Language of document : ECLI:EU:T:2009:187

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 juin 2009 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban – Gel des fonds – Recours en annulation – Adaptation des conclusions – Droits fondamentaux – Droit au respect de la propriété, droit d’être entendu et droit à un contrôle juridictionnel effectif »

Dans l’affaire T-318/01,

Omar Mohammed Othman, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté initialement par M. J. Walsh, barrister, Mmes F. Lindsley et S. Woodhouse, solicitors, puis par MM. S. Cox, barrister, et H. Miller, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par MM. M. Vitsentzatos et M. Bishop, puis par M. Bishop et Mme E. Finnegan, en qualité d’agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. A. van Solinge et C. Brown, puis par MM. E. Paasivirta et P. Aalto, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

soutenus par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par M. J. Collins, puis par Mme C. Gibbs, puis par Mme E. O’Neill, et enfin par Mme I. Rao, en qualité d’agents, assistés initialement de Mme S. Moore, puis de M. M. Hoskins, barristers,

partie intervenante,

ayant pour objet, initialement, une demande d’annulation, d’une part, du règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil, du 6 mars 2001, interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan, et abrogeant le règlement (CE) n° 337/2000 (JO L 67, p. 1), et, d’autre part, du règlement (CE) n° 2062/2001 de la Commission, du 19 octobre 2001, modifiant, pour la troisième fois, le règlement n° 467/2001 (JO L 277, p. 25), puis, une demande d’annulation du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban et abrogeant le règlement n° 467/2001 (JO L 139, p. 9), pour autant que ces actes concernent le requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, D. Šváby et E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 janvier 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique et antécédents du litige

1        Pour un exposé du cadre juridique applicable au présent litige, il est renvoyé aux points 3 à 10 de l’arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, non encore publié au Recueil, ci‑après l’« arrêt Kadi de la Cour »).

2        Pour un exposé des antécédents du présent litige, couvrant la période allant du 15 octobre 1999 au 8 mars 2001 et visant, notamment, l’adoption du règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil, du 6 mars 2001, interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan, et abrogeant le règlement (CE) n° 337/2000 (JO L 67, p. 1), il est renvoyé aux points 13 à 30 de l’arrêt Kadi de la Cour.

3        Le 19 octobre 2001, le comité des sanctions institué par la résolution 1267 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a publié un addendum à sa liste consolidée, datée du 8 mars 2001, des personnes et des entités devant être soumises au gel des fonds en vertu des résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) du Conseil de sécurité (voir communiqué SC/7180), comprenant notamment le nom du requérant, identifié comme étant une personne associée à Oussama ben Laden.

4        Par le règlement (CE) n° 2062/2001 de la Commission, du 19 octobre 2001, modifiant, pour la troisième fois, le règlement n° 467/2001 (JO L 277, p. 25), le nom du requérant a été ajouté, avec d’autres, à l’annexe I dudit règlement.

5        Le 16 janvier 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1390 (2002), qui fixe les mesures à imposer à l’égard d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al-Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés. Cette résolution prévoit en substance, en ses paragraphes 1 et 2, le maintien des mesures, notamment le gel des fonds, imposées par le paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999) et par le paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000).

6        Considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre cette résolution, le Conseil a adopté, le 27 mai 2002, la position commune 2002/402/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre d’Oussama ben Laden, des membres de l’organisation Al‑Qaida ainsi que des Taliban et autres personnes, groupes, entreprises et entités associés, et abrogeant les positions communes 96/746/PESC, 1999/727/PESC, 2001/154/PESC et 2001/771/PESC (JO L 139, p. 4). L’article 3 de cette position commune prescrit, notamment, la poursuite du gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes, entreprises et entités visés dans la liste établie par le comité des sanctions conformément aux résolutions 1267 (1999) et 1333 (2000) du Conseil de sécurité.

7        Le 27 mai 2002, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, le règlement (CE) n° 881/2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement n° 467/2001 (JO L 139, p. 9).

8        L’article 1er du règlement n° 881/2002 définit les « fonds » et le « gel des fonds » en des termes identiques, en substance, à ceux de l’article 1er du règlement n° 467/2001. En outre, il définit ce qu’il y a lieu d’entendre par « ressources économiques ».

9        L’annexe I du règlement n° 881/2002 contient la liste des personnes, entités et groupes visés par le gel des fonds imposé par l’article 2. Cette liste comprend notamment le nom du requérant.

10      Le 20 décembre 2002, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1452 (2002), destinée à faciliter le respect des obligations en matière de lutte antiterroriste. Le paragraphe 1 de cette résolution prévoit un certain nombre de dérogations et d’exceptions au gel des fonds et des ressources économiques imposé par les résolutions 1267 (1999), 1333 (2000) et 1390 (2002), qui pourront être accordées pour des motifs humanitaires par les États, sous réserve de l’approbation du comité des sanctions.

11      Le 17 janvier 2003, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1455 (2003), qui vise à améliorer la mise en œuvre des mesures imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002). Conformément au paragraphe 2 de la résolution 1455 (2003), ces mesures seront de nouveau améliorées dans douze mois ou plus tôt s’il y a lieu.

12      Considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1452 (2002), le Conseil a adopté, le 27 février 2003, la position commune 2003/140/PESC, concernant des exceptions aux mesures restrictives imposées par la position commune 2002/402 (JO L 53, p. 62). L’article 1er de cette position commune prévoit que, lorsqu’elle mettra en œuvre les mesures visées à l’article 3 de la position commune 2002/402, la Communauté européenne tiendra compte des exceptions autorisées par ladite résolution.

13      Le 27 mars 2003, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 561/2003, modifiant, en ce qui concerne les dérogations au gel des fonds et des ressources économiques, le règlement n° 881/2002 (JO L 82, p. 1). Au considérant 4 de ce règlement, le Conseil indique que, compte tenu de la résolution 1452 (2002), il est nécessaire d’ajuster les mesures imposées par la Communauté.

14      Le 30 janvier 2004, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1526 (2004), qui vise, d’une part, à améliorer la mise en œuvre des mesures imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002) et, d’autre part, à renforcer le mandat du comité des sanctions. Conformément au paragraphe 3 de la résolution 1526 (2004), ces mesures seront encore améliorées dans 18 mois, ou avant si cela est nécessaire.

15      Le 29 juillet 2005, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1617 (2005). Celle-ci prévoit, notamment, le maintien des mesures imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002). Conformément au paragraphe 21 de la résolution 1617 (2005), ces mesures seront réexaminées dans 17 mois ou avant, si besoin est, en vue de les renforcer éventuellement.

16      Le 22 décembre 2006, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1735 (2006). Celle-ci prévoit, notamment, le maintien des mesures imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002). Conformément au paragraphe 33 de la résolution 1735 (2006), ces mesures seront examinées dans 18 mois, ou plus tôt si nécessaire, en vue de les renforcer éventuellement.

17      Par règlement (CE) n° 374/2008 de la Commission, du 24 avril 2008, modifiant pour la quatre-vingt-quatorzième fois le règlement n° 881/2002 (JO L 113, p. 15), la mention du nom du requérant, dans l’annexe I du règlement n° 881/2002, a été modifiée à la suite d’une modification correspondante apportée par le comité des sanctions à sa liste des personnes et des entités devant être soumises au gel des fonds en vertu des résolutions en cause du Conseil de sécurité.

18      Le 30 juin 2008, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1822 (2008). Celle-ci prévoit, notamment, le maintien des mesures imposées au paragraphe 4, sous b), de la résolution 1267 (1999), au paragraphe 8, sous c), de la résolution 1333 (2000) et aux paragraphes 1 et 2 de la résolution 1390 (2002). Conformément au paragraphe 40 de la résolution 1822 (2008), ces mesures seront examinées dans 18 mois, ou plus tôt si nécessaire, en vue de les renforcer éventuellement.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2001, le requérant, M. Omar Mohammed Othman, a introduit, contre le Conseil et la Commission, un recours au titre de l’article 230 CE, dans lequel il concluait à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler les règlements nos 467/2001 et 2062/2001.

20      Dans leurs mémoires en défense, déposés au greffe du Tribunal le 15 mars 2002, le Conseil et la Commission ont conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours et de condamner le requérant aux dépens.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er mai 2002, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien du Conseil et de la Commission.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 mai 2002, le requérant a introduit une demande d’assistance judiciaire.

23      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 31 mai 2002, la procédure écrite a été suspendue, à la demande du requérant et sans opposition des autres parties, jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑306/01, Yusuf et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      La procédure écrite a repris son cours le 21 septembre 2005.

26      Par lettre du greffe du Tribunal du 3 octobre 2005, le requérant a été invité à se prononcer, dans sa réplique, sur les éléments de fait et de droit nouveaux survenus depuis l’introduction du recours et susceptibles d’avoir une incidence sur la solution du présent litige. Il a été plus particulièrement invité :

–        à présenter ses observations sur les conséquences à tirer, pour la poursuite du présent recours, de l’abrogation du règlement n° 467/2001 et de son remplacement par le règlement n° 881/2002 ;

–        à reconsidérer les conclusions, moyens et arguments de son recours à la lumière des deux arrêts du Tribunal du 21 septembre 2005, Yusuf et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (T‑306/01, Rec. p. II‑3533, ci-après l’« arrêt Yusuf du Tribunal »), et Kadi/Conseil et Commission (T‑315/01, Rec. p. II‑3649, ci-après l’« arrêt Kadi du Tribunal »).

27      Par la même lettre du greffe, le requérant a été invité à présenter une demande d’assistance judiciaire actualisée.

28      Dans son mémoire en réplique, déposé au greffe du Tribunal le 14 novembre 2005, le requérant a déclaré qu’il modifiait son recours afin de conclure à l’annulation du règlement n° 881/2002 (ci-après le « règlement attaqué »), pour autant que celui-ci le concerne.

29      Par ordonnance du 2 décembre 2005, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis l’intervention du Royaume‑Uni au soutien des conclusions du Conseil et de la Commission. L’intervenant a déposé son mémoire en intervention dans le délai imparti.

30      Dans son mémoire en duplique, déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2005, le Conseil a maintenu les conclusions présentées dans son mémoire en défense.

31      Dans son mémoire en duplique, déposé au greffe du Tribunal le 13 janvier 2006, la Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre elle ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

32      Dans son mémoire en intervention, déposé au greffe du Tribunal le 1er mars 2006, le Royaume-Uni a soutenu les conclusions du Conseil et de la Commission.

33      Par lettre également déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 2006, le Royaume‑Uni a présenté une demande tendant à ce que les informations contenues dans les annexes du mémoire en intervention ne soient pas portées à la connaissance du public.

34      La procédure écrite a été close le 3 avril 2006.

35      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 avril 2006, le requérant a introduit une demande d’aide judiciaire actualisée.

36      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

37      Alors que l’audience de plaidoirie devant la deuxième chambre du Tribunal avait été fixée à la date du 17 octobre 2006, le requérant a introduit, le 22 septembre 2006, une nouvelle demande de suspension de la procédure jusqu’au prononcé de l’arrêt Kadi de la Cour. Le Tribunal (deuxième chambre) a dès lors rapporté sa décision d’ouvrir la procédure orale et, par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 9 novembre 2006, la procédure a été suspendue, sans opposition des autres parties, jusqu’au prononcé de l’arrêt Kadi de la Cour.

38      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 27 octobre 2006, le requérant a été admis au bénéfice de l’aide judiciaire.

39      La composition des chambres du Tribunal ayant été de nouveau modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été réattribuée.

40      La procédure a repris son cours le 3 septembre 2008.

41      Par lettre du greffe du Tribunal du 16 octobre 2008, les parties ont été invitées :

–        à se prononcer sur les conséquences qu’il y a lieu, selon elles, de tirer de l’arrêt Kadi de la Cour aux fins du présent recours ;

–        à informer le Tribunal de l’évolution de la situation factuelle et juridique du requérant, dans la mesure où elles l’estiment pertinent aux fins de ce recours.

42      Il a été déféré à cette demande par lettres respectivement déposées au greffe du Tribunal le 30 octobre 2008 par le Conseil et par la Commission, et le 31 octobre 2008 par le requérant et par le Royaume‑Uni.

43      Sur nouveau rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

44      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 21 janvier 2009.

45      Lors de l’audience, le requérant a complété ses conclusions en demandant que le Conseil soit condamné aux dépens.

 En fait

46      Le requérant est un ressortissant jordanien résidant depuis 1993 au Royaume-Uni, où il a obtenu l’asile politique provisoire en 1994. Sa demande d’asile définitif était toujours en cours d’examen à la date d’introduction du présent recours. Il a une femme et cinq enfants à charge.

47      En février 2001, le requérant a été arrêté et détenu pour interrogatoire dans le cadre d’une enquête menée en vertu du Prevention of Terrorism (Temporary Provisions) Act 1989 [loi relative à la prévention du terrorisme (dispositions provisoires) de 1989]. Lors d’une perquisition, la police a trouvé et saisi à son domicile une importante quantité de numéraire en diverses devises (livres sterling, marks allemands, pesetas espagnoles et dollars des États-Unis), dont la contre‑valeur serait d’environ 180 000 livres sterling (GBP). Le requérant n’a donné aucune explication quant à l’origine de ces fonds. Les deux comptes en banque du requérant, dont le solde créditeur s’élevait à environ 1 900 GBP, ont, par ailleurs, été gelés dans le cadre de la mise en œuvre des mesures décidées par le comité des sanctions.

48      Il ressort encore du dossier que le requérant est entré dans la clandestinité, en décembre 2001, de crainte de se voir arrêté et mis en détention pour une durée indéfinie au titre de l’Anti-Terrorism, Crime and Security Act 2001 (loi sur la sécurité et la répression de la criminalité et du terrorisme de 2001), qui était sur le point d’être adopté par le Parlement du Royaume-Uni. Il a été arrêté par la police et placé en détention à la prison de Belmarsh (Royaume-Uni) du 23 octobre 2002 au 13 mars 2005, date à laquelle il a été remis en liberté, sous stricte surveillance, à la suite d’un arrêt de la House of Lords (Chambre des Lords) ayant jugé illégal le régime de « détention sans jugement » du Royaume-Uni, auquel il était astreint. Le requérant a été de nouveau arrêté le 11 août 2005 et détenu à la prison de Long Lartin (Royaume-Uni), en vertu des nouvelles mesures antiterroristes adoptées par le gouvernement du Royaume-Uni. La décision de ce gouvernement d’extrader le requérant vers la Jordanie et de le maintenir entretemps en détention, notifiée à l’intéressé le 11 août 2005, a fait l’objet d’un recours qui a été rejeté par les juridictions compétentes du Royaume-Uni. Ledit gouvernement a toutefois accepté de ne pas mettre cette décision à exécution dans l’attente de l’issue du recours introduit par le requérant devant la Cour européenne des droits de l’homme. Entretemps, le requérant a été remis en liberté sous condition le 17 juin 2008. Cette liberté conditionnelle a été révoquée, le 2 décembre 2008, par la Special Immigration Appeals Commission (Commission spéciale des appels en matière d’immigration). Depuis lors, le requérant est de nouveau détenu.

 En droit

 Sur les conséquences procédurales de l’adoption du règlement attaqué

 Arguments des parties

49      Dans sa réplique, le requérant soutient qu’il est en droit d’adapter ses conclusions de façon à ce que celles-ci visent à l’annulation du règlement attaqué, pour autant que celui-ci le concerne. Il invoque, en ce sens, le point 55 de l’arrêt Kadi du Tribunal.

50      Dans leur duplique, le Conseil et la Commission conviennent que, conformément à ce qui a été jugé dans les arrêts Yusuf et Kadi du Tribunal, le requérant doit être autorisé à rediriger son recours contre le règlement attaqué, pour autant que celui‑ci le concerne.

51      La Commission ajoute que, en raison de cette nouvelle situation législative, le recours n’est plus recevable en tant qu’il est dirigé contre elle. Toutefois, elle demande que, pour des raisons d’économie de la procédure et de bonne administration de la justice, il soit tenu compte de ses conclusions, moyens de défense et arguments, sans qu’il soit besoin de l’admettre de nouveau formellement à la procédure, en tant que partie intervenante. La Commission invoque, en ce sens, les arrêts Yusuf et Kadi du Tribunal (respectivement point 76 et point 57).

 Appréciation du Tribunal

52      Les parties principales au litige s’accordent à reconnaître que le requérant est en droit d’adapter ses conclusions et moyens de façon à viser à l’annulation du règlement attaqué, qui abroge et remplace le règlement n° 467/2001, tel que modifié par le règlement n° 2062/2001. Dans son mémoire en réplique, le requérant a effectivement déclaré adapter en ce sens ses conclusions et moyens initiaux.

53      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge communautaire contre une décision, adapter la décision attaquée ou lui en substituer une autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à la décision ultérieure ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celle-ci (arrêts de la Cour du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, Rec. p. 749, point 8 ; du 29 septembre 1987, Fabrique de fer de Charleroi et Dillinger Hüttenwerke/Commission, 351/85 et 360/85, Rec. p. 3639, point 11, et du 14 juillet 1988, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, 103/85, Rec. p. 4131, points 11 et 12 ; arrêt du Tribunal du 3 février 2000, CCRE/Commission, T‑46/98 et T‑151/98, Rec. p. II‑167, point 33).

54      Cette jurisprudence est transposable à l’hypothèse dans laquelle un règlement qui concerne directement et individuellement un particulier est remplacé, en cours de procédure, par un règlement ayant le même objet.

55      Cette hypothèse correspondant en tous points à celle de l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande du requérant, de considérer que son recours tend à l’annulation du règlement attaqué, pour autant qu’il le concerne, et de permettre aux parties de reformuler leurs conclusions, moyens et arguments à la lumière de cet élément nouveau.

56      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la demande initiale du requérant tendant à l’annulation partielle du règlement n° 467/2001 est devenue sans objet, du fait de l’abrogation de ce règlement par le règlement attaqué. Il n’y a dès lors plus lieu de statuer sur cette demande ni sur la demande d’annulation partielle du règlement n° 2062/2001, celle-ci étant également devenue sans objet.

57      Il découle de ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en tant qu’il est dirigé contre la Commission. Dans les circonstances de l’espèce, toutefois, le principe de bonne administration de la justice et l’exigence d’économie de procédure sur lesquels s’appuie la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus justifient également qu’il soit tenu compte des conclusions, moyens de défense et arguments de la Commission, reformulés comme il est indiqué au point 55 ci-dessus, sans qu’il soit besoin d’admettre à nouveau formellement cette institution à la procédure au titre de l’article 115, paragraphe 1, et de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, en tant que partie intervenante au soutien des conclusions du Conseil.

58      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le présent recours est désormais dirigé contre le seul Conseil, soutenu par la Commission et par le Royaume-Uni, et qu’il a pour unique objet une demande d’annulation du règlement attaqué, pour autant que celui-ci concerne le requérant.

 Sur le fond

 Arguments des parties

59      Dans sa requête, le requérant a invoqué en substance, au soutien de ses conclusions en annulation des règlements nos 467/2001 et 2062/2001, trois moyens tirés, le premier, de la violation des articles 60 CE et 301 CE ainsi que d’un excès de pouvoir, le deuxième, de la violation de ses droits fondamentaux tels qu’ils sont garantis, notamment, par les articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) ainsi que des principes généraux de proportionnalité et de subsidiarité et, le troisième, de la violation de l’obligation de motivation.

60      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 31 octobre 2008, le requérant a toutefois déclaré que, au vu de l’arrêt Kadi de la Cour, il renonçait aux premier et troisième moyens.

61      Le Conseil et la Commission, dans leurs mémoires en défense respectifs, et le Royaume‑Uni, dans son mémoire en intervention, ont contesté le second moyen d’annulation du requérant en développant des arguments identiques, en substance, à ceux avancés par eux en réponse à des moyens d’annulation similaires invoqués par les requérants dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du Tribunal Yusuf, Kadi, du 12 juillet 2006, Ayadi/Conseil (T‑253/02, Rec. p. II‑2139), et Hassan/Conseil et Commission (T‑49/04, non publié au Recueil).

62      Dans sa réplique, le requérant a développé de nouveaux arguments, dans le cadre du moyen tiré de la violation de ses droits fondamentaux.

63      Il a ainsi admis que l’article 2 bis du règlement attaqué, tel qu’inséré par le règlement n° 561/2003, autorisait désormais la mise à disposition des intéressés des fonds et des ressources économiques nécessaires à leur subsistance et à d’autres dépenses de première nécessité. Il a soutenu, toutefois, que cette disposition était conçue en des termes extrêmement restrictifs et qu’elle portait une atteinte extrêmement grave à la dignité des intéressés.

64      Premièrement, la disposition en question ôterait au requérant la possibilité d’avoir les moyens de jouir des aspects normaux d’une existence civilisée.

65      Deuxièmement, cette même disposition interdirait au requérant d’accepter toute occupation, toute profession ou tout emploi rémunéré.

66      Troisièmement, à la différence de la résolution 1333 (2000), que mettait en œuvre le règlement n° 467/2001, la résolution 1390 (2002), que met en œuvre le règlement attaqué, ne serait pas limitée dans le temps. Ce règlement autoriserait ainsi une exclusion permanente du requérant de presque tous les aspects de la vie sociale.

67      Quatrièmement, enfin, le requérant serait dépourvu de tout recours juridictionnel contre les mesures restrictives qui le frappent. La décision de l’inclure dans la liste annexée au règlement attaqué serait une décision entièrement politique du Conseil de sécurité, prise sans aucun égard aux règles d’administration de la preuve ou d’équité, selon des modalités totalement extrajudiciaires. Il n’existerait aucune voie de droit, fût-elle de nature quasi juridictionnelle, pouvant être exercée à l’égard de la décision du Conseil de sécurité.

68      Le Conseil et la Commission, dans leurs dupliques respectives, et le Royaume-Uni, dans son mémoire en intervention, ont contesté ces nouveaux arguments en se référant, notamment, aux arrêts Yusuf et Kadi du Tribunal.

69      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 31 octobre 2008, le requérant a soutenu qu’il se trouvait dans la même situation que les requérants dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Kadi de la Cour. Aucun d’eux n’aurait jamais reçu du Conseil la moindre indication quant aux éléments de preuve retenus à leur charge pour justifier l’adoption des mesures restrictives imposées par le règlement attaqué.

70      Selon le requérant, le Tribunal doit reconnaître, à la lumière de l’arrêt Kadi de la Cour (points 336, 348, 349 et 370), que le règlement attaqué viole ses droits de la défense, son droit à un recours juridictionnel effectif et son droit de propriété, et que cet acte doit dès lors être annulé, pour autant qu’il le concerne.

71      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 30 octobre 2008, le Conseil a reconnu qu’il était nécessaire, à la suite de l’arrêt Kadi de la Cour, de fournir un exposé des motifs au requérant, de lui donner la possibilité de faire valoir ses observations à cet égard et de prendre celles-ci en considération avant d’adopter une nouvelle décision de gel des fonds le concernant.

72      Les démarches nécessaires auraient été entreprises en vue d’obtenir les éléments requis pour rédiger cet exposé des motifs, sans que le Conseil ait alors été en mesure d’indiquer à quel moment celui-ci pourrait être communiqué au requérant. Le Conseil s’est engagé à agir aussi rapidement que possible en vue de respecter les droits de la défense du requérant et à tenir le Tribunal informé des développements futurs.

73      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 30 octobre 2008, la Commission a reconnu elle aussi que la situation du requérant était identique à celle des requérants dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Kadi de la Cour, en ce que ses fonds ont été gelés, d’abord au titre du règlement n° 467/2001, puis au titre du règlement n° 881/2002, sans que les motifs de cette mesure lui aient été communiqués. Il serait dès lors nécessaire de réexaminer sa situation au regard de ce dernier règlement, après lui avoir communiqué un exposé des motifs et l’avoir mis en mesure de faire valoir ses observations. Selon la Commission, les démarches en ce sens étaient alors en cours auprès du comité des sanctions, mais pouvaient prendre plusieurs semaines.

74      La Commission a toutefois appelé l’attention du Tribunal sur le fait que, à la différence de ce qui était allégué dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Kadi de la Cour, le requérant ne remettait pas en cause, par son deuxième moyen, son inclusion même dans la liste litigieuse, mais seulement les conséquences de celle‑ci sur ses moyens d’existence, notamment l’interruption du versement de ses allocations de sécurité sociale.

75      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 31 octobre 2008, le Royaume-Uni s’est rallié aux observations déposées par le Conseil en réponse à l’invitation du Tribunal.

76      Lors de l’audience, le Conseil et la Commission ont reconnu, à la lumière de l’arrêt Kadi de la Cour, que le règlement attaqué avait été adopté dans le cadre d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense du requérant n’avaient pas été respectés.

77      Ces institutions ont par ailleurs exposé que les démarches entreprises, notamment, auprès du comité des sanctions, en vue de mettre les procédures communautaires de gel des fonds en conformité avec les principes énoncés par la Cour dans son arrêt Kadi (voir points 71 et 72 ci-dessus), n’avaient pas encore pu aboutir dans le cas du requérant.

78      Le Conseil et les intervenants ont dès lors prié le Tribunal, en cas d’annulation par celui-ci du règlement attaqué, pour autant qu’il concerne le requérant, d’en maintenir les effets pendant une brève période, à l’instar de ce qu’a fait la Cour, en vertu de l’article 231 CE, dans son arrêt Kadi.

79      À cet égard, le Royaume-Uni a plus particulièrement fait valoir, en se référant au point 373 dudit arrêt, qu’une telle annulation avec effet immédiat serait susceptible de porter une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose ce règlement et que la Communauté se doit de mettre en œuvre, dès lors que, dans l’intervalle précédant son éventuel remplacement par un nouveau règlement, le requérant pourrait prendre des mesures visant à éviter que des mesures de gel de fonds puissent encore lui être appliquées.

80      Par ailleurs, dans la mesure où l’arrêt d’annulation à intervenir se fonderait sur les mêmes considérations, d’ordre essentiellement procédural, que celles sur lesquelles est fondé l’arrêt Kadi de la Cour, le Royaume-Uni a rappelé que, au point 374 dudit arrêt, la Cour a pris soin de relever qu’il ne saurait être exclu que, sur le fond, l’imposition de telles mesures aux intéressés puisse tout de même s’avérer justifiée. Tel serait tout particulièrement le cas en l’espèce, comme le confirmeraient plusieurs décisions prises à l’égard du requérant par les juridictions du Royaume-Uni compétentes en matière de terrorisme.

81      Le requérant s’est opposé à cette demande du Conseil et des intervenants.

 Appréciation du Tribunal

82      Il est constant que, tant pour ce qui est de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué que pour ce qui concerne la portée, les effets et la justification éventuelle de la restriction à l’usage de son droit de propriété découlant des mesures restrictives prévues par ce règlement, le requérant se trouve dans une situation de fait et de droit en tous points comparable à celle des requérants dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Kadi de la Cour.

83      S’agissant, en premier lieu, de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, il doit être relevé que, à aucun moment, le Conseil n’a informé le requérant des éléments retenus contre lui qui auraient justifié l’inclusion initiale de son nom dans l’annexe I dudit règlement et, partant, l’imposition des mesures restrictives prévues par celui-ci.

84      Il n’est en effet pas contesté qu’aucune information n’a été fournie à cet égard au requérant, que ce soit dans le règlement n° 467/2001 tel que celui-ci a été modifié par le règlement n° 2062/2001, ayant mentionné pour la première fois son nom dans une liste de personnes, entités ou organismes visés par une mesure de gel de fonds, dans le règlement attaqué ou à un quelconque stade ultérieur.

85      Dès lors que le Conseil n’a pas communiqué au requérant les éléments retenus à sa charge pour fonder les mesures restrictives qui lui ont été imposées ni accordé à celui-ci le droit de prendre connaissance desdits éléments dans un délai raisonnable après l’édiction de ces mesures, le requérant n’était pas en mesure de faire connaître utilement son point de vue à cet égard. Partant, les droits de défense du requérant, en particulier celui d’être entendu, n’ont pas été respectés (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 348).

86      En outre, à défaut d’avoir été informé des éléments retenus à sa charge et compte tenu des rapports, relevés par la Cour aux points 336 et 337 de son arrêt Kadi, qui existent entre les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif, le requérant n’a pas non plus pu défendre ses droits au regard desdits éléments dans des conditions satisfaisantes devant le juge communautaire, de sorte qu’une violation dudit droit à un recours juridictionnel effectif doit également être constatée (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 349).

87      Enfin, il y a lieu de constater qu’il n’a pas été remédié à cette violation dans le cadre du présent recours, le Conseil n’ayant avancé aucun élément à cet effet (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 350).

88      Le Tribunal ne peut donc que constater qu’il n’est pas en mesure de procéder au contrôle de la légalité du règlement attaqué pour autant qu’il concerne le requérant, de sorte qu’il doit être conclu que, pour ce motif également, le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif dont celui-ci bénéficie n’a, en l’espèce, pas été respecté (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 351).

89      Partant, il doit être jugé que le règlement attaqué, pour autant qu’il concerne le requérant, a été adopté sans fournir aucune garantie quant à la communication des éléments retenus à charge de celui-ci ou quant à son audition à cet égard, de sorte qu’il doit être conclu que ce règlement a été arrêté selon une procédure au cours de laquelle les droits de la défense n’ont pas été respectés, ce qui a également eu pour conséquence que le principe de protection juridictionnelle effective a été enfreint (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 352).

90      Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs invoqués par le requérant dans sa réplique (voir point 67 ci-dessus) et dans ses observations déposées au greffe le 31 octobre 2008 (voir point 69 ci‑dessus), à l’appui de ses conclusions en annulation du règlement attaqué, et tirés d’une violation de ses droits de défense, en particulier des règles relatives à l’administration de la preuve, ainsi que du droit à un contrôle juridictionnel effectif, sont fondés (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 353).

91      S’agissant, en second lieu, de la portée, des effets et de la justification éventuelle de la restriction à l’usage du droit de propriété découlant des mesures restrictives prévues par le règlement attaqué, il convient d’ajouter que ce règlement, pour autant qu’il concerne le requérant, a été adopté sans fournir à ce dernier aucune garantie lui permettant d’exposer sa cause aux autorités compétentes, et ce dans une situation dans laquelle la restriction de ses droits de propriété doit être qualifiée de considérable, eu égard à la portée générale et à la durée effective des mesures restrictives dont il fait l’objet (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 369).

92      Dès lors, il doit être conclu que, dans les circonstances de l’espèce, l’imposition des mesures restrictives que comporte le règlement attaqué à l’égard du requérant en raison de l’inclusion de ce dernier dans la liste contenue à l’annexe I dudit règlement constitue une restriction injustifiée de son droit de propriété (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 370).

93      Partant, pour autant que certains griefs invoqués par le requérant dans sa réplique (voir points 63 à 66 ci-dessus), à l’appui de ses conclusions en annulation du règlement attaqué, puissent être compris comme étant tirés d’une violation du droit fondamental au respect de la propriété, ils sont également fondés (voir, en ce sens, arrêt Kadi de la Cour, point 371).

94      Il résulte de tout ce qui précède que le règlement attaqué, pour autant qu’il concerne le requérant, doit être annulé.

95      Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande présentée à l’audience par le Conseil et les intervenants et visant à ce que les effets du règlement attaqué soient maintenus pendant une brève période, en vertu de l’article 231 CE.

96      En effet, le temps déjà écoulé depuis le prononcé de l’arrêt Kadi de la Cour, le 3 septembre 2008, excède très largement la période maximale de trois mois à compter de la date du prononcé de cet arrêt, considérée comme raisonnable par la Cour pour permettre au Conseil de remédier aux violations constatées dans le cas d’espèce, tout en tenant compte de l’importante incidence des mesures restrictives en cause sur les droits et libertés des intéressés (arrêt Kadi de la Cour, points 375 et 376).

97      S’il est vrai que cette période a été déterminée par référence au seul cas des deux personnes en cause dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Kadi de la Cour, à savoir M. Kadi et Al Barakaat International Foundation, il n’en demeure pas moins que le Conseil ne pouvait ignorer que le cas du requérant, qui est en tous points comparable (voir point 82 ci-dessus), appelait nécessairement la même réaction de sa part. Au demeurant, les institutions parties à la présente procédure ont affirmé avoir entrepris des démarches, notamment auprès du comité des sanctions, aussitôt après le prononcé dudit arrêt, en vue de mettre l’ensemble des procédures communautaires de gel des fonds en conformité avec les principes énoncés dans ledit arrêt (voir points 72 et 73 ci-dessus).

98      De plus, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice, dont aucune des parties, interrogées sur ce point à l’audience, n’a contesté qu’il soit applicable en l’espèce, par dérogation à l’article 244 CE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Outre le temps écoulé depuis le prononcé de l’arrêt Kadi de la Cour, le Conseil dispose donc en tout état de cause d’un délai minimal de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier aux violations constatées en adoptant, le cas échéant, une nouvelle mesure restrictive à l’égard du requérant. Cette circonstance distingue d’ailleurs le cas d’espèce de celui ayant donné lieu à l’arrêt Kadi de la Cour, lequel avait de plein droit force exécutoire, conformément à l’article 244 CE.

99      Dans ces circonstances, le risque d’une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose le règlement attaqué et que la Communauté se doit de mettre en œuvre, invoqué par la Cour dans son arrêt Kadi (point 373), n’apparaît pas suffisamment élevé en l’espèce, compte tenu de l’importante incidence de ces mesures sur les droits et libertés du requérant, pour justifier le maintien des effets dudit règlement pendant une période allant au-delà de celle prévue à l’article 60 du statut de la Cour.

 Sur les dépens

100    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, dudit règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, en cas de non‑lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

101    En l’espèce, le Conseil a succombé dans la mesure où il y a lieu d’annuler le règlement n° 881/2002, pour autant qu’il concerne le requérant, conformément aux conclusions de celui-ci, tandis qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande initiale en annulation du règlement n° 467/2001, tel que modifié par le règlement n° 2062/2001, notamment en tant qu’elle était dirigée contre la Commission.

102    Le requérant n’a pas conclu, dans ses écritures devant le Tribunal, à ce que le Conseil soit condamné aux dépens. Il a néanmoins indiqué, lors de l’audience, qu’il demandait la condamnation du Conseil aux dépens.

103    À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que le fait que la partie qui a obtenu gain de cause n’ait conclu en ce sens qu’à l’audience ne s’oppose pas à ce que sa demande soit accueillie [voir arrêt du Tribunal du 16 décembre 2008, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUD), T‑225/06, T‑255/06, T‑257/06 et T‑309/06, non encore publié au Recueil, point 206, et la jurisprudence citée].

104    Dans ces circonstances, et eu égard à la modification de l’objet du litige ainsi que du statut procédural de la Commission (voir points 56 à 58 ci‑dessus), il sera fait une juste application des dispositions précitées en décidant que le Conseil supportera, outre ses propres dépens, les dépens du requérant, tandis que le Royaume-Uni et la Commission supporteront leurs dépens.

105    Conformément à l’article 97, paragraphe 3, du règlement de procédure, le requérant ayant été admis au bénéfice de l’aide judiciaire et le Tribunal ayant condamné le Conseil à supporter les dépens exposés par celui-ci, le Conseil sera tenu de rembourser à la caisse du Tribunal les sommes avancées au titre de l’aide judiciaire.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’annulation du règlement (CE) n° 467/2001 du Conseil, du 6 mars 2001, interdisant l’exportation de certaines marchandises et de certains services vers l’Afghanistan, renforçant l’interdiction des vols et étendant le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan, et abrogeant le règlement (CE) n° 337/2000, et du règlement (CE) n° 2062/2001 de la Commission, du 19 octobre 2001, modifiant, pour la troisième fois, le règlement n° 467/2001.

2)      Le règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al‑Qaida et aux Taliban et abrogeant le règlement n° 467/2001, est annulé pour autant qu’il concerne M. Omar Mohammed Othman.

3)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par M. Othman, ainsi que les sommes avancées par la caisse du Tribunal au titre de l’aide judiciaire.

4)      La Commission des Communautés européennes et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporteront leurs propres dépens.


Forwood

Šváby

Moavero Milanesi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juin 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.