Language of document : ECLI:EU:T:2023:393

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative AURUS – Enregistrement international de la marque verbale antérieure AUDUS – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑662/22,

Zalina Tavitova, demeurant à Batoulieh (Liban), représentée par Me V. Kojevnikov, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Cordier, établie à Bordeaux (France), représentée par Me D. Remy, avocat,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme G. Steinfatt (rapporteure) et M. D. Kukovec, juges,

greffier : M. V. Di Bucci, greffier,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Zalina Tavitova, demande l’annulation partielle de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 août 2022 (affaire R 2139/2021‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 3 mars 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Bières ; boissons sans alcool » ;

–        classe 33 : « Vodka ».

4        Le 8 juin 2020, Uccoar, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Cordier, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur l’enregistrement international désignant l’Union européenne de la marque verbale antérieure AUDUS désignant les « vins » relevant de la classe 33.

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 19 octobre 2021, la division d’opposition a fait droit à l’opposition pour tous les produits contestés.

8        Le 16 décembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Le 18 février 2022, la requérante a limité sa demande d’enregistrement, concernant les produits relevant de la classe 32, aux produits suivants : « bières ; boissons sans alcool, à l’exception du vin sans alcool ».

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement accueilli le recours au motif que les « boissons sans alcool, à l’exception du vin sans alcool » visés par la marque contestée et compris dans la classe 32 étaient différents des « vins » relevant de la classe 33 et visés par la marque antérieure, de sorte que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne trouvait pas à s’appliquer. Pour le surplus, elle a rejeté le recours au motif qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Elle a considéré que les produits visés par les marques, à savoir les « bières » et la « vodka », d’une part, et le « vin », d’autre part, étaient similaires à un faible degré, et que les signes étaient similaires à un degré élevé, en raison de la coïncidence sur les plans visuel et phonétique des éléments verbaux, la représentation graphique de la marque demandée étant secondaire et ayant moins d’impact sur le public pertinent.

11      Le 14 septembre 2022, Uccoar a cédé la marque antérieure au profit de l’intervenante.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée en ce qu’elle a admis l’enregistrement de la marque demandée pour les boissons non alcoolisées, à l’exception du vin sans alcool ;

–        annuler la décision attaquée refusant l’enregistrement de la marque demandée pour les « bières » relevant de la classe 32 et la « vodka » relevant de la classe 33 ;

–        faire droit à la demande d’enregistrement de ladite marque pour les classes et produits demandés ;

–        condamner l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par lui si une audience est organisée.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée en ce qu’elle a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les « bières » relevant de la classe 32 et la « vodka » relevant de la classe 33 ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a admis l’enregistrement de la marque demandée pour les « boissons non alcoolisées, à l’exception du vin sans alcool » ;

–        rejeter le recours et débouter la requérante de ses demandes et conclusions contraires ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit 

 Sur la compétence du Tribunal pour connaître de certains chefs de conclusions de la requérante

15      Le premier chef de conclusions de la requérante tend à ce que le Tribunal confirme la décision attaquée en ce qu’elle a admis l’enregistrement de la marque demandée pour les boissons non alcoolisées, à l’exception du vin sans alcool. Il résulte cependant de l’article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci, de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des arrêts confirmatifs ou déclaratoires [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2008, Gabel Industria Tessile/OHMI – Creaciones Garel (GABEL), T‑85/07, EU:T:2008:186, point 17 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le premier chef de conclusions de la requérante doit être rejeté pour cause d’incompétence.

16      S’agissant du troisième chef de conclusions de la requérante, il y a lieu de relever que celui-ci tend à ce que le Tribunal fasse droit à la demande d’enregistrement et peut être compris comme visant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée au sens de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, en adoptant la décision que la chambre de recours aurait dû prendre, conformément aux dispositions dudit règlement. Or, les instances de l’EUIPO compétentes en la matière n’adoptent pas de décision formelle constatant l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne qui pourrait faire l’objet d’un recours. Par conséquent, la chambre de recours n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque de l’Union européenne. Dans ces circonstances, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens [voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2011, Euro-Information/OHMI (EURO AUTOMATIC PAYMENT), T‑28/10, EU:T:2011:158, point 13 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le troisième chef de conclusions de la requérante pour cause d’incompétence.

 Sur la recevabilité de certains chefs de conclusions de l’intervenante

17      S’agissant des conclusions de l’intervenante visant à la confirmation de la décision attaquée, le Tribunal a considéré, à plusieurs reprises, que, étant donné que confirmer la décision attaquée équivalait à rejeter le recours, il y avait lieu de comprendre les conclusions de l’intervenante ayant cet objet comme visant, en substance, au rejet du recours [voir, en ce sens, arrêts du 23 février 2010, Özdemir/OHMI – Aktieselskabet af 21. november 2001 (James Jones), T‑11/09, non publié, EU:T:2010:47, points 13 et 14 ; du 5 février 2016, Kicktipp/OHMI – Italiana Calzature (kicktipp), T‑135/14, EU:T:2016:69, points 18 et 19 (non publié), et du 14 juin 2017, Aydin/EUIPO – Kaporal Groupe (ROYAL & CAPORAL), T‑95/16, non publié, EU:T:2017:388, points 14, 16 et 18]. Il s’ensuit que le premier chef de conclusions de l’intervenante visant à la confirmation de la décision attaquée en ce qu’elle a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les « bières » relevant de la classe 32 et la « vodka » relevant de la classe 33 n’a pas de portée autonome.

18      Par son deuxième chef de conclusions, l’intervenante demande au Tribunal d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle a admis l’enregistrement de la marque demandée pour les « boissons non alcoolisées, à l’exception du vin sans alcool ». Ce chef de conclusions, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée sur un point non soulevé dans la requête, doit s’analyser comme un recours incident [voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2017, NRJ Group/EUIPO – Sky International (SKY ENERGY), T‑184/16, non publié, EU:T:2017:703, point 31, et du 13 mars 2018, Kiosked/EUIPO – VRT (K), T‑824/16, EU:T:2018:133, point 20].

19      Or, il ressort de l’article 182, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal qu’un recours incident doit être présenté dans le même délai que celui prévu pour la présentation du mémoire en réponse et doit être introduit par un acte séparé, distinct du mémoire en réponse. En l’espèce, le recours incident de l’intervenante a été soulevé dans le mémoire en réponse et non par acte séparé. Il ne répond donc pas aux exigences prévues à l’article 182, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure. Par conséquent, il doit être rejeté comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2017, SKY ENERGY, T‑184/16, non publié, EU:T:2017:703, point 32 et jurisprudence citée, et du 13 mars 2018, K, T‑824/16, EU:T:2018:133, point 21).

 Sur le fond

20      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Ce moyen est articulé en quatre branches, tirées, la première, d’une détermination erronée du public pertinent, la deuxième, d’une appréciation erronée de la similitude des produits en cause, la troisième, d’une appréciation erronée de la similitude des signes en conflit et, la quatrième, d’une appréciation erronée du risque de confusion.

21      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

22      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

23      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

24      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

 Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une détermination erronée du public pertinent et de son niveau d’attention 

25      Au point 55 de la décision attaquée, la chambre de recours a entériné l’appréciation de la division d’opposition en constatant que le public pertinent était constitué du grand public de l’Union qui faisait preuve d’un niveau d’attention moyen.

26      La requérante fait valoir que la chambre de recours a omis d’analyser le niveau d’attention du public pertinent.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argument de la requérante.

28      Au point 53 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est référée à la jurisprudence du Tribunal pour constater que le niveau d’attention du grand public à l’égard des boissons alcoolisées était moyen. Elle a en outre précisé que le grand public auquel s’adressaient la bière, la vodka ainsi que le vin était celui qui était autorisé à consommer des boissons alcoolisées, l’âge minimum légal pour la consommation d’alcool n’étant pas harmonisé au sein de l’Union.

29      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas omis de déterminer le niveau d’attention du public pertinent qui n’avait, par ailleurs, pas été contesté devant elle.

30      Dans la mesure où la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte du fait que le niveau d’attention du consommateur était susceptible de varier en fonction de la catégorie des produits en cause, il suffit de constater que la requérante n’a pas fait valoir, et encore moins étayé, que la détermination du niveau d’attention du public pertinent par la chambre de recours était erroné et que, en réalité, le niveau d’attention était élevé.

31      Aucun élément du dossier ne remettant, par ailleurs, en cause l’analyse de la division d’opposition qui a été entérinée par la chambre de recours, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que le public pertinent était constitué du grand public de l’Union qui faisait preuve d’un niveau d’attention moyen et dont la grande majorité percevrait les éléments verbaux « audus » et « aurus » comme étant dépourvus de signification, fantaisistes et distinctifs.

32      Partant, la première branche du moyen unique doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée d’une appréciation erronée de la similitude des produits en cause

33      S’agissant de la comparaison des produits, la chambre de recours a conclu que les « bières », comprises dans la classe 32, ainsi que la « vodka », relevant de la classe 33, sont similaires à un faible degré aux « vins » compris dans la classe 33.

34      La requérante conteste toute similitude de la bière et de la vodka avec le vin.

35      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].

 Sur la comparaison entre la bière et le vin

36      Quant à la bière, la chambre de recours a conclu, en faisant référence à la jurisprudence du Tribunal, qu’elle présentait un faible degré de similitude avec le vin.

37      La requérante considère que, eu égard aux différences en termes de couleur, d’arôme et de goût, résultant des différences quant à la nature, aux ingrédients et aux méthodes de production, la bière et le vin sont différents du point de vue du consommateur concerné. La bière et le vin n’appartiendraient pas à la même famille de boissons alcoolisées et ne seraient ni complémentaires ni en concurrence l’un avec l’autre.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      En premier lieu, la requérante admet que la bière et le vin appartiennent à la même grande catégorie des boissons alcoolisées. Elle reconnaît également que le vin et la bière peuvent, dans une certaine mesure, satisfaire le même besoin, à savoir le plaisir d’une boisson pendant un repas ou à l’apéritif. Il s’ensuit que les produits en cause partagent la même destination, puisqu’ils sont tous les deux destinés à la consommation par un public autorisé à consommer des boissons alcoolisées, ainsi que la même utilisation, à savoir notamment leur consommation avant, pendant ou après un repas.

40      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante du Tribunal, ces deux produits présentent un faible degré de similitude [arrêts du 18 juin 2008, Coca-Cola/OHMI – San Polo (MEZZOPANE), T‑175/06, EU:T:2008:212, point 70 ; du 23 septembre 2020, Osório & Gonçalves/EUIPO – Miguel Torres (in.fi.ni.tu.de), T‑601/19, non publié, EU:T:2020:422, point 102, et du 15 septembre 2021, Celler Lagravera/EUIPO – Cyclic Beer Farm (Cíclic), T‑673/20, non publié, EU:T:2021:591, point 34].

41      En troisième lieu, les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de remettre en cause la décision de la chambre de recours qui s’est fondée sur la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus pour conclure à un faible degré de similitude entre la bière et le vin.

42      Premièrement, la requérante conteste de manière générale le fait que les produits comparés sont en concurrence les uns avec les autres.

43      Or, selon une jurisprudence constante du Tribunal, le vin et la bière sont, dans une certaine mesure, concurrents (voir arrêt du 18 juin 2008, MEZZOPANE, T‑175/06, EU:T:2008:212, point 68 et jurisprudence citée).

44      Bien que le Tribunal ait ultérieurement remis en question cette interprétation de l’arrêt du 18 juin 2008, MEZZOPANE (T‑175/06, EU:T:2008:212), dans un obiter dictum  dans le cadre de son appréciation de la similitude entre la bière et la tequila, lesquelles avaient été considérées comme étant dissemblables [voir arrêt du 3 octobre 2012, Yilmaz/OHMI – Tequila Cuervo (TEQUILA MATADOR HECHO EN MEXICO), T‑584/10, EU:T:2012:518, point 49, qui fait référence au point 107 de l’arrêt Mezzopane], la jurisprudence postérieure a néanmoins suivi l’approche large fondée aux points 63 à 70 de l’arrêt du 18 juin 2008, MEZZOPANE (T‑175/06, EU:T:2008:212), en confirmant le faible degré de similitude entre la bière et le vin (arrêts du 23 septembre 2020, in.fi.ni.tu.de, T‑601/19, non publié, EU:T:2020:422, point 102, et du 15 septembre 2021, Cíclic, T‑673/20, non publié, EU:T:2021:591, point 34).

45      Deuxièmement, la requérante relève qu’il ne s’agit pas de produits complémentaires, dans le sens où l’un n’est pas indispensable ou important pour l’utilisation de l’autre.

46      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, la complémentarité n’est pas indispensable pour conclure à une certaine similarité de deux produits. Ainsi, même en estimant, en conformité avec l’arrêt du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI) (T‑169/03, EU:T:2005:72, point 60), cité par la requérante, que les bières et les vins ne sont pas complémentaires, il ne s’ensuit pas que lesdits produits sont dissemblables.

47      Troisièmement, même à supposer que, comme l’affirme la requérante, dans l’Union, en raison des ingrédients et des méthodes de production sensiblement différents, les bières étant normalement fabriquées dans des brasseries et les vins dans des caves, il existe une tradition de production de bière et de vin qui est assurée par différentes entreprises, de sorte que le consommateur moyen s’attend à ce que ces boissons proviennent d’entreprises différentes, cette différence n’exclut pas d’emblée une quelconque similitude entre lesdits produits. En effet, la requérante parvient elle-même à la conclusion que, compte tenu de cet argument et des autres arguments qu’elle a avancés, il existe « peu de similitudes » entre les vins et les bières et elle ne nie ainsi pas l’existence de toute similitude.

48      Par ailleurs, le Tribunal a déjà précisé que les différences de composition et du mode d’élaboration du vin d’un côté et de la bière de l’autre conduisent à ce qu’ils ne présentent qu’un faible degré de similitude (arrêts du 23 septembre 2020, in.fi.ni.tu.de, T‑601/19, non publié, EU:T:2020:422, points 102 et 103, et du 15 septembre 2021, Cíclic, T‑673/20, non publié, EU:T:2021:591, point 34).

49      Quatrièmement, la différence quant à la production ne saurait être transposée à la commercialisation, comme semble le suggérer la requérante. En effet, la requérante constate elle-même que le vin et la bière peuvent être achetés ensemble, tant dans les supermarchés et les épiceries que dans un restaurant ou un bar.

50      La requérante fait toutefois valoir que les produits en cause sont généralement situés et exposés dans des rayons différents des supermarchés et des épiceries et que, dans un restaurant ou un bar, s’ils sont commandés, le menu ferait clairement la distinction entre les bières, d’une part, et les vins, d’autre part.

51      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il est usuel, dans les supermarchés, de placer les rayons pour les bières et les rayons pour les vins à proximité. De même, dans les menus de restaurants et de bars, tant les bières que les vins se trouvent dans la même catégorie plus large des boissons alcoolisées.

52      Ainsi, malgré les différences entre les produits en cause, ils partagent la qualification de boisson alcoolisée, le même mode d’utilisation et la même destination ainsi que les mêmes canaux de distribution.

53      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant à un faible degré de similitude entre la « bière » et le « vin ».

 Sur la comparaison entre la vodka et le vin

54      En ce qui concerne la classe 33, la chambre de recours a conclu, en conformité avec sa pratique constante, que la vodka présentait un faible degré de similitude avec le vin. Ces produits seraient similaires dans la mesure où il s’agirait de boissons alcoolisées qui pourraient être vendues à travers les mêmes canaux de distribution, à savoir par divers supermarchés, magasins spécialisés ou restaurants. Toutefois, lorsque le vin est généralement consommé accompagné d’aliments, la vodka serait souvent consommée indépendamment ou après un repas. La chambre de recours a également noté que la vodka avait généralement une teneur en alcool nettement plus élevée, était fabriquée à partir de différentes matières premières, avait des procédés de fabrication différents et n’était généralement pas fabriquée par les mêmes entités.

55      Selon la requérante, la vodka et le vin sont dissemblables. Ils se distingueraient par leur nature, compte tenu, notamment, de la différence de couleur, d’arôme et de goût, des caractéristiques organoleptiques, ainsi que de leur mode de production, de leur utilisation, de leur canaux de distribution et de leur teneur en alcool. La vodka et le vin appartiendraient à des sous-catégories différentes ou à des catégories de produits différentes. Le fait qu’il s’agisse de boissons alcoolisées ne suffirait pas à les rapprocher, étant donné qu’il n’y aurait ni concurrence ni complémentarité entre les deux. La requérante précise que, à la différence du vin, la vodka n’est en principe pas accompagné de nourriture et que son goût et son arrière-goût ne seraient pas ressentis. Dans les magasins, les spiritueux et les vins ne seraient généralement pas présentés dans les mêmes rayons. Les entreprises qui fabriquent ou distribuent des boissons alcoolisées n’utiliseraient pas de marque spécifique pour le vin et la vodka en même temps.

56      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

57      Afin de procéder à la comparaison entre les produits visés par les signes en conflit, il convient de rappeler la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus et de préciser que, parmi les facteurs qui peuvent également être pris en compte, figurent les canaux de distribution des produits concernés ou encore la circonstance selon laquelle les produits sont fréquemment vendus dans les mêmes points de vente spécialisés, qui est de nature à faciliter la perception par le consommateur concerné des liens étroits existant entre eux et à renforcer l’impression que la responsabilité de leur fabrication incombe à la même entreprise [voir arrêts du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑627/13, non publié, EU:T:2015:740, point 37 et jurisprudence citée, et du 4 octobre 2018, Asolo/EUIPO – Red Bull (FLÜGEL), T‑150/17, EU:T:2018:641, point 68 et jurisprudence citée].

58      Premièrement, la vodka et le vin appartiennent à la même grande catégorie des boissons alcoolisées. Comme le constate la requérante, les deux boissons partagent la même finalité générale, à savoir qu’elles sont consommées à des fins récréatives ou de détente.

59      Si la teneur en alcool des vins, d’une part, et celle des vodkas, d’autre part, diffèrent certes considérablement, de sorte que cette différence est ressentie par le consommateur, il y a lieu de noter que la teneur en alcool de ces deux types de boissons dépasse en tout état de cause un certain seuil, qui déclenche l’applicabilité d’une réglementation, qui soumet le consommateur des deux boissons aux mêmes règles, notamment sur l’âge minimal de consommation. C’est également en raison de la teneur en alcool que les produits en cause sont tous les deux consommés dans un but de détente plutôt que pour étancher la soif.

60      Deuxièmement, la vodka et les vins sont tous commercialisés dans les mêmes points de vente. En effet, les spiritueux et les vins sont proposés dans les mêmes rayons ou dans des rayons voisins dans les supermarchés et épiceries. Ils peuvent également être achetés dans les mêmes magasins spécialisés, notamment, dans les États membres de l’Union dans lesquels la vente de boissons alcooliques se fait exclusivement par le biais de magasins d’État spécialisés (Systembolaget).

61      Troisièmement, quant au mode ou au contexte de son utilisation, la vodka peut aussi, tout comme le vin, être consommée comme accompagnement d’un repas. En tout état de cause, les deux produits sont souvent consommés dans le contexte plus large d’un repas.

62      S’il est certainement plus fréquent d’utiliser, pour des boissons mélangées, la vodka ou d’autres boissons à haute teneur en alcool, l’intervenante souligne à juste titre que le vin peut, tout comme la vodka, également être utilisé pour cuisiner des plats, des sauces ou des desserts et dans les cocktails.

63      C’est ainsi que le Tribunal a déjà jugé qu’une similitude existait entre les vins et les boissons alcooliques autre que les vins, les vins de quinquina et les vermouths, étant donné que leur nature était similaire dans la mesure où ces produits présentaient un certain degré d’alcool, que leur utilisation et leur mode de consommation étaient similaires, puisqu’ils pouvaient notamment être servis lors d’événements, que leur destination coïncidait en ce qu’ils visaient le public adulte, l’alcool étant normalement consommé par les personnes âgées de plus de 18 ans, et que les canaux de distribution étaient les mêmes, ces produits se trouvant dans les mêmes points de vente [voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Torres/OHMI – Navisa Industrial Vinícola Española (MANSO DE VELASCO), T‑259/06, non publié, EU:T:2008:575, point 33].

64      Quatrièmement, il existe aussi une certaine concurrence entre les produits en cause étant donné que des bars offrent souvent des cocktails à base de vodka et de vin, et également le vin et la vodka en tant que tels. Par ailleurs, l’intervenante invoque, à juste titre, une certaine concurrence entre les produits en cause en soulignant qu’il existe des vodkas ainsi que des vins réputés pour leur goût ou leur qualité.

65      Cinquièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les processus de production et les ingrédients diffèrent entre le vin et la vodka, cet argument tend en réalité à soulever des différences quant à la nature des produits, tout comme ceux concernant les différences de couleur, d’arôme et de goût ainsi que de la teneur en alcool et des caractéristiques organoleptiques. Or, même si les produits en cause sont de nature différente, d’autres facteurs peuvent justifier le constat d’une faible similitude entre eux.

66      Sixièmement, en ce qui concerne la pertinence de la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 20 janvier 2011, dans l’affaire R 321/2010-2, point 18, que la requérante a invoquée pour démontrer que la vodka et les vins étaient différents, il y a lieu de rappeler que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65].

67      S’agissant de l’arrêt du 29 avril 2009, Bodegas Montebello/OHMI – Montebello (MONTEBELLO RHUM AGRICOLE) (T‑430/07, non publié, EU:T:2009:127], invoqué par la requérante, selon lequel le rhum agricole est dissemblable du vin, il convient de noter que, dans cette affaire, le Tribunal a assumé que le rhum agricole était distribué dans des magasins spécialisés plutôt que dans divers commerces (arrêt du 29 avril 2009, MONTEBELLO RHUM AGRICOLE, T‑430/07, non publié, EU:T:2009:127, point 33), et qu’il n’était pas une boisson de consommation courante vendue à un bas prix qui pourrait être en concurrence avec les vins bon marché ou les vins de qualité qui auraient des prix comparables (arrêt du 29 avril 2009, MONTEBELLO RHUM AGRICOLE, T‑430/07, non publié, EU:T:2009:127, point 35). Or, en l’espèce, la requérante n’a pas contesté que la vodka était vendue, tout comme le vin, dans des supermarchés, épiceries et magasins facilement accessibles.

68      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les entreprises qui fabriquent ou distribuent des boissons alcoolisées n’utilisent pas de marque spécifique pour le vin et la vodka en même temps, il suffit de rappeler que la requérante elle-même cherche à faire enregistrer la marque demandée tant pour le vin que pour la vodka. Par ailleurs, l’intervenante a indiqué, à juste titre, qu’il existait un négociant en vins français, l’un des plus grands distributeurs en France, qui vendait également de la bière et des spiritueux, dont la vodka. La requérante concède par ailleurs qu’il est possible que le vin et la vodka soient fabriqués ou distribués sous la même marque s’il s’agit du nom de l’entreprise.

69      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que, malgré les différences entre les produits en cause, tenant notamment à la couleur, à l’arôme et au goût ainsi qu’à la teneur en alcool et aux caractéristiques organoleptiques, évoquées par la requérante, la vodka et le vin sont des boissons alcoolisées qui satisfont, dans une certaine mesure, le même besoin, à savoir le plaisir d’une boisson pendant un repas, à l’apéritif ou comme digestif, et qui sont distribuées dans les mêmes points de vente, de sorte que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’une similitude faible entre la vodka et le vin.

70      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du moyen unique.

 Sur la troisième branche du moyen unique, tirée d’une appréciation erronée de la similitude des signes en conflit

71      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

72      La chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel et un degré élevé de similitude sur le plan phonétique, une comparaison conceptuelle n’étant pas possible.

73      La requérante estime que les signes en conflit sont dissemblables sur le plan visuel ainsi que sur le plan phonétique.

 Sur la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel

74      La chambre de recours a considéré que le caractère distinctif des éléments figuratifs et de la représentation graphique du signe demandé était faible. En revanche, l’élément verbal AURUS constituerait, en raison de sa clarté, de sa position et de sa taille, l’élément dominant et visuellement accrocheur du signe demandé.

75      Les signes en conflit, différant par la lettre « d » au milieu de la marque antérieure et par la lettre « r » au milieu du signe demandé, coïncideraient par la quasi-totalité de leurs lettres et par la position des lettres différentes. Sur ce fondement, la chambre de recours a conclu à un degré moyen de similitude visuelle.

76      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur d’appréciation en ce qu’elle aurait ignoré que la représentation et les éléments graphiques de la marque demandée avaient un impact significatif sur son caractère distinctif et étaient au moins aussi distinctifs que l’élément verbal.

77      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

78      Selon une jurisprudence constante, lorsque des signes sont composés à la fois d’éléments verbaux et figuratifs, le caractère distinctif des éléments verbaux doit, en principe, être considérée comme supérieur à celui des éléments figuratifs, étant donné que le consommateur moyen est plus susceptible de mentionner la dénomination de la marque pour faire référence au produit en cause que de décrire son élément figuratif [voir arrêt du 12 juillet 2019, Audimas/EUIPO – Audi (AUDIMAS), T‑467/18, non publié, EU:T:2019:513, point 39 et jurisprudence citée].

79      En tenant compte de ce principe, les éléments figuratifs en l’espèce ne sont pas suffisamment distinctifs pour attirer l’attention du consommateur moyen. Les éléments graphiques consistent en la représentation d’une étoile placée au-dessus de l’élément verbal, ce dernier dominant l’impression visuelle produite par le signe demandé par sa taille ainsi que par ses lettres écrites en majuscules et en optique tridimensionnelle. L’arrière-plan en noir se borne à faire ressortir les cinq lettres qui composent l’élément verbal ainsi que l’étoile.

80      L’élément verbal constituant ainsi l’élément dominant de la marque demandée sur le plan visuel, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en se concentrant sur la comparaison des éléments verbaux « audus » et « aurus », dont quatre des cinq lettres les composant sont identiques et qui ne se distinguent que par leur lettre centrale, une différence qui n’est, d’ailleurs, pas facilement perceptible pour le consommateur moyen, étant donné que les deux éléments verbaux sont écrits en majuscules, comme l’a souligné à juste titre l’intervenante.

81      Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que le signe demandé était similaire sur le plan visuel à un degré moyen à la marque antérieure.

 Sur la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique

82      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré élevé de similitude. Indépendamment des différentes règles de prononciation dans différentes parties du territoire pertinent, la prononciation des signes coïnciderait pour les groupes de lettres « au » et « us », présents à l’identique dans les signes en conflit. Les éléments verbaux desdits signes seraient de même longueur et comporteraient deux syllabes et, par conséquent, auraient le même rythme se prononceraient avec la même intonation. En outre, le son commun des deux voyelles placées au début serait assez inhabituel. La prononciation différerait par le son de la lettre « d » de la marque antérieure et par le son de la lettre « r » de la marque demandée. En revanche, quatre des cinq lettres des signes en conflit seraient prononcées de manière identique. La seule lettre différente serait prononcée au milieu du mot, où la différence ne serait pas si évidente ni immédiatement perceptible.

83      La requérante estime que les secondes syllabes « dus » et « rus » diffèrent significativement en raison de leur premier son, de sorte que les marques sont phonétiquement dissemblables. Par ailleurs, la chambre de recours n’aurait pas expliqué la raison pour laquelle elle considérait les signes très similaires sur le plan phonétique, constatant ainsi un degré de similitude plus élevé que sur le plan visuel.

84      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante

85      Selon la jurisprudence, le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots [voir arrêts du 18 juin 2008, MEZZOPANE, T‑175/06, EU:T:2008:212, point 31 et jurisprudence citée, et du 25 novembre 2014, UniCredit/OHMI, T‑303/06 RENV et T‑337/06 RENV, EU:T:2014:988, point 54 et jurisprudence citée]. Le début d’un signe joue un rôle essentiel également sur le plan phonétique [arrêt du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03,  EU:T:2005:102, point 70].

86      Premièrement, en l’espèce, la partie initiale des éléments verbaux des signes en conflit est identique. Elle consiste en la première syllabe « au ».

87      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les secondes syllabes « dus » et « rus » diffèrent significativement en raison de leur première lettre, il ne convient pas d’isoler les secondes syllabes de leurs contextes. En effet, le public pertinent ne prononcera pas la seconde syllabe de manière isolée. Ainsi, la lettre « d » ou « r », respectivement, ne sera jamais prononcée en premier, le début de la seconde syllabe ne constituant pas le début de l’élément verbal qui, selon la jurisprudence citée au point 85 ci-dessus, revêt une importance particulière.

88      Troisièmement, en ce qui concerne la prononciation de mots, il convient de noter la signification du rythme sonore qui suit la structure syllabique. À cet égard, la chambre de recours a constaté à juste titre une identité des signes en conflit, ces derniers consistant, tous les deux, en deux syllabes.

89      Quatrièmement, il est constant, comme le soulève correctement l’EUIPO, que, si les éléments figuratifs – bien que secondaires – doivent être pris en compte dans la comparaison visuelle, tel n’est pas le cas dans la comparaison phonétique. Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant à une similitude phonétique élevée après avoir conclu à un degré moyen de similitude visuelle.

 Sur la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel

90      S’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, la requérante ne conteste pas le constat de la chambre de recours selon lequel les éléments verbaux « audus » et « aurus », en tant que tels, sont dépourvus de signification pour le public pertinent. Elle fait toutefois valoir que la chambre de recours a affirmé que le public pertinent percevrait les éléments verbaux « audus » et « aurus » comme étant dépourvus de signification sans avoir apprécié les autres éléments, notamment l’élément graphique de la marque demandée dont la couleur dorée pourrait être perçue comme faisant allusion à des articles de luxe.

91      Or, il ressort du point 84 de la décision attaquée que la chambre de recours a apprécié l’impact de cet élément graphique en constatant, à juste titre, que l’étoile dorée dans la marque demandée avait une fonction laudative et n’était dotée que d’un caractère distinctif faible. Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas omis d’apprécier les éléments figuratifs de la marque demandée dans le cadre de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel.

92      Il convient également d’écarter l’argument de la requérante selon lequel l’utilisation de la couleur dorée pour le terme « aurus », accompagné de l’étoile dorée, incitera le public pertinent à associer le mot « aurus » au mot latin « aurum » signifiant « or ». En effet, la requérante n’a pas démontré que le grand public de l’Union était familiarisé avec le vocabulaire latin, de sorte qu’il percevrait l’élément verbal comme faisant allusion à l’or et l’associerait à la couleur dorée utilisée au sein de la marque demandée.

93      Partant, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’étoile avait une fonction laudative soulignant l’élément verbal. À cet égard, l’intervenante a expliqué que, dans le secteur des boissons et de l’alimentation, la représentation d’une étoile pouvait faire référence à un prix décerné à un produit et était considérée comme un élément laudatif peu distinctif. En effet, la requérante admet elle-même que les lettres dorées sur fond noir et l’étoile peuvent être associées à des articles d’élite et coûteux.

94      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’une comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel n’était pas possible.

95      Partant, il y a lieu d’écarter la troisième branche du moyen unique.

 Sur la quatrième branche du moyen unique, tirée d’une appréciation erronée du risque de confusion

96      La chambre de recours a considéré que, compte tenu des facteurs pertinents et de leur interdépendance mutuelle et, en particulier, du fait que les produits étaient similaires à un faible degré, que les signes étaient similaires à un degré élevé, que la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque normal, le public pertinent faisant preuve d’un niveau d’attention moyen était susceptible d’établir un lien entre les signes, même si le degré de similitude entre les produits en cause était faible.

97      Étant donné que les produits en cause seraient fréquemment commandées dans des établissements bruyants comme des bars ou des boîtes de nuit, la coïncidence sur le plan phonétique serait particulièrement pertinente.

98      Même si le public pertinent ne confondait pas directement les deux signes, il pourrait néanmoins croire que les produits désignés proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. La chambre de recours a estimé que le public pertinent incluait une partie non négligeable des buveurs occasionnels de boissons alcoolisées, qui pouvaient consommer de la bière, du vin et de la vodka à diverses occasions dans leur vie personnelle, sociale et professionnelle, sans avoir pleinement connaissance des aspects techniques complexes des différents cadres réglementaires régissant la fabrication et la commercialisation de la bière, du vin et de la vodka au niveau de l’Union.

99      La requérante conteste l’appréciation globale du risque de confusion effectuée par la chambre de recours en réitérant sa contestation de la similitude visuelle et de la similitude phonétique entre les marques en conflit. L’appréciation de la similitude visuelle ne serait pas moins importante que l’appréciation de la similitude phonétique. La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir fait état, au stade de l’appréciation globale du risque de confusion, d’un « degré élevé » de similitude entre les signes en conflit, lequel ne serait pas conforme au résultat combiné de la comparaison visuelle (similitude moyenne) et de la comparaison phonétique (similitude élevée) entre les signes en conflit, sauf si la similitude phonétique entre les signes était particulièrement pertinente en l’espèce.

100    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

101    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

102    En outre, le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire [voir arrêt du 22 mars 2023, Fun Factory/EUIPO – I Love You (love you so much), T‑306/22, non publié, EU:T:2023:151, point 59 et jurisprudence citée].

103    Comme la chambre de recours a correctement conclu que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel (voir points 74 et suivants ci-dessus) et similaires à un degré élevé sur le plan phonétique (voir points 82 et suivants ci-dessus), et que la comparaison sur le plan conceptuel n’était pas possible (voir points 90 et suivants ci-dessus), elle n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant à une similitude globale élevée, notamment eu égard au fait que, pour les raisons indiquées au point 97 ci-dessus, le consommateur des produits en cause était susceptible de les acheter dans des conditions où la similitude phonétique entre les signes en conflit revêtait une pertinence particulière par rapport à la similitude visuelle ou conceptuelle. Pour autant que la requérante conteste la pertinence particulière de la similitude phonétique des signes constatée par la chambre de recours, elle n’a toutefois fourni aucun argument et n’a aucunement étayé son allégation.

104    En raison de l’interdépendance des facteurs dont il convient de tenir compte dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il y a lieu de confirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle un consommateur pourrait croire, malgré le faible degré de similitude entre les produits, que ces derniers proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. En particulier, même si le public pertinent ne confond pas directement les signes en conflit, il pourrait percevoir la marque demandée, en raison de sa représentation graphique dorée, comme une variante de luxe de la marque antérieure.

105    Partant, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du moyen unique.

106    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant pas être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

107    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

108    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens. 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Zalina Tavitova est condamnée aux dépens exposés par Cordier.

Schalin

Steinfatt

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.