Language of document : ECLI:EU:T:2019:88

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 février 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale MOULDPRO – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Causes de nullité relatives – Article 60, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 – Article 60, paragraphe 1, sous c), et article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑796/17,

Mouldpro ApS, établie à Ballerup (Danemark), représentée par Me W. Rebernik, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. P. Sipos et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Wenz Kunststoff GmbH & Co. KG, établie à Lüdenscheid (Allemagne), représentée par Mes J. Bühling et D. Graetsch, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 16 octobre 2017 (affaire R 2153/2015-4), relative à une procédure de nullité entre Mouldpro et Wenz Kunststoff,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka, et M. A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 décembre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 22 mars 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 juin 2011, l’intervenante, Wenz Kunststoff GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        Le 7 novembre 2011, l’intervenante a obtenu, auprès de l’EUIPO, l’enregistrement, sous le numéro 10022317, de la marque de l’Union européenne verbale MOULDPRO.

3        Les produits visés par la marque contestée relèvent de la classe 17 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Accouplements pour tuyaux en matières plastiques (compris dans la classe 17), tuyaux, accouplements pour fermeture rapide de tuyaux, accouplements de raccordement de tuyaux ».

4        Le 23 juin 2014, la requérante, Mouldpro ApS, a présenté une demande en nullité de la marque contestée, s’agissant des produits visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement, d’une part, de l’article 53, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 (devenu article 60, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001), lu conjointement avec l’article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphes 3 et 4, du règlement 2017/1001) et, d’autre part, de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001).

5        Le 1er octobre 2015, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

6        Le 27 octobre 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 16 octobre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

8        En premier lieu, en ce qui concerne la cause de nullité visée à l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, la chambre de recours a considéré, premièrement, que le recours était irrecevable dans la mesure où la requérante avait invoqué pour la première fois au stade du recours un droit antérieur supplémentaire comme fondement de sa demande en nullité, à savoir une dénomination sociale danoise antérieure, en plus d’une marque danoise antérieure non enregistrée. Deuxièmement, concernant la marque danoise antérieure non enregistrée, la chambre de recours a rejeté une partie des éléments de preuve produits par la requérante comme irrecevables et a considéré que les éléments de preuves recevables ne démontraient pas que la requérante avait utilisé le signe MOULDPRO dans la vie des affaires, ni avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ni à la date du dépôt de la demande en nullité.

9        En deuxième lieu, la chambre de recours a rejeté l’application de la cause de nullité visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, au motif que la requérante n’avait pas démontré que l’intervenante était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. À cet égard, la chambre de recours a relevé, en substance, que les éléments de preuves fournis par la requérante n’étaient susceptibles de démontrer ni que l’intervenante savait ou aurait dû savoir que la requérante utilisait le signe MOULDPRO pour des produits similaires à ceux visés par la marque contestée, ni une intention malveillante de l’intervenante.

10      En troisième lieu, la chambre de recours a constaté, en ce qui concerne la cause de nullité visée à l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, du même règlement, que la requérante ne semblait pas contester la conclusion de la division d’annulation selon laquelle aucune relation « agent-mandant » entre les deux parties n’avait été établie, mais que, en tout état de cause, aucune relation contractuelle entre les deux parties n’existait ni à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ni avant cette date et la requérante ne pouvait pas invoquer la coopération entre l’intervenante et la société tierce H. qui, par ailleurs, s’était terminée en 2006.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens qu’il a exposés.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux qu’elle a exposés.

 En droit

14      Au soutien de son recours la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, du même règlement, le deuxième, d’une violation de l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement et, le troisième, d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, du même règlement

15      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré à tort qu’elle n’avait pas démontré l’existence d’une relation d’agence ou de représentation entre elle et l’intervenante au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

16      Aux points 59 et 60 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, d’une part, que la requérante semblait accepter l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle aucune relation « agent-mandant » entre les deux parties n’avait été établie. D’autre part, la chambre de recours a ajouté que, en tout état de cause, premièrement, aucune relation contractuelle entre la requérante et l’intervenante n’existait ni à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 6 juin 2011, ni avant cette date. Deuxièmement, elle a nié la pertinence de la coopération entre l’intervenante et la société danoise H. en raison du fait que, selon elle, d’une part, l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 ne pouvait être invoqué par une société tierce et, d’autre part, eu égard au fait que cette relation contractuelle s’était terminée en 2006, il ne pouvait être conclu que l’intervenante aurait encore eu des obligations post-contractuelles à satisfaire en 2011.

17      La requérante conteste cette appréciation et fait valoir, premièrement, que les termes « agent » et « représentant » doivent être interprétés au sens large, qu’aucun contrat écrit formel n’est exigé et que la question pertinente est de savoir si c’est la coopération avec le titulaire de la marque qui a permis au demandeur de connaître et d’apprécier la valeur de cette marque et qui l’a incité à l’enregistrer en son propre nom. Deuxièmement, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait qu’il existait une relation continue entre le directeur de l’intervenante et son directeur, à savoir, respectivement, M.. W. et M. H. S. En effet, de 2001 à 2006, l’intervenante aurait acheté des quantités importantes de produits à la société H., la société-mère de la requérante ayant pour directeur également M. H. S., pour les vendre sur le marché allemand. De 2007 à 2009, l’intervenante aurait exercé en tant que distributeur en Allemagne pour la société danoise T., ayant pour directeur également M. H. S., et, en 2010, la requérante aurait été fondée et M. H. S. aurait invité M. W. en 2011 à discuter d’une nouvelle collaboration à la suite de quoi l’intervenante aurait déposé la demande d’enregistrement de la marque contestée en juin 2011. Selon la requérante, c’est uniquement en raison de cette relation continue et des échanges continus d’informations entre les parties, informations qui ne seraient normalement pas échangées avec un tiers, que l’intervenante a obtenu des informations sur la marque MOULDPRO et que cette dernière aurait demandé l’enregistrement de la marque contestée dans le seul but de l’exclure du marché allemand. Troisièmement, la requérante fait valoir qu’il est impossible que l’intervenante ait déposé la demande d’enregistrement de la marque contestée au hasard, sans connaître le signe MOULDPRO de la requérante, étant donné que si une recherche est effectuée pour la marque MOULDPRO en utilisant la base de données TMView, seuls deux titulaires de marques apparaîtraient, à savoir la requérante et l’intervenante.

18      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

19      L’intervenante conteste également la recevabilité du premier moyen en faisant valoir que, dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours, la requérante n’a pas contesté l’appréciation de la division d’annulation selon laquelle les preuves qu’elle avait présentées devant celle-ci n’étaient pas suffisantes pour démontrer l’existence d’une relation d’agence ou de représentation entre elle et l’intervenante au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

20      Conformément à l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’EUIPO lorsqu’il existe une marque visée à l’article 8, paragraphe 3, du même règlement et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies. Il convient ensuite de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, une marque est refusée à l’enregistrement lorsqu’elle est demandée par l’agent ou le représentant du titulaire de la marque, en son propre nom et sans le consentement du titulaire, à moins que cet agent ou ce représentant ne justifie ses agissements.

21      Il ressort du libellé de l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 que, pour qu’une opposition aboutisse sur ce fondement, il faut, premièrement, que l’opposant soit le titulaire de la marque antérieure, deuxièmement, que le demandeur de la marque soit ou ait été l’agent ou le représentant du titulaire de la marque, troisièmement, que la demande ait été déposée au nom de l’agent ou du représentant sans le consentement du titulaire et sans qu’il y ait de raisons légitimes justifiant les agissements de l’agent ou du représentant et, quatrièmement, que le dépôt concerne essentiellement des signes et des produits identiques ou similaires. Ces conditions sont cumulatives [arrêt du 13 avril 2011, Safariland/OHMI – DEF-TEC Defense Technology (FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR), T‑262/09, EU:T:2011:171, point 61].

22      S’agissant des termes « agent » et « représentant » visés par l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, le Tribunal a jugé qu’ils devaient être interprétés largement, de façon à couvrir toutes les formes de relations fondées sur un accord contractuel aux termes duquel l’une des parties représentait les intérêts de l’autre, et ce indépendamment de la qualification de la relation contractuelle établie entre le titulaire ou le mandant et le demandeur de la marque de l’Union européenne [arrêts du 13 avril 2011, FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR, T‑262/09, EU:T:2011:171, point 64, et du 9 juillet 2014, Moonich Produktkonzepte & Realisierung/OHMI – Thermofilm Australia (HEATSTRIP), T‑184/12, non publié, EU:T:2014:621, point 58].

23      Il suffit, aux fins de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, qu’il existe entre les parties un accord de coopération commerciale de nature à créer une relation de confiance en imposant au demandeur, expressément ou implicitement, une obligation générale de confiance et de loyauté eu égard aux intérêts du titulaire de la marque (arrêts du 13 avril 2011, FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR, T‑262/09, EU:T:2011:171, point 64, et du 9 juillet 2014, HEATSTRIP, T‑184/12, non publié, EU:T:2014:621, point 59). Cependant, il faut qu’il existe un accord entre les parties. Si le demandeur agit en toute indépendance, sans qu’aucune relation n’ait été établie avec le titulaire, il ne peut être considéré comme un agent au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Ainsi, un simple acheteur ou client du titulaire ne saurait être considéré comme un « agent » ou un « représentant » aux fins de l’article 8, paragraphe 3, de ce même règlement, puisque ces personnes n’ont aucune obligation particulière de confiance vis-à-vis du titulaire de la marque (arrêt du 13 avril 2011, FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR, T‑262/09, EU:T:2011:171, point 64).

24      Il convient en outre de relever que l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 tend à éviter le détournement d’une marque par l’agent du titulaire de celle-ci, l’agent pouvant exploiter les connaissances et l’expérience acquises durant la relation commerciale l’unissant audit titulaire et, partant, tirer indûment profit des efforts et de l’investissement que le titulaire de la marque aurait lui-même fournis [arrêts du 6 septembre 2006, DEF-TEC Defense Technology/OHMI – Defense Technology (FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR), T‑6/05, EU:T:2006:241, point 38, et du 29 novembre 2012, Adamowski/OHMI–Fagumit (FAGUMIT), T‑537/10 et T‑538/10, EU:T:2012:634, point 22].

25      C’est notamment à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner le premier moyen soulevé par la requérante, tiré d’une violation de l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, du même règlement.

26      En ce qui concerne la recevabilité du moyen, contestée par l’intervenante, il y a lieu de relever que, certes, la requérante n’a pas invoqué devant la chambre de recours une violation, par la division d’annulation, de l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, du même règlement.

27      Toutefois, il découle du principe de la continuité fonctionnelle entre les instances de l’EUIPO que l’étendue de l’examen que la chambre de recours est tenue d’opérer à l’égard de la décision faisant l’objet du recours n’est pas, en principe, déterminée par les moyens invoqués par la partie ayant formé le recours. Dès lors, même si la partie ayant introduit le recours n’a pas soulevé un moyen spécifique, la chambre de recours est néanmoins tenue d’examiner, à la lumière de tous les éléments de droit et de fait pertinents, si une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision faisant l’objet du recours peut ou non être légalement adoptée au moment où il est statué sur le recours [arrêts du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, EU:T:2003:241, points 25, 26 et 29, et du 30 septembre 2014, Scooters India/OHMI – Brandconcern (LAMBRETTA), T‑132/12, non publié, EU:T:2014:843, point 24].

28      Dans la mesure où il est constant que la requérante a fait valoir la cause de nullité visée à l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, du même règlement dans sa demande en nullité et qu’elle a présenté des observations à cet égard devant la division d’annulation, force est de constater que le présent moyen figurait dans le dossier dont était saisie la chambre de recours. L’intervenante ne saurait par conséquent faire valoir que le présent moyen est irrecevable au seul motif qu’il n’aurait pas été réitéré devant la chambre de recours. En effet, c’est à bon droit que la chambre de recours a procédé, dans la décision attaquée, à l’analyse des conditions de la cause de nullité mentionnées au point 21 ci-dessus.

29      En conséquence, il y a lieu d’examiner le premier moyen sur le fond et donc la question de savoir si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis par la requérante ne suffisaient pas à démontrer que la deuxième condition prévue à l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, relative à l’existence d’une relation de représentation, était remplie en l’espèce.

30      À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que la charge de la preuve de l’existence d’une relation de représentation pèse, en l’espèce, sur la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR, T‑262/09, EU:T:2011:171, point 67).

31      Ensuite, il convient de rejeter, en premier lieu, ainsi que le font valoir l’EUIPO et l’intervenante, la série d’arguments soulevée par la requérante, tirés des relations commerciales entre l’intervenante et les sociétés danoises H. (de 2001 à 2006) et T. (de 2007 à 2009).

32      Premièrement, il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 que ses dispositions ne s’appliquent que si le demandeur de la marque en cause est ou a été l’agent ou le représentant du titulaire de la marque en cause. Étant donné que la requérante prétend être le titulaire de la marque MOULDPRO au sens de cette disposition, l’existence de relations commerciales entre l’intervenante et des sociétés tierces n’est pas susceptible de démontrer que l’intervenante a été l’agent ou le représentant de la requérante. La circonstance que H. est la société-mère de la requérante et que M. H. S. est ou a été le directeur de cette société, de la société T. et de la requérante ne remet pas en cause le fait qu’il s’agit de personnes morales distinctes et qu’une éventuelle obligation de l’intervenante à l’égard de H. ou de T. n’entraîne pas automatiquement d’obligation à l’égard de la requérante qui, de plus, n’a été fondée qu’en 2010, c’est-à-dire après la période pendant laquelle l’intervenante a entretenu des relations contractuelles avec les sociétés H. et T.

33      Deuxièmement, la requérante n’a pas démontré que l’intervenante avait agi en qualité d’« agent » ou de « représentant » des sociétés H. et T. S’il est vrai que les termes « agent » et « représentant » visés par l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 doivent être interprétés largement, il ressort de la jurisprudence citée aux points 22 et 23 ci-dessus qu’il doit exister entre les parties un accord de coopération commerciale de nature à créer une relation de confiance en imposant au demandeur, expressément ou implicitement, une obligation générale de confiance et de loyauté eu égard aux intérêts du titulaire de la marque. S’agissant des relations commerciales entre l’intervenante et la société T., la requérante n’a produit qu’un seul élément de preuve contenu à l’annexe E.44 de la requête qui, d’une part, a été déclaré irrecevable par la chambre de recours au point 27 de la décision attaquée et, d’autre part, consiste en une simple déclaration unilatérale de l’ancien directeur de cette société, non corroborée par d’autres éléments, qui est également le directeur de la requérante. S’agissant des relations entre l’intervenante et la société H., la requérante a, certes, produit devant l’EUIPO, aux annexes D.10 à D.13, des factures et une liste de vente qui établissaient que l’intervenante avait régulièrement acheté des produits de H. Toutefois, aucun élément n’indique que la relation entre l’intervenante et H. dépassait le cadre d’une simple relation d’acheteur à vendeur qui avait pu s’établir sans accord préalable ou qu’il existait un accord de coopération commerciale instaurant entre les parties une relation fiduciaire et comportant donc une obligation de loyauté.

34      Troisièmement, la requérante n’a pas démontré que les relations commerciales mentionnées au point 33 ci-dessus concernaient des produits commercialisés sous la marque MOULDPRO, ce qui semble, au demeurant, hautement improbable étant donné que, de l’avis même de la requérante, cette marque n’a pas été utilisée dans le commerce avant 2009.

35      Quatrièmement, il convient de relever que la relation commerciale entre H. et l’intervenante s’est terminée en 2006 et celle entre T. et l’intervenante en 2009, c’est-à-dire bien avant le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée le 6 juin 2011. S’il est vrai que l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 peut s’appliquer à des accords qui ont expiré avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, c’est à condition que le délai écoulé soit tel qu’il puisse être légitimement supposé que l’obligation de confiance et de confidentialité existait toujours lors du dépôt de la demande concernée (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR, T‑262/09, EU:T:2011:171, point 65). Compte tenu du délai écoulé en l’espèce et de l’absence d’élément concret fourni par la requérante à cet égard, il ne saurait être conclu que l’intervenante avait encore des obligations post-contractuelles à satisfaire à l’égard de H. ou de T. à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

36      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’échange de courriels entre le directeur de la requérante et celui de l’intervenante en mai et juin 2011, figurant aux annexes C.2, C.3 et E.47 à E.50 de la requête, et leur réunion qui s’est tenue en Allemagne le 31 mai 2011, il suffit de rappeler, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, d’une part, qu’il est constant entre les parties qu’aucun accord sur une coopération commerciale n’a été conclu et, d’autre part, que, eu égard à la jurisprudence citée aux points 22 et 23 ci-dessus, la seule existence de négociations concernant une coopération commerciale n’est pas susceptible de donner lieu à l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

37      En troisième lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la prétendue relation continue entre son directeur et le directeur de l’intervenante n’est pas susceptible d’entraîner en l’espèce l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Eu égard à la jurisprudence citée aux points 22 à 24 ci-dessus et aux observations effectuées aux points 31 à 36 ci-dessus, il convient de conclure que l’existence d’une relation « agent-mandant » entre l’intervenante et la requérante ne peut pas être fondée sur le fait que le directeur de la requérante et celui de l’intervenante se connaissaient dans le cadre d’une relation professionnelle qui, elle-même, ne peut être qualifiée de relation « agent-mandant » et qui, par ailleurs, implique des entreprises, des marques et des époques différentes.

38      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que c’est à tort que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

39      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement

40      Le deuxième moyen de la requérante s’articule autour de deux branches. La première branche concerne la décision de la chambre de recours de rejeter le recours contre la décision de la division d’annulation comme irrecevable dans la mesure où la requérante s’est fondée, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, sur sa dénomination sociale Mouldpro ApS. La deuxième branche du deuxième moyen concerne le rejet du recours comme non-fondé dans la mesure où la requérante a invoqué l’utilisation de la marque danoise antérieure non enregistrée MOULDPRO à l’appui de sa demande en nullité.

 Sur la première branche du deuxième moyen

41      Aux points 18 et 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a justifié son rejet partiel du recours de la requérante comme irrecevable par le fait que, d’une part, les droits antérieurs sur lesquels une demande en nullité était fondée ne pouvaient être étendus une fois que la demande était déposée et, d’autre part, que la requérante avait invoqué pour la première fois au stade du recours une dénomination sociale danoise antérieure comme fondement de sa demande en nullité, en plus d’une marque danoise antérieure non enregistrée.

42      La requérante conteste cette appréciation et fait valoir, premièrement, que l’invocation de la dénomination sociale ne constitue pas un nouvel argument, qu’il s’agit du droit antérieur qu’elle a toujours invoqué et qui a été établi lorsqu’elle a été créée en février 2010. Deuxièmement, la requérante soutient que l’invocation de la dénomination a été documentée dans le cadre de la demande en nullité initiale et dans les documents figurant aux annexes C.1 et D.7 de la requête.

43      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

44      Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 163, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, la division d’annulation est chargée de statuer sur les demandes en déchéance et en nullité d’une marque de l’Union européenne et que, en vertu de l’article 165, paragraphe 1, du même règlement, les chambres de recours sont chargées de statuer sur les recours formés, notamment, contre les décisions des divisions d’annulation. Il s’ensuit qu’il appartient à la division d’annulation de statuer, en premier ressort, sur la demande en nullité, telle que définie par les différentes demandes et par les différents actes procéduraux des parties [arrêt du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 46].

45      Dans ce contexte, il convient de rappeler la règle 37, sous b), ii), du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), tel que modifié [devenue article 12, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). Cette règle s’applique en l’espèce, conformément à l’article 82, paragraphe 2, sous f), du règlement délégué 2018/625, eu égard au fait que la requérante a présenté sa demande en nullité le 23 juin 2014. Cette règle prévoit qu’une demande en nullité, fondée sur l’actuel article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, contient des précisions sur le droit sur lequel est fondée la demande en nullité, ainsi que, le cas échéant, des éléments démontrant que le demandeur est habilité à invoquer le droit antérieur comme cause de nullité. La règle 39, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 (devenue article 15, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625) prévoit que si l’EUIPO constate qu’une demande ne satisfait pas à la règle 37, il invite le demandeur à remédier aux irrégularités constatées et rejette la demande pour irrecevabilité s’il n’est pas remédié auxdites irrégularités dans le délai imparti par l’EUIPO.

46      Eu égard aux observations précédentes, il convient de constater, en premier lieu, comme le fait valoir l’EUIPO, qu’il n’est pas permis à la demanderesse en nullité d’invoquer, pour la première fois devant la chambre de recours, l’existence d’une nouvelle « marque non enregistrée » ou d’un nouvel « autre signe utilisé dans la vie des affaires » comme fondement de la cause de nullité visée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Admettre le contraire impliquerait l’examen, par la chambre de recours, de considérations juridiques et factuelles nouvelles qui sortent du cadre de la procédure de nullité soumise et traitée par la division d’annulation.

47      En second lieu, il convient d’examiner la question de savoir si la requérante a invoqué pour la première fois devant la chambre de recours sa dénomination sociale comme étant un droit antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 ou s’il s’agit, comme le fait valoir la requérante, du droit antérieur qu’elle a toujours invoqué.

48      Premièrement, il convient de relever que les pages 6 et 7 de la demande en nullité, qui concernent l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, ne contiennent aucune mention explicite de la dénomination sociale de la requérante comme étant un droit antérieur au sens de cette disposition. Il en va de même des pages 8 et 9 des observations de la requérante devant la division d’annulation, qui concernent le même article. Contrairement à ce que soutient la requérante, les documents figurant aux annexes C, C.1 et D.7 de la requête ne démontrent pas non plus qu’elle a invoqué le fait que sa dénomination sociale constituait un droit antérieur dans le cadre de la procédure devant la division d’annulation. Comme le fait valoir l’EUIPO, il ressort du dossier que ce n’est que dans le contexte de la relation « agent-mandant » au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 que la requérante a mentionné sa dénomination sociale et apporté des preuves quant à son existence dans ce contexte.

49      En revanche, en ce qui concerne l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, et notamment l’existence d’un droit antérieur au sens de cette disposition, le paragraphe consacré à cette condition dans la demande d’annulation est intitulé « l’opposant est titulaire d’une marque non enregistrée » et y cite l’article 3, paragraphe 1, de la Varemærkelov (loi sur les marques), comme étant le fondement de son droit antérieur, qui prévoit l’acquisition d’une marque par l’usage pour les produits ou services pour lesquels elle est utilisée.

50      Deuxièmement, il convient de relever que, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, la référence au signe MOULDPRO en tant que marque non enregistrée acquise par l’usage ne peut pas être interprétée en ce sens qu’elle a invoqué, en même temps, la dénomination sociale Mouldpro ApS comme étant un deuxième droit antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.

51      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, les deux droits ne sont pas identiques, sont régis par des dispositions juridiques distinctes et sont soumis à des conditions différentes. Il découle des pages 6 et 7 de la demande en nullité et de l’annexe E. 29 de la requête que, selon le droit danois, le fondement d’une marque non enregistrée acquise par l’usage est l’article 3, paragraphe 1, de la loi danoise sur les marques, qui suppose le début et la continuation de l’usage du signe concerné pour des produits ou des services spécifiques. Par ailleurs, en vertu de l’article 15, paragraphe 4, sous ii), de ladite loi, une telle marque donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. En revanche, en ce qui concerne la dénomination sociale, il ressort des observations de la requérante elle-même, effectuées pour la première fois devant la chambre de recours, que la requérante invoque, à cet égard, les articles 18 et 20 de la Lov om markedsføring (loi sur les pratiques du commerce) ainsi que l’article 14, paragraphe 4, de la loi danoise sur les marques et que la protection de ladite dénomination sociale repose sur l’inscription de la requérante au registre du commerce danois.

52      Il convient en outre de relever qu’il ressort du recours devant la chambre de recours que la requérante, elle-même, a considéré que sa dénomination sociale pouvait être invoquée de manière alternative à la marque non enregistrée et donc qu’elle constituait un nouveau droit antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.

53      En effet, tout d’abord, la manière dont sont structurés les moyens, soulevés dans le cadre du recours devant la chambre de recours, plaide en ce sens. La requérante analyse, dans la section 1 de son mémoire exposant les motifs du recours (pages 2 à 6), l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, sur le fondement de la marque non enregistrée danoise MOULDPRO, dans la section 2 de son mémoire exposant les motifs du recours (pages 6 à 9), l’application de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et, dans la section 3 de son mémoire exposant les motifs du recours (pages 9 à 11), de nouveau l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, mais cette fois, sur la base de sa dénomination sociale.

54      En outre, les observations effectuées par la requérante dans la section 3 de son mémoire exposant les motifs du recours corroborent cette conclusion. La requérante a notamment indiqué, à la page 9 de son recours ce qui suit :

« Si nous choisissons d’ignorer le fait que [la requérante] est titulaire d’un droit antérieur sous la forme d’une marque non enregistrée, l’enregistrement par [l’intervenante] de la marque [contestée] constitue toujours une violation des droits de [la requérante], car l’enregistrement viole les droits de [la requérante] fondés sur sa dénomination sociale ».

55      Par ailleurs, il convient de rappeler que c’est dans le cadre de ces observations que la requérante a, pour la première fois, cité les articles 18 et 20 de la loi danoise sur la consolidation des pratiques de commercialisation et l’article 14, paragraphe 4, de la loi danoise sur les marques qui constituent, selon elle, la base juridique de la protection de sa dénomination sociale.

56      Dans ces conditions, c’est à juste titre que la chambre de recours a rejeté le recours fondé sur la dénomination sociale de la requérante comme étant irrecevable.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen

57      Dans le cadre de la deuxième branche de son deuxième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, en rejetant le recours également dans la mesure où elle s’était fondée sur la marque danoise antérieure non enregistrée MOULDPRO.

58      La requérante fait valoir, premièrement, que, au Danemark, l’obtention d’une marque non enregistrée est très facile et possible à compter du moment où la marque est utilisée pour la première fois et dès lors que la communication de la marque s’adresse au public et n’est pas simplement interne. Selon la requérante, elle a suffisamment démontré l’usage de son appellation commerciale, qui correspondrait à la marque non enregistrée, dans la vie des affaires au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée en 2011 et jusqu’à la date du dépôt de sa demande en nullité en 2014. Deuxièmement, la requérante affirme qu’elle a été fondée par M. H. S. le 5 février 2009 et qu’elle a commencé à commercialiser la marque MOULDPRO à la fois au Danemark et en Allemagne. La requérante soutient que les éléments de preuve figurant aux annexes C.1, D.7, D.14 à D.18, E.32 à E.43 de la requête démontrent l’usage étendu par elle de la marque MOULDPRO à partir de 2009 et renvoie, à cet égard, à ses mémoires déposés devant l’EUIPO (annexes C, D et E) dans lesquels elle aurait détaillé le contenu de ses observations.

59      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

60      Conformément à l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, une marque de l’Union européenne est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’EUIPO lorsqu’il existe un droit antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, du même règlement et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies.

61      Il convient ensuite de rappeler que, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, le titulaire d’un signe autre qu’une marque enregistrée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si celui-ci remplit cumulativement quatre conditions. Ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires, il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale, le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union européenne ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne et, enfin, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [arrêt du 29 juin 2016, Universal Protein Supplements/EUIPO – H Young Holdings (animal), T‑727/14 et T‑728/14, non publié, EU:T:2016:372, point 22].

62      Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée du signe invoqué, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et doivent donc être uniquement interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, le règlement 2017/1001 établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement. En revanche, il résulte de l’expression « lorsque et dans la mesure où, selon […] le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe » que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement 2017/1001, constituent des conditions fixées par le règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué (arrêt du 29 juin 2016, animal, T‑727/14 et T‑728/14, non publié, EU:T:2016:372, points 23 et 24).

63      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 26 à 40 de la décision attaquée, que les éléments de preuve produits par la requérante étaient insuffisants pour démontrer que, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et à la date de dépôt de la demande en nullité, les deux premières conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, relatives à l’usage du signe MOULDPRO, étaient remplies.

64      À l’instar de l’EUIPO, il convient de relever, en premier lieu, que, dans la mesure où la requérante renvoie, au point 46 de la requête, à la « documentation déjà fournie qui montre plus en détail l’usage étendu de la marque [Mouldpro] par [elle] (annexes C.1, D.7 et D.14 à 18) », aux annexes E.32 à E.43 de la requête et aux « mémoires exposant les motifs de recours (annexes C, D, E) dans lesquels [elle] détaille le contenu de ses observations », un tel renvoi global et non spécifique est irrecevable.

65      Il ressort d’une jurisprudence constante que, si le texte de la requête peut être étayé par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale [voir arrêt du 22 juin 2017, Biogena Naturprodukte/EUIPO (ZUM wohl), T‑236/16, EU:T:2017:416, point 12 et jurisprudence citée].

66      Tel est le cas en l’espèce, d’autant plus que, d’une part, la chambre de recours a constaté, au point 27 de la décision attaquée, qu’une partie des éléments de preuves auxquels avait renvoyé la requérante, à savoir les annexes E.32 à E.34, était irrecevable et, d’autre part, elle a procédé, aux points 30 à 39 de la décision attaquée, à un examen détaillé des éléments de preuve auxquels la requérante avait renvoyé au point 46 de la requête. Ainsi, la chambre de recours a considéré que les déclarations écrites de M. H. S. et de l’auditeur de la requérante (annexes E.42 et E.43) n’étaient pas des preuves fiables et convaincantes, que la majorité des preuves précédant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée faisait référence à l’usage du signe MOULDPRO par la société H., que les éléments de preuve qui attestaient un lien direct avec la requérante (annexes C.1, D.23 et E.46) ne suffisaient pas à démontrer la portée géographique et économique de l’usage dudit signe et que les seuls éléments de preuve précédant la date de dépôt de la demande en nullité démontrant l’usage du signe MOULDPRO (annexes E.36 et E.37) renvoyaient à des produits différents de ceux visés par la marque contestée et ne mentionnaient pas la requérante. Malgré cette analyse détaillée, la requérante a renvoyé auxdits éléments de preuves sans fournir d’argument concret qui permettrait de remettre en cause l’examen des preuves effectué par la chambre de recours.

67      En deuxième lieu, s’agissant des autres observations figurant aux points 38 à 52 de la requête, il convient de constater que la requérante soutient, en substance, que l’acquisition d’une marque non enregistrée ne requiert, selon la loi danoise sur les marques et la jurisprudence pertinente, qu’un niveau d’usage faible et que, dès lors qu’elle avait prouvé cette condition, elle pouvait donc interdire tout enregistrement non autorisé de la marque MOULDPRO.

68      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, la jurisprudence citée aux points 60 et 61 ci-dessus, selon laquelle le règlement 2017/1001 établit des standards uniformes concernant les deux premières conditions relatives à l’usage et la portée du signe non enregistré.

69      En outre, il ressort de la jurisprudence que l’objet commun des deux premières conditions posées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 est de limiter les conflits entre les signes en empêchant qu’un droit antérieur qui n’est pas suffisamment caractérisé, c’est-à-dire important et significatif dans la vie des affaires, puisse faire obstacle à l’enregistrement d’une nouvelle marque de l’Union européenne et qu’une telle faculté d’opposition doit être réservée aux signes qui sont effectivement et réellement présents sur leur marché pertinent (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 157).

70      Il convient donc de constater que les deux premières conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, relatives à l’usage et à la portée du signe, diffèrent de celles qui, selon les observations de la requérante, sont fixées par la loi danoise sur les marques et qui ne requerraient qu’un niveau d’usage faible pour l’acquisition d’une marque danoise non enregistrée. Il s’ensuit que les observations de la requérante effectuées dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de la chambre de recours concernant les deux premières conditions visées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.

71      En troisième lieu, il convient de relever que, étant donné que les quatre conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 sont cumulatives, la chambre de recours n’était pas tenue de trancher la question de savoir si, comme le soutient la requérante, les preuves qu’elle avait fournies étaient suffisantes afin de démontrer l’acquisition par elle de la marque danoise non enregistrée MOULDPRO. Dès lors, même à supposer que la requérante soit le titulaire d’une telle marque non enregistrée, l’absence de preuves suffisantes démontrant l’usage dans la vie des affaires et la portée non exclusivement locale dudit signe permettait le refus d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.

72      Partant, la chambre de recours n’a pas violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, en rejetant le recours également dans la mesure où la requérante s’était fondée sur la marque danoise antérieure non enregistrée MOULDPRO.

73      À la lumière des observations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

74      Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours n’a correctement évalué ni les faits de l’affaire ni les éléments de preuve présentés et qu’elle a ainsi commis une erreur de droit en estimant que le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée n’avait pas été effectué de mauvaise foi.

75      La requérante fait valoir, en substance, premièrement, qu’il ne saurait raisonnablement être mis en doute que l’intervenante avait bel et bien connaissance de la marque de la requérante au moment où elle a déposé cette demande, compte tenu, tout d’abord, de la relation commerciale très étroite et de longue durée entre elle et l’intervenante et du fait qu’elle avait été fondée sous la dénomination sociale MOULDPRO ApS en juin 2010 et avait ensuite commencé à utiliser cette marque dans la vie des affaires. De plus, la requérante se fonde, à cet égard, sur le fait que les parties opèrent dans le même secteur et sur la mention répétée de la marque MOULDPRO dans la correspondance antérieure au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’il est irréaliste de croire que l’intervenante a demandé par hasard l’enregistrement d’une marque identique à la sienne peu de temps après qu’elle a commencé à utiliser celle-ci. Troisièmement, la requérante fait valoir que l’examen de la question de savoir si le demandeur a, ou non, fait usage de la marque depuis son enregistrement peut permettre d’interpréter l’intention de ce dernier au moment du dépôt de la demande d’enregistrement. Dans ce contexte, la requérante fait également valoir que l’intervenante n’a jamais mentionné sa demande d’enregistrement de la marque contestée durant la phase de négociation, à savoir de 2011 à 2014, malgré le conflit d’intérêts évident et bien que la marque MOULDPRO serait apparue de nombreuses fois dans leur correspondance après le 6 juin 2011.

76      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

77      À titre liminaire, il convient de rappeler que le régime d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne repose sur le principe du « premier déposant », inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. En vertu de ce principe, un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle, qu’il s’agisse d’une marque de l’Union européenne, d’une marque enregistrée dans un État membre ou par l’Office Benelux de la propriété intellectuelle, d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ou encore d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union. En revanche, sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, la seule utilisation par un tiers d’une marque non enregistrée ne fait pas obstacle à ce qu’une marque identique ou similaire soit enregistrée en tant que marque de l’Union européenne, pour des produits ou des services identiques ou similaires [arrêt du 28 janvier 2016, Davó Lledó/OHMI – Administradora y Franquicias América et Inversiones Ged (DoggiS), T‑335/14, EU:T:2016:39, point 43].

78      Cette règle est nuancée, notamment, par l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en vertu duquel la nullité d’une marque de l’Union européenne doit être déclarée, sur demande présentée devant l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque (arrêt du 28 janvier 2016, DoggiS, T‑335/14, EU:T:2016:39, point 44).

79      La notion de mauvaise foi visée à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation de l’Union (arrêt du 28 janvier 2016, DoggiS, T‑335/14, EU:T:2016:39, point 45).

80      Selon la jurisprudence, la notion de mauvaise foi se rapporte à une motivation subjective de la personne présentant une demande d’enregistrement de marque, à savoir une intention malhonnête ou un autre motif dommageable. Elle implique un comportement s’écartant des principes reconnus comme étant ceux entourant un comportement éthique ou des usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale [arrêt du 7 juillet 2016, Copernicus-Trademarks/EUIPO – Maquet (LUCEO), T‑82/14, EU:T:2016:396, point 28].

81      Aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 53).

82      Parmi les facteurs pris en compte par la jurisprudence dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, figurent, notamment, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe, le degré de protection juridique dont jouissent les signes en cause, l’intention du demandeur d’empêcher un tiers de commercialiser un produit, l’origine du signe contesté et son usage depuis sa création, la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne et la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt (voir, en ce sens, arrêts du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 38 et 44, et du 28 janvier 2016, DoggiS, T‑335/14, EU:T:2016:39, points 46 et 48).

83      Cela étant, il convient de souligner que les facteurs énumérés au point 81 ci-dessus ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte à l’effet de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement au moment du dépôt de la demande de marque (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, DoggiS, T‑335/14, EU:T:2016:39, point 47).

84      Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il incombe au demandeur en nullité qui entend se fonder sur le motif visé à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière et que la bonne foi est présumée jusqu’à preuve du contraire [arrêt du 8 mars 2017, Biernacka-Hoba/EUIPO – Formata Bogusław Hoba (Formata), T‑23/16, non publié, EU:T:2017:149, point 45].

85      C’est notamment à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de contrôler la légalité de la décision attaquée en ce que la chambre de recours a conclu à l’absence de mauvaise foi de l’intervenante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

86      La chambre de recours a considéré que les arguments et les éléments de preuves fournis par la requérante n’étaient pas suffisants pour réfuter la présomption de bonne foi.

87      Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours a relevé, en substance, que les éléments de preuve invoqués par la requérante ne corroboraient pas sa thèse selon laquelle l’intervenante savait ou aurait dû savoir qu’elle utilisait le signe MOULDPRO au Danemark et en Allemagne pour des produits similaires à ceux visés par la marque contestée et que, en tout état de cause, la requérante n’avait pas fourni suffisamment d’éléments permettant de considérer que l’intervenante avait agi avec une intention malhonnête lorsqu’elle avait sollicité l’enregistrement de la marque contestée.

88      Dans ce contexte, il convient de rappeler, tout d’abord, que selon la jurisprudence citée au point 81 ci-dessus le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé est l’un des facteurs susceptibles d’être pris en compte à l’effet de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement au moment du dépôt de la demande de marque.

89      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours à cet égard et renvoie aux courriels échangés entre les parties en mai et juin 2011, à l’historique de la collaboration entre M. H. S. et M. W. et à leur réunion le 31 mai 2011 en Allemagne. Elle fait valoir l’identité des signes, le fait que les parties sont actives dans le même secteur, qu’elle a été déjà inscrite en 2010 au registre de commerce danois sous la dénomination sociale MOULDPRO ApS, qu’elle a utilisé la marque MOULDPRO à partir de ce moment et qu’il existait un accord de distribution entre elle et M. B.

90      Premièrement, s’agissant des courriels de la requérante des 23 et 26 mai 2011, il est certes vrai que, comme l’a constaté la chambre de recours, la requérante n’a pas remis en cause l’affirmation de l’intervenante selon laquelle cette dernière ne les avait pas reçus en raison du fait qu’ils avaient été envoyés à une mauvaise adresse. Toutefois, il ressort des pages 2 et 3 de l’annexe E.50 de la requête que l’intervenante a répondu le 20 juin 2011 au courriel de la requérante du 6 juin 2011, qui a été envoyé à la même adresse que celle des courriels des 23 et 26 mai 2011. Il est donc hautement probable que l’intervenante a également reçu les courriels des 23 et 26 mai 2011. En ce qui concerne leur contenu, il convient de constater que ni leur objet (« visite ») ni leur texte succinct ne permettent de considérer que la réunion du 31 mai 2011 avait un objectif particulier. En outre, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 49 de la décision attaquée, que les courriels des 23 et 26 mai 2011 ne contenaient aucune référence à la marque MOULDPRO ni aucune information sur son usage s’agissant des produits ou services spécifiques.

91      Cela étant, les courriels des 23 et 26 mai 2011, tout comme le courriel du 6 juin 2011, sont signés au nom de la requérante, à savoir Mouldpro ApS. La mention de la dénomination sociale de la requérante ne permet cependant pas de conclure que l’intervenante avait connaissance du fait que la requérante utilisait effectivement le signe MOULDPRO pour commercialiser des produits qui étaient identiques ou similaires aux « accouplements pour tuyaux en matières plastiques (compris dans la classe 17), tuyaux, accouplements pour fermeture rapide de tuyaux, accouplements de raccordement de tuyaux » visés par la marque contestée, même à supposer qu’elle fût comprise comme faisant référence au secteur du moulage.

92      Deuxièmement, s’agissant du courriel envoyé par la requérante le 6 juin 2011, à savoirle jour du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, il est vrai que, comme le soutient la requérante, ce courriel propose une coopération future entre les parties. Il y est fait référence à la résiliation d’un « accord avec [M. B.] » et à la « représentation de Mouldpro [par l’intervenante] en Allemagne ». Il y a également lieu de constater que dans l’objet de ce courriel il est indiqué : « Mouldshop/Wenz » et qu’il y est fait référence à la prise de contrôle par l’intervenante du site web www.mouldshop.de ainsi qu’à la constitution d’une société conjointe, Mouldshop Deutschland GmbH. En effet, comme l’a relevé la chambre de recours, ce courriel ne mentionne pas l’existence d’une marque MOULDPRO ni les produits que la requérante commercialisait à ce moment-là ou entendait commercialiser dans le cadre de cette coopération.

93      Par ailleurs, s’agissant, dans ce contexte, de la réunion du 31 mai 2011 en Allemagne, il y a lieu de relever qu’il n’est pas contesté que cette réunion a bien eu lieu. Toutefois, comme l’a constaté la chambre de recours, la requérante n’a fourni aucun élément démontrant le contenu et l’objet de cette réunion. Même à supposer que, contrairement à ce que soutient l’intervenante, la possibilité d’une coopération ait été discutée lors de cette réunion, aucune conclusion, hormis ce qui est mentionné dans le courriel du 6 juin 2011, ne peut en être tirée.

94      Troisièmement, s’agissant des arguments selon lesquels la requérante était inscrite au registre du commerce en février 2010 et avait commencé à utiliser la marque MOULDPRO dans la vie des affaires à partir de ce moment et selon lesquels M. B. avait commencé à exercer en tant que distributeur de la requérante en Allemagne à partir du 1er juin 2010, il convient de relever que, certes, selon la jurisprudence, une présomption de connaissance, par le demandeur, de l’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, peut résulter notamment d’une connaissance générale, dans le secteur économique concerné, d’une telle utilisation, cette connaissance pouvant être déduite, notamment, de la durée d’une telle utilisation (arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 39).

95      Toutefois, les éléments fournis par la requérante ne justifient nullement de considérer que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, l’utilisation du signe MOULDPRO pour des produits similaires à ceux visés par la marque contestée était connue dans le secteur du moulage dans l’Union. La durée maximale de l’utilisation du signe MOULDPRO par la requérante entre la date de son immatriculation et la date du dépôt de la marque contestée est de seize mois. Cette période relativement courte n’est pas compensée par une utilisation étendue du signe MOULDPRO dans le secteur concerné. Au contraire, comme l’a constaté la chambre de recours, aucun élément de preuve fourni par la requérante ne permet d’établir que M. B. ou la requérante ont effectivement commercialisé des produits sous la marque MOULDPRO identiques ou similaires aux produits visés par la marque contestée.

96      S’agissant, en particulier, de l’accord de distribution invoqué par la requérante, il convient de noter qu’elle a soumis, pour la première fois devant la chambre de recours, l’annexe E.46, reproduisant un contrat entre elle et M. B., concernant l’utilisation des marques MOULDPRO et MOULDSHOP en Allemagne. À cet égard, la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait fourni aucune preuve de ventes à M. B. ou par ce dernier après l’entrée en vigueur de cet accord le 1er juin 2010, une seule facture de 1 153,21 euros antérieure à cette date ayant été produite. En outre, ni cette facture ni l’accord de distribution ne contiennent de détail sur les produits concernés et, par conséquent, rien ne permet d’apprécier s’ils concernaient des produits similaires à ceux visés par la marque contestée et appartenant à la classe 17.

97      Quatrièmement, aucune présomption de connaissance ne peut non plus être déduite du fait que, selon la requérante, il existait un historique de la collaboration longue et étroite entre les parties. Tout d’abord, il importe de souligner que la requérante n’a fourni aucun élément antérieur à l’échange de courriels de mai 2011 établissant une relation commerciale ou un accord de coopération entre elle et l’intervenante. La requérante s’appuie uniquement sur la relation entre M. H. S., son directeur, et M. W., le directeur de l’intervenante, et fait valoir que l’intervenante a exercé en tant que distributeur pour les deux sociétés danoises H. (de 2001 à 2006) et T. (de 2007 à 2009), alors que M. H. S. était directeur de ces sociétés. À l’instar de l’EUIPO, il y a toutefois lieu de relever qu’une telle relation professionnelle n’implique pas forcement que M. W. suivait les activités de M. H. S. au Danemark. Dès lors, même à supposer que le signe MOULDPRO ait été utilisé par la requérante pour des produits similaires à ceux visés par la marque contestée, le seul fait que les directeurs des parties en cause se connaissaient et qu’il existait entre eux une certaine collaboration qui concernait, toutefois, des sociétés, des marques et des produits différents n’est pas suffisant pour permettre de conclure que l’intervenante aurait dû avoir connaissance d’une telle utilisation.

98      Enfin, cinquièmement, s’agissant du fait que les signes en cause sont certes identiques, il y a lieu de relever à l’instar de l’EUIPO que le signe MOULDPRO est néanmoins une combinaison relativement simple qui est composée d’une référence au secteur du moulage (moulding en anglais) et de la terminaison « pro », qui est une abréviation courante du terme « professionnal ». En tout état de cause, l’identité des signes en conflit, prise isolément, ne permet pas de conclure que l’intervenante avait connaissance de l’utilisation du signe MOULDPRO pour des produits similaires à ceux visés par la marque contestée.

99      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de considérer que les éléments fournis par la requérante ne permettent pas de conclure que, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, l’intervenante savait ou aurait dû savoir que la requérante utilisait le signe MOULDPRO pour la commercialisation de produits similaires à ceux visés par la marque contestée.

100    Cela étant, il découle des considérations précédentes que l’intervenante a probablement pris connaissance, deux semaines avant la date du dépôt de la marque contestée, de l’existence d’une société danoise dont la dénomination sociale était Mouldpro ApS. Eu égard à la jurisprudence citée aux points 80 et 82 ci-dessus, il ne peut a priori être exclu que la circonstance que l’intervenante avait connaissance de l’existence d’une dénomination sociale identique ou similaire au signe dont l’enregistrement était demandé constitue un facteur pertinent aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur.

101    Toutefois, comme l’a relevé la chambre de recours au point 57 de la décision attaquée, la connaissance, même dans le cas où elle se rapporte à l’utilisation d’un signe similaire pour un produit identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, ne suffit pas, à elle seule, pour que soit établie l’existence de la mauvaise foi du demandeur (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, point 40). En l’espèce, la requérante n’a pas fourni suffisamment d’éléments permettant de considérer que l’intervenante avait agi avec une intention malhonnête lorsqu’elle a sollicité l’enregistrement de la marque contestée.

102    Certes, l’intention d’empêcher un tiers de commercialiser un produit peut, dans certaines circonstances, caractériser la mauvaise foi du demandeur. Tel est notamment le cas lorsqu’il s’avère, ultérieurement, que le demandeur a fait enregistrer en tant que marque de l’Union européenne un signe sans intention de l’utiliser, uniquement en vue d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C‑529/07, EU:C:2009:361, points 41, 43 et 44).

103    Toutefois, devant la chambre de recours, la requérante n’a fourni aucun élément permettant de considérer que l’intervenante avait sollicité l’enregistrement de la marque contestée en vue de la tenir à l’écart du marché allemand.

104    En effet, la requérante a présenté, devant la chambre de recours, des éléments de preuve visant à démontrer que l’intervenante avait connaissance de son usage du signe MOULDPRO, mais aucun des éléments fournis ne permet d’établir une intention malhonnête de cette dernière. L’argument selon lequel, à aucun moment au cours des discussions entre les parties, l’intervenante n’a mentionné le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée a été soulevé pour la première fois devant le Tribunal et constitue donc un fait nouveau. Or, selon la jurisprudence, le contrôle exercé par le Tribunal conformément à l’article 72 du règlement 2017/1001 est un contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours et, par conséquent, ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours (arrêt du 9 juillet 2014, HEATSTRIP, T‑184/12, non publié, EU:T:2014:621, point 76). Cet argument doit donc être écarté comme étant irrecevable.

105    En outre, il importe de noter que la circonstance, non remise en cause par la requérante, que l’intervenante a fait au moins un certain usage de la marque contestée ne plaide pas en faveur de l’idée que cette dernière a fait enregistrer la marque contestée sans intention de l’utiliser, dans le seul but d’empêcher la requérante de commercialiser ses produits en Allemagne.

106    En l’absence d’autres arguments susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les éléments de preuves n’étaient pas suffisants afin de prouver la mauvaise foi de l’intervenante, il y a lieu de rejeter le troisième moyen, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

107    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mouldpro ApS est condamnée aux dépens.

Gratsias

Labucka

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 février 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.