compétentes, seules habilitées à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, EU:C:1997:375, point 25) (voir points 358 à 360, 362, 383 et 413 ci-dessus).

436    Quant à la décision no 962/77, à laquelle se réfère la requérante, elle a été abrogée le 31 décembre 1977 (voir article 7 de cette décision), soit près de quinze ans avant la conclusion de l’accord de 1992.

437    En tout état de cause, l’accord de 1992 était bien différent du régime de prix minimaux des fers à béton prévu par la décision no 962/77, puisque la mise en œuvre de ce régime, tout comme la mise en œuvre du régime de l’article 60 CA, relevait de la responsabilité de la Commission et ne pouvait être remplacée par une coordination privée entre entreprises en matière de prix (voir, en ce sens, à propos de l’article 60 CA, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 315). En effet, selon l’article 1er, paragraphe 2, de la décision no 962/77, c’était à la Commission qu’incombait la responsabilité de fixer les prix minimaux des fers à béton. Les accords entre producteurs ne pouvaient être assimilés au système de l’article 60 CA, ne serait-ce que parce qu’ils ne permettaient pas aux acheteurs de se renseigner exactement sur les prix ni de participer au contrôle des discriminations (arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 316). Or, en l’espèce, les entreprises en cause ont caché l’existence et la teneur de l’accord de 1992 à la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 103, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 524 à 556).

438    Troisièmement, la requérante estime que la Commission a renversé la charge de la preuve et a violé les principes de la présomption d’innocence et in dubio pro reo en exigeant qu’elle rapporte la preuve de sa distanciation publique de l’accord et en considérant que le non-alignement de ses barèmes de prix ne constituait pas une telle distanciation.

439    À cet égard, la Commission ayant dûment établi que la requérante avait adhéré à l’objet anticoncurrentiel de l’accord de 1992 (voir points 421 à 423 ci-dessus), le fait de ne pas l’avoir appliqué ne peut être assimilé à une distanciation publique, mais peut, au contraire, constituer une manière de tirer profit de l’entente (voir, en ce sens, arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, point 94, et du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié, EU:T:2005:220, point 74).

440    En effet, les membres d’une entente demeurent des concurrents dont chacun peut être tenté, à chaque moment, de profiter de la discipline des autres en matière de prix cartellisés pour baisser ses propres prix dans le but d’augmenter sa part de marché, tout en maintenant un niveau général de prix relativement élevé. En tout état de cause, le fait que l’une des parties à l’entente n’ait pas entièrement appliqué les prix convenus n’implique pas que, ce faisant, elle ait appliqué des prix qu’elle aurait pu facturer en l’absence de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié, EU:T:2005:220, point 75).

441    Ainsi, même s’il n’est pas établi que la requérante a mis en œuvre le prix de base convenu dans le cadre de l’entente, elle a pu, grâce à l’entente, appliquer un prix de base plus bas que le prix coordonné, mais moins bas que celui qu’elle aurait appliqué si elle n’avait pas eu connaissance de ce prix coordonné.

442    La Commission souligne en outre, à juste titre, qu’il est contradictoire, de la part de la requérante, d’invoquer le caractère légal de l’accord de 1992 au regard du régime du traité CECA et de se prévaloir du fait qu’elle ne l’a pas respecté et s’en serait distanciée.

443    Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.

b)      Sur le second grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur le prix de base entre le 25 janvier 1993 et le 29 août 1995

444    La requérante conteste que le volet de l’entente sur le prix de base se soit poursuivi au-delà du 30 juillet 1992 et qu’elle ait participé à ce volet entre le 25 janvier 1993 et le 29 août 1995. Selon elle :

–        d’une part, l’accord de 1992 n’a pas été prorogé après le 30 juillet 1992 et la décision attaquée ne retient aucun grief à propos du prix de base entre cette date et le 25 janvier 1993 ;

–        d’autre part, sa participation à des contacts visant à fixer le prix de base n’a pas été établie et, dès lors, la réception des communications de la Federacciai sur ce sujet est dépourvue de valeur probante et justifiée par le régime du traité CECA ; en outre, la fixation de son prix de base en dessous du prix de base fixé de manière concertée constitue un renversement de la présomption de causalité entre la concertation et le comportement sur le marché caractérisant une pratique concertée ou au moins la preuve d’une distanciation publique de l’entente.

445    Ainsi, l’entente sur le prix de base aurait, à tout le moins, été interrompue du 25 janvier 1993 au 29 août 1995, de sorte que l’infraction commise en 1992 serait prescrite.

446    À cet égard, il convient d’examiner, en premier lieu, les éléments retenus par la Commission pour établir la poursuite du volet de l’entente sur le prix de base entre 1993 et 1995 (voir points 447 à 454 ci-dessous) et, en second lieu, les éléments retenus par cette dernière pour prouver la participation de la requérante à ce volet de l’entente durant cette période (voir points 455 à 468 ci-dessous).

447    En premier lieu, la Commission a relevé que l’entente sur le prix de base s’était poursuivie après le 30 juillet 1992, et notamment entre 1993 et 1995 (considérants 188 à 190, 192, 194, 196, 197, 199, 204, 208, 211, 212, 215 à 217, 219, 223, 228, 229, 236, 596 à 602 et 868 de la décision attaquée). Elle s’est principalement appuyée sur le fait que, durant cette période, les producteurs de ronds à béton s’étaient réunis à de nombreuses reprises pour décider de l’évolution du prix de base, que, à la suite de ces réunions, la Federacciai avait envoyé aux entreprises des communications reprenant la teneur de ces décisions et les invitant à les appliquer et que, à plusieurs reprises, les entreprises avaient aligné leur prix de base à la suite de l’envoi de ces communications.

448    Ainsi, concernant l’année 1993, la Commission a constaté la tenue de deux réunions, l’une le 25 janvier 1993, lors de laquelle le prix de base au départ de Brescia avait été relevé à 280 lires italiennes (ITL)/kg, et l’autre le 1er avril 1993, au cours de laquelle ce prix avait été abaissé à 270 ITL/kg. Il ressort du dossier que ces réunions avaient été respectivement suivies par l’envoi d’une communication correspondante de la Federacciai aux entreprises, puis de l’alignement du prix de base de certaines entreprises sur celui qui avait été convenu lors de ces réunions (considérants 188 à 190, 596, 597 et 868 de la décision attaquée). La Commission a aussi relevé que la réunion du 1er avril 1993 avait été suivie d’une réunion de « vérification » le 20 avril 1993 (considérant 597 de la décision attaquée).

449    Concernant l’année 1994, la Commission a retenu que cinq réunions entre les producteurs de ronds à béton avaient eu lieu respectivement le 7 février 1994, lors de laquelle le prix de base au départ de Brescia avait été augmenté à hauteur de 290 ITL/kg (considérants 192 et 598 de la décision attaquée), le 30 août 1994, lors de laquelle ce prix avait été augmenté, avec effet immédiat, à hauteur de 300 ITL/kg (considérants 194, 598 et 599 de la décision attaquée), le 13 septembre 1994, lors de laquelle les participants avaient confirmé ce prix (considérants 196, 598 et 599 de la décision attaquée), le 25 novembre 1994, lors de laquelle il avait été décidé que ce même prix de 300 ITL/kg devait être appliqué à partir du 28 novembre 1994 (considérants 197, 598 et 599 de la décision attaquée), et le 1er décembre 1994, lors de laquelle le prix de base au départ de Brescia avait été augmenté à hauteur de 320 ITL/kg, avec effet immédiat (considérants 199, 598 et 599 de la décision attaquée).

450    Il ressort du dossier que ces cinq réunions avaient toutes été immédiatement suivies de l’envoi d’une communication de la Federacciai aux entreprises les informant des décisions prises (considérants 192, 194, 196, 197, 199, 598 et 599 de la décision attaquée).

451    La décision attaquée souligne aussi l’application par certaines entreprises, à partir du 7 décembre 1994, du prix de base qui avait été fixé lors de la réunion du 1er décembre 1994 (considérants 200, 598 et 599 de la décision attaquée).

452    Concernant l’année 1995, la Commission s’est appuyée sur les éléments suivants pour conclure que la concertation sur le prix de base se poursuivait à cette époque, à savoir, d’une part, la tenue de trois réunions anticoncurrentielles les 13 juin, 4 juillet et 29 août 1995 et les communications se rapportant à ces réunions que la Federacciai a envoyées aux entreprises et, d’autre part, six communications, des 22 février, 5, 19, 27 et 31 juillet et de début octobre 1995, qui confirmaient le niveau du prix de base, sans faire référence à des réunions préalables :

–        la communication de la Federacciai envoyée le 22 février 1995 a informé les entreprises destinataires que le prix de base au départ de Brescia de 360 ITL/kg avait été « à nouveau confirmé », ce qui suppose qu’un tel prix avait été fixé précédemment (considérants 204, 600 et 601) ;

–        lors de la réunion du 13 juin 1995 (considérants 208 et 600), la confirmation d’un prix de base de référence à 290 ITL/kg et du montant des rabais avait été approuvée à l’unanimité (considérants 601 et 747) ; la communication de la Federacciai à Leali du 15 juin 1995 se référait aux conclusions de cette réunion et indiquait que l’objectif proposé n’avait pas encore été atteint et qu’il était donc recommandé d’insister avec vigueur auprès de la clientèle pour pouvoir l’atteindre (considérants 211, 600 et 601) ; les notes internes de la Federacciai du 19 juin 1995 et du 27 juin 1995 confirmaient la décision sur le prix de base prise lors de la réunion du 13 juin 1995 et, pour la première de ces notes, l’application partielle de cette décision (considérants 212, 215, 600 et 601) ;

–        lors de la réunion du 4 juillet 1995, suivie d’une communication de la Federacciai adressée le même jour aux entreprises, il avait été décidé de confirmer l’indication de prix précédente de 300 ITL/kg au départ de Brescia, qui devait donc avoir été fixée après le 19 juin 1995, que ce prix était applicable aux commandes en cours devant être livrées avant le 31 juillet 1995 et que tous devaient s’engager à œuvrer en vue de cet objectif ; il avait aussi été décidé que le prix de base applicable pour la période suivante serait fixé lors d’une prochaine réunion (considérants 216, 600 et 601) ;

–        la communication de la Federacciai du 5 juillet 1995 aux entreprises comprenait un calendrier de réunions indiquant que les nouvelles politiques de prix valables à partir d’août 1995 seraient discutées lors de la réunion du 18 juillet 1995 (considérants 217, 600 et 601) ;

–        dans sa communication à Leali du 19 juillet 1995, c’est-à-dire le jour suivant celui de la réunion sur les prix prévue dans la communication du 5 juillet 1995 visée au précédent tiret, la Federacciai indiquait avoir « des connaissances assez bonnes sur l’avancement du prix et sur l’application de l’extra [c’est-à-dire sur les suppléments de prix] et […] donc que, avec quelque circonspection, les politiques peuvent être tranquillement acceptées aussi pour août [1995] puis par la suite » ; cette communication confirmait donc que le calendrier des discussions sur les prix mentionné dans la communication du 5 juillet 1995 avait dû être substantiellement respecté et que ces discussions devaient avoir eu une conclusion positive (considérants 219, 600 et 601) ;

–        le 27 juillet 1995, IRO a envoyé à la Federacciai la circulaire qu’il avait communiquée à ses représentants et les informant de l’application immédiate du prix de base minimum de 320 ITL/kg (considérants 225 et 600) ;

–        la communication datée du 31 juillet 1995, que la Federacciai avait l’intention d’envoyer aux entreprises, indiquait que les conditions étaient réunies pour appliquer totalement le prix de base minimum de 320 ITL/kg au départ de Brescia pour les livraisons d’août 1995 (considérants 228 et 600) ;

–        lors de la réunion du 29 août 1995, le prix de base avait été fixé entre 320 ITL/kg et 330 ITL/kg au départ de Brescia ; cette réunion avait été suivie d’une communication adressée le même jour par la Federacciai aux entreprises pour leur communiquer cette décision (considérants 229, 230, 600 à 602) ;

–        la note manuscrite de la Federacciai de début octobre 1995 soulignait que le prix de base appliqué sur le marché était en baisse, se situant autour de 260 et 270 ITL/kg dans la zone de Brescia et en dessous de 250 ITL/kg en dehors de cette zone, et confirmait le comportement usuel lors des réunions consistant à donner une référence précise pour le prix de base (considérants 236, 600 et 602).

453    La Commission a aussi souligné à juste titre que les communications de la Federacciai des 4 et 5 juillet et du 29 août 1995 susvisées contenaient l’indication de détruire ces documents après en avoir pris connaissance (considérants 216, 217, 229, 601 et 602 de la décision attaquée), ce qui confirme que les entreprises du secteur avaient pleinement conscience du caractère anticoncurrentiel de ces échanges et des risques à cet égard. Cet élément discrédite également la thèse de la conformité desdits échanges avec les règles de transparence du traité CECA invoquée par la requérante (voir point 444, deuxième tiret, ci-dessus).

454    Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments sur lesquels la Commission s’est fondée permettent d’établir à suffisance de droit que le prix de base avait continué d’être fixé de manière concertée après le 30 juillet 1992, notamment entre janvier 1993 et août 1995, et que l’entente n’avait donc pas été interrompue à cette période.

455    En second lieu, concernant la preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur le prix de base entre le 25 janvier 1993 et le 29 août 1995, la Commission a constaté que la requérante avait continué de recevoir les communications susvisées de la Federacciai relatives aux réunions sur ce sujet durant cette période (considérants 868, 869 et 871 de la décision attaquée ; voir également points 447 à 450, 452 et 453 ci-dessus), ce que la requérante ne conteste pas.

456    La Commission a relevé à cet égard que tous les producteurs de ronds à béton étaient invités aux réunions organisées par la Federacciai sur les prix et que tous recevaient de la Federacciai les comptes rendus de ces réunions (considérant 686 de la décision attaquée).

457    Il y a notamment lieu de souligner que la réunion du 7 février 1994 sur le prix de base (voir point 449 ci-dessus) avait eu lieu au sein du conseil de direction de l’Association des produits longs de la Federacciai, dont un représentant de la requérante était membre (considérant 192, note en bas de page no 150, de la décision attaquée ; voir, également, point 401 ci-dessus). Dès lors, même si la communication de la Federacciai du 7 février 1994 relative à cette réunion ne mentionnait pas le nom des entreprises auxquelles elle avait été adressée, il est vraisemblable que la requérante avait au moins été informée de l’existence de cette réunion et des décisions qui y avaient été prises.

458    Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 340 à 342 ci-dessus, les communications susvisées relatives aux décisions concertées sur le prix de base qui ont été prises entre 1993 et 1995 constituent des contacts anticoncurrentiels qui avaient pour objet de divulguer à tous les producteurs de ronds à béton, y compris à la requérante, le comportement que tout ou partie de ces producteurs envisageaient d’adopter en matière de prix. Au regard de la jurisprudence citée au point 343 ci-dessus, la requérante, informée de ces décisions concertées, est présumée en avoir tenu compte pour définir son propre comportement sur le marché (considérants 613, in fine, et 869 de la décision attaquée).

459    À défaut pour la requérante de s’être distanciée publiquement de l’entente (voir à cet égard la jurisprudence visée aux points 344 et 410 ci-dessus), ces éléments permettent d’établir la continuité de sa participation à l’infraction durant cette période.

460    Sur ce point, il convient de rappeler que la compréhension qu’ont les autres participants à une entente de l’intention de l’entreprise concernée est déterminante pour apprécier si cette dernière a entendu se distancier de l’accord illicite, et c’est à elle d’apporter les indices de ce que les participants à l’entente ont considéré qu’elle mettait fin à sa participation (voir, en ce sens, arrêts du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, EU:C:2009:166, point 120, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 210).

461    La requérante n’a apporté aucun élément de nature à établir qu’elle s’était publiquement distanciée de l’entente ou que son comportement avait été compris comme tel par ses concurrents.

462    Dans ces conditions, peu importe que la Commission n’ait pas établi la participation de la requérante aux réunions de concertation sur le prix de base entre 1993 et 1995 qui ont précédé les communications de la Federacciai ou que la requérante n’ait pas appliqué le prix de base convenu lors de ces réunions.

463    À cet égard, la Commission soutient à juste titre que le fait d’avoir appliqué un prix de base plus bas que le prix coordonné ne saurait renverser la présomption de causalité caractéristique de l’existence d’une pratique concertée, rappelée au point 343 ci-dessus. En effet, comme elle le relève au considérant 714 de la décision attaquée, au regard de la jurisprudence citée aux points 439 et 440 ci-dessus, la requérante a pu utiliser l’entente à son profit. En effet, cette dernière a pu appliquer un prix de base plus bas que le prix coordonné, mais moins bas que celui qu’elle aurait appliqué si elle n’avait pas eu connaissance de ce prix coordonné (voir point 441 ci-dessus).

464    En tout état de cause, la Commission constate que la requérante a mis en œuvre au moins partiellement les prix coordonnés, puisqu’elle a aligné ses suppléments de prix sur ceux issus de l’entente, ce qui a conditionné le prix final de son produit. Par conséquent, le fait que la requérante ait suivi les indications relatives aux suppléments de prix et non celles concernant le prix de base n’a pas pu donner à penser à ses concurrents qu’elle voulait se distancier de ce volet de l’entente.

465    Il doit encore être souligné que la Cour a jugé que, en présence d’une entente ayant duré plus de dix ans, la Commission était en droit de retenir la responsabilité d’une entreprise pour toute cette période, même s’il n’existait pas de preuves de sa participation active à l’entente pendant deux ans, lorsque, d’une part, l’entreprise n’avait pas établi s’être publiquement distanciée du contenu de l’entente au cours de cette période, notamment en informant par écrit ses concurrents de sa volonté de ne plus y participer, et que, d’autre part, de nombreuses preuves existaient de sa participation active à l’entente après cette période (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 75).

466    En l’espèce, la Commission a constaté que la requérante avait participé sans discontinuer à l’entente pendant plus de dix ans, même s’il ressort de la décision attaquée que sa participation au volet sur le prix de base avait été moins active entre janvier 1993 et août 1995. En outre, elle a conclu à la poursuite de la participation de la requérante à l’entente, y compris sur le prix de base, durant les cinq années qui ont suivi, entre 1996 et 2000, période au cours de laquelle il a été constaté qu’elle avait participé aux réunions et continué de recevoir les communications de la Federacciai sur ce sujet (considérants 603 à 611, 613, 875, 876, 878, 879 et 884 de la décision attaquée). Or, la requérante ne conteste pas avoir participé à l’entente durant ces cinq dernières années.

467    Enfin, le contexte factuel de la présente affaire explique que l’arrêt du 21 janvier 2016, Eturas e.a. (C‑74/14, EU:C:2016:42), invoqué par la requérante ne soit pas applicable en l’espèce. Cet arrêt préjudiciel concerne une pratique concertée qui portait sur un seul élément du prix, en l’occurrence le plafonnement d’une remise sur le prix de voyages en ligne, pendant une courte période de sept mois (arrêt du 21 janvier 2016, Eturas e.a., C‑74/14, EU:C:2016:42, point 13). Dans de telles circonstances, la Cour a jugé que la présomption de causalité caractéristique de la pratique concertée pouvait être renversée par la preuve d’une application systématique d’une remise excédant le plafonnement convenu (arrêt du 21 janvier 2016, Eturas e.a., C‑74/14, EU:C:2016:42, points 8 à 13, 49 et 50).

468    Contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janvier 2016, Eturas e.a. (C‑74/14, EU:C:2016:42), l’entente sur les ronds à béton a, en l’espèce, constitué une infraction complexe et continue qui s’est étalée sur une période de plus de dix ans et qui a revêtu la forme d’accords et de pratiques concertées couvrant plusieurs éléments du prix, mais aussi les conditions de paiement et les volumes de la production et des ventes, l’ensemble de ces pratiques étant liées par l’objectif commun d’augmenter les prix des produits concernés (considérants 619, 620, 631, 640, 643, 646, 651, 653, 657, 659, 661, 662, 665, 667, 670, 672, 674, 682, 716, 717, 726 et 778 de la décision attaquée). L’imbrication de ces différentes pratiques pendant dix ans explique que le simple fait qu’un élément de l’entente, portant sur le prix de base, n’a pas été rigoureusement appliqué par la requérante pendant un an et demi, entre janvier 1993 et août 1995, ne permet pas de renverser la présomption de causalité susvisée et donc de constater l’interruption de la participation de la requérante à l’infraction durant cette période, d’autant que d’autres indices corroborent la poursuite de sa participation à l’entente durant ladite période (voir, à propos du volet de l’entente sur le prix de base, points 455 à 463 ci-dessus et, à propos du volet de l’entente sur les suppléments de prix, points 394 à 413 et 464 ci-dessus).

469    Partant, l’argument selon lequel le volet de l’entente sur le prix de base aurait été interrompu du 25 janvier 1993 au 29 août 1995 et qu’il en résulterait une prescription de l’infraction pour la période antérieure doit être écarté.

470    Il résulte de ce qui précède que le second grief doit être rejeté. Il convient donc d’écarter la deuxième branche dans son intégralité.

5.      Sur la troisième branche, tirée d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les délais de paiement entre 1992 et 1995

471    La requérante conteste sa participation au volet de l’entente sur les délais de paiement, estimant que l’accord de 1992 et les communications de la Federacciai retenus contre elle sont dépourvus de valeur probante.

472    À cet égard, la Commission a constaté que, entre le 15 avril 1992 et le 30 septembre 1995, l’entente avait été étendue aux délais de paiement (considérants 615 à 620, 676 et 677 de la décision attaquée).

473    La Commission s’est fondée sur les éléments suivants :

–        l’accord de 1992, dont la requérante était l’une des parties (voir points 421 à 423 et 867 ci-dessus), établissait, à compter du 13 avril 1992, la règle du paiement dans un délai maximum de « 90 jours fin de mois », assortie d’exceptions (considérants 181 et 615) ; le non-respect dudit accord sur ce point était assorti de pénalités applicables à compter du 1er juin 1992 et cet accord justifiait ces pénalités par le fait que le paiement constituait une composante du prix ;

–        la communication de la Federacciai du 25 janvier 1993 se référait à la réunion du même jour, au cours de laquelle il avait été décidé de réduire le délai de paiement à 60 jours fin de mois à compter du 26 janvier 1993 (considérants 188, 616 et 868) ;

–        la communication de la Federacciai reçue par les entreprises le 5 décembre 1994 se référait à la décision, prise lors de la réunion du 1er décembre 1994, de fixer le délai de paiement à 60-90 jours fin de mois à partir du 1er janvier 1995 et à 60 jours fin de mois à partir du 1er mars 1995 (considérants 199, 617 et 868) ;

–        la communication de la Federacciai du 5 juillet 1995 prévoyait une discussion sur les délais de paiement lors d’une réunion fixée au 18 juillet 1995 ; ce document mentionnait qu’il devait être détruit après lecture (considérants 217, 618 et 871) ;

–        la communication de la Federacciai du 21 juillet 1995 envoyée à 34 producteurs de ronds à béton (considérant 222) intégrait un formulaire à signer contenant l’engagement d’appliquer, à partir du 1er septembre 1995, des délais de paiement à 60-90 jours (considérants 221, 618, 766 et 871), indiquait que cet engagement signé devait être envoyé d’urgence à Leali et qu’il visait à confirmer la volonté de réduire les délais de paiement et d’appliquer les nouveaux délais convenus, soulignait aussi la nécessité d’un consensus général fort pour appliquer ces délais de paiement à partir du 1er septembre 1995 et mentionnait qu’elle devait être détruite après qu’il en aurait été pris connaissance (considérant 222) ;

–        la communication de la Federacciai du 29 août 1995 se référait à la réunion du même jour, au cours de laquelle il avait été confirmé à l’unanimité d’appliquer des délais de paiement à 60-90 jours à partir du 1er septembre 1995 (considérants 229, 618 et 871), et mentionnait aussi qu’elle devait être détruite après réception (considérant 230).

474    La Commission a également retenu que la décision du 29 août 1995 avait constitué la dernière fixation concertée des délais de paiement et que, début octobre 1995, la Federacciai avait constaté que la clientèle des producteurs de ronds à béton remettait en cause ces derniers (considérant 618 in fine de la décision attaquée).

475    Premièrement, il ressort des éléments qui précèdent que l’entente a été étendue aux délais de paiement à partir de la mi-avril 1992, grâce à l’accord de 1992 conclu à cette période (considérants 181 et 182 de la décision attaquée), et que cet accord revêt expressément un objet anticoncurrentiel qui contribuait à la fixation concertée des prix des ronds à béton.

476    À la suite des décisions prises sur ce sujet entre le 25 janvier 1993 et le 29 août 1995, telles que rapportées dans les cinq communications de la Federacciai visées au point 473 ci-dessus, l’accord anticoncurrentiel sur les délais de paiement s’est ensuite poursuivi jusqu’à la fin du mois de septembre 1995 (considérants 188, 199, 217, 221, 222, 229, 230, 575, 614 à 618, 676, 677 et 766 de la décision attaquée).

477    Deuxièmement, il ressort également de ce qui précède que la requérante fait partie des entreprises qui ont conclu l’accord de 1992 (considérants 181 et 867 de la décision attaquée ; voir également points 421 à 427 et 429 ci-dessus) et qu’elle a été tenue informée des décisions subséquentes sur la concertation concernant les délais de paiement qui ont été prises jusqu’au 29 août 1995 (considérants 188, 199, 217, 221, 222, 229, 230, 868 et 871 de la décision attaquée).

478    Il doit aussi être souligné que la communication de la Federacciai du 25 janvier 1993 mentionnait non seulement la décision sur les délais de paiement prise lors de la réunion tenue ce jour-là (voir point 473, deuxième tiret, ci-dessus), mais aussi celle sur l’augmentation des suppléments de prix arrêtée lors de cette même réunion (considérant 188 de la décision attaquée) et que la requérante a mise en œuvre (considérant 189 de la décision attaquée ; voir également point 394 ci-dessus). Cette mise en œuvre conforte le fait que la requérante a été informée de la communication du 25 janvier 1993 et, partant, des délais de paiement concertés.

479    Il en est de même concernant les délais de paiement fixés lors de la réunion du 1er décembre 1994 (voir point 473, troisième tiret, ci-dessus). En effet, ces délais de paiement ont été rapportés dans la communication de la Federacciai du 5 décembre 1994 (considérant 199 de la décision attaquée). Or, dans ce document, il était aussi demandé aux entreprises de communiquer leurs volumes de production pour les mois de septembre à novembre 1994, ce que la requérante a fait (considérant 202 de la décision attaquée ; voir également point 404 ci-dessus).

480    Au vu des éléments qui précèdent, la Commission a constaté à juste titre la participation de la requérante au volet de l’entente sur les délais de paiement entre la mi-avril 1992 et le 30 septembre 1995.

481    Cette conclusion est contestée par la requérante.

482    Premièrement, si la requérante ne conteste pas, dans la requête, avoir reçu les cinq communications citées au point 473 ci-dessus, elle indique, dans la réplique, qu’il n’existe pas de preuve qu’elle ait reçu les communications de la Federacciai du 5 juillet 1995 et du 29 août 1995.

483    À cet égard, il doit d’abord être souligné que la requérante ne conteste pas avoir reçu les trois autres communications de la Federacciai sur les délais de paiement des 25 janvier 1993, 5 décembre 1994 et 21 juillet 1995.

484    En ce qui concerne la communication de la Federacciai du 5 juillet 1995, qui indiquait qu’une discussion sur les délais de paiement était prévue lors d’une réunion fixée le 18 juillet 1995, elle mentionnait aussi qu’elle devait être détruite après lecture, ce qui peut expliquer qu’aucune preuve matérielle de la réception de cette communication par la requérante n’ait pu être retrouvée.

485    Quant à la communication de la Federacciai du 29 août 1995, elle est directement liée à celle du 21 juillet 1995, que la requérante ne conteste pas avoir reçue. En effet, cette communication du 21 juillet 1995 demandait aux producteurs de ronds à béton de prendre l’engagement d’appliquer des délais de paiement à 60-90 jours à partir du 1er septembre 1995. La communication du 29 août 1995 se rapporte à cet engagement, puisqu’elle indique que, lors de la réunion qui avait eu lieu à cette date, il avait été confirmé à l’unanimité d’appliquer ces délais de paiement à 60-90 jours à partir du 1er septembre 1995, soit ceux déjà convenus le 21 juillet 1995.

486    Enfin, il ressort des pièces du dossier que, durant l’été 1995 et dans les mois qui ont suivi, la requérante avait continué de communiquer très régulièrement avec la Federacciai sur les autres volets de l’entente. En effet :

–        à la communication que la Federacciai avait envoyée à Leali le 24 juillet 1995 étaient joints l’engagement, visé au point 485 ci-dessus, sur les délais de paiement de deux entreprises (Alfa Acciai SRL et Artfer SRL) ainsi qu’un document provenant de la requérante dans lequel cette dernière communiquait son programme estival d’arrêts de production (voir considérants 223 et 618 ainsi que note en bas de page no 245 de la décision attaquée) ;

–        la communication de la Federacciai du 26 juillet 1995 adressée à Leali à propos des délais de paiement (voir considérants 226 et 618 ainsi que note en bas de page no 251 de la décision attaquée) mentionnait aussi le programme d’arrêt de production de la requérante ;

–        la communication de la Federacciai du 1er septembre 1995 transmettait à Leali les données individuelles relatives à la production émanant notamment de la requérante (voir considérant 231, note en bas de page no 256, de la décision attaquée) ;

–        la requérante a répondu aux télécopies de la Federacciai du 11 septembre, du 25 septembre et du 5 octobre 1995 qui avaient demandé aux entreprises la transmission de leurs données relatives aux commandes enregistrées, respectivement, entre le 28 août et le 9 septembre 1995 (voir considérants 233 et 234 de la décision attaquée), entre le 11 et le 22 septembre 1995 (voir considérant 235 de la décision attaquée) et entre le 25 septembre et le 6 octobre 1995 (voir considérants 236 et 237 de la décision attaquée) ;

–        la requérante fait partie des entreprises qui ont reçu la communication de la Federacciai du 20 octobre 1995 intégrant les données individuelles sur les commandes fournies par chacune des entreprises (voir considérant 238 de la décision attaquée) ;

–        la requérante a été invitée par Leali, le 28 décembre 1995, à participer à la réunion de Brescia du 4 janvier 1996 (voir considérant 240 de la décision attaquée).

487    Au vu de ces éléments, il est plausible que la requérante ait continué de recevoir, sans discontinuer, les communications de la Federacciai sur les délais de paiement durant l’été 1995.

488    En tout état de cause, plusieurs documents, dont la communication de la Federacciai du 29 août 1995, attestent que l’ensemble des entreprises du secteur, y compris la requérante, ont participé à l’accord sur les nouveaux délais de paiement conclu à l’été 1995. Ainsi :

–        les communications de la Federacciai, d’une part, à Leali du 26 juillet 1995 et, d’autre part, aux producteurs de ronds à béton du 29 août 1995 relèvent le caractère unanime de l’accord sur les délais de paiement à 60-90 jours fin de mois (considérants 226, 229, 230, 618 et 766 de la décision attaquée), ce qui signifie que la requérante en aurait approuvé le résultat ;

–        la communication diffusée par Leali le 28 juillet 1995 indiquait que ces délais de paiement seraient appliqués à partir du 1er septembre 1995 « sans aucune exception » (considérants 227 et 618 de la décision attaquée) ;

–        le projet de communication daté du 31 juillet 1995 que la Federacciai avait l’intention d’envoyer aux entreprises affirmait que les conditions étaient réunies pour une application rigoureuse des conditions de paiement à 60-90 jours fin de mois pour les livraisons de septembre 1995 (considérants 228 et 618 de la décision attaquée).

489    En tout état de cause, conformément à la jurisprudence rappelée au point 346 ci-dessus, à supposer que la requérante n’ait pas eu connaissance de tous les contacts anticoncurrentiels sur les délais de paiement, cette circonstance ne fait pas obstacle au constat de sa participation à l’infraction, d’autant que, durant la période infractionnelle relative au volet de l’entente sur ces délais de paiement, d’autres indices corroborent la poursuite de la participation de la requérante à l’entente (voir, à propos du volet de l’entente sur les suppléments de prix, points 375, 377 à 386, 394 à 413 et 464 ci-dessus et, à propos du volet de l’entente sur le prix de base, points 421 à 442 et 455 à 463 ci-dessus).

490    Le premier argument de la requérante doit donc être rejeté.

491    Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas participé aux réunions de coordination sur les délais de paiement, qu’elle n’a pas répondu aux communications de la Federacciai à ce sujet, ce qui montrerait qu’elle se serait distanciée de ce volet de l’entente, et qu’elle n’a pas appliqué les délais de paiement concertés.

492    À cet égard, les éléments exposés aux points 472 à 480 et 483 à 488 ci-dessus établissent que la requérante a participé au volet anticoncurrentiel de l’accord de 1992 sur les délais de paiement et qu’elle a ensuite été tenue informée des décisions concertées sur ce sujet qui se sont appliquées jusqu’à la fin du mois de septembre 1995.

493    En outre, le fait que la requérante n’ait pas répondu aux communications de la Federacciai qui se référaient aux décisions concertées sur les délais de paiement ne saurait établir qu’elle se soit distanciée publiquement de ce volet de l’entente. Les nombreuses communications de la Federacciai que la requérante a continué de recevoir, notamment entre l’été 1995 et durant les mois qui ont suivi (voir points 483, 486 et 488 ci-dessus) à propos notamment des différents volets de l’entente, et la mise en œuvre d’un certain nombre de ces décisions par la requérante (voir notamment point 478 ci-dessus) sont d’ailleurs autant d’indices que cette dernière ne s’en est pas distanciée publiquement.

494    Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 345 et 346 ci-dessus, le fait que la Commission n’ait pas apporté la preuve de la participation de la requérante aux réunions de concertation sur les délais de paiement ou que la requérante n’ait pas répondu aux communications de la Federacciai à ce sujet ne saurait suffire pour écarter la responsabilité de la requérante au titre de ce volet de l’entente.

495    Il est également sans importance que la requérante n’ait pas appliqué les délais coordonnés. En effet, l’application de l’interdiction énoncée à l’article 65, paragraphe 1, CA n’exige pas que la concertation ait été mise en œuvre, ni qu’elle produise des effets concrets (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 122 à 124 ; du 2 octobre 2003, Ensidesa/Commission, C‑198/99 P, EU:C:2003:530, points 59 et 60, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 269 à 271 et jurisprudence citée).

496    Cette deuxième série d’arguments invoqués par la requérante doit donc également être rejetée.

497    Troisièmement, la requérante fait valoir que les délais de paiement concertés reflétaient l’usage courant du marché et qu’ils avaient été repris dans le régime sur les délais de paiement établi par la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 2000, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2000, L 200, p. 35), et la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1).

498    À cet égard, la Commission relève, à juste titre, qu’un accord qui consiste en la mise en œuvre de comportements habituels peut restreindre la liberté des parties de se faire concurrence en adoptant des comportements différents. Le fait que les délais de paiement étaient ceux normalement pratiqués serait pertinent seulement en l’absence d’une concertation préalable (considérant 706 de la décision attaquée). Or, la concertation préalable, reflétée dans l’accord d’avril 1992 et les communications subséquentes de la Federacciai, a empêché la requérante de décider de manière autonome de sa ligne d’action sur le marché sur ce sujet.

499    Le troisième argument invoqué par la requérante ne lui permet donc pas non plus d’échapper à l’interdiction formulée à l’article 65, paragraphe 1, CA et doit, lui aussi, être rejeté.

500    Il résulte de ce qui précède que la troisième branche doit être écartée dans son intégralité.

6.      Sur la quatrième branche, tirée d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur la limitation de la production en 1995

501    La requérante conteste sa participation au volet de l’entente sur la limitation de la production entre juin et octobre 1995 mis en œuvre au moyen, d’une part, d’un arrêt coordonné de la production de ronds à béton durant l’été 1995  et, d’autre part, d’un échange d’informations confidentielles sur les commandes et les livraisons entre juin et octobre 1995. Elle invoque à cet égard deux griefs.

a)      Sur le premier grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante à l’arrêt coordonné de la production de ronds à béton durant l’été 1995

502    La requérante considère que la Commission n’a pas établi sa participation à l’arrêt coordonné de la production pendant l’été 1995. D’une part, elle soutient que sa participation à la réunion du 13 juin 1995 n’est pas prouvée et qu’elle n’a pas répondu au questionnaire envoyé par Leali aux entreprises productrices le 22 juin 1995, visant à recueillir les informations sur les périodes de fermeture durant l’été 1995. D’autre part, elle affirme ne pas avoir adhéré à la concertation, comme le prouveraient plusieurs documents établissant que, au cours de l’été 1995, elle a mis en œuvre des arrêts de production différents de ceux convenus, ce qui aurait été perçu comme une distanciation publique.

503    À cet égard, il ressort de la décision attaquée que, entre le 13 juin 1995 et le 23 mai 2000, l’entente a été étendue à la limitation ou au contrôle de la production et des ventes de ronds à béton (considérants 641 à 674, 676 et 677). Ce volet de l’entente avait pour objectif de soutenir l’augmentation du prix de base convenue lors de la réunion du 13 juin 1995 et s’appuyait notamment sur l’arrêt coordonné de la production (considérants 641, 649 à 654, 658 et 670) et un échange d’informations confidentielles (considérants 641, 643 à 648, 651, 654 à 656, 659 à 663, 668, 672, 674 et 682).

504    La Commission a constaté que, lors de la réunion du 13 juin 1995, les entreprises concernées avaient décidé à l’unanimité d’interrompre la production pour quatre semaines avant la fin du mois d’août 1995 (considérants 208, 641 et 767 de la décision attaquée).

505    La Commission a retenu la participation de la requérante à l’arrêt coordonné de la production dès le 13 juin 1995 (considérant 870 de la décision attaquée), en se fondant sur les éléments suivants :

–        le compte rendu manuscrit de la Federacciai relatif à la réunion du 13 juin 1995 indiquait qu’un arrêt de la production des ronds à béton de quatre semaines avant la fin août 1995 avait été décidé à l’unanimité (considérant 208 de la décision attaquée) ;

–        le numéro de télécopie de Feralpi figurait en cinquième position sur le rapport de transmission de la communication que Leali avait envoyée aux producteurs le 22 juin 1995, ce qui atteste que la requérante avait reçu cette communication ; or, cette dernière faisait référence « aux entretiens et aux déclarations des jours derniers concernant les décisions sur les arrêts de l’été relatives [aux destinataires] », mentionnait la nécessité de donner suite à ces décisions, remerciait ses destinataires « d’avoir expressément accepté de rallonger la période d’arrêt initialement prévue » et demandait la confirmation écrite par chacun de son calendrier des arrêts pour « rassurer réciproquement tous les acteurs » (considérants 213, 432 et 649 de la décision attaquée) ;

–        le 21 juillet 1995, la requérante avait transmis à la Federacciai son programme d’arrêt de la production prévu entre le 6 et le 28 août 1995, en précisant « comme déjà prévu » (considérants 223, 433, 649, 650 et 870 de la décision attaquée) ;

–        le 24 juillet 1995, la Federacciai avait indiqué à Leali que le programme de la requérante ne correspondait pas à celui qui avait été convenu (considérants 433, 650 et 870 de la décision attaquée).

506    Ces éléments confirment que la requérante a non seulement reçu la communication relative au programme d’arrêt de la production de l’été 1995 convenu entre les producteurs de ronds à béton, mais qu’elle a directement participé à cette concertation, du fait du caractère unanime de la décision prise à cet égard, et qu’elle l’a, de surcroît, appliquée au moins en partie (considérants 208, 223, 432, 433, 649 et 650 de la décision attaquée).

507    Dans ces conditions, la preuve que la requérante avait assisté à la réunion du 13 juin 1995 n’avait pas besoin d’être rapportée pour retenir sa responsabilité au titre du quatrième volet de l’entente à partir de cette date.

508    Quant au fait que le programme d’arrêt de la production de l’été 1995 de la requérante s’écarte partiellement de celui qui avait été préalablement convenu par les producteurs, loin de disculper la requérante, il met au contraire en évidence que cette dernière a appliqué l’entente, puisqu’elle a effectivement fermé ses unités de production durant trois semaines, à partir du 6 août 1995. En outre, elle en avait informé la Federacciai plusieurs semaines à l’avance, comme Leali, l’autre coordonnateur de l’entente, l’avait demandé à tous les producteurs.

509    Le fait que la requérante n’ait pas rigoureusement suivi la décision concertée, en ne fermant que trois semaines ses unités de production, au lieu des quatre semaines convenues dans le cadre de l’entente, ne saurait donc constituer une distanciation publique de l’entente. Au contraire, la requérante était clairement perçue par ses concurrents comme prenant part à l’entente (voir point 505 ci-dessus), ce que confirme la communication de la Federacciai à Leali du 24 juillet 1995. Cette circonstance est de nature à conforter sa participation à l’entente et, au regard de la jurisprudence rappelée au point 460 ci-dessus, constitue un obstacle à la reconnaissance d’une distanciation publique de l’entente de sa part.

510    L’écart entre le programme de la requérante et celui fixé de manière concertée montre seulement que la requérante avait finalement décidé de ne pas appliquer intégralement ce qu’elle avait convenu avec les autres membres de l’entente, ce qui, au regard de la jurisprudence rappelée au point 439 ci-dessus, et comme il est relevé au considérant 702 de la décision attaquée, peut être une manière d’utiliser l’entente à son profit.

511    Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.

b)      Sur le second grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante à l’échange d’informations sur les commandes et les livraisons entre juin et octobre 1995

512    La requérante conteste sa participation à un échange d’informations anticoncurrentiel sur les commandes et les livraisons entre juin et octobre 1995 :

–        sa participation aux réunions en cause ne serait pas établie ;

–        l’échange d’informations aurait été dépourvu de caractère anticoncurrentiel compte tenu, premièrement, des informations concernées, collectées uniquement à des fins statistiques, deuxièmement, du régime de transparence prévu par le traité CECA, qui obligeait les entreprises du secteur à communiquer à la Commission des données mensuelles relatives aux commandes, aux livraisons et au niveau d’occupation des entreprises, troisièmement, de l’absence de valeur ajoutée de ces informations pour elle et pour les autres entreprises concernées et, quatrièmement, de la structure non oligopolistique du marché en cause ;

–        il ne serait pas non plus prouvé que la Federacciai, qui avait collecté ces données, les ait transmises aux entreprises concernées, et notamment à la requérante.

513    À cet égard, selon la jurisprudence, un échange d’informations entre concurrents enfreint l’article 65, paragraphe 1, CA lorsqu’il atténue ou supprime les incertitudes quant à leur comportement envisagé, ce qui affecte leur autonomie de décision (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, points 81 et 89 et jurisprudence citée, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 35, 41 et 43)

514    Tel est le cas lorsque l’échange entre concurrents porte sur des informations commercialement sensibles et qu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 134 et jurisprudence citée) ou qu’il en facilite la perpétration (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 385).

515    Sont notamment réputées commercialement sensibles les informations portant sur les ventes futures et les capacités de production actuelles et futures (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 157 à 159, et du 8 juillet 2020, Infineon Technologies/Commission, T‑758/14 RENV, non publié, EU:T:2020:307, point 96).

516    Il en est de même des informations commerciales portant sur une période écoulée mais récente si leur diffusion permet aux récepteurs d’en déduire la position qu’occupaient sur le marché les entreprises qui les ont communiquées (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 394 à 397 et 403 à 406).

517    L’échange de telles informations par l’intermédiaire d’une association professionnelle peut contribuer au fonctionnement d’une entente et, par conséquent, enfreindre l’article 65, paragraphe 1, CA, car il peut influencer le comportement des entreprises de façon sensible, d’une part, du fait que chaque entreprise se sait surveillée de près par ses concurrents et, d’autre part, du fait que chaque entreprise peut, le cas échéant, réagir au comportement de ceux-ci, sur la base d’éléments nettement plus récents et plus précis que ceux qui seraient disponibles par d’autres moyens (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 403).

518    Enfin, un échange d’informations peut être anticoncurrentiel même lorsque le marché en cause n’est pas un marché oligopolistique fortement concentré, pour autant que l’offre sur ce marché n’ait pas un caractère atomisé (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 86).

519    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, lors de la réunion du 13 juin 1995, les entreprises concernées ont décidé de se communiquer leurs données relatives aux commandes enregistrées pour les mois de mai et de juin 1995 (considérants 208 à 211 et 641 de la décision attaquée). Puis, lors de la réunion du 29 août 1995, elles ont décidé de se communiquer leurs données relatives à la production et à l’exportation prévues mensuellement jusqu’au 31 décembre 1995 ainsi que leurs données sur le niveau des stocks au 31 août 1995 et les livraisons pour les mois de juillet et d’août 1995 (considérants 229, 230, 644, 871 et 872 de la décision attaquée).

520    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 515 et 516 ci-dessus, ce sont des informations commercialement sensibles et très récentes qui étaient échangées, puisqu’elles concernaient les ventes et la production durant les semaines qui précédaient et suivaient immédiatement les demandes d’informations.

521    Conformément à la jurisprudence citée aux points 513, 514 et 517 ci-dessus, le fait pour les concurrents de s’échanger de telles informations était susceptible de réduire fortement le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché et d’influencer leur comportement de façon importante, car ces informations pouvaient servir de référence à leurs décisions futures quant à la planification de leur production et de leurs ventes et, finalement, de leurs prix, et alors que lesdites informations constituaient des éléments nettement plus récents et plus précis que ceux qui auraient été disponibles par d’autres moyens.

522    La Commission a d’ailleurs constaté que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’échange des informations confidentielles n’était pas réalisé à des fins statistiques, mais servait à contrôler la production et les ventes afin de soutenir les prix des ronds à béton (considérants 231, 232, 641, 643, 645 et 721 de la décision attaquée) et constituait donc un instrument de contrôle et de gestion de l’entente. Ainsi :

–        à la suite de la réunion du 13 juin 2015, quatorze entreprises, dont la requérante, ont transmis leurs données relatives aux commandes et ces données ont été analysées lors de la réunion du 20 juin 2015, de sorte que les entreprises qui participaient à cette réunion ont eu accès aux informations de leurs concurrents ; cet accès a permis aux entreprises concernées de vérifier comment chacune avait modifié son propre enregistrement de commandes au regard de l’augmentation du prix de base convenue lors de la réunion du 13 juin 2015 (considérant 641 de la décision attaquée) ;

–        la décision prise lors de la réunion du 29 août 1995 a été communiquée à cette date par la Federacciai aux entreprises et, le 1er septembre 1995, cette dernière a transmis à Leali les données individuelles relatives aux six premiers mois de production et de livraison de 23 entreprises, dont celles de la requérante (considérants 230, 231, 645 et 871 de la décision attaquée) ; la mention « À détruire après réception » qui figurait sur la communication de la Federacciai du 29 août 1995 (considérant 602 de la décision attaquée) ne laisse à cet égard aucun doute quant au fait que cette association avait pleinement conscience du caractère anticoncurrentiel de ce qu’elle demandait, tout comme la requérante lorsqu’elle a répondu à cette demande ;

–        les 11 septembre, 25 septembre et 5 octobre 1995, la Federacciai a demandé aux entreprises de transmettre les commandes hebdomadaires qu’elles avaient enregistrées entre la dernière semaine d’août et la première semaine d’octobre 1995 ; la requérante fait partie des entreprises qui ont répondu à ces trois demandes ; le 20 octobre 1995, la Federacciai a transmis à chacune d’elles les données de leurs concurrentes (considérants 233 à 238, 646 à 648, 871 et 872 de la décision attaquée).

523    Par ailleurs, les 1er et 6 septembre 1995, la Federacciai a indiqué à Leali que ces informations confidentielles montraient un équilibre entre production et livraisons et que, par conséquent, l’objectif convenu de soutien des prix au moyen d’un contrôle des quantités produites avait été atteint (considérants 232, 645 et 646 de la décision attaquée).

524    Les éléments indiqués au point 522 ci-dessus établissent que la requérante a pris part à l’échange d’informations anticoncurrentiel susvisé, comme il ressort notamment des considérants 231, 234, 235, 237, 238, 645 à 648, 721, 871 et 872 de la décision attaquée. Peu importe, dès lors, que sa participation aux réunions des 13 juin, 20 juin et 29 août 1995 ne soit pas établie.

525    La structure non oligopolistique du marché concerné ne remet pas en cause le caractère anticoncurrentiel de l’échange d’informations, d’autant qu’il ne s’agissait pas d’une pratique anticoncurrentielle isolée, mais d’un mécanisme destiné à faciliter un projet anticoncurrentiel plus vaste visant à augmenter les prix.

526    Dans ce contexte, l’échange d’informations ne pouvait pas être justifié par les règles du traité CECA, car il portait sur des informations commercialement sensibles et procédait d’une concertation préalable interdite par l’article 65, paragraphe 1, CA. En particulier, la décision no 1566/86/CECA de la Commission, du 24 février 1986, concernant les statistiques du fer et de l’acier (JO 1986, L 141, p. 1), que la requérante invoque, n’est d’aucune pertinence, dès lors que c’était à la Federacciai, et non à la Commission, que la requérante et ses concurrents avaient transmis leurs données sur les commandes et les livraisons et que, contrairement à l’objectif de cette décision, les buts de leur échange n’étaient pas statistiques, mais anticoncurrentiels.

527    Il résulte de ce qui précède que le second grief doit être rejeté.

528    Il convient donc d’écarter la quatrième branche et, partant, l’ensemble du septième moyen.

529    Par conséquent, la demande en suppression ou en réduction du montant de l’amende, fondée sur l’absence de preuve alléguée de la participation de la requérante à l’entente entre 1989 et 1995, doit être rejetée.

H.      Sur le huitième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée quant au constat d’une infraction unique, complexe et continue à l’égard de la requérante entre le 6 décembre 1989 et le 27 juin 2000 et d’une absence de preuve du caractère unique et continu de cette infraction

530    La requérante conteste l’existence de l’infraction unique, complexe et continue qui lui est imputée et invoque à cet égard deux griefs. D’une part, elle fait valoir que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée quant au constat d’une infraction unique, complexe et continue ayant duré en ce qui la concerne du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 et, d’autre part, elle conteste le caractère unique et continu de cette infraction.

531    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

1.      Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation concernant le constat d’une infraction unique, complexe et continue à l’égard de la requérante entre le 6 décembre 1989 et le 27 juin 2000

532    La requérante soutient que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée concernant le constat d’une infraction unique, complexe et continue ayant duré en ce qui la concerne du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000. La Commission n’aurait pas démontré l’existence d’un plan d’ensemble caractérisé par l’identité des pratiques, des produits concernés, des entreprises qui l’ont mis en place, des modalités de mise en œuvre et des personnes qui y ont participé.

533    À cet égard, il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, la Commission n’est pas tenue de répondre à chaque argument soulevé par une partie afin de se conformer à cette obligation et une réponse globale peut suffire (voir arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 147 et 150 ; du 27 septembre 2012, Dura Vermeer Groep/Commission, T‑351/06, non publié, EU:T:2012:482, point 54, et du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, non publié, EU:T:2014:61,points 168 et 169).

534    En outre, selon une jurisprudence constante transposable à l’article 65, paragraphe 1, CA, une violation de cette disposition peut résulter d’une série d’actes ou de comportements présentant un caractère unique et continu (voir, en ce sens, arrêts du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée ; du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 49 et jurisprudence citée, et du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 60).

535    Trois conditions doivent être réunies pour pouvoir imputer à une entreprise sa participation à une infraction unique. Premièrement, aux fins de constater l’existence d’une telle infraction, il appartient à la Commission d’établir que les comportements en cause s’inscrivaient dans un plan d’ensemble mis en œuvre par les entreprises concernées en vue de la réalisation d’un objectif anticoncurrentiel unique. À cet égard, doivent notamment être pris en considération, le cas échéant, l’identité des produits concernés, l’identité des modalités de mise en œuvre de l’entente, l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, points 124 et 125 ; du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, points 1295 et 1296, et du 7 novembre 2019, Campine et Campine Recycling/Commission, T‑240/17, non publié, EU:T:2019:778, points 238 et 242 à 244 et jurisprudence citée).

536    Deuxièmement, l’entreprise en cause doit avoir entendu contribuer par son propre comportement au plan anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêts du 24 septembre 2020, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission, C‑601/18 P, EU:C:2020:751, point 130, et du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 118 et jurisprudence citée).

537    Troisièmement, l’entreprise en cause doit avoir eu une connaissance, prouvée ou présumée, des comportements infractionnels des autres participants à l’entente (arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, points 60 et 69 ; voir, également, arrêts du 24 septembre 2020, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission, C‑601/18 P, EU:C:2020:751, point 130 et jurisprudence citée, et du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 118 et jurisprudence citée).

538    Lorsque ces conditions sont réunies, l’entreprise peut être tenue pour responsable des comportements auxquels elle a directement pris part, mais aussi de ceux mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction, pour toute la période de sa participation à cette infraction (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 61, et du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, point 48).

539    En l’espèce, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique, complexe et continue à l’article 65, paragraphe 1, CA entre le 6 décembre 1989 et le 4 juillet 2000 (considérants 631, 674 à 676, 679 et 682 de la décision attaquée) et a imputé cette infraction à la requérante entre le 6 décembre 1989 et le 27 juin 2000 (considérants 865, 885 et article 1er de la décision attaquée).

540    En premier lieu, il ressort de la décision attaquée que les comportements des parties à l’entente avaient tous pour objectif d’augmenter le prix des ronds à béton (considérants 620, 631, 640, 643, 646, 651, 653, 657, 659, 661, 662, 665, 667, 670 à 672, 674, 682, 716, 717, 726 et 778) et que cette identité d’objectif n’a pas varié durant les dix années de l’infraction (considérant 726).

541    Premièrement, il s’agissait de l’objectif des comportements relatifs au prix de base et aux suppléments de prix, soit les deux composantes du prix des ronds à béton (considérants 620, 631, 632, 639, 640 et 726 de la décision attaquée).

542    Deuxièmement, les pratiques relatives aux délais de paiement avaient le même objet, car le fait de renoncer à accorder des délais de paiement plus longs que ceux des concurrents, en uniformisant ainsi les charges financières que, du fait de ces délais, les clients des parties étaient tenus de supporter, équivalait à supprimer ou à réduire de possibles différenciations entre les prix des concurrents (considérants 619, 620, 716 et 726 de la décision attaquée). Ces pratiques ont renforcé la solidité de l’entente, ladite décision faisant référence au caractère unanime de certaines décisions prises à cet égard et à la volonté des entreprises d’appliquer les délais concertés sans exception (considérant 618 de la décision attaquée), en éliminant également ce facteur de concurrence entre les entreprises.

543    Troisièmement, le volet de l’entente relatif au contrôle et à la limitation de la production et des ventes visait à combattre l’offre excédentaire, qui exerçait une pression à la baisse sur les prix, afin de soutenir également l’augmentation des prix (considérants 643, 653, 657, 659, 667, 670, 672, 674, 682, 721, 726 et 772 de la décision attaquée).

544    En particulier, la limitation de la production mise en œuvre entre l’été et l’automne 1995 s’est appuyée, d’une part, sur les fermetures concertées des usines (considérants 641, 649 et 650 de la décision attaquée ; voir également points 503 à 505 ci-dessus) et, d’autre part, sur l’échange d’informations relatif aux commandes et aux livraisons, qui a permis aux entreprises impliquées d’acquérir une meilleure connaissance du marché (considérants 641, 643 à 648 et 721 de la décision attaquée ; voir également points 519 à 523 ci-dessus). À cet égard, la Commission a cité notamment la note interne de la Federacciai du 19 juin 1995 soulignant la nécessité de « tenir le front uni sur la fermeture estivale de quatre semaines des laminoirs et aciéries » afin de « faire remonter les prix » (considérant 212 de la décision attaquée). Elle a constaté en outre, à propos de l’arrêt coordonné de la production durant l’été 1995, une augmentation du prix de base entre fin juillet et fin août 1995 (considérant 767 in fine de la décision attaquée).

545    La Commission s’est fondée également sur l’accord dénommé « PRIX-LIVRAISONS » conclu le 17 novembre 1997, à propos duquel Leali notait, dans une communication du 24 novembre 1997 adressée à sept entreprises, dont la requérante, que « la chute [des prix de base] s’[était] arrêtée grâce au contingentement des livraisons que nous respectons tous » (considérants 297 et 879 de la décision attaquée).

546    La décision attaquée cite aussi un rapport interne de l’entreprise Lucchini/Siderpotenza de novembre 1999, dans lequel il est indiqué que « l’arrêt de production convenu entre les producteurs n’a pas produit l’effet désiré, à savoir une augmentation minime des prix » (considérants 381 et 883 de la décision attaquée).

547    En deuxième lieu, il ressort de la décision attaquée que ce sont les mêmes comportements collusoires, prenant alternativement la forme d’accords et de pratiques concertées, qui ont été adoptés tout au long de la période infractionnelle sur les différents volets de l’entente (considérant 727).

548    En général, la coordination se nouait lors d’une réunion multilatérale des producteurs de ronds à béton, suivie d’une communication de la Federacciai qui en communiquait les résultats aux entreprises du secteur puis de la mise en œuvre de la coordination par au moins une partie des producteurs. Le marché était également surveillé, grâce à des réunions de contrôle des comportements concertés, et des nouvelles initiatives concertées étaient adoptées lorsque les entreprises le jugeaient nécessaire (considérants 594 à 672, 680, 685 à 688, 690 à 694, 707, 708, 712 et 715 à 717 de la décision attaquée).

549    La Commission a aussi rapporté la preuve de la conclusion d’accords anticoncurrentiels sur certains volets de l’entente (considérants 693, 694, 697 et 727 de la décision attaquée), qui se sont parfois matérialisés par écrit (considérants 695, 698 et 699 de la décision attaquée).

550    La Commission a constaté en outre qu’aucune entreprise impliquée dans l’entente ne s’en était désolidarisée publiquement entre 1989 et 2000 (considérants 701 et 729 de la décision attaquée).

551    En troisième lieu, il ressort de la décision attaquée que les comportements anticoncurrentiels constatés entre le 6 décembre 1989 et le 4 juillet 2000 ont visé les mêmes produits, à savoir les ronds à béton crantés en barres ou en rouleaux (considérants 76 et 95), et le même marché géographique, couvrant le territoire de la République italienne (considérants 96 et 115), durant toute cette période.

552    En quatrième lieu, il ressort de la décision attaquée que les comportements anticoncurrentiels ont impliqué les mêmes entreprises ainsi que la Federacciai et les mêmes personnes physiques agissant pour le compte de celles-ci. En particulier, il ressort de l’examen du septième moyen ci-dessus que la Commission a établi à suffisance de droit l’implication continue de la requérante dans tous les volets de l’entente entre le 6 décembre 1989 et la fin de l’année 1995. En outre, la requérante ne conteste pas son implication dans l’entente entre 1996 et le 27 juin 2000.

553    Il résulte de ce qui précède que la Commission a motivé à suffisance de droit, d’une part, la conclusion de la décision attaquée selon laquelle les comportements anticoncurrentiels constatés s’inscrivaient dans un même plan d’ensemble caractérisant l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 65, paragraphe 1, CA et, d’autre part, l’imputation de la responsabilité de cette infraction à la requérante entre le 6 décembre 1989 et le 27 juin 2000.

554    Le premier grief doit donc être rejeté.

2.      Sur le second grief, concernant le caractère unique et continu de l’infraction

555    La requérante conteste le caractère unique et continu de l’infraction et soulève à cet égard trois arguments.

556    En premier lieu, la requérante invoque le caractère isolé des contacts du 6 décembre 1989 sur les suppléments de prix et de l’accord de 1992 sur le prix de base. Ceux-ci ne pourraient pas être reliés entre eux, en l’absence de preuve d’autres contacts entre les parties à l’entente entre ces deux épisodes. Ils seraient en outre trop éloignés dans le temps pour être reliés aux comportements mis en œuvre entre 1993 et 1995 ou à ceux mis en œuvre entre 1996 et 2000.

557    À cet égard, il ressort de la décision attaquée que les comportements anticoncurrentiels sur les suppléments de prix ont débuté le 6 décembre 1989 et se sont poursuivis sans discontinuer jusqu’au 1er juin 2000 (considérants 621 à 638, 676 et 677 ; voir également points 348 à 353, 374 à 378, 394 à 397 et 400 à 407 ci-dessus concernant la continuité du volet de l’entente sur les suppléments de prix entre le 6 décembre 1989 et 1995) et ceux sur le prix de base se sont déroulés sans discontinuer entre le 15 avril 1992 et le 4 juillet 2000 (considérants 594 à 613, 676 et 677 ; voir également points 420 à 423, 426 à 428 et 447 à 453 ci-dessus concernant la continuité du volet de l’entente sur le prix de base entre avril 1992 et 1995).

558    Premièrement, la Commission a constaté que les comportements anticoncurrentiels sur les suppléments de prix, qui ont débuté le 6 décembre 1989 par la fixation concertée de ces suppléments, se sont poursuivis par la mise en œuvre de ces suppléments concertés par un certain nombre de producteurs, dont la requérante, entre le 7 décembre 1989 et janvier 1990 (considérants 178, 179, 621, 624, 625 et 866 de la décision attaquée ; voir également points 351, 352, 354 et 361 ci-dessus).

559    La Commission a également retenu que, dans les semaines qui ont suivi, soit dès mars 1990, les entreprises en cause, dont la requérante, ont procédé à de nouveaux alignements coordonnés de leurs suppléments de prix. Elles ont réitéré ce comportement en août 1990, en janvier-février 1991 et entre juin et août 1991 (considérants 180, 625 à 628 et 630 de la décision attaquée ; voir également points 374 à 379 ci-dessus).

560    La Commission a notamment constaté que la requérante avait pris part aux alignements de mars 1990 et de janvier-février 1991 (considérants 180, 625 et 867 de la décision attaquée ; voir également point 375 ci-dessus).

561    Quelques mois plus tard, en avril 1992, plusieurs des entreprises en cause, dont la requérante, ont décidé d’étendre leur coopération à la totalité du prix des ronds à béton, en fixant ensemble le prix de base, aux termes de l’accord de 1992 (considérants 181 à 183, 594 et 867 de la décision attaquée ; voir également points 374 à 379, 385 et 386 ci-dessus). Par cet accord, la concertation a aussi été étendue aux délais de paiement, ce qui a contribué à diminuer la concurrence des entreprises sur les prix (voir points 475, 489 et 542 ci-dessus).

562    Parallèlement, les entreprises en cause ont poursuivi leur coordination des suppléments de prix, puisque, en octobre puis en novembre 1992, soit quelques mois après la conclusion de l’accord de 1992, elles ont à nouveau aligné leurs suppléments de prix (considérants 185, 186, 625 et 630 de la décision attaquée), et la requérante a au moins pris part à ce dernier épisode d’alignement (considérants 185, 625 à 628 et 867 de la décision attaquée ; voir également points 374 à 379 ci-dessus).

563    La Commission a ainsi démontré, par les motifs exposés aux points 557 à 562 ci-dessus, que la requérante n’a pas valablement remis en cause, que la participation de celle-ci aux deux volets de l’entente sur le prix s’était poursuivie sans rupture entre le 6 décembre 1989 et la conclusion de l’accord de 1992 à la mi-avril 1992, puisque, entre ces deux épisodes, elle avait aligné à plusieurs reprises ses suppléments de prix de manière coordonnée avec ses concurrents (voir points 558 et 560 ci-dessus) et avait continué de le faire dans les mois qui avaient suivi la conclusion de cet accord (voir point 562 ci-dessus).

564    Dans ces conditions, loin de constituer des épisodes isolés et non reliés entre eux, les contacts anticoncurrentiels du 6 décembre 1989 sur les suppléments de prix et l’accord de 1992 sur le prix de base et les délais de paiement sont, au contraire, des comportements anticoncurrentiels complémentaires visant les deux composantes principales du prix des ronds à béton et contribuant ainsi à augmenter ce prix, comme cela est indiqué à juste titre aux considérants 639 et 640 de la décision attaquée. L’extension des comportements anticoncurrentiels au prix de base et aux délais de paiement en avril 1992 a ainsi renforcé l’efficacité de l’entente.

565    Deuxièmement, la Commission a relevé à juste titre dans la décision attaquée que les comportements anticoncurrentiels s’étaient poursuivis sans discontinuer entre 1993 et 1995 sur les suppléments de prix (considérants 188 à 196, 203 à 206, 218, 219, 239, 241, 625 à 627 et 629 à 632) et sur le prix de base (considérants 188 à 190, 192, 194, 196, 197, 199, 200, 203, 204, 208, 212, 215, 216, 225, 228, 229, 236, 241 et 595 à 602), y compris pour la requérante (considérants 868, 869, 871 et 873 ; voir également points 394 à 407 et 455 à 468 ci-dessus).

566    Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel les contacts du 6 décembre 1989 et l’accord de 1992 constituent des épisodes trop éloignés dans le temps pour être reliés aux comportements mis en œuvre entre 1993 et 1995 doit être rejeté.

567    Troisièmement, la Commission a considéré dans la décision attaquée que les comportements anticoncurrentiels s’étaient poursuivis sans discontinuer entre 1996 et le 1er juin 2000 sur les suppléments de prix (considérants 248, 251, 266, 274 à 277, 279, 293, 294, 300, 372, 374, 403, 404, 406, 412, 413, 625 à 627 et 630 à 632), y compris pour la requérante (considérants 875, 876, 878, 879, 882 et 884), et entre 1996 et le 4 juillet 2000 sur le prix de base (considérants 245, 246, 251 à 253, 256, 258, 261, 265, 266, 274, 279, 290 à 292, 294, 295, 297, 300, 304, 306, 322, 330, 332, 337, 386, 387, 389 à 392, 394 à 400, 402, 405, 406, 408 à 410, 412, 413, 416 et 603 à 611), y compris pour la requérante jusqu’au 27 juin 2000 (considérants 875, 876, 878, 879 et 884). Or, la requérante n’apporte aucun élément visant à contester la valeur probante des éléments retenus à cet égard dans ladite décision au titre de cette période.

568    Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel les contacts du 6 décembre 1989 et l’accord de 1992 constituent des épisodes trop éloignés dans le temps pour être reliés aux comportements mis en œuvre entre 1996 et 2000 doit être rejeté.

569    En deuxième lieu, la requérante soutient que les comportements adoptés entre 1989 et 1995 ne font pas partie de l’entente mise en œuvre entre 1996 et juin 2000, car, entre ces deux périodes, l’organisation de l’entente a changé. Premièrement, les entités ayant promu l’entente seraient différentes, car il s’agirait de la Federacciai entre 1989 et 1995 et de Leali entre 1996 et 2000. Deuxièmement, les entreprises impliquées seraient différentes, car elles auraient été 49 en 1989, 31 en 1995 et seulement 8 entre 1996 et 2000. Troisièmement, les modalités de fonctionnement de l’entente seraient différentes, car il n’y aurait pas eu de « plan d’ensemble » entre 1989 et 1995, alors que, à partir de 1996, la concertation serait devenue institutionnalisée, au moyen d’un système de réunions ayant eu lieu tous les quinze jours.

570    À cet égard, la Commission a établi dans la décision attaquée que les objectifs et la nature des comportements anticoncurrentiels constatés, d’une part, entre le 6 décembre 1989 et 1995 et, d’autre part, entre 1996 et le 4 juillet 2000, étaient restés les mêmes. À l’exception des pratiques sur les délais de paiement, qui ont pris fin le 30 septembre 1995 (voir point 476 ci-dessus), celles relatives au prix de base, aux suppléments de prix et au contrôle de la production et des ventes se sont poursuivies après janvier 1996 [considérants 595, 603 à 611, 620 et 676 à 678 (prix de base), considérants 625, 626, 630, 638, 676, 677 et 737 (suppléments de prix) et considérants 651 à 674, 676 et 677 (contrôle de la production et des ventes)].

571    À titre d’exemple, le dernier indice de l’entente datant de 1995 est une invitation du 28 décembre 1995 à une réunion fixée au 4 janvier 1996, que Leali a envoyée aux entreprises du secteur, dont la requérante (considérant 240 de la décision attaquée ; voir également point 486 ci-dessus), ce qui montre la continuité des comportements avant et après 1995.

572    En outre, entre les deux périodes, les modalités de l’entente sont restées les mêmes, même si les réunions anticoncurrentielles se sont multipliées à partir de janvier 1996. La Commission relève ainsi la tenue de 13 réunions en 1996 (considérants 242 à 265, 274 et 278 à 280 de la décision attaquée), 17 réunions en 1997 (considérants 274, 278 à 280, 281, 286, 288, 291, 293, 294, 297 et 302 de la décision attaquée), 11 réunions en 1998 (considérants 302, 305, 308, 309, 314, 322, 331 à 333 et 355 de la décision attaquée), 7 réunions en 1999 (considérants 358 et 375 de la décision attaquée) et 39 réunions entre janvier et le 4 juillet 2000, dont 25 expressément répertoriées par la Commission (considérants 383 à 416 de la décision attaquée).

573    En particulier, s’il est vrai que la Federacciai n’apparaissait plus, à partir du 3 avril 1996, comme chargée de la fonction de coordination de l’entente (considérants 170, 242 à 260, 265 et 731 de la décision attaquée), ce changement n’a eu aucun effet sur les entreprises impliquées dans l’entente, ni sur la nature de leurs comportements, ni sur l’objet et les modalités de fonctionnement de l’entente. Il ressort aussi de ladite décision que, dans l’exécution de cette fonction de coordination, à partir du 3 avril 1996, ce n’était pas en tant que représentant de l’entreprise Leali qu’agissait M. Pierluigi Leali, mais en tant que représentant de la Federacciai, en qualité de président du conseil de direction de l’Association de l’acier et des produits plats et longs de la Federacciai (considérants 170, 259, 260, 265 et 731).

574    Quant à l’évolution du nombre de producteurs de ronds à béton entre le début et la fin de l’entente, d’une part, la requérante allègue que les « producteurs de ronds à béton » à qui étaient envoyées les communications de la Federacciai entre 1989 et 1995 étaient 49 en 1989 et 31 en 1995, c’est-à-dire qu’ils étaient plus nombreux que les 8 entreprises destinataires des griefs de la Commission. D’autre part, elle indique que, au cours de la période allant de 1996 à 2000, la Commission ne mentionne que 8 entreprises participantes à l’entente.

575    À cet égard, la requérante confond acteurs du secteur et parties à la procédure. La Commission a expliqué n’avoir imputé la responsabilité des pratiques anticoncurrentielles en cause qu’aux opérateurs à l’égard desquels elle avait pu rassembler le plus de preuves (considérant 811 de la décision attaquée). Or, ces opérateurs étaient les mêmes avant et après 1995. En outre, la Commission a constaté, sans que cela ait pu être valablement remis en cause, que, entre 1989 et 2000, aucune entreprise ne s’était publiquement distanciée de l’entente (considérant 729 de la décision attaquée).

576    Il résulte de ce qui précède que l’argument de la requérante selon lequel les comportements adoptés entre 1989 et 1995 ne faisaient pas partie de l’entente mise en œuvre entre 1996 et juin 2000 doit être rejeté.

577    En troisième lieu, la requérante fait valoir que les comportements antérieurs à 1996 sont prescrits et que le Tribunal doit en tenir compte lors de la détermination du montant de son amende.

578    Pour les raisons exposées aux points 557 à 568 et 570 à 574 ci-dessus, la prescription des pratiques antérieures à 1996 doit être écartée.

579    Il résulte de ce qui précède que le second grief doit être rejeté.

580    Le huitième moyen doit donc être écarté.

581    Dans ces conditions, l’amende ne saurait être réduite, ni a fortiori supprimée, au titre du présent moyen, comme l’a demandé la requérante dans son deuxième chef de conclusions.

582    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier chef de conclusions de la requérante, tendant à l’annulation, intégrale ou partielle, de la décision attaquée, ainsi que son deuxième chef de conclusions, concernant la suppression ou la réduction du montant de l’amende qui lui est infligée dans ladite décision.

IV.    Sur les dépens

583    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Feralpi Holding SpA est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2022.

Signatures

Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Première décision de la Commission (2002)

B. Deuxième décision de la Commission (2009)

C. Troisième décision de la Commission (2019)

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et des règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018

1. Sur l’audition organisée à la suite de la reprise de la procédure administrative

2. Sur l’exécution des arrêts d’annulation

3. Sur le premier grief, concernant l’impartialité requise de la part du comité consultatif

4. Sur le deuxième grief, concernant l’absence d’acteurs importants lors de l’audition du 23 avril 2018

a) Sur la situation des entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée

b) Sur la situation des tiers justifiant d’un intérêt suffisant

c) Sur la situation des autres tiers

5. Sur le troisième grief, concernant l’impossibilité, pour la Commission, de remédier au défaut procédural censuré par la Cour

6. Sur la demande de suppression ou de réduction de l’amende présentée à l’audience par la requérante

B. Sur le deuxième moyen, tiré du refus illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure

1. Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit

2. Sur le second grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

C. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure

1. Sur le premier grief, concernant la durée des phases administratives

2. Sur le deuxième grief, concernant la durée des phases juridictionnelles

3. Sur le troisième grief, concernant la durée globale de la procédure

4. Sur le quatrième grief, concernant l’effet, sur les droits de la défense, de la longueur de la procédure

D. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, d’erreurs d’appréciation et de la violation du principe de proportionnalité

1. Sur le premier grief, concernant la décision erronée de la Commission d’adopter une nouvelle décision imposant une amende

2. Sur le deuxième grief, concernant une erreur d’appréciation commise par la Commission à propos de l’effet dissuasif pouvant être produit par une décision imposant une amende

3. Sur le troisième grief, concernant une erreur commise par la Commission dans l’appréciation de la possibilité, pour des tiers, d’introduire une action en réparation devant les juridictions nationales

4. Sur le quatrième grief, concernant la violation du principe de proportionnalité

E. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe non bis in idem et du principe de sécurité juridique

F. Sur le sixième moyen, tiré de l’illégalité du régime de prescription organisé par l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement no 1/2003

G. Sur le septième moyen, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante à l’entente entre 1989 et 1995

1. Sur le contenu des dispositions dont la violation est reprochée à la requérante

2. Sur la charge de la preuve et l’intensité du contrôle juridictionnel

3. Sur la première branche, tirée d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1989 et 1995

a) Sur le premier grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1989 et 1992

1) Sur la preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix à compter du 6 décembre 1989

2) Sur la preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1990 et 1992

b) Sur le second grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les suppléments de prix entre 1993 et 1995

4. Sur la deuxième branche, tirée d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur le prix de base entre le 13 avril 1992 et le 29 août 1995

a) Sur le premier grief, tiré d’une absence de valeur probante de l’accord du 13 avril au 30 juillet 1992

b) Sur le second grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur le prix de base entre le 25 janvier 1993 et le 29 août 1995

5. Sur la troisième branche, tirée d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur les délais de paiement entre 1992 et 1995

6. Sur la quatrième branche, tirée d’une absence de preuve de la participation de la requérante au volet de l’entente sur la limitation de la production en 1995

a) Sur le premier grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante à l’arrêt coordonné de la production de ronds à béton durant l’été 1995

b) Sur le second grief, tiré d’une absence de preuve de la participation de la requérante à l’échange d’informations sur les commandes et les livraisons entre juin et octobre 1995

H. Sur le huitième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée quant au constat d’une infraction unique, complexe et continue à l’égard de la requérante entre le 6 décembre 1989 et le 27 juin 2000 et d’une absence de preuve du caractère unique et continu de cette infraction

1. Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation concernant le constat d’une infraction unique, complexe et continue à l’égard de la requérante entre le 6 décembre 1989 et le 27 juin 2000

2. Sur le second grief, concernant le caractère unique et continu de l’infraction

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’italien.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.