Language of document : ECLI:EU:T:2012:705

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

18 décembre 2012 (*)

« Recours en annulation – Délai de recours – Point de départ – Tardiveté – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑320/11,

Hongrie, représentée par M. M. Fehér, Mmes K. Szíjjártó et  K. Veres, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. von Rintelen et A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/192/UE de la Commission, du 28 mars 2011, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par la Hongrie, en 2004, au titre du programme d’aide à des mesures de préadhésion en faveur de l’agriculture et du développement rural (Sapard) (JO L 81, p. 14),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 15 juin 2001, la Commission des Communautés européennes, agissant au nom de la Communauté européenne, et la Hongrie ont conclu une convention de financement pluriannuelle au titre du programme Sapard, qui est restée en vigueur après l’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne, conformément au règlement (CE) n° 248/2007 de la Commission, du 8 mars 2007, concernant les mesures relatives aux conventions de financement pluriannuelles et aux conventions de financement annuelles conclues au titre du programme Sapard ainsi que la transition entre Sapard et le développement rural (JO L 69, p. 5). Selon l’article 12, paragraphe 1, de la section A de l’annexe de cette convention, la Commission peut, le cas échéant, adopter une décision relative aux dépenses à écarter du cofinancement de l’Union.

2        Le 28 mars 2011, la Commission a adopté la décision 2011/192/UE de la Commission écartant du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par la Hongrie, en 2004, au titre du programme d’aide à des mesures de préadhésion en faveur de l’agriculture et du développement rural (Sapard) (JO L 81, p. 14) (ci‑après la « décision attaquée »).

3        L’article premier de la décision attaquée dispose :

« Un montant de 2 535 286 [euros] versé par l’organisme Sapard hongrois est exclu du financement de l’[Union] pour non-conformité des transactions correspondantes aux règles régissant le programme Sapard. »

[…]

4        L’article 2 de la décision attaquée dispose :

« La [Hongrie] est destinataire de la présente décision. »

5        Le 29 mars 2011, la décision attaquée a été notifiée à la Représentation permanente de la Hongrie auprès de l’Union. Le même jour, la décision attaquée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2011, la Hongrie a introduit le présent recours.

7        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 8 septembre 2011, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. La Hongrie a déposé ses observations sur cette exception le 26 octobre 2011.

8        La Hongrie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission ;

–        condamner la Commission aux dépens.

9        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la Hongrie aux dépens.

 En droit

10      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

11      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que le présent recours est irrecevable au motif qu’il a été introduit tardivement, la décision attaquée ayant été notifiée à la Hongrie le 29 mars 2011.

12      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la Hongrie soutient que son recours est recevable. Selon elle, la publication de la décision attaquée au Journal officiel, et non sa notification, est déterminante pour le calcul du délai de recours.

13      La Hongrie fait observer que l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure offre la possibilité d’un délai de quatorze jours supplémentaires suivant la date de la publication de la décision attaquée au Journal Officiel. En application de cette disposition, le délai de recours aurait été respecté.

14      La Hongrie précise que, selon la jurisprudence, si la notification de l’acte juridique attaqué n’est pas antérieure à sa publication au Journal officiel, le requérant peut considérer par principe le jour de ladite publication comme constituant le point de départ du délai de recours. Elle en déduit que, en l’espèce, la publication au Journal officiel et la notification de la décision attaquée ayant eu lieu le même jour, le gouvernement hongrois pouvait donc considérer à bon droit que le délai de recours contre cette même décision avait commencé à courir à compter de la date de la publication de celle-ci au Journal officiel.

15      À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

16      En outre, conformément à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le délai de recours doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

17      Comme il a été constaté par une jurisprudence constante ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêts de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, point 38).

18      En l’espèce, tout en reconnaissant que, selon la jurisprudence, lorsque la notification d’un acte juridique à son destinataire est antérieure à sa publication au Journal officiel, le délai de recours commence à courir à partir de la notification, la Hongrie soutient que, en raison du fait que la notification et la publication au Journal officiel de la décision attaquée ont eu lieu le même jour, le délai de recours contre cette même décision commence à courir à compter de la date de la publication de celle-ci au Journal officiel.

19      Toutefois, il convient de rappeler que, au sens de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, la notification est l’opération par laquelle l’auteur d’un acte de portée individuelle, telle qu’une décision prise au titre de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, communique celui-ci à ses destinataires et les met ainsi en mesure de prendre connaissance de son contenu ainsi que des motifs sur lesquels il repose (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T‑17/02, Rec. p. II‑2031, point 74).

20      En outre, selon l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification.

21      Or, la décision attaquée a été notifiée à la Hongrie qu’elle désigne explicitement comme destinataire, ainsi que cela ressort de son article 2. Dès lors, en vertu de l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE, en tant qu’acte de portée individuelle, la décision attaquée a pris effet à l’égard de la requérante par sa notification intervenue le 29 mars 2011.

22      En outre, la Hongrie ne conteste pas être destinataire de la décision attaquée ni en avoir reçu notification le 29 mars 2011.

23      En conséquence, la Hongrie a été en mesure, en raison de la notification de la décision attaquée, de prendre connaissance du contenu de ladite décision ainsi que des motifs sur lesquels cette décision repose. Il s’ensuit que c’est à partir de ladite notification et non de la publication au Journal Officiel que le délai de recours contre la décision en question a commencé à courir.

24      Par ailleurs, à la lumière de la jurisprudence, citée au point 17 ci-dessus, selon laquelle le délai de recours a été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, il y a lieu de considérer qu’un égal traitement, au regard du délai de recours, doit être réservé aux destinataires d’un acte, lorsque cet acte leur a été notifié, même si, pour un seul d’entre eux, l’acte a fait l’objet d’une publication au Journal Officiel le même jour que sa notification. Il serait, en effet, contraire aux principes susvisés que, en pareille hypothèse, celui des deux destinataires dont l’acte a été publié au Journal Officiel bénéficie d’un délai de recours plus long que l’autre destinataire.

25      Partant, conformément à l’article 101, paragraphe 1, sous a) et b), à l’article 101, paragraphe 2, et à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le délai de recours a commencé à courir à compter du 29 mars 2011 et a expiré le 8 juin 2011 à minuit, délai de distance inclus.

26      Or, la Hongrie n’a déposé la requête que le 17 juin 2011. Par conséquent, le recours a été introduit après l’expiration du délai de recours et donc tardivement.

27      Par ailleurs, la Hongrie n’a pas établi ni même invoqué l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure qui permettrait de déroger au délai en question sur le fondement de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut, ni entendu se prévaloir d’une erreur excusable.

28      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours est irrecevable et doit, dès lors, être rejeté.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Hongrie ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Hongrie est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 18 décembre 2012.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : le hongrois.