Language of document : ECLI:EU:T:2023:513

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

6 septembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale YIPPIE! – Marque de l’Union européenne verbale antérieure Yuppie – Cause de nullité relative – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑45/22,

Weider Germany GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes T. Pfeifer et N. Böhmer, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Ringelhann et E. Markakis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Den i Nosht OOD, établie à Gorna Oryahovitsa (Bulgarie), représentée par Me I. Pakidanska, avocate,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. G. Hesse et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 23 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Weider Germany GmbH, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 novembre 2021 (affaire R 2227/2020-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 21 juin 2019, l’intervenante, Den i Nosht OOD, a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne verbale YIPPIE!, enregistrée le 17 juin 2014 sous le numéro 12411567 à la suite d’une demande déposée le 11 décembre 2013.

3        Les produits couverts par la marque contestée relevaient de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Barres de céréales et barres énergétiques ; snack en barres contenant des mélanges de céréales, noix et fruits secs (confiserie) ; confiseries en barre ».

4        La demande en nullité a été formée pour tous les produits mentionnés au point 3 ci-dessus et était fondée notamment sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure Yuppie (ci-après la « marque antérieure »), enregistrée le 25 juillet 2012 sous le numéro 10 134 963, désignant les produits relevant de la classe 30 et correspondant à la description suivante : « Pâtisserie et confiserie ; biscuits secs ; biscuits fourrés au chocolat ; sucreries ; gaufrettes ; gaufrettes au chocolat ; gaufres fourrées ; gaufres enrobées ; biscuits ».

5        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

6        À la suite de la demande formulée par la requérante devant la division d’annulation, l’EUIPO a invité l’intervenante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti pour une partie des produits, mentionnés au point 4 ci-dessus, pour lesquels ladite marque avait été enregistrée.

7        Le 25 septembre 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité, en ce qu’elle était fondée sur la marque antérieure.

8        Le 24 novembre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, au motif, en substance, d’une part, que les preuves rapportées par l’intervenante démontraient l’usage sérieux de la marque antérieure au sens de l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et, d’autre part, qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        faire droit au recours dirigé contre la décision de la division d’annulation ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la procédure devant le Tribunal et condamner l’intervenante aux dépens de la procédure de nullité et de la procédure de recours devant l’EUIPO.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la détermination du règlement applicable ratione temporis

12      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 11 décembre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

13      À cet égard, il convient de préciser que l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) doit être considéré comme constituant une règle de fond, dans la mesure où il définit la ou les périodes au titre desquelles le titulaire de la marque de l’Union européenne antérieure est tenu de rapporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque [arrêt du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (BATTISTINO), T‑221/18, non publié, EU:T:2019:382, point 20].

14      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures, à l’article 8, paragraphe 1, sous b), à l’article 60, paragraphe 1, sous a), et à l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, comme visant respectivement l’article 8, paragraphe 1, sous b), l’article 53, paragraphe 1, sous a) et l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 et du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

 Sur le fond

15      La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009

16      Par son premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours, en substance, d’avoir admis la preuve de l’usage de la marque antérieure sur le fondement de probabilités et d’hypothèses, et non d’éléments de preuve concrets et objectifs. Selon la requérante, l’usage sérieux de la marque antérieure n’a pas été démontré.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      À titre liminaire, il importe de rappeler que, selon l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, sur requête du titulaire d’une marque de l’Union européenne, le titulaire d’une marque de l’Union européenne antérieure, partie à la procédure de nullité, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité, la marque de l’Union européenne antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande en nullité est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque de l’Union européenne antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, la demande en nullité est rejetée. Si la marque antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée que pour cette partie des produits et services, aux fins de l’examen de la demande en nullité.

19      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 29 et jurisprudence citée].

20      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 4 avril 2019, TESTA ROSSA, T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 30 et jurisprudence citée).

21      En vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2018/625, les indications et les preuves de l’usage doivent établir le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et les preuves se limitent à la production de pièces justificatives comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

22      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [voir arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 et jurisprudence citée]. Un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 66 et jurisprudence citée].

23      Ainsi, il n’est pas requis que chaque élément de preuve contienne des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux, à savoir le lieu, la durée, la nature et l’importance de l’usage. En, effet, il ne s’agit donc pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais de les analyser conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et cohérent [voir arrêt du 1er juin 2022, Worldwide Machinery/EUIPO – Scaip (SUPERIOR MANUFACTURING), T‑316/21, non publié, EU:T:2022:310, point 25 et jurisprudence citée].

24      Toutefois, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt du 4 avril 2019, TESTA ROSSA, T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 31 et jurisprudence citée).

25      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent moyen.

26      La chambre de recours a considéré, au point 23 de la décision attaquée, que, conformément à l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, l’intervenante devait apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure pour la période allant du 21 juin 2014 au 20 juin 2019 (ci-après la « période pertinente »). Cette constatation n’est pas contestée par les parties.

27      Afin de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure, l’intervenante a produit les éléments de preuve suivants :

–        44 factures émises par DAY AND NIGHT LTD, société établie en Bulgarie, envoyées à des clients établis à Chypre, en Hongrie, en Espagne et au Royaume-Uni, datées de 2017, de 2018 et de 2019 et faisant référence à la vente, entre autres, de gaufrettes Yuppie et/ou de mini-gaufrettes Yuppie, dont 43 factures émises durant la période pertinente (ci-après les « 43 factures de vente ») ;

–        des factures datées de 2017 et de 2018 relatives à la participation de Day and Night LTD  aux foires commerciales de la confiserie et des snacks (Internationale Süßwarenmesse) de Cologne (Allemagne) (ci-après les « foires de Cologne »), en 2018 et en 2019, des images de l’espace d’exposition avec des gaufrettes Yuppie et un rapport final pour 2019 concernant cette foire ;

–        un catalogue de produits non daté présentant des biscuits Yuppie et des gaufrettes Yuppie (ci-après le « catalogue »).

–       Sur le lieu de l’usage de la marque antérieure

28      La chambre de recours a considéré qu’il ressortait des factures de vente que le lieu de l’usage de la marque antérieure correspondait à Chypre, à la Hongrie, à l’Espagne et au Royaume-Uni.

29      La requérante reproche à la chambre de recours de s’être appuyée, pour retenir l’usage de la marque antérieure dans l’Union, sur des factures de vente indiquant comme vendeur DAY AND NIGHT LTD  et comportant le cachet de cette société avec l’expression « Day & Night LTD », sans qu’il soit démontré que cette dénomination et ce cachet aient désigné l’intervenante. En outre, la requérante allègue que, dans la mesure où la chambre de recours n’a pas examiné les autres éléments de preuve présentés par l’intervenante, il ne peut pas être établi que celle-ci a fait usage de la marque antérieure dans l’Union. Au demeurant, la requérante fait valoir que ces autres éléments de preuve ne permettent pas non plus d’étayer l’usage de cette marque sur le territoire de l’Union.

30      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

31      En l’espèce, s’agissant du lieu d’usage de la marque antérieure, il convient de relever qu’il est expressément indiqué au point 4 de l’extrait du registre de commerce bulgare, produit par l’intervenante, que le nom de cette dernière en bulgare, à savoir ден и нощ qui correspond en caractères latins à la dénomination Den i Nosht, est traduite en anglais par l’expression « day and night ». Ainsi, il ressort de ce registre que l’intervenante est désignée alternativement sous les dénominations ден и нощ ou DAY AND NIGHT. Au surplus, l’adresse d’établissement figurant au point 5 du même document est identique à celle figurant sur les 43 factures de vente et le numéro de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) indiqué sur ces factures correspond au numéro indiqué au point 1 de l’extrait dudit registre du commerce bulgare.

32      Il s’ensuit que le nom de la société figurant sur les 43 factures de vente fait référence à l’intervenante et que ces factures renvoient bien à l’activité de l’intervenante sur les territoires de Chypre, de la Hongrie, de l’Espagne et du Royaume-Uni.

33      À titre surabondant, comme le souligne à juste titre l’EUIPO, l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 18, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) dispose que l’usage de la marque de l’Union européenne avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire. Le Tribunal a d’ailleurs eu l’occasion de préciser que, lorsque le titulaire d’une marque fait valoir des actes d’usage de la marque antérieure par un tiers en tant qu’usage sérieux, il prétend, implicitement, que cet usage a été effectué avec son consentement (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, points 24 et suivants).

34      Ainsi, même dans l’hypothèse, non avérée en l’espèce, où les dénominations ден и нощ et DAY AND NIGHT correspondraient à deux sociétés distinctes, cela ne remettrait aucunement en cause l’analyse de la chambre de recours concernant le lieu de l’usage.

35      La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur d’appréciation en concluant que les factures de vente permettaient d’établir que le lieu de l’usage correspondait à Chypre, à la Hongrie, à l’Espagne et au Royaume-Uni. Dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner les arguments de la requérante concernant les autres éléments de preuve rapportés par l’intervenante qui n’ont pas été utilisés par la chambre de recours pour déterminer le lieu de l’usage.

–       Sur la durée de l’usage de la marque antérieure

36      La chambre de recours a constaté que la plupart des éléments de preuve présentés par l’intervenante dataient de la période pertinente et que, bien que le catalogue ne soit pas daté, des images de produits et d’emballages de produits pouvaient servir à montrer comment la marque antérieure avait été utilisée pour les produits concernés et à fournir des informations sur le type de produits que l’intervenante fabriquait et commercialisait. Ces images et emballages ne pouvaient donc pas être ignorés dans l’évaluation globale des éléments de preuve.

37      La requérante soutient que, pour les mêmes raisons invoquées concernant le lieu d’usage, les factures de vente ne permettent pas de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure durant la période pertinente. En outre, la requérante souligne que les documents relatifs aux foires de Cologne ne permettent pas de démontrer la participation de l’intervenante à celles-ci et que le catalogue, notamment, ne contient aucune indication quant à la période au cours de laquelle ou au moment où la marque antérieure aurait été utilisée.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      S’agissant de la durée de l’usage de la marque antérieure, il découle de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) qu’il suffit qu’une marque ait fait l’objet d’un usage sérieux pendant une partie de la période pertinente [voir arrêt du 27 avril 2022, LG Electronics/EUIPO – Anferlux-Electrodomésticos (SmartThinQ), T‑181/21, non publié, EU:T:2022:247, point 63 et jurisprudence citée].

40      En l’espèce, comme il a été précisé au point 27 ci-dessus, les 43 factures de vente sont datées de 2017, de 2018 et de 2019 et relèvent de la période pertinente. Le fait que ces factures émanaient de l’intervenante a déjà été établi aux points 31 et 32 ci-dessus. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur d’appréciation en considérant ces factures comme étant pertinentes pour la période visée.

41      En ce qui concerne les documents relatifs aux foires de Cologne auxquels se réfère implicitement la chambre de recours au point 40 de la décision attaquée, il convient de considérer qu’il résulte des deux factures indiquant les périodes durant lesquelles lesdites foires se sont tenues, à savoir durant les mois de janvier 2018 et de janvier 2019, que celles-ci relèvent de la période pertinente. S’agissant de l’argument de la requérante remettant en cause le fait que ces factures émanent de l’intervenante, il convient de l’écarter pour les mêmes raisons que celles exposées au point 31 ci-dessus. Bien que la valeur probante de ces factures ainsi que des photographies des foires soit limitée, il n’en demeure pas moins qu’elles sont des éléments pertinents additionnels pouvant être pris en compte dans le cadre de l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure, dans la mesure où ces éléments de preuve s’ajoutent aux factures de vente pertinentes [voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2014, Anapurna/OHMI – Annapurna (ANNAPURNA), T‑71/13, non publié, EU:T:2014:105, point 45, et du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 51].

42      Il en va de même s’agissant du catalogue qui, bien que non daté, peut être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure. En effet, le catalogue comporte les images des produits et leurs descriptions. Ces descriptions correspondent à celles figurant sur les factures. À titre d’exemple, la description du produit « gaufrettes ‘Yuppie’ avec des arachides et un enrobage de cacao 43g » illustré à la page 67 du catalogue, correspond à la description du produit figurant sur la facture no 0009002246, du 29 octobre 2018, qui relève de la période pertinente. Ainsi, le catalogue fournit des informations qui corroborent le type de produits commercialisés.

43      Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que l’usage de la marque antérieure au cours de la période pertinente avait été démontré.

–       Sur l’importance de l’usage de la marque antérieure

44      La chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis par l’intervenante apportaient, dans leur ensemble, une preuve concluante de l’usage réel et continu de la marque antérieure au cours de la période pertinente et indiquaient une fréquence et une durée suffisantes des actes commerciaux de l’intervenante pour satisfaire de manière adéquate à l’exigence relative à l’importance de l’usage prévue à l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625. En particulier, la chambre de recours a relevé que les documents produits, à savoir le catalogue, la participation de l’intervenante aux foires de Cologne et les factures, fournissaient suffisamment d’informations concernant le volume commercial, l’étendue territoriale, la durée et la fréquence de l’usage de la marque antérieure.

45      La requérante allègue que, pour les mêmes raisons que celles invoquées au point 29 ci-dessus, les factures de vente ne permettent pas de prouver l’importance de l’usage de la marque antérieure. S’agissant du catalogue, la requérante fait valoir, en premier lieu, qu’il ne constitue pas une preuve appropriée, eu égard à la société à laquelle il se rattache. En deuxième lieu, elle soutient, en s’appuyant sur la jurisprudence, que ce catalogue ne constitue ni une preuve appropriée ni une indication suffisante pour démontrer l’étendue de l’usage dans le cadre de l’appréciation globale compte tenu notamment du fait qu’il ne permet pas de déterminer quand et où il a été utilisé. En troisième lieu, la requérante avance que, dans la mesure où, en l’espèce, le lien entre le catalogue et les factures de vente n’a pas été établi, il n’est pas possible d’invoquer, de façon complémentaire, ces factures.

46      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

47      Afin d’apprécier l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [voir arrêt du 23 mars 2022, Vetpharma Animal Health/EUIPO – Deltavit (DELTATIC), T‑146/21, non publié, EU:T:2022:159, point 74 et jurisprudence citée].

48      En l’espèce, il importe de noter que l’intervenante a fourni, devant la chambre de recours, 43 factures couvrant les années 2017, 2018 et 2019, relevant de la période pertinente et faisant état de la vente de produits couverts par la marque antérieure. Comme il a été relevé aux points 31 et 32 ci-dessus, ces factures ont bien été émises par l’intervenante. En outre, force est de constater que la requérante ne conteste pas directement ni l’appréciation de la chambre de recours, au point 43 de la décision attaquée, selon laquelle ces factures représentent un montant important de vente compte tenu du faible prix des produits concernés, ni celle selon laquelle ces factures sont représentatives dans la mesure où les numéros de référence ne sont pas consécutifs, lesdites factures pouvant donc former un échantillon comprenant davantage de factures.

49      S’agissant du catalogue, il convient tout d’abord de considérer que celui-ci a été produit par l’intervenante, dans la mesure où, ainsi qu’il découle du point 31 ci-dessus, la dénomination DAY AND NIGHT désigne cette dernière. Ensuite, la requérante ne saurait s’appuyer sur l’analyse factuelle propre au cas d’espèce, opérée par le Tribunal aux points 39 et 40 de l’arrêt du 8 juillet 2010, Engelhorn/OHMI – The Outdoor Group (peerstorm) (T‑30/09, EU:T:2010:298), pour conclure que le catalogue ne pouvait pas être pris en compte en l’absence d’indication sur l’étendue territoriale et temporelle de l’usage. En effet, eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 23 ci-dessus, il n’est pas requis que chaque élément de preuve contienne des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux.

50      De même, doit être écarté l’argument de la requérante suggérant que la chambre de recours aurait assoupli le critère s’appliquant à l’examen de la preuve de l’usage. En effet, la chambre de recours, contrairement à l’analyse opérée par le Tribunal dans l’arrêt du 15 juillet 2015, TVR Automotive/OHMI – TVR Italia (TVR ITALIA) (T‑398/13, EU:T:2015:503), sur lequel se fonde la requérante, n’a pas considéré que, en l’espèce, c’était notamment le catalogue qui permettait de démontrer l’importance de l’usage et que la fourniture de factures n’était pas nécessaire à cet égard. La chambre de recours a uniquement pris en compte ledit catalogue en tant qu’un élément de preuve, parmi d’autres, notamment des factures de vente, dans le cadre de l’appréciation de l’importance de l’usage de la marque antérieure. Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante, tiré de l’absence de lien entre le catalogue et les factures de vente, il convient de renvoyer à l’analyse effectuée au point 42 ci-dessus.

51      Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en retenant que les documents produits par l’intervenante fournissaient suffisamment d’informations quant au volume commercial, à l’étendue territoriale, à la durée et à la fréquence de l’usage de la marque antérieure.

–       Sur la nature de l’usage de la marque antérieure

52      La chambre de recours a considéré que le catalogue et les factures montraient que la marque antérieure avait été utilisée sur les produits eux-mêmes afin d’identifier leur origine commerciale.

53      La requérante soutient que les factures n’indiquent pas que la marque antérieure a été apposée sur les produits eux-mêmes. Ainsi, seule la présomption d’un lien entre les factures de vente et le catalogue aurait pu permettre à la chambre de recours de conclure que ces deux éléments de preuve, considérés conjointement, démontraient que les factures de vente se rapportaient à des produits sur lesquels avait été apposée la marque antérieure, de la façon dont cela était visible dans le catalogue.

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

55      L’EUIPO indique à juste titre que, aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque, il n’est pas nécessaire de démontrer un usage impliquant l’apposition physique de la marque sur les produits en cause ou sur leur emballage [arrêt du 12 décembre 2014, Ludwig Schokolade/OHMI – Immergut (TrinkFix), T‑105/13, non publié, EU:T:2014:1070, point 28]. En effet, si l’existence d’un lien entre le produit et la marque doit bien être établie et si ce lien se matérialise généralement par l’apposition de la marque sur les produits, une telle apposition n’est pas en soi absolument requise [voir arrêt du 17 septembre 2019, Rose Gesellschaft/EUIPO – Iviton (TON JONES), T‑633/18, non publié, EU:T:2019:608, point 58 et jurisprudence citée].

56      Ainsi, il ne ressort ni de la législation pertinente ni de la jurisprudence que la nature de l’usage de la marque doit nécessairement être prouvée à l’aide de produits ou de leurs emballages sur lesquels ladite marque a été apposée. Or, il convient de relever que, en l’espèce, l’ensemble des factures de vente fournies par l’intervenante indiquent la livraison de gaufrettes ou de mini-gaufrettes de la marque Yuppie. Dans la mesure où ces factures étaient appréciées en rapport avec le catalogue présentant les produits revêtus de la marque antérieure, la chambre de recours pouvait donc, sans commettre d’erreur d’appréciation, retenir que la marque antérieure avait été utilisée sur les produits eux-mêmes. S’agissant du lien entre le catalogue et les factures de vente, il convient de renvoyer à l’analyse effectuée au point 42 ci-dessus.

57      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que l’usage sérieux de la marque antérieure avait été établi. Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

58      Par son second moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en relevant qu’il existait un risque de confusion au sens de cette disposition.

59      Aux termes d’une lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne enregistrée est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

60      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée, et du 21 mars 2019, Pan/EUIPO – Entertainment One UK (TOBBIA), T‑777/17, non publié, EU:T:2019:180, point 37 et jurisprudence citée].

61      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a, à juste titre, considéré qu’il existait, en l’espèce, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

–       Sur le public pertinent

62      La chambre de recours a considéré, aux points 58 et 59 de la décision attaquée, que le public pertinent correspondait, au regard de la nature des produits en cause, au grand public dans l’Union et que son niveau d’attention était moyen. Ces considérations ne sont pas contestées par la requérante.

–       Sur la comparaison des produits

63      La chambre de recours a relevé que les produits en conflit possédaient, à tout le moins, un degré moyen de similitude et qu’il s’agissait de produits concurrents, provenant des mêmes producteurs et des mêmes canaux de distribution et s’adressant au même public. En particulier, elle a rejeté l’argument selon lequel les produits en conflit n’auraient pas été similaires, dans la mesure où les produits de la marque contestée auraient été destinés à des utilisateurs soucieux de leur santé, actifs et sportifs, tandis que les produits de la marque antérieure auraient été des bonbons sucrés.

64      La requérante fait valoir qu’il n’existe tout au plus qu’un faible degré de similitude entre les produits en conflit, étant donné que les barres de céréales et les barres énergétiques visées par la marque contestée, qui contiennent un mélange de céréales, de noix et de fruits secs, et, en particulier, les gaufrettes sucrées visées par la marque antérieure ne sont pas des produits concurrents.

65      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

66      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].

67      Il convient de relever qu’il résulte du point 54 de la décision attaquée que l’intervenante n’a fourni de preuves de l’usage sérieux que pour les produits relevant de la classe 30 et correspondant aux « pâtisseries et confiseries, à savoir gaufres ; biscuits fourrés au chocolat, à savoir gaufrettes fourrées au chocolat ; gaufrettes ; gaufrettes au chocolat ; gaufres fourrées ; gaufres enrobées ; biscuits, à savoir gaufres ». Partant, il y a lieu de limiter l’examen à ces seuls produits.

68      Il importe de souligner que la requérante ne conteste pas le constat de la chambre de recours selon lequel les produits en conflit proviennent des mêmes producteurs et des mêmes canaux de distribution.

69      En outre, la chambre de recours a relevé que les produits en conflit étaient, pour chacune des marques en conflit, des en-cas emballés prêts à la consommation et pouvant répondre aux besoins d’en-cas de consommation rapide et facile entre les repas. Elle a par ailleurs précisé, à propos des produits couverts par la marque antérieure, que les gaufrettes pouvaient également constituer un en-cas sain et sans sucre, et qu’il n’était pas exclu que les consommateurs de barres de céréales consomment également des gaufrettes.

70      À cet égard, la requérante fait valoir, notamment, que les produits visés par la marque antérieure ne sont pas adaptés pour se substituer aux barres nutritives visées par la marque contestée, dans la mesure où les produits visés par cette dernière sont destinés à des consommateurs soucieux de leur santé et actifs. Toutefois, cette argumentation n’est pas, à elle seule, susceptible de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits visés par la marque antérieure peuvent également constituer un en-cas sain et les produits en conflit peuvent répondre aux mêmes besoins. De plus, il ne saurait être exclu que les consommateurs soucieux de leur santé consomment également des gaufrettes.

71      Partant, le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en considérant que les produits concernés présentaient à tout le moins un degré moyen de similitude doit être écarté.

–       Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

72      La chambre de recours a relevé, en substance, que l’intervenante n’avait pas fait valoir que la marque antérieure était particulièrement distinctive en raison d’un usage intensif ou d’une renommée et que, au regard du fait que ladite marque était dépourvue de signification à l’égard de tous les produits en cause, son caractère distinctif devait être considéré comme moyen.

73      La requérante soutient que la marque antérieure ne possède qu’un caractère distinctif inférieur à la moyenne, puisqu’elle est conçue comme un message publicitaire. Selon elle, le public pertinent établira inévitablement un lien entre la marque antérieure et le terme « yuppies », qui renvoie à un groupe de jeunes de la classe moyenne ayant un emploi bien rémunéré et affichant leur réussite de manière offensive. La marque antérieure serait donc comprise comme une indication que les produits porteurs de cette marque sont destinés à un groupe de personnes encensé et envié et sont particulièrement adaptés pour mener un style de vie que tout le monde cherche à adopter. La marque antérieure contiendrait donc une indication publicitaire claire sur la qualité des produits ainsi désignés et aurait un caractère élogieux.

74      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

75      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement no 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché. Comme le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

76      Le caractère distinctif d’une marque, au sens du règlement no 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits et ces services de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée). Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport auxdits produits ou services et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, EU:C:2004:86, point 34 et jurisprudence citée).

77      En premier lieu, il convient de relever que la requérante conteste la constatation de la chambre de recours, figurant au point 67 de la décision attaquée, selon laquelle la marque antérieure peut être associée à une exclamation de joie et de surprise en France et en Bulgarie. Toutefois, la requérante n’avance aucun argument concret susceptible de remettre en cause la constatation que, en France, le terme « youppie » est l’équivalent phonétique du terme « youpi », qui y est fréquemment utilisé, et que la translittération bulgare du mot « yuppie », à savoir « ЮПИ », est également associée à une exclamation de joie. En effet, la requérante se limite à la simple affirmation que cette signification n’est pas applicable à la marque antérieure.

78      En second lieu, la chambre de recours a considéré que l’autre signification du mot « yuppie », suggérée par la requérante, comme étant la forme abrégée de l’expression « young urban professional », qui signifie en français « jeune professionnel urbain », avait une connotation plutôt négative et était très éloignée des produits couverts par la marque antérieure, de sorte que le public pertinent était moins susceptible d’y penser dans le contexte des barres de céréales ou des gaufrettes. À cet égard, force est de constater que, pour contester cette appréciation, la requérante affirme que le terme « yuppie », renvoyant au jeune professionnel urbain, est largement répandu dans l’Union, sans pour autant produire le moindre élément de preuve de cette affirmation. Concernant, en particulier, son argument selon lequel ce terme figure dans les dictionnaires français et bulgares, il suffit de rappeler que le fait que l’existence d’un terme soit attestée dans des dictionnaires n’est pas en soi nécessairement une démonstration du fait que le public pertinent, et notamment le grand public, ait connaissance de ce mot [voir en ce sens, arrêt du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI – Société de développement et de recherche industrielle (ERGO), T‑220/09, non publié, EU:T:2011:392, point 36].

79      En tout état de cause, dans la mesure où le terme « yuppie » peut avoir plusieurs significations pour le public pertinent, la chambre de recours a, à juste titre, déterminé celle à laquelle la marque antérieure s’avérait associée au regard des produits en cause, à savoir celle d’une exclamation de joie et de surprise. Dans le cadre de cette appréciation, elle a, à juste titre, tenu compte du fait que le concept de « jeune professionnel urbain » était trop éloigné des produits couverts par la marque antérieure. En effet, ce concept, désignant un groupe de jeunes qui ont un emploi bien rémunéré et qui affichent leur réussite de manière offensive, est doté d’une connotation plutôt négative. De plus, la requérante n’explique pas pour quelles raisons la signification qu’elle suggère devrait prévaloir dans la perception du public pertinent par rapport auxdits produits.

80      De surcroît, il convient de rappeler que, si toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, elles peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné. Par conséquent, une marque constituée d’un slogan publicitaire doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés [voir arrêt du 13 juillet 2022, Rimini Street/EUIPO (WE DO SUPPORT), T‑634/21, non publié, EU:T:2022:459, points 22 et 23 et jurisprudence citée].

81      Ainsi, à supposer même que la marque antérieure soit comprise comme un message publicitaire en raison de son association à un jeune professionnel urbain, ce que la requérante échoue à démontrer en l’espèce, cela n’exclut pas en principe qu’elle puisse posséder un caractère distinctif moyen.

82      Par conséquent, le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en considérant que le caractère distinctif de la marque antérieure devait être regardé comme moyen doit être écarté.

–       Sur la comparaison des signes en conflit

83      En ce qui concerne la comparaison des signes, la chambre de recours a considéré que les deux signes en conflit étaient similaires à un degré élevé sur les plans visuel et phonétique et identiques sur le plan conceptuel.

84      La requérante soutient, d’une part, que la décision attaquée n’est pas suffisamment claire quant au degré exact de similitude entre les marques en conflit que la chambre de recours a retenu dans le cadre de son examen et, d’autre part, que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en relevant que lesdites marques étaient identiques sur le plan conceptuel pour une partie du public pertinent. À cet égard, la requérante soutient que ces signes ont deux contenus conceptuels différents, dans la mesure où la marque antérieure aurait une signification claire et déterminée, puisqu’elle serait comprise comme renvoyant au terme « yuppies », désignant des jeunes professionnels ambitieux, tandis que la marque contestée serait comprise comme une exclamation de joie.

85      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

86      Afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les marques en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique ainsi que conceptuelle et, le cas échéant, d’évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, point 85 et jurisprudence citée).

87      Ainsi, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs de ces aspects pertinents [voir arrêt du 30 janvier 2018, Arctic Cat/EUIPO – Slazengers (Représentation d’un félin bondissant vers la droite), T‑113/16, non publié, EU:T:2018:43, point 30 et jurisprudence citée].

88      En ce qui concerne la similitude visuelle et phonétique, la chambre de recours a considéré, en substance, que les signes en conflit étaient similaires à un degré élevé sur ces deux plans. Ces considérations ne sont pas contestées par la requérante.

89      En ce qui concerne la similitude conceptuelle, la chambre de recours a considéré que les deux marques en conflit pouvaient être associées, au moins par une partie du public pertinent, à une expression de joie et de surprise et que la signification de la marque antérieure suggérée par la requérante, à savoir un terme renvoyant à un groupe de jeunes professionnels ambitieux et bien rémunérés, possédait une connotation négative et désuète et avait, en tout état de cause, une signification très éloignée des produits désignés par la marque antérieure, de sorte que le public serait moins susceptible d’y penser dans le contexte des barres de céréales ou des gaufrettes. Partant, les marques en conflit étaient, selon la chambre de recours, identiques sur le plan conceptuel.

90      À cet égard, force est de constater que tant la marque contestée que la marque antérieure seraient associées par au moins une partie du public pertinent à une exclamation de joie. Cette constatation, dans la mesure où elle concerne la marque contestée, n’a pas été remise en cause par la requérante. En ce qui concerne les arguments de la requérante visant à remettre en cause les appréciations de la chambre de recours quant à la signification de la marque antérieure, il y a lieu de renvoyer aux points 77 à 79 ci-dessus. Partant, la chambre de recours a considéré à juste titre que les marques en conflit étaient identiques sur le plan conceptuel.

91      Par conséquent, l’argument de la requérante tiré de ce que les marques en conflit sont différentes sur le plan conceptuel doit être écarté.

92      Par ailleurs, au regard de ce qui précède, il ressort clairement de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit étaient similaires à un degré élevé sur les plans visuel et phonétique et identiques sur le plan conceptuel. Dès lors, l’argument de la requérante tiré de ce que la décision attaquée n’aurait pas indiqué avec une précision suffisante le degré de similitude des signes en conflit ne peut pas non plus prospérer.

–       Sur l’appréciation globale du risque de confusion

93      La chambre de recours a conclu, en substance, qu’il existait un risque de confusion, dans la mesure où les produits en conflit étaient similaires et où, sur les plans visuel et phonétique, les marques en conflit ne différaient que par une seule lettre, à savoir les voyelles « i « et « u », et où elles seraient toutes deux très probablement associées à une exclamation de joie.

94      La requérante allègue que les produits en conflit présentent, au mieux, une similitude inférieure à la moyenne, que la marque antérieure possède un caractère distinctif réduit et que les signes divergent significativement sur le plan conceptuel. Ainsi, même si le niveau d’attention du public pertinent est considéré comme moyen, les différences entre les signes en conflit seraient suffisantes pour écarter tout risque de confusion pour le public.

95      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

96      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [voir arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

97      En l’espèce, l’examen des arguments de la requérante n’a pas permis de remettre en cause les constatations de la chambre de recours selon lesquelles, premièrement, les produits en conflit étaient similaires à un degré moyen, deuxièmement, les marques en conflit présentaient un degré élevé de similitude sur les plans visuel et phonétique et étaient identiques sur le plan conceptuel et, troisièmement, la marque antérieure possédait un caractère distinctif moyen. Dans ces conditions, et alors qu’il est constant que le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention moyen, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

98      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

100    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Weider Germany GmbH est condamnée aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.