Language of document : ECLI:EU:T:2014:848

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

2 octobre 2014 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Projet de soutien et de diversification du tourisme de Crimée – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Acte confirmatif – Irrecevabilité partielle – Obligation de motivation – Critères d’attribution – Erreur manifeste d’appréciation – Détournement de pouvoir – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑199/12,

Euro-Link Consultants Srl, établie à Bucarest (Roumanie),

European Profiles AE Meleton kai Symvoulon Epicheiriseon, établie à Athènes (Grèce),

représentées par Me S. Pappas, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme S. Bartelt et M. A. Bordes, puis par Mme Bartelt et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 28 février 2012 de la délégation de l’Union européenne en Ukraine, rendue dans le cadre de la procédure d’appel d’offres restreint EuropeAid/131567/C/SER/UA, « Projet de soutien et de diversification du tourisme en Crimée », n’attribuant pas le marché au consortium des requérantes, ainsi que des décisions postérieures rejetant les réclamations de celles-ci rendues le 14 mars 2012 par la même autorité et le 2 mai 2012 par le directeur de la direction « Voisinage » de la direction générale « Développement et coopération – EuropeAid » de la Commission,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse et A. M. Collins (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1        La passation des marchés de services de la Commission européenne dans le cadre des actions extérieures de l’Union européenne est assujettie aux dispositions de la deuxième partie du titre IV du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »).

 Règlement financier

2        L’article 100, paragraphe 2, du règlement financier prévoit :

« Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

 Guide pratique des procédures contractuelles dans le cadre des actions extérieures de l’Union européenne

3        Le guide pratique des procédures contractuelles dans le cadre des actions extérieures de l’Union européenne, dans sa version de 2010 mise à jour en mars 2011 (ci-après le « PRAG »), s’appliquait à tous les contrats d’aide extérieure de l’Union financés par le budget général de l’Union et le 10e Fonds européen de développement et, partant, à l’appel d’offres en cause en l’espèce.

4        Le point 2.4.14, premier alinéa, du PRAG, intitulé « Clauses déontologiques », prévoit :

« Toute tentative d’un candidat, d’un demandeur ou d’un soumissionnaire visant à se procurer des informations confidentielles, à procéder à des ententes illicites avec ses concurrents ou à influencer le comité d’évaluation ou le pouvoir adjudicateur au cours de la procédure d’examen, de clarification, d’évaluation et de comparaison des offres et des candidatures entraîne le rejet de sa candidature, proposition ou soumission. »

5        Le point 2.4.15 du PRAG, intitulé « Voies de recours/Médiateur européen », dispose :

« Si un […] soumissionnaire […] s’estime lésé par une erreur ou une irrégularité commise dans le cadre d’une procédure […] de passation de marchés, il en réfère directement au pouvoir adjudicateur. Le pouvoir adjudicateur doit répondre dans un délai de 45 jours à compter de la date de réception de la plainte. »

6        Le point 2.8.2 du PRAG, intitulé « Impartialité et confidentialité », énonce :

« Tous les membres du comité d’évaluation et les éventuels observateurs doivent signer une déclaration d’impartialité et de confidentialité […]

Pendant le déroulement d’une procédure de passation de marchés, les contacts entre le pouvoir adjudicateur et les candidats ou les soumissionnaires ne peuvent avoir lieu que dans des conditions qui garantissent la transparence et l’égalité de traitement. Ils ne peuvent conduire ni à la modification des conditions du marché ni à celle des termes de l’offre initiale.

Aucune information sur l’analyse, la clarification, l’évaluation ou la comparaison des offres ou sur les décisions d’attribution du marché ne peut être divulguée avant la signature du/des contrat(s) par le pouvoir adjudicateur et l’attributaire du marché. Toute tentative d’un soumissionnaire ou demandeur visant à influencer la procédure de quelque manière que ce soit (en prenant contact avec des membres du comité d’évaluation ou autrement) entraîne le rejet immédiat de son offre ou de sa proposition […] »

7        Le point 3.3.10.3 du PRAG, intitulé « Évaluation des offres », prévoit :

« Avec l’accord des autres membres du comité d’évaluation, le président peut communiquer par écrit avec les soumissionnaires dont les offres nécessitent des clarifications, en leur donnant la possibilité de répondre dans un délai raisonnable à fixer par le comité.

[…]

Les soumissionnaires doivent fournir des pièces justificatives pour les experts principaux qu’ils proposent. Ces pièces comprennent les copies des diplômes mentionnés dans le [curriculum vitae] et les certificats des employeurs ou les références établissant l’expérience professionnelle indiquée dans le CV. Si des justificatifs manquants sont demandés, ils ne peuvent concerner que l’expérience et les diplômes pertinents qui sont exigés dans les termes de référence.

[…]

Les entretiens devraient constituer la pratique standard lorsque l’expert proposé n’a pas d’expérience pertinente dans le domaine des projets de l’UE dans la même langue, comme il ressort du CV. Dans les autres cas, des vérifications à l’intérieur de la CE sont plus appropriées (procédures centralisées). De tels entretiens devront dès lors être prévus dans le dossier d’appel d’offres et doivent être bien préparés s’ils ont effectivement lieu.

[…]

Le comité d’évaluation peut décider de procéder à un entretien avec les experts principaux proposé[s] dans les offres techniquement conformes (c’est-à-dire celles qui ont obtenu une note moyenne égale ou supérieure à 80 points au terme de l’évaluation technique), après avoir établi ses conclusions provisoires écrites et avant de conclure définitivement l’évaluation des offres techniques.

[…]

Parmi les offres atteignant le seuil de 80 points, la meilleure offre technique reçoit 100 points. Les autres offres se voient attribuer une note calculée selon l’équation suivante :

Note technique = (note finale de l’offre technique en question / note finale de la meilleure offre technique) x 100. »

8        Aux termes du point 3.3.10.5 du PRAG, intitulé « Conclusions du comité d’évaluation », « [l]e choix de l’offre économiquement la plus avantageuse résulte d’une pondération de la qualité technique et du prix des offres selon une clef de répartition 80/20 ».

 Appel d’offres

9        Le 28 juillet 2011, la Commission a lancé, par l’intermédiaire de la délégation de l’Union en Ukraine, la procédure d’appel d’offres restreinte EuropeAid/131567/C/SER/UA, intitulée « Projet de soutien et de diversification du tourisme en Crimée » (JO/S 152-251372, ci-après l’« appel d’offres »), visant à promouvoir la diversification de l’industrie du tourisme dans la République autonome de Crimée et à Sébastopol (Ukraine) et à créer une offre touristique équilibrée et attractive.

10      L’appel d’offres était notamment composé des instructions aux soumissionnaires, des conditions générales des marchés de services ainsi que des termes de référence.

11      Le point 4 des instructions aux soumissionnaires détaille les exigences formelles de soumission des offres. En particulier, le point 4.1.4 des instructions aux soumissionnaires réitère l’exigence formulée au point 3.3.10.3. du PRAG selon laquelle les soumissionnaires doivent fournir les justificatifs attestant des qualifications et de l’expérience professionnelle des experts principaux proposés.

12      Le point 12.3 des instructions aux soumissionnaires reprend les termes du point 3.3.10.5 du PRAG (voir le point 8 ci-dessus).

13      Le point 12.4 des instructions aux soumissionnaires, intitulé « Confidentialité », prévoit :

« L’intégralité de la procédure d’évaluation est confidentielle […] Les décisions du comité d’évaluation sont collectives et ses délibérations se tiennent à huis clos. Les membres du comité d’évaluation sont tenus au secret […] »

14      Le point 13, sous a), des instructions aux soumissionnaires reprend, en substance, le point 2.4.14 du PRAG (voir le point 4 ci-dessus).

15      Le point 6.1.1 des termes de référence précise les qualifications et l’expérience professionnelle exigée des experts principaux.

 Antécédents du litige

16      Les requérantes, Euro-Link Consultants Srl (ci-après « Euro-Link ») et European Profiles AE Meleton kai Symvoulon Epicheiriseon, sont des sociétés de conseil respectivement roumaine et grecque. Elles faisaient partie d’un consortium dirigé par Euro-Link, constitué aux fins de la procédure restreinte d’appel d’offres en cause dans la présente affaire.

17      Le 3 novembre 2011, la Commission a informé Euro-Link que le consortium qu’elle menait était invité à prendre part à la procédure restreinte d’appel d’offres et lui a communiqué les instructions aux soumissionnaires, un projet de contrat, les conditions générales des marchés de services, les termes de référence ainsi que le formulaire à utiliser pour soumettre son offre.

18      Par lettre du 16 novembre 2011, la Commission a, à la suite d’une demande de clarification d’un soumissionnaire, précisé à tous les soumissionnaires présélectionnés que la maîtrise du russe était considérée comme une exigence minimale pour les trois experts principaux, sous peine de rejet de l’offre.

19      Le consortium des requérantes a présenté une offre dans le délai imparti.

20      Le comité d’évaluation s’est réuni à sept reprises dans les locaux de la délégation de l’Union à Kiev (Ukraine) au cours du mois de janvier 2012. Il a conduit des entretiens avec tous les chefs d’équipes et les experts principaux proposés par les soumissionnaires le 26 janvier 2012.

21      Le 28 février 2012, la Commission a envoyé à Euro-Link un avis de non-attribution du marché par courrier électronique. Elle lui a également adressé par télécopie une lettre (ci-après la « décision de non-attribution »), dans laquelle elle lui indiquait l’identité du soumissionnaire arrivé en première position, le consortium mené par GDSI Ltd. Cette lettre comportait également un tableau contenant les notes attribuées à l’offre de son consortium et celles attribuées à l’offre retenue.

22      Par lettre adressée à la Commission le 29 février 2012, Euro-Link a contesté la validité de la procédure d’évaluation des offres. En particulier, elle a fait valoir que le chef d’équipe du consortium mené par GDSI, Mme T., ne remplissait pas les conditions posées par les termes de référence relatives à l’expérience professionnelle et à la maîtrise du russe, de sorte que l’offre de ce consortium n’était pas conforme aux termes de référence.

23      Dans une lettre du 14 mars 2012 (ci-après la « lettre du 14 mars 2012 »), la Commission a répondu à Euro-Link que le comité d’évaluation avait examiné les documents, les curriculum vitae (CV) et les références relatives à l’expérience professionnelle des experts principaux qui lui avaient été fournis dans le cadre du présent appel d’offres. En revanche, elle a précisé que les autres documents fournis par Euro-Link ou par toute autre société n’étaient pas pertinents et ne pouvaient être pris en considération. La Commission a précisé que, eu égard aux références fournies, le CV de Mme T. satisfaisait aux exigences minimales et que cette dernière avait démontré, lors de l’entretien, que son niveau de russe était non seulement suffisant pour accomplir ses tâches et conforme aux exigences énoncées dans les termes de référence, mais qu’elle avait démontré lors de l’entretien un meilleur niveau en russe que n’importe quel autre candidat. La Commission a conclu qu’il n’y avait pas lieu de procéder à la réouverture de la procédure d’évaluation ou de modifier la décision de non-attribution.

24      Par lettres du 22 mars 2012, Euro-Link a signalé au directeur de la direction générale « Développement et coopération » – EuropeAid de la Commission et à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) des prétendues irrégularités dans la procédure d’évaluation des offres.

25      Le directeur de la direction « Voisinage » de la direction générale « Développement et coopération » – EuropeAid de la Commission a répondu à Euro-Link le 28 mars 2012. Il l’a informée que la procédure d’appel d’offres s’était déroulée dans le respect des dispositions applicables. Il constatait toutefois que les informations contenues dans la lettre d’Euro-Link du 22 mars 2012 mettaient en évidence que cette dernière avait eu accès, ainsi qu’un membre de son consortium, à des informations confidentielles, alors même que la procédure d’appel d’offres était en cours. La Commission lui a dès lors demandé d’indiquer sa source et la manière dont elle avait obtenu ces informations. Elle a également ajouté que le dossier complet de l’affaire avait déjà été transmis à l’OLAF pour examen.

26      Par lettre du 18 avril 2012, Euro-Link a expliqué à la Commission qu’elle n’avait, à l’instar des membres du consortium qu’elle menait, ni essayé d’obtenir ni obtenu d’informations confidentielles lors de la procédure d’évaluation. Parmi les précisions apportées dans sa lettre, Euro-Link a évoqué des contacts avec les autorités ukrainiennes. Elle disait avoir été informée qu’un membre du comité d’évaluation avait influencé les autres membres de ce comité en leur expliquant qu’il avait contacté la délégation de l’Union en Serbie, qui lui aurait donné des informations « pas très positives » sur le chef d’équipe proposé par le consortium mené par Euro-Link, celui-ci ne parlant probablement pas russe. Elle a précisé que ces informations lui avaient été communiquées par le chef d’équipe proposé dans l’offre de son consortium qui aurait obtenu ces informations de M. X, attaché de la délégation de l’Union en Serbie. Elle a également attiré l’attention de la Commission sur le fait que cette dernière n’avait pas pris position sur ses allégations relatives au non-respect des exigences des termes de référence par le chef d’équipe du consortium mené par GDSI.

27      Le directeur de la direction « Voisinage » a répondu à Euro-Link par lettre du 2 mai 2012 (ci-après la « lettre du 2 mai 2012 ») dans laquelle il a pris acte du fait qu’Euro-Link avait confirmé, dans sa lettre du 18 avril 2012, qu’elle avait été en contact avec les autorités ukrainiennes. La Commission a indiqué à Euro-Link que ce comportement constituait une violation patente du point 2.8.2 du PRAG et du point 13 des instructions aux soumissionnaires. S’agissant de l’allégation d’Euro-Link selon laquelle un membre du comité d’évaluation aurait influencé les autres membres en contactant la délégation de l’Union en Serbie, la Commission lui a expliqué que le comité d’évaluation était autorisé à procéder à toutes les vérifications nécessaires et que certains contrôles faisaient partie des tâches habituelles à accomplir dans le cadre de la procédure d’évaluation. Quant aux allégations relatives au non-respect des exigences des termes de référence par le chef d’équipe du consortium mené par GDSI, la Commission a estimé y avoir déjà répondu et a rappelé que « toute appréciation du respect des exigences énoncées dans les termes de référence et toute décision prise par la suite rel[evai]ent de la compétence exclusive du comité d’évaluation et du pouvoir adjudicateur responsable ».

28      Par lettre du 14 mai 2012, Euro-Link a déclaré une nouvelle fois qu’elle n’avait, à l’instar des membres du consortium qu’elle menait, ni essayé d’obtenir ni obtenu des informations confidentielles lors de la procédure d’évaluation.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe le 8 mai 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

30      La composition des chambres ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

31      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 13 mars 2014.

32      Lors de l’audience, le Tribunal a demandé à la Commission de lui remettre le tableau des experts principaux dans lequel étaient détaillées les qualifications et l’expérience professionnelle des experts du consortium dirigé par GDSI. La Commission a par ailleurs été autorisée à verser au dossier le rapport d’évaluation dressé par le comité d’évaluation.

33      Les requérantes ont présenté leurs observations sur ces documents le 28 mars 2014.

34      La procédure orale a été clôturée le 2 avril 2014.

35      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de non-attribution ;

–        annuler la lettre du 14 mars 2012 ;

–        annuler la lettre du 2 mai 2012 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre des actes autres que la décision de non-attribution ;

–        rejeter les demandes des requérantes comme irrecevables conformément au principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans ;

–        rejeter l’ensemble des demandes des requérantes comme manifestement non fondées ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

37      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent trois moyens tirés respectivement d’une violation de l’obligation de motivation, d’une violation d’une formalité substantielle ainsi que d’une violation du principe de l’égalité de traitement et d’un détournement de pouvoir.

 Sur la recevabilité

38      La Commission considère que les lettres des 14 mars et 2 mai 2012 rejetant les réclamations d’Euro-Link ne font que confirmer la décision de non-attribution et ne constituent dès lors pas des actes susceptibles de recours, étant donné qu’ils ne produisent pas d’effets juridiques sur la situation des requérantes. Par conséquent, le recours devrait être rejeté comme irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre ces deux lettres.

39      Lors de l’audience, la Commission a renoncé à son argument selon lequel le recours doit être rejeté comme irrecevable en vertu du principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Elle a néanmoins fait valoir que les preuves avancées par les requérantes au soutien de leurs deuxième et troisième moyens étaient irrecevables, dès lors qu’elles avaient été obtenues en violation de ce principe.

40      Selon une jurisprudence bien établie, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’une autre décision devenue définitive est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (arrêts du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, Rec, EU:T:2001:42, point 44, et du 22 mai 2012, Sviluppo Globale/Commission, T‑6/10, EU:T:2012:245, point 22).

41      Toutefois, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne saurait être apprécié en fonction uniquement de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait. En effet, il y a également lieu d’apprécier le caractère de l’acte attaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte constitue une réponse (arrêts Inpesca/Commission, EU:T:2001:42, point 45, et Sviluppo Globale/Commission, EU:T:2012:245, point 23).

42      En particulier, si l’acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure (arrêts Inpesca/Commission, EU:T:2001:42, point 46, et Sviluppo Globale/Commission, EU:T:2012:245, point 24).

43      Selon une jurisprudence constante, l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive. Si une demande visant au réexamen d’une décision devenue définitive est fondée sur des faits nouveaux et substantiels, l’institution concernée est tenue d’y procéder. À la suite de ce réexamen, l’institution devra prendre une nouvelle décision, dont la légalité peut, le cas échéant, être contestée devant le juge de l’Union. En revanche, si la demande de réexamen n’est pas fondée sur des faits nouveaux et substantiels, l’institution n’est pas tenue d’y faire droit (voir arrêt Inpesca/Commission, EU:T:2001:42, points 47 et 48 et jurisprudence citée).

44      Un recours introduit contre une décision refusant de procéder à un réexamen d’une décision devenue définitive sera déclaré recevable s’il apparaît que la demande était effectivement fondée sur des faits nouveaux et substantiels. En revanche, s’il apparaît que la demande n’était pas fondée sur de tels faits, le recours contre la décision refusant de procéder au réexamen sollicité sera déclaré irrecevable (voir arrêt Inpesca/Commission, EU:T:2001:42, point 49 et jurisprudence citée).

45      En ce qui concerne la question de savoir selon quels critères des faits doivent être qualifiés de « nouveaux et substantiels », il ressort de la jurisprudence que, pour avoir un caractère « nouveau », il est nécessaire que ni la partie requérante ni l’administration n’aient eu ou n’aient été en mesure d’avoir connaissance du fait concerné au moment de l’adoption de la décision antérieure (voir arrêt Inpesca/Commission, EU:T:2001:42, point 50 et jurisprudence citée).

46      Pour avoir un caractère « substantiel », il est nécessaire que le fait concerné soit susceptible de modifier de façon substantielle la situation de la partie requérante qui est à l’origine de la demande initiale ayant donné lieu à la décision antérieure devenue définitive (voir arrêt Inpesca/Commission, EU:T:2001:42, point 51 et jurisprudence citée).

47      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il y a lieu d’examiner la recevabilité du recours dans la mesure où il est dirigé contre les lettres des 14 mars et 2 mai 2012.

48      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans sa réclamation du 29 février 2012, Euro-Link a, en substance, contesté la validité de l’attribution du marché au consortium mené par GDSI en invoquant une évaluation erronée des exigences minimales définies par l’appel d’offres. Euro-Link a joint à sa réclamation un CV en sa possession de l’expert principal du consortium mené par GDSI, Mme T. Il est constant, au vu des documents produits par la Commission lors de l’audience, que plusieurs données du CV de Mme T. transmis au comité d’évaluation par le consortium mené par GDSI n’apparaissaient pas dans le CV de Mme T. envoyé par Euro-Link à la Commission.

49      Il ressort, par ailleurs, de la lecture de la lettre du 14 mars 2012 que, dans celle-ci, la Commission s’est bornée à indiquer qu’elle confirmait la décision de non-attribution et qu’un nouvel examen de celle-ci n’était pas nécessaire, dès lors que le comité d’évaluation avait examiné le CV de Mme T. fourni par GDSI et qu’il avait vérifié les documents relatifs aux qualifications et à l’expérience professionnelle déclarée par chacun des experts.

50      Il découle de la jurisprudence citée aux points 41 à 44 ci-dessus qu’un recours en annulation contre un acte dans lequel une institution rejette une demande de réexamen, tel que la lettre du 14 mars 2012, n’est recevable qu’à la condition que ladite demande ait été fondée sur des faits nouveaux et substantiels, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 45 ci-dessus. Il convient donc de vérifier si la demande de réexamen contenue dans la lettre d’Euro-Link du 29 février 2012 se fondait sur des faits présentant un caractère tant nouveau que substantiel.

51      À cet égard, il convient de constater que le seul élément de fait présenté par Euro-Link au soutien de sa lettre du 29 février 2012 est constitué par le CV que Mme T. lui aurait fait parvenir. Dans ces conditions, dès lors que, ainsi que la Commission le fait valoir dans la lettre du 14 mars 2012, le comité d’évaluation avait examiné le CV de Mme T. présenté par GDSI dans son offre et vérifié les justificatifs de l’expérience professionnelle alléguée dans ce CV, la Commission pouvait, à bon droit, considérer que le CV de Mme T. que lui avait transmis Euro-Link ne constituait pas un fait nouveau et substantiel justifiant qu’elle procède au réexamen de la décision d’attribution. En effet, comme l’a envisagé la Commission lors de l’audience, il n’est pas exclu que des experts soumettent des CV différents aux soumissionnaires en lice afin de favoriser leur engagement par l’un d’eux en particulier.

52      Pour le reste, les allégations contenues dans la lettre d’Euro-Link du 29 février 2012 ne constituent pas des faits, mais des moyens invoqués dans le cadre de leur recours administratif. En effet, ces affirmations ne faisaient que dénoncer le fait que le pouvoir adjudicateur n’ait pas respecté ses obligations découlant des termes de référence. De tels moyens ne sauraient être considérés comme des faits nouveaux au sens de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus sans la vider de tout son contenu (voir, en ce sens, arrêt Sviluppo Globale/Commission, EU:T:2012:245, point 34).

53      Partant, eu égard à la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, le recours doit être déclaré irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la lettre du 14 mars 2012, refusant de procéder au réexamen sollicité par Euro-Link le 29 février 2012.

54      Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’Euro-Link, dans sa lettre du 22 mars 2012, se contentait d’attirer l’attention de la Commission sur les « irrégularités, erreurs et violation des procédures » ayant marqué l’évaluation des offres. Ainsi qu’il a été précisé au point 52 ci-dessus, ces affirmations ne faisant que dénoncer le fait que le pouvoir adjudicateur n’avait pas respecté ses obligations découlant des règles applicables à la procédure d’appel d’offres, il ne saurait être considéré que cette lettre contenait des faits nouveaux. Il en va de même de la plupart des éléments avancés dans la lettre d’Euro-Link du 18 avril 2012. Pour le reste, cette dernière lettre ne fait que réitérer ses griefs relatifs aux qualifications de Mme T. contenus dans la réclamation du 29 février 2012.

55      Dès lors, eu égard à la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, le recours doit également être déclaré irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la lettre du 2 mai 2012, refusant de procéder au réexamen sollicité par Euro-Link les 22 mars et 18 avril 2012.

 Sur le premier moyen, tiré, notamment, d’une violation de l’obligation de motivation

56      À titre liminaire, il convient de relever que, bien que ces arguments ne relèvent pas de l’obligation de motivation, les requérantes font également valoir dans le cadre du premier moyen que la Commission a commis une erreur de droit en n’examinant pas le CV de Mme T. annexé à la réclamation d’Euro-Link du 29 février 2012. Indépendamment de cela, la Commission n’aurait pas procédé à une vérification de l’adéquation des qualifications de Mme T. avec les exigences de l’appel d’offres.

57      Dans le cadre du présent moyen, les requérantes invoquent ainsi, en substance, trois branches, tirées respectivement d’un défaut de motivation de la décision de non-attribution, de l’absence de prise en compte du CV de Mme T. fourni par les requérantes et d’une contestation du CV de cette dernière transmis par le consortium dirigé par GDSI et versé au dossier lors de l’audience.

58      Par la première branche, tirée d’un défaut de motivation de la décision de non-attribution, les requérantes considèrent que la Commission a violé une formalité substantielle dès lors que les notes communiquées dans la décision de non-attribution étaient indéchiffrables et erronées et qu’elles n’étaient pas assorties de la moindre explication sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue. La Commission aurait dû, dans la lettre du 2 mai 2012, répondre aux allégations des requérantes de manière claire, circonstanciée et responsable.

59      Par la deuxième branche, tirée de l’absence de prise en compte du CV de Mme T. fourni par les requérantes, celles-ci estiment que la Commission aurait dû donner suite à leur réclamation en vérifiant, en vertu du principe de bonne administration, le respect par Mme T. des exigences minimales énoncées dans le cadre de l’appel d’offres, et ce quels que soient les éléments de preuve avancés. Cette vérification était d’autant plus importante en l’espèce que la Commission tend à vérifier les affirmations contenues dans les CV, que les requérantes soulevaient un manque de transparence et d’impartialité, que les qualifications de Mme T. avaient été remises en cause par un autre consortium et qu’une divergence existait entre le CV de celle-ci soumis par le consortium mené par GDSI dans le cadre de l’appel d’offres et celui en possession des requérantes.

60      Par la troisième branche, soulevée dans leurs observations sur les documents versés au dossier lors de l’audience, les requérantes contestent le CV de Mme T. transmis par le consortium dirigé par GDSI. Elles estiment tout d’abord que celui-ci ne remplissait pas les conditions de forme posées au point 4.1.3, sous b), des instructions aux soumissionnaires, de sorte que le CV de Mme T. fourni par les requérantes aurait fait l’objet d’une différence de traitement par rapport au premier. Les requérantes font ensuite valoir que Mme T. ne satisfaisait pas aux exigences minimales requises au point 6.1.1 des termes de référence. Elles font enfin valoir que la Commission ne leur a pas fourni, ni au Tribunal, les preuves relatives à l’expérience professionnelle de Mme T.

61      La Commission conteste les arguments des requérantes.

62      S’agissant de la première branche, tirée d’un défaut de motivation de la décision de non-attribution, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 100, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

63      Il résulte de cette disposition, ainsi que de la jurisprudence du Tribunal, que la Commission satisfait à son obligation de motivation si elle se contente, tout d’abord, de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et fournit, ensuite, aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir arrêt du 5 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑591/08, EU:T:2012:522, point 77 et jurisprudence citée).

64      En l’espèce, il convient de constater que les requérantes ont admis lors de l’audience que la lettre d’Euro-Link adressée à la Commission le 29 février 2012 constituait la seule demande de clarification de sa décision d’attribution. Euro-Link a, en effet, demandé à la Commission, en vertu du point 2.4.15 du PRAG, de prendre position par écrit sur les prétendues irrégularités intervenues lors de la procédure de passation de marché. Or, il ressort du point 22 ci-dessus que cette réclamation portait sur la conformité de l’offre du consortium mené par GDSI avec les exigences minimales énoncées. Ainsi, elle ne contenait aucune demande visant à obtenir les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché. Partant, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission ne leur aurait pas communiqué les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue.

65      Les requérantes invoquent également une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée.

66      Selon cette obligation, consacrée à l’article 296 TFUE, il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, EU:T:2012:522, point 78 et jurisprudence citée).

67      En outre, il importe de rappeler que l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée, et du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, EU:T:2008:324, point 49).

68      Toutefois, il découle de cette même jurisprudence qu’il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci (voir arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, EU:C:2012:617, point 21 et jurisprudence citée).

69      En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission a immédiatement communiqué, dès la décision de non-attribution, le nom du soumissionnaire retenu ainsi que les motifs du rejet de l’offre du consortium des requérantes. En particulier, il était indiqué dans cette lettre que, « parmi les offres conformes aux exigences techniques, votre offre n’était pas économiquement la plus avantageuse ». Par ailleurs, la décision contenait un tableau reprenant les notes moyennes et globales attribuées à l’offre du consortium des requérantes et à celle du consortium mené par GDSI. Ce tableau détaillait en particulier les notes relatives aux critères d’attribution figurant aux points 4.1 et 4.2 des instructions aux soumissionnaires, à savoir l’organisation et la méthodologie, les trois experts principaux et l’offre financière. Partant, la décision de non-attribution a été rédigée conformément aux dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2013, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑165/12, Rec, EU:T:2013:646, point 69).

70      À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel le tableau qui leur a été communiqué dans la décision de non-attribution ne correspondait pas à celui figurant au point 3.3.10.5 du PRAG. En effet, d’une part, aucune disposition n’impose, en l’espèce, au pouvoir adjudicateur d’utiliser ce tableau, pour communiquer les résultats de la procédure d’évaluation. Il ressort au contraire du point 3.3.10.5 du PRAG que ce tableau est un « [e]xemple de relevé d’évaluation des offres ». D’autre part, le tableau fourni en l’espèce par le pouvoir adjudicateur diffère principalement de celui figurant au point 3.3.10.5 du PRAG en ce que les libellés des lignes ont été intervertis avec ceux des colonnes et en ce qu’il contient un niveau de détails plus élevé que celui figurant à cette disposition, ce qui ne saurait être reproché à la Commission.

71      S’agissant du caractère prétendument indéchiffrable et erroné des notes figurant dans le tableau contenu dans la décision de non-attribution, il y a lieu de relever que le comité d’évaluation a effectué son calcul conformément aux règles figurant dans le PRAG et dans les instructions aux soumissionnaires. La méthode de calcul était précisée au point 3.3.10.3 du PRAG (voir point 7 ci-dessus). Ainsi, la décomposition de de la note technique correspondait aux catégories prévues par la grille d’évaluation transmise aux soumissionnaires. Le fait que l’addition de ces différentes notes aboutisse à un chiffre différent de celui de la note technique figurant dans ce tableau s’explique par le fait que cette dernière a été obtenue en divisant la note finale de l’offre technique des requérantes par la note finale de la meilleure offre technique. Dès lors, les requérantes disposaient de tous les éléments nécessaires pour comprendre la manière selon laquelle leur note finale a été calculée.

72      En tout état de cause, le tableau figurant dans la décision de non-attribution permettait aux requérantes de comparer directement, pour les principaux critères évalués, les points qui leur avaient été attribués avec ceux obtenus par le soumissionnaire classé en première position (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑59/05, EU:T:2008:326, point 127), de sorte qu’elles pouvaient identifier les forces et les faiblesses respectives de chaque offre.

73      Au surplus, il y a lieu de relever que les informations contenues dans la lettre du 14 mars 2012 répondent de manière circonstanciée aux allégations d’Euro-Link. En effet, la Commission y a précisé les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas prendre en considération le CV de Mme T. soumis par Euro-Link et la manière dont les experts principaux avaient été évalués, notamment en ce qui concernait leur connaissance du russe. Le niveau de détail de ces informations justifiait que la Commission se contente d’y renvoyer dans la lettre du 2 mai 2012. 

74      Partant, il y a lieu de constater que la Commission a motivé à suffisance de droit la décision de non-attribution, les requérantes étant, à la lecture de celle-ci, en mesure d’en connaître les motifs afin de faire valoir leurs droits, possibilité dont elles ont fait usage en l’espèce.

75      S’agissant de la deuxième branche, tirée de l’absence de prise en compte du CV de Mme T. fourni par les requérantes, il ressort du point 51 ci-dessus que le CV de Mme T. annexé à la réclamation d’Euro-Link du 29 février 2012 n’était pas un élément pertinent aux fins de l’évaluation de l’offre présentée par le consortium dirigé par GDSI. En l’absence d’autres éléments nouveaux et pertinents, la Commission n’était donc pas tenue de procéder à un nouvel examen des offres qu’elle avait déjà évaluées. En outre, il ressort tant de la lettre de la Commission du 14 mars 2012 que de son mémoire en réponse et de ses déclarations lors de l’audience que celle-ci a satisfait à ses obligations en vérifiant les documents exigés au point 4.1.4, des instructions aux soumissionnaires. Les requérantes n’ont d’ailleurs avancé aucun élément pertinent de nature à remettre en cause l’existence d’une telle vérification. Dans ces circonstances, il convient d’écarter la prétendue irrégularité alléguée par les requérantes.

76      S’agissant de la troisième branche, tirée d’une contestation du CV de Mme T. transmis par le consortium dirigé par GDSI, il importe de relever que le tableau des experts principaux versé au dossier lors de l’audience (voir point 32 ci-dessus) consistait en un CV détaillé de chacun des trois experts principaux proposés par le consortium dirigé par GDSI. Les expériences professionnelles mentionnées dans chaque CV en spécifiaient la période, le lieu, l’employeur, l’intitulé du poste, une description et une référence aux attestations soumises pour chacune d’entre elles. Dans le cas de Mme T., le CV comportait 22 expériences professionnelles antérieures avec des fonctions et des dates précises.

77      À cet égard, il est constant, tout d’abord, que le CV de Mme T. transmis par GDSI contenait six pages alors que le point 4.1.3, sous b), des instructions aux soumissionnaires prescrivait que les CV des experts principaux soient limités à trois pages. Toutefois, le point 4 de ces instructions prévoit que le non-respect des exigences énoncées au point 4.1 de ce même document constitue une erreur formelle susceptible d’entraîner le rejet de l’offre concernée, laissant ainsi un pouvoir d’appréciation au pouvoir adjudicateur. Or, il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission, à l’instar des autres institutions, dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 10 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑247/09, EU:T:2012:533, point 75 et jurisprudence citée).

78      En ce qui concerne la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 10 octobre 2013, Manova, C‑336/12, Rec, EU:C:2013:647, point 30 et jurisprudence citée ). En l’espèce, il y a lieu de constater que la différence de traitement entre le CV de Mme T. transmis par le consortium dirigé par GDSI au comité d’évaluation et celui fourni par les requérantes est justifié par la différence de situation dans laquelle ces deux documents ont été présentés. En effet, le premier, soumis dans le cadre de la procédure d’évaluation, avait vocation à être examiné par le pouvoir adjudicateur alors que le second, soumis après l’attribution du marché, ne constituait pas, sous réserve des vérifications menées par la Commission, un élément de nature à remettre en cause la valeur probante du premier.

79      En l’espèce, le Tribunal estime que, en décidant de prendre en considération le CV de Mme T. fourni par le consortium mené par GDSI en dépit de sa longueur, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, ni violé le principe d’égalité de traitement. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir accepté le CV de Mme T. soumis par le consortium mené par GDSI malgré sa longueur.

80      Ensuite, dans leurs observations sur ces documents, les requérantes ont contesté que les fonctions de Mme T. auprès du comité d’organisation des Jeux olympiques d’Athènes de 2004 et de l’université de Thessalie, telles qu’elles apparaissaient dans son CV transmis au comité d’évaluation par le consortium mené par GDSI, puissent constituer une expérience professionnelle pertinente pour satisfaire au critère prévu au point 6.1.1 des termes de référence, selon lequel le chef d’équipe devait disposer d’une expérience professionnelle de dix ans au minimum dans le développement touristique international.

81      Or, il ressort du CV de Mme T. examiné par le comité d’évaluation et soumis au Tribunal que celle-ci disposait, abstraction faite des périodes pendant lesquelles elle a exercé des fonctions auprès du comité d’organisation des Jeux olympiques d’Athènes de 2004 et de l’université de Thessalie, d’environ dix ans et neuf mois d’expérience professionnelle potentiellement pertinente dans le domaine du développement touristique international. Une telle expérience suffit donc à justifier que la Commission soit arrivée à la conclusion que Mme T. disposait des dix années d’expérience professionnelle dans le domaine en cause requises au point 6.1.1 des termes de référence. Dès lors, il convient d’écarter cet argument.

82      Enfin, les requérantes font valoir, dans leurs observations sur les documents versés au dossier lors de l’audience, que la Commission ne leur a pas fourni, ni au Tribunal, les preuves relatives à l’expérience professionnelle de Mme T. figurant dans son CV afin d’en vérifier le contenu. À cet égard, force est de constater que les requérantes n’ont contesté, excepté ses fonctions auprès du comité d’organisation des Jeux olympiques d’Athènes de 2004 et de l’université de Thessalie (voir point 81 ci-dessus), aucun autre élément de l’expérience professionnelle de Mme T. telle qu’indiquée dans le CV fourni lors de l’audience. Dès lors que les preuves réclamées ne soutiennent pas leurs arguments, leur grief s’avère dénué de fondement. En outre, les requérantes n’ont avancé aucun élément de nature à remettre en cause le contenu des CV des trois experts principaux du consortium mené par GDSI et notamment les références aux documents attestant de leur expérience professionnelle y figurant. Il s’ensuit qu’il convient de rejeter l’argument des requérantes et, partant, la troisième branche du premier moyen dans son ensemble.

83      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation d’une formalité substantielle

84      Les requérantes estiment que les décisions attaquées sont entachées d’une violation d’une formalité substantielle, dès lors que le comité d’évaluation n’a respecté ni le point 12.4 des instructions aux soumissionnaires ni le point 3.3.10.3 du PRAG. En effet, M. D., membre du comité d’évaluation, aurait pris contact avec M. X, attaché de la délégation de l’Union en Serbie, afin d’obtenir des renseignements sur les qualifications de M. S., chef d’équipe proposé par le consortium des requérantes. Par ailleurs, les membres du comité d’évaluation auraient modifié l’ordre de classement des soumissionnaires après avoir reçu des commentaires défavorables sur les qualifications de M. S. Or, la Commission n’aurait pas tenu compte des irrégularités soulevées par les requérantes.

85      La Commission conteste les arguments des requérantes.

86      S’agissant, tout d’abord, du prétendu contact entre un membre du comité d’évaluation, à savoir M. D., et M. X, il est allégué que M. D. n’a pas communiqué avec un des soumissionnaires, mais avec un tiers. Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient se prévaloir, en l’espèce, des dispositions du point 3.3.10.3 du PRAG selon lesquelles le président du comité d’évaluation peut, avec l’accord des autres membres de ce comité, communiquer par écrit avec les soumissionnaires dont les offres nécessitent des clarifications.

87      Il importe également de relever que M. X travaillait auprès d’une délégation de la Commission et qu’il était expressément mentionné en tant que personne de référence dans le CV de M. S., de sorte que, comme l’a fait valoir la Commission, il pouvait à ce titre être consulté par le comité d’évaluation.

88      À cet égard, il y a lieu de relever que les dispositions applicables au présent appel d’offres n’excluent pas que le comité d’évaluation puisse s’enquérir d’un avis extérieur, sous réserve du respect des règles de confidentialité et d’impartialité. Il ressort au contraire du point 3.3.10.3 du PRAG que le comité pouvait procéder à des vérifications, plus particulièrement à des vérifications au sein des services d’organes de l’Union. En effet, cette disposition prévoit que, dans les cas autres que ceux dans lequel l’expert proposé n’a pas d’expérience pertinente dans le domaine des projets de l’Union, « des vérifications à l’intérieur de [l’Union] sont plus appropriées ». C’est donc dans ce cadre que M. D. aurait contacté M. X.

89      Par ailleurs, les requérantes ont fait valoir, lors de l’audience, que les vérifications effectuées auraient dû, en tout état de cause, avoir lieu en présence de tous les membres du comité d’évaluation et être mentionnées dans le rapport d’évaluation. À cet égard, il convient de souligner que l’exigence de collégialité consacrée au point 12.4 des instructions aux soumissionnaires a uniquement trait aux décisions du comité d’évaluation et qu’elle ne saurait s’appliquer à l’ensemble de la procédure d’évaluation. Cette appréciation est corroborée par le fait que, en vertu du point 3.3.10.3 du PRAG, chaque membre du comité d’évaluation évalue individuellement les aspects techniques des offres soumises. Plus généralement, aucune disposition du PRAG n’exige que le comité d’évaluation procède de manière collective aux éventuelles vérifications. De même, aucune disposition n’exige que ces vérifications soient consignées dans le rapport d’évaluation. Partant, cet argument doit être rejeté.

90      Dans ces conditions, l’appel de M. D. à M. X ne saurait, à le supposer avéré, être constitutif d’une irrégularité.

91      S’agissant ensuite des informations que M. X aurait transmises à M. S., le chef d’équipe proposé par le consortium des requérantes, il y a lieu de relever que M. X était, dès lors qu’il travaillait auprès de la délégation de l’Union en Serbie, soumis à l’obligation de confidentialité mise à la charge de la Commission et de son personnel en vertu de l’article 339 TFUE. Toutefois, les actes de M. X ne sauraient être imputables au comité d’évaluation et constituer ainsi une violation d’une formalité substantielle de la part de ce dernier.

92      S’agissant, enfin, du prétendu rapport négatif sur les qualifications de M. S. que M. D. aurait rendu au comité d’évaluation, il y a lieu de constater que les requérantes ont reconnu, lors de l’audience, que leurs allégations à cet égard étaient uniquement fondées sur des suppositions. Dans ces conditions et dès lors que ces suppositions ne sont corroborées par aucune pièce du dossier, l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas tenu compte de ces allégations ne saurait prospérer.

93      Quant aux échanges de correspondance évoqués par les requérantes, ceux-ci ne sauraient remettre en cause les appréciations qui précèdent. Les requérantes soutiennent qu’« il existe des preuves solides » que l’appréciation positive des qualifications de M. S. transmise par M. X à M. D. n’aurait pas été communiquée aux autres membres du comité d’évaluation et que ces derniers auraient même reçu des commentaires défavorables le concernant au stade de l’évaluation des offres. Or, il suffit de constater qu’aucune de ces preuves n’a été versée au dossier.

94      En tout état de cause, les requérantes n’avancent aucun élément de nature à démontrer que les prétendues irrégularités dont elles font état auraient été préjudiciables à l’évaluation de leur offre. Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel le fait que M. D. ait finalement communiqué des commentaires défavorables sur les qualifications de M. S. aurait eu pour conséquence de rétrograder l’offre du consortium des requérantes de la première à la deuxième place du classement des soumissionnaires, dès lors qu’il ressort du rapport d’évaluation que l’offre du consortium des requérantes a toujours occupé la deuxième position de ce classement.

95      Les requérantes n’ayant avancé aucun élément de preuve susceptible de soutenir leurs arguments, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité de ces éléments.

96      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un détournement de pouvoir

97      Les requérantes estiment que les décisions attaquées sont l’aboutissement d’une procédure illégale ayant pour seul objectif de les écarter de la première place de la liste d’évaluation.

98      La Commission conteste les arguments des requérantes.

99      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du 2 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/EMSA, T‑70/05, EU:T:2010:55, point 78, et du 16 septembre 2013, Ecoceane/EMSA, T‑518/09, EU:T:2013:476, point 111).

100    En l’espèce, les requérantes se contentent d’affirmer que la « procédure [d’évaluation] illégale a été, de façon exceptionnelle, appliquée aux seules parties requérantes [et que], [d]e ce point de vue, il s’est produit une discrimination ». Force est de constater que cette référence au principe de l’égalité de traitement ne fait l’objet d’aucun développement spécifique et n’est pas susceptible d’identifier en quoi ni à quel stade de la procédure d’évaluation celle-ci aurait été entachée d’une violation de ce principe.

101    En tout état de cause, il ressort des pièces versées au dossier et des précisions apportées par la Commission lors de l’audience que les offres ont été évaluées dans les mêmes conditions et que l’égalité des chances entre les soumissionnaires a été garantie. Par ailleurs, le Tribunal n’a constaté aucune irrégularité au cours de la procédure d’évaluation.

102    Dès lors, le grief tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement doit être rejeté à titre principal, comme irrecevable et, au surplus, comme non fondé.

103    Selon la jurisprudence, la notion de détournement de pouvoir a une portée précise en droit de l’Union et vise la situation dans laquelle une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. À cet égard, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles invoquées (arrêts du 25 février 1997, Kernkraftwerke Lippe-Ems/Commission, T‑149/94 et T‑181/94, Rec, EU:T:1997:21, points 53 et 149, et du 26 février 2002, Esedra/Commission, T‑169/00, Rec, EU:T:2002:40, point 198).

104    En l’espèce, force est de constater que les requérantes n’ont pas présenté d’élément susceptible de démontrer que la Commission a poursuivi un but autre que celui d’attribuer le marché à l’offre économiquement la plus avantageuse conformément aux dispositions applicables et compte tenu des critères d’attribution prévus dans l’appel d’offres. En particulier, les requérantes n’ont avancé aucun élément démontrant l’existence d’indices objectifs, pertinents et concordants, au sens de la jurisprudence citée au point 103 ci-dessus, susceptibles d’établir que la Commission a usé de ses pouvoirs pour l’écarter du marché en cause.

105    Les requérantes n’ayant avancé aucun élément de preuve susceptible de soutenir leurs arguments, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité de ces éléments.

106    Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme en partie irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé.

107    Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Euro-Link Consultants Srl et European Profiles AE Meleton kai Symvoulon Epicheiriseon sont condamnées aux dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.