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ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 mars 2023 (*)

« Recours en annulation – Droit institutionnel – Membre du Parlement – Décision d’exclusion de la participation aux délégations d’observation des élections du Parlement jusqu’à la fin du mandat – Acte d’organisation interne des travaux du Parlement – Absence d’affectation des conditions d’exercice du mandat de membre du Parlement – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑196/22,

Thierry Mariani, demeurant à Paris (France), représenté par Me F.-P. Vos, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. D. Moore et T. Lukácsi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu l’ordonnance du 3 juin 2022, Mariani/Parlement (T‑196/22 R, non publiée, EU:T:2022:322),

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mai 2022, initialement dirigée contre le Parlement, la conférence des présidents du Parlement et les coprésidents du groupe de soutien à la démocratie et de coordination des élections du Parlement,

–        la mesure d’organisation de la procédure du 22 avril 2022 et la réponse du requérant du même jour confirmant que le Parlement devait être considéré comme étant la seule partie défenderesse dans la présente affaire,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Thierry Mariani, demande l’annulation de la décision D‑301939 des coprésidents du groupe de soutien à la démocratie et de coordination des élections (ci-après le « DEG ») du Parlement européen, du 3 mars 2022, de l’exclure de toute participation aux délégations d’observation des élections du Parlement jusqu’à la fin de son mandat de député (2019-2024) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Aux termes de l’article 2, de l’article 3, paragraphe 5, de l’article 21, paragraphes 1 et 2, et de l’article 23 TUE, la démocratie est l’une des valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée et cette dernière affirme et promeut cette valeur dans ses relations avec le reste du monde, notamment dans le cadre de l’action extérieure et de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) qu’elle mène conformément aux dispositions des chapitres 1 et 2 du titre V du traité UE.

3        Le 17 novembre 2009, le Conseil de l’Union européenne a adopté des conclusions sur le soutien à la démocratie dans le cadre des relations extérieures de l’Union, qui définissent une nouvelle stratégie d’appui à la démocratie, fondée sur une approche par pays, une plus grande cohérence et la participation de l’ensemble des acteurs concernés. L’Union a ensuite régulièrement réaffirmé l’importance qu’elle attachait à œuvrer davantage en faveur de la démocratie. L’observation des élections constitue un instrument central de l’Union pour soutenir les évolutions démocratiques dans les pays tiers.

4        L’article 36 TUE décrit le rôle spécifique dévolu au Parlement dans le cadre de la PESC. Celui-ci doit être régulièrement consulté et informé par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et ses vues doivent être dûment prises en considération.

5        Conformément à l’article 26, paragraphe 1, et à l’article 27, paragraphe 4, du règlement intérieur du Parlement, notamment dans sa version de janvier 2017 applicable aux faits de l’espèce, la conférence des présidents, composée du président du Parlement et des présidents des groupes politiques, est l’organe compétent, au sein du Parlement, pour les questions afférentes aux relations avec les pays tiers et avec les institutions et les organisations extérieures à l’Union. Elle a adopté plusieurs résolutions affirmant son engagement pour la promotion de démocraties durables dans le monde et mis au point une série d’outils pour soutenir cet engagement, tels que l’envoi, chaque année, de plusieurs délégations parlementaires d’observation des élections ou des référendums organisés dans des pays tiers (ci-après les « délégations d’observation »).

6        En outre, conformément au point I.9 et au point II.5 de l’annexe V du règlement intérieur du Parlement, notamment dans sa version de janvier 2017, la commission des affaires étrangères et la commission du développement du Parlement sont également compétentes pour examiner, en coopération, toute question ayant trait à la participation du Parlement à des missions d’observation électorale.

7        Par décision du 12 décembre 2011, le bureau du Parlement a créé une direction du soutien à la démocratie au sein de la direction générale des politiques externes de l’Union. En outre, ledit bureau a estimé, compte tenu du rôle de plus en plus important joué par le Parlement dans l’activité d’observation des élections, qu’il convenait d’établir une procédure spécifique pour l’envoi des délégations d’observation et a adopté, à cette fin, la décision du 9 mai 2012 concernant la structure et les compétences du DEG. Cette décision a ensuite été avalisée par la conférence des présidents le 16 mai 2012.

8        Sur cette base, la conférence des présidents a, par décision du 13 septembre 2012, formellement créé le DEG, en fixant sa composition, ses compétences et les procédures générales de son fonctionnement ainsi que les dispositions d’exécution concernant les délégations d’observation.

9        Par décision du 7 février 2019, adoptée conformément à l’article 212, paragraphe 5, du règlement intérieur du Parlement, dans sa version de janvier 2017, la conférence des présidents a arrêté des dispositions d’exécution concernant le soutien à la démocratie et les activités d’observation électorale (ci-après les « dispositions d’exécution »). Conformément à son article 15, cette décision remplaçait la décision du 13 septembre 2012.

10      L’article 1er des dispositions d’exécution dispose que le DEG mène et supervise les activités du Parlement dans le domaine du soutien à la démocratie, notamment dans les pays tiers, et qu’il est, en particulier, chargé de la mise en œuvre de toutes les activités de cette institution en matière d’observation électorale. En pratique, ainsi que le précise l’article 7 de ces mêmes dispositions, le DEG se charge de la supervision politique de toutes les activités de la direction du soutien à la démocratie.

11      À cet égard, l’article 3 des dispositions d’exécution précise que le DEG examine tous les aspects relatifs à la planification, à l’organisation et à l’évaluation des missions de délégations d’observation.

12      L’article 7 des dispositions d’exécution énonce que le DEG est coprésidé par les présidents de la commission des affaires étrangères et de la commission du développement.

13      L’article 9 des dispositions d’exécution prévoit que le Parlement peut décider d’envoyer des délégations d’observation dans des pays tiers afin de renforcer la légitimité du processus national des élections, ainsi que des référendums, d’accroître la confiance de la population dans le processus électoral, en vérifiant notamment que le déroulement de l’ensemble des opérations électorales soit le plus correct et le plus transparent possible, de mieux protéger les droits de l’homme et de contribuer, le cas échéant, à la résolution des conflits ou à la stabilisation de la structure de l’État après les conflits. Chaque délégation d’observation doit être autorisée par la conférence des présidents, sur la base d’une demande du DEG, et seules les délégations d’observation officielles peuvent effectuer des observations d’élections au nom du Parlement et représenter la position officielle de celui-ci.

14      L’article 11 des dispositions d’exécution fixe les critères dont la conférence des présidents doit tenir compte pour autoriser une délégation d’observation.

15      Aux termes de l’article 12 des dispositions d’exécution, à moins qu’il en soit décidé autrement, la délégation d’observation est composée de sept membres désignés par les groupes politiques. Lors de la nomination des députés participant à des délégations d’observation, les groupes politiques du Parlement doivent respecter les critères énoncés à l’annexe II. Chaque député désigné pour participer à une délégation d’observation signe notamment, dès sa nomination, le « [c]ode de conduite des participants aux délégations d’observation » figurant à l’annexe III (ci-après le « code de conduite ») et se conforme rigoureusement aux dispositions qui sont énoncées.

16      L’annexe II des dispositions d’exécution prévoit notamment que les groupes politiques du Parlement veillent à ce que les députés qu’ils désignent pour participer à des délégations d’observation affichent le plus haut degré d’impartialité. Les groupes politiques devraient s’abstenir de nommer un membre qui a enfreint auparavant le code de conduite. Les coprésidents du DEG se réservent le droit de prendre toutes les mesures appropriées en ce qui concerne le respect du code de conduite et l’interprétation des critères mentionnés à l’annexe II.

17      Le code de conduite reprend notamment les règles générales figurant dans le code de conduite à l’usage des observateurs électoraux internationaux que le Parlement a ratifié le 16 mai 2007, auquel les députés désignés pour faire partie des délégations d’observation sont tenus d’adhérer et de se conformer en tant que condition préalable à leur participation à une délégation d’observation. En particulier, ces députés doivent respecter l’intégrité de la mission internationale d’observation des élections et observer une stricte impartialité politique pendant toute la durée des travaux de la délégation d’observation. En cas d’infraction grave au code de conduite, le député auteur de l’infraction peut se voir interdit de toute participation aux délégations d’observation pour la durée restante de la législature.

18      Selon l’article 13 des dispositions d’exécution, les membres des délégations d’observation suivent le programme qui a été convenu dans son intégralité [réunions d’information, réunions de fin de mission, rencontres organisées avec les autorités, les partis politiques, les fonctionnaires responsables des élections, les organisations non gouvernementales (ONG), etc.]. Ils jouent un rôle actif le jour même de l’élection en se rendant dans les bureaux de vote et en observant l’ouverture et la fermeture des bureaux, le déroulement du scrutin et le dépouillement. Ils s’abstiennent de tout commentaire public sur l’organisation des élections, sur les candidats ou sur toute question politique avant la conférence de presse au cours de laquelle la déclaration préliminaire est communiquée. À la fin de leur visite, l’observateur en chef et le président de la délégation d’observation font rapport aux organes compétents du Parlement.

19      Lors de sa réunion du 13 décembre 2018, le DEG a adopté une procédure pour les « cas d’observation électorale individuelle non officielle par des membres du Parlement » (ci-après la « procédure de 2018 »). La procédure de 2018 prévoyait que de tels cas seraient examinés individuellement par les coprésidents et pourraient aboutir à l’exclusion des députés concernés de toute participation aux délégations d’observation officielle, organisées par le DEG, jusqu’à la fin de la législature, tel que cela était prévu par le code de conduite alors en vigueur. Comme cela ressort du procès-verbal de cette réunion, la procédure ainsi mise en place visait à lutter contre les visites d’observation électorale individuelles non officielles par des députés portant atteinte à la réputation du Parlement.

20      Le 26 mai 2019, le requérant a été élu député au Parlement. Il est devenu membre du groupe politique Identité et Démocratie (ID) du Parlement. Le requérant a ensuite été désigné membre du DEG pour le groupe politique ID.

21      Le 20 décembre 2019, les coprésidents du DEG ont informé l’ensemble des groupes politiques du Parlement que, pendant la législature 2019–2024, les cas d’observation d’élections, effectués par des députés à titre individuel et non officiel, seraient examinés en conformité avec la procédure de 2018.

22      Par la décision D‑303023, du 18 juin 2021, les coprésidents du DEG ont, en application de la procédure de 2018, exclu le requérant de toute participation aux délégations d’observation jusqu’à la fin de l’année 2021, au motif que ce dernier avait effectué des visites d’observation électorale individuelles non officielles dans la péninsule de Crimée, illégalement annexée par la Fédération de Russie, du 30 juin au 3 juillet 2020, et au Kazakhstan, du 8 au 12 janvier 2021. Dans cette même décision, les coprésidents du DEG ont averti le requérant que, en cas de violation similaire, il pourrait être exclu de toute participation aux délégations d’observation jusqu’à la fin de son mandat de député, en 2024.

23      Le 3 mars 2022, les coprésidents du DEG ont adopté la décision attaquée, excluant le requérant de toute participation aux délégations d’observation jusqu’à la fin de son mandat, au motif qu’il avait effectué de nouvelles visites d’observation électorale individuelles non officielles en Russie, en septembre 2021, et en Ouzbékistan, du 22 au 26 octobre 2021, en violation des dispositions d’exécution. Cette décision a été notifiée au Parlement le 16 mai 2022.

 Conclusions des parties

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Parlement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dépens.

25      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

26      En vertu de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, celui-ci peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

27      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

28      Sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité par acte séparé, au sens de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Parlement fait valoir, dans son mémoire en défense, que le recours est irrecevable, et ce pour deux raisons. D’une part, la décision attaquée, au vu de sa substance ou de son contenu, ne pourrait pas être considérée comme un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de manière caractérisée sa situation juridique, au sens de l’article 263, premier alinéa, TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence. D’autre part, la décision attaquée constituerait un acte ne touchant que l’organisation interne des travaux du Parlement, qui, en tant que tel et selon la jurisprudence, ne pourrait pas faire l’objet d’un recours en annulation.

29      Le requérant conteste l’argumentation du Parlement et soutient que le recours est recevable. D’une part, il estime que la décision attaquée le prive d’un droit, à savoir la participation aux délégations d’observation, ce qui est assimilable à une sanction et lui fait ainsi grief. D’autre part, les délégations d’observation effectueraient leurs missions en dehors de l’enceinte du Parlement et de manière autonome, de sorte qu’il ne saurait être considéré que la décision attaquée ne produirait ses effets juridiques qu’à l’intérieur du Parlement.

30      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que l’Union est une communauté de droit en ce que ses institutions n’échappent pas au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle constituée par les traités et que ces derniers ont établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier au juge de l’Union le contrôle de la légalité des actes des institutions (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, EU:C:1986:166, point 23 ; du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C‑314/91, EU:C:1993:109, point 8, et du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 48). La Cour a également jugé que, lorsque le Parlement avait, dès l’origine, été doté du pouvoir d’arrêter des dispositions à caractère obligatoire, ses actes n’avaient pas été soustraits par principe à un recours en annulation (arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, EU:C:1986:166, point 24).

31      En application de l’article 263 TFUE, le juge de l’Union contrôle la légalité des actes du Parlement destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers.

32      Concernant le point de savoir si la décision attaquée peut être considérée, aux fins de l’examen de la recevabilité du recours, comme étant un acte émanant du Parlement, il découle de la jurisprudence qu’un acte doit être considéré comme émanant du Parlement lui-même lorsqu’il a été adopté par un organe de ce dernier, en suivant les principes internes de répartition des compétences et d’adoption des décisions officiellement admis (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, EU:C:1986:166, point 20, et du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 50). En l’espèce, le DEG, qui a été officiellement chargé de la mise en œuvre de toutes les activités du Parlement en matière d’observation électorale, a adopté la décision attaquée, relevant desdites activités, en suivant les principes de répartition des compétences et d’adoption des décisions officiellement admis au sein du Parlement, tels que rappelés aux points 4 à 11 et 19 ci-dessus. La décision attaquée doit donc être considérée comme étant un acte imputable au Parlement lui-même.

33      Par ailleurs, aux fins de savoir si la décision attaquée est un acte du Parlement destiné à produire des effets juridiques à l’égard d’un tiers, en la personne du requérant, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence distingue deux catégories d’actes.

34      La première catégorie regroupe les actes du Parlement qui ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annulation, dans la mesure où ils touchent uniquement à l’organisation interne des travaux de cette institution (voir, en ce sens, ordonnances du 4 juin 1986, Groupe des droites européennes/Parlement, 78/85, EU:C:1986:227, point 11 ; du 22 mai 1990, Blot et Front national/Parlement, C‑68/90, EU:C:1990:222, points 11 et 12, et arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C‑314/91, EU:C:1993:109, point 9). Relèvent de cette catégorie, les actes du Parlement qui soit ne produisent pas d’effets juridiques, soit ne produisent des effets juridiques qu’à l’intérieur du Parlement en ce qui concerne l’organisation de ses travaux et sont soumis à des procédures de vérification fixées par son règlement intérieur (arrêts du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C‑314/91, EU:C:1993:109, point 10, et du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 52).

35      La seconde catégorie inclut les actes du Parlement qui peuvent faire l’objet d’un recours en annulation, en ce qu’ils produisent ou sont destinés à produire à l’égard de tiers des effets juridiques qui dépassent le cadre de l’organisation interne des travaux de cette institution (arrêt du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 53 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C‑314/91, EU:C:1993:109, point 11).

36      Dans le cas de députés, détenteurs d’un mandat de représentant des peuples des États membres de l’Union, il a été jugé que ceux-ci pouvaient, dans certaines conditions, constituer des tiers au sens de l’article 263 TFUE et former un recours en annulation d’un acte du Parlement, sous réserve que ce dernier dépasse le cadre de l’organisation interne des travaux de cette institution (arrêt du 26 février 2002, Rothley e.a./Parlement, T‑17/00, EU:T:2002:39, point 53) ou concerne les conditions d’exercice de leur mandat (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 61).

37      À cet égard, il a déjà été jugé que les actes relatifs à la constitution ou à la désignation de députés au sein d’organes du Parlement qui n’étaient chargés que de missions de dialogue, d’information et de contact, d’étude ou d’accompagnement parlementaire des politiques extérieures de l’Union ne concernaient que l’organisation interne des travaux de cette institution (voir, en ce sens, ordonnances du 4 juin 1986, Groupe des droites européennes/Parlement, 78/85, EU:C:1986:227, point 11, et du 22 mai 1990, Blot et Front national/Parlement, C‑68/90, EU:C:1990:222, points 10 et 11).

38      Il a également été jugé que dépassaient le cadre de l’organisation interne des travaux du Parlement les actes de cette institution qui, sur le plan substantiel, produisaient des effets juridiques de nature à affecter les conditions d’exercice du mandat des députés, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, points 59 et 60, et du 6 octobre 2021, Rivière e.a./Parlement, T‑88/20, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:664, points 34 à 37).

39      À la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 34 à 38 ci-dessus, il convient de rechercher si la décision attaquée produit des effets qui dépassent le cadre de l’organisation interne des travaux du Parlement ou si elle est de nature à affecter les conditions d’exercice du mandat du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique.

40      En l’espèce, il convient d’observer que, aux termes des articles 9 et 13 des dispositions d’exécution, tels que rappelés aux points 13 et 18 ci-dessus, les missions dévolues aux délégations d’observation se limitent à étudier le déroulement d’élections ou de référendums dans des pays tiers, à établir un contact et dialoguer avec les autorités du pays observé, à informer la presse et les organes compétents du Parlement de leur observation et, finalement, à accompagner le Parlement dans la mise en œuvre pratique des politiques extérieures de l’Union qui visent, notamment, à soutenir les évolutions démocratiques dans les pays tiers.

41      Dès lors que les effets de la décision attaquée se limitent à l’exclusion du requérant, jusqu’à la fin de son mandat, de toute participation à des délégations d’observation dont les missions se cantonnent à celles exposées au point 40 ci-dessus, cette décision doit, au regard de la jurisprudence citée aux points 36 et 37 ci-dessus, être considérée comme une mesure qui relève de l’organisation interne des travaux du Parlement.

42      Par ailleurs, au vu des missions et du rôle limités dévolus aux délégations d’observation, l’exclusion de la participation d’un député à ces délégations n’était pas susceptible de faire obstacle à la possibilité, pour ce député, de réaliser les activités inhérentes à l’exercice de son mandat et de poursuivre l’exercice de ses fonctions de membre du Parlement [ordonnance du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), non publiée, EU:C:2022:797, point 57]. En effet, les responsabilités et les tâches d’un membre du Parlement sont bien plus vastes que la participation occasionnelle à des délégations officielles du Parlement visant à observer les conditions dans lesquelles se déroulent les élections dans un État tiers et il ne saurait donc être considéré que l’exclusion de la participation à ces délégations affecte de manière significative le bon exercice des fonctions d’un membre du Parlement (voir, en ce sens, ordonnance du 3 juin 2022, Mariani/Parlement, T‑196/22 R, non publiée, EU:T:2022:322, point 30).

43      La décision attaquée ne peut donc pas non plus être considérée, au regard de la jurisprudence citée aux points 36 et 38 ci-dessus, comme une mesure qui, parce qu’elle affecterait les conditions d’exercice du mandat du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, dépasserait le cadre de l’organisation interne des travaux du Parlement.

44      Au vu de l’ensemble des appréciations qui précèdent, il est manifeste que la décision attaquée constitue exclusivement une mesure d’organisation interne du Parlement et ne constitue ainsi pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

45      En conséquence, il y a lieu de rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

47      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable.

2)      M. Thierry Mariani est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 14 mars 2023.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

F. Schalin


*      Langue de procédure : le français.