Language of document : ECLI:EU:T:2014:1067

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 décembre 2014 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Pioneering for You – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑601/13,

Wilo SE, établie à Dortmund (Allemagne), représentée par Me B. Schneiders, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Schifko, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 11 septembre 2013 (affaire R 555/2013‑4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Pioneering for You comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 novembre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 février 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 juillet 2012, la requérante, Wilo SE, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Pioneering for You.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7, 9, 11, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Par décision du 5 mars 2013, l’examinateur a rejeté la demande de marque pour l’ensemble des produits et des services, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, au motif que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif à leur égard.

5        Le 22 mars 2013, la requérante a formé un recours, en vertu des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 11 septembre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

7        Premièrement, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé tant de consommateurs spécialisés, notamment du domaine de la mécanique, que de professionnels en général, de langue anglaise et dans les États membres anglophones, dont le niveau d’attention était plutôt faible, compte tenu du caractère de slogan publicitaire du signe demandé (points 6 et 19 de la décision attaquée). Deuxièmement, les composants « pioneering » et « for you » signifieraient respectivement « novateur » et « pour vous », de sorte que l’ensemble du signe demandé, formé conformément aux règles de la grammaire anglaise, exprimerait immédiatement et sans nécessiter une réflexion analytique le message « novateur pour vous » et « travail novateur pour vous ». Plus précisément, le composant « for you » s’adresserait au consommateur pour lui indiquer qu’il peut s’attendre à des résultats particulièrement positifs et à des solutions techniquement avancées en recourant aux produits et aux services de la requérante. Il s’agirait donc d’une déclaration globalement élogieuse qui pourrait être attribuée à tout fournisseur de tels produits ou services, sans les distinguer selon leur provenance (points 7 à 10 de la décision attaquée). Troisièmement, la chambre de recours a affirmé que les produits relevant de la classe 7, dont les « machines pour l’industrie des boissons », de la classe 9, dont les « appareils scientifiques », et de la classe 11, dont les « installations de chauffage », feraient tous l’objet d’une évolution technique et d’innovations brevetables. Il en irait de même des services relevant tant de la classe 37, dont ceux de la « construction », que de la classe 42, dont, notamment, les « services scientifiques ». Par ailleurs, le terme « pioneering » lui-même se présenterait comme une activité et donc comme un service (point 11 de la décision attaquée). Quatrièmement, au regard de la jurisprudence relative à l’appréciation du caractère distinctif de signes verbaux constituant des slogans publicitaires, la chambre de recours a constaté que le signe demandé ne pouvait être regardé comme contenant une plaisanterie ou un jeu de mots, mais exprimait tout au plus une certaine exagération, pourtant typique de la publicité. Vu que ledit signe ne nécessiterait pas d’interprétation, ne serait ni ambigu, ni amusant, ni inhabituel et ne contiendrait pas non plus de termes techniques connus par les seuls spécialistes, le public pertinent le comprendrait comme une déclaration positive, promotionnelle ou publicitaire typique pouvant être attribuée à tout prestataire et comportant le message selon lequel ledit public peut s’attendre à un travail novateur ou positif par rapport aux produits et aux services revendiqués, quelles que soient leur nature ou leur origine (points 12 à 17 de la décision attaquée). Dès lors, le signe demandé serait dépourvu de tout caractère distinctif par rapport à l’ensemble des produits et des services revendiqués (points 20 et 21 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

9        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

11      En premier lieu, la requérante fait valoir, en substance, être l’un des premiers producteurs mondiaux de pompes et de systèmes de pompage destinés aux techniques de chauffage, de réfrigération et de climatisation ainsi qu’à la distribution de l’eau et à l’évacuation des eaux résiduaires et faire un usage intensif du signe demandé, lequel aurait donc acquis une « notoriété accrue », et soumet plusieurs preuves documentaires à l’appui. L’OHMI conclut au rejet comme irrecevables de ces allégations et de ces preuves, au motif qu’elles auraient été avancées et soumises pour la première fois en cours d’instance et non lors de la procédure devant l’OHMI.

12      À cet égard, force est de constater que c’est à bon droit que l’OHMI avance que ces éléments de fait et de preuve ont été produits pour la première fois devant le Tribunal et que, partant, ils ne peuvent être pris en considération. En effet, il découle de l’article 65, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 que le Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celles-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres. Ainsi, des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et ce dernier ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui, sauf s’agissant de faits qui auraient dû faire l’objet d’un examen d’office par les instances de l’OHMI en vertu de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 [voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2011, LG Electronics/OHMI, C‑88/11 P, EU:C:2011:727, points 23 à 26 et jurisprudence citée ; du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec, EU:T:2005:420, point 19, et du 29 septembre 2010, Interflon/OHMI – Illinois Tool Works (FOODLUBE), T‑200/08, EU:T:2010:414, point 11]. En l’espèce, les nouveaux éléments de fait et de preuve produits par la requérante relèvent de sa propre sphère de responsabilité et elle n’a pas fait valoir qu’ils auraient dû faire l’objet d’un tel examen d’office. Dès lors, ces éléments ne sauraient affecter la légalité de la décision attaquée et il convient de les écarter sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probatoire.

13      En deuxième lieu, la requérante conteste l’affirmation exposée au point 19 de la décision attaquée selon laquelle le public pertinent ne serait doté que d’un degré d’attention « plutôt faible ». Les produits sollicités en l’espèce étant des produits technologiques très haut de gamme et non d’usage courant, il y aurait lieu de présumer un degré d’attention particulièrement élevé des consommateurs spécialisés, ce qui serait confirmé par les habitudes d’utilisation de slogans comme marques et indications d’origine sur le marché en cause.

14      En troisième lieu, la requérante soutient, en substance, que le signe demandé revêt le caractère minimal distinctif requis pour être enregistré en tant que marque. Il ne se réduirait pas à un message publicitaire ordinaire, mais posséderait une certaine originalité ou prégnance et nécessiterait un minimum d’effort d’interprétation ou déclencherait un processus cognitif auprès du public pertinent.

15      En quatrième lieu, la requérante avance que la décision attaquée irait à l’encontre de la pratique d’enregistrement de l’OHMI concernant des signes verbaux similaires et, partant, violerait le principe général d’« application uniforme du droit » de l’Union.

16      L’OHMI conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du présent recours.

17      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du même règlement énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’[Union] ».

18      Il ressort d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cet article signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec, EU:C:2004:260, point 32, et du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec, EU:C:2004:645, point 42). À cet effet, il n’est pas nécessaire que la marque transmette une information précise quant à l’identité du fabricant du produit ou du prestataire de services. Il suffit que la marque permette au public concerné de distinguer le produit ou le service qu’elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale et de conclure que tous les produits ou les services qu’elle désigne ont été fabriqués, commercialisés ou fournis sous le contrôle du titulaire de cette marque, auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité [voir arrêt du 8 février 2011, Paroc/OHMI (INSULATE FOR LIFE), T‑157/08, Rec, EU:T:2011:33, point 44 et jurisprudence citée].

19      Plus précisément, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêts du 20 mai 2009, CFCMCEE/OHMI (P@YWEB CARD et PAYWEB CARD), T‑405/07 et T‑406/07, Rec, EU:T:2009:164, point 33, et du 21 janvier 2011, BSH/OHMI (executive edition), T‑310/08, EU:T:2011:16, point 23] ainsi que de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec, EU:C:2008:261, point 56 et jurisprudence citée). Un minimum de caractère distinctif suffit toutefois pour que le motif absolu de refus au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne soit pas applicable [arrêt du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, Rec, EU:T:2009:364, point 16 et jurisprudence citée].

20      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts Procter & Gamble/OHMI, point 18 supra, EU:C:2004:260, point 33 ; du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec, EU:C:2006:422, point 25, et du 9 septembre 2010, OHMI/Borco-Marken-Import Matthiesen, C‑265/09 P, Rec, EU:C:2010:508, point 32).

21      En outre, dans le cas d’une marque composée de plusieurs éléments, un éventuel caractère distinctif peut être examiné, en partie, pour chacun de ses termes ou de ses éléments, pris séparément, mais doit, en tout état de cause, dépendre d’un examen de l’ensemble qu’ils composent. En effet, la seule circonstance que chacun de ces éléments, pris séparément, est dépourvu de caractère distinctif n’exclut pas que la combinaison qu’ils forment puisse présenter un caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêts Eurohypo/OHMI, point 19 supra, EU:C:2008:261, point 41 et jurisprudence citée, et du 23 septembre 2011, Vion/OHMI (PASSION FOR BETTER FOOD), T‑251/08, EU:T:2011:526, point 16].

22      S’agissant de l’appréciation du caractère distinctif des signes composés notamment d’éléments verbaux utilisés par ailleurs en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou services visés, il n’y a pas lieu d’appliquer à ceux-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes. Ainsi, même si l’enregistrement d’un tel signe n’est pas exclu en tant que tel en raison d’une telle utilisation (voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, Rec, EU:C:2010:29, points 35 et 36 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, Rec, EU:C:2012:460, point 25), il n’en demeure pas moins qu’un signe, qui remplit d’autres fonctions que celles d’une marque au sens classique, n’est distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, que s’il peut être perçu d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits ou services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale (voir, en ce sens, arrêt PASSION FOR BETTER FOOD, point 21 supra, EU:T:2011:526, point 14 et jurisprudence citée).

23      La Cour a encore précisé que, si les critères relatifs à l’appréciation du caractère distinctif sont les mêmes pour les différentes catégories de marques, il peut apparaître, dans le cadre de l’application de ces critères, que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même pour chacune de ces catégories et que, dès lors, il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif des marques de certaines catégories que celui des marques d’autres catégories. Si la Cour n’a pas exclu que cette jurisprudence puisse, sous certaines conditions, s’avérer pertinente pour des marques verbales constituées de slogans publicitaires, elle a toutefois souligné que les difficultés que pourraient comporter ces dernières, du fait de leur nature même, pour établir leur caractère distinctif et dont il est légitime de tenir compte ne justifient pas de fixer des critères spécifiques suppléant ou dérogeant au critère du caractère distinctif tel qu’interprété par la jurisprudence constante (voir, en ce sens, arrêts Audi/OHMI, point 22 supra, EU:C:2010:29, points 37 et 38, et Smart Technologies/OHMI, point 22 supra, EU:C:2012:460, points 26 et 27).

24      La Cour a également jugé qu’il ne saurait être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler » pour qu’un tel slogan soit pourvu du caractère minimal distinctif requis. En outre, la Cour a considéré que, s’il est certes vrai qu’une marque possède un caractère distinctif uniquement dans la mesure où elle permet d’identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée, force est de constater que le simple fait qu’une marque est perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux, elle pourrait en principe être reprise par d’autres entreprises n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif. À cet égard, la Cour a notamment souligné que la connotation élogieuse d’une marque verbale n’exclut pas que celle-ci soit néanmoins apte à garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services qu’elle désigne. Ainsi, une telle marque peut concomitamment être perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et une indication de l’origine commerciale des produits ou des services. Il en découle que, pour autant que ce public perçoit la marque comme une indication de cette origine, le fait qu’elle soit simultanément, voire même en premier lieu, appréhendée comme une formule promotionnelle est sans incidence sur son caractère distinctif (voir, en ce sens, arrêts Audi/OHMI, point 22 supra, EU:C:2010:29, points 39, 44 et 45, et Smart Technologies/OHMI, point 22 supra, EU:C:2012:460, points 28 à 30).

25      La Cour a ainsi reconnu que des signes composés notamment d’éléments verbaux qui étaient par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces signes pourraient se voir reconnaître un caractère distinctif et une aptitude à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause, lorsque ces signes ne se réduisaient pas à un message publicitaire ordinaire, mais possédaient une certaine originalité ou prégnance, nécessitaient un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchaient un processus cognitif auprès du public concerné (voir, en ce sens, Audi/OHMI, point 22 supra, EU:C:2010:29, points 56 et 57).

26      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de répondre aux griefs de la requérante et, notamment, d’examiner si le signe demandé possède le caractère minimal distinctif requis.

27      En l’espèce, la requérante ne conteste pas que, du point de vue du public pertinent, les deux principaux composants du signe demandé, à savoir « pioneering » et « for you », constituent des termes usuels en anglais et signifient respectivement, comme exposé aux points 7 et 8 de la décision attaquée, « novateur » et « pour vous », et que, partant, vu dans son ensemble, ledit signe exprime, sans nécessiter une réflexion analytique, le message « novateur pour vous » ou « travail novateur pour vous ». La requérante souscrit également au constat, exposé au point 19 de la décision attaquée, selon lequel le public pertinent est composé tant de consommateurs spécialisés, notamment du domaine de la mécanique, que de professionnels en général, de langue anglaise et dans les États membres anglophones. Ces appréciations de la chambre de recours apparaissent comme étant d’autant plus fondées que la requérante a omis, tant devant l’OHMI qu’en cours d’instance, de proposer une compréhension alternative par ledit public des différents composants et de l’ensemble du signe demandé, et qu’elle s’est limitée à souligner le caractère prétendument inhabituel ou original de certains de ses éléments. Lesdites appréciations doivent donc être entérinées.

28      La requérante ne conteste pas non plus que, par conséquent, le signe demandé constitue un slogan publicitaire s’adressant directement au consommateur et comportant le message selon lequel celui-ci peut s’attendre à des résultats particulièrement positifs et à des solutions techniquement avancées en recourant aux produits et aux services offerts (voir points 9, 10 et 16 de la décision attaquée). Il en va de même des considérations exposées au point 11 de la décision attaquée où, en substance, il est indiqué que cette compréhension s’applique sans distinction à l’ensemble des produits et des services revendiqués.

29      À cet égard, la requérante remet toutefois en cause, d’une part, le constat de la chambre de recours selon lequel le public pertinent ferait preuve d’un niveau d’attention plutôt faible, compte tenu du caractère de slogan publicitaire du signe demandé et, d’autre part, la nature exclusivement promotionnelle ou publicitaire dudit signe par rapport auxdits produits et auxdits services.

30      Or, ces contestations ne sauraient prospérer.

31      S’agissant de la nature exclusivement publicitaire ou promotionnelle du signe demandé, il y a lieu de rappeler que le simple fait qu’une marque est perçue par le public concerné comme une formule promotionnelle et que, eu égard à son caractère élogieux, elle pourrait en principe être reprise par d’autres entreprises n’est pas en tant que tel suffisant pour conclure que cette marque est dépourvue de caractère distinctif. Par ailleurs, des signes composés notamment d’éléments verbaux qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces signes, tels que le signe demandé, pourraient se voir reconnaître un caractère distinctif et une aptitude à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause, lorsque ces signes ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné (voir la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus).

32      Eu égard à cette jurisprudence, la chambre de recours a considéré que le signe demandé ne pouvait être regardé comme contenant une plaisanterie ou un jeu de mots, mais exprimait tout au plus une certaine exagération, pourtant typique de la publicité. Vu que ledit signe ne nécessiterait pas d’interprétation, ne serait ni ambigu, ni amusant, ni inhabituel et ne contiendrait pas non plus de termes techniques connus par les seuls spécialistes, le public pertinent le comprendrait comme une déclaration positive, promotionnelle ou publicitaire typique pouvant être attribuée à tout prestataire et comportant le message selon lequel ledit public peut s’attendre à un travail novateur ou positif par rapport aux produits et aux services revendiqués, quelles que soient leur nature ou leur origine (points 12 à 17 de la décision attaquée).

33      À cet égard, la requérante avance, en substance, que le signe verbal demandé revêt le caractère minimal distinctif requis en tant qu’il ne se réduit pas à un message publicitaire ordinaire, mais possède une certaine originalité ou prégnance et nécessite un minimum d’effort d’interprétation ou déclenche un processus cognitif auprès du public pertinent. Elle allègue, d’une part, le caractère inhabituel et original de l’écriture du mot « you », qui commence par une majuscule et, d’autre part, l’originalité et la prégnance du slogan en cause en ce qu’il s’adresse directement aux clients potentiels qui se verraient interpellés grâce à l’élément « you ». En outre, elle fait valoir que ce slogan et notamment l’élément « pioneering » nécessitent un minimum d’effort d’interprétation, le client devant réfléchir à la question de savoir si et dans quelle mesure la requérante joue un rôle de précurseur technique dans les différents domaines d’activité visés. Enfin, ne serait-ce que par l’élément « for you », le signe verbal demandé donnerait lieu à une réflexion, dès lors que, face audit signe, le public pertinent se demanderait « comment et dans quelle mesure la requérante fournit un travail novateur pour eux [...] et comment elle peut savoir quel type de travail novateur intéresse les clients ».

34      Toutefois, ces arguments ne suffisent pas à remettre en cause la légalité de l’appréciation de la chambre de recours visée au point 32 ci-dessus.

35      Premièrement, la seule présence de la lettre majuscule « Y » dans l’élément verbal « you » du signe demandé ne confère pas à ce dernier une quelconque originalité, mais relève plutôt de l’usage habituel de l’anglais, notamment, dans la publicité et dans la presse, en particulier dans les titres de journaux. À cet égard, il y a lieu de préciser que même des graphies déformées ne contribuent généralement pas à surmonter le refus d’enregistrement résultant du fait que le contenu du signe est immédiatement compréhensible comme étant élogieux ou descriptif. Surtout, lorsque la graphie déformée d’un signe verbal n’est pas perceptible phonétiquement, elle est sans incidence sur l’éventuel contenu conceptuel que le public pertinent attribuera audit signe [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, EU:T:2013:225, point 20 et jurisprudence citée]. Il est d’autant plus ainsi de l’usage d’une lettre majuscule, telle que celle au début du mot « you », lorsqu’elle ne s’impose pas en vertu des règles grammaticales régissant la langue écrite.

36      Deuxièmement, ainsi que l’a constaté à bon droit la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, le message associé au signe verbal demandé (voir points 27 et 28 ci-dessus) est si univoque et évident du point de vue du public pertinent anglophone que, même à supposer un degré d’attention de sa part qui soit plus élevé que moyen, il ne l’incite pas à faire le minimum d’effort d’interprétation requis quant à la raison d’être de sa structure ou à sa signification. Dans ce contexte, eu égard aux motifs exposés au point 35 ci-dessus, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’interpellation du consommateur par l’élément habituel et non ambigu « you » puisse contribuer à conférer au signe demandé un caractère minimal distinctif. Il en va de même de l’élément « pioneering » qui correspond aux règles grammaticales de l’anglais et dont la signification ne fait aucun doute. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cet élément ne laisse donc pas de marge d’interprétation au public pertinent, même s’il est doté d’un niveau d’attention plus élevé, et moins encore l’incite à réfléchir à la question de savoir si et dans quelle mesure la requérante joue un rôle de précurseur technique dans les différents domaines d’activité visés. En outre, doit être rejeté comme étant particulièrement vague et peu convaincant l’argument de la requérante selon lequel, en substance, l’élément « for you » donnerait lieu à une réflexion de la part du public pertinent quant à la manière dont la requérante fournirait un travail novateur pour lui. Enfin, même à considérer que ces interprétations de la requérante soient avérées, elles s’appliqueraient à tout producteur ou prestataire utilisant le signe demandé pour les produits ou les services en cause, de sorte que ledit signe ne serait pas susceptible d’identifier leur provenance commerciale. Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, en substance, que le signe demandé était dépourvu d’originalité et de prégnance, que sa compréhension ne nécessitait pas un minimum d’effort d’interprétation et qu’il ne déclenchait pas non plus un processus cognitif auprès du public pertinent, qui le percevait immédiatement comme une déclaration publicitaire typique (points 8, 15 et 16 de la décision attaquée).

37      Troisièmement, force est de constater que cette appréciation est invariablement applicable à la totalité des produits et des services du secteur économique concerné et indépendamment de l’identité du producteur ou prestataire pouvant les fournir (voir points 10, 16 et 21 de la décision attaquée).

38      Quatrièmement, s’agissant du degré d’attention du public pertinent, pour les motifs visés au point 12 ci-dessus, il y a lieu de rejeter comme irrecevables les éléments de preuve que la requérante a produits en tant qu’annexe 13 à la requête pour la première fois devant le Tribunal. En outre, même si la requérante est recevable de contester l’appréciation de la chambre de recours – divergente de celle de l’examinateur – selon laquelle le public pertinent ferait preuve d’un niveau d’attention plutôt faible, il suffit de constater que, d’une part, conformément à ce qui est indiqué au point 19 de la décision attaquée, le Tribunal a constamment jugé que, s’agissant d’un slogan publicitaire, le niveau d’attention d’un public même spécialisé pouvait être relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel qui n’étaient pas déterminantes pour un public avisé [arrêts FOODLUBE, point 12 supra, EU:T:2010:414, point 24, et PASSION FOR BETTER FOOD, point 21 supra, EU:T:2011:526, point 20 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2008, BYK-Chemie/OHMI (Substance for Success), T‑58/07, EU:T:2008:269, point 23]. D’autre part, il ressort des considérations exposées au point 36 ci-dessus que l’appréciation de l’absence de caractère distinctif du signe demandé serait la même en cas de reconnaissance d’un degré d’attention élevé du public pertinent. Dès lors, le grief tiré du niveau d’attention dudit public ne saurait prospérer.

39      Il s’ensuit que le signe demandé est intrinsèquement inapte à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de lui permettre de les distinguer sans confusion possible de ceux qui ont une autre provenance commerciale.

40      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’absence de tout caractère distinctif du signe demandé au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (point 20 de la décision attaquée).

41      Enfin, il convient de rejeter également le grief de la requérante selon lequel la décision attaquée irait à l’encontre de la pratique décisionnelle de l’OHMI en matière d’enregistrement de slogans publicitaires en tant que marques. En effet, il ressort d’une jurisprudence établie que les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union européenne, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci ou de l’OHMI (voir, en ce sens, ordonnances du 13 février 2008, Indorata-Serviços e Gestão/OHMI, C‑212/07 P, EU:C:2008:83, point 43, et du 15 février 2008, Brinkmann/OHMI, C‑243/07 P, EU:C:2008:94, point 39 et jurisprudence citée), sans préjudice du devoir de celui-ci de prendre en considération, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une telle marque, les décisions déjà prises sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, point 74).

42      Même à considérer qu’il faille comprendre ce grief comme alléguant une violation de ce devoir d’instruction ou du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de rappeler que lesdits devoir et principe doivent se concilier avec le respect de la légalité, dont il découle que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Ainsi, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer devant l’OHMI le bénéfice d’une pratique décisionnelle qui serait contraire aux exigences imposées par le règlement n° 207/2009 ou qui le conduirait à prendre une décision illégale (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 12 février 2009, Bild digital et ZVS, C‑39/08 et C‑43/08, EU:C:2009:91, point 18, et arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 41 supra, EU:C:2011:139, points 75 et 76).

43      En outre, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus. Or, en l’espèce, il s’est avéré que, contrairement à ce qui a pu être le cas de certaines demandes antérieures d’enregistrement de signes verbaux constitués de slogans publicitaires en tant que marques, la présente demande d’enregistrement se heurtait, eu égard aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement était demandé et à la perception par le public pertinent, au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 41 supra, EU:C:2011:139, points 77 et 78). Dans ces circonstances, dans la mesure où la requérante vise à faire valoir que la chambre de recours aurait dû adopter la même position que celle adoptée par l’OHMI, dans des affaires antérieures prétendument similaires, quant au caractère enregistrable d’un tel signe verbal en tant que marque, cette argumentation est inopérante, à moins qu’elle ne démontre que la chambre de recours a commis une erreur susceptible de donner lieu à l’annulation de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2009, Apollo Group/OHMI (THINKING AHEAD), T‑473/08, EU:T:2009:442, point 42 et jurisprudence citée], ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

44      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Wilo SE est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.