Language of document : ECLI:EU:T:2023:764

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

29 novembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative TVR – Marque de l’Union européenne figurative antérieure TVR ITALIA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 – Droit à un procès équitable – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑53/23,

TVR Automotive Ltd, établie à Walliswood (Royaume-Uni), représentée par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

TVR Italia Srl, établie à Milan (Italie),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. F. Schalin, président, I. Nõmm et D. Kukovec (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, TVR Automotive Ltd, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 octobre 2022 (affaire R 1493/2018‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 1er octobre 2013, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant notamment de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, parmi lesquels figurent, entre autres, ceux correspondant à la description suivante : « Voitures ; accessoires aérodynamiques pour carrosseries de véhicules ; habillages aérodynamiques de véhicules ; habillages aérodynamiques de véhicules ; profils aérodynamiques pour véhicules aériens ; surfaces portantes pour véhicules terrestres ; profils aérodynamiques pour véhicules marins ; profils aérodynamiques pour véhicules aquatiques ; appareils, machines et dispositifs pour l’aéronautique ; avions ; aéronefs ; véhicules amphibies ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; automobiles ; véhicules automobiles ; cadres de cycles ; vélos ; canots ; voitures ; composants de freins pour véhicules ; vélos ; machines motrices pour véhicules terrestres ; moteurs électriques pour véhicules terrestres ; véhicules électriques ; moteurs pour véhicules terrestres ; moteurs pour véhicules terrestres à moteur ; remorques pour équipements ; hélicoptères ; avions à réaction ; bateaux à tuyère ; véhicules terrestres ; motocyclettes ; carrosseries de véhicules à moteur ; motos ; transmissions pour véhicules terrestres ; bateaux électriques ; pneus ; véhicules terrestres de tourisme ; tricycles ; camions ; camionnettes ; carrosseries de véhicules ; matériel de carrosserie ; véhicules à locomotion par terre, par air, par eau et sur rail ; véhicules aquatiques ; freins de roue ; jantes ; rotors ; pare-brise ; yachts ; pièces de carrosserie pour véhicules ».

4        Le 11 février 2014, l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, TVR Italia Srl, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], notamment pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée notamment sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure, désignant les produits relevant de la classe 12 et correspondant à la description suivante : « Camions ; cyclomoteurs ; bicyclettes ; tricycles ; tracteurs ; bus ; avions ; hélicoptères ; planeurs ; bateaux ; canots pneumatiques ; navires ; appareils de locomotion par air ou par eau ; parties constitutives de bicyclettes et de vélomoteurs ; parties constitutives d’embarcations et d’avions », reproduite ci-après :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était, notamment, celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

7        Le 30 mai 2018, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition pour les produits visés au point 3 ci-dessus en rejetant la demande d’enregistrement pour lesdits produits.

8        Le 31 juillet 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition, dans la mesure où l’opposition a été accueillie. Le 4 octobre 2021, elle a déposé un mémoire exposant les motifs dudit recours, dans lequel il a été précisé que ce recours ne concernait que les produits suivants relevant de la classe 12 : « Voitures ; accessoires aérodynamiques pour carrosseries de véhicules ; habillages aérodynamiques de véhicules ; habillages aérodynamiques de véhicules ; surfaces portantes pour véhicules terrestres ; appareils de locomotion par terre ; automobiles ; véhicules automobiles ; voitures ; composants de freins pour véhicules ; machines motrices pour véhicules terrestres ; moteurs électriques pour véhicules terrestres ; véhicules électriques ; moteurs pour véhicules terrestres ; moteurs pour véhicules terrestres à moteur ; remorques pour équipements ; véhicules terrestres ; carrosseries de véhicules à moteur ; motos ; transmissions pour véhicules terrestres ; pneus ; véhicules terrestres de tourisme ; carrosseries de véhicules ; matériel de carrosserie ; véhicules à locomotion par terre et sur rail ; freins de roue ; jantes ; rotors ; pare-brise ; pièces de carrosserie pour véhicules ».

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que, s’agissant des produits faisant l’objet du recours, à savoir les produits visés au point 8 ci-dessus, il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a constaté, premièrement, que les produits en cause s’adressaient au grand public ainsi qu’aux professionnels dont le niveau d’attention pouvait varier de moyen à élevé. Deuxièmement, lesdits produits ont été considérés comme étant identiques ou similaires. Troisièmement, selon la chambre de recours, les marques en conflit étaient hautement similaires sur le plan visuel et identiques sur le plan phonétique, tandis qu’elles n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel. Quatrièmement, le caractère distinctif de la marque antérieure a été considéré comme étant normal. Cinquièmement, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent allemand.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit

12      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 1er octobre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis, ainsi qu’il est soutenu par la requérante, par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

13      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

 Sur le fond

14      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré, d’une part, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, d’autre part, de la violation du droit à un procès équitable et du principe de protection de la confiance légitime.

15      Au soutien de ce moyen, la requérante se limite à contester les appréciations de la chambre de recours relatives à la comparaison des produits concernés par les marques en conflit. En particulier, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de l’issue d’une autre procédure d’opposition entre les mêmes parties que celles présentes dans la présente affaire. Selon la requérante, la chambre de recours aurait dû fonder son analyse de la similitude desdits produits sur l’« interprétation » des décisions antérieures adoptées par les instances de l’EUIPO lors de cette procédure d’opposition et non sur une appréciation « de novo et indépendante ».

16      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

17      À titre liminaire, il convient de préciser que les griefs tirés de la violation du droit à un procès équitable et du principe de protection de la confiance légitime sont invoqués sans apporter de précision permettant au Tribunal d’en apprécier le bien-fondé.

18      Par ailleurs, la procédure d’opposition, à laquelle fait référence la requérante, a été initiée par son prédécesseur contre la marque antérieure dans la présente instance. Cette opposition était fondée notamment sur une marque verbale de l’Union européenne encore plus antérieure, à savoir « TVR », dont l’usage sérieux avait été démontré pour les produits relevant de la classe 12 et correspondant à la description suivante : « Voitures de sport ainsi que leurs parties constitutives ». Par une décision du 14 février 2011 de la division d’opposition (annexe A.6 de la requête), confirmée par une décision du 18 mars 2016 de la quatrième chambre de recours (annexe A.7 de la requête), il a été notamment constaté que les produits couverts par la marque antérieure, tels que visés au point 5 ci-dessus, n’étaient pas similaires aux « voitures de sport ainsi que leurs parties constitutives » relevant de la classe 12.

19      En outre, il convient d’observer que, par ordonnance du 9 septembre 2016, TVR Italia/EUIPO – TVR Automotive (TVR ITALIA) (T‑277/16, non publiée, EU:T:2016:546), le Tribunal a rejeté le recours contre la décision susmentionnée du 18 mars 2016 de la quatrième chambre de recours. De même, par ordonnance du 2 mars 2017, TVR Italia/EUIPO (C‑576/16 P, non publiée, EU:C:2017:165), la Cour a rejeté le pourvoi contre cet arrêt du Tribunal comme étant manifestement irrecevable.

20      À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement no 207/2009 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée, et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions que les chambres de recours sont conduites à prendre en vertu du règlement no 207/2009 doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union européenne, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure des chambres de recours (arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

21      Partant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours a, à bon droit, procédé à l’appréciation de la similitude des produits concernés sur le fondement des dispositions pertinentes du règlement no 207/2009, et non sur l’application et l’interprétation des décisions antérieures de l’EUIPO.

22      Deuxièmement, certes, conformément à la jurisprudence, lorsque les instances de l’EUIPO décident de retenir une appréciation différente de celle adoptée dans leurs décisions antérieures, il leur appartient, eu égard au contexte dans lequel elles adoptent leur nouvelle décision, l’invocation de telles décisions antérieures faisant partie dudit contexte, de motiver explicitement cette divergence par rapport auxdites décisions [voir ordonnance du 22 octobre 2020, Grammer/EUIPO (Représentation d’une figure géométrique), T‑833/19, non publiée, EU:T:2020:509, point 66 et jurisprudence citée].

23      Toutefois, force est de constater que la chambre de recours a explicitement indiqué les raisons pour lesquelles les conclusions faites dans les décisions antérieures de l’EUIPO, invoquées par la requérante, n’étaient pas transposables dans le cas d’espèce, de sorte que la requérante ne saurait lui reprocher d’avoir ignoré l’existence de ces décisions. En effet, la chambre de recours a constaté, au point 31 de la décision attaquée, que les produits en cause dans la présente affaire étaient différents des produits concernés dans les décisions antérieures.

24      Cette conclusion de la chambre de recours est d’ailleurs exempte d’erreur d’appréciation. En particulier, ainsi que cela ressort du point 18 ci-dessus, la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO invoquée par la requérante portait sur la comparaison entre les produits couverts par la marque antérieure et les « voitures de sport ainsi que leurs parties constitutives » relevant de la classe 12. Ainsi qu’il a été souligné par la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée, les voitures de sport ont une finalité particulière dès lors que leur conception vise essentiellement la vitesse et la rapidité. Or, dans la présente affaire, les produits couverts par la marque antérieure ont été comparés non pas aux « voitures de sport ainsi que leurs parties constitutives » relevant de la classe 12, mais à une variété plus large de produits relevant de la même classe, visés au point 3 ci-dessus, qui contenait, en substance, des véhicules et des voitures en général, dont la finalité ne saurait être limitée à celle des voitures de sport.

25      Il en découle que les décisions antérieures de l’EUIPO, dont se prévaut la requérante, s’inscrivent dans un cadre factuel différent de celui de la décision attaquée. Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en ce qu’elle n’a pas fondé ses conclusions quant à la similitude des produits en cause sur les appréciations figurant dans lesdites décisions.

26      Par conséquent, doivent être rejetés les arguments de la requérante concernant l’absence de prise en compte, par la chambre de recours, des décisions antérieures de l’EUIPO.

27      La requérante n’ayant soulevé aucun autre argument à l’appui du moyen unique et en l’absence de circonstance démontrant la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 ainsi que celle du droit à un procès équitable et du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rejeter ce moyen et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

28      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

29      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation des parties à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TVR Automotive Ltd et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront leurs propres dépens.

Schalin

Nõmm

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.