Language of document : ECLI:EU:T:2011:464

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 septembre 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Non-respect du délai pour le dépôt des motifs du recours devant la chambre de recours – Décision de la chambre de recours rejetant une requête en restitutio in integrum – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑397/10,

ara AG, établie à Langenfeld (Allemagne), représentée par Me M. Gail, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours ayant été

Allrounder SARL, établie à Sarrebourg (France),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 23 juin 2010 (affaire R 1543/2009‑1), relative à la requête en restitutio in integrum introduite par la requérante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. E. Moavero Milanesi (rapporteur), président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 septembre 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2010,

vu la décision du 10 février 2011, refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu la demande de fixation d’une audience déposée par la requérante au greffe du Tribunal le 9 mars 2011,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 6 juillet 2006, Allrounder SARL, a déposé auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) une demande d’enregistrement international désignant la Communauté pour la marque figurative suivante :

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2        Cette marque a été enregistrée sous la référence W 895423.

3        Le 5 octobre 2006, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a reçu une demande de protection de l’enregistrement international n° W 895423 en tant que marque communautaire, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

4        Les produits visés par la demande de marque communautaire relèvent notamment des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir ; cuir à doublure pour chaussures ; peaux ; malles et valises ; portefeuilles, porte-monnaie (non en métaux précieux) et, plus généralement, articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir (à l’exception des étuis adaptés aux produits qu’ils sont destinés à contenir) ; sacs à main, sacs de voyage, sacs d’écoliers ; parapluies, parasols et cannes ; fouets, harnais et sellerie » ;

–        classe 25 : « Chaussures, chaussons, chaussures de golf et plus généralement de sport, chaussures de marche ou de randonnée, chaussures de plage et plus généralement articles chaussants (à l’exception des chaussures orthopédiques) ; crampons de chaussures de golf ou de sport ; vêtements, y compris lingerie de corps, chaussettes et sous-vêtements: gants ; ceintures ; chapellerie ».

5        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 41/2006, du 9 octobre 2006.

6        Le 23 avril 2007, la requérante, ara AG, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque communautaire pour les produits visés au point 4 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée sur la marque verbale allemande antérieure A, enregistrée sous le numéro 303353444.

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

9        Le 21 octobre 2009, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

10      Le 16 décembre 2009, la requérante a déposé un recours contre la décision de la division d’opposition, au titre des articles 58 à 62 du règlement n° 207/2009.

11      Par courrier du 22 mars 2010, le greffe des chambres de recours a communiqué à la requérante qu’aucune motivation du recours n’avait encore été reçue à cette date et que son recours pouvait donc être rejeté comme étant irrecevable, en vertu de l’article 60 du règlement n° 207/2009.

12      Par courrier du 21 mai 2010, la requérante a présenté une requête en restitutio in integrum, sur le fondement de l’article 81 du règlement n° 207/2009. À cette occasion, la requérante a fait valoir, en substance, que le cabinet la représentant (ci-après le « cabinet »), lorsqu’il a reçu la décision de la division d’opposition, a d’abord inscrit, dans son système de surveillance des délais sur ordinateur, la date ultime pour le dépôt de l’acte de recours au 21 décembre 2009 et celle pour le dépôt des motifs de ce recours au 19 février 2010. Ensuite, après avoir introduit le recours le 16 décembre 2009 et en avoir reçu un accusé de réception par l’OHMI le 21 décembre 2009 (ci-après l’« accusé de réception »), Mme F., une collaboratrice du cabinet, expérimentée et qualifiée, aurait postposé la date pour le dépôt des motifs du recours au 16 avril 2010, en se basant par erreur sur la date de l’accusé de réception.

13      Par décision du 23 juin 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a considéré que le recours n’était recevable que si la requête en restitutio in integrum de la requérante était fondée. Après avoir considéré que tel n’était pas le cas, elle a rejeté le recours comme irrecevable.

14      Pour écarter la requête en restitutio in integrum, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas expliqué si l’inscription de la nouvelle date limite pour le dépôt des motifs du recours (16 avril 2010) avait remplacé la première (19 février 2010) ou bien si celle-ci avait été maintenue dans le système de surveillance, et que, même à supposer qu’un remplacement de date ait eu lieu, la requérante, ou le cabinet, n’aurait en tout état de cause pas fait preuve de toute la vigilance requise par les circonstances, dès lors que l’erreur commise serait due à l’absence d’un système interne de contrôle et de surveillance des délais approprié.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

16      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

18      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure, et ce même si une partie a demandé au Tribunal la tenue d’une audience (voir, par analogie, ordonnances du Tribunal du 24 septembre 2008, Van Neyghem/Commission, T‑105/08 P, non publiée au Recueil, point 21, et du 2 décembre 2010, Apostolov/Commission, T‑73/10 P, non publiée au Recueil, point 11). En effet, il ressort du libellé même dudit article que la tenue d’une audience ne constitue nullement un droit des requérants auquel il ne pourrait être dérogé (ordonnance de la Cour du 19 février 2008, Tokai Europe/Commission, C‑262/07 P, non publiée au Recueil, point 25).

19      La requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 81 du règlement n° 207/2009.

20      Elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que l’erreur commise par Mme F. permettait de constater l’existence d’une faute dans l’organisation du cabinet, alors qu’il s’agirait d’une simple erreur commise par une seule employée, par mégarde, à la lecture de l’accusé de réception. La requérante souligne la formation adéquate de Mme F. et le professionnalisme dont elle a fait preuve au cours des nombreuses années d’activité auprès du cabinet. Par ailleurs, Mme F. n’aurait pas été la seule personne au sein du cabinet à avoir la responsabilité d’inscrire et de surveiller les délais, ainsi que le confirmerait le fait qu’une autre collaboratrice aurait, à l’origine, inscrit dans le système le délai de recours correct, remplacé par Mme F. à la suite de la lecture de l’accusé de réception.

21      Par ailleurs, la requérante souligne que l’accusé de réception était de nature à induire en erreur, puisque, même si la décision de la division d’opposition comportait déjà une indication relative aux voies de recours et aux délais y afférents, cet accusé mentionnait un délai lié à la notification d’un document par l’OHMI.

22      En tout état de cause, l’erreur commise par Mme F. ne serait pas due à la requérante, avec la conséquence que le non-respect du délai pour le dépôt des motifs du recours ne découlerait pas d’une faute qui lui serait imputable.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 81, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, le demandeur ou le titulaire d’une marque communautaire ou toute autre partie à une procédure devant l’OHMI qui, bien qu’ayant fait preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n’a pas été en mesure d’observer un délai à l’égard de l’OHMI est, sur requête, rétabli dans ses droits si l’empêchement a eu pour conséquence directe, en vertu des dispositions dudit règlement, la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours.

24      Il ressort de cette disposition que la restitutio in integrum est subordonnée à deux conditions, la première étant que la partie ait agi avec toute la vigilance nécessitée par les circonstances et, la seconde, que l’empêchement de la partie ait eu pour conséquence directe la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours [arrêts du Tribunal du 13 mai 2009, Aurelia Finance/OHMI (AURELIA), T‑136/08, Rec. p. II‑1361, point 13, et du 20 avril 2010, Rodd & Gunn Australia/OHMI (Représentation d’un chien), T‑187/08, non publié au Recueil, point 28].

25      Il découle également de cette disposition que le devoir de vigilance incombe, au premier chef, au titulaire du droit dont il s’agit dans le cadre de la procédure devant l’OHMI. Ainsi, si le titulaire délègue les tâches administratives relatives à cette procédure, il doit veiller à ce que la personne choisie présente les garanties nécessaires permettant de présumer une bonne exécution desdites tâches. Par ailleurs, en raison de la délégation de ces tâches, la personne choisie est, tout autant que le titulaire, soumise audit devoir de vigilance. En effet, celle-ci agissant au nom et pour le compte du titulaire, ses actes doivent être considérés comme étant ceux du titulaire (voir, par analogie, arrêts AURELIA, précité, points 14 et 15, et Représentation d’un chien, précité, point 29).

26      Ainsi, il y a lieu d’écarter, tout d’abord, l’argument de la requérante selon lequel, n’ayant pas commis elle-même l’erreur à l’origine du non-respect du délai pour le dépôt des motifs du recours, sa requête en restitutio in integrum ne pourrait pas être rejetée au motif qu’elle n’aurait pas exercé toute la vigilance nécessitée par les circonstances.

27      Ensuite, il convient de rappeler que les termes « toute la vigilance nécessitée par les circonstances », figurant à l’article 81, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, requièrent la mise en place d’un système de contrôle et de surveillance interne des délais qui exclut généralement le non-respect involontaire de ceux-ci. Il s’ensuit que seuls des événements à caractère exceptionnel et, partant, imprévisibles selon l’expérience peuvent donner lieu à une restitutio in integrum (arrêt AURELIA, précité, point 26)

28      En l’espèce, le cabinet disposant d’un système informatisé de rappel des délais, la vigilance nécessitée par les circonstances requérait, premièrement, que la conception générale dudit système assure le respect des délais, deuxièmement, que ce système permette de détecter et de corriger toute erreur prévisible dans l’exécution des tâches des employés du cabinet ainsi que dans le fonctionnement du système informatisé et, troisièmement, que les employés du cabinet, amenés à saisir les données nécessaires et à utiliser ledit système, soient formés de manière adéquate, soient tenus de vérifier leurs opérations et soient supervisés (voir, en ce sens, arrêt AURELIA, précité, point 27).

29      Or, si rien ne permet de douter que la première des trois conditions rappelées au point qui précède, relative à la fiabilité du système informatisé, soit satisfaite, il en va différemment en ce qui concerne les deux autres. En effet, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 20 de la décision attaquée, puisque les erreurs humaines ne peuvent jamais être exclues, y compris de la part de collaborateurs qualifiés, le cabinet n’aurait pas dû compter sur le fait que la surveillance des délais effectuée par une seule personne était toujours accomplie correctement. Cela est conforme à la jurisprudence selon laquelle des erreurs humaines de saisie ne sauraient être considérées comme étant des événements à caractère exceptionnel ou imprévisibles (arrêt AURELIA, précité, point 28). Quant au fait que, à l’origine, le délai avait été inscrit correctement dans le système, prétendument par une autre collaboratrice du cabinet, force est de constater que cette circonstance, à la supposer avérée, ne permettrait en tout état de cause pas de conclure que le cabinet a fait preuve de toute la diligence requise. À cet égard, d’une part, cette circonstance ne démontre pas que la saisie de la mauvaise date, faite par Mme F., a été contrôlée par des superviseurs. D’autre part, comme l’a, en substance, souligné la chambre de recours, au point 21 de la décision attaquée, cette circonstance montre une faille dans l’organisation du cabinet, puisque, lorsque Mme F. a inscrit dans le système le nouveau délai, personne n’a remarqué que deux délais différents avaient été notés pour le même acte de procédure, à savoir les motifs du recours, ou, s’il y a eu substitution d’une nouvelle date à celle initialement saisie, qu’un délai déjà fixé pour cet acte avait été reporté.

30      Il ressort de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la condition relative à la diligence n’était pas satisfaite et que la requête en restitutio in integrum devait être rejetée.

31      Quant à l’argument de la requérante tiré du fait que l’accusé de réception donnait lieu à confusion, il suffit de relever que le point n° 1 de celui-ci précisait clairement que, conformément à l’article 60 du règlement n° 207/2009, la requérante disposait d’un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision de la division d’opposition pour motiver par écrit son recours devant la chambre de recours. S’il est vrai que d’autres points de l’accusé de réception, qui rappellent les différentes étapes de la procédure à la suite de l’introduction du recours, mentionnent des délais qui courent à compter de la notification d’un document de la part de l’OHMI, il n’en reste pas moins que le point n° 1 est dépourvu de toute ambiguïté.

32      Dès lors, le moyen unique pris de l’application erronée de l’article 81 du règlement nº 207/2009 n’est manifestement pas fondé.

33      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté, en vertu de l’article 111 du règlement de procédure, comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

34      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      ara AG est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 13 septembre 2011.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      E. Moavero Milanesi


* Langue de procédure : l’allemand.