Language of document : ECLI:EU:T:2003:135

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

7 mai 2003(1)

«Fonctionnaires - Rapport de notation - Recours en annulation - Recours en indemnité»

Dans l'affaire T-278/01,

Eric den Hamer, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Malines (Belgique), représenté par Me N. Lhoëst, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d'agent, assistée de Me A. Dal Ferro, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant, premièrement, à l'annulation de la décision portant adoption du rapport de notation du requérant pour l'exercice 1995/1997 et, deuxièmement, à la condamnation de la Commission à réparer le préjudice causé, notamment, par l'établissement tardif de ce rapport,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge: M. J. Pirrung,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 9 décembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    L'article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose que «la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire [.] font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110».

2.
    L'article 2, paragraphe 1, troisième alinéa, des dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut adoptées par la Commission le 15 mai 1997 (ci-après les «DGE») prévoit que «le notateur doit consulter préalablement les supérieurs hiérarchiques immédiats du fonctionnaire/agent temporaire à noter».

3.
    Aux termes de l'article 5 des DGE:

«[...] le notateur poursuit la procédure de notation par un dialogue avec le fonctionnaire/agent temporaire noté. Le notateur et le noté vérifient les tâches attribuées au noté et effectuées par celui-ci pendant la période de référence afin d'évaluer sa compétence, son rendement ainsi que sa conduite dans le service, sur base des éléments d'appréciation correspondant à sa situation professionnelle [...]

Le notateur établit ensuite le rapport de notation et le communique, dans les dix jours ouvrables (à partir du 1er juillet), au fonctionnaire/agent temporaire noté. Celui-ci est appelé à le compléter, pour les rubriques qui lui incombent, et à le viser dans un délai de dix jours ouvrables.

Le fonctionnaire/agent temporaire noté a le droit, dans ce délai, de demander un second dialogue avec son notateur. Dans ce cas, le notateur est tenu de lui accorder un nouveau dialogue et peut, le cas échéant, modifier le rapport de notation et, enfin, il doit communiquer sa décision dans les dix jours ouvrables suivant la demande du fonctionnaire/agent temporaire noté. Un nouveau délai de dix jours ouvrables court alors pendant lequel le fonctionnaire/agent temporaire noté est invité à viser son rapport de notation ou à demander au notateur l'intervention du notateur d'appel. Cette demande doit être transmise sans délai au notateur d'appel.»

4.
    L'article 6, troisième alinéa, des DGE dispose:

«Le notateur d'appel doit entendre le notateur et le fonctionnaire/agent temporaire noté et procéder à toutes consultations utiles. Le notateur d'appel a la faculté de confirmer la première notation attribuée ou de la modifier. Après la prise de position du notateur d'appel, qui doit intervenir dans un délai de dix jours ouvrables après la réception de la demande du fonctionnaire/agent temporaire noté, dans les conditions prévues à l'article 5, dernier alinéa, le rapport de notation est communiqué à ce dernier qui dispose d'un délai de dix jours ouvrables pour le viser ou pour demander l'intervention du Comité paritaire des notations (CPN).»

5.
    Aux termes de l'article 7 des DGE:

«[.] le [CPN] veille au respect de l'esprit d'équité et d'objectivité qui doit présider à l'établissement de la notation, ainsi qu'à l'application correcte des procédures (notamment dialogue, consultations, procédure d'appel, délais).

[...]

L'avis du CPN est transmis sans retard au fonctionnaire/agent temporaire noté et au notateur d'appel. Celui-ci arrête le rapport de notation et le notifie au fonctionnaire/agent temporaire noté dans un délai de dix jours ouvrables; il en transmet copie au CPN. La notation est alors considérée comme définitive.

Toute la procédure doit être terminée au plus tard pour le 31 décembre.»

6.
    Le point 3, sous g), du guide de la notation établi par la Commission précise que, «[a]yant pris connaissance de l'avis du CPN, le notateur d'appel prend les mesures les plus appropriées afin de remédier aux vices/irrégularités éventuels qui auraient été relevés par le CPN et arrête définitivement la notation».

7.
    L'annexe II du guide de la notation établit un calendrier de la procédure de notation selon lequel les opérations préliminaires et le premier dialogue entre notateur et noté devaient avoir lieu, en ce qui concerne la période pertinente en l'espèce, à partir du 1er avril 1997, et la procédure de notation, y compris l'éventuelle saisine du notateur d'appel et du CPN, devait être close le 31 décembre 1997.

Faits à l'origine du litige et procédure

8.
    Le requérant est entré au service de la Commission en septembre 1987 en tant que fonctionnaire de grade A 6. Le 1er septembre 1990, il a été affecté à la direction générale «Environnement, sécurité nucléaire et protection civile» (DG XI) en qualité d'administrateur.

9.
    S'agissant de la procédure visant à l'établissement de son rapport de notation pour l'exercice 1995/1997, le requérant a eu le premier dialogue avec son notateur, M. le directeur Henningsen, le 12 août 1997. N'ayant pas reçu de rapport le 1er septembre 1997, le requérant a contacté son notateur le 24 septembre 1997 ainsi que plusieurs fois durant les mois d'octobre et de novembre 1997. Le 26 novembre 1997, le requérant a eu un nouveau dialogue avec son notateur.

10.
    Le 28 novembre 1997, le requérant est tombé malade, ce qui a occasionné un congé de maladie de plusieurs mois, suivi d'une mise en invalidité temporaire. Le requérant a cependant téléphoné à l'administration plusieurs fois, en décembre 1997, et sollicité la transmission de son rapport de notation. Le même mois, M. Henningsen a été mis en congé de convenance personnelle.

11.
    Le 6 février 1998, le requérant, qui était toujours absent pour cause de maladie, a reçu son rapport de notation, signé le 27 novembre 1997 par M. Henningsen. Selon le requérant, ce rapport était incomplet et contenait des erreurs et imprécisions.

12.
    Le 16 février 1998, le requérant a sollicité un dialogue avec le notateur d'appel afin de finaliser son rapport de notation pour que celui-ci soit disponible dans le cadre de l'exercice de promotion 1998. Toutefois, en raison du retard dans la procédure de notation, le rapport de notation du requérant n'était pas disponible pour cet exercice de promotion.

13.
    Le 30 avril 1999, le requérant a eu un dialogue avec le notateur d'appel, M. Currie, nouveau directeur général de la DG XI, sur la base du rapport établi par M. Henningsen. Au cours de cet entretien, les tâches du requérant ont été définies d'un commun accord.

14.
    Le 1er mai 1999, le requérant, après avoir été reconnu comme remplissant les conditions prévues à l'article 78 du statut, a été mis d'office à la retraite, conformément à l'article 53 du statut.

15.
    Par lettre du 7 juillet 1999, parvenue au requérant le 12 juillet, M. Currie s'est prononcé, en qualité de notateur d'appel, sur la notation du requérant. À cette lettre était joint un nouveau rapport de notation signé le 2 juillet 1999 par M. Grant Lawrence, directeur faisant fonction; ce rapport a repris et complété les données du premier rapport, le requérant - mis à la retraite - n'ayant pas été préalablement entendu par M. Grant Lawrence. Cette dernière version du rapport de notation du 2 juillet 1999 a été confirmée par M. Currie.

16.
    Le 23 juillet 1999, le requérant a demandé la saisine du CPN, lequel a rendu son avis le 22 septembre 2000. Il a constaté l'existence de deux versions du rapport de notation et a relevé:

«Le dossier de notation [du requérant] présente une grande confusion quant à la forme et quant au contenu; d'une part, des irrégularités dans la procédure [...] auxquelles il serait souhaitable de remédier et, d'autre part, un manque de clarté dans le contenu; en effet, les appréciations analytiques et générales ne sont pas toujours en harmonie entre elles, et leur niveau global relativement faible nécessiterait des justifications plus précises. Le Comité invite donc le notateur d'appel à réexaminer ce dossier dont le désordre sur la forme et sur le suivi des procédures incite à s'interroger sérieusement sur la justesse du fond.»

17.
    Le 21 octobre 2000, le requérant a écrit à l'administration pour indiquer qu'il n'avait toujours pas reçu son rapport définitif. Le 27 octobre 2000, l'administration a adressé un rappel à M. Currie pour qu'il finalise au plus vite le rapport de notation du requérant.

18.
    Par note du 6 décembre 2000, M. Currie a informé le requérant qu'il avait décidé, après avoir pris connaissance de l'avis du CPN, de confirmer son rapport de notation sans amendement. Le requérant déclare avoir reçu cette note vers la moitié du mois de décembre («medio december»).

19.
    Le 16 janvier 2001, le requérant a demandé à M. Currie de bien vouloir joindre à son dossier personnel les deux rapports de notation qui avaient été rédigés à son égard.

20.
    Le 16 mars 2001, il a introduit une réclamation contre la décision de M. Currie du 6 décembre 2000.

21.
    N'ayant pas reçu de réponse à sa demande du 16 janvier 2001, le requérant a introduit, le 16 mai 2001, une réclamation contre la décision implicite de rejet.

22.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 octobre 2001, le requérant a introduit le présent recours.

23.
    Le requérant affirme qu'il a reçu, le 6 novembre 2001, la décision explicite du 18 octobre 2001, par laquelle la Commission a rejeté les deux réclamations, tout en reconnaissant partiellement sa responsabilité pour le retard dans l'établissement du rapport de notation litigieux et en accordant au requérant une somme de 250 euros à titre de réparation.

24.
    Devant le Tribunal, le requérant a initialement demandé l'annulation de la décision implicite de la Commission de ne pas joindre à son dossier personnel ses deux rapports de notation pour l'exercice 1995/1997. À cet égard, la Commission a constaté, dans son mémoire en défense, que ces deux rapports avaient déjà été inclus, le 22 décembre 2000, dans le dossier personnel du requérant. Le requérant a ensuite, dans sa réplique, retiré cette demande d'annulation.

25.
    Dans son mémoire en défense, la Commission a soulevé l'irrecevabilité du recours dans la mesure où la réclamation du 16 mars 2001, dirigée contre la décision adoptée par M. Currie le 6 décembre 2000, était tardive, puisque le requérant avait reçu la décision attaquée «vers la moitié du mois de décembre 2000», c'est-à-dire au plus tard le 15 décembre 2000. Dans sa réplique, le requérant a répondu que «medio december» signifiait une période située au milieu du mois, pouvant aller du 10 au 20, et qu'il avait pris connaissance de la décision attaquée le 19 décembre 2000, à son retour de l'étranger. La Commission a ensuite, dans sa duplique, déclaré que le recours devait être déclaré recevable dans la mesure où il est basé sur ladite réclamation. Elle a, alors, renoncé au moyen d'irrecevabilité y relatif.

26.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application des dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, d'attribuer l'affaire à M. le juge rapporteur J. Pirrung, statuant en tant que juge unique. En outre, il a été décidé d'ouvrir la procédure orale et de poser certaines questions aux parties. Ces dernières ont déposé leurs réponses dans le délai imparti.

27.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 9 décembre 2002. Après le dépôt par la Commission de l'annexe II du guide de la notation, la procédure orale a été close le 16 décembre 2002.

Conclusions des parties

28.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission du 6 décembre 2000, portant adoption définitive de son rapport de notation pour l'exercice 1995/1997;

-    pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission du 16 juillet 2001, portant rejet implicite de la réclamation introduite le 16 mars 2001;

-    condamner la Commission au paiement d'une indemnité de 25 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi;

-    condamner la Commission aux entiers dépens de l'instance.

29.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme sans objet ou non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la demande en annulation

30.
    À l'appui de sa demande en annulation, le requérant invoque trois moyens. Par le premier, il reproche à la Commission d'avoir violé l'article 43 du statut et les DGE. Le deuxième moyen est pris de plusieurs erreurs contenues dans le rapport de notation litigieux. Le troisième est tiré d'un défaut de motivation et d'une violation des droits de la défense.

31.
    Il apparaît opportun d'examiner conjointement les premier et deuxième moyens qui peuvent être divisés en deux griefs pris, respectivement, du retard dans l'établissement du rapport de notation ainsi que d'erreurs contenues dans ledit rapport et de vices de la procédure de notation.

Sur les moyens tirés, respectivement, d'une violation de l'article 43 du statut et des DGE ainsi que d'erreurs contenues dans le rapport de notation et de vices de la procédure de notation

Sur le premier grief, pris de l'établissement tardif du rapport de notation

32.
    S'agissant du reproche fait par le requérant à la Commission d'avoir établi son rapport de notation avec près de trois ans de retard, il est constant que l'article 43 du statut et les articles 5 à 7 des DGE n'ont pas été respectés en l'espèce. Cependant, il est de jurisprudence constante qu'un rapport de notation ne peut pas être annulé, sauf circonstances exceptionnelles, pour la seule raison qu'il a été établi tardivement. Si le retard dans l'établissement d'un rapport de notation est susceptible d'ouvrir un droit à réparation au profit du fonctionnaire concerné, ce retard ne saurait donc affecter la validité du rapport de notation ni, par conséquent, en justifier l'annulation (voir arrêt du Tribunal du 6 novembre 1997, Liao/Conseil, T-15/96, RecFP p. I-A-329 et II-897, points 34 et 35, et la jurisprudence citée).

33.
    Or, le requérant ne s'est pas prévalu d'une circonstance exceptionnelle au sens de la jurisprudence susmentionnée. En particulier, il n'a pas fait valoir, et encore moins établi, que le retard dénoncé était tel que ses notateurs ne pouvaient plus se souvenir des prestations qu'il avait fournies lors de la période de notation.

34.
    Dès lors, le premier grief doit être rejeté.

Sur le second grief, pris d'erreurs contenues dans le rapport de notation et d'irrégularités de la procédure de notation

- Arguments des parties

35.
    Le requérant rappelle, en premier lieu, qu'il a reçu deux versions du rapport de notation, quasi identiques, pour la période 1995/1997: l'une signée le 27 novembre 1997 par M. Henningsen, l'autre signée le 2 juillet 1999 par M. Grant Lawrence, de sorte qu'il ne pouvait pas savoir quelle était la version dont il y avait lieu de tenir compte.

36.
    En second lieu, son rapport contiendrait des erreurs: le grade mentionné dans la deuxième version serait A 6, échelon 7, au lieu de A 6, échelon 8; il y aurait une incohérence flagrante entre l'appréciation analytique [point 4, sous a), du rapport] et les appréciations d'ordre général et sur les aptitudes particulières [points 4, sous b), et 5, sous a), du rapport]; les critiques formulées à son égard [point 4, sous b), paragraphes 1, 2 et 3, du rapport] n'auraient pas été précisées malgré ses demandes d'explication; ses connaissances en matière de législation générale seraient critiquées, alors qu'il n'aurait pas reçu la moindre tâche en cette matière durant la période de référence; en outre, il ne se serait jamais occupé du «physical planning», mentionné au point 4, sous b), paragraphe 1, du rapport; au point 4, sous b), paragraphe 3, il serait question d'une tâche dont la formulation serait totalement incorrecte; le rapport ne mentionnerait ni le cours de perfectionnement d'anglais qu'il a suivi ni les noms de personnes éventuellement consultées par les notateurs.

37.
    Le requérant ajoute qu'il a subi de très mauvaises conditions de travail et un véritable harcèlement moral de la part de son chef d'unité qui lui aurait déclaré au mois de février 1997 qu'il voulait le chasser de la direction générale bien qu'il ait établi le dossier le plus prometteur à la direction générale et, peut-être même, à la Commission («You have created the most promising file in the DG and maybe in the Commission [...] but I want you out of it»). Celui-ci l'aurait en outre menacé de sanctions s'il ne revenait pas immédiatement d'un congé de maladie en août 1995 pour reprendre son travail.

38.
    Quant aux irrégularités procédurales, le requérant doute que ses supérieurs hiérarchiques immédiats aient été préalablement consultés par le notateur, conformément à l'article 2 des DGE, le point 7 du rapport de notation ne mentionnant aucun nom de personnes que le notateur aurait consultées.

39.
    En outre, la Commission aurait violé l'article 5 des DGE parce que, d'une part, le projet de rapport de notation remis le 6 février 1998 au requérant ne comprenait aucune description de ses tâches et, d'autre part, il n'y aurait pas eu de véritable dialogue entre le noté et le premier notateur. De plus, le notateur n'aurait jamais accordé de second dialogue au requérant.

40.
    Enfin, la Commission aurait violé l'article 3, sous g), du guide de la notation, le notateur d'appel s'étant contenté de confirmer le rapport de notation litigieux, tout en précisant qu'il «suivait» l'avis délivré par le CPN, alors que le CPN avait vivement critiqué tant la forme que le contenu du rapport de notation. Le requérant conteste encore avoir bénéficié d'un véritable dialogue avec son notateur d'appel, tel que prévu par le guide de la notation. Il soutient qu'il n'a jamais pu avoir d'explications sur les appréciations négatives dont il a fait l'objet, ni discuter de solutions pour y remédier.

41.
    Quant au rôle du CPN, le requérant rappelle que cet organe consultatif veille au respect de l'esprit d'équité et d'objectivité. Selon le point 3, sous g), du guide de la notation, le notateur d'appel prendrait les mesures les plus appropriées afin de remédier aux vices de notation éventuels. En l'espèce, bien que le CPN ait émis un avis extrêmement critique, le notateur d'appel se serait borné à confirmer le rapport.

42.
    S'agissant des prétendues erreurs contenues dans le rapport de notation litigieux, la Commission soutient que le requérant n'établit ni l'existence d'erreurs susceptibles d'une vérification objective ni celle d'évaluations ou d'appréciations objectivement contrôlables, mais dénonce des jugements de valeur, dont le bien-fondé ne saurait être contrôlé par le Tribunal. Quant au déroulement de la procédure de notation, la Commission rappelle que le notateur d'appel a accordé un entretien au requérant, après que ce dernier a eu plusieurs opportunités de dialogue avec son directeur au sujet de sa notation.

- Appréciation du Tribunal

43.
    S'agissant du grief relatif à la situation confuse provoquée par l'existence de deux rapports de notation pour une même période de référence, il y a lieu de constater que seul le rapport signé par M. Grant Lawrence le 2 juillet 1999 a été confirmé par le notateur d'appel dans sa lettre du 7 juillet 1999 et déclaré définitif par sa décision du 6 décembre 2000, laquelle est la décision attaquée.

44.
    Il est vrai que la procédure de notation litigieuse a débuté par un rapport de notation portant la signature de M. Henningsen et que ce rapport a été contesté par le requérant comme étant incomplet, imprécis et erroné. En réponse à ces contestations, le notateur d'appel n'a cependant pas fait compléter et rectifier le rapport signé par M. Henningsen - compte tenu du départ en congé de convenance personnelle de ce dernier -, mais a préféré faire établir par le successeur de M. Henningsen, M. Grant Lawrence, un nouveau rapport de notation qu'il a, ensuite, confirmé et déclaré définitif.

45.
    Ce déroulement de la procédure de notation ne saurait être censuré en tant que tel. En particulier, contrairement à la thèse défendue par le requérant à l'audience, le rapport signé par M. Henningsen n'avait pas à être annulé avant l'établissement du rapport signé par M. Grant Lawrence. D'une part, en effet, seul ce dernier rapport a été confirmé et déclaré définitif par le notateur d'appel. D'autre part, les deux rapports ne se distinguent qu'en ce que le second comporte deux pages supplémentaires par rapport au premier, les indications figurant dans le premier étant identiques à celles reprises dans le second.

46.
    Il s'ensuit que le présent recours en annulation porte sur le seul rapport de notation signé par M. Grant Lawrence et déclaré définitif par le notateur d'appel. Par conséquent, tous les arguments soulevés par le requérant à l'encontre du rapport signé par M. Henningsen doivent être rejetés comme inopérants.

47.
    S'agissant des vices procéduraux dont serait entaché le rapport de notation signé par M. Grant Lawrence (ci-après le «rapport»), il est constant qu'aucun dialogue n'a eu lieu entre le premier notateur et le requérant. Toutefois, il est de jurisprudence bien établie (arrêts de la Cour du 21 mars 1985, Turner/Commission, 263/83, Rec. p. 893, point 16, et du 9 février 1988, Picciolo/Commission, 1/87, Rec. p. 711, point 25) qu'une telle absence de dialogue ne peut pas entacher la validité du rapport de notation lorsque le litige porte sur le rapport final de notation, tel qu'il a été établi par le notateur d'appel, et que ce dernier a eu un véritable dialogue avec l'agent noté.

48.
    En l'espèce, il est constant que le requérant a été entendu par le notateur d'appel le 30 avril 1999. C'est à la suite de ce dialogue, et en vue de tenir compte de certaines des observations formulées par le requérant, que le notateur d'appel a fait établir et signer par M. Grant Lawrence le rapport qu'il a, ensuite, confirmé et déclaré définitif. Dans ces circonstances, ledit rapport peut être considéré comme s'il avait été établi par le notateur d'appel lui-même, au sens de la jurisprudence susmentionnée.

49.
    Il convient d'ajouter que le requérant a expressément indiqué dans sa requête (point 12) qu'il avait insisté, au cours dudit dialogue du 30 avril 1999, pour que les erreurs contenues dans le rapport signé par M. Henningsen soient rectifiées, ce que le notateur d'appel «a semblé accepter», et qu'il avait communiqué la description de ses tâches qui manquait dans ce rapport, étant précisé que la description reprise dans le rapport final n'est pas contestée par le requérant devant le Tribunal. Il s'ensuit que le requérant ne saurait valablement faire valoir qu'un véritable dialogue avec son notateur d'appel n'a pas eu lieu. En tout état de cause, le requérant n'a pas démontré que son entretien avec le notateur d'appel aurait été purement formel (arrêt du Tribunal du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T-187/01, RecFP p. I-A-81 et II-389, point 57).

50.
    Le requérant dénonce encore une violation de l'article 3, sous g), du guide de la notation, le notateur d'appel s'étant contenté de confirmer le rapport, tout en précisant qu'il «suivait» l'avis du CPN, alors que ce dernier avait vivement critiqué tant la forme que le contenu du rapport.

51.
    À cet égard, il convient de rappeler que le CPN a un rôle purement consultatif et que ses avis ne lient pas le notateur d'appel. La déclaration du notateur d'appel, selon laquelle il confirmait le rapport «following» l'avis du CPN, doit donc être interprétée en ce sens que le notateur d'appel prenait sa décision «à la suite», chronologiquement, de l'avis rendu par le CPN.

52.
    En ce qui concerne le point de savoir si le notateur d'appel n'aurait pas dû motiver plus amplement son refus de suivre l'avis rendu par le CPN, il s'agit d'une question qui fait l'objet du moyen tiré d'un défaut de motivation. Elle sera donc examinée ultérieurement lors de l'examen de ce moyen.

53.
    Le requérant doute, enfin, que ses supérieurs hiérarchiques immédiats aient été consultés dans le cadre de la notation litigieuse et souligne que le point 7 du rapport ne mentionne, dans la case prévue à cet effet, aucune personne consultée.

54.
    À cet égard, il convient de rappeler que l'article 2 des DGE impose la consultation des supérieurs hiérarchiques immédiats du fonctionnaire à noter. En outre, il a été jugé que l'absence de consultation des supérieurs hiérarchiques peut constituer une irrégularité substantielle de nature à entacher la validité du rapport de notation (arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T-63/89, Rec. p. II-19, point 27).

55.
    En l'espèce, il est vrai que la partie du rapport qui prévoit l'indication de l'éventuelle consultation (date, nom, paraphe, commentaire) est restée vide. Cependant, le notateur d'appel a indiqué, dans sa lettre du 7 juillet 1999 communiquant au requérant ledit rapport, qu'il avait parlé avec ses supérieurs hiérarchiques («spoken with the members of [his] hierarchy»). Cette lettre est jointe au rapport et figure dans le dossier personnel du requérant. En outre, dans ses observations relatives au rapport, qui sont également jointes à ce dernier et qui figurent dans son dossier personnel, le requérant indique expressément que M. Perera était son chef d'unité à l'époque. Dans ces circonstances, le fait que le formulaire du rapport n'a pas été correctement rempli ne saurait constituer, en tant que tel, une irrégularité substantielle de nature à entacher la validité du rapport, d'autant plus que le requérant se borne à formuler des «doutes» concernant la consultation en question, sans prétendre que son supérieur hiérarchique, désigné nommément, n'a pas été consulté.

56.
    En tout état de cause, le requérant n'a pas affirmé, et encore moins établi, qu'une consultation plus formelle de son chef d'unité, avec la possibilité pour ce dernier d'apposer son paraphe et de formuler des commentaires, aurait été de nature à améliorer sa notation. Au contraire, dans ses observations susmentionnées relatives au rapport ainsi que dans sa requête (point 61), le requérant reproche à son chef d'unité de l'avoir exposé à un véritable harcèlement moral.

57.
    Il s'ensuit que les arguments par lesquels le requérant dénonce plusieurs vices de procédure doivent être écartés.

58.
    En ce qui concerne les erreurs qui seraient contenues dans le rapport, il y a lieu de rappeler le très large pouvoir d'appréciation reconnu aux notateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu'ils ont la charge de noter. Il n'appartient pas au juge communautaire, sauf en cas d'erreurs de fait manifestes ou de détournement de pouvoir, de contrôler le bien-fondé de l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles d'un fonctionnaire, lorsqu'elle comporte des jugements complexes de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d'une vérification objective (voir arrêt Mellone/Commission, précité, point 51, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, le notateur n'est pas tenu de justifier les appréciations analytiques individuellement sous chaque rubrique, mais est libre de justifier toutes les appréciations de façon générale (arrêt du Tribunal du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T-212/97, RecFP p. I-A-41 et II-185, point 77).

59.
    En l'espèce, les évaluations de la compétence, du rendement et de la conduite dans le service, reprises au point 4, sous a), du rapport, constituent, par définition, des jugements de valeur qui - le requérant n'ayant démontré ni l'existence d'un détournement de pouvoir ni celle d'erreurs manifestes - sont exempts du contrôle juridictionnel. Il en va de même pour la plupart des appréciations d'ordre général [point 4, sous b)] et sur les aptitudes particulières [point 5, sous a)]. De plus, il n'existe pas d'incohérence flagrante entre l'appréciation analytique [point 4, sous a)], d'une part, et les appréciations d'ordre général et sur les aptitudes particulières [points 4, sous b), et 5, sous a)], d'autre part. En effet, ces appréciations reflètent suffisamment les notes que le requérant a reçues, à savoir deux «très bien» et six «bien».

60.
    En ce qui concerne plus particulièrement la rubrique «compétence» de l'appréciation analytique (dans laquelle figurent un «très bien» et trois «bien»), la rubrique correspondante de l'appréciation d'ordre général comporte un jugement élogieux accompagné d'une remarque critique. Il en va de même de la rubrique «rendement» (dans laquelle figurent trois «bien») et de la rubrique «conduite dans le service» (dans laquelle figurent un «très bien» et deux «bien») ainsi que des rubriques correspondantes de l'appréciation d'ordre général qui comportent des jugements positifs, légèrement affaiblis par des remarques critiques. Cette manière de noter ne présente pas d'incohérences graves et manifestes, comme celles censurées par l'arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes (T-23/91, Rec. p. II-2377, points 45 à 47).

61.
    S'agissant du caractère prétendument lacunaire du rapport, en ce qu'il ne mentionne ni le cours de perfectionnement d'anglais que le requérant avait suivi ni ses très mauvaises conditions de travail et, notamment, le harcèlement moral de la part de son chef d'unité, il suffit de constater qu'il s'agit là d'indications que le noté peut apporter lui-même. En effet, sous le point 6 du rapport, le noté a la faculté de porter une appréciation sur les conditions dans lesquelles il est appelé à accomplir ses tâches et, sous le point 8, sous b), il peut signaler les nouvelles connaissances qu'il a acquises au cours de la période de notation. Par ailleurs, dans ses observations relatives au rapport, le requérant s'est effectivement exprimé sur ses conditions de travail et a déclaré avoir suivi un cours d'anglais.

62.
    Quant aux prétendues erreurs matérielles, le fait que son rapport mentionne erronément l'échelon 7 du grade A 6, au lieu de l'échelon 8, ne constitue pas une raison justifiant l'annulation du rapport. Il s'agit d'une simple erreur de plume dont l'influence sur le contenu du rapport est insignifiante.

63.
    En outre, concernant la formule «physical planning», reprise dans l'appréciation d'ordre général, qui peut être traduite par «planification géographique» - ce dont le requérant prétend ne s'être jamais occupé -, elle peut être rapprochée de la description des tâches du requérant, laquelle indique notamment: projet d'un rapport sur les villes («Cities Report Project»), réseau villes («Cities Network»), «habitat» et environnement urbain («Urban Environment»). Dès lors, l'expression «planification géographique» («physical planning») ne constitue pas une erreur de fait justifiant l'annulation du rapport. Il en va de même en ce qui concerne l'expression «campagne villes sans voitures» («Car Free Cities Campaign») reprise dans l'appréciation d'ordre général. En effet, cette dénomination correspond à l'opération «réseau villes sans voitures» («Car Free Cities Network») figurant dans la description des tâches.

64.
    Enfin, le requérant s'oppose à l'appréciation au point 4, sous b), paragraphe 1, selon laquelle ses connaissances sont plus réduites et moins utiles en législation générale («less knowledgeable and useful in [.] general legislation»). Il affirme ne pas avoir reçu la moindre tâche en matière de législation durant la période 1995/1997, ce qui a été confirmé par deux déclarations officielles du 11 octobre 2002 des anciens supérieurs hiérarchiques du requérant, MM. Perera et Grant Lawrence.

65.
    À cet égard, il y a lieu de constater que l'expression litigieuse, replacée dans son contexte, ne doit pas être interprétée dans le sens étroit dénoncé par le requérant comme étant erroné en fait. Aux termes du passage complet en question, le requérant est considéré comme un collaborateur compétent en matière de planification géographique et de gestion de projets, ses connaissances étant plus réduites et moins utiles dans d'autres domaines, tels que la législation générale ou les programmes d'action des Communautés en dehors de son domaine de compétence, tandis que ses qualifications spécifiques ont été utiles pour ses travaux dans le milieu urbain et en tant que promoteur de la campagne du développement durable au niveau urbain («a competent staff member on matters relating to physical planning and project management [. he] is less knowledgeable and useful in other areas such as general legislation or Community policy outside his field of expertise [and his] special skills have been useful in the work he has done on urban environment and as a promoter of the sustainable cities campaign»). Cette appréciation de la compétence du requérant, loin de porter un jugement négatif spécifique sur ses travaux d'élaboration de textes normatifs, vise à critiquer, en général, ses connaissances des réglementations ou mesures communautaires en dehors de son champ d'expériences. Il s'agit donc d'un jugement de valeur exempt du contrôle juridictionnel.

66.
    Par conséquent, les arguments par lesquels le requérant dénonce plusieurs erreurs contenues dans le rapport doivent également être écartés.

67.
    Il s'ensuit que les moyens tirés d'une violation de l'article 43 du statut et des DGE ainsi que d'erreurs contenues dans le rapport et de vices de la procédure de notation doivent être rejetés dans leur ensemble.

Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation et d'une violation des droits de la défense

68.
    Le requérant reproche à la Commission d'avoir violé l'article 25, paragraphe 2, du statut. En effet, elle se serait abstenue de lui fournir des explications sur les points figurant dans son rapport qu'il avait contestés lors de la procédure de notation. La Commission ne lui aurait ainsi pas permis d'examiner le bien-fondé de la décision attaquée. En outre, la Commission aurait porté atteinte aux droits de la défense du requérant qui se serait vu infliger des notes critiques sans pouvoir y répondre ou, le cas échéant, y remédier.

69.
    Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les rapports de notation relèvent non pas de l'article 25 du statut, mais exclusivement de son article 43, ce que la Commission soutient, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, l'administration a l'obligation de motiver les rapports de notation de façon suffisante et circonstanciée et de mettre les intéressés en mesure de formuler des observations sur cette motivation (voir arrêt Mellone/Commission, précité, point 27, et la jurisprudence citée).

70.
    Or, une telle motivation circonstanciée du rapport figure en son point 4, sous b), intitulé «appréciation d'ordre général», qui explicite en trois points, relatifs à la compétence, au rendement et à la conduite dans le service, la grille d'analyse figurant au point 4, sous a), intitulée «appréciation analytique», et commente les appréciations portées dans la grille analytique (voir, en ce sens, arrêt Maurissen/Cour des comptes, précité, point 41). Cette motivation doit être considérée comme suffisante.

71.
    Contrairement à la thèse défendue par le requérant, il n'est pas nécessaire que le rapport contienne des explications plus détaillées afin de permettre au noté l'ouverture d'un véritable dialogue écrit sur la valeur des différents travaux qu'il a accomplis durant la période de référence. Un tel débat dépasserait manifestement le cadre de la procédure de notation. D'ailleurs, le rapport a permis au requérant de défendre ses intérêts devant le Tribunal.

72.
    Dans ces circonstances, le notateur d'appel n'était pas tenu de fournir des explications complémentaires sur les raisons qui l'ont conduit à ne pas suivre les recommandations du CPN, d'autant plus que les irrégularités procédurales et l'absence de cohérence entre les appréciations analytiques et d'ordre général dénoncées par le CPN ne justifient pas, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, l'annulation de la décision attaquée.

73.
    Quant à la prétendue violation des droits de la défense du requérant, il suffit de rappeler que le requérant a été entendu le 30 avril 1999 par le notateur d'appel. En outre, le requérant a eu l'occasion de saisir le CPN et lui a transmis des observations volumineuses (voir points 14 et 15 de la requête et annexes 3 et 4 de la requête).

74.
    Par conséquent, le moyen ne saurait être accueilli.

75.
    Il s'ensuit que la demande visant à l'annulation de la décision attaquée et, pour autant que de besoin, de la décision rejetant implicitement la réclamation introduite par le requérant doit être rejetée.

Sur la demande en réparation

Arguments des parties

76.
    Le requérant reproche à la Commission de lui avoir causé un dommage à plusieurs titres. Ainsi, en raison du retard dans l'établissement de son rapport définitif, il aurait perdu une chance d'être promu pour l'exercice 1998. En outre, l'absence de rapport de notation aurait provoqué chez lui un état d'incertitude et d'inquiétude quant à son avenir professionnel (arrêt de la Cour du 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec. p. 1419, point 49).

77.
    Le requérant souligne qu'il n'est pas responsable de ce retard. En particulier, sa maladie aurait été causée par le stress au travail et par le retard apporté à la procédure de notation. Le requérant affirme, enfin, avoir subi un préjudice moral substantiel causé par le harcèlement moral de son chef d'unité qui est, selon le requérant, certainement à l'origine de sa maladie et de sa mise en invalidité.

78.
    La Commission conteste avoir commis une faute de nature à engager sa responsabilité. En outre, le requérant n'aurait pas établi que le caractère imprécis de son dossier ou l'établissement tardif de son rapport lui a causé un dommage quelconque.

79.
    Par ailleurs, le retard dans la rédaction du rapport aurait, au moins partiellement, été imputable au requérant lui-même: en demandant la saisine du notateur d'appel, puis la consultation du CPN, le requérant aurait créé les conditions propres à ralentir le déroulement de la procédure de notation. En particulier, le retard postérieur au 7 juillet 1999 ne pourrait être imputé à l'administration, car le Tribunal a précisé que le retard résultant de la saisine du CPN n'est pas imputable à l'administration (arrêt Liao/Conseil, précité, point 33). En outre, la maladie du requérant aurait créé les conditions propres à ralentir, aussi dans l'intérêt personnel du requérant, la procédure de notation.

80.
    S'agissant de sa non-promotion en 1998, la Commission fait observer que, s'il avait voulu la mettre en cause, le requérant aurait pu agir à l'époque dans les délais statutaires. Le requérant ne pourrait pas, par la présente procédure, remettre en cause un acte pour la contestation duquel il est forclos.

Appréciation du Tribunal

81.
    Selon une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté est subordonné à la réunion d'un ensemble de conditions, à savoir: l'illégalité du comportement reproché à l'institution concernée, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, Hubert/Commission, T-28/97, RecFP p. I-A-435 et II-1255, point 101, et la jurisprudence citée).

82.
    L'absence de rapport de notation du dossier personnel d'un fonctionnaire est susceptible de constituer un préjudice moral, si sa carrière a pu être affectée ou si cette absence a entraîné chez lui un état d'incertitude ou d'inquiétude quant à son avenir professionnel (arrêt du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T-78/96 et T-170/96, RecFP p. I-A-239 et II-745, point 233).

83.
    En l'espèce, il est constant que le rapport de notation pour la période allant de 1995 à 1997, définitivement établi début décembre 2000, n'a été versé au dossier personnel du requérant que fin décembre 2000. Or, la Commission a reconnu, lors de la procédure administrative, sa responsabilité partielle pour ce retard et alloué, en réparation du préjudice moral subi, une indemnité de 250 euros (voir point 23 ci-dessus). Le débat devant le Tribunal ne porte donc, en réalité, que sur le montant qu'il convient d'accorder au requérant en vue de réparer ex aequo et bono le préjudice moral allégué.

84.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 7, sixième alinéa, des DGE, la procédure relative à la notation du requérant pour la période allant de 1995 à 1997 devait être terminée au plus tard le 31 décembre 1997.

85.
    Il s'ensuit que, en violation du texte clair des DGE, le rapport de notation du requérant pour la période en cause a été établi et versé à son dossier personnel avec un retard total de presque trois ans.

86.
    Contrairement à la thèse de la Commission, ce retard substantiel ne peut être partiellement imputé au requérant au motif que le délai nécessaire à l'accomplissement des différents actes de procédure, tels que la saisine du notateur d'appel et du CPN, devrait être considéré comme raisonnable.

87.
    Il a, certes, été jugé que l'administration dispose d'un délai raisonnable pour établir le rapport de notation après la date prévue par les DGE et que le retard supplémentaire résultant de la saisine, par le noté, d'un comité consultatif n'est pas imputable à l'administration (arrêt Liao/Conseil, précité, points 32 et 33, et arrêt du Tribunal du 1er décembre 1994, Ditterich/Commission, T-79/92, RecFP p. I-A-289 et II-907, point 72). Toutefois, cette jurisprudence est issue de l'arrêt de la Cour du 5 mai 1983, Ditterich/Commission (207/81, Rec. p. 1359, point 25), selon lequel l'administration, tenue de veiller à la rédaction périodique des rapports de notation aux dates prescrites par le statut et à leur établissement régulier, dispose à cet effet d'un délai raisonnable. Or, la seule date mentionnée par la Cour dans ce contexte était celle prescrite par l'article 43 du statut pour la rédaction «au moins tous les deux ans» des rapports de notation (point 23), la Commission ayant souligné devant la Cour que le guide de la notation, dans sa version applicable à la période de notation pertinente (1975 à 1977), ne prévoyait aucun délai formel dans lequel les rapports de notation devaient intervenir (arrêt du 5 mai 1983, Ditterich/Commission, précité, Rec. p. 1367, colonne de droite, dernier alinéa).

88.
    Il s'ensuit que la jurisprudence accordant à la Commission un délai général raisonnable n'est pas applicable, dès lors que des dispositions ayant force obligatoire pour la Commission subordonnent le déroulement de la procédure de notation à des délais précis.

89.
    Or, dans le cas d'espèce, les DGE ont prévu pour les différents actes de la procédure de notation des délais précis. L'article 7, sixième alinéa, des DGE a fixé au 31 décembre 1997 la date à laquelle le rapport de notation devait être établi au plus tard. Afin de garantir le respect de ce délai, même dans l'hypothèse d'une intervention du notateur d'appel et d'une saisine du CPN, et compte tenu de la période des vacances d'été et de Noël, le point 4 et l'annexe II du guide de la notation - adopté par la Commission avec la valeur d'une directive interne (arrêt du Tribunal du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T-33/91, Rec. p. II-2499, point 66) - ont fixé au 1er avril 1997 le début des opérations préliminaires de la procédure de notation et la date du premier dialogue entre notateur et noté.

90.
    Il résulte de ce qui précède que, conformément aux dispositions adoptées par la Commission elle-même, le seul délai raisonnable pour l'établissement du rapport de notation était celui s'étalant du 1er avril au 31 décembre 1997. Dès lors, tout dépassement de ce délai doit, en principe, être imputé à la Commission.

91.
    Seuls des dépassements de ce délai qui auraient été causés par des circonstances exceptionnelles - par exemple, une maladie grave de longue durée, un décès, une mission, une mutation ou un congé de convenance personnelle d'une des personnes impliquées dans la procédure de notation - ou par le comportement retardateur du requérant lui-même ne pourraient pas être imputés à la Commission.

92.
    Or, en l'espèce, la Commission ne s'est pas prévalue d'une circonstance exceptionnelle telle que décrite ci-dessus. Quant au comportement du requérant, il ne saurait être qualifié de retardateur. En effet, le requérant n'a fait que saisir des instances, dont la saisine lors de la procédure de notation a été expressément prévue par la Commission elle-même compte tenu du calendrier de notation allant du 1er avril au 31 décembre.

93.
    Quant à la maladie et à l'invalidité subséquente du requérant, elles n'ont pas empêché celui-ci d'insister itérativement auprès de l'administration - de septembre 1997 jusqu'en octobre 2000 - pour qu'elle finalise son rapport, de formuler des observations à cet égard, d'assister à des entretiens avec son notateur et son notateur d'appel, d'introduire des réclamations et de former le présent recours. Elles n'ont pas non plus empêché l'administration d'établir et de communiquer au requérant le rapport.

94.
    Les efforts répétés du requérant visant à obtenir son rapport de notation reflètent, tout au contraire, l'état sérieux d'incertitude et d'inquiétude dans lequel il se trouvait quant à son avenir professionnel, et cela notamment au regard de l'exercice de promotion 1998. En effet, s'il est vrai que le requérant ne pouvait se prévaloir d'un droit à être promu cette année-là, il a néanmoins perdu une chance de promotion du fait que son rapport de notation définitif n'était pas disponible lors de cet exercice de promotion.

95.
    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2000, Rappe/Commission, T-202/99, RecFP p. I-A-201 et II-911, point 38), le rapport de notation constitue un élément d'appréciation indispensable chaque fois que la carrière du fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique. S'il est vrai que, dans des circonstances exceptionnelles, l'absence de rapport de notation peut être compensée par l'existence d'autres informations sur les mérites du fonctionnaire, ces autres informations doivent répondre à certaines conditions dont il incombe à l'institution défenderesse de prouver la réunion; en tout état de cause, un rapport de notation non définitif et contesté par l'intéressé ne peut, à lui seul, servir de source de ces autres informations (arrêt Rappe/Commission, précité, points 40, 52 et 56).

96.
    En l'espèce, la Commission s'est abstenue de démontrer l'existence d'autres informations sur les mérites du requérant susceptibles de compenser exceptionnellement l'absence du rapport de notation de ce dernier. Elle n'a pas non plus établi la réunion des conditions auxquelles ces autres informations devaient répondre, à savoir être suffisamment objectives, contenir une appréciation des mérites du requérant, avoir été communiquées au requérant et être connues du comité de promotion (arrêt Rappe/Commission, précité, point 56).

97.
    Il s'ensuit que l'absence de rapport de notation définitif au moment pertinent a été de nature à porter préjudice au requérant, puisque sa carrière a pu être affectée par cette absence. Il est observé, à cet égard, que la Commission s'est bornée à affirmer, sans nullement l'étayer, que la situation du requérant serait restée inchangée dans la procédure de promotion de 1998 s'il avait disposé de son rapport de notation dans sa version définitive rédigée par le notateur d'appel (mémoire en défense, point 45).

98.
    En revanche, l'allégation du requérant, selon laquelle il a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son chef d'unité qui serait «certainement à l'origine de [sa] maladie [.] et de sa mise en invalidité» (requête, p. 17), n'est pas de nature à démontrer une faute de service supplémentaire de la Commission. D'une part, en effet, en réponse au mémoire en défense de la Commission qui avait dénoncé l'absence totale de preuve du préjudice subi, le requérant est resté muet, dans sa réplique, sur le prétendu harcèlement moral. D'autre part, le requérant s'est abstenu de s'adresser, en temps utile, à l'administration pour dénoncer, en application de l'article 90 du statut, le comportement de son supérieur hiérarchique, en vue de permettre à l'administration d'instruire ce dossier et de constater éventuellement les raisons médico-professionnelles de son invalidité. Ses critiques y relatives ne sauraient être instruites, après l'écoulement des délais prévus à cette disposition, dans le cadre d'une procédure ayant pour objet la contestation de son rapport de notation. Par conséquent, le requérant n'a pas établi à suffisance de droit avoir subi un harcèlement moral lui ayant causé un préjudice.

99.
    Dans ces circonstances, le Tribunal, évaluant le préjudice moral subi ex aequo et bono, estime que l'allocation d'un montant de 3 000 euros, s'ajoutant aux 250 euros déjà versés par la Commission, constitue une indemnisation adéquate du préjudice subi par le requérant.

Sur les dépens

100.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens, étant entendu que, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Selon l'article 87, paragraphe 3, dudit règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

101.
    En l'espèce, la Commission a succombé en l'essentiel de ses prétentions relatives à la demande en réparation. Si le requérant a succombé en sa demande en annulation, il a pu être raisonnablement amené, eu égard à l'avis très critique du CPN (voir point 16 ci-dessus), à formuler cette demande. En outre, si le requérant s'est désisté de sa demande visant à l'annulation de la décision qui a implicitement rejeté sa demande de joindre à son dossier personnel ses deux rapports de notation, ce n'est que par le mémoire en défense de la Commission qu'il a été informé que ces rapports avaient été inclus, en décembre 2000, longtemps après la cessation de ses fonctions, dans son dossier personnel auprès de la Commission. Dans ces circonstances, il y a lieu de condamner la Commission à supporter l'ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    La Commission est condamnée à verser au requérant une somme de 3 000 euros.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La Commission est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1: Langue de procédure: le français.