Language of document : ECLI:EU:T:2023:510

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 septembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative OPTIVA MEDIA – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux – Appréciation des preuves »

Dans l’affaire T‑601/22,

Consultora de Telecomunicaciones Optiva Media, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me C. Rivadulla Oliva, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. R. Raponi, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Optiva Canada Inc., établie à Mississauga, Ontario (Canada), représentée par Me E. Edissonov Kirilov, avocat,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante,  Consultora de Telecomunicaciones Optiva Media, SL, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 13 juillet 2022 (affaires jointes R 1533/2021‑5 et R 1740/2021‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est titulaire de la marque de l’Union européenne no 10939767, enregistrée le 20 mars 2015 à la suite d’une demande présentée le 5 juin 2012 pour le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de s classes 35, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        c lasse 35 : « Services de conseils en gestion commerciale ; fourniture de services commerciaux ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers dans le domaine de la fourniture de services publicitaires, services de marketing ou services d’achat d’espace et de plans médias » ;

–        c lasse 38 : « Télécommunications » ;

–        c lasse 42 : « Services scientifiques et technologiques ainsi que services de recherches et de conception y relatifs ; services d’analyses et de recherches industrielles ; conception et développement de logiciels ; consultation en matière de conception et de développement de matériel informatique ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers dans le domaine de la fourniture de services publicitaires, services de marketing ou services d’achat d’espace et de plans médias ».

4        Le 11 juin 2020, l’intervenante, Optiva Canada Inc., a présenté à l’EUIPO une demande de déchéance de la marque contestée, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Cette demande concernait l’ensemble des services visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 13 août 2021, la division d’annulation a prononcé la déchéance partielle de la marque contestée pour tous les services, à l’exception des services suivants relevant de la classe 42 : « S ervices des technologies de l’information ; conception et développement de logiciels ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers en rapport avec la fourniture de services de publicité, de services de marketing ou de services d’achat et de planification de supports ».

6        Le 6 septembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation (affaire R 1533/2021-5), dans la mesure où cette dernière avait accueilli partiellement la demande en déchéance. Elle a déposé le mémoire exposant les motifs du recours en dehors du délai imparti prévu à l’article 68 du règlement 2017/1001.

7        Le 8 octobre 2021, l’intervenante a également formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation (affaire R 1740/2021-5), dans la mesure où cette dernière n’avait pas accueilli en totalité la demande en déchéance. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 13 décembre 2021. La requérante n’a pas déposé de réponse.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a, premièrement, joint les deux recours mentionnés aux points 6 et 7 ci-dessus, deuxièmement, rejeté le recours dans l’affaire R 1533/2021-5 comme irrecevable, et, troisièmement, accueilli le recours de l’intervenante et annulé la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait rejeté la demande en déchéance de la marque contestée pour les services suivants relevant de la classe 42 : « S ervices des technologies de l’information ; conception et développement de logiciels ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers en rapport avec la fourniture de services de publicité, de services de marketing ou de services d’achat et de planification de supports ».

9        En substance, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis par la requérante ne démontraient pas l’usage sérieux de la marque contestée pour les services suivants relevant de la classe 42  : « Services des technologies de l’information ; conception et développement de logiciels ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers en rapport avec la fourniture de services de publicité, de services de marketing ou de services d’achat et de planification de supports ». Partant, elle a constaté que la déchéance de la marque contestée devait également être prononcée pour ces services.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée, en ce que la demande en déchéance a été accueillie pour les services suivants relevant de la classe 42 : « S ervices des technologies de l’information ; conception et développement de logiciels ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers en rapport avec la fourniture de services de publicité, de services de marketing ou de services d’achat et de planification de supports ».

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

13      Il ressort de la requête que la requérante conteste la décision attaquée uniquement dans la mesure où celle-ci a accueilli le recours (affaire R 1740/2021-5) déclarant la déchéance de la marque pour les services relevant de la classe 42 visés au point 10 ci-dessus. Elle ne remet pas en cause la décision de la chambre de recours déclarant irrecevable le recours dans l’affaire R 1533/2021-5.

14      Or, la requérante affirme à plusieurs reprises que la marque contestée serait utilisée pour tous les services relevant des classes 35, 38 et 42, pour lesquels elle a été enregistrée, liés aux services de télécommunications, de conseil aux entreprises et de services scientifiques.

15      Dans la mesure où le recours dans l’affaire R 1533/2021-5 visant les services compris dans les classes 35 et 38 a été déclaré irrecevable, faute de dépôt, dans les délais, d’un mémoire exposant les motifs du recours, la chambre de recours a donc, ainsi qu’il ressort des points 24 et 32 de la décision attaquée, limité son examen de la décision de la division d’annulation à la preuve de l’usage sérieux pour les services compris dans la classe 42, tel que formulé dans l’affaire R 1740/2021-5.

16      Il convient en effet de rappeler que le recours devant le juge de l’Union européenne n’est ouvert qu’à l’encontre des seules décisions des chambres de recours, de sorte que, dans le cadre d’un tel recours, ne sont recevables que des arguments dirigés contre la décision de la chambre de recours même [voir, en ce sens, arrêts du 22 avril 2015, Rezon/OHMI – mobile.international (mobile.de proMotor), T‑337/14, non publié, EU:T:2015:220, point 23, et du 16 mai 2019, KID-Systeme/EUIPO – Sky (SKYFi), T‑354/18, non publié, EU:T:2019:333, point 99].

17      En l’espèce, ne sont dès lors recevables que les arguments de la requérante ayant un lien avec les services en cause compris dans la classe 42, à savoir les «  services des technologies de l’information ; conception et développement de logiciels ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers en rapport avec la fourniture de services de publicité, de services de marketing ou de services d’achat et de planification de supports ».

 Sur le fond

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 18, paragraphe 1, sous a), et de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, articulé en deux griefs. Elle conteste l’appréciation faite par la chambre de recours de la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les « services des technologies de l’information  ; conception et développement de logiciels ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers en rapport avec la fourniture de services de publicité, de services de marketing ou de services d’achat et de planification de supports ».

19      Par un premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir analysé correctement les éléments de preuve et d’avoir abouti ainsi à une appréciation manifestement erronée et injuste de l’usage de la marque contestée. Par un second grief, elle soutient que l’EUIPO n’aurait pas pris en compte comme il se doit l’usage de la marque en noir et blanc, qui serait une version n’altérant pas le caractère distinctif de la marque, et aurait par conséquent erronément apprécié l’usage de la marque contestée.

20      À supposer, à titre liminaire, que la requérante entende se prévaloir de la mauvaise foi de l’intervenante, qui, dans le cadre d’une stratégie frauduleuse, tenterait de s’emparer de manière déloyale de la marque contestée, un tel argument doit être écarté comme étant inopérant. En effet, à cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 63, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 ne subordonne ni la recevabilité ni le bien-fondé d’une demande en déchéance à la bonne foi du demandeur en déchéance [voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2022, Peace United/EUIPO – 1906 Collins (MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN), T‑699/21, non publié, EU:T:2022:528, point 24 et jurisprudence citée].

21      Il convient ensuite de relever que, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour son non-usage [arrêt du 15 mars 2023, Zelmotor/EUIPO – B&B Trends (zelmotor), T‑194/22, non publié, EU:T:2023:130, point 14].

22      En l’espèce, tant la division d’annulation que la chambre de recours ont considéré la période comprise entre le 11 juin 2015 et le 10 juin 2020 comme étant la période de cinq ans pour laquelle il incombait à la requérante de démontrer un usage sérieux de la marque contestée, ce que les parties ne contestent pas.

23      La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et leurs services dans la vie économique (voir arrêt du 15 mars 2023, zelmotor, T‑194/22, non publié, EU:T:2023:130, point 17 et jurisprudence citée).

24      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir arrêt du 15 mars 2023, zelmotor, T‑194/22, non publié, EU:T:2023:130, point 18 et jurisprudence citée).

25      En ce qui concerne les critères d’appréciation de l’usage sérieux, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1 de ce même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque contestée (arrêt du 15 mars 2023, zelmotor, T‑194/22, non publié, EU:T:2023:130, point 19).

26      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 et jurisprudence citée].

27      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

28      Il convient également d’ajouter que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57 et jurisprudence citée).

29      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que les preuves présentées par la requérante, s’agissant des services en cause, ne démontraient pas un usage sérieux de la marque contestée.

30      Afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée, la requérante, au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO a, notamment, produit les documents suivants :

–        l’annexe 1 : un certificat d’enregistrement de la désignation de la titulaire de la marque de l’Union européenne reproduite ci-après et enregistrée en Espagne en 2009 pour les classes 35, 38 et 42 sous le « nombre comercial No 288 594 » :

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–        l’annexe 2 : la liste TMview des demandes et enregistrements de marques de l’intervenante ;

–        l’annexe 3 : un courriel de la titulaire de la marque de l’Union européenne du 17 janvier 2020 à l’intervenante ;

–        l’annexe 4 : cinq factures montrant la marque de l’Union européenne contestée sur papier à en-tête : facture no 1 du 30 novembre 2015, adressée à AZDIO au Royaume-Uni, d’un montant de 9 650 euros pour « JavaScript Engineer » ; facture no 2 du 30 décembre 2016, adressée à UTE Vodafone-Orange en Espagne, d’un montant de 17 423,82 euros pour « Extensión para la Plataforma software » ; facture no 3 du 30 janvier 2017, adressée à TIVO aux États-Unis, d’un montant de 10 602,52 dollars des États-Unis (USD) pour « Offshore Millicom/Wayuu QE » ; facture no 4 du 31 janvier 2018, adressée à Telefonica en Espagne, d’un montant de 7 719,80 euros pour « Desarrollo Plataforma Yomvi » ; facture no 5 du 31 août 2019, de nouveau adressée à TIVO, d’un montant de 9 626,40 euros pour « Offshore » ;

–        l’annexe 5 : quatre offres commerciales de la titulaire de la marque de l’Union européenne, arborant la marque de l’Union européenne contestée : en janvier 2016, l’« offre de services : soutien au lancement d’un produit télévisuel » à Vodafone, en avril 2016, l’« offre : soutien au développement .NET », en avril 2017, l’« offre : soutien graphique » et, en juin 2017, l’« offre : soutien au développement .NET 2017-2018 » toutes trois à Telefonica ; les documents sont en espagnol sans traduction dans la langue de procédure, à l’exception de la page 8 de l’offre Vodafone ;

–        l’annexe 6 : une capture d’écran d’une recherche sur Google d’« optiva media » du 30 août 2020 montrant la marque de l’Union européenne contestée ;

–        des captures d’écran Whois pour www.optivamedia.com, enregistrées en 2002 et www.optiva.com, enregistrées en 2016, toutes deux au nom de Network Solutions LLC (p. 4 et 7 des observations du 31 août 2020) ;

–        trois publications Instagram et une publication Facebook de stands d’exposition montrant la marque de l’Union européenne contestée, deux datant de septembre 2017 (salon IBC et sommet AWS) et deux concernant le salon IBC 2018 (p. 16 et 17 des observations du 31 août 2020) ;

–        le lien « http ://www.optivamedia.com/clients » , produit pour fournir plus d’informations sur ses clients et ses services en général.

 Sur le premier grief, tiré d’une appréciation erronée et injuste des éléments de preuve

31      La requérante affirme que la chambre de recours n’a pas fait l’effort d’analyser les éléments de fait et de preuve, la conclusion de cette dernière étant par conséquent manifestement erronée et injuste, commettant ainsi une erreur dans l’application du droit. Elle soutient que les éléments de preuve produits suffiraient à prouver l’usage de la marque contestée.

32      À cet effet, la requérante décrit brièvement certains éléments de preuve. Ainsi, la facture en annexe 4.1 ferait clairement référence à JavaScript Engineer Volia, qui serait un service de logiciel relevant des services des technologies de l’information. La facture en annexe 4.2 renverrait à une plateforme logicielle se rapportant aux droits audiovisuels sur le football qui serait également un service des technologies de l’information lié aux logiciels. L’annexe 4.3 concernerait une facture faisant référence à une plateforme de télévision en ligne pour le fournisseur en ligne Yomvi. L’annexe 5.1 ferait référence à une offre commerciale pour une plateforme de télévision en ligne pour Vodafone. Elle ajoute avoir également produit quatre offres commerciales destinées à ses clients dans le secteur des télécommunications. Une simple recherche sur Google ainsi que des captures d’écran montreraient également que la marque est utilisée sur le marché. Elle en conclut que la marque contestée aurait fait l’objet d’un usage sérieux pour les services pour lesquels elle est enregistrée.

33      L’EUIPO et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

34      Par conséquent, il convient d’examiner les éléments de preuve qui ont été pris en compte par la chambre de recours et dont la requérante fait état dans la requête, afin de déterminer si la chambre de recours les a correctement analysés et appréciés.

–       Factures

35      La chambre de recours, au point 39 de la décision attaquée, a souligné que les cinq factures produites en annexe 4 ne démontraient aucun usage de la marque contestée pour des services informatiques ou pour la conception ou le développement de logiciels.

36      Selon l’analyse de la chambre de recours faite au point 42 de la décision attaquée, la facture du 30 novembre 2015, visée en annexe 4.1, indique que les services facturés pourraient être liés à l’« informatique » ou aux « logiciels », mais qu’ils pourraient également signifier qu’un ingénieur JavaScript appelé Fernando G. aurait fourni tout type de consultant commercial ou de service de télécommunications, ce qui ne serait pas nécessairement lié aux « services des technologies de l’information » ou à la conception ou au développement d’un logiciel. La signification du mot « volia » dans la description ne serait pas claire.

37      Contrairement à ce que prétend la requérante, la facture du 30 novembre 2015, citée en annexe 4.1, a donc bien été analysée par la chambre de recours. Il convient de souligner que la requérante n’a pas avancé d’arguments concrets expliquant la raison pour laquelle les conclusions de la chambre de recours seraient incorrectes. Elle indique uniquement que JavaScript Engineer Volia est un service de logiciel relevant des services de technologies de l’information et ajoute que tous les services mentionnés dans les factures relèvent des services pour lesquels la marque a été enregistrée pour les classes 35, 38 et 42, reconnaissant ainsi que cette facture pouvait également concerner des services compris dans les classes 35 et 38.

38      La facture du 30 décembre 2016, visée en annexe 4.2 a été prise en compte par la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée. Selon elle, la description indiquée ne déterminerait pas clairement la nature du service facturé et le mot « software » ne suffirait pas pour conclure que les services en cause étaient des services informatiques ou de développement de logiciels. La requérante aurait eu l’obligation de fournir beaucoup plus de détails sur les services fournis afin de pouvoir en déterminer la nature.

39      Contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours a bien analysé la facture du 30 décembre 2016 et en a conclu qu’elle ne disposait pas de suffisamment de détails sur les services fournis pour pouvoir en déterminer la nature. La requérante ne fournit cependant pas de détails supplémentaires afin de pouvoir déterminer la nature des services ou pour permettre de comprendre pourquoi la conclusion de la chambre de recours serait incorrecte. Elle se limite à indiquer que l’annexe 4.2 renvoie à une plateforme logicielle se rapportant aux droits audiovisuels sur le football (télévision en ligne), qui serait également un service des technologies de l’information lié aux logiciels, et ajoute que tous les services mentionnés dans les factures relèvent des services pour lesquels la marque a été enregistrée pour les classes 35, 38 et 42.

40      La facture du 30 janvier 2017, en annexe 4.3, visée par la requérante, a été analysée par la chambre de recours au point 40 de la décision attaquée, conjointement avec les factures du 31 janvier 2018 et du 31 août 2019, dont il est fait état aux annexes 4.4 et 4.5. Cette dernière y indique les descriptions contenues et en conclut qu’il est difficile de savoir quel type de services aurait été facturé. Le nom Yomvi serait également mentionné dans les offres faites à Telefonica, mais selon la chambre de recours il serait purement spéculatif de supposer que la description « Desarrollo Plataforma Yomvi » inclurait des services informatiques ou logiciels.

41      Contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours a donc bien pris en compte la facture visée en annexe 4.3. Or, la requérante ne fournit aucune explication supplémentaire permettant de lever les doutes de la chambre de recours. Elle se limite à indiquer que l’annexe 4.3 ferait référence à une plateforme de télévision en ligne pour le fournisseur en ligne Yomvi, alors que la facture du 30 janvier 2017 en annexe 4.3 ne mentionne pas Yomvi, mais fait référence à des services « Offshore Millicom/Wayuu QE ». Elle ajoute que tous les services mentionnés dans les factures relèveraient des services pour lesquels la marque a été enregistrée pour les classes 35, 38 et 42.

–       Offres commerciales

42      La chambre de recours a également analysé, au point 38 de la décision attaquée, les offres de services aux entreprises Vodafone et Telefonica figurant à l’annexe 5 et a relevé qu’il était difficile de savoir si un accord de service avait finalement été conclu à la suite de ces offres, mais que, en tout état de cause, la requérante n’aurait pas démontré que ces accords incluaient des services informatiques ou la conception ou le développement de logiciels.

43      La requérante n’a en l’espèce fourni aucune explication quant aux motifs pour lesquels la décision attaquée serait incorrecte à cet égard, mais a uniquement indiqué qu’il s’agissait d’une offre commerciale pour une plateforme de télévision en ligne pour Vodafone et que les autres offres commerciales étaient destinées à ses clients dans le secteur des télécommunications. Elle a ajouté que tous les services mentionnés dans ces offres commerciales relèveraient des services pour lesquels la marque a été enregistrée pour les classes 35, 38 et 42.

–       Captures d’écran et photographies

44      Ensuite, la chambre de recours, aux points 36 et 37 de la décision attaquée, a considéré que les autres documents présentés par la requérante et énumérés au point 30 ci-dessus, n’étaient pas pertinents pour déterminer si l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré pour les services informatiques et logiciels compris dans la classe 42. En ce qui concerne les quatre photographies, elle indique qu’il n’apparaît pas clairement qu’elles ont effectivement été prises lors des foires commerciales à Madrid ou à Amsterdam et, que, en tout état de cause, les images ne montrent pas que la marque a été utilisée pour des services des technologies de l’information ou pour la conception ou le développement de logiciels.

45      La requérante n’invoque aucun argument permettant de réfuter cette constatation. Elle indique avoir produit une capture d’écran du 30 août 2020. Cette capture permettrait de constater que la marque est utilisée sur le marché en appliquant le moteur de recherche Internet le plus utilisé. Elle présente également, par le biais de liens aux comptes sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook, des images de la marque contestée aux foires commerciales internationales de Madrid et d’Amsterdam, sans donner d’autres précisions ou explications.

46      Il convient à cet égard de relever que la capture d’écran qui date du 30 août 2020 se situe en dehors de la période pertinente comprise entre le 11 juin 2015 et le 10 juin 2020. La prise en compte de cette capture d’écran n’est cependant pas nécessairement dépourvue de pertinence. En effet, il ressort de la jurisprudence que la prise en considération de tels éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu’elle permet de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque contestée ainsi que les intentions réelles du titulaire de celle-ci au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d’autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [arrêt du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 41]. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

47      Au vu de l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante devant l’EUIPO, il y a lieu de rappeler que, pour que l’usage de la marque contestée pour les services des technologies de l’information puisse être admis, la requérante est tenue de prouver que lesdits services ont été effectivement fournis sous ladite marque [voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2017, Cryo-Save/EUIPO – MedSkin Solutions Dr. Suwelack (Cryo-Save), T‑239/15, non publié, EU:T:2017:202, point 39]. La chambre de recours a d’ailleurs, à juste titre, indiqué que les termes compris dans la classe 42 étaient extrêmement larges et que, pour maintenir la marque contestée, d’une part, il appartenait à la titulaire de la marque de démontrer qu’elle proposait un large éventail de services informatiques et logiciels pour tous types d’entreprises imaginables, sinon d’être suffisamment spécifique pour constituer des sous-catégories appropriées pour ces termes généraux. D’autre part, les preuves apportées devaient permettre de déterminer si les services informatiques et logiciels prétendument fournis étaient conformes à la limitation figurant dans la classe 42. Elle fait remarquer, au point 49 de la décision attaquée, qu’il avait été souligné à plusieurs reprises que les factures étaient insuffisantes et que la requérante avait eu plusieurs occasions pour pouvoir présenter des éléments de preuve supplémentaires.

48      Or, en l’espèce, il convient de constater que la requérante se limite à affirmer, d’une manière très sommaire, qu’elle a apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les services des technologies de l’information, ce qui résulterait à suffisance des éléments de preuve annexés. Cependant, de simples indications comme Yomvi, JavaScript Engineer Volia ou software figurant sur seulement cinq factures se révèlent insuffisantes pour établir qu’il s’agit de services des technologies de l’information ou de conception et de développement de logiciels. Quant aux offres commerciales, elles sont non signées, confidentielles et aucun contrat en découlant n’a été annexé ni même évoqué. Tel est, à plus forte raison, le cas de la capture d’écran du 30 août 2020 ou des photographies des foires internationales, lesquelles ne contiennent pas d’informations suffisantes permettant d’établir que les services facturés peuvent être considérés comme étant des services des technologies de l’information ou de conception et de développement de logiciels.

49      Force est donc de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a tenu compte de, et analysé, tous les documents dont la requérante fait état en l’espèce pour apprécier le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée. La requérante n’avançant aucun argument pour contester le bien-fondé des constatations de la chambre de recours à cet égard et n’apportant aucun élément supplémentaire pour démontrer un usage sérieux de la marque contestée, un tel usage sérieux, au sens de la jurisprudence citée aux points 24 à 28 ci-dessus, ne saurait être déduit des documents invoqués par la requérante dans ses écritures à moins de recourir à des présomptions. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.

50      Il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, en application de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque et notamment le fait que les services en cause étaient des services des technologies de l’information, de conception et de développement de logiciels.

51      Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les preuves produites par la requérante ne suffisaient pas pour établir l’usage sérieux de la marque contestée pour les « services des technologies de l’information ; conception et développement de logiciels ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers en rapport avec la fourniture de services de publicité, de services de marketing ou de services d’achat et de planification de supports  ».

 Sur le second grief, tiré de l’usage de la marque sous une autre forme n’altérant pas son caractère distinctif

52      La requérante soutient que l’usage de la marque contestée sous une forme qui diffère, par une version en noir et blanc n’altérant pas le caractère distinctif de la marque, a également été prouvé. Or, cet usage de la marque contestée aurait été complètement ignoré par la chambre de recours.

53      La requérante fait ainsi valoir que, si elle avait utilisé la marque de l’Union européenne sous une forme qui différait de celle sous laquelle cette marque avait été enregistrée, les différences seraient minimes et n’altéreraient pas le caractère distinctif de la marque, de telle sorte que cet usage devrait être considéré comme un usage sérieux. La version en noir et blanc de la marque serait donc conforme au concept et aux critères de l’usage sérieux. Elle cite à cet effet deux décisions de chambres de recours et indique que des images sont accessibles au public sur ses comptes de réseaux sociaux.

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

55      En premier lieu, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas refusé de prendre en compte l’usage de la marque contestée sous une forme qui différait de celle sous laquelle elle avait été enregistrée ni n’a, plus généralement, abordé cette question. La décision attaquée est uniquement fondée sur le motif selon lequel les preuves que la requérante a apportées ne permettent pas d’établir que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux pour les services pour lesquels elle avait été enregistrée.

56      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de procéder, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée, à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas pris position (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

57      Dans ces conditions, l’argumentation développée par la requérante dans le cadre de ce grief est inopérante.

58      En second lieu, il convient de rappeler que la référence faite par la requérante aux différentes images sur l’usage de la marque accessibles au public sur ses comptes de réseaux sociaux, en indiquant simplement des liens aux comptes sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook, doit être rejetée.

59      À cet égard, il suffit de relever qu’il n’appartient pas, d’une part, aux instances de l’EUIPO de rechercher sur des sites Internet ou des réseaux sociaux de la requérante les éléments qui permettent d’établir la notoriété de la marque contestée, et, d’autre part, au Tribunal de réexaminer lesdits éléments de preuve sur la base d’informations que la requérante n’a pas fournies aux instances de l’EUIPO afin de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée.

60      Dès lors, en l’espèce, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté que les documents présentés par la requérante dans le cadre de la procédure en déchéance devant l’EUIPO ne contenaient aucune preuve permettant de conclure à un usage sérieux en tant que marque, ni de connaître l’étendue de l’usage de la marque. Par conséquent, c’est à bon droit également que la chambre de recours a conclu, au point 50 de la décision attaquée, que tous les documents déposés par la requérante étaient inaptes dans leur ensemble à démontrer un usage sérieux de la marque contestée pour les « services des technologies de l’information  ; conception et développement de logiciels ; aucun des services précités n’étant fourni à des tiers en rapport avec la fourniture de services de publicité, de services de marketing ou de services d’achat et de planification de supports » propre à assurer le maintien des droits.

61      Partant, il y a lieu de rejeter le moyen unique et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas d’ouverture de la phase orale de la procédure, il convient, en l’absence de tenue d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Consultora de Telecomunicaciones Optiva Media, SL supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Optiva Canada Inc.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.