Language of document : ECLI:EU:T:2011:397

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

15 juillet 2011 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Demande d’intervention devant le Tribunal de la fonction publique – Computation du délai – Tardiveté »

Dans l’affaire T‑213/11 P(I),

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne du 17 mars 2011, Bömcke/BEI (F‑95/10 INT, non publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance, 

Collège des représentants du personnel de la Banque européenne d’investissement, établi à Luxembourg (Luxembourg),

Jean-Pierre Bodson, demeurant à Luxembourg,

Evangelos Kourgias, demeurant à Senningerberg (Luxembourg),

Manuel Sutil, demeurant à Nondkeil (France),

Patrick Vanhoudt, demeurant à Gonderange (Luxembourg),

Marie-Christel Heger, demeurant à Luxembourg,

représentés par Mes G. J. Wilson, A. Senes et B. Entringer, avocats,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant

Eberhard Bömcke, demeurant à Athus (Belgique), représenté par Me D. Lagasse, avocat,

partie demanderesse en première instance,

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. C. Gómez de la Cruz et T. Gilliams, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, introduit sur la base de l’article 10 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les requérants, le collège des représentants du personnel de la Banque européenne d’investissement, MM. Jean-Pierre Bodson, Evangelos Kourgias, Manuel Sutil, Patrick Vanhoudt et Mme Marie-Christel Heger, demandent, en substance, l’annulation de l’ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal de la fonction publique du 17 mars 2011, Bömcke/BEI (F‑95/10 INT, non publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté leur demande en intervention présentée en date du 12 janvier 2011 devant le Tribunal de la fonction publique, et à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées en première instance.

 Faits à l’origine du litige, procédure en première instance et ordonnance attaquée

2        Par courrier parvenu au greffe du Tribunal de la fonction publique le 12 janvier 2011, les requérants ont présenté une demande d’intervention au soutien de la Banque européenne d’investissement (BEI) dans l’affaire F‑95/10, Bömcke/BEI, pendante devant le Tribunal de la fonction publique, et ayant pour objet, d’une part, l’annulation de la décision prise par le directeur des ressources humaines de la BEI confirmant que le mandat de représentant du personnel de M. Bömcke est expiré et, d’autre part, une demande de dommages et intérêts.

3        Le 17 mars 2011, le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme irrecevable la demande d’intervention pour les motifs suivants :

« 2      Aux termes de l’article 109 du règlement de procédure, toute demande d’intervention doit être présentée avant l’expiration d’un délai de quatre semaines à compter de la date de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis visé par l’article 37, paragraphe 2, de ce même règlement.

3      Aux termes de l’article 100, paragraphe 3, du règlement de procédure, ce délai de quatre semaines doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

4      En outre, le deuxième paragraphe dudit article 100 précise que, si le délai prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, l’expiration en est reportée à la fin du jour ouvrable suivant. Selon la jurisprudence, cette règle ne s’applique toutefois que dans le cas où le délai complet, délai de distance inclus, prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal. En effet, le délai de distance n’est pas à considérer comme un délai distinct du délai de procédure, mais comme un simple allongement de celui-ci, ainsi que l’indique expressément l’article 100, paragraphe 2, du règlement de procédure aux termes duquel ‘les délais de procédure sont augmentés d’un délai de dix jours’ (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 20 novembre 1997, Horeca-Wallonie/Commission, T‑85/97, Rec. p. II‑2113, points 25 et 26).

5      L’avis indiquant la date du dépôt de la requête, les parties, l’objet et la description du litige ainsi que les conclusions de la requête de la présente affaire a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 4 décembre 2010.

6      Compte tenu du délai de distance de dix jours dont disposent les demandeurs en intervention, le délai imparti pour l’introduction d’une demande en intervention est venu à expiration le mardi 11 janvier 2011, jour qui n’est pas férié.

7      La demande en intervention ayant été réceptionnée le 12 janvier 2011, il y a lieu de la rejeter comme étant irrecevable et de décider que les demandeurs en intervention supportent les dépens occasionnés par leur demande en intervention ».

 Sur le pourvoi

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des requérants

4        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2011, les requérants ont introduit le présent pourvoi.

5        Les requérants concluent à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        réformer l’ordonnance attaquée ;

–        déclarer recevable et fondée leur demande en intervention et les déclarer « parties au procès se mouvant entre Eberhard Bömcke et la BEI ».

 En droit

6        En vertu de l’article 10, paragraphes 1 et 3, de l’annexe I du statut de la Cour, le président du Tribunal peut statuer sur un pourvoi contre une décision du Tribunal de la fonction publique rejetant une demande d’intervention, selon une procédure sommaire dérogeant, en tant que de besoin, à certaines des règles contenues dans ladite annexe.

7        À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent, en substance, un moyen unique, tiré d’une interprétation erronée de l’article 109, de l’article 37, paragraphe 2, et de l’article 100, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique.

8        Les requérants soutiennent que l’interprétation faite par le Tribunal de la fonction publique de l’article 109, de l’article 37, paragraphe 2, et de l’article 100, paragraphes 2 et 3, de son règlement de procédure est contraire tant à l’esprit qu’à la lettre dudit règlement. Ainsi, il ressortirait de l’article 100 dudit règlement que les délais de procédure et de distance forfaitaire sont deux délais indépendants qui ne peuvent pas être considérés comme constituant un seul et même délai. Étant donné que le point de départ du délai de quatre semaines pour introduire une demande d’intervention, prévu à l’article 109 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, était le 4 décembre 2010, jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis visé à l’article 37, paragraphe 2, de ce même règlement, les requérants prétendent que le premier délai de quatre semaines avait pris fin le 1er janvier 2011. Le 1er janvier étant un jour férié légal, le délai aurait dû être prorogé jusqu’au jour ouvrable suivant, à savoir le lundi 3 janvier 2011. Ainsi, le second délai de dix jours de distance forfaitaire se serait terminé le 13 janvier 2011. Par conséquent, la demande, introduite le 12 janvier 2011, aurait dû être déclarée recevable.

9        À cet égard, il convient de rappeler que l’article 109, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique dispose que toute demande d’intervention doit être présentée avant l’expiration d’un délai de quatre semaines à compter de la date de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis visé à l’article 37, paragraphe 2, dudit règlement de procédure. En outre, l’article 100, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique énonce que, si ledit délai prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, l’expiration en est reportée à la fin du jour ouvrable suivant et que les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

10      Selon une jurisprudence constante, lorsqu’un délai complet, délai de distance forfaitaire inclus, prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, l’expiration en est reportée à la fin du jour ouvrable suivant (voir, en ce qui concerne les dispositions analogues du règlement de procédure de la Cour, ordonnance de la Cour du 15 mai 1991, Emsland-Stärke/Commission, C‑122/90, non publiée au Recueil, point 9, et, en ce qui concerne les dispositions analogues du règlement de procédure du Tribunal, ordonnance du Tribunal du 20 novembre 1997, Horeca-Wallonie/Commission, T‑85/97, Rec. p. II‑2113, points 25 et 26). La Cour a ainsi jugé que l’article 80, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour ne trouvait à s’appliquer que dans le cas où le délai complet, délai de distance inclus, prenait fin un dimanche ou un jour férié légal (ordonnance Emsland-Stärke/Commission, précitée, point 9). Le Tribunal a par ailleurs jugé que le délai de distance n’était pas à considérer comme un délai distinct du délai de procédure, mais comme un simple allongement de celui-ci (ordonnance Horeca-Wallonie/Commission, précitée, point 26).

11      En l’espèce, il suffit de relever que, contrairement à l’argumentation des requérants, selon laquelle les délais de procédure et de distance sont deux délais indépendants, tant la Cour que le Tribunal, dans les ordonnances Emsland-Stärke/Commission et Horeca-Wallonie/Commission, précitées, ont considéré que les délais de procédure et de distance forfaitaire ne sont pas des délais distincts. Il s’ensuit que, en l’espèce, le délai de procédure, qui a pris fin le 1er janvier 2011, a été augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours et a pris fin le 11 janvier 2011.

12      Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique, interprétant son règlement de procédure à la lumière de la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, a jugé comme étant irrecevable la demande d’intervention présentée par les requérants le 12 janvier 2011, soit un jour après l’expiration du délai complet.

13      Les arguments relatifs à l’application erronée de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal en matière de délais de procédure et de distance forfaitaire comme ceux tirés de la violation du droit fondamental à intervenir au litige ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

14      En premier lieu, les requérants font valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit dans l’application au présent litige de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal en matière de délais de procédure et de distance forfaitaire.

15      Les requérants soutiennent que l’ordonnance Horeca‑Wallonie/Commission, précitée, visait une hypothèse non transposable au présent litige, en relevant que la lettre du règlement de procédure de la Cour est différente de celle du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique. En outre, les requérants contestent la pertinence de la jurisprudence citée au points 25 et 26 de l’ordonnance Horeca-Wallonie/Commission, précitée, à savoir l’arrêt du Tribunal du 6 avril 1995 BASF e.a./Commission (T‑80/89, T‑81/89, T‑83/89, T‑87/89, T‑88/89, T‑90/89, T‑93/89, T‑95/89, T‑97/89, T‑99/89 à T‑101/89, T‑103/89, T‑105/89, T‑107/89 et T‑112/89, Rec. p. II‑729), et l’ordonnance Emsland-Stärke/Commission, précitée.

16      Les requérants font valoir que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt BASF e.a./Commission, précité, soulevait un problème d’application de la « règle du jour suivant », et non un problème de computation du délai, et que l’interprétation de l’ordonnance Emsland-Stärke/Commission, précitée, permettrait en l’espèce, en raison de la prétendue différence de libellé existant entre les règlements de procédure de la Cour et du Tribunal de la fonction publique, de conclure que la « règle du jour suivant » ne s’applique pas seulement au « terme initial + terme forfaitaire de dix jours », mais également au seul « terme initial ».

17      En ce qui concerne la prétendue différence existant entre les dispositions pertinentes des règlements de procédure de la Cour et du Tribunal de la fonction publique, il convient de relever qu’aucune différence textuelle entre lesdites dispositions ne permet de conclure que l’article 100, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique devrait faire objet d’une autre interprétation que celle qui ressort du point 11 ci-dessus. Par conséquent, c’est à bon droit que le Tribunal de la fonction publique a jugé, selon la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, que les délais de procédure et de distance forfaitaire n’étaient pas des délais distincts et que le délai de distance forfaitaire constituait un simple allongement du délai de procédure.

18      En ce qui concerne l’argumentation des requérants relatif à l’arrêt BASF e.a./Commission, précité, selon laquelle l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt soulevait un problème d’application de la « règle du jour suivant », et non un problème de computation du délai, il y a lieu d’observer que, même en admettant que ladite affaire concernât seulement un problème d’application de la « règle du jour suivant », cela ne saurait remettre en cause la jurisprudence de la Cour et du Tribunal citée au point 10 ci-dessus.

19      En second lieu, les requérants soutiennent que l’interprétation faite par le Tribunal de la fonction publique de l’article 109 et de l’article 100, paragraphes 2 et 3, de son règlement de procédure est contraire aux droits fondamentaux en tant qu’elle restreint le droit au recours et, notamment, celui d’intervenir au litige.

20      À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, le délai de recours est d’ordre public, un tel délai ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, points 38 et 39, et ordonnance du Tribunal du 13 janvier 2009, SGAE/Commission, T‑456/08, non publiée au Recueil, point 12).

21      Il convient également de relever que la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé que le droit à un tribunal, dont le droit d’accès constitue un aspect, n’est pas absolu et qu’il peut donner lieu à des limitations implicitement admises en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. Néanmoins, ces limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même (voir Cour eur. D.H., arrêt Khalfaoui c. France du 14 décembre 1999, Recueil des arrêts et décisions, 1999‑IX, § 35-36).

22      En l’espèce, force est de constater que, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique a correctement interprété les dispositions de son règlement de procédure de sorte que, en substance, les requérants contestent la légalité des dispositions concernant la computation du délai complet du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique. À supposer même que, en l’absence d’exception d’illégalité formellement soulevée à l’égard de ces dispositions, cette argumentation puisse être considérée comme recevable, il convient, en tout état de cause, de relever que l’article 100, paragraphes 2 et 3, et l’article 109 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique ne sauraient constituer une violation du droit au recours tel qu’interprété dans l’arrêt Khalfaoui c. France, précité, de la Cour européenne des droits de l’homme, dans la mesure où ces dispositions ne restreignent pas le droit au recours individuel et, notamment, celui d’intervention au litige, à un point tel que ce droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En effet, le délai prévu par le règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, afin d’introduire une demande en intervention, permet de garantir une juste équilibre entre le droit fondamental à intervenir au litige et la bonne administration de la justice.

23      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.

 Sur les dépens

24      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la BEI et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que les requérants supporteront leurs propres dépens, en application de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 du même règlement.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Le collège des représentants du personnel de la Banque européenne d’investissement, MM. Jean-Pierre Bodson, Evangelos Kourgias, Manuel Sutil, Patrick Vanhoudt et Mme Marie-Christel Heger supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 15 juillet 2011.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.