Language of document : ECLI:EU:C:2022:492

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

15 juin 2022 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑121/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 février 2022,

Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, établie à Nicosia (Chypre), représentée par Mme V. Marsland, solicitor, et Me C. Milbradt, Rechtsanwältin,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Fontana Food AB, établie à Tyresö (Suède),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. I. Jarukaitis et M. Ilešič (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. G. Pitruzzella, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, en tant que titulaire de la marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 décembre 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Fontana Food (GRILLOUMI BURGER) (T‑595/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:866), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 juin 2019 (affaire R 1356/2018‑4), confirmant le rejet de l’opposition que Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi avait formée contre la demande de Fontana Food AB, relative à l’enregistrement du signe verbal GRILLOUMI BURGER en tant que marque de l’Union européenne.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait, en substance, valoir que son pourvoi soulève quatre questions nouvelles et importantes, aux yeux du grand public ainsi que des titulaires et des utilisateurs de marques collectives, pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union. À cet égard, elle soutient que les affaires impliquant des marques collectives, telles que la présente, sont rares et que le pourvoi devrait être admis afin de prévenir un affaiblissement effectif de ces marques dans l’Union.

7        En ce qui concerne la première question, la requérante allègue que le Tribunal a violé l’article 66 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), en ce qu’il n’a pas tenu compte de la définition et des particularités d’une marque collective dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion. Plus précisément, le Tribunal aurait commis, notamment aux points 102, 106 et 108 de l’arrêt attaqué, des erreurs en ce qu’il se serait référé au terme « halloumi » comme à un simple « type générique de fromage » ou en ce qu’il aurait admis l’existence d’un lien entre les marques en conflit sous l’angle du « concept de fromage halloumi ».

8        S’agissant des deuxième et troisième questions, la requérante reproche au Tribunal, d’une part, d’avoir violé l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, de celui-ci et, d’autre part, d’avoir méconnu la jurisprudence de la Cour, à savoir l’ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI (C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271), ainsi que les arrêts du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 40 à 47), du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO (C‑43/15 P, EU:C:2016:837), du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), et du 11 juin 2020, China Construction Bank/EUIPO (C‑115/19 P, EU:C:2020:469).

9        En particulier, la deuxième question porterait sur le point de savoir si, au regard du point 64 de l’arrêt attaqué, le titulaire d’une marque collective de l’Union européenne antérieure peut, dans le cadre de procédures d’opposition ou d’annulation, présumer que sa marque a un certain caractère distinctif en s’appuyant sur l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 40 à 47) ou s’il doit prouver, à nouveau, son caractère distinctif. À cet égard, la requérante reproche au Tribunal de s’être écarté de la jurisprudence de la Cour, premièrement, en attribuant au caractère distinctif une importance excessive, deuxièmement, en intégrant celui-ci dans la comparaison des signes et, troisièmement, en constatant, au point 72 de l’arrêt attaqué, sans le motiver, que la marque collective antérieure HALLOUMI a une « signification descriptive ».

10      La troisième question aurait pour objet, en substance, la portée de la protection de la marque collective dans le cas où cette dernière pourrait être protégée séparément en tant qu’appellation d’origine protégée ou indication géographique protégée. La requérante conteste l’apparente suggestion du Tribunal que l’aptitude d’une marque de l’Union européenne à être enregistrée dépendrait de l’absence d’aptitude à une protection en tant qu’appellation d’origine protégée ou indication géographique protégée et lui reproche d’avoir validé, à cet égard, les conclusions de l’avocate générale Kokott, dans l’affaire Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2019:881).

11      La quatrième et dernière question porterait sur le point de savoir si les conclusions incohérentes et illogiques du Tribunal peuvent être admises en tant que fondement solide d’une décision de justice. En l’occurrence, la requérante remet en cause, notamment, les constats du Tribunal effectués aux points 70, 78 et 99 de l’arrêt attaqué.

12      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20 et jurisprudence citée).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21 et jurisprudence citée).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et jurisprudence citée).

15      Dès lors, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

16      En l’occurrence, en ce qui concerne l’argumentation évoquée aux points 6 à 11 de la présente ordonnance, selon laquelle le Tribunal aurait, en substance, méconnu les particularités d’une marque collective et commis certaines erreurs dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, il importe de relever que l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi doit, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur lui, respecter, en vue d’établir que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance. Or, force est de constater que la requérante n’a pas respecté l’ensemble de ces exigences.

17      En effet, la requérante n’énonce pas, de façon claire et précise, quels sont les moyens sur lesquels son pourvoi est fondé. Si elle allègue que le Tribunal a commis certaines erreurs, elle ne fournit toutefois pas d’explications suffisamment claires et précises afin de permettre à la Cour de comprendre en quoi consisteraient les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal et n’indique pas dans quelle mesure de telles erreurs auraient exercé une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué.

18      De surcroît, si la requérante énonce les questions qui sont, selon elle, importantes pour le grand public, elle ne précise pas en quoi ces questions seraient importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. À cet égard, elle se borne à fournir des arguments d’ordre général, tels que la nouveauté des questions ou le caractère rare des affaires concernant les marques collectives, sans pour autant avancer d’arguments concrets et propres au cas d’espèce afin de prouver l’importance de ces questions au regard desdits critères.

19      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante cherche à remettre en cause l’appréciation factuelle à laquelle s’est livré le Tribunal lors de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit, il suffit de relever qu’une telle argumentation ne saurait, en tout état de cause, soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 23 novembre 2021, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑345/21 P, non publiée, EU:C:2021:951, point 19).

20      En ce qui concerne, plus précisément, l’argumentation résumée au point 8 de la présente ordonnance, tirée d’une méconnaissance de la jurisprudence de la Cour, force est de constater que, s’agissant de l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314), si la requérante précise les points de celui-ci qui auraient été méconnus, elle n’explique pas en quoi exactement consisterait cette méconnaissance. Quant aux autres décisions de la Cour invoquées, la requérante n’identifie pas les points de celles-ci prétendument méconnus et ne fournit pas d’indications suffisantes sur la similitude des situations visées dans ces décisions permettant d’établir la réalité de la contradiction alléguée.

21      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

22      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

23      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

24      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.