Language of document : ECLI:EU:C:2015:737

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

29 octobre 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Principe de non‑discrimination – Article 18 TFUE – Citoyenneté de l’Union – Article 20 TFUE – Libre circulation des personnes – Article 63 TFUE – Libre circulation des capitaux – Circulation routière – Conducteurs résidant dans l’État membre concerné – Obligation de fournir sur‑le‑champ la preuve de la régularité de l’utilisation de véhicules immatriculés dans un autre État lors d’un contrôle de police»

Dans l’affaire C‑583/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Szombathelyi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szombathely, Hongrie), par décision du 11 décembre 2014, parvenue à la Cour le 18 décembre 2014, dans la procédure

Benjámin Dávid Nagy

contre

Vas Megyei Rendőr‑főkapitányság,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de la sixième chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, MM. C. Lycourgos (rapporteur) et J.‑C. Bonichot , juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme M. Tátrai et M. G. Koós, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme E. Montaguti et M. B. Béres, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18 TFUE, et 20, paragraphe 2, sous a), TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Nagy au Vas Megyei Rendőr‑főkapitányság (commissariat central du département de Vas, ci‑après le «Commissariat central») au sujet d’une amende administrative pour violation de la réglementation nationale relative à l’utilisation sur le territoire hongrois, par une personne qui y réside, d’un véhicule muni de plaques d’immatriculation étrangères.

 Le cadre juridique

3        En Hongrie, l’article 20, paragraphe 1, sous l), de la loi no I de 1988 relative à la circulation routière (A közúti közlekedésről szóló 1988. évi I. törvény, ci‑après la «loi relative à la circulation routière») prévoit:

«1.      Peut être tenue au paiement d’une amende toute personne qui enfreint les dispositions de la présente loi, d’actes législatifs ou réglementaires spécifiques, ou d’actes de droit communautaire régissant l’exploitation ou l’usage sur le territoire national, par une personne ou un organisme qui y réside, d’un véhicule pourvu d’une plaque d’immatriculation étrangère,

[...]

4.      L’amende dont le contrevenant est passible est, pour toute infraction aux dispositions du paragraphe 1, [...] sous l) [...], d’un montant de 10 000 à 800 000 [forints hongrois (HUF) (environ 32 euros à 2 500 euros)]. Un acte spécifique détermine le montant maximal des amendes à infliger [...]»

4        Aux termes de l’article 25/B de cette loi:

«1.      Tout véhicule [...] peut circuler sur les routes muni d’une autorisation administrative et de plaques d’immatriculation hongroises émises par l’autorité de gestion de la circulation routière, à la condition que:

a)      son exploitant soit un exploitant hongrois au sens des dispositions de la présente loi, ou

b)      son conducteur ait son domicile sur le territoire national.

2.      Il n’y a pas lieu d’appliquer le paragraphe 1, sous a), lorsque:

a)      l’exploitant n’est pas une personne physique et exerce son activité habituelle dans un pays étranger où il dispose d’un établissement (succursale) enregistré [...]

[...]

4.      Il n’y a pas lieu d’appliquer le paragraphe 1, sous b), lorsque:

a)      la résidence habituelle du conducteur du véhicule ne se trouve pas sur le territoire national,

b)      le conducteur du véhicule utilise celui‑ci sur le territoire national pendant une durée qui ne dépasse pas, au total, 30 jours sur une période de six mois, et l’exploitant a consenti à l’utilisation du véhicule par une déclaration contenue dans un acte comprenant aussi l’indication de la date de mise en jouissance du véhicule et la durée du droit d’utilisation, ou

c)      le conducteur a obtenu de l’exploitant étranger le droit d’utilisation du véhicule utilisé sur le territoire national en vue de l’exercice d’un travail habituel.

[...]

5.      Un exploitant ou conducteur de véhicule, selon le cas, établit l’existence des conditions déterminées aux paragraphes 2 et 4 au cours d’une opération de contrôle par la production d’un document public ou d’un acte sous seing privé en langue hongroise, ou accompagné d’une traduction en langue hongroise certifiée conforme ou non.»

5        L’article 12/A du décret gouvernemental no 156/2009, relatif au montant des amendes applicables en cas d’infraction à certaines dispositions régissant les transports routiers de marchandises et de personnes, ainsi que la circulation routière, et relatif aux tâches administratives concernant l’application des amendes (A közúti árufuvarozáshoz, személyszállításhoz és a közúti közlekedéshez kapcsolódó egyes rendelkezések megsértése esetén kiszabható bírságok összegéről, valamint a bírságolással ősszefüggő hatósági feladatokról szóló 156/2009. Kormányrendelet), du 29 juillet 2009, prévoit:

«1.      L’exploitant hongrois d’un véhicule qui a enfreint la disposition de l’article 20, paragraphe 1, sous l), de la [loi relative à la circulation routière] est, s’il ne s’agit pas d’une personne physique, passible d’une amende d’un montant de:

a)      400 000 HUF (environ 1 250 euros) pour toute voiture d’une cylindrée égale ou inférieure à 2 000 cm3,

b)      800 000 HUF (environ 2 500 euros) pour toute voiture d’une cylindrée supérieure à 2 000 cm3, ou

c)      200 000 HUF (environ 625 euros) pour tout autre véhicule.

2.      Si l’infraction à la disposition de l’article 20, paragraphe 1, sous l), de la [loi relative à la circulation routière] est le fait d’une personne physique, le montant de l’amende due par celle‑ci est égal à la moitié du montant indiqué au paragraphe 1.

[...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

6        M. Nagy est un ressortissant hongrois résidant en Hongrie qui, à la date du 16 mai 2013, n’était pas un travailleur, au sens du droit de l’Union, et n’avait pas de résidence habituelle à l’étranger.

7        Le demi‑frère de M. Nagy, un ressortissant hongrois résidant en Autriche, est l’un des associés et le représentant légal de Alpen‑Reisen Horvath OG (ci‑après «Alpen‑Reisen»), une société enregistrée en Autriche.

8        En vertu d’un contrat conclu le 3 décembre 2010, Alpen‑Reisen a, à partir du 7 décembre 2010 et jusqu’à révocation de ce droit, concédé à M. Nagy le droit d’utiliser une voiture particulière, portant une plaque d’immatriculation autrichienne.

9        M. Nagy n’avait pas ledit véhicule en sa possession de manière permanente, mais l’utilisait occasionnellement lorsque son demi‑frère le chargeait d’accomplir certaines tâches ayant trait aux activités d’Alpen‑Reisen. Les frais d’entretien du véhicule étaient à la charge de cette société.

10      Le 16 mai 2013, M. Nagy circulait à Szombathely (Hongrie) avec ce véhicule particulier lorsqu’il a fait l’objet d’un contrôle de police. Lors de ce contrôle, M. Nagy a expliqué que son demi‑frère lui avait prêté ledit véhicule afin qu’il puisse l’utiliser en Hongrie, mais il n’a pas pu produire sur place le contrat lui conférant le droit d’utiliser le véhicule en question. Les agents de police ont, par conséquent, emporté les plaques d’immatriculation ainsi que l’autorisation administrative de circulation dudit véhicule.

11      Par décision du 30 mai 2013, le commissariat de police de Szombathely (Szombathelyi Rendőrkapitányság) a infligé à M. Nagy une amende administrative d’un montant de 400 000 HUF (environ 1 250 euros) pour violation des règles relatives à l’utilisation sur le territoire national hongrois, par des personnes qui y résident, de véhicules munis de plaques administratives étrangères.

12      M. Nagy a introduit un recours administratif contre cette décision devant le Commissariat central. Au soutien de celui‑ci, il a fait valoir qu’il avait reçu de son demi‑frère l’autorisation de conduire le véhicule en cause et que les dispositions de droit hongrois en vertu desquelles l’amende lui a été infligée étaient contraires au droit de l’Union, en particulier au principe de la libre circulation des personnes. Il s’est référé, à cet égard, à l’affaire ayant, par la suite, donné lieu à l’ordonnance Kovács (C‑5/13, EU:C:2013:705), qui était alors pendante devant la Cour et qui visait la même réglementation hongroise.

13      Par décision du 15 juillet 2013, le Commissariat central a confirmé la décision du commissariat de police de Szombathely. Le Commissariat central a notamment constaté que M. Nagy n’avait pas été en mesure de produire sur place un document prouvant qu’il utilisait le véhicule en toute légalité sur le territoire national.

14      M. Nagy a formé un recours contre cette décision du Commissariat central devant le Szombathelyi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szombathely). À l’appui de ce recours, il fait valoir que les articles 20, paragraphe 1, sous l), et 25/B, paragraphe 1, sous b), de la loi relative à la circulation routière, sur lesquels repose la décision du Commissariat central du 15 juillet 2013, enfreignent le droit de l’Union. Il a produit, à cet égard, le contrat du 3 décembre 2010 lui concédant l’usage du véhicule en cause et a affirmé n’avoir jamais exercé d’activité professionnelle.

15      La juridiction de renvoi a suspendu la procédure dans l’affaire au principal jusqu’au prononcé de l’ordonnance Kovács (C‑5/13, EU:C:2013:705). Aux termes de celle‑ci, la Cour a jugé que l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, qui est la même que celle en cause au principal, prévoyant que, en principe, ne peuvent circuler sur le réseau routier de cet État membre que les véhicules pourvus d’une autorisation administrative et de plaques d’immatriculation émises par ledit État membre et que le résident de ce même État qui entend se prévaloir d’une dérogation à cette règle, fondée sur le fait qu’il utilise un véhicule mis à sa disposition par son employeur établi dans un autre État membre, doit être en mesure d’établir sur‑le‑champ, lors d’un contrôle de police, qu’il satisfait aux conditions d’application de cette dérogation, telles que prévues par la réglementation nationale en question, sous peine de l’infliction immédiate et sans possibilité d’exonération d’une amende équivalant à celle applicable en cas de violation de l’obligation d’immatriculation.

16      Étant donné que M. Kovács avait la qualité de travailleur, au sens du droit de l’Union, la Cour a fourni à la juridiction de renvoi qui l’avait saisie dans cette affaire une réponse au regard de l’article 45 TFUE, et non des articles 18 TFUE et 20 TFUE, qui avaient été également visés dans sa demande de décision préjudicielle.

17      À la suite de la reprise de la procédure dans l’affaire au principal, M. Nagy a présenté des faits complémentaires selon lesquels, à la demande de son demi‑frère, il prêtait régulièrement son assistance en tant que membre aidant de la famille dans l’accomplissement de tâches intéressant les activités d’Alpen‑Reisen, qui nécessitaient le passage de la frontière entre la Hongrie et l’Autriche, mais qui n’étaient pas rémunérées. Selon la juridiction de renvoi, le jour du contrôle de police, M. Nagy devait effectuer de telles tâches.

18      Dans ces conditions, le Szombathelyi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Szombathely) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Faut‑il interpréter l’article 18 TFUE en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui, à l’instar de celle en cause au principal, prescrit comme règle générale que seuls peuvent circuler sur les routes dudit État membre les véhicules à moteur pourvus d’une autorisation et de plaques administratives fournies par cet État, et en vertu de laquelle une personne qui n’est pas un travailleur, au sens du droit de l’Union, et qui réside dans ce même État membre doit, si elle souhaite faire valoir une exception à cette règle au motif que le véhicule qu’elle utilise a été mis à sa disposition par un opérateur économique ayant son siège dans un autre État membre, être en mesure de prouver sur place, lors d’un contrôle de police, qu’elle satisfait aux conditions imposées par la réglementation nationale en cause, sous peine de se voir immédiatement infliger, sans possibilité d’exonération, une amende dont le montant correspond à celui de l’amende applicable en cas de manquement à l’obligation d’immatriculation?

2)      Faut‑il interpréter l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE en ce sens qu’il n’admet pas une réglementation d’un État membre qui, à l’instar de celle en cause au principal, prescrit comme règle générale que seuls peuvent circuler sur les routes dudit État membre les véhicules à moteur pourvus d’une autorisation et de plaques administratives fournies par cet État, et en vertu de laquelle une personne qui n’est pas un travailleur, au sens du droit de l’Union, et qui réside dans ce même État membre doit, si elle souhaite faire valoir une exception à cette règle au motif que le véhicule qu’elle utilise a été mis à sa disposition par un opérateur économique ayant son siège dans un autre État membre, être en mesure de prouver sur place, lors d’un contrôle de police, qu’elle satisfait aux conditions imposées par la réglementation nationale en cause, sous peine de se voir immédiatement infliger, sans possibilité d’exonération, une amende dont le montant correspond à celui de l’amende applicable en cas de manquement à l’obligation d’immatriculation?»

 Sur les questions préjudicielles

19      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 18 TFUE et 20, paragraphe 2, sous a), TFUE s’opposent à une réglementation nationale prévoyant que, en principe, ne peuvent circuler sur le réseau routier de l’État membre concerné que les véhicules pourvus d’une autorisation administrative et de plaques d’immatriculation émises par cet État membre et que si l’un de ses résidents entend se prévaloir d’une dérogation à cette règle, fondée sur le fait qu’il utilise un véhicule mis à sa disposition par l’exploitant dudit véhicule établi dans un autre État membre, ce résident doit être en mesure d’établir sur‑le‑champ, lors d’un contrôle de police, qu’il satisfait aux conditions d’application de cette dérogation, telles que prévues par la réglementation nationale en question, sous peine de l’infliction immédiate et sans possibilité d’exonération, d’une amende équivalant à celle applicable en cas de violation de l’obligation d’immatriculation.

20      À titre liminaire, il convient de relever que, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité ses questions à l’interprétation des articles 18 TFUE et 20, paragraphe 2, sous a), TFUE, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour lui fournisse tous les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait ou non référence dans l’énoncé desdites questions (voir, en ce sens, arrêts ING. AUER, C‑251/06, EU:C:2007:658, point 38, ainsi que van Putten e.a., C‑578/10 à C‑580/10, EU:C:2012:246, point 23).

21      En effet, il doit être répondu aux questions posées à la lumière de toutes les dispositions du traité et du droit dérivé susceptibles d’avoir une pertinence par rapport au problème posé (voir, en ce sens, arrêts Mutsch, 137/84, EU:C:1985:335, point 10, ainsi que van Putten e.a., C‑578/10 à C‑580/10, EU:C:2012:246, point 24).

22      Il ressort du dossier soumis à la Cour que M. Nagy a utilisé sur le réseau routier hongrois, en tant que résident, un véhicule immatriculé dans un autre État membre et qui lui a été prêté à titre gratuit, par la société autrichienne Alpen‑Reisen, dont le demi‑frère de M. Nagy est l’un des associés et le représentant légal.

23      Or, ainsi que l’indique à juste titre la Commission européenne, la Cour a déjà jugé, à l’égard d’un prêt consenti entre des citoyens résidents de différents États membres, que le prêt à usage transfrontalier, à titre gratuit, d’un véhicule automobile constitue un mouvement de capitaux, au sens de l’article 63 TFUE (voir, en ce sens, arrêt van Putten e.a., C‑578/10 à C‑580/10, EU:C:2012:246, points 28 et 36).

24      L’article 63 TFUE étant applicable et prévoyant des règles spécifiques de non‑discrimination, l’article 18 TFUE ne trouve donc pas à s’appliquer (voir, en ce sens, arrêt Missionswerk Werner Heukelbach, C‑25/10, EU:C:2011:65, point 19).

25      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner d’abord les questions posées à la lumière de l’article 63 TFUE, puis, le cas échéant, au regard de l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE.

26      À cet égard, il importe de rappeler que constituent de telles restrictions, au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE, des mesures imposées par un État membre qui sont de nature à dissuader ses résidents de contracter des prêts dans d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêts Commission/Belgique, C‑478/98, EU:C:2000:497, point 18, ainsi que van Putten e.a., C‑578/10 à C‑580/10, EU:C:2012:246, point 40).

27      Au point 29 de l’ordonnance Kovács (C‑5/13, EU:C:2013:705), qui portait sur la même réglementation hongroise que celle en cause dans le litige au principal, la Cour a jugé que cette réglementation équivaut, dans ses conséquences, au maintien de l’obligation d’immatriculation du véhicule en Hongrie.

28      En effet, cette réglementation impose au conducteur, tel que le demandeur au principal, d’avoir en permanence en sa possession les documents démontrant que les conditions dérogatoires à l’obligation d’immatriculation sont remplies, sous peine d’une amende du même montant que celle dont est passible une personne qui aurait enfreint l’obligation d’immatriculation d’un véhicule. Une telle sanction est manifestement disproportionnée par rapport à l’infraction en cause au principal, qui est nettement moins grave que celle constituée par l’omission d’immatriculer un véhicule (voir, en ce sens, ordonnance Kovács, C‑5/13, EU:C:2013:705, points 25 et 28).

29      À cet égard, il y a lieu de relever que la situation d’un résident hongrois qui utilise, sur le réseau routier de cet État membre, un véhicule qui y est immatriculé et mis à sa disposition à titre gratuit est objectivement comparable à celle d’un même résident qui fait l’usage, dans les mêmes conditions, d’un véhicule immatriculé dans un autre État membre. Or, l’utilisation d’un véhicule prêté à titre gratuit n’est pas soumise aux obligations visées au point précédent du présent arrêt lorsqu’est en cause un véhicule immatriculé en Hongrie.

30      Ainsi, sauf si le véhicule immatriculé dans un autre État membre est destiné à être essentiellement utilisé sur le territoire hongrois à titre permanent ou est, en fait, utilisé de cette façon, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la libre circulation des capitaux au sens de l’article 63, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt van Putten e.a., C‑578/10 à C‑580/10, EU:C:2012:246, point 50).

31      Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’une telle restriction à l’une des libertés fondamentales garanties par le traité FUE ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec ledit traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut‑il, en pareil cas, que l’application d’une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et n’aille pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, notamment, ordonnance Kovács, C‑5/13, EU:C:2013:705, point 31 et jurisprudence citée).

32      Or, la Cour a jugé, au point 34 de l’ordonnance Kovács (C‑5/13, EU:C:2013:705), que, si une réglementation telle que celle en cause au principal apparaît propre à garantir la réalisation de l’objectif de la lutte contre la fraude fiscale dans les domaines de la taxe d’immatriculation et de la taxe sur les véhicules à moteur, elle doit néanmoins être considérée comme allant au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

33      En effet, à l’instar des circonstances de fait ayant donné lieu à l’ordonnance Kovács (C‑5/13, EU:C:2013:705), aucun élément dans le dossier soumis à la Cour ne permet de conclure que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’objectif de la lutte contre la fraude fiscale peut uniquement être atteint si les documents certifiant qu’il est satisfait aux conditions dérogatoires à l’obligation d’immatriculation sont produits au moment même du contrôle routier, sous peine de l’infliction d’une amende équivalant à celle applicable en cas de violation de l’obligation d’immatriculation, et qu’un tel objectif ne pourrait plus être atteint si ces documents étaient produits, comme dans l’affaire au principal, dans un bref délai après ce contrôle (ordonnance Kovács, C‑5/13, EU:C:2013:705, point 35).

34      Quant aux justifications liées à l’exigence de l’efficacité des contrôles routiers, invoquées par le gouvernement hongrois dans ses observations écrites, il y a lieu de rappeler que la réglementation nationale en cause au principal impose une amende d’un montant considérable visant spécifiquement à sanctionner le non‑respect de l’obligation d’immatriculation. Or, une telle mesure va au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de l’efficacité des contrôles routiers (voir, en ce sens, ordonnance Kovács, C‑5/13, EU:C:2013:705, point 38).

35      À cet égard, le gouvernement hongrois soutient que l’exigence de proportionnalité de la restriction, que la Cour avait jugé n’être pas satisfaite dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Kovács (C‑5/13, EU:C:2013:705), serait remplie dans des circonstances telles que celles du litige au principal où est en cause un «citoyen de l’Union», au sens de l’article 20 TFUE, qui n’est pas un «travailleur», au sens de l’article 45 TFUE. En effet, les possibilités de contrôle menées par les autorités nationales compétentes seraient moindres et le risque de fraude à la réglementation nationale en cause au principal, plus particulièrement en ce qui concerne les conditions d’exonérations à l’obligation d’immatriculation visées à l’article 25/B de la loi relative à la circulation routière, serait accru dans le cas du citoyen de l’Union qui n’est pas un travailleur. Toutefois, une telle différence de situation entre les travailleurs et les autres citoyens de l’Union au regard des possibilités de contrôle, à la supposer établie, ne saurait en aucun cas justifier, au nom de l’objectif d’efficacité des contrôles routiers, l’infliction d’une amende telle que celle prévue par cette réglementation nationale.

36      Il ressort des considérations qui précèdent que la réglementation en cause au principal ne respecte pas le principe de la libre circulation des capitaux, au sens de l’article 63 TFUE et, dès lors, il n’y a pas lieu de répondre aux questions posées au regard de l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE.

37      Par conséquent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 63, paragraphe 1, TFUE s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que, en principe, ne peuvent circuler sur le réseau routier de l’État membre concerné que les véhicules pourvus d’une autorisation administrative et de plaques d’immatriculation émises par cet État membre et que, si l’un de ses résidents entend se prévaloir d’une dérogation à cette règle, fondée sur le fait qu’il utilise un véhicule mis à sa disposition par l’exploitant dudit véhicule établi dans un autre État membre, ce résident doit être en mesure d’établir sur‑le‑champ, lors d’un contrôle de police, qu’il satisfait aux conditions d’application de cette dérogation, telles que prévues par la réglementation nationale en question, sous peine de l’infliction immédiate et sans possibilité d’exonération d’une amende équivalant à celle applicable en cas de violation de l’obligation d’immatriculation.

 Sur les dépens

38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

L’article 63, paragraphe 1, TFUE s’oppose à une réglementation nationale prévoyant que, en principe, ne peuvent circuler sur le réseau routier de l’État membre concerné que les véhicules pourvus d’une autorisation administrative et de plaques d’immatriculation émises par cet État membre et que, si l’un de ses résidents entend se prévaloir d’une dérogation à cette règle, fondée sur le fait qu’il utilise un véhicule mis à sa disposition par l’exploitant dudit véhicule établi dans un autre État membre, ce résident doit être en mesure d’établir sur‑le‑champ, lors d’un contrôle de police, qu’il satisfait aux conditions d’application de cette dérogation, telles que prévues par la réglementation nationale en question, sous peine de l’infliction immédiate et sans possibilité d’exonération d’une amende équivalant à celle applicable en cas de violation de l’obligation d’immatriculation.

Signatures


* Langue de procédure: le hongrois.