Language of document : ECLI:EU:T:2019:795

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

20 novembre 2019 (*) (1)

«  Fonction publique – Fonctionnaires – Assassinat d’un fonctionnaire et de son épouse – Obligation d’assurer la sécurité du personnel au service de l’Union – Responsabilité d’une institution dans le préjudice moral des ayants droit d’un fonctionnaire décédé – Mère, frère et sœur du fonctionnaire – Recours en indemnité – Recevabilité – Qualité pour agir sur le fondement de l’article 270 TFUE – Personne visée au statut – Délai raisonnable »

Dans l’affaire T‑502/16,

Stefano Missir Mamachi di Lusignano, demeurant à Shanghai (Chine), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (2), représentés par Mes F. Di Gianni, G. Coppo et A. Scalini, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme B. Eggers, MM. G. Gattinara et D. Martin, puis par M. Gattinara et Mme R. Striani, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, en substance, à la condamnation de la Commission à verser aux ayants droit de M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano, aux ayants droit de M. Livio Missir Mamachi di Lusignano, à Mme Anne Jeanne Cécile Magdalena Maria Sintobin, à M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano et à Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano diverses sommes en réparation de préjudices moraux résultant de l’assassinat de M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano et de son épouse, survenu le 18 septembre 2006 à Rabat (Maroc), où M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano se trouvait pour raisons de service,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, R. Barents et J. Passer (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano (ci-après « M. Alessandro Missir » ou le « fonctionnaire défunt ») a été assassiné le 18 septembre 2006 avec son épouse à Rabat (Maroc), où il devait prendre ses fonctions de conseiller politique et diplomatique à la délégation de la Commission européenne. L’assassinat a été commis dans une maison meublée louée par cette délégation pour M. Alessandro Missir, son épouse et leurs quatre enfants.

2        Le 12 mai 2009, à la suite d’une demande du 25 février 2008 et d’une réclamation du 10 septembre 2008 déposées au titre de l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), M. Livio Missir Mamachi di Lusignano (ci-après « M. Livio Missir »), père de M. Alessandro Missir, a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire F‑50/09, devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, visant à la réparation, premièrement, du préjudice matériel subi par les enfants de M. Alessandro Missir, en leur nom, deuxièmement, du préjudice moral subi par ces enfants, en leur nom, troisièmement, du préjudice moral subi par lui-même en tant que père de M. Alessandro Missir, en son nom, et, quatrièmement, du préjudice moral subi par M. Alessandro Missir, au nom de ses enfants, ceux-ci venant aux droits de leur père.

3        Par arrêt du 12 mai 2011, Missir Mamachi di Lusignano/Commission (F‑50/09, ci-après l’« arrêt de première instance », EU:F:2011:55), le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme étant irrecevable pour ce qui est des préjudices moraux (points 87 à 91) et non fondé pour ce qui est des préjudices matériels (points 97 à 227).

4        Le 27 juillet 2011, l’arrêt de première instance a fait l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal, enregistré sous le numéro d’affaire T‑401/11 P. L’arrêt du 10 juillet 2014, Missir Mamachi di Lusignano/Commission (T‑401/11 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:T:2014:625), annulant l’arrêt de première instance, a fait l’objet d’un réexamen et d’une annulation partielle par la Cour (arrêt du 10 septembre 2015, Missir Mamachi di Lusignano/Commission, C‑417/14 RX‑II, ci-après l’« arrêt sur réexamen », EU:C:2015:588). Sur renvoi après réexamen, le Tribunal a rendu l’arrêt du 7 décembre 2017, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission (T‑401/11 P RENV‑RX, ci-après l’« arrêt sur renvoi », EU:T:2017:874), dans lequel il s’est prononcé sur les moyens qu’il n’avait pas examinés dans l’arrêt sur pourvoi.

5        Le 16 septembre 2011, parallèlement au litige constitué des instances successives dans les affaires F‑50/09 et T‑401/11 P et à la suite de l’arrêt de première instance par lequel le Tribunal de la fonction publique avait rejeté le recours dans l’affaire F‑50/09 comme irrecevable, pour non-respect de la procédure précontentieuse, s’agissant des préjudices moraux (voir point 3 ci-dessus), sans toutefois se prononcer sur la compétence du Tribunal de la fonction publique pour examiner de tels préjudices, M. Livio Missir et les enfants du fonctionnaire assassiné, auxquels se sont joints la mère, le frère et la sœur de ce fonctionnaire, ont introduit, à titre conservatoire, un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑494/11 devant le Tribunal, visant à la réparation de préjudices moraux et fondé sur les articles 268 et 340 TFUE. Toutefois, à la suite du désistement des parties requérantes, ce recours a été radié, par ordonnance du 25 novembre 2015, Missir Mamachi di Lusignano e.a./Commission (T‑494/11, non publiée, EU:T:2015:909).

6        Le 17 septembre 2011, pour les mêmes raisons tenant au rejet par l’arrêt de première instance des demandes de réparation des préjudices moraux pour des motifs de procédure liés au non-respect de la procédure précontentieuse, M. Livio Missir (substitué après son décès par ses ayants droit) ainsi que les enfants du fonctionnaire assassiné, auxquels se sont joints la mère, le frère et la sœur de ce fonctionnaire (ci-après, pris ensemble, les « requérants »), ont présenté une nouvelle fois des demandes de réparation de préjudices moraux, selon la procédure prévue par l’article 90, paragraphe 1, du statut.  

7        Par décision du 17 janvier 2012, la Commission a indiqué aux requérants qu’elle ne pouvait accueillir les demandes d’indemnisation des préjudices moraux visés dans la demande du 17 septembre 2011, aux motifs, d’une part, de la litispendance de ces demandes avec les instances dans les affaires T‑401/11 P et T‑494/11 pendantes devant le Tribunal et, d’autre part, qu’elles avaient déjà fait l’objet d’un rejet par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») et qu’elles étaient donc irrecevables au regard des règles de la procédure précontentieuse.

8        Par lettre du 13 avril 2012, les requérants ont introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 17 janvier 2012.

9        Par décision du 26 juillet 2012, notifiée aux requérants le 31 juillet 2012, la Commission a rejeté la réclamation. La Commission a maintenu sa position concernant la litispendance des demandes d’indemnisation avec les instances dans les affaires T‑494/11 et T‑401/11 P, qui l’obligerait de s’abstenir de prendre position sur ces demandes, et concernant l’irrecevabilité de ces demandes au regard des règles de la procédure précontentieuse. En tout état de cause, les demandes d’indemnisation ne seraient pas fondées.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 7 novembre 2012, les requérants ont introduit le présent recours. Ce dernier a été enregistré sous le numéro d’affaire F‑132/12.

11      Dans ce recours, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        annuler la décision de l’AIPN du 26 juillet 2012 ;

–        condamner la Commission à verser la somme de 463 050 euros à chacun des ayants droit du fonctionnaire assassiné, à titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi ;

–        condamner la Commission à verser la somme de 308 700 euros à M. Livio Missir, à titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi ;

–        condamner la Commission à verser la somme de 308 700 euros à Mme Anne Jeanne Cécile Magdalena Maria Sintobin, à titre de réparation du préjudice moral qu’elle a subi ;

–        condamner la Commission à verser la somme de 154 350 euros à M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano (ci-après « M. Stefano Missir »), à titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi ;

–        condamner la Commission à verser la somme de 154 350 euros à Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano (ci-après « Mme Maria Letizia Missir »), à titre de réparation du préjudice moral qu’elle a subi ;

–        condamner la Commission à verser aux ayants droit du fonctionnaire assassiné la somme de 574 000 euros à titre de réparation du préjudice moral que celui-ci a subi durant son agonie ;

–        condamner la Commission à verser des intérêts compensatoires ainsi que des intérêts de retard échus entre-temps ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique du 19 décembre 2012, la Commission a soulevé, par acte séparé et en vertu de l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, une exception d’irrecevabilité au titre de la litispendance avec les affaires T‑401/11 P et T‑494/11 et a proposé la suspension de la procédure jusqu’aux décisions mettant fin à l’instance dans ces deux affaires.

13      Le 21 janvier 2013, les requérants ont déposé leurs observations, contestant l’exception de litispendance et ne s’opposant pas à la suspension.

14      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal de la fonction publique du 6 juin 2013, la procédure a été suspendue jusqu’au prononcé des décisions mettant fin à l’instance dans les affaires T‑401/11 P et T‑494/11.

15      Dans l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a jugé que la demande en réparation initiale du 25 février 2008 (voir point 2 ci-dessus) visait également des préjudices moraux (arrêt sur pourvoi, point 111). La Cour, dans l’arrêt sur réexamen, a jugé que cette appréciation du Tribunal sur l’erreur de droit commise par le Tribunal de la fonction publique devait être considérée comme définitive (arrêts sur réexamen, point 63, et sur renvoi, point 18).

16      Le 21 janvier 2016, la procédure a été, à la suite du réexamen et du renvoi devant le Tribunal, de nouveau suspendue, par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal de la fonction publique, jusqu’au prononcé de la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑401/11 P RENV RX. Dans leurs observations du 8 janvier 2016 sur la suspension, les requérants ont informé le Tribunal du décès de M. Livio Missir, père du fonctionnaire assassiné, et du fait que ses héritiers se substituaient à lui dans ses droits et entendaient poursuivre l’instance.

17      Le 2 septembre 2016, conformément à l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑502/16 et attribuée à la huitième chambre.

18      Le 25 janvier 2018, à l’expiration du délai de réexamen de l’arrêt sur renvoi, le Tribunal a invité les parties à déposer leurs observations sur les conséquences à tirer dans la présente affaire du prononcé de cet arrêt.

19      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 7 et le 9 février 2018 respectivement, la Commission et les requérants ont déféré à cette demande.

20      Dans leurs observations, les requérants ont estimé que, si les décisions déjà rendues au jour desdites observations avaient abouti à l’indemnisation de certains préjudices, d’autres préjudices restaient à apprécier dans le cadre du présent recours, à savoir les préjudices moraux subis par Mme Sintobin, par M. Stefano Missir et par Mme Maria Letizia Missir, respectivement mère, frère et sœur du fonctionnaire défunt.

21      Dans ses observations du 7 février 2018, la Commission a procédé aux mêmes constats que les requérants concernant l’indemnisation, par les décisions déjà rendues, de certains préjudices.

22      S’agissant du préjudice moral allégué par Mme Sintobin, épouse de M. Livio Missir, la Commission a objecté que la demande en réparation était irrecevable, car tardive.

23      S’agissant des préjudices moraux allégués par M. Stefano Missir et Mme Maria Letizia Missir, frère et sœur de M. Alessandro Missir, la Commission a objecté que ces requérants ne pouvaient être considérés comme des personnes visées par le statut. Le Tribunal, « juge de la fonction publique », serait incompétent et le recours irrecevable s’agissant de ces préjudices. En tout état de cause, les demandes en réparation seraient tardives.

24      Par ordonnance du Tribunal du 7 juin 2018, l’exception d’irrecevabilité pour litispendance formée le 19 décembre 2012 a été jointe au fond en application de l’article 130, paragraphe 7, du règlement de procédure du Tribunal.

25      Par lettre du greffe du Tribunal du 12 juin 2018, le Tribunal a invité la Commission à indiquer, dans son mémoire en défense, si elle maintenait cette exception d’irrecevabilité et a invité les requérants à déposer leurs observations sur la recevabilité du recours eu égard aux délais.

26      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 25 juillet 2018, les parties ont déféré à ces demandes.

27      Dans son mémoire en défense et comme elle l’a confirmé lors de l’audience, la Commission a indiqué ne plus se prévaloir d’une exception d’irrecevabilité du présent recours au titre de la litispendance, ce dont le Tribunal a pris acte.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours comme devenu partiellement sans objet et, pour le reste, le rejeter comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme dénué de fondement ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

29      S’agissant de la première demande mentionnée au point 11 ci-dessus, visant à ce que le Tribunal annule la décision de l’AIPN du 26 juillet 2012, il convient de rappeler qu’une telle décision, par laquelle l’administration a pris position sur les prétentions indemnitaires des requérants, fait partie intégrante de la procédure administrative qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et a uniquement pour effet de permettre aux requérants de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité. Par conséquent, les conclusions en annulation formulées en l’espèce ne peuvent pas être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en indemnité (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 1997, Gill/Commission, T‑90/95, EU:T:1997:211, point 45, et de première instance, points 71 et 72).

30      Par ailleurs, il ressort du dossier que, ainsi que les parties en sont par ailleurs convenues notamment lors de l’audience, il a déjà été statué dans l’arrêt sur renvoi sur les deuxième, troisième et septième demandes formulées dans la requête, reprises au point 11 ci-dessus. Il n’y a donc plus lieu de statuer sur ces demandes. Restent à examiner, pour ce qui concerne les demandes en réparation de préjudices subis, les quatrième, cinquième et sixième demandes formulées dans la requête, reprises au point 11 ci-dessus.

31      Dès lors, le présent recours doit être analysé comme ayant pour objet, en substance, la réparation des préjudices moraux objets des quatrième, cinquième et sixième demandes.

 Sur la recevabilité du recours

32      Le présent recours ayant été introduit sur le fondement de l’article 270 TFUE, il convient, dans un premier temps, d’examiner si les requérants avaient qualité pour agir sur le fondement de cette disposition. En effet, cette qualité est contestée par la Commission dans le cas du frère et de la sœur du fonctionnaire défunt.

 Sur la qualité pour agir des requérants sur le fondement de l’article 270 TFUE

33      L’article 268 TFUE dispose :

« La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages visés à l’article 340, deuxième et troisième alinéas. »

34      L’article 340, deuxième alinéa, TFUE dispose :

« En matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. »

35      L’article 270 TFUE dispose :

« La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut des fonctionnaires de l’Union et le régime applicable aux autres agents de l’Union. »

36      L’article 91, paragraphe 1, du statut dispose :

« 1. La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne au sens de l’article 90, paragraphe 2 […] »

37      Il convient d’emblée de noter que la question qui se pose en l’espèce n’est pas celle, incontestée dans son principe, de la qualité pour agir des requérants en réparation d’un dommage qu’ils auraient prétendument subi du fait d’une institution ou d’un organe de l’Union européenne, mais celle de savoir si la mère du fonctionnaire défunt, d’une part, et les frère et sœur de ce fonctionnaire, d’autre part, jouissaient de la qualité pour agir, comme ils l’ont fait, sur le fondement de l’article 270 TFUE.

38      S’agissant de la mère du fonctionnaire défunt, cette qualité n’est, à juste titre, pas contestée par la Commission. La mère du fonctionnaire défunt est, comme le requiert l’article 91, paragraphe 1, du statut, « visée au statut », notamment à son article 73, qui mentionne les ascendants du fonctionnaire. Elle jouissait donc de la qualité pour agir, en l’espèce, sur le fondement de l’article 270 TFUE.

39      En revanche, la Commission conteste que les frères et sœurs d’un fonctionnaire décédé soient des personnes « visées au statut » au sens de l’article 91, paragraphe 1, dudit statut. Elle relève que l’article 73, paragraphe 2, sous a), du statut ne mentionne pas les collatéraux du fonctionnaire décédé, mais seulement les ascendants et les descendants. Quant à la circonstance que les frères et sœurs puissent être visés à d’autres dispositions du statut, elle serait sans effet en l’espèce. La Commission ajoute que, contrairement à ce que prétendraient les requérants, l’impossibilité d’obtenir réparation d’un préjudice moral tel que celui invoqué dans le cadre du présent recours ne serait pas contredite par le point 198 de l’arrêt sur renvoi.

40      Il convient de rappeler que le statut a pour finalité de réglementer les relations juridiques entre les institutions de l’Union et leurs fonctionnaires, en établissant une série de droits et d’obligations réciproques et en reconnaissant, en faveur de certains membres de la famille du fonctionnaire, des droits qu’ils peuvent faire valoir auprès de l’Union (arrêt sur réexamen, point 31).

41      Ainsi, l’article 91, paragraphe 1, du statut précise la compétence du juge de l’Union en matière de contentieux de la fonction publique de l’Union, en disposant que la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur « tout litige » entre l’Union et « l’une des personnes visées [au] statut » et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne au sens de l’article 90, paragraphe 2, de ce statut. Conformément à cette dernière disposition, « [t]oute personne visée [au] statut » peut saisir l’AIPN d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief (arrêt sur réexamen, point 32).

42      Pour qu’un recours introduit sur le fondement de l’article 91 du statut et de l’article 270 TFUE soit recevable, il doit donc concerner un litige opposant l’Union à une personne visée par le statut (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 1994, C/Commission, T‑47/93, EU:T:1994:262, point 21 ; ordonnances du 6 septembre 2011, Alionescu/EPSO, T‑282/11, EU:T:2011:425, points 4 à 9, et du 9 avril 2014, Colart e.a./Parlement, F‑87/13, EU:F:2014:53, point 39).

43      Il convient de relever que l’article 73 du statut et la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires de l’Union déterminent un système de garantie, de type assurantiel, des fonctionnaires, des agents temporaires et des agents contractuels, contre les risques de maladie professionnelle ainsi que contre le risque d’accident.

44      Ce régime de garantie, dont le fonctionnaire est le bénéficiaire – l’article 1er de la réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires de l’Union le désigne comme « l’assuré » –, prévoit, en cas de décès du fonctionnaire assuré, le versement des prestations garanties à son conjoint et à ses enfants s’ils existent, à défaut aux autres descendants du fonctionnaire, à défaut aux ascendants du fonctionnaire et, à défaut, à l’institution.

45      Il est constant que les collatéraux, donc, notamment, les frères et sœurs, ne figurent pas dans la liste en cascade des personnes à qui les prestations garanties sont susceptibles d’être versées en cas de décès du fonctionnaire.

46      Toutefois, les frères et sœurs sont visés par ailleurs au statut, en particulier aux articles 40, 42 ter et 55 bis. Ces articles permettent au fonctionnaire d’être placé en position de congé de convenance personnelle ou de congé pour raisons familiales, ou d’exercer son activité à temps partiel, pour, notamment, aider son conjoint, un ascendant, un descendant, un frère ou une sœur atteint d’une maladie grave ou d’un lourd handicap.

47      La Commission soutient que les articles 40, 42 ter et 55 bis du statut sont sans pertinence en l’espèce, puisqu’ils ne sont pas applicables au cas d’un fonctionnaire qui perd la vie à la suite d’un manquement de l’institution à exercer son devoir de protection, donnant ainsi lieu à des prestations d’indemnisation, et elle fait observer que ces dispositions n’ont pas été appliquées en l’espèce. Elle estime qu’une approche se limitant à chercher dans le statut l’existence de dispositions mentionnant les bénéficiaires potentiels, même indirects, d’obligations de l’AIPN dont le contenu n’aurait, pourtant, aucun rapport avec la demande d’indemnisation avancée serait erronée. Pourraient uniquement faire l’objet d’une demande de réparation d’un préjudice moral sur la base de l’article 270 TFUE les litiges ayant pour objet l’indemnisation de dommages dont la Commission « peut être tenue pour responsable en tant qu’employeur », comme l’aurait rappelé la Cour au point 22 de l’arrêt du 8 octobre 1986, Leussink/Commission (169/83 et 136/84, ci-après l’« arrêt Leussink », EU:C:1986:371), et à titre complémentaire de ce que prévoirait le statut en vertu de son article 73. La Commission fait observer que la réparation du préjudice moral demandée à titre complémentaire des prestations prévues par l’article 73 du statut ne peut, de toute façon, pas donner lieu à une double indemnisation, comme le Tribunal l’aurait rappelé au point 195 de l’arrêt sur renvoi. Or, s’il était fait droit à la demande de réparation du préjudice moral du frère et de la sœur de M. Alessandro Missir, il y aurait une telle double indemnisation, puisque, selon leurs propres termes, ladite demande serait fondée sur « les mêmes prémisses » que celles sur la base desquelles le Tribunal a octroyé la réparation du préjudice moral au père et aux quatre enfants de M. Alessandro Missir et sur la base desquelles la Commission fait référence au « même fait dommageable », à savoir le décès de celui-ci.  

48      Il convient de relever que les objections de la Commission mêlent la question de la recevabilité du recours avec celle de son bien-fondé.

49      La question, à ce stade de l’examen du recours, n’est pas de savoir si celui-ci est fondé, mais, en amont, de déterminer si les frère et sœur de M. Alessandro Missir avaient qualité pour saisir le juge de l’Union dans le cadre de l’article 270 TFUE ou s’ils devaient agir en réparation sur le fondement de l’article 268 TFUE.

50      À cet égard et ainsi qu’il a déjà été énoncé, le critère qui détermine le recours à la voie procédurale de l’article 270 TFUE plutôt qu’à celle de l’article 268 TFUE est celui de la « personne visée au statut » (article 91, paragraphe 1, du statut).

51      Cette condition d’être visé au statut ne saurait être considérée comme remplie du seul fait que la partie requérante est visée, à n’importe quel titre, par le statut. Il faut qu’elle le soit à un titre qui soit reflète un lien pertinent entre elle et l’acte qu’elle attaque, soit reflète un tel lien entre elle et le fonctionnaire dont l’atteinte aux intérêts lui cause prétendument un préjudice propre.

52      Or, tel est précisément le cas non seulement des ascendants, des descendants et du conjoint du fonctionnaire, mais aussi de ses frères et sœurs.

53      En effet, si ces personnes sont « visées au statut », que ce soit à l’article 73 ou aux articles 40, 42 ter et 55 bis dudit statut, c’est précisément parce que le législateur a voulu prendre acte, par des dispositions statutaires concrètes, de leur relation de proximité avec le fonctionnaire.

54      Le fait que, à l’époque de l’assassinat de M. Alessandro Missir, ni lui ni ses frère et sœur n’étaient concrètement dans l’une ou l’autre des situations envisagées par les articles 40, 42 ter et 55 bis du statut n’affecte en rien la reconnaissance statutaire des liens de fratrie. Ces dispositions du statut ne sont donc pas pertinentes parce qu’elles correspondraient à la situation concrète des parties à l’époque des faits – il convient à cet égard de relever que les requérants ne réclament d’ailleurs aucune indemnisation au motif d’une perte de soutien pour handicap –, mais parce qu’elles manifestent la reconnaissance statutaire des liens de famille entre les fonctionnaires et leurs frères et sœurs.

55      Cela est corroboré par l’appréciation de la Cour, selon laquelle « le Tribunal de la fonction publique est compétent ratione materiae pour connaître d’un recours en indemnité introduit par […] toute personne qui, quoique non fonctionnaire, est visée au statut en raison des liens de famille qu’elle entretient avec un fonctionnaire, lorsque le litige trouve son origine dans le lien d’emploi qui unit ce fonctionnaire à l’institution concernée, eu égard au fait que l’article 1er de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 270 TFUE et l’article 91 du statut […], attribue […] au Tribunal de la fonction publique la compétence pour connaître de “tout litige” entre l’Union et toute “personne visée au statut” » (arrêt sur réexamen, points 41 et 42).

56      Il s’ensuit, plus généralement, que, contrairement à ce qui est soutenu en substance par la Commission devant le Tribunal, d’autres dispositions du statut que l’article 73, à savoir celles comportant la reconnaissance statutaire d’un lien de famille avec le fonctionnaire décédé, peuvent être prises en considération pour déterminer si la personne est « visée au statut ».

57      Partant, les frères et sœurs doivent être considérés comme « visés au statut » pour la détermination de la voie de droit à emprunter lorsqu’ils entendent demander réparation du préjudice moral qu’ils ont subi du fait du décès de leur frère ou de leur sœur fonctionnaire dont l’institution serait, selon eux, responsable.

58      S’agissant de la référence opérée par la Commission au point 22 de l’arrêt Leussink (voir point 47 ci-dessus), d’une part, il convient de relever qu’elle ne concerne pas la recevabilité du recours, mais tout au plus son bien-fondé. Cette référence doit donc être rejetée dans le contexte de l’examen de la recevabilité. D’autre part, il convient de rappeler que, comme la Cour l’a relevé dans l’arrêt sur réexamen (point 45), elle a, dans l’arrêt Leussink, reconnu qu’un recours en indemnité introduit par les membres de la famille d’un fonctionnaire en vertu de l’article 178 du traité CEE (devenu article 268 TFUE) et visant à l’indemnisation du préjudice immatériel qu’ils avaient subi à la suite d’un accident du travail dont ce fonctionnaire avait été victime relevait du contentieux de la fonction publique. En effet, ainsi que la Cour le précise au point 45 de l’arrêt sur réexamen, elle a, au point 25 de l’arrêt Leussink, relatif aux dépens, fait application de l’article 70 de son règlement de procédure, dans sa version alors applicable, selon lequel les frais exposés par les institutions dans les affaires de fonctionnaires restent à la charge de l’institution en cause, étant donné que le recours en cause, bien qu’introduit en vertu de l’article 178 du traité CEE, trouvait son origine dans la relation entre le fonctionnaire concerné et l’institution dont il relevait.

59      S’agissant de la référence opérée par la Commission à une double indemnisation, il convient de relever qu’elle concerne également uniquement le fond du recours. Au demeurant, il ne saurait être question en l’espèce d’une double indemnisation d’un même préjudice, dès lors que le préjudice moral allégué par les frère et sœur de M. Alessandro Missir leur est propre et ne se confond pas avec celui des autres membres de la famille.

60      S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel l’article 73, paragraphe 2, sous a), du statut serait la disposition qui, conformément à la position de la Cour indiquée au point 34 de l’arrêt sur réexamen, définirait les catégories de personnes en droit de demander une indemnisation complémentaire « lorsque l’institution est responsable et que les prestations versées au titre de l’article 73 du statut ne sont pas suffisantes pour assurer la pleine réparation du préjudice subi », il convient de le rejeter pour les raisons suivantes.

61      La circonstance que les personnes visées à l’article 73, paragraphe 2, sous a), du statut, à savoir le conjoint et les enfants du fonctionnaire décédé ou, à défaut, ses autres descendants ou, à défaut, ses ascendants, peuvent solliciter, par la voie de l’article 270 TFUE, une indemnisation complémentaire s’ils estiment, premièrement, que les prestations versées ne compensent pas l’intégralité de leur préjudice et, deuxièmement, que l’administration est responsable du dommage qu’ils ont subi n’implique en rien que les frères et sœurs, qui ne figurent pas dans la liste en cascade de l’article 73 du statut et ne sont donc pas bénéficiaires potentiels des prestations garanties au titre de cet article, mais qui sont visés à d’autres dispositions du statut reflétant un lien pertinent avec le fonctionnaire décédé, devraient être privés de la possibilité procédurale de solliciter, par la voie de l’article 270 TFUE, la réparation de leur propre préjudice.

62      Comme il a déjà été exposé ci-dessus, les frères et sœurs sont « visés au statut » en raison précisément de leur lien de famille avec le fonctionnaire décédé.

63      L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre du recours introduit par les frère et sœur de M. Alessandro Missir au motif qu’ils n’auraient pas qualité pour agir par la voie de l’article 270 TFUE doit donc être rejetée.

64      Il convient, dès lors, d’examiner si les requérants ont introduit leur demande en réparation dans les délais.

 Sur la recevabilité du recours eu égard au délai

65      La Commission fait valoir que le recours est irrecevable du fait de la tardiveté de la demande en réparation, introduite au-delà d’un délai raisonnable. Rien n’aurait n’empêché Mme Sintobin et les frère et sœur de M. Alessandro Missir de déposer une demande de réparation du préjudice moral au moins dans le courant de l’année 2009, année d’introduction du recours dans l’affaire F‑50/09. Le temps écoulé pendant la phase précontentieuse dans l’affaire F‑50/09 – ainsi que pendant les phases judiciaires ultérieures de cette procédure constituées par l’arrêt de première instance et par l’introduction du pourvoi qui a suivi – aurait largement permis l’introduction des demandes de réparation du préjudice moral présentées par la suite dans le cadre de la présente affaire.

66      Dans leurs observations du 25 juillet 2018, tout d’abord, les requérants relèvent que la fin de non-recevoir pour tardiveté aurait été elle-même soulevée tardivement par la Commission, le 14 février 2018, soit plus de cinq ans après l’expiration du délai prévu par l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, applicable au moment de l’introduction de la présente instance. Cette fin de non-recevoir serait, en conséquence, elle-même irrecevable. Cette présentation tardive de la fin de non-recevoir serait encore plus injustifiée au vu du fait que la Commission aurait déjà soulevé, le 19 décembre 2012, dans le délai imparti par l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, une autre exception d’irrecevabilité, pour litispendance, alors que toutes les informations auraient déjà été disponibles. La prescription constituerait une fin de non-recevoir qui, à la différence des délais de procédure, ne serait pas d’ordre public. Elle ne pourrait pas être invoquée à n’importe quel stade de la procédure. Les requérants demandent donc au Tribunal de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la Commission le 14 février 2018.

67      Ensuite, les requérants soutiennent que la demande d’indemnité a été formée par la mère et les frère et sœur du fonctionnaire défunt dans un délai raisonnable.

68      S’agissant de la nature de la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, il convient de rappeler que la Cour a jugé, dans le contexte du contentieux de la responsabilité non contractuelle, que le respect du délai de prescription prévu à l’article 46, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne n’est pas examiné d’office, mais doit être soulevé par la partie concernée (arrêts du 30 mai 1989, Roquette frères/Commission, 20/88, EU:C:1989:221, point 12 ; du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑469/11 P, EU:C:2012:705, point 51, et du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 94).

69      Cette jurisprudence de la Cour vaut aussi, mutatis mutandis, pour la prescription encourue à l’expiration du délai raisonnable dans lequel, selon la jurisprudence, doit être formée une demande en réparation fondée sur le statut. En effet, dès lors qu’un délai de prescription d’une durée préfixée (cinq ans) n’est pas d’ordre public en raison du fait qu’il affecte le droit subjectif à demander réparation d’un dommage subi et qu’il remplit une fonction de protection des parties (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑469/11 P, EU:C:2012:705, points 52 à 54), il en est autant, sinon même a fortiori, d’un délai de prescription d’une durée non préfixée (délai raisonnable). Dans les deux cas, il s’agit de la même prescription d’un droit subjectif à demander réparation et de la même fonction de protection des parties.

70      Dès lors, donc, que la fin de non-recevoir invoquée par la Commission, tirée du non-respect du délai raisonnable dans l’introduction de la demande en réparation, n’est pas une question d’ordre public que le Tribunal devrait examiner d’office, il convient d’examiner au préalable l’objection des requérants selon laquelle cette fin de non-recevoir aurait elle-même été soulevée tardivement.

71      Au soutien de leur objection tirée de la tardiveté de la fin de non-recevoir, les requérants se prévalent de l’article 78, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, dans sa version applicable en 2012, qui est libellé comme suit :

« Si une partie demande que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité, l’incompétence ou sur un incident, sans engager le débat au fond, elle présente sa demande par acte séparé. La demande de statuer sur l’irrecevabilité doit être présentée dans un délai d’un mois à compter de la signification de la requête. »

72      Il convient de relever que la condition de délai requise par cette disposition se rapportait au cas particulier dans lequel une partie demandait au Tribunal de la fonction publique de statuer sans engager le débat au fond. Cette disposition n’interdisait donc pas à la partie défenderesse devant le Tribunal de la fonction publique d’invoquer la tardiveté du recours, le cas échéant, seulement au stade du mémoire en défense.

73      En outre, il convient d’observer que, si l’article 78 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique était applicable lorsque la Commission, plutôt que de déposer une défense, a soulevé, en 2012, en vertu de cette disposition, une exception d’irrecevabilité par acte séparé pour cause de litispendance, il résulte de l’article 3 du règlement 2016/1192 que les affaires transférées au Tribunal continuent à être traitées par celui-ci dans l’état où elles se trouvent au 31 août 2016 et conformément à son règlement de procédure.

74      En l’espèce, lors du transfert du recours dans l’affaire F‑132/12 au Tribunal, la procédure – qui, en l’absence de jonction au fond par le Tribunal de la fonction publique, portait sur l’exception de litispendance soulevée en 2012 – demeurait suspendue dans l’attente de l’arrêt sur renvoi.

75      Par suite, la circonstance que la Commission avait soulevée, le 19 décembre 2012, par acte séparé, une exception d’irrecevabilité pour litispendance n’impliquait nullement qu’elle ne pouvait pas, devant le Tribunal, soulever une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande en réparation au stade de la défense.

76      En l’espèce, la Commission a invoqué la tardiveté de la demande en réparation en février 2018, lors de la reprise de la procédure. Dans les circonstances de l’espèce, tenant aux spécificités procédurales de l’affaire et, notamment, aux suspensions successives, avoir invoqué en février 2018 la tardiveté de la demande en réparation, opérée avant le dépôt de la défense, n’est pas tardif. L’objection des requérants tirée de la tardiveté de la fin de non-recevoir soulevée par la Commission étant non fondée, il convient d’examiner cette fin de non-recevoir, tirée de la tardiveté de la demande en réparation.

77      Selon une jurisprudence constante, il incombe aux fonctionnaires ou aux agents de saisir, dans un délai raisonnable, l’institution de toute demande tendant à obtenir de l’Union une indemnisation en raison d’un dommage qui serait imputable à celle-ci, et ce à compter du moment où ils ont eu connaissance de la situation dont ils se plaignent. Le caractère raisonnable du délai doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 28 ; voir, également, ordonnance du 25 février 2014, Marcuccio/Commission, F‑118/11, EU:F:2014:23, point 87 et jurisprudence citée).

78      Si le délai de prescription de cinq ans prévu en matière d’action en responsabilité non contractuelle par l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ne trouve pas à s’appliquer dans les litiges entre l’Union et ses agents, il convient toutefois, selon une jurisprudence constante, de tenir compte du point de comparaison offert par ce délai pour apprécier si une demande a été présentée dans un délai raisonnable (voir ordonnance du 25 février 2014, Marcuccio/Commission, F‑118/11, EU:F:2014:23, point 88 et jurisprudence citée).

79      En l’espèce, la demande en réparation a été formée le 17 septembre 2011, soit cinq ans moins un jour après l’assassinat de M. Alessandro Missir. Par ailleurs, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort tant de la procédure précontentieuse dans la présente affaire que des procédures antérieurement menées depuis 2009 et ayant abouti, en 2017, à l’arrêt sur renvoi, l’enjeu du litige est important, sur les plans humain, financier et juridique, et la complexité de l’affaire est assez marquée, ou, à tout le moins, elle l’était lors du dépôt de la demande en réparation le 17 septembre 2011. Enfin, et contrairement à ce que suggère la Commission, le critère pour apprécier la tardiveté éventuelle d’une demande d’indemnité n’est pas tant celui de savoir si la demande aurait pu être formée plus tôt que celui de savoir si, eu égard à toutes les circonstances de l’espèce, ladite demande a été formée dans un délai raisonnable. Or, eu égard à l’ensemble des circonstances, tenant à la complexité de l’affaire et aux enjeux du litige, il apparaît que la demande en réparation répond à ce critère. Il s’ensuit que le recours ne saurait être considéré comme tardif.

80      Dans ces conditions, il convient d’écarter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Sur le fond

 Sur la demande de réparation du préjudice moral subi par la mère de M. Alessandro Missir

81      Les requérants, évoquant l’arrêt sur renvoi, réclament, en substance, l’application à la mère de M. Alessandro Missir des principes dégagés et appliqués dans cet arrêt au père de M. Alessandro Missir.

82      Ils relèvent que, dans l’arrêt sur renvoi (point 204), le Tribunal a expressément constaté que « découle des droits des États membres un principe général commun selon lequel, dans des circonstances semblables à celles de l’espèce, un préjudice moral réparable est reconnu aux parents de la personne décédée » et que le Tribunal a accordé une indemnisation de 50 000 euros à M. Livio Missir, en sa qualité de père de M. Alessandro Missir.

83      Les mêmes conclusions seraient également applicables à Mme Sintobin, laquelle, en sa qualité de mère du fonctionnaire défunt, se trouverait dans une situation identique à celle de M. Livio Missir.

84      En conséquence, les requérants prient le Tribunal d’évaluer ex æquo et bono le montant du dommage moral subi par Mme Sintobin, lequel devrait être à tout le moins égal à celui qui a été liquidé en faveur du père du fonctionnaire défunt.

85      La Commission partage l’avis des requérants selon lequel les principes établis par le Tribunal dans l’arrêt sur renvoi concernant M. Livio Missir sont transposables à la mère de M. Alessandro Missir.

86      La demande en réparation ne pourrait toutefois avoir d’issue favorable que dans les limites de ce qui a déjà été décidé par le Tribunal en faveur de M. Livio Missir au point 10 du dispositif de l’arrêt sur renvoi, à savoir la somme de 50 000 euros. Il conviendrait donc de rejeter la demande visant à l’obtention de 308 700 euros d’indemnité pour Mme Sintobin.

87      Il convient de relever, à l’instar des parties, que la situation de Mme Sintobin, mère de M. Alessandro Missir, est identique à celle de M. Livio Missir, père de M. Alessandro Missir, dont le préjudice moral subi du fait de l’assassinat de son fils a fait l’objet d’une indemnisation de 50 000 euros accordée par le Tribunal dans l’arrêt sur renvoi.

88      Dans ces conditions, il convient, en application des principes appliqués par le Tribunal dans l’arrêt sur renvoi (points 204 et 205) et par une appréciation ex æquo et bono du dommage subi par Mme Sintobin, de condamner la Commission in solidum à payer à cette requérante la somme de 50 000 euros, en réparation du préjudice moral subi par elle du fait de l’assassinat de son fils, et de rejeter sa demande d’indemnité pour le surplus.

 Sur la demande de réparation du préjudice moral subi par le frère et la sœur de M. Alessandro Missir 

89      Les requérants soulignent que la demande de réparation du préjudice moral subi par le frère et la sœur du fonctionnaire défunt a pour origine la négligence de la Commission à l’égard de son propre agent. Elle serait fondée sur le même critère que celui sur lequel se serait fondé le Tribunal dans l’arrêt sur renvoi, à savoir la coresponsabilité de la Commission dans la mort de M. Alessandro Missir. Il ne serait plus nécessaire de constater à nouveau l’illicéité de la conduite de la Commission, le lien de causalité entre cette conduite et la mort de M. Alessandro Missir ainsi qu’entre cette mort et le préjudice moral objet de la demande en réparation. Cette demande devrait donc être appréciée en appliquant les principes énoncés par l’arrêt sur renvoi et son bien-fondé serait pleinement corroboré par ledit arrêt, même s’il concernerait d’autres membres de la famille.

90      Le Tribunal aurait défini le préjudice moral réparable comme étant « la douleur morale causée par la mort d’une personne proche ». Il ne ferait aucun doute que le frère et la sœur du fonctionnaire défunt sont des « proches ». Le lien de fraternité serait expressément reconnu par le statut, mais aussi par les ordres juridiques des États membres.

91      C’est dans ce contexte qu’il conviendrait d’interpréter le point 198 de l’arrêt sur renvoi, dans lequel le Tribunal aurait affirmé que « des droits des États membres découle un principe général commun selon lequel, dans des circonstances semblables à celles de l’espèce, est reconnu aux ayants droit, notamment les enfants et les parents de la personne décédée, un préjudice moral réparable, consistant en la douleur morale causée par la mort d’une personne proche ». Le terme « ayant droit » utilisé par le Tribunal ne limiterait pas la catégorie des « proches » aux ascendants et aux descendants, mais inclurait tous les possibles « ayants droit » du de cujus, y compris les frères et sœurs. L’expression « notamment les parents et les enfants de la personne décédée » n’entendrait pas limiter le champ d’application du dommage réparable, mais s’expliquerait par le fait que, dans l’affaire T‑401/11 P RENV‑RX, les parties requérantes étaient effectivement l’un des parents et les enfants du fonctionnaire défunt.

92      Il conviendrait, en outre, de rappeler que le caractère réparable du préjudice moral découlant de la perte d’un parent proche, notamment le conjoint, les descendants, les ascendants au premier degré et les collatéraux au second degré, constituerait un principe commun aux droits des États membres. Dans l’ordre juridique des États membres, les collatéraux au second degré (frères et sœurs) seraient presque toujours inclus dans la liste des personnes pouvant demander réparation du préjudice moral dérivant de la mort d’un membre de la famille, bien que le caractère réparable du préjudice puisse être soumis à des conditions supplémentaires, selon l’État membre concerné.

93      Les préjudices moraux subis par le frère et par la sœur de M. Alessandro Missir constitueraient donc des préjudices réparables.

94      En outre, le caractère réparable de ces préjudices ne saurait être mis en cause par le fait qu’un préjudice analogue a déjà été reconnu aux descendants et aux ascendants du fonctionnaire. Il découlerait, en effet, de l’arrêt sur renvoi que, à tout le moins en ce qui concerne le contentieux de la fonction publique, le juge de l’Union a déjà pris position en faveur du critère du caractère cumulatif des réparations dues aux différents membres de la famille de la victime.

95      La Commission estimerait à tort que les membres de la famille non visés à l’article 73 du statut ne pourraient pas obtenir réparation du dommage moral subi du fait du décès de leur parent pour la seule raison qu’ils n’auraient pas droit à l’indemnité forfaitaire prévue par cette disposition.

96      D’une part, le droit à réparation du dommage moral ne serait pas limité aux personnes visées à l’article 73 du statut. En premier lieu, ni la Cour, dans l’arrêt sur réexamen, ni, à plus forte raison, le Tribunal, dans l’arrêt sur renvoi, n’auraient affirmé cela. En second lieu, l’arrêt Leussink et l’arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission (C‑257/98 P, ci-après l’« arrêt Lucaccioni », EU:C:1999:402), cités dans le mémoire en défense, n’aborderaient pas la question de l’identification des personnes pouvant prétendre à la réparation du dommage moral causé par le comportement illégal d’une institution.

97      D’autre part, faire droit à la demande en réparation présentée par le frère et la sœur du fonctionnaire défunt ne donnerait pas lieu à une double indemnisation.

98      Enfin, s’agissant des arguments de la Commission concernant la faute et le lien de causalité, le Tribunal aurait déjà constaté définitivement ledit lien entre la conduite fautive de l’AIPN, le fait dommageable et le préjudice moral subi par les membres de la famille de la victime. Les requérants invoqueraient la responsabilité de la Commission pour un fait dommageable précis, à savoir la mort de M. Alessandro Missir et la perte de la relation qui en découle, et non, comme le laisserait entendre la Commission, pour « n’importe quel événement » découlant de l’inexécution de l’obligation de protection incombant à l’institution.

99      La Commission esquisserait une responsabilité des institutions à « géométrie variable » suivant la personne qui demande réparation, ce qui serait illogique. La responsabilité de la Commission découlerait d’un fait dommageable « primaire », à savoir la mort du fonctionnaire, qui serait la prémisse commune des divers préjudices moraux, qualifiables de « secondaires » ou « par ricochet », invoqués, à titre personnel, par les membres de la famille de la victime. La responsabilité de la Commission serait donc unique et indivisible.

100    Il en découlerait également que la référence à la théorie de la causalité adéquate serait sans pertinence. En effet, tout comme la théorie de l’équivalence des conditions, cette théorie aurait été prise en compte dans l’arrêt sur renvoi à la seule fin de déterminer le lien de causalité entre la conduite de la Commission et la mort du fonctionnaire, c’est-à-dire le fait dommageable « primaire ». En revanche, le Tribunal n’aurait pas pris en compte ces théories pour déterminer si les préjudices moraux subis par les enfants et le père de M. Alessandro Missir étaient des conséquences « suffisamment directes » du comportement illicite de la Commission. À cet égard, le Tribunal se serait borné à constater que « la Commission a manqué à l’obligation de protection de son personnel et doit être considérée comme étant coauteur des dommages moraux subis » par les membres de la famille de la victime (arrêt sur renvoi, point 171), considérant donc que l’existence de ces dommages « secondaires » ou « par ricochet » était in re ipsa. En témoignerait encore le fait que l’arrêt sur renvoi ne contiendrait aucune analyse spécifique du lien de causalité entre la mort du fonctionnaire et la douleur psychique et morale subie par les enfants et le père du fonctionnaire défunt. Il ne serait donc pas possible de comprendre pourquoi il faudrait examiner le lien de causalité selon un critère différent suivant que le préjudice moral en question est celui subi par le frère et la sœur de la victime ou celui subi par ses enfants ou ses père et mère.

101    L’objection de la Commission selon laquelle le frère et la sœur du fonctionnaire défunt mènent « une existence pleinement autonome » serait hautement discutable, dès lors que la même chose pourrait être dite du père de la victime déjà indemnisé. Les père et mère et le frère et la sœur du fonctionnaire auraient en commun d’avoir fait partie du même noyau familial, ce qui constituerait précisément l’élément justifiant l’existence de liens affectifs particuliers entre parents (auteurs) et frères et sœurs.

102    Enfin, Mme Maria Letizia Missir et M. Stefano Missir auraient dû recourir à des traitements psychiatriques et psychologiques pour atténuer la douleur et la perturbation causées par la mort tragique et cruelle de leur frère.

103    En conclusion, le dommage moral subi par le frère et la sœur de M. Alessandro Missir constituerait un dommage pleinement réparable.

104    En premier lieu, la Commission fait valoir que, ainsi que le Tribunal l’aurait observé au point 158 de l’arrêt sur renvoi, l’article 73, paragraphe 2, sous a), du statut définirait les catégories de personnes en droit de demander une indemnisation complémentaire lorsque l’institution est responsable et que les prestations de l’article 73 du statut n’assurent pas la pleine réparation du préjudice subi.

105    En outre, au point 194 de l’arrêt sur renvoi, le Tribunal aurait expressément rappelé l’existence d’un principe général qui prévoirait la possibilité de réparer un préjudice moral lorsque celui-ci n’est pas couvert en tout ou partie par le régime prévu à l’article 73 du statut.  

106    Aux points 134 à 136 de l’arrêt sur renvoi, le Tribunal aurait constamment fait référence aux arrêts Leussink et Lucaccioni, qui auraient précisé les conditions d’une réparation complémentaire des prestations de l’article 73 du statut. Au point 195 de l’arrêt sur renvoi, le Tribunal aurait rappelé que la réparation du préjudice moral ne peut jamais faire l’objet d’une « double indemnisation ». Comme l’aurait souligné la Cour au point 22 de l’arrêt Lucaccioni, l’indemnisation devrait être « complète, et non double » eu égard aux prestations de l’article 73 du statut. Il s’ensuivrait que ce serait exclusivement en ce qui concerne l’indemnisation du préjudice moral complémentaire à ce qui a déjà été versé en application de l’article 73 du statut que la jurisprudence aurait reconnu un droit à réparation. En l’espèce, il serait donc évident que le type de réparation auquel les requérants prétendent ne pourrait être pris en considération sans avoir auparavant considéré l’indemnité exigible en vertu de l’article 73 du statut. Toutefois, ni le frère ni la sœur d’un fonctionnaire décédé ne seraient mentionnés audit article. En conséquence, ces personnes ne pourraient pas faire valoir une demande en réparation pour préjudice moral.  

107    Dans le même ordre d’idées, la réparation du préjudice moral demandée à titre complémentaire des prestations prévues par l’article 73 du statut ne pourrait, de toute façon, pas donner lieu à une double indemnisation, comme le Tribunal l’aurait rappelé au point 195 de l’arrêt sur renvoi. Or, s’il était fait droit à la demande de réparation du préjudice moral du frère et de la sœur de M. Alessandro Missir, il y aurait une telle double indemnisation, puisque, selon leurs propres termes, ladite demande serait fondée sur « les mêmes prémisses » que celles sur la base desquelles le Tribunal avait octroyé la réparation du préjudice moral au père et aux quatre enfants de M. Alessandro Missir et sur la base desquelles la Commission fait référence au « même fait dommageable », à savoir le décès de M. Alessandro Missir.  

108    À la lumière de ce qui précède, la Commission indique ne prendre position qu’à titre subsidiaire sur la question du caractère illégal du comportement de l’AIPN.  

109    La Commission ne partage pas l’argument selon lequel il serait acquis qu’il ne serait plus nécessaire d’apprécier le caractère illicite du comportement de l’AIPN, puisque le Tribunal se serait déjà prononcé à ce sujet au point 171 de l’arrêt sur renvoi.  

110    À suivre l’approche des requérants, la réparation du préjudice moral demandée par les frère et sœur de M. Alessandro Missir reviendrait à mettre à charge de l’AIPN n’importe quel événement se produisant à cause du manquement à l’obligation de protéger le fonctionnaire, et ce selon une interprétation du lien de causalité déjà rejetée dans l’arrêt sur renvoi, dans lequel le Tribunal aurait eu l’occasion de préciser, d’une part, que le lien de causalité peut, sur la base de la théorie de l’équivalence des conditions, être rompu si la faute est éloignée de l’événement dommageable  dont les intéressés demandent réparation (arrêt sur renvoi, point 70, in fine) et, d’autre part, que l’appréciation de la violation du devoir de protection d’un fonctionnaire décédé ne permet pas de conclure que « toute conséquence découlant d’événements successifs » de ladite violation est imputable à la Commission (arrêt sur renvoi point 94, deuxième phrase).  

111    Au point 70 de l’arrêt sur renvoi, le Tribunal aurait rappelé que le recours à la théorie de l’équivalence des conditions pour établir le lien de causalité n’était qu’une possibilité, puisque la jurisprudence de la Cour n’aurait pas exclu l’applicabilité de la théorie de la causalité adéquate.  

112    La Commission note que, en ce qui concerne le devoir spécifique sur lequel s’est penché le Tribunal au point 191 de l’arrêt sur renvoi, le statut confère aux ayants droit du fonctionnaire défunt et à son père un niveau de protection sans aucun doute supérieur à celui dont peuvent bénéficier son frère et sa sœur. Dans ces circonstances, il serait compréhensible que le Tribunal ait appliqué la théorie de l’équivalence des conditions à l’indemnisation du préjudice des ayants droit et du père du fonctionnaire défunt. Toutefois, la situation des frère et sœur du fonctionnaire défunt ne serait pas comparable. Il serait plus approprié d’appliquer en l’espèce la théorie de la causalité adéquate. Or, en l’espèce, les requérants n’auraient jamais démontré le lien de causalité sur la base de cette théorie.  

113    Les requérants affirmeraient, pour l’essentiel, que l’obligation de réparation existerait du fait de l’absence d’adoption de mesures de sécurité par l’AIPN en ce qui concerne l’hébergement de M. Alessandro Missir et de sa famille. Toutefois, il suffirait de constater que le décès de M. Alessandro Missir a été le fait d’un tiers, c’est-à-dire la conséquence du comportement d’une personne autre que l’AIPN. Par conséquent, la référence au comportement illicite de l’AIPN ne serait pas suffisante pour démontrer la responsabilité quant au décès de M. Alessandro Missir et au préjudice moral qui en découle.  

114    Les requérants invoqueraient le point 183 de l’arrêt de première instance afin de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’absence de mesures de sécurité appropriées, le décès de M. Alessandro Missir et le préjudice moral en question, en soulignant que, d’après le Tribunal de la fonction publique, l’absence de mesures appropriées avait « contribué à la réalisation du dommage », ce qui enlevait toute pertinence au fait que le décès de M. Alessandro Missir était survenu par la main d’un tiers. Ces observations ne pourraient toutefois pas être acceptées sur la base de la théorie de la causalité adéquate.

115    La référence au point 183 de l’arrêt de première instance ne serait pas déterminante, puisque, dans l’arrêt sur renvoi (point 94), le Tribunal aurait expressément confirmé la position de la Commission venant d’être exposée, dans les termes suivants : « si le Tribunal de la fonction publique avait fait application de la jurisprudence relative à la théorie de la causalité adéquate, il aurait dû juger que le manquement fautif de la Commission en tant que tel n’était pas suffisant pour conclure à la responsabilité de celle-ci ».

116    Le lien de causalité entre le préjudice allégué par le frère et la sœur de M. Alessandro Missir et le comportement imputé à l’AIPN ne serait pas établi dans l’arrêt sur renvoi, où il aurait été fait application de la théorie de l’équivalence des conditions. Ce serait donc uniquement sur la base de cette interprétation du lien de causalité que le Tribunal aurait considéré comme imputable à la Commission le préjudice moral dans l’arrêt sur renvoi.  Par conséquent, les demandes en réparation devraient être rejetées en l’absence de lien de causalité direct entre le comportement fautif et le préjudice invoqué.  

117    En outre, et en tout état de cause, même si la théorie de l’équivalence des conditions était applicable, le préjudice invoqué par le frère et la sœur du fonctionnaire défunt serait suffisamment « éloigné » (arrêt sur renvoi, point 70) de la violation de l’obligation de protection dudit fonctionnaire. En ce qui concerne la situation du frère et de la sœur d’un fonctionnaire, qui, jusqu’à preuve du contraire, mèneraient une existence pleinement autonome, le décès du fonctionnaire serait une circonstance toujours possible dans l’abstrait, de sorte que, en ce qui concerne l’atteinte aux liens affectifs avec le fonctionnaire décédé, la violation par l’administration de son obligation de protection semblerait une « cause éloignée » (arrêt sur renvoi, point 87, in fine) plutôt qu’une cause immédiate et directe. Le préjudice moral allégué serait un préjudice « médiat », une « propagation intersubjective des conséquences » d’un acte illicite,  ou encore une « répercussion » au sens du point 22 de l’arrêt Leussink. Il s’ensuivrait que les requérants ne seraient pas parvenus à apporter la preuve que le préjudice moral dont ils demandent réparation est imputable à l’AIPN.  

118    En deuxième lieu, et contrairement à ce que prétendraient les requérants, l’impossibilité d’obtenir réparation d’un préjudice moral tel que celui invoqué en l’espèce ne serait pas contredite par le point 198 de l’arrêt sur renvoi. Audit point, le Tribunal n’aurait pas abordé la question de la définition des personnes fondées à demander réparation du préjudice moral, puisqu’il aurait résolu cette question aux points 191 à 196 de l’arrêt sur renvoi, en rejetant l’exception d’irrecevabilité de la Commission sur ce point. Audit point 198, le Tribunal aurait examiné une question différente, à savoir, comme cela est indiqué au point 197 de cet arrêt, « les critères de détermination du montant de l’indemnisation du préjudice moral subi par les quatre enfants » du fonctionnaire défunt. Le point 198 de l’arrêt sur renvoi ne pourrait donc pas être isolé du contexte de l’analyse effectuée par le Tribunal dans ledit arrêt.

119    En outre, le Tribunal n’aurait nullement affirmé que les parents en ligne collatérale étaient fondés à demander la réparation d’un préjudice moral tel que celui invoqué en l’espèce. Mais surtout, cette conclusion serait contredite par le point 194 de l’arrêt sur renvoi, dans lequel le Tribunal aurait rappelé que la réparation du préjudice moral au profit des ayants droit d’un fonctionnaire décédé porte sur les dommages non couverts, en tout ou partie, par un « régime garantissant le versement automatique de prestations aux ayants droit d’un fonctionnaire décédé ». Toutefois, les bénéficiaires de ce régime automatique seraient les personnes visées par l’article 73 du statut, dont ne font pas partie les collatéraux.  

120    Comme la jurisprudence serait aussi claire sur l’identification des personnes en droit de demander, sur la base de l’article 270 TFUE, la réparation du préjudice moral causé par le décès d’un fonctionnaire, le fait d’interpréter le point 198 de l’arrêt sur renvoi en ce sens qu’il accorderait ladite réparation même aux parents en ligne collatérale serait contraire au point 107 du même arrêt, dans lequel le Tribunal décrirait le rôle joué par les principes de droit communs aux États membres dans le cadre de l’application du statut, consistant à combler les lacunes résultant du silence du législateur statutaire. Sur ce point, le statut ne serait pas silencieux, puisque, à propos de l’identification des personnes fondées à demander réparation du préjudice moral en cas de décès du fonctionnaire, la Cour aurait confirmé, dans le cadre du réexamen, que le statut identifierait clairement ces personnes sur la base de son article 73.

121    Il conviendrait encore de noter que, s’il serait vrai que le point 198 de l’arrêt sur renvoi, par l’utilisation du terme « notamment », laisse entendre que la catégorie des « ayants droit » éligibles à une indemnisation pour la mort d’une « personne proche » peut sembler ne pas être limitée aux parents et aux enfants du défunt, il serait pourtant vrai aussi que l’absence d’identification, par le Tribunal, des autres liens de parenté en dehors de ceux des parents et des enfants laisse apparaître qu’il n’y a pas d’uniformité dans le droit des États membres quant à la réparation du préjudice moral des « ayants droit » du défunt autres que les enfants et les ascendants.  

122    Il conviendrait également de souligner que le terme « ayants droit », utilisé au point 198 de l’arrêt sur renvoi, ne serait pas, contrairement à ce que les requérants avancent, susceptible, en tout état de cause, d’inclure les parents en ligne collatérale du fonctionnaire décédé.

123    En troisième lieu, contrairement à ce que soutiendraient les requérants, il ne serait pas possible de considérer qu’il existe un principe commun aux États qui établirait l’existence d’une présomption de préjudice moral en cas de décès d’un frère ou d’une sœur. Les requérants admettraient eux-mêmes qu’il est possible que la réparation soit soumise à d’autres conditions. Par conséquent, même en considérant que les principes généraux du droit des États membres seraient applicables, aucune preuve spécifique n’aurait été apportée quant au lien de proximité qui liait M. Alessandro Missir à ses frère et sœur.  

124    Pour ce qui est de l’effet prétendument cumulable de la réparation du préjudice moral pour les parents en ligne collatérale et les ayants droit ou les ascendants ou descendants, les requérants ne pourraient pas soutenir que le critère du cumul prévu par le droit de succession national aurait déjà été accepté par le juge de l’Union. En effet, dans l’arrêt sur renvoi, le Tribunal aurait reconnu cette réparation uniquement à l’égard des enfants et du père d’un fonctionnaire décédé, et non en faveur des parents en ligne collatérale de celui-ci.

125    L’argument de la « similitude » du préjudice moral avec celui qui a entraîné l’indemnisation en faveur des fils et du père de M. Alessandro Missir devrait être rejeté, étant donné que, si ce préjudice n’était pas considéré comme identique à celui subi par les enfants et le père du défunt (auquel cas d’identité il ne pourrait pas être réparé, dans la mesure où l’AIPN se verrait contrainte de verser une double indemnisation pour le même préjudice, ledit préjudice ne serait que la répercussion du préjudice déjà réparé pour les personnes susmentionnées et ne pourrait donc pas être indemnisé par la Commission.  

126    Enfin, la Commission conteste la recevabilité des éléments de preuve produits par les requérants dans la réplique.

127    Il a été établi que les frère et sœur de M. Alessandro Missir, dont il n’est pas sérieusement contestable ni d’ailleurs contesté qu’ils ont pu souffrir moralement de la mort de leur frère, devaient procéduralement introduire toute demande en réparation à cet égard par la voie statutaire, puis, le cas échéant, par un recours introduit sur le fondement de l’article 270 TFUE, et non par la voie de l’article 268 TFUE. Cette voie procédurale étant identifiée, se pose la question de savoir si les frère et sœur de M. Alessandro Missir sont bien fondés à obtenir de la Commission une réparation pour leur souffrance morale.

128    La Commission oppose, sur le fond, un certain nombre d’objections à cet égard.

129    La Commission soutient, en substance, que l’article 73 du statut, tel qu’interprété par la jurisprudence, délimite le périmètre des personnes pouvant obtenir réparation d’un préjudice subi du fait du décès d’un fonctionnaire. Le conjoint, les descendants et les ascendants le pourraient, puisqu’ils sont visés par l’article 73 du statut. Les frères et sœurs, qui n’y sont pas visés, ne le pourraient pas.

130    La Commission fait observer que le rôle joué par les principes de droit communs aux États membres dans le cadre de l’application du statut consiste à combler les lacunes éventuelles résultant du silence du législateur. Or, en l’espèce, le statut, en son article 73 tel qu’appliqué par la jurisprudence, ne serait pas silencieux, mais désignerait uniquement les personnes mentionnées à cette disposition comme pouvant obtenir réparation d’un préjudice moral en cas de décès d’un fonctionnaire. La Commission invoque au soutien de sa position l’arrêt sur réexamen (points 33 et 34). 

131    La Commission évoque, par ailleurs, les points 134 à 136 et 158 de l’arrêt sur renvoi, évoquant les arrêts Leussink et Lucaccioni, les points 191, 194, 195 et 201 de l’arrêt sur renvoi et le point 22 de l’arrêt Lucaccioni.

132    La Commission tire de ces références que ce serait exclusivement en ce qui concerne l’indemnisation du préjudice moral « complémentaire » à ce que l’AIPN a déjà versé en application de l’article 73 du statut que la jurisprudence aurait reconnu un droit à réparation du dommage en cas de lésions.

133    Par suite, selon la Commission, dès lors que les frères et sœurs du fonctionnaire décédé ne sont pas au nombre des personnes visées par cette disposition et ne peuvent donc pas prétendre à une indemnisation « complémentaire » – puisqu’ils n’ont pas droit à une indemnisation principale –, ils n’ont aucun droit à réparation au titre du préjudice moral.

134    S’agissant, tout d’abord, de la référence opérée aux points 33 et 34 de l’arrêt sur réexamen, elle apparaît inappropriée.

135    En effet, ces points concernent la compétence rationae personae du Tribunal de la fonction publique pour connaître des recours de personnes visées au statut. La Cour a constaté que le père et les enfants du fonctionnaire étaient visés au statut. Elle en a déduit la compétence du Tribunal de la fonction publique. Il s’agissait donc d’une question d’identification de la juridiction compétente, et non de la question de fond, en cause en l’espèce, de savoir qui peut obtenir réparation. D’ailleurs, au point 35 de l’arrêt sur réexamen, la Cour relève que la question de fond, consistant à établir si le père et les enfants du fonctionnaire disposent effectivement d’un droit aux prestations garanties par le statut, ne peut entrer en ligne de compte pour déterminer la compétence du Tribunal de la fonction publique. S’il en était autrement, statuer sur la compétence supposerait d’examiner au préalable le bien-fondé de la requête. Ainsi, la référence opérée par la Commission au point 34 de l’arrêt sur réexamen, au soutien de sa thèse selon laquelle l’article 73 du statut limite les personnes ayant droit à une éventuelle réparation, doit être écartée.

136    Quant aux références mentionnées au point 131 ci-dessus, elles doivent également être écartées, dans la mesure où aucun des précédents (affaires Leussink, Lucaccioni, Missir Mamachi) invoqués par la Commission ne portait sur le cas des frères et sœurs ni même ne l’envisageait. Les arrêts cités ne concernaient que des ascendants et des descendants.

137    L’arrêt sur renvoi (points 131 à 136) énonce ce qui suit au sujet des arrêts Leussink et Lucaccioni :

« 131.      Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt [Leussink], la Cour était appelée à se prononcer sur la question de savoir si[, comme le soutenait la Commission (point 10 de cet arrêt,] la couverture des risques d’accident prévue par l’article 73 du statut et par la réglementation constituait un régime d’indemnisation exhaustif qui, en cas d’accident du travail, excluait toute autre prétention à titre de dommages et intérêts basée sur les principes de droit commun. En effet, M. Leussink, son épouse et leurs quatre enfants avaient introduit une demande indemnitaire complémentaire, en soutenant que l’indemnité prévue à l’article 73 du statut ne couvrait que les conséquences économiques de l’accident et pas leur préjudice moral. La Cour a tout d’abord jugé, au point 11 de l’arrêt, que la couverture prévue par l’article 73 du statut reposait sur un régime général d’assurance contributif contre les risques d’accident au cours et en dehors du service et que le droit à la prestation était indépendant de l’auteur de l’accident et de la responsabilité encourue par lui. Par la suite, au point 13 de cet arrêt, la Cour a jugé que, en l’absence de toute disposition expresse dans la réglementation concernant des demandes complémentaires à l’encontre de l’institution, il ne saurait être tiré argument de celle-ci pour exclure le droit du fonctionnaire et de ses ayants droit de demander une indemnisation complémentaire lorsque l’institution est responsable de l’accident selon le droit commun et que les prestations du régime statutaire ne suffisent pas pour assurer la pleine réparation du préjudice subi. […]

133.      S’agissant de l’arrêt [Lucaccioni], la Cour a confirmé, au point 23 [de cet arrêt], que les prestations reçues au titre de l’article 73 du statut à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle devaient être prises en compte par le juge de l’Union aux fins de l’évaluation du préjudice réparable, dans le cadre d’un recours en dommages et intérêts introduit par un fonctionnaire sur le fondement d’une faute de nature à engager la responsabilité de son institution employeur.

134.      Ainsi, les arrêts [Leussink et Lucaccioni] ont clarifié la relation entre les prestations reçues au titre de l’article 73 du statut à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle et le régime d’indemnisation au titre du droit commun.

135.      En premier lieu, le régime prévu à l’article 73 du statut et celui de droit commun sont complémentaires, de sorte qu’il est possible d’introduire une demande d’indemnisation complémentaire lorsque l’institution est responsable de l’accident selon le droit commun et que les prestations versées sur la base de l’article 73 du statut ne sont pas suffisantes pour assurer la pleine réparation du préjudice subi (arrêt [Leussink], point 13).

136.       En second lieu, en application de ce principe, la jurisprudence a aussi clarifié le fait que les prestations reçues au titre de l’article 73 du statut, à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle, devaient être prises en compte aux fins de l’évaluation du préjudice réparable dans le cadre d’un recours en dommages et intérêts introduit par un fonctionnaire sur le fondement d’une faute de nature à engager la responsabilité de son institution employeur. En effet, si ce n’était pas le cas, il y aurait une double indemnisation (arrêt [Lucaccioni]). »

138    Il ressort de ce qui précède que l’objet des arrêts Leussink et Lucaccioni n’était pas de se prononcer sur le sort à réserver à une demande émanant de frères et sœurs, lesquels n’étaient pas en cause dans ces affaires, mais seulement de se prononcer sur le sort à réserver à une demande en réparation émanant du fonctionnaire et de ses conjoint et enfants et sur l’articulation entre une telle demande et l’indemnisation forfaitaire déjà assurée par l’article 73 du statut. C’est dans ce contexte limité qu’il faut comprendre la référence opérée par la Cour à la « complémentarité » de la demande d’indemnité par rapport aux prestations assurantielles de l’article 73 du statut.

139    Il ne peut donc pas être déduit des arrêts susmentionnés qu’un frère ou une sœur ne serait pas fondé à se prévaloir d’un préjudice moral indemnisable. Par définition, dès lors que les frères et sœurs ne figurent pas dans la liste en cascade de l’article 73 du statut, et ne peuvent donc rien recevoir au titre de cette disposition, une demande en réparation de leur part ne peut pas être complémentaire, mais singulière. Lesdits arrêts ne se sont pas prononcés sur la possibilité d’une telle demande, qui n’était pas en cause dans ces affaires.

140    Considérer, comme la Commission le soutient, que les institutions, en fixant la liste des personnes pouvant obtenir le versement de prestations assurantielles en cas de décès accidentel du fonctionnaire, ont entendu délimiter les personnes envers lesquelles elles estimaient, le cas échéant, devoir rendre compte financièrement d’une éventuelle responsabilité pour faute, constitue une construction qui ne peut être déduite, en tant que telle, des arrêts Leussink et Lucaccioni.

141    Il convient d’examiner, ensuite, les points 157 et 158 de l’arrêt sur renvoi, dans lesquels le Tribunal énonce ce qui suit :

« 157.      À [l’égard des demandes en réparation du préjudice moral subi par les quatre enfants d’Alessandro Missir et par son père], il ressort […] de l’arrêt de première instance que […] la Commission avait soulevé […] une fin de non-recevoir […] tirée, en substance, du fait que […] l’article 73 du statut excluait la possibilité pour [les] quatre enfants [d’Alessandro Missir] et [pour] Livio Missir d’introduire une demande en réparation du préjudice moral. En effet, la Commission a fait valoir […] que, sur la base [de l’article 73 du statut], les quatre enfants d’Alessandro Missir Mamachi ne bénéficiaient pas du droit d’introduire une demande en réparation de leur préjudice moral et […] que Livio Missir Mamachi n’était pas au nombre des ayants droit visés par cet article.

158.      En ce qui concerne les fins de non-recevoir soulevées à l’encontre des demandes en réparation du préjudice moral subi par Livio Missir et par les quatre enfants d’Alessandro Missir, elles ne peuvent pas prospérer. En effet, il suffit, d’une part, de constater que, au point 34 de l’arrêt sur réexamen, la Cour a jugé que l’article 73, paragraphe 2, sous a), du statut désignait expressément les “descendants” ainsi que les “ascendants” du fonctionnaire comme les personnes susceptibles, en cas de décès de ce dernier, de bénéficier d’une prestation et que, partant, tant Livio Missir que les quatre enfants d’Alessandro Missir étaient visés par cette disposition. D’autre part, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le régime prévu à l’article 73 du statut et le régime de droit commun sont complémentaires, de sorte qu’il est possible d’introduire une demande d’indemnisation complémentaire lorsque l’institution est responsable et que les prestations versées sur la base de l’article 73 du statut ne sont pas suffisantes pour assurer la pleine réparation du préjudice subi ([arrêt Leussink], point 13, et [arrêt Lucaccioni], point 22). Partant, à la lumière des considérations développées ci-dessus, les membres de la famille d’un fonctionnaire visés par l’article 73 du statut ont le droit d’introduire un recours complémentaire s’ils estiment que les prestations statutaires ne sont pas suffisantes pour assurer la pleine réparation de leur préjudice. »

142    Là encore, le juge de l’Union n’avait concrètement à considérer que le père et les enfants du fonctionnaire. C’est en référence à la jurisprudence Leussink et Lucaccioni qu’il a rappelé la possibilité d’une indemnisation complémentaire en cas de responsabilité de l’administration et lorsque les prestations assurantielles sont insuffisantes pour assurer la pleine réparation du préjudice subi par ces personnes. Les « membres de la famille » en cause étaient « visés par l’article 73 du statut ». L’arrêt sur renvoi ne détermine rien au sujet des membres de la famille non visés par l’article 73 du statut, question dont le Tribunal n’était pas saisi, et ne permet donc pas de progresser relativement à la constatation opérée au point 140 ci-dessus.

143    S’agissant du point 194 de l’arrêt sur renvoi, dont la Commission indique que le Tribunal y aurait expressément rappelé l’existence d’un principe général prévoyant la possibilité de réparer un préjudice moral lorsque celui-ci n’est pas couvert en tout ou partie par un régime garantissant le versement automatique de prestations, il convient de relever que ce point ne détermine pas la solution applicable au cas d’une personne non visée par un tel régime, comme en l’espèce les frères et sœurs. En effet, ce point se limite à énoncer que « des droits des États membres découle un principe général commun selon lequel, dans des circonstances semblables à celles [de l’affaire T‑401/11 P RENV RX], la présence d’un régime garantissant le versement automatique de prestations aux ayants droit d’un fonctionnaire décédé n’est pas une entrave à ce que lesdits ayants droit, s’ils estiment que les préjudices subis ne sont pas couverts ou ne le sont pas complètement par ledit régime, obtiennent également un dédommagement de leur préjudice moral par le biais d’un recours devant une juridiction nationale ».

144    S’agissant du point 195 de l’arrêt sur renvoi, dans lequel le Tribunal relève l’existence d’un principe général commun aux droits des États membres excluant la double indemnisation du préjudice moral, il convient de relever, à l’instar des requérants, qu’il n’est pas question en l’espèce d’une double indemnisation d’un même préjudice, puisque le préjudice moral allégué par les frère et sœur de M. Alessandro Missir leur est propre et qu’il ne fait pas l’objet des prestations prévues par l’article 73 du statut.

145    Il résulte des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que soutient la Commission, il n’est pas possible de considérer que l’article 73 du statut, tel qu’interprété par la jurisprudence, s’oppose à ce que les frères et sœurs d’un fonctionnaire décédé par la faute de l’Union obtiennent, le cas échéant, réparation de leur préjudice moral propre subi du fait de ce décès.

146    Dans l’indétermination en l’état de cette question en droit de l’Union, il convient de relever qu’il découle des droits des États membres un principe général commun selon lequel, dans des circonstances semblables à celles de l’espèce, le juge national reconnaît un droit pour les frères et sœurs d’un travailleur décédé de solliciter, le cas échéant, la réparation de leur préjudice moral subi du fait de ce décès.

147    Dans ces conditions, il convient de conclure non seulement que la Commission soutient à tort que l’article 73 du statut, tel qu’interprété par la jurisprudence, s’oppose à ce que des frères et sœurs d’un fonctionnaire décédé puissent, le cas échéant, obtenir une réparation pour le préjudice moral subi du fait de ce décès, mais encore qu’il ressort des principes généraux communs aux droits des États membres que les frères et sœurs de la personne dont le décès est causé par un tiers peuvent, le cas échéant, obtenir de celui-ci la réparation de leur préjudice moral.

148    S’agissant des conditions de cette réparation, les requérants font valoir, en substance, que les constatations déjà opérées par le Tribunal, dans l’arrêt sur renvoi, quant à la faute, au lien de causalité et au préjudice moral, valent largement s’agissant des demandes du frère et de la sœur du fonctionnaire défunt et qu’il n’y aurait en l’espèce aucune double réparation.

149    La Commission conteste la position des requérants. S’agissant du lien de causalité entre la violation de l’obligation de protection du fonctionnaire et le dommage, il faudrait, compte tenu du fait que les frères et sœurs ne seraient pas dans la même position envers le défunt que les ascendants et les descendants, préférer la théorie de la causalité adéquate à celle de l’équivalence des conditions. Or, les requérants n’auraient pas démontré une causalité adéquate.

150    En tout état de cause, même si la théorie de l’équivalence des conditions était appliquée, il n’en resterait pas moins que le préjudice moral allégué serait suffisamment « éloigné » de la faute commise pour exclure toute réparation. Il s’agirait d’un préjudice médiat, ne pouvant être mis à la charge de la Commission comme une conséquence immédiate et directe de la violation de l’obligation spécifique de protection du fonctionnaire.

151    Par ailleurs, il ne serait pas possible de considérer qu’il existe un principe général commun aux droits des États membres qui établirait l’existence d’une présomption de préjudice moral en cas de décès d’un frère ou d’une sœur.

152    Les requérants réfutent la position de la Commission, en observant que l’articulation entre les théories de la causalité adéquate et de l’équivalence des conditions n’a été pertinente qu’aux fins de l’établissement de la responsabilité de la Commission pour le décès de M. Alessandro Missir, laquelle ne serait plus en cause en l’espèce, et nullement aux fins de l’établissement d’un lien entre ce décès et le préjudice moral subi de ce fait par les proches du fonctionnaire défunt, lequel préjudice moral aurait été considéré comme étant in re ipsa.

153    Il y a lieu de constater que l’examen du raisonnement du juge de l’Union dans l’arrêt de première instance et dans l’arrêt sur renvoi confirme, en substance, la position des requérants.

154    Il convient de rappeler que, dans l’arrêt de première instance, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, par ses manquements fautifs à l’obligation d’assurer la protection de M. Alessandro Missir, la Commission avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité (arrêt de première instance, point 176, et arrêt sur renvoi, point 9).

155    Quant au lien de causalité entre cette faute et l’assassinat du fonctionnaire, le Tribunal de la fonction publique l’a jugé établi (arrêt de première instance, points 182 à 190). La Commission n’a pas introduit de pourvoi contre l’arrêt de première instance. Le Tribunal, dans l’arrêt sur renvoi (point 63, sixième phrase), a d’ailleurs relevé que la Commission ne contestait pas l’appréciation du Tribunal de la fonction publique à cet égard.

156    Or, comme le relèvent correctement les requérants, le débat sur l’articulation entre les théories de l’équivalence des conditions et de la causalité adéquate (arrêt de première instance, points 178 à 190, et arrêt sur renvoi, point 63, troisième phrase, et points 64 à 95) a été mené exclusivement aux fins de déterminer si la Commission, qui n’était évidemment pas l’auteur de l’assassinat, pouvait néanmoins en être déclarée responsable, en d’autres termes si la faute de la Commission pouvait être considérée comme ayant causé la mort de M. Alessandro Missir. Dans la négative, la Commission n’aurait été responsable de rien. Dans l’affirmative, comme cela fut retenu par le juge de l’Union, elle était, au moins en partie, responsable de cette mort.

157    Une fois ce lien de causalité établi par le Tribunal de la fonction publique – sur la base de la théorie de l’équivalence des conditions et sans commettre d’erreur de droit, ainsi que le Tribunal l’a expressément relevé aux points 79 et 80 de l’arrêt sur renvoi –, le Tribunal de la fonction publique a jugé qu’il lui restait à déterminer la part de responsabilité de l’assassin dans la réalisation des dommages (arrêt de première instance, point 191, et arrêt sur renvoi, point 9).

158    Dans ce contexte, le Tribunal de la fonction publique a estimé que la Commission devait se voir attribuer la responsabilité de 40 % des dommages subis (arrêt de première instance, point 197, et arrêt sur renvoi, point 10).

159    Cette solution de partage de la responsabilité, contestée dans leur pourvoi par les requérants, qui revendiquaient que la Commission soit déclarée responsable in solidum avec l’assassin, a été rejetée par le Tribunal, qui a fait droit au pourvoi sur ce point et a retenu la responsabilité in solidum de la Commission (donc pour 100 % du dommage) (arrêt sur renvoi, points 96 à 119).

160    Le Tribunal a retenu cette responsabilité in solidum de la Commission sur la base d’un principe général commun aux États membres selon lequel, dans des circonstances semblables à celles-de l’espèce, le juge national reconnaît la responsabilité in solidum des coauteurs du même dommage, considérant comme équitable le fait que la personne lésée n’ait pas, d’une part, à déterminer la quote-part du dommage dont chacun des coauteurs est responsable et, d’autre part, à supporter le risque que celui d’entre eux qu’elle poursuit se trouve être insolvable (arrêt sur renvoi, point 118).

161    Il convient de relever, premièrement, que la responsabilité de la Commission pour l’assassinat, qui a été constatée dans une décision passée en force de chose jugée, n’est pas contestée (voir point 155 ci-dessus) et, deuxièmement, que le principe de la responsabilité in solidum de la Commission pour les dommages résultant de cet assassinat n’est nullement remis en question ni ne saurait d’ailleurs raisonnablement l’être.

162    Dans ces conditions, l’objection de la Commission (voir points 109 à 116 ci-dessus) selon laquelle la causalité adéquate devrait être préférée à l’équivalence des conditions doit être écartée, car la constatation définitive par le juge de l’Union du lien de causalité entre la faute de la Commission et l’assassinat de M. Alessandro Missir est pleinement transposable en l’espèce.

163    Le seul élément de distinction existant en l’espèce par rapport à l’affaire F‑50/09 provient, en aval de cette constatation définitive, de ce que les requérants ne sont pas les enfants ou les parents du fonctionnaire défunt, mais ses frères et sœurs.

164    Or, il a déjà été constaté que l’article 73 du statut, tel qu’interprété par la jurisprudence, ne constitue pas une limite substantielle excluant les frères et sœurs de la possibilité d’obtenir réparation (voir point 145 ci-dessus) et que, dans l’indétermination de cette question en droit de l’Union, il ressort des principes généraux communs aux États membres un droit des frères et sœurs de solliciter, le cas échéant, la réparation d’un préjudice moral pour la perte de leur frère (voir point 146 ci-dessus).

165    Pour les mêmes raisons, il convient de rejeter les arguments de la Commission (voir point 117 ci-dessus) selon lesquels le préjudice moral subi par des frères et sœurs serait trop éloigné ou ne serait qu’une répercussion non indemnisable. La circonstance que le préjudice moral des frères et sœurs constitue, à l’égal au demeurant de celui des parents et des enfants du défunt, un préjudice moral par ricochet – ou médiat – par rapport au préjudice direct subi par le fonctionnaire décédé, à savoir la perte de la vie, ne retire rien au fait que ce préjudice moral est reconnu comme réparable selon les principes généraux communs aux États membres.

166    Quant aux considérations de la Commission sur la portée du point 198 de l’arrêt sur renvoi (voir points 118 à 122 ci-dessus), elles ne remettent pas en cause la constatation qui précède, dès lors que, ainsi que cela a déjà été relevé, le Tribunal, dans l’arrêt sur renvoi, n’était pas saisi de la question de la réparation du préjudice moral des frères et sœurs.

167    S’agissant des observations de la Commission selon lesquelles il ne serait pas possible de considérer qu’il existe un principe général reconnu par les États membres qui établirait une présomption de préjudice moral en cas de décès d’un frère ou d’une sœur (voir point 123 ci-dessus), il suffit de constater que les requérants ne se sont pas contentés de revendiquer l’existence d’une présomption de préjudice moral dans le chef des frères et sœurs, mais ont fait valoir des considérations particulières aux fins d’établir la réalité et l’intensité du préjudice moral s’agissant des frère et sœur de M. Alessandro Missir.

168    Ainsi, les requérants ont évoqué les circonstances particulièrement dramatiques du décès de M. Alessandro Missir et les grandes appréhensions de la famille pour le futur des enfants (page 7, dernier alinéa, de la demande du 17 septembre 2011, et page 9, deuxième alinéa, de la réclamation administrative préalable), et ils ont, dans le même sens, invoqué « l’injuste douleur et souffrance découlant de la perte de leur frère dans des circonstances aussi tragiques et atroces » et fait référence aux circonstances uniques du cas d’espèce et au caractère particulièrement effroyable et tragique de l’affaire.

169    Au-delà de ces considérations, qui sont effectivement de nature à avoir causé aux frère et sœur du fonctionnaire défunt une souffrance morale d’une intensité inhabituelle, les requérants n’ont pas rapporté la preuve de la réalité de liens affectifs entre ce fonctionnaire et ses frère et sœur qui dépasseraient les liens d’affection habituels liant des frères et sœurs adultes menant des vies autonomes.

170    Quant aux éléments de preuve produits par les requérants au stade de la réplique, relatifs à des traitements psychologiques et psychiatriques suivis par les frère et sœur de M. Alessandro Missir, il convient de les rejeter comme tardifs en vertu de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure.

171    En ce qui concerne la détermination du montant du préjudice moral, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de fixer le montant ex æquo et bono (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, EU:C:1980:145, point 15), en exposant les critères pris en compte à cette fin (voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 1998, Conseil/de Nil et Impens, C‑259/96 P, EU:C:1998:224, points 32 et 33 ; arrêt Lucaccioni, point 35, et arrêt du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 51).

172    Compte tenu des faits de l’espèce et, en particulier, des circonstances particulièrement dramatiques du décès de M. Alessandro Missir décrites au point 2 de l’arrêt sur pourvoi, des éléments mentionnés au point 168 ci-dessus, de l’existence non contestée de liens d’affection d’une intensité habituelle entre frères et sœurs adultes menant des vies autonomes, et à la lumière des principes dégagés aux points 146, 147 et 164 ci-dessus, il y a lieu de condamner in solidum la Commission à verser au frère et à la sœur de M. Alessandro Missir, en réparation du préjudice moral subi en raison du décès de ce dernier, le montant, évalué ex æquo et bono, de 10 000 euros chacun.

 Sur les demandes de condamnation à verser des intérêts compensatoires et des intérêts moratoires

173    Les requérants font valoir que la réparation du préjudice découlant de la responsabilité extracontractuelle de l’Union doit, dans la mesure du possible, restaurer le patrimoine du préjudicié. En conséquence, ils demandent que la Commission soit condamnée à verser les intérêts compensatoires à dater du moment où s’est produit le fait générateur.

174    En outre, conformément à la jurisprudence en matière de fonction publique, ils demandent que la Commission soit condamnée aux intérêts moratoires à dater du moment où celle-ci aurait pu faire droit aux demandes en réparation, c’est-à-dire depuis l’introduction de la réclamation.

175    La Commission conteste les demandes des requérants, en raison de l’absence de preuve s’agissant de la demande d’intérêts compensatoires et, s’agissant de la demande d’intérêts moratoires, en raison du fait que de tels intérêts ne seraient exigibles qu’à partir de la date de prononcé de l’arrêt du Tribunal.

176    Selon une jurisprudence constante, les intérêts compensatoires sont destinés à réparer les conséquences défavorables résultant du laps de temps qui s’est écoulé entre la survenance du fait dommageable et la date du paiement de l’indemnité et ont pour objet de reconstituer autant que possible le patrimoine de la victime [voir arrêt sur renvoi, point 210 (non publié) et jurisprudence citée].

177    En outre, il y a lieu de relever que, dans le cadre du contentieux de la fonction publique en matière de rémunération, le juge de l’Union a jugé que, dans la mesure où un fonctionnaire rapportait à suffisance de droit la preuve de la détérioration monétaire due au laps de temps qui s’était écoulé entre la survenance du fait dommageable et la date du paiement de l’indemnité en produisant des statistiques pertinentes, l’administration ne pouvait pas opposer le fait que cette détérioration monétaire aurait été palliée par l’application rétroactive de coefficients correcteurs, dans la mesure où ladite application rétroactive ne tenait pas compte du fait que ce n’était que la valeur nominale des arriérés de rémunération dus aux parties requérantes qui leur avait été versée avec plusieurs années de retard [voir arrêt sur renvoi, point 211 (non publié) et jurisprudence citée].

178    En l’espèce, il suffit de relever que les requérants n’apportent aucune preuve probante aux fins de démontrer la détérioration monétaire due au laps de temps qui s’est écoulé entre la survenance du fait dommageable et la date du paiement de l’indemnité. En effet, à cet égard, il y a lieu de constater que les requérants se bornent à évoquer le fait que l’érosion monétaire devrait être prise en considération, sans en démontrer à suffisance de droit la survenance effective.

179    Il en découle que la demande de paiement des intérêts compensatoires n’est pas fondée.

180    S’agissant des intérêts moratoires, les montants du préjudice moral visés aux points 88 et 172 ci-dessus doivent être majorés de tels intérêts, non à compter du jour de la réclamation du 13 avril 2012, comme les requérants le font valoir, mais à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’au complet paiement. Par ailleurs, le taux de ces intérêts moratoires sera celui fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage.

 Conclusion

181    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de condamner la Commission in solidum à verser, à titre de réparation de leur préjudice moral subi du fait du décès de M. Alessandro Missir, la somme de 50 000 euros à la mère du fonctionnaire défunt, Mme Sintobin, et la somme de 10 000 euros à chacun des deux frère et sœurs du fonctionnaire défunt, M. Stefano Missir et Mme Maria Letizia Missir, avec intérêts, et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

182    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 137 du même règlement, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. La Commission ayant, pour l’essentiel, succombé en ses conclusions et les requérants ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il convient de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes de condamnation de la Commission européenne à verser, en réparation de préjudices moraux, un montant de 463 050 euros à chaque ayant droit de M. Alessandro Missir Mamachi di Lusignano, un montant de 574 000 euros aux mêmes ayants droit et un montant de 308 700 euros aux ayants droit de M. Livio Missir Mamachi di Lusignano.

2)      La Commission est condamnée in solidum à payer un montant de 50 000 euros à Mme Anne Jeanne Cécile Magdalena Maria Sintobin, au titre du préjudice moral subi par celle-ci.

3)      La Commission est condamnée in solidum à payer un montant de 10 000 euros à Mme Maria Letizia Missir Mamachi di Lusignano, au titre du préjudice moral subi par celle-ci.

4)      La Commission est condamnée in solidum à payer un montant de 10 000 euros à M. Stefano Missir Mamachi di Lusignano, au titre du préjudice moral subi par celui-ci.

5)      Les indemnités visées aux points 2 à 4 du présent dispositif seront majorées d’intérêts moratoires, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement, au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage.

6)      Le recours est rejeté pour le surplus.

7)      La Commission est condamnée aux dépens.

Collins

Barents

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 novembre 2019.

Signatures





*      Langue de procédure : l’italien.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.