Language of document : ECLI:EU:T:2013:483

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 septembre 2013 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) nº 1049/2001 – Nom des experts ayant présenté des observations sur un projet d’orientation relatif à la documentation scientifique à joindre aux demandes d’autorisation pour la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques et de substances actives contenues dans ces produits – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu – Protection des données à caractère personnel – Règlement (CE) no 45/2001 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑214/11,

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni),

Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), établie à Bruxelles (Belgique),

représentées par Me P. Kirch, avocat,

parties requérantes,

contre

Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), représentée par M. D. Detken, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée initialement par MM. P. Oliver, P. Ondrůšek et Mme C. ten Dam, puis par MM. Oliver, Ondrůšek et B. Martenczuk, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, initialement, une demande d’annulation de la décision de l’EFSA du 10 février 2011 refusant une demande d’accès, en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), à certains documents de travail concernant une orientation, préparée par l’EFSA, à l’attention des auteurs de demandes d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique, puis une demande d’annulation de la décision de l’EFSA du 12 décembre 2011 retirant la décision antérieure et donnant accès aux requérantes à toutes les informations demandées, à l’exception du nom des experts externes ayant fait certaines observations sur le projet d’orientation,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, S. Soldevila Fragoso et G. Berardis, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO L 309, p. 1), dispose que « [l]’auteur [d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique] joint au dossier la documentation scientifique accessible, telle que déterminée par l’Autorité [européenne de sécurité des aliments], validée par la communauté scientifique […] concernant les effets secondaires sur la santé, sur l’environnement et sur les espèces non visées de la substance active et de ses métabolites pertinents ».

2        Le 25 septembre 2009, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a demandé à son unité chargée de la méthodologie d’appréciation d’élaborer une orientation à l’attention des auteurs de demandes visées par la disposition citée au point 1 ci-dessus et indiquant la manière de la mettre en œuvre (ci‑après l’« orientation »). Cette unité a constitué un groupe de travail à cette fin (ci‑après le « groupe de travail »).

3        Le groupe de travail a soumis un projet d’orientation à deux organismes de l’EFSA dont certains membres étaient des experts scientifiques externes, le groupe scientifique spécialisé dans les produits phytopharmaceutiques et leurs résidus (ci‑après le « PPR ») et le comité directeur sur les pesticides (ci‑après le « PSC »). Ces experts externes ont été invités à présenter des observations sur le projet. À la suite de ces observations, le groupe de travail a incorporé des modifications au projet d’orientation, qui a été soumis à la consultation publique entre le 23 juillet et le 15 octobre 2010.

4        Plusieurs personnes, dont l’organisation environnementale Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), ont présenté des observations sur ce projet.

5        Le 10 novembre 2010, les requérantes, PAN Europe et ClientEarth, association de droit anglais ayant pour objet notamment la protection de l’environnement, ont soumis conjointement à l’EFSA une demande d’accès à des documents en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), ainsi qu’en vertu du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264, p. 13). Cette demande (ci-après la « demande initiale » portait sur plusieurs documents ou ensembles de documents relatifs à la préparation du projet d’orientation, y compris les observations des experts externes faisant partie du PPR et du PSC, ainsi que le nom de l’auteur de chaque observation.

6        Par courriel du 16 novembre 2010, l’EFSA a accusé réception de la demande initiale.

7        Par lettre du 1er décembre 2010, l’EFSA a donné aux requérantes l’accès à une partie des documents demandés. Toutefois, elle a refusé, en vertu de l’exception au droit d’accès aux documents prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001, relative à la protection du processus décisionnel des institutions, la divulgation de deux ensembles de documents. Il s’agissait, d’une part, des différentes versions de travail du projet d’orientation et, d’autre part, des observations des experts du PPR et du PSC relatives à ce projet.

8        Le 23 décembre 2010, les requérantes ont présenté, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, une demande confirmative tendant à ce que l’EFSA révise sa position (ci-après la « demande confirmative »).

9        Par lettre du 20 janvier 2011, l’EFSA a informé les requérantes que, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, le délai de réponse à la demande confirmative était prolongé de quinze jours ouvrables.

10      Le 10 février 2011, l’EFSA a adopté une décision sur la demande confirmative (ci-après la « première décision confirmative »). L’EFSA a confirmé que l’accès aux documents non divulgués visés au point 7 ci‑dessus devait être refusé en vertu de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 1049/2001.

11      L’orientation a été adoptée et publiée le 28 février 2011 dans l’EFSA Journal.

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2011, les requérantes ont introduit le présent recours et ont demandé l’annulation de la première décision confirmative.

13      Le 12 décembre 2011, l’EFSA a pris une nouvelle décision sur la demande confirmative, notifiée le jour même aux requérantes. L’EFSA a indiqué qu’elle avait décidé de « retirer », « annuler » et « remplacer » la première décision confirmative. En vertu de cette nouvelle décision, qu’elle a qualifiée de « nouvelle décision confirmative », l’EFSA a donné accès aux requérantes à tous les documents ou ensembles de documents visés par la demande initiale, à l’exception de certains documents dont elle aurait constaté l’inexistence. S’agissant des observations sur le projet d’orientation faites par les experts externes du PPR et du PSC, qui ont été transmises aux requérantes, l’EFSA a, toutefois, indiqué qu’elle avait occulté le nom de ces experts, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 ainsi qu’à la législation de l’Union européenne concernant la protection des données à caractère personnel, notamment le règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1). L’EFSA a signalé que la divulgation du nom de ces experts devait être considérée comme étant un transfert de données à caractère personnel au sens de l’article 8 du règlement no 45/2001 et que « les conditions du transfert des données à caractère personnel telles que prévues dans [les dispositions précitées n’étaient] pas remplies ».

 Procédure et conclusions des parties

14      Ainsi qu’il a été indiqué au point 12 ci-dessus, les requérantes ont introduit le présent recours par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2011 et ont demandé l’annulation de la première décision confirmative.

15      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 14 et 19 juillet 2011, le Royaume de Danemark et la Commission européenne ont demandé à intervenir dans l’affaire au soutien des conclusions, respectivement, des requérantes et de l’EFSA. Ces interventions ont été admises par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 23 septembre 2011.

16      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.

17      Le 30 janvier 2012, l’EFSA a déposé sa duplique au greffe du Tribunal. Elle a fait valoir que, après l’adoption de la décision du 12 décembre 2011, le recours était devenu sans objet, les requérantes n’ayant plus d’intérêt à obtenir l’annulation de la première décision confirmative. L’EFSA a invité le Tribunal à constater qu’il n’y avait plus lieu de statuer.

18      Le 14 mars 2012, les requérantes ont présenté des observations sur la demande de non-lieu à statuer figurant dans la duplique. Elles ont présenté une demande d’adaptation de leurs moyens et conclusions à la suite de l’adoption de la décision du 12 décembre 2011 tendant à ce que leur recours soit considéré comme étant désormais dirigé à l’encontre de cette dernière décision, par laquelle l’EFSA a refusé de communiquer le nom des auteurs des observations sur le projet d’orientation. Dans leurs observations, elles ont présenté plusieurs arguments tendant à démontrer que ce refus était illégal.

19      Le 13 août 2012, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité l’EFSA, la Commission et le Royaume de Danemark à présenter des observations sur la demande des requérantes d’adapter leurs moyens et conclusions, ainsi que sur les arguments qu’elles avaient présentés à l’appui de leur demande d’annulation de la décision du 12 décembre 2011.

20      L’EFSA, la Commission et le Royaume de Danemark ont déféré à cette demande par lettres du 14 septembre 2012. L’EFSA et la Commission font valoir que la demande des requérantes d’adapter leurs moyens et conclusions devrait être accueillie dans la mesure où ceux-ci visent l’annulation de la décision du 12 décembre 2011, mais qu’il n’y aurait plus lieu de statuer sur les moyens et conclusions présentés à l’appui de la demande d’annulation de la première décision confirmative. Le Royaume de Danemark fait valoir que la demande des requérantes devrait être accueillie. 

21      Par lettre reçue au greffe du Tribunal le 12 mars 2013, le Royaume de Danemark a informé le Tribunal qu’il renonçait à intervenir au soutien des conclusions des requérantes dans la présente affaire. Par ordonnance du président de la sixième chambre du 9 avril 2013, il a été rayé du registre en tant que partie intervenante.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 10 avril 2013.

23      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que l’EFSA a violé l’article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus ») ;

–        déclarer que l’EFSA a violé l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 ;

–        déclarer que l’EFSA a violé l’article 8, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 1049/2001 ;

–        annuler la première décision confirmative ;

–        condamner l’EFSA aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes.

24      Dans la réplique, les requérantes concluent également à ce qu’il plaise au Tribunal de constater que l’EFSA a violé l’article 4, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus.

25      Dans leurs observations du 14 mars 2012 sur la duplique, les requérantes demandent la possibilité d’adapter leurs conclusions et moyens à la suite de l’intervention de la décision du 12 décembre 2011 et concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la « réponse négative par laquelle l’EFSA exclut des parties du contenu des documents requis » ;

–        condamner l’EFSA aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes.

26      Dans le mémoire en défense, l’EFSA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        rejeter l’exception d’illégalité du règlement no 1367/2006 qui aurait été soulevée par les requérantes ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

27      Dans la duplique, l’EFSA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

28      Dans sa lettre du 14 septembre 2012, l’EFSA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande des requérantes « tendant à annuler la décision de l’EFSA de réponse confirmative » ;

–        rejeter « la modification des moyens invoqués et des conclusions, ainsi que le nouveau recours en annulation concernant la décision […] du 12 décembre 2011 » ;

–        déclarer, au vu de la décision du 12 décembre 2011, que « l’affaire est sans objet eu égard aux moyens initialement invoqués et qu’il n’est pas nécessaire de statuer à son sujet » ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

29      Dans sa lettre du 14 septembre 2012, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, en tant qu’il est dirigé contre la première décision confirmative, comme étant sans objet ;

–        rejeter le recours, en tant qu’il est dirigé contre la décision du 12 décembre 2011, comme étant non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

30      À l’audience, les requérantes ont confirmé que leur demande d’annulation visait désormais la décision du 12 décembre 2011. En outre, elles ont précisé que les moyens qu’elles invoquaient à l’appui de cette demande étaient, premièrement, celui tiré de l’inapplicabilité en l’espèce de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 ainsi que du règlement no 45/2001, deuxièmement, celui tiré de l’existence d’un intérêt public justifiant la divulgation de l’information litigieuse, conformément à l’article 8, sous a) et b), du règlement no 45/2001, et, troisièmement, celui tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 En droit

 Observations liminaires

31      L’article 41, paragraphe 1, du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’EFSA et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1642/2003 du Parlement et du Conseil, du 22 juillet 2003 (JO L 245, p. 4), prévoit l’application du règlement no 1049/2001 aux demandes d’accès aux documents détenus par l’EFSA. Aux termes de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 178/2002, tel que modifié, les décisions prises par l’EFSA, en application de l’article 8 du règlement no 1049/2001, sur les demandes confirmatives, sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant le Tribunal, dans les conditions prévues à l’article 228 TFUE et à l’article 263 TFUE.

 Sur l’adaptation des conclusions et moyens des requérantes

32      Comme il a été indiqué ci-dessus, la première décision confirmative, initialement visée par la demande d’annulation dans le cadre du recours introduit par les requérantes, a été, après le dépôt de la requête, remplacée par la décision de l’EFSA du 12 décembre 2011. Cette modification a conduit les requérantes à adapter leurs conclusions initiales ainsi que les moyens présentés à l’appui de ces conclusions. Les autres parties ne se sont pas opposées à cette adaptation.

33      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions initialement dirigées contre un acte remplacé en cours d’instance peuvent être considérées comme dirigées contre l’acte de substitution, ce dernier constituant un élément nouveau permettant à la partie requérante d’adapter ses conclusions et moyens. Dans une telle hypothèse, il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger la partie requérante à introduire un nouveau recours devant le Tribunal [voir arrêt du Tribunal du 10 octobre 2001, British American Tobacco International (Investments)/Commission, T‑111/00, Rec. p. II-2997, point 22, et la jurisprudence citée]. Il y a donc lieu d’accepter l’adaptation des conclusions et moyens et de considérer que le recours vise désormais l’annulation de la décision de l’EFSA du 12 décembre 2011.

 Sur la demande de non-lieu à statuer

34      L’EFSA et la Commission relèvent que, au point 9 de leurs observations sur la duplique, les requérantes ont indiqué que leurs moyens « tels qu’initialement formés […] restent pertinents et doivent être modifiés […] pour prendre en compte la nouvelle décision attaquée ». L’EFSA et la Commission font valoir que ces moyens, tels qu’initialement formés, étaient dirigés à l’encontre de la première décision confirmative, fondée sur l’exception au droit d’accès aux documents tirée de la protection du processus décisionnel de l’EFSA. Ils seraient devenus sans objet à la suite de l’adoption de la décision du 12 décembre 2011, fondée sur une exception différente. Le Tribunal devrait donc considérer qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ces moyens. L’EFSA et la Commission font également valoir que, à la suite de l’intervention de la décision du 12 décembre 2011, qui a notamment retiré la première décision confirmative, les conclusions des requérantes tendant à l’annulation de cette décision sont devenues sans objet.

35      Il ressort des observations des requérantes sur la duplique, ainsi que des arguments qu’elles ont présentés lors de l’audience, qu’elles ne demandent, dans le dernier état de la procédure, que l’annulation de la décision du 12 décembre 2011, en vertu des seuls arguments présentés dans ces observations, tels qu’articulés dans les trois moyens visés au point 30 ci‑dessus. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner les demandes de non-lieu à statuer présentées par l’EFSA et par la Commission.

 Sur les moyens présentés au soutien de la demande d’annulation partielle de la décision du 12 décembre 2011

36      À la suite de l’adaptation de leurs conclusions et moyens, les requérantes soulèvent, en substance, trois moyens à l’appui de leur demande d’annulation. Ces moyens sont tirés, premièrement, de l’inapplicabilité à la présente affaire de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 ainsi que du règlement no 45/2001, deuxièmement, de l’existence de raisons d’intérêt public justifiant la divulgation du nom des experts, membres du PPR et du PSC, ayant soumis chaque observation sur le projet d’orientation (ci‑après l’« information litigieuse »), conformément à l’article 8, sous a) et b), du règlement no 45/2001, et, troisièmement, d’une violation de l’obligation de motivation.

37      Dans sa lettre du 14 septembre 2012, l’EFSA avait fait valoir, en substance, que les deux derniers moyens était irrecevables, les requérantes présentant des arguments qui auraient dû figurer dans la demande confirmative. Toutefois, lors de l’audience, l’EFSA a renoncé à opposer les fins de non-recevoir qu’elle avait présentées à l’encontre de ces moyens. Quant à la Commission, elle a indiqué, lors de l’audience, que ces moyens ne devaient pas être déclarés irrecevables, même s’ils n’avaient pas été présentés devant l’EFSA dans la demande confirmative.

38      Il convient d’examiner, d’abord, le premier moyen, ensuite, le troisième moyen et, enfin, le deuxième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de l’inapplicabilité à la présente affaire de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 ainsi que du règlement no 45/2001

39      L’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, sur lequel l’EFSA a notamment fondé son refus d’accès à l’information litigieuse dans la décision du 12 décembre 2011, prévoit que « [l]es institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection […] de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation [de l’Union] relative à la protection des données à caractère personnel ». Il ressort de la jurisprudence qu’il s’agit d’une disposition indivisible qui exige que l’atteinte éventuelle à la vie privée et à l’intégrité de l’individu soit toujours examinée et appréciée en conformité avec la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel, notamment avec le règlement no 45/2001. Cette disposition établit ainsi un régime spécifique et renforcé de protection d’une personne dont les données à caractère personnel pourraient, le cas échéant, être communiquées au public (arrêt de la Cour du 29 juin 2010, Commission/Bavarian Lager, C‑28/08 P, Rec. p. I‑6055, points 59 et 60, et arrêt du Tribunal du 7 juillet 2011, Valero Jordana/Commission, T‑161/04, non encore publié au Recueil, point 87).

40      Il s’ensuit que, lorsqu’une demande fondée sur le règlement no 1049/2001 vise à obtenir l’accès à des documents comprenant des données à caractère personnel, les dispositions du règlement no 45/2001 deviennent intégralement applicables (arrêts Commission/Bavarian Lager, point 39 supra, point 63, et Valero Jordana/Commission, point 39 supra, point 88).

41      Il convient donc d’examiner si l’information litigieuse constitue un ensemble de données à caractère personnel, ce que les requérantes contestent en faisant valoir plusieurs arguments.

42      Toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable peut être considérée, aux termes de l’article 2, sous a), du règlement no 45/2001, comme « données à caractère personnel ». Le considérant 7 de ce règlement indique que les personnes susceptibles d’être protégées sont celles dont les données à caractère personnel sont traitées par les institutions ou organes de l’Union dans quelque contexte que ce soit, par exemple parce que ces personnes sont employées par ces institutions ou organes.

43      En l’espèce, l’EFSA a communiqué aux requérantes toutes les observations sur le projet d’orientation présentées par les experts membres du PPR et du PSC. Les requérantes connaissent également le nom de ces experts. En effet, il ressort du dossier que le nom, la biographie et une déclaration d’intérêts de chacun des experts concernés ont été divulgués sur le site Internet de l’EFSA. La seule information relative aux observations en cause dont les requérantes ne disposent pas est le lien entre chaque observation et son auteur, comme les requérantes l’ont indiqué lors de l’audience. Elles demandent à l’EFSA de leur permettre de connaître ce lien, c’est-à-dire le nom de l’auteur de chaque observation.

44      À cet égard, d’une part, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence que le nom d’une personne peut être considéré comme une donnée à caractère personnel même dans des situations dans lesquelles il existe un lien professionnel entre la personne et l’institution concernées (voir, en ce sens, arrêts Commission/Bavarian Lager, point 39 supra, point 68, et Valero Jordana/Commission, point 39 supra, point 91).

45      D’autre part, la Cour a considéré que la liste des participants à une réunion organisée par la Commission, à laquelle avaient assisté des représentants d’une confédération d’entreprises, figurant dans le procès‑verbal de cette réunion, contenait des données à caractère personnel au sens de l’article 2, sous a), du règlement no 45/2001, car les participants pouvaient être identifiés (voir, en ce sens, arrêt Commission/Bavarian Lager, point 39 supra, point 70).

46      Il y a donc lieu de considérer que l’information litigieuse, qui permet d’identifier personnellement les auteurs de certaines observations et dont la nature est analogue à celle de l’information demandée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Bavarian Lager, point 39 supra, est un ensemble de données à caractère personnel, au sens de la disposition visée au point 45 ci-dessus, même si elle est détenue par l’EFSA dans un contexte professionnel.

47      L’examen et l’appréciation de la demande d’accès présentée par les requérantes étaient donc soumis, en ce qui concerne l’information litigieuse, aux dispositions du règlement no 45/2001 (voir, en ce sens, arrêt Valero Jordana/Commission, point 39 supra, point 92).

48      Cette conclusion ne saurait être infirmée par aucun des arguments présentés par les requérantes.

49      À cet égard, tout d’abord, les requérantes font valoir que, comme il a été indiqué au point 43 ci‑dessus, l’EFSA a divulgué le nom, la biographie et une déclaration d’intérêts de chacun des experts concernés. Selon les requérantes, il en découle que le nom de ces experts ne peut pas être considéré comme une donnée à caractère personnel.

50      Or, le fait que ces experts soient répertoriés sur un site Internet public n’implique pas nécessairement que leurs noms aient perdu leur nature de données à caractère personnel, au sens de l’article 2, sous a), du règlement no 45/2001.

51      Par ailleurs, comme l’EFSA le fait valoir à juste titre, dans son arrêt du 23 novembre 2011, Dennekamp/Parlement (T‑82/09, non encore publié au Recueil, points 42 à 46), le Tribunal a considéré que le nom des membres du Parlement européen affiliés à un système de pensions précis était une donnée à caractère personnel au sens du règlement no 45/2001 alors même que le nom de tous les membres du Parlement était publié.

52      Il y a donc lieu de rejeter le premier argument des requérantes visant à démontrer que l’information litigieuse ne contiendrait pas des données à caractère personnel.

53      Ensuite, les requérantes font valoir que le Tribunal a jugé, dans son arrêt du 11 mars 2009, Borax Europe/Commission (T‑121/05, non publié au Recueil, point 70), qu’un avis d’expert devait être divulgué même s’il pouvait être de nature à susciter des polémiques ou à dissuader la personne l’ayant formulé d’apporter sa contribution au processus décisionnel d’une institution.

54      En premier lieu, il convient de relever que l’arrêt Borax Europe/Commission, point 53 supra, est antérieur à l’arrêt Commission/Bavarian Lager, point 39 supra. Or, c’est dans ce dernier arrêt que la Cour a précisé les règles selon lesquelles les institutions de l’Union doivent examiner les demandes d’accès à des documents comprenant des données à caractère personnel.

55      En second lieu, il ne découle pas de l’arrêt Borax Europe/Commission, point 53 supra, que le nom de tout expert ayant fait des observations sur un acte de l’Union ne pourrait pas être considéré comme une donnée à caractère personnel. En effet, le Tribunal ne s’est pas prononcé, dans cet arrêt, sur la question de savoir si le nom des experts concernés devait être considéré comme une telle donnée. Le Tribunal a uniquement établi que la Commission n’avait pas justifié de manière suffisamment concrète, dans l’affaire à l’origine dudit arrêt, que la divulgation de l’identité de ces experts pourrait porter préjudice à leur intégrité (arrêt Borax Europe/Commission, point 53 supra, points 40 et 41).

56      Le deuxième argument des requérantes, visant à démontrer que l’information litigieuse ne contient pas de données à caractère personnel, doit, dès lors, être rejeté.

57      Enfin, les requérantes font valoir que l’EFSA n’a mentionné à aucun stade de la procédure que les experts en cause se seraient opposés à la communication de leur nom.

58      Toutefois, aucune disposition du règlement no 45/2001 n’exige, pour pouvoir considérer qu’une information relative à une personne est une donnée à caractère personnel, que la personne concernée se soit opposée préalablement à sa divulgation.

59      Le troisième argument doit, partant, être également rejeté.

60      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’EFSA pouvait considérer sans commettre d’erreur que l’information litigieuse constituait un ensemble de données à caractère personnel. Ainsi, l’EFSA pouvait examiner la demande confirmative au regard de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et du règlement no 45/2001.

61      Le présent moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

62      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Valero Jordana/Commission, point 39 supra, point 48, et la jurisprudence citée).

63      S’agissant d’une demande d’accès aux documents, lorsque l’institution en cause refuse un tel accès, elle doit démontrer dans chaque cas d’espèce, sur la base des informations dont elle dispose, que les documents auxquels l’accès est sollicité relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement no 1049/2001 (voir arrêt Valero Jordana/Commission, point 39 supra, point 49, et la jurisprudence citée).

64      Quant aux décisions par lesquelles une institution rejette une demande d’accès à une information contenant des données à caractère personnel au motif qu’elle est couverte par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, tirée de la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, il convient de relever, d’une part, que ces données ne peuvent être transférées que si leur destinataire démontre la nécessité du transfert et s’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée, en vertu de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001, que les institutions sont tenues de respecter lorsqu’elles sont saisies d’une demande d’accès à des documents comprenant des données à caractère personnel (arrêts Commission/Bavarian Lager, point 39 supra, point 63, et Valero Jordana/Commission, point 39 supra, point 88). D’autre part, lorsque le destinataire ne fournit aucune justification expresse et légitime, ni aucun argument convaincant afin de démontrer la nécessité du transfert des données personnelles, l’institution saisie n’est en mesure ni de mettre en balance les différents intérêts des parties en cause ni de vérifier s’il n’existe aucune raison de penser que le transfert de ces données pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes des personnes concernées et peut donc rejeter la demande d’accès en cause (voir, en ce sens, arrêt Commission/Bavarian Lager, point 39 supra, points 78 et 79).

65      En l’espèce, les requérantes reprochent à l’EFSA de ne pas avoir indiqué les motifs spécifiques pour lesquels la divulgation de l’information litigieuse présenterait un risque d’atteinte à la protection de la vie privée des experts concernés. En l’absence de cette motivation, il serait impossible de déterminer si l’EFSA cherchait à protéger le nom des experts, qui relevait déjà de l’information publique, ou le lien entre chaque nom et chaque observation faite sur le projet d’orientation, ce qui ne serait pas une donnée à caractère personnel. Par ailleurs, serait en cause une information de nature environnementale. Or, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, applicable aux demandes de telles informations, les motifs de refus prévus à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 « doivent être interprétés de manière stricte compte tenu de l’intérêt public que présente la divulgation ». En ne fournissant aucun motif démontrant pourquoi le nom des experts ne devait pas être divulgué, l’EFSA n’aurait pas rempli ce critère.

66      L’EFSA conteste les arguments des requérantes.

67      Comme il a été indiqué au point 13 ci‑dessus, l’EFSA a signalé, dans la décision du 12 décembre 2011, que l’information litigieuse devait être considérée comme un ensemble de données à caractère personnel au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et du règlement no 45/2001. L’EFSA a indiqué que la divulgation du nom d’un individu devait être considérée comme un transfert de données à caractère personnel au sens de l’article 8 du règlement no 45/2001. Enfin, l’EFSA a considéré que les conditions pour le transfert de données à caractère personnel n’étaient pas remplies.

68      Or, les requérantes n’ont fourni aucune justification, avant l’adoption de la décision du 12 décembre 2011, visant à démontrer que le transfert de données à caractère personnel qu’elles sollicitaient était nécessaire. L’EFSA n’était donc pas en mesure de mettre en balance les différents intérêts des parties, ni de vérifier qu’il n’existait aucune raison de penser que le transfert pouvait porter atteinte aux intérêts légitimes des personnes concernées. Elle ne pouvait, dès lors, pas motiver à cet égard la décision en cause.

69      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de relever que la motivation de la décision du 12 décembre 2011 est suffisante et, donc, de rejeter le présent moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’existence d’un intérêt public justifiant la divulgation de l’information litigieuse, conformément à l’article 8, sous a) et b), du règlement no 45/2001

70      Comme il a été rappelé au point 64 ci-dessus, lorsque les institutions sont saisies d’une demande d’accès à des documents qui contiennent des données à caractère personnel, ces documents ne peuvent être transférés à des demandeurs tels que les requérantes que si ces demandeurs démontrent la nécessité du transfert et s’il n’existe aucune raison de penser que le transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée, en conformité avec l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001.

71      Les requérantes présentent trois arguments qui démontreraient que la divulgation de l’information litigieuse était justifiée par des raisons d’intérêt public et, donc, que le transfert de cette information était nécessaire. L’EFSA et la Commission contestent ces arguments.

72      Les trois arguments visés au point 71 ci-dessus ont été présentés par les requérantes pour la première fois devant le Tribunal. À cet égard, il ressort du dossier que, dans la décision du 1er décembre 2010 et la première décision confirmative, l’EFSA s’était fondée uniquement sur l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001 pour refuser l’accès aux documents sollicités. Ce n’est que dans la décision du 12 décembre 2011, prise après l’introduction du recours, que l’EFSA s’est fondée, pour la première fois, sur l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement et sur l’article 8 du règlement no 45/2001. Il convient également de rappeler que, par la décision du 12 décembre 2011, l’EFSA a remplacé la décision confirmative. À la suite de cette nouvelle décision, l’objet du recours est limité à la divulgation de l’information litigieuse.

73      Devant le Tribunal, les parties ont débattu du deuxième moyen et, lors de l’audience, l’EFSA et la Commission ont estimé que le Tribunal pouvait examiner celui-ci.

74      Eu égard aux circonstances de l’affaire, telles que précisées aux points 72 et 73 ci‑dessus, il convient d’examiner les arguments présentés dans le cadre du deuxième moyen.

75      Premièrement, les requérantes font valoir qu’il existe une exigence générale de transparence, comme il ressortirait de l’article 1er TUE, de l’article 11, paragraphe 2, TUE et de l’article 15 TFUE. La Cour exigerait que les décisions prises par les autorités publiques ne soient pas dissimulées et aurait indiqué que l’absence d’information et de débat était susceptible de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens quant à la légalité d’un acte isolé et à la légitimité du processus décisionnel.

76      Or, l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et de l’article 8 du règlement no 45/2001 ne saurait être écartée sur le fondement de dispositions générales des traités.

77      En effet, l’article 15, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE prévoit que les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice du droit d’accès aux documents des citoyens, sont fixés par voie de règlements par le Parlement et le Conseil de l’Union européenne, statuant conformément à la procédure législative ordinaire. Ainsi, le règlement no 1049/2001, adopté sur le fondement de l’article 15, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE, fixe ces principes généraux et ces limites en ce qui concerne le droit d’accès aux documents détenus par l’EFSA. Parmi ces limites figure l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, tirée de la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu. Cette disposition renvoie à la législation de l’Union relative à la protection des données à caractère personnel et, donc, notamment, au règlement no 45/2001, qui a été adopté sur le fondement de l’article 16 TFUE.

78      Il convient donc de rejeter le premier argument des requérantes visant à démontrer que la divulgation de l’information litigieuse était justifiée.

79      Deuxièmement, les requérantes font valoir que la confidentialité de l’identité des experts en cause contribue à créer de la méfiance envers l’EFSA, souvent accusée de partialité et de composer ses organes avec des membres ayant des intérêts personnels. Une récente étude de PAN Europe aurait constaté que huit des treize membres d’un groupe de travail de l’EFSA étaient liés à des lobbies industriels. Divulguer l’identité des experts serait donc nécessaire. Les avis et l’identité des experts conseillant les institutions devraient, en fait, être considérés systématiquement comme des données publiques pour assurer la transparence du processus décisionnel.

80      À cet égard, il y a lieu de constater que les requérantes, ainsi qu’elles l’ont indiqué à plusieurs reprises dans leurs mémoires et lors de l’audience, ont été informées du nom des experts concernés et ont obtenu les déclarations d’intérêt de ceux-ci. En outre, elles n’ont mis en cause l’indépendance d’aucun de ces experts. Dans ces circonstances, sans qu’il soit besoin d’examiner si la mise en cause de l’indépendance d’un expert ayant soumis des observations sur une proposition législative ou décisionnelle pourrait en elle-même justifier un transfert de données à caractère personnel concernant ledit expert, il ne saurait être considéré que les requérantes ont démontré la nécessité du transfert des données qu’elles demandent.

81      Le deuxième argument présenté par les requérantes doit donc être rejeté.

82      Troisièmement, les requérantes font valoir que les seuls intérêts légitimes des experts concernés, qui ont déjà accepté que l’EFSA divulgue leurs nom et biographie sur son site Internet, sont que leur identité ne soit pas détournée, que leur réputation ne soit pas atteinte et que leurs avis ne soient pas dénaturés. Tout autre intérêt serait de nature personnelle et ne devrait pas être protégé. Enfin, selon la jurisprudence, un avis devrait être divulgué même si cela peut susciter une pression extérieure sur son auteur.

83      À cet égard, il suffit de relever qu’il ressort clairement de la lecture de l’article 8, sous b), du règlement no 45/2001 que les conditions mentionnées dans cette disposition et devant être remplies pour qu’une institution puisse transférer des données à caractère personnel, à savoir que le destinataire démontre la nécessité du transfert et qu’il n’existe aucune raison de penser que ce transfert pourrait porter atteinte aux intérêts légitimes de la personne concernée, sont cumulatives. Dans la mesure où les requérantes n’ont pas démontré en l’espèce que le transfert des données à caractère personnel qu’elles demandaient était nécessaire, la détermination des intérêts légitimes des personnes concernées, auxquels le transfert ne devrait pas porter atteinte pour pouvoir être autorisé, n’est pas requise.

84      Le troisième argument des requérantes, visant à démontrer que la divulgation de l’information litigieuse était justifiée, est, partant, inopérant.

85      Eu égard à l’ensemble de considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

86      Dès lors, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

87      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

88      En l’espèce, l’EFSA, en cours d’instance, a donné accès à tous les documents que les requérantes avaient sollicités dans la demande confirmative, dont le refus d’accès avait donné lieu à l’introduction du présent recours, à l’exception de l’information litigieuse. Eu égard à ces circonstances exceptionnelles, il y a lieu d’ordonner que les requérantes et l’EFSA supporteront leurs propres dépens.

89      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      ClientEarth et Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et la Commission européenne supporteront chacune leurs propres dépens.

Kanninen

Soldevila Fragoso

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.