Language of document : ECLI:EU:F:2013:153

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

17 octobre 2013 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Renvoi au Tribunal après annulation – Rémunération – Allocations familiales – Allocation pour enfant à charge – Enfant atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité l’empêchant de subvenir à ses besoins – Demande de prorogation du versement de l’allocation »

Dans l’affaire F‑60/09 RENV,

ayant pour objet le renvoi du recours F‑60/09, initialement introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Gerhard Birkhoff, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Weitnau (Allemagne), représenté par Me C. Inzillo, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol, président, MM. R. Barents et K. Bradley (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

vu l’article 50 du règlement de procédure,

rend le présent

Arrêt

1        La présente affaire a été renvoyée au Tribunal par arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 29 novembre 2011, Birkhoff/Commission (T‑10/11 P, ci-après l’« arrêt de renvoi »), annulant l’arrêt du Tribunal du 27 octobre 2010, Birkhoff/Commission (F‑60/09, ci-après l’« arrêt du 27 octobre 2010 »), qui avait statué sur le recours, parvenu au greffe du Tribunal le 24 juin 2009, par lequel M. Birkhoff demandait, en substance, l’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 14 novembre 2008, lui refusant la prorogation, au-delà du 31 décembre 2008, du versement de l’allocation pour enfant à charge (ci-après l’« allocation en cause »), qu’il percevait depuis 1978, au titre de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), du chef de sa fille atteinte d’une infirmité.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 2 de l’annexe VII du statut :

« 1. Le fonctionnaire ayant un ou plusieurs enfants à charge bénéficie, dans les conditions énumérées aux paragraphes 2 et 3, d’une allocation [mensuelle] pour chaque enfant à sa charge.

2. Est considéré comme enfant à charge, l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, lorsqu’il est effectivement entretenu par le fonctionnaire.

[…]

3. L’allocation est accordée :

[…]

b)      sur demande motivée du fonctionnaire intéressé, pour l’enfant âgé de 18 ans à 26 ans qui reçoit une formation scolaire ou professionnelle.

[…]

5. La prorogation du versement de l’allocation est acquise sans aucune limitation d’âge si l’enfant se trouve atteint d’une maladie grave ou d’une infirmité qui l’empêche de subvenir à ses besoins, et pour toute la durée de cette maladie ou infirmité.

[…] »

3        La conclusion 223/04 approuvée par les chefs d’administration par procédure écrite le 7 avril 2004 et rendue applicable au sein de la Commission, en tant que directive interne, à partir du 1er mai 2004, par note du directeur général de la direction générale « Personnel et administration », du 24 mai 2004 (ci-après la « conclusion 223/04 »), dispose :

« Objet : Allocation pour enfant à charge. Notion d’enfant à charge (annexe VII, article 2, paragraphe 2, du statut). Seuil de revenus de l’enfant au-delà duquel il ne doit pas être considéré comme à charge de son parent fonctionnaire

[…]

1. Il y a lieu d’exprimer en un pourcentage du traitement de base d’un fonctionnaire de grade 1, premier échelon […] le seuil de revenu de l’enfant au-delà duquel il ne doit pas être considéré comme à charge de son parent fonctionnaire. Toutefois, l’enfant est considéré comme restant à charge du fonctionnaire lorsqu’il n’est pas couvert par un régime national d’assurance-maladie.

2. Ce pourcentage est :

pour les enfants jusqu’à 18 ans, 25 % du traitement de base d’un fonctionnaire de grade 1, premier échelon […] ;

pour les enfants de 18 à 26 ans, 40 % de ce traitement.

3. Les montants qui en découlent, à prendre en considération après déduction des charges sociales et avant déduction de l’impôt, sont affectés du coefficient correcteur fixé pour le pays dans lequel l’enfant exerce son activité professionnelle.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

4        À partir du 25 mars 1978, le requérant a bénéficié, en vertu de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut, de l’allocation en cause pour sa fille (ci-après « Mme Birkhoff »), née le 21 mai 1955.

5        Mme Birkhoff est paraplégique, suite à un accident survenu le 25 mars 1978. Depuis le 1er février 1998, elle dispose d’un revenu professionnel en tant que chercheur, d’abord, et, ensuite, en tant que professeur associé de médecine légale à l’Université de Varèse (Italie).

6        Par décision du 4 juillet 2001, la Commission a supprimé, avec effet à partir du 1er juillet 2001, le versement de l’allocation en cause au requérant au motif que les revenus professionnels de Mme Birkhoff excédaient un montant équivalent à 40 % du traitement de base d’un fonctionnaire de grade 1, premier échelon. Le 10 décembre 2001, le requérant a introduit un recours contre la décision susmentionnée devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes. Par son arrêt Birkhoff/Commission du 21 octobre 2003 (T‑302/01, ci-après l’« arrêt du 21 octobre 2003 »), le Tribunal de première instance a annulé la décision de la Commission du 4 juillet 2001 au motif que, avant d’examiner si le revenu de Mme Birkhoff excédait le montant équivalent à 40 % du traitement de base d’un fonctionnaire de grade 1, premier échelon, la Commission aurait dû déduire du revenu de Mme Birkhoff les frais particuliers liés à son infirmité au titre de circonstances particulières par rapport à une personne valide en pareille situation. Suite à l’arrêt du 21 octobre 2003, le requérant a continué à bénéficier de l’allocation en cause.

7        Le 30 juillet 2008, le requérant a introduit une demande de prorogation pour l’année civile suivante du versement de l’allocation en cause (ci-après la « demande de prorogation »), indiquant que Mme Birkhoff bénéficiait d’un revenu net mensuel de 1 346,37 euros, lequel, après déduction des frais qu’elle devait supporter, tant en raison de son infirmité que de son activité professionnelle, ne lui permettait pas de pourvoir à sa propre subsistance de manière autonome, et ce même en dépit du bénéfice de l’allocation en cause. Par lettre du 23 septembre 2008, la Commission a invité le requérant à apporter des précisions sur sa demande de prorogation et plus particulièrement à fournir une copie de la déclaration de revenus de Mme Birkhoff pour l’année 2007.

8        Se fondant sur les documents fournis par le requérant le 30 septembre 2008, la Commission a, par décision du 14 novembre 2008, rejeté la demande de prorogation (ci-après la « décision du 14 novembre 2008 ») au motif que le revenu brut, ou imposable, mensuel de Mme Birkhoff, lequel s’élevait à 2 137,66 euros, et, après déduction des frais liés à son infirmité à 1 397,56 euros, excédait le revenu maximal de l’enfant à charge fixé par la conclusion 223/04 pour qu’un fonctionnaire ait droit à l’allocation en cause, à savoir un montant, net de charges sociales, égal à 40 % du traitement de base d’un fonctionnaire de grade 1, premier échelon. Ce montant correspondait à 992,97 euros par mois en 2007.

9        Dans la décision du 14 novembre 2008, les frais susceptibles d’être déduits du revenu imposable de Mme Birkhoff étaient classés en trois catégories. La première catégorie comprenait les frais déductibles à 100 %, à savoir les frais d’équipement d’un véhicule permettant son utilisation par une personne handicapée, les frais d’achat et d’entretien d’une plateforme élévatrice pour personne en fauteuil roulant et les frais pour l’emploi d’une aide-ménagère. La deuxième catégorie portait sur les frais non déductibles, soit parce que dépourvus de lien avec l’infirmité (frais liés à la formation et à l’exercice de la profession de Mme Birkhoff, à savoir les frais de participation à des cours, à des congrès et à des associations scientifiques ainsi que les frais d’abonnement à des périodiques scientifiques), soit parce que non mesurables (frais de chauffage plus important du domicile de Mme Birkhoff et frais liés à l’usure plus rapide de ses vêtements en raison de son infirmité). À ces deux catégories venait s’ajouter une troisième, incluant notamment les frais d’achat et d’entretien d’un véhicule et les frais d’achat d’un téléphone portable devant permettre à Mme Birkhoff de demander de l’aide pour monter et descendre de la voiture, lesquels étaient déduits à concurrence de 30 %.

10      Par lettre du 4 décembre 2008, le requérant a, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision du 14 novembre 2008.

11      L’autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté la réclamation par décision du 2 avril 2009 (ci-après la « décision du 2 avril 2009 »), pour le même motif que celui énoncé dans la décision du 14 novembre 2008, en soulignant que le revenu de Mme Birkhoff à prendre en considération était son revenu mensuel brut, ou imposable, à savoir son revenu après déduction des charges sociales et avant déduction de l’impôt, et non son revenu net après impôt.

 Procédures devant le Tribunal et le Tribunal de l’Union européenne

12      Dans son recours introduit le 24 juin 2009, à l’appui de ses conclusions en annulation de la décision du 14 novembre 2008, le requérant invoquait un moyen unique, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut. Le requérant reprochait à la Commission d’avoir pris en considération le revenu brut, ou imposable, de Mme Birkhoff et non son revenu net après imposition fiscale.

13      En outre, le requérant mettait en cause, d’une part, le refus de la Commission de déduire à 100 % certains frais de Mme Birkhoff qui, selon la Commission, n’avaient aucun lien avec son infirmité et, d’autre part, la déduction à hauteur de seulement 30 % d’un ensemble de frais qui, selon la Commission, n’étaient que partiellement liés à son infirmité (voir point 9 du présent arrêt).

14      Le requérant se plaignait également de la violation de l’obligation de motivation, en ce que les calculs effectués par la Commission ne ressortiraient pas clairement de la décision du 14 novembre 2008.

15      Par son arrêt du 27 octobre 2010, le Tribunal a rejeté le recours en jugeant, en premier lieu, que c’était à juste titre que, pour déterminer la notion d’enfant « empêché de subvenir à ses besoins », selon l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut, la Commission avait pris en considération le revenu de Mme Birkhoff net de charges sociales et avant déduction de l’impôt, et non son revenu net de charges sociales après déduction de l’impôt (arrêt du 27 octobre 2010, point 37). En second lieu, le Tribunal a jugé que la procédure n’avait pas permis de déceler d’erreurs de faits, d’erreurs de droit ou d’erreurs manifestes d’appréciation dans la décision de la Commission de procéder à la déduction de certains frais de Mme Birkhoff à hauteur de 100 % ou de 30 % et à la non-déduction d’autres (arrêt du 27 octobre 2010, point 50).

16      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal de l’Union européenne le 3 janvier 2011, le requérant a formé un pourvoi, au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, contre l’arrêt du 27 octobre 2010. Ce pourvoi a été enregistré sous la référence T‑10/11 P.

17      Par son arrêt de renvoi, le Tribunal de l’Union européenne a accueilli le pourvoi formé par le requérant et annulé l’arrêt du 27 octobre 2010.

18      Le Tribunal de l’Union européenne a considéré, en effet, que le Tribunal avait commis une erreur de droit en estimant que la Commission, pour déterminer la notion d’enfant « empêché de subvenir à ses besoins », selon l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut, pouvait prendre en considération le revenu de l’enfant en question avant déduction de l’impôt, et non son revenu net après impôt (arrêt de renvoi, point 41).

19      En revanche, l’arrêt de renvoi a rejeté le grief du requérant relatif à une évaluation erronée des frais supportés par Mme Birkhoff en raison de son infirmité, en jugeant que le Tribunal avait à bon droit retenu « qu’il ne saurait être fait grief à la Commission – qui a déduit du revenu professionnel en cause non seulement tous les frais d’équipement d’un véhicule permettant son utilisation par la fille du requérant, mais aussi tous les frais d’achat et d’entretien d’une plateforme élévatrice pour son fauteuil roulant ainsi que tous les frais de son aide-ménagère – d’avoir commis une erreur de fait, une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation en refusant de déduire, d’une part, les frais liés à sa formation et à l’exercice de sa profession et, d’autre part, les frais, qualifiés de non mesurables, liés au chauffage plus important de son domicile et à l’usure plus rapide de ses vêtements en raison de son infirmité ainsi qu’en procédant à une déduction seulement partielle (30 %) de ses frais liés à l’achat et à l’entretien d’un véhicule et à l’achat d’un téléphone portable » (arrêt de renvoi, point 58).

20      Le Tribunal de l’Union européenne a également considéré qu’il ne pouvait pas non plus être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant « [qu’en] l’absence de toute règle statutaire en la matière ainsi que de toute démonstration par le requérant en ce sens, la fixation à précisément 30 % du taux de la déduction partielle susmentionnée n’est entachée ni d’erreur de fait, ni d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste d’appréciation, d’autant plus que les frais faisant l’objet de cette déduction partielle concernent des biens et des services utilisés à large échelle par toute personne, et pas seulement par les personnes handicapées » (arrêt de renvoi, point 60).

21      Après avoir annulé l’arrêt du 27 octobre 2010, le Tribunal de l’Union européenne n’a pas statué lui-même sur le litige en considérant qu’il n’était pas en état d’être jugé. En effet, selon le Tribunal de l’Union européenne, pour déterminer si le requérant avait droit à l’allocation en cause, il est également nécessaire de tenir compte des prestations éventuellement accordées au requérant par un régime national de sécurité sociale ou de bonification fiscale en raison de la situation particulière de Mme Birkhoff, ou à cette dernière elle-même au titre de son affiliation professionnelle, à condition que les montants correspondant à ces prestations soient effectivement touchés par le requérant pour le compte de sa fille ou directement par celle-ci (arrêt de renvoi, point 65).

22      À la suite du renvoi de l’affaire devant le Tribunal, les parties ont été invitées à présenter des mémoires d’observations écrites conformément à l’article 114 du règlement de procédure.

 Conclusions des parties et procédure

23      Par l’effet de l’arrêt de renvoi, le Tribunal est saisi des conclusions à fin d’annulation en première instance du requérant, par lesquelles celui-ci concluait à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 2 avril 2009 ;

–        annuler tout autre acte et/ou décision qui précède la décision du 2 avril 2009, y est lié ou en est la conséquence, en particulier la décision du 14 novembre 2008 ;

–        condamner la Commission à la liquidation des sommes non versées à compter du 1er janvier 2009, moyennant réévaluation et intérêts, jusqu’au paiement effectif ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

25      Le greffe du Tribunal a transmis aux parties, par lettres du 23 avril 2013, une proposition du Tribunal visant à mettre fin au litige par un règlement amiable. Ladite proposition n’a pas abouti.

26      Par lettres du 24 avril 2013, le greffe du Tribunal a informé les parties du traitement prioritaire de la présente affaire et de la fixation de l’audience au 13 juin 2013. En outre, par son rapport préparatoire d’audience, le juge rapporteur a invité le requérant à préciser si pour l’année 2007 Mme Birkhoff a effectivement perçu l’indemnité prévue par la loi italienne du 11 février 1980 no 18 (GURI no 44, du 14 février 1980) et le montant de cette indemnité, en transmettant au Tribunal, avant l’audience, tout document relatif au montant effectivement perçu. Le requérant a déféré à cette demande dans le délai imparti.

27      Le requérant et la Commission ont indiqué au Tribunal, par lettres, respectivement, du 29 mai 2013 et du 3 juin 2013, qu’ils n’assisteraient pas à l’audience.

28      Par décision du 19 juin 2013 le Tribunal a alors clôturé la procédure orale, en application de l’article 50 du règlement de procédure, et a mis la présente affaire en délibéré.

 En droit

 Sur l’objet des conclusions en annulation et sur les conclusions en annulation de tout acte et/ou décision qui précède la décision du 2 avril 2009 et y est lié ou en est la conséquence

29      Aux points 18 à 20 de l’arrêt du 27 octobre 2010, le Tribunal a jugé que les conclusions en annulation de la décision du 2 avril 2009 sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome et se confondent avec les conclusions en annulation de la décision du 14 novembre 2008. En outre, le Tribunal a jugé, au point 59 du même arrêt, que sont irrecevables les conclusions en annulation de tout acte et/ou décision qui précède la décision du 2 avril 2009 et qui y est lié ou qui en est la conséquence. Ces constats n’ont pas été remis en cause par l’arrêt de renvoi. Premièrement, il y a donc lieu de considérer que les conclusions en annulation sont dirigées contre la décision de la Commission du 14 novembre 2008 et contre tout acte et/ou décision qui précède la décision du 2 avril 2009, qui y est lié ou qui en est la conséquence. Deuxièmement, il y a lieu de rejeter comme irrecevables, en vertu de l’article 35 du règlement de procédure, les conclusions dirigées contre tout acte et/ou décision qui précède la décision du 2 avril 2009, qui y est lié ou qui en est la conséquence, dans la mesure où elles se bornent à renvoyer, en termes imprécis, à des décisions de la Commission qui ne peuvent ainsi être identifiées.

 Sur les conclusions en annulation de la décision du 14 novembre 2008

 Arguments des parties

30      Le requérant soutient que la décision du 14 novembre 2008 est illégale, car elle a été adoptée en violation de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut. Il se plaint, par ailleurs, de la violation de l’obligation de motivation, en ce que les calculs effectués par la Commission ne ressortiraient pas clairement de la décision du 14 novembre 2008.

31      Dans ses observations suite à l’arrêt de renvoi, le requérant conteste, en premier lieu, le calcul des montants des frais liés à l’infirmité de Mme Birkhoff à déduire du revenu de celle-ci, en affirmant en substance que la pondération effectuée par le médecin-conseil de la Commission serait entachée d’erreur.

32      En second lieu, le requérant affirme que la seule indemnité liée à la condition de Mme Birkhoff et perçue par celle-ci est l’indemnité pour l’aide d’une tierce personne, prévue par la loi italienne no 18 de 1980. Toutefois, cette indemnité ne devrait pas être prise en compte, car, d’une part, n’étant pas soumise à l’impôt sur le revenu, elle ne ferait pas partie du revenu de Mme Birkhoff et, d’autre part, elle est un soutien économique versé par l’État et non une prestation accordée par un régime national de sécurité sociale ou de bonification fiscale au requérant en raison de la situation particulière de Mme Birkhoff, ou à cette dernière elle-même au titre de son affiliation professionnelle, au sens du point 48 de l’arrêt du 21 octobre 2003.

33      La Commission conclut au rejet des arguments du requérant.

 Appréciation du Tribunal

34      Le Tribunal rappelle d’emblée que, selon l’article 13, paragraphe 2, de l’annexe I du statut de la Cour, il est lié par les points de droit tranchés par la décision de renvoi. Par conséquent, les conclusions en annulation de la décision du 14 novembre 2008 doivent être examinées en prenant en considération le revenu net de Mme Birkhoff après déduction de tous impôts, taxes et charges et en tenant compte d’éventuelles prestations accordées à Mme Birkhoff en raison de sa situation.

35      En revanche, en ce qui concerne le calcul des montants à déduire du revenu de Mme Birkhoff, force est de constater que le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le moyen du pourvoi du requérant qui visait la quantification des frais supportés par Mme Birkhoff, en estimant que la Commission avait procédé à cette quantification sans commettre d’erreur, le fait qu’elle se soit fondée sur un avis de son médecin-conseil étant à cet égard indifférent (arrêt de renvoi, point 62). Par conséquent, ladite quantification ne peut être remise en cause par le requérant à ce stade de la procédure, et le grief la concernant doit être rejeté comme irrecevable.

36      Quant à l’indemnité pour l’aide d’une tierce personne, le Tribunal estime qu’elle doit être prise en compte afin de vérifier si le requérant peut bénéficier des dispositions de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut.

37      En effet, le Tribunal de l’Union européenne a jugé qu’il est nécessaire de déduire du revenu net de Mme Birkhoff les « prestations éventuellement accordées par un régime national de sécurité sociale ou de bonification fiscale au requérant en raison de la situation particulière de [Mme Birkhoff], ou à cette dernière elle-même au titre de son affiliation professionnelle […] à condition que les montants correspondants à ces prestations soient effectivement touchés par le requérant pour le compte de sa fille ou directement par celle-ci ». Or, bien qu’il soit vrai que l’indemnité pour l’aide d’une tierce personne n’est pas accordée à Mme Birkhoff « en raison de son affiliation professionnelle », il n’est pas contesté par les parties que ladite indemnité est accordée par un régime national de sécurité sociale, est due à Mme Birkhoff en raison de son infirmité et est effectivement perçue par celle-ci. En outre, le fait que l’indemnité en question ne soit pas prise en compte par les autorités nationales pour calculer l’impôt sur le revenu est dépourvu de toute pertinence, les seuls éléments à prendre en considération étant la finalité de l’indemnité et le fait que Mme Birkhoff ait effectivement perçu l’indemnité en question.

38      Il ressort du dossier que le revenu mensuel net de Mme Birkhoff s’élevait, en 2007, à 1 346,37 euros par mois, que la Commission a reconnu un montant de 740,10 euros à déduire de ce revenu au titre de frais directement liés à son infirmité, que Mme Birkhoff percevait une allocation liée à sa condition s’élevant à 457,66 euros et que par conséquent, la somme de référence pour l’année 2007 est de 1063,93 euros. Or, le plafond résultant d’une application par analogie de la conclusion 223/04 correspondait à 992,97 euros. Partant, la décision du 14 novembre 2008 n’est pas entachée d’illégalité en ce qu’elle rejette la demande du requérant en raison du dépassement du plafond prévu par l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut, tel qu’interprété à la lumière d’une application par analogie de la conclusion 223/04.

39      Certes, la décision du 14 novembre 2008 se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle il serait nécessaire de prendre en considération le revenu brut de Mme Birkhoff. Toutefois, il doit être rappelé que l’administration ne peut substituer ou ajouter un motif à une décision en cours de procédure, sauf s’il s’avère qu’elle est en situation de compétence liée, de sorte que l’annulation éventuelle de la décision litigieuse ne pourrait avoir pour effet que d’obliger l’administration à reprendre une nouvelle décision, identique quant au fond, à la décision annulée (arrêts du Tribunal du 17 juin 2008, De Fays/Commission, F‑97/07, point 70, et du 14 avril 2011, Šimonis/Commission, F‑113/07, point 93, et la jurisprudence citée).

40      En l’espèce, il y a lieu de relever que l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut n’attribue à l’autorité compétente aucun pouvoir discrétionnaire pour accorder ou non le bénéfice de l’allocation en cause mais lui confère une compétence liée, en ce sens que sa rédaction impérative fait apparaître que l’autorité est tenue d’accorder l’allocation pour enfant à charge dès lors qu’elle constate que les conditions y énumérées sont remplies et de la refuser dans le cas contraire (arrêt du 21 octobre 2003, point 38). Force est donc de constater que même en prenant en considération le seul revenu net de Mme Birkhoff, l’administration ne pourrait que rejeter la demande du requérant.

41      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le grief fondé sur la violation de l’article 2, paragraphe 5, de l’annexe VII du statut.

42      En outre, doit être rejeté le grief, soulevé en première instance, tiré de l’insuffisance de motivation de la décision du 14 novembre 2008. En effet, comme le Tribunal l’a indiqué dans son arrêt du 27 octobre 2010, sans avoir été censuré par le Tribunal de l’Union dans son arrêt de renvoi, cette décision comporte à tout le moins un début de motivation, permettant à l’institution de fournir des informations complémentaires en cours d’instance et de s’acquitter ainsi de son obligation de motivation. C’est en l’occurrence ce qu’a fait la Commission en produisant, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure établies par le Tribunal en première instance, un avis émis le 23 janvier 2006 par le médecin-conseil auprès du bureau liquidateur de la Commission à Karlsruhe (Allemagne), dont dépend le requérant, relatif au calcul du pourcentage à concurrence duquel certains frais ont été effectivement déduits de son revenu (arrêt du 27 octobre 2010, points 15, 16 et 56).

43      Par conséquent, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation de la décision du 14 novembre 2008.

 Sur les conclusions tendant à la liquidation des sommes non versées à compter du 1er janvier 2009, moyennant réévaluation et intérêts, jusqu’au paiement effectif

44      Ces conclusions ont pour objet l’exécution de l’obligation qui pèserait sur la Commission si les conclusions en annulation étaient accueillies. Les conclusions en annulation ayant été rejetées, les conclusions susmentionnées tendant à la liquidation des sommes non versées à compter du 1er janvier 2009, moyennant réévaluation et intérêts, jusqu’au paiement effectif ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

45      Il s’ensuit que le présent recours doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

46      Il appartient au Tribunal de statuer dans le présent arrêt sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant le Tribunal de l’Union européenne, conformément à l’article 115 du règlement de procédure.

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

48      En l’espèce, s’agissant de la procédure devant le Tribunal de l’Union européenne, le pourvoi introduit par le requérant a été accueilli, de sorte que les dépens exposés par celui-ci dans l’affaire T‑10/11 P doivent être supportés par la Commission, laquelle supporte en outre ses propres dépens dans ladite affaire.

49      En revanche, en ce qui concerne les deux procédures devant le Tribunal, il résulte des motifs énoncés ci-dessus que le requérant a finalement succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens.

50      Toutefois, il y a lieu de constater que la décision du 14 novembre 2008 a été adoptée sur le fondement de la prémisse erronée de la nécessité de prendre en considération le revenu brut de Mme Birkhoff.

51      Dans ces conditions, et par application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il sera fait une juste appréciation des circonstances du litige en décidant que, pour les dépens afférents à l’affaire F‑60/09 la Commission supporte l’ensemble des dépens et que pour la présente procédure après renvoi chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par M. Birkhoff dans l’affaire F‑60/09 et dans l’affaire T‑10/11 P.

3)      Chaque partie supporte ses propres dépens dans l’affaire F‑60/09 RENV.

Rofes i Pujol

Barents

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 octobre 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       M. I. Rofes i Pujol

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu.


* Langue de procédure : l'italien.