Language of document : ECLI:EU:T:2011:667

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 novembre 2011(*)

« Concurrence – Ententes – Secteur des sacs industriels en plastique – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Entité économique – Responsabilité solidaire – Proportionnalité – Égalité de traitement – Amendes – Limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires – Capacité contributive réelle »

Dans l’affaire T‑54/06,

Kendrion NV, établie à Zeist (Pays-Bas), représentée initialement par Mes P. Glazener et C. Meijer, puis par Mes Glazener et L. Haasbeek, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, A. Nijenhuis et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2005) 4634 de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels), en ce qu’elle est adressée à la requérante, concernant une entente sur le marché des sacs industriels en plastique, ainsi qu’une demande d’annulation ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Kendrion NV, est une société anonyme établie à Zeist (Pays-Bas). Ses actions sont cotées à l’indice Euronext d’Amsterdam. La requérante s’appelait Schuttersveld Holding NV jusqu’au 16 juin 1997 et Schuttersveld NV jusqu’en 2001.

2        Le 8 juin 1995, Kredest Beheer BV, filiale à 100 % de Combattant Holding BV, qui était elle-même filiale à 100 % de la requérante, a repris à DSM NV l’ensemble des actifs et des activités du groupe Fardem à Edam (Pays-Bas) et à Beerse (Belgique). Le groupe Fardem a toujours été spécialisé dans la production de sacs industriels.

3        En novembre 1995, la requérante a vendu les activités du groupe Fardem en Belgique. Le 11 décembre 1995, la filiale Kredest Beheer a été rebaptisée Fardem Holding BV. Celle-ci a juridiquement fusionné avec les sociétés Fardem Packaging BV et CAT International BV le 30 septembre 2001. Le nom Fardem Holding a été changé en Fardem Packaging BV le même jour.

4        Le 26 septembre 2003, Fardem Packaging a été cédée par la requérante à la direction de Fardem Packaging, au titre d’un rachat d’entreprise par ses dirigeants.

5        En novembre 2001, la société British Polythene Industries (ci-après « BPI ») a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente dans le secteur des sacs industriels (ci-après l’« entente »). Elle a exprimé son souhait de coopérer dans le cadre des dispositions de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »).

6        Les 26 et 27 juin 2002, la Commission a procédé à des vérifications en application de l’article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204). Fardem Packaging a fait l’objet de ces inspections.

7        Entre le 14 novembre 2002 et le 21 février 2003, la Commission a adressé des demandes de renseignements en vertu de l’article 11 du règlement n° 17 à plusieurs sociétés, dont Fardem Packaging.

8        Le 4 août 2003, la Commission a adressé une demande de renseignements complémentaires à Fardem Packaging et aux autres sociétés suspectées, mais pas à la requérante.

9        Le 29 avril 2004, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs à l’encontre de plusieurs sociétés dont, notamment, la requérante. Une audition s’est tenue du 26 au 28 juillet 2004.

10      Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté la décision C (2005) 4634, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 octobre 2007 (L 282, p. 41). Parmi ses destinataires figuraient, d’une part, Fardem Packaging, dont la participation à l’infraction est considérée comme étant manifeste, et, d’autre part, la requérante, qui est identifiée comme faisant partie de l’entité économique responsable de l’infraction.

11      Le dispositif de la décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81 [CE] en participant, durant les périodes indiquées, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l’attribution de quotas de vente, l’allocation de clients, d’affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d’offres et l’échange d’informations individualisées :

[…]

d)       Fardem Packaging […] du 6 janvier 1982 au 26 juin 2002 et Kendrion […] du 8 juin 1995 au 26 juin 2002 ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l’article 1er :

[…]

d)       Kendrion […] : 34 millions d’euros. Sur ce montant, Fardem Packaging […] est tenue conjointement et solidairement responsable à hauteur de 2,20 millions d’euros ;

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2006, la requérante a introduit le présent recours.

13      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, en tout ou en partie, la décision attaquée ;

–        annuler ou réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        ordonner les mesures que le Tribunal jugera utiles ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Par lettre du 12 janvier 2011, la requérante a répondu à une question que le Tribunal a posée conformément à l’article 64 de son règlement de procédure et qui cherchait à connaître sa position quant à l’incidence de l’arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237), sur son deuxième moyen.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 mars 2011.

 En droit

17      Au soutien de ses conclusions, la requérante a soulevé huit moyens, dont cinq concernent la détermination du montant de l’amende. La recevabilité et le bien-fondé de ces moyens seront examinés ci-après dans l’ordre de la requête, à l’exception de la deuxième branche du huitième moyen, dont le contenu correspond à la quatrième branche du septième moyen, et qui sera donc analysée avec celle-ci.

18      À l’audience, la requérante a fait valoir que la durée de la procédure devant le Tribunal était excessive. Cet argument doit être rejeté d’emblée comme inopérant. En effet, le contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal ne concerne que la décision attaquée. La légalité de celle-ci ne peut s’apprécier qu’à la lumière des faits et des circonstances dont disposait la Commission à la date de son adoption. Le grief de la requérante tiré de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal ne saurait donc affecter la légalité de la décision attaquée (arrêt du Tribunal du 30 avril 2009, CD-Contact Data/Commission, T‑18/03, Rec. p. II‑1021, point 131).

19      La requérante a également soutenu à l’audience que la Commission aurait dû l’informer, au cours de la procédure administrative, de la possibilité que l’amende finale pourrait être plus élevée que celle imposée à Fardem Packaging. Dans la mesure où la requérante n’a avancé cet argument qu’au stade de la procédure orale et où elle ne fait aucune allusion à un élément de droit ou de fait qui se serait révélé pendant la procédure devant le Tribunal, ledit argument doit être rejeté comme tardif et irrecevable, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

  Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003, en ce que le dispositif de la décision attaquée est incohérent avec ses motifs

 Arguments des parties

20      La requérante fait valoir que le dispositif de la décision attaquée est incompatible avec ses motifs et donc incompréhensible. Elle fait observer que le considérant 584 de la décision attaquée distingue deux types de destinataires de cette dernière, à savoir les participants à l’infraction et les destinataires qui faisaient partie de l’entité économique responsable de la violation des règles de concurrence. Ainsi, la Commission aurait reconnu que l’imputation de la responsabilité d’une infraction aux sociétés mères ne saurait être assimilée à une participation réelle de celles-ci à l’infraction. La requérante relève en outre que son nom ne figure pas parmi les sociétés qui, selon le considérant 779 de la décision attaquée, ont participé directement à l’infraction. Au contraire, son nom n’apparaîtrait qu’au considérant 782, concernant les sociétés tenues pour responsables en leur qualité de sociétés mères. Cependant, cette distinction ne se retrouverait pas au dispositif de la décision attaquée. En effet, l’article 1er du dispositif de la décision attaquée lui imposerait une amende comme si elle avait participé elle-même à l’entente.

21      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

22      Il y a lieu de rappeler que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, en sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec. p. I‑2549, point 21).

23      S’agissant des motifs de la décision attaquée, il convient d’observer que ses considérants 584, 779 et 782 distinguent les sociétés qui ont participé à l’infraction des sociétés qui sont tenues responsables en leur qualité de société mère.

24      Cette distinction n’influe cependant pas sur la responsabilité des deux types de sociétés pour l’infraction constatée et sanctionnée par la décision attaquée. En effet, il ressort clairement du considérant 784 de la décision attaquée que la Commission a entendu sanctionner les deux types de sociétés en prévoyant pour chacune d’entre elles un montant de base, celui retenu pour la requérante étant de 34 millions d’euros.

25      En outre, la décision attaquée contient de nombreuses explications quant aux raisons qui ont amené la Commission à considérer que les sociétés mères et leurs filiales devaient être tenues pour solidairement responsables de l’infraction. Ces raisons se trouvent développées en des termes généraux aux considérants 577 à 583 de ladite décision et de façon spécifique à la requérante aux considérants 587 à 599.

26      Il ressort de ces explications que la Commission a imposé une amende à la requérante en raison du fait qu’elle a constitué une seule entité économique avec Fardem Packaging de 1995 à 2003. Dès lors que le comportement anticoncurrentiel de Fardem Packaging peut être imputé à la requérante en raison de leur appartenance à la même entité économique, ce qui reste à établir dans le cadre de l’appréciation des moyens suivants, la requérante est censée avoir commis elle-même l’infraction du fait de cette imputation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, point 28).

27      Ainsi, la question de savoir si la requérante elle-même a participé à l’entente est dépourvue de pertinence pour apprécier sa responsabilité pour cette infraction, dans la mesure et pour autant qu’elle constituait avec Fardem Packaging une entité économique.

28      Ensuite, s’il est vrai que l’infliction d’une amende de 34 millions d’euros à la requérante, par rapport à l’amende de 2,20 millions d’euros infligée à Fardem Packaging, peut, à première vue, susciter quelques interrogations, il n’en demeure pas moins que les considérants 814 et 815 de la décision attaquée indiquent que cette circonstance découle de l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), à Fardem Packaging.

29      Il convient dès lors de conclure que, en dépit de sa rédaction équivoque, la portée et le contenu de l’article 2, sous d), de la décision attaquée sont tout à fait compréhensibles à la lecture des considérants visés aux points 23 à 28 ci-dessus. Il ne saurait donc être question d’une quelconque contradiction entre les motifs de la décision attaquée et son dispositif.

30      Il s’ensuit que la Commission, dans la décision attaquée, a exposé à suffisance de droit les raisons qui l’ont amenée à infliger une amende à la requérante. Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission a supposé que la requérante et Fardem Packaging constituaient une entité économique

 Observations liminaires

31      Dans sa lettre du 12 janvier 2011, mentionnée au point 15 ci-dessus, la requérante s’est désistée du deuxième moyen, pour autant qu’il est tiré d’une erreur de droit. Ayant pris connaissance de l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 15 supra, la requérante ne soutient plus que la seule détention de 100 % du capital d’une filiale soit insuffisante pour fonder la présomption réfutable selon laquelle une société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

32      Toutefois, dans sa lettre du 12 janvier 2011 et à l’audience, la requérante se réfère également à l’arrêt du Tribunal du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission (T‑24/05, non encore publié au Recueil, point 155). Selon la requérante, le Tribunal aurait considéré dans cette affaire que, dans les cas où la Commission fonde la présomption de l’exercice d’une influence déterminante non seulement sur la détention de la totalité du capital, mais également sur des éléments supplémentaires, il convient de vérifier si ces éléments établissent à suffisance de droit que la société mère exerce effectivement une telle influence sur le comportement de la filiale.

33      Dans ces conditions, il convient d’examiner si la Commission a commis une erreur d’appréciation, tant en ce qui concerne les éléments supplémentaires mentionnés dans la décision attaquée qu’en ce qui concerne les éléments avancés par la requérante en vue de réfuter la présomption d’influence déterminante visée au point 31 ci-dessus.

 En ce qui concerne la prétendue erreur dans l’appréciation des faits

–       Arguments des parties

34      La requérante conteste qu’elle ait constitué une entité économique avec Fardem Packaging. Les deux entités n’auraient jamais formé une organisation unitaire poursuivant un but spécifique de façon durable.

35      D’une part, la requérante précise qu’elle n’a jamais eu l’intention de conserver Fardem Packaging au sein du groupe d’entreprises qu’elle avait créé. À cet égard, elle explique que, depuis 1985, le groupe Kendrion s’est transformé de fabricant de textile en société d’investissement. La requérante prendrait des participations dans des sociétés diverses, sans lien industriel apparent, dont le seul objectif serait d’effectuer un investissement prometteur. Elle se réfère, à cet égard, à un tableau énumérant ses différentes acquisitions.

36      Or, c’est dans cette perspective de rentabilité que la requérante se serait intéressée à Fardem Packaging en 1995, lorsque DSM lui aurait proposé de vendre les actifs de Fardem Packaging à un prix de vente nettement inférieur à leur valeur comptable. De plus, DSM aurait développé un plan de redressement permettant une exploitation rentable de Fardem Packaging dans un avenir proche. Cependant, en raison de la dégradation du climat économique et des résultats décevants de Fardem Packaging, la requérante n’aurait réussi à vendre Fardem Packaging qu’en septembre 2003, après plusieurs tentatives infructueuses, au terme de la reprise de l’entreprise par ses dirigeants.

37      D’autre part, la requérante soutient que Fardem Packaging a fonctionné de façon autonome pendant la période au cours de laquelle la requérante détenait 100 % des parts de cette entreprise. Selon la requérante, Fardem Packaging devait s’occuper elle-même de la gestion de ses finances, contracter elle-même des assurances, organiser son assistance juridique et sa politique du personnel. De plus, la filiale n’aurait jamais été gérée par un administrateur de la société mère, mais uniquement par des administrateurs externes, à savoir M. R., entre le 8 juin 1995 et le 1er janvier 1997, et M. E. depuis le 1er janvier 1997.

38      À cet égard, la requérante conteste l’analyse que fait la Commission, au considérant 592 de la décision attaquée, de ses rapports annuels. Il ressortirait des passages que les rapports de 1996 à 2003 consacrent à Fardem Packaging que ses activités étaient d’importance mineure pour le groupe et qu’elle fonctionnait de façon autonome. La requérante s’oppose à ce que la Commission fasse un usage sélectif de quelques passages isolés du rapport annuel de 1996. Elle estime également que les brochures et la plaquette de présentation du groupe ne permettent pas d’affirmer que les activités de Fardem Packaging avaient un lien avec les autres activités du groupe, notamment dans le domaine plastique. Au contraire, les produits de Fardem Packaging utiliseraient d’autres matières premières et d’autres procédés de fabrication. En outre, ses produits s’adresseraient à une clientèle différente.

39      S’agissant des preuves invoquées par la Commission pour démontrer l’existence d’une entité économique, la requérante estime, premièrement, qu’il n’est pas possible de tirer la moindre conclusion du courriel interne dans lequel M. L., de Fardem Packaging, a fait savoir qu’il avait informé un client du fait que la décision d’acquérir une machine, dite coextrudeuse, appartenait à M. W., directeur de la requérante. En effet, la communication, peu précise, d’un collaborateur de Fardem Packaging à un tiers ne fournirait aucune source objective de preuve relative au comportement de la requérante. Il ressortirait de la déclaration notariée de M. L. du 17 février 2006 que la communication avait pour seul but de rassurer les clients quant à l’investissement en question. Par ailleurs, la décision concernant la coextrudeuse aurait appartenu à la direction de Fardem Packaging. M. W. aurait uniquement insisté pour que l’acquisition de la machine soit financée par Fardem Packaging hors bilan, de sorte que l’investissement ne compromette pas la vente de la filiale.

40      Deuxièmement, le fait pour la requérante d’offrir à sa filiale, dans un courriel interne, la possibilité de bénéficier d’un contrat d’assurance collectif en 1998 ne signifierait pas que la requérante ait cherché à s’immiscer dans les affaires internes de Fardem Packaging.

41      Troisièmement, la requérante soutient que les notes manuscrites mentionnées au considérant 597 de la décision attaquée et dans lesquelles figurent les termes « v. Hattum – Schuttersveld > supervisor Fardem » semblent avoir été rédigées par M. H., collaborateur de BPI, probablement au cours d’une réunion du sous-groupe « Teppema » vers le mois de juin 1995, lorsque la requérante avait manifesté son intérêt d’acquérir Fardem Packaging. Il ressortirait de la déclaration de M. H., faite dans le cadre de la demande de clémence de BPI, que ces notes manuscrites font état de cette acquisition, mais qu’elles ne permettent pas d’apprécier les rapports entre la requérante et Fardem Packaging.

42      Quatrièmement, les pièces visées par le considérant 594 de la décision attaquée ne permettraient pas de conclure que des représentants de la requérante intervenaient dans la gestion quotidienne de Fardem Packaging et que les échanges ne se limitaient pas à un simple rapport financier. En effet, les pièces en question n’auraient rien à voir avec la communication entre la requérante et Fardem Packaging et ne seraient en réalité rien d’autre que des déclarations unilatérales et isolées de Fardem Packaging ou d’un tiers à propos de la requérante.

43      En outre, la requérante n’aurait jamais développé une politique stratégique pour Fardem Packaging, sa seule exigence étant de nature financière. M. W. aurait déclaré que la requérante ne possédait de toute façon pas de savoir-faire dans le domaine des activités de Fardem Packaging.

44      La requérante affirme également que Fardem Packaging n’était pas obligée de lui faire rapport. Un budget assorti de commentaires était annuellement établi par la direction de Fardem Packaging, sur lequel la requérante ne formulait pas de commentaires. Le rapport financier mensuel à la requérante n’était que la conséquence de la consolidation financière et fiscale au sein de la requérante et ne contenait que les données financières dont la requérante avait besoin pour s’acquitter des obligations de publication en sa qualité d’entreprise cotée en Bourse. On ne saurait en déduire qu’elle ait influé sur le comportement de Fardem Packaging.

45      S’agissant particulièrement des réunions, la requérante relève que M. E. ne rencontrait M. W. que de manière occasionnelle, tout au plus une ou deux fois par an. Les discussions auraient eu un caractère informatif et auraient porté uniquement sur le déroulement général des opérations.

46      Dans ce contexte, la requérante fait observer que la taille de son groupe serait passée de 24 participations en 1996, représentant un chiffre d’affaires de 437,6 millions d’euros, à 51 participations en 2000, pour un chiffre d’affaires total d’environ 1,4 milliard d’euros. En revanche, le chiffre d’affaires de Fardem Packaging n’aurait pas représenté plus de 5 % en 1996, et moins de 2 % en 2001, du chiffre d’affaires du groupe. Dans le portefeuille d’entreprises de la requérante, Fardem Packaging occupait une place peu importante. Les efforts de gestion développés par la requérante se seraient, dès lors, dirigés vers les entreprises du groupe qui apportaient une contribution plus essentielle aux résultats.

47      En conclusion, la requérante fait valoir qu’elle a fourni les preuves établissant qu’elle n’avait pas influé sur la stratégie de Fardem Packaging. L’intervention très ponctuelle de la requérante auprès de sa filiale illustrerait que seule la rentabilité de ses participations l’intéressait.

48      La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

49      Tout d’abord, il convient de rappeler que, dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (arrêt de la Cour du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, non encore publié au Recueil, points 37 à 39).

50      Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants, de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt General Química e.a./Commission, point 49 supra, point 40).

51      En outre, dès lors qu’il est établi que la société mère et la filiale constituent une unité économique, la Commission a la faculté, selon une jurisprudence constante, d’imputer la responsabilité d’un comportement infractionnel à la société mère, à la filiale ou à la société mère solidairement avec sa filiale.

52      Afin de renverser la présomption d’influence déterminante, d’une part, il incombe à la société mère de soumettre à l’appréciation de la Commission tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques, entre sa filiale et elle-même (voir, en ce sens, arrêt AkzoNobel e.a./Commission, point 15 supra, point 65) et, d’autre part, la Commission, quant à elle, est effectivement obligée d’apprécier tout élément relatif aux liens susceptibles d’établir que la filiale se comportait de manière autonome par rapport à sa société mère et que ces deux sociétés ne constituaient donc pas une entité économique (voir, en ce sens, arrêt General Química e.a./Commission, point 49 supra, point 76).

53      Dans la présente affaire, la Commission ne s’est pas limitée à invoquer la circonstance selon laquelle la requérante détenait 100 % du capital de Fardem Packaging. En effet, la décision attaquée se réfère également à quatre autres éléments supplémentaires, à savoir le courriel interne du 9 janvier 2002 de M. L. (considérant 595), le courriel interne de Fardem Packaging du 14 décembre 1999 relatif à une question d’assurance (considérant 596), une note manuscrite prise lors d’une réunion du sous-groupe « Teppema », dans laquelle il est fait référence à un responsable de Fardem Packaging chez la requérante (considérant 597), ainsi que le rapport fait par Fardem Packaging à la requérante sur la gestion courante (considérants 106 et 590). Il convient, dès lors, d’examiner d’abord si la requérante a réussi à réfuter ces quatre éléments supplémentaires.

54      En premier lieu, s’agissant du courriel de M. L., le fait qu’il provienne d’un tiers ne suffit pas pour l’écarter comme élément de preuve. En effet, les procédures devant le Tribunal sont régies par le principe de la libre administration des preuves, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites résidant dans leur crédibilité (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 273).

55      De plus, le courriel de M. L. démontre que M. W., directeur de la requérante à l’époque des faits, était impliqué dans l’achat de la machine dite coextrudeuse, au moins à un certain degré. Dans ses écritures, la requérante affirme que M. W. a souhaité que l’acquisition de la machine soit financée hors bilan, afin de ne pas compromettre la vente de Fardem Packaging. Dans de telles circonstances, la question de savoir si la décision définitive concernant l’achat de la machine appartenait à M. W. ou à la direction de Fardem Packaging est dépourvue de pertinence, car le courriel démontre l’existence d’une influence de la requérante sur le comportement de Fardem Packaging.

56      En outre, la déclaration notariée de M. L. du 17 février 2006, visée au point 39 ci-dessus, n’est pas crédible. En effet, il ne paraît pas logique de tenter de rassurer un client sur l’investissement important que représentait la coextrudeuse en faisant référence au directeur de la société mère, si celui-ci n’avait pas été en mesure d’exercer une influence décisive au regard d’une telle acquisition. Le fait que M. L. ait ressenti le besoin de se référer à M. W. dans une discussion avec un client est un indice que la requérante exerçait une influence déterminante sur le comportement de Fardem Packaging.

57      En deuxième lieu, la requérante ne conteste pas non plus l’existence du courriel interne de Fardem Packaging précisant que la requérante « est en train d’enquêter essentiellement sur Recall, pour l’assurance ! ». Elle admet, effectivement, que, à l’époque des faits, elle avait un contrat d’assurance collectif dont Fardem Packaging a fait usage. Contrairement à ce que la requérante fait valoir, une telle implication au niveau de la gestion des assurances paraît difficilement conciliable avec l’affirmation selon laquelle la requérante et Fardem Packaging ne constituaient pas une entité économique. Une société autonome devrait être en mesure de définir sa propre politique en matière d’assurances. En outre, l’incident démontre que la requérante suivait les finances de sa filiale de près.

58      En troisième lieu, la Commission s’est basée sur une note manuscrite (« v. Hattum – Schuttersveld > supervisor Fardem ») prise lors d’une réunion du sous-groupe « Teppema ». Il s’agit d’une constatation sans aucun rapport avec le comportement de Fardem Packaging. La requérante fait observer dès lors, à juste titre, que cette note ne permet pas d’affirmer qu’elle soit intervenue en tant que superviseur de Fardem Packaging. En outre, l’auteur de cette note, M. H., de la société BPI, a déclaré qu’il avait uniquement voulu insister sur le fait que Fardem Packaging avait été rachetée par la requérante.

59      En quatrième lieu, s’agissant du rapport fait par Fardem Packaging à la requérante, il convient d’observer que la requérante et Fardem Packaging s’échangeaient des informations. Ainsi, la requérante ne conteste pas avoir reçu annuellement un budget établi par la direction de Fardem Packaging. L’affirmation de la requérante selon laquelle elle s’est « généralement » abstenue de commenter ce budget est équivoque et laisse sous-entendre qu’elle intervenait de temps à autre. La requérante ne conteste pas non plus qu’elle recevait un rapport financier mensuel. S’il est vrai qu’un rapport financier s’impose en raison de la consolidation financière au sein d’un groupe côté en Bourse, tel que le groupe dirigé par la requérante, il n’en demeure pas moins que ledit rapport s’effectuait sur une base mensuelle et qu’il permettait à la requérante de suivre les activités de sa filiale de façon régulière.

60      Il existait en outre des contacts personnels entre les représentants des deux sociétés. Certes, la requérante fait valoir que ces contacts étaient moins fréquents après l’arrivée de M. E. en 1997, mais elle n’avance aucun élément pour la période précédant son arrivée. De plus, il ressort de la déclaration notariée de M. W. du 16 février 2006 que, à l’époque, il avait « l’habitude » de rencontrer M. E. formellement « une ou deux fois par an » afin de discuter du « déroulement général des opérations à Fardem Packaging ». Selon M. W., il s’intéressait « principalement » aux résultats financiers de Fardem Packaging et il avait « par ailleurs » des contacts avec M. E. « de façon ad hoc » s’il était « dans les environs » de Fardem Packaging. Les contacts étaient donc plus fréquents que ne le suggère la requérante.

61      Il suit des considérations précédentes que la requérante n’a réfuté qu’un des quatre éléments additionnels sur lesquels la Commission s’est fondée, en complément de la détention de 100 % du capital, pour conclure à l’existence d’une entité économique.

62      Il convient d’analyser ensuite les autres éléments avancés par la requérante en vue de réfuter la présomption de l’existence d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

63      Il s’agit d’une plaquette de présentation que la requérante a fournie lors de la procédure administrative pour montrer l’absence de lien entre les activités de Fardem Packaging et celles des autres filiales, des rapports annuels de la requérante de 1996 à 2003, de plusieurs éléments de preuve servant à démontrer que Fardem Packaging n’était qu’un investissement temporaire que la requérante avait l’intention de céder et des déclarations notariées de MM. W. et L., qui ont déjà été évoquées aux points 56 et 60 ci-dessus, et de celle de M. E. du 17 février 2006.

64      En ce qui concerne la synergie entre les activités de Fardem Packaging et celles des autres filiales de la requérante, la plaquette de présentation de la requérante démontre, en effet, que les activités plastiques prenaient une place importante au sein du groupe dirigé par celle-ci. Toutefois, la requérante a expliqué de façon convaincante que, contrairement à ce que suggère la Commission, les activités de Fardem Packaging n’étaient pas apparentées à celles des autres filiales. Ainsi, la requérante a exposé, sans être contredite par la Commission, qu’il n’y avait aucun lien au niveau des matières premières et des machines utilisées, ni au niveau des fournisseurs et des clients, ni pour ce qui est des procédés de fabrication. Cette seule constatation ne suffit cependant pas à établir que Fardem Packaging agissait de façon autonome par rapport à la requérante.

65      Pour ce qui est des rapports annuels, l’absence de référence détaillée à Fardem Packaging n’est guère surprenante, eu égard à la faible importance de ses activités et le manque de synergie avec les autres activités du groupe. En tout état de cause, le poids que peut représenter une filiale dans l’ensemble des activités d’une société mère est un élément purement quantitatif qui ne fournit aucune indication quant aux rapports qualitatifs existants entre une société mère et sa filiale et, partant, quant à la présence ou l’absence d’autonomie de cette dernière. On ne saurait dès lors déduire ni des rapports annuels ni de la taille relative de Fardem Packaging que celle-ci se comportait de façon autonome.

66      S’agissant de l’intention de la requérante de revendre Fardem Packaging, telle qu’illustrée par le contrat de confidentialité conclu avec BPI, il convient également d’observer que cette circonstance est dépourvue de pertinence. Ainsi que la Commission l’a soutenu lors de l’audience, le rachat par une société d’investissement dans le but d’une revente peut également plaider en faveur de l’existence d’une entité économique entre la société d’investissement et la filiale en question. Le fait que la société d’investissement cherche à améliorer les résultats de la filiale à court terme implique, en principe, que la société mère doit s’immiscer dans les affaires de la filiale. En effet, un contrôle effectif et strict peut offrir plus de garanties pour une rentabilité accrue qu’une politique non interventionniste.

67      En ce qui concerne les déclarations notariées de MM. L. et W., auxquelles il est fait référence respectivement aux points 56 et 60 ci-dessus, il ressort, d’une part, que M. L. éprouva le besoin de contacter M. W. avant d’investir dans un outil de production et, d’autre part, que M. W. rencontrait M. E. à plusieurs occasions. Ces déclarations ne démontrent donc pas que la requérante n’exerçait pas d’influence déterminante sur le comportement de Fardem Packaging. La déclaration notariée de M. E. n’altère pas ce constat. Sa déclaration correspond à celles de MM. L. et W. et n’apporte pas de nouveaux éléments ou enseignements, hormis une affirmation, non étayée, selon laquelle M. E. déterminait la stratégie de Fardem Packaging. Il convient de préciser, à cet égard, que l’absence d’instruction de la part de la requérante sur la gestion quotidienne (dagelijks beheer) de Fardem Packaging ne signifie pas que celle-ci pouvait se comporter de façon autonome.

68      En conclusion, la requérante n’a réussi à renverser ni la valeur probante de la plupart des éléments de preuve supplémentaires avancés par la Commission ni la présomption de l’exercice d’un contrôle effectif de la requérante sur le comportement de sa filiale. La Commission pouvait dès lors considérer à bon droit que la requérante et Fardem Packaging constituaient une seule entité économique et, partant, que la responsabilité du comportement anticoncurrentiel de Fardem Packaging pouvait être imputée à la requérante.

 En ce qui concerne l’offre de preuve

–       Arguments des parties

69      La requérante offre formellement de démontrer toutes ses affirmations, notamment au moyen des témoignages de MM. W., E. et L. Elle indique que, pour démontrer les faits évoqués dans la requête, les trois témoins en cause ont déposé des déclarations sous serment devant un notaire. La requérante estime que les déclarations faites sous cette forme sont revêtues de force probante et doivent, contrairement à ce que la Commission fait valoir, être admises en tant que preuves testimoniales au sens du règlement de procédure. La requérante fait observer qu’elle doit prouver un fait négatif pour démontrer qu’elle n’exerçait pas d’influence sur sa filiale. Sauf exception, une telle preuve ne peut pas, selon la requérante, être fournie au moyen de documents écrits et ne peut, en principe, être apportée que par des témoins. Si le Tribunal estimait toutefois que les déclarations sous serment n’auraient d’autre valeur que celle d’offres de preuve, la requérante le prie d’ordonner, à titre de mesure d’instruction, que les trois témoins en question soient convoqués et entendus au sujet de la question de savoir si la requérante a déterminé la politique de Fardem Packaging.

70      La Commission relève que, selon la jurisprudence, les dépositions de MM. W., E. et L., qui ont été faites sous serment devant un notaire lié au cabinet d’avocats de ses agents, ne sont pas admissibles en tant que preuves testimoniales au sens du règlement de procédure et doivent être considérées comme des offres de preuve dans la procédure devant le Tribunal (arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice, C‑243/04 P, non publié au Recueil, points 48 et 49, et arrêt du Tribunal du 21 avril 2004, M/Cour de justice, T‑172/01, Rec. p. II‑1075, point 94). La Commission ajoute que les déclarations en cause n’ont pas été produites durant la procédure administrative et ne doivent donc pas être prises en compte. En effet, selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission, T‑330/01, Rec. p. II‑3389, points 83, 88 et 89), l’élément décisif serait de savoir si la société mère a réfuté, au cours de la procédure administrative, la présomption en cause. Dans ces circonstances, aucun motif ne justifierait d’accueillir la demande visant à entendre ces personnes comme témoins.

–       Appréciation du Tribunal

71       Il convient de rappeler tout d’abord que les procédures devant le Tribunal sont régies par le principe de la libre administration de la preuve (voir point 54 ci-dessus). En outre, dans le domaine de l’application des articles 81 CE et 82 CE, aucune disposition n’imposait au destinataire de la communication des griefs de contester, au cours de la procédure administrative, les différents éléments de fait ou de droit qui y figuraient sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procédure juridictionnelle (arrêt de la Cour du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, non encore publié au Recueil, point 89). Les déclarations notariées de MM. W., E. et L. doivent donc être admises, même si elles n’avaient pas été produites lors de la procédure administrative.

72      Toutefois, il ressort des considérations précédentes (voir points 56, 60 et 67 ci-dessus) que les déclarations ne sont pas susceptibles de mener, ni en elles-mêmes ni avec d’autres éléments de preuve, à la conclusion que la Commission ait commis une erreur d’appréciation des faits en constatant que la requérante n’était pas parvenue à réfuter la présomption de l’exercice d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

73      Dès lors, il y a lieu d’admettre les déclarations notariées de MM. W., E., et L. et de rejeter le deuxième moyen, sans qu’il soit besoin de recourir à des mesures d’instruction.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et d’un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le « principe prohibant toute décision arbitraire », le principe d’égalité de traitement et le « principe de diligence », en ce que la requérante a été tenue responsable d’une infraction commise par Fardem Packaging

 Arguments des parties

74      La requérante soutient que la Commission n’était pas tenue de lui infliger une amende et qu’elle aurait dû, à l’instar de sa pratique décisionnelle antérieure, se limiter à imposer une amende à la filiale, eu égard notamment au fait que la société mère n’avait pas eu connaissance de l’infraction. La requérante se réfère également à l’arrêt du Tribunal du 19 septembre 2006, Lucchini/Commission (T‑166/01, Rec. p. II‑2875, point 144), pour affirmer que la Commission aurait, en tout cas, dû exposer les motifs pour lesquels elle a jugé qu’il serait approprié en l’espèce d’imposer une amende à la requérante, bien qu’elle se soit abstenue de le faire dans d’autres affaires.

75      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

76      Par le présent moyen, la requérante invoque, en substance, une violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation parce que, contrairement à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, elle a été tenue responsable d’une violation de l’article 81 CE en tant que société mère à 100 % d’une filiale ayant participé à une entente.

77      En ce qui concerne l’application du principe d’égalité de traitement, il est de jurisprudence constante que, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 81, paragraphe 1, CE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende, alors même que le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 197, et arrêt du Tribunal du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 430).

78      Dans cette perspective, le principe d’égalité de traitement ne s’opposait pas à ce que la requérante soit sanctionnée. En effet, la seule circonstance selon laquelle, dans une affaire antérieure, la société mère à 100 % n’a pas été tenue responsable de l’infraction ne saurait priver la Commission de la possibilité d’imputer la responsabilité à la société mère dans une autre affaire, telle que celle de l’espèce. En outre, il convient de rappeler qu’en matière d’amendes la Commission n’est pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 169).

79      Quant à la motivation de la décision attaquée, il convient de se référer à l’appréciation du premier moyen, de laquelle il ressort que la décision attaquée contient les éléments sur lesquels la Commission s’est fondée pour tenir la requérante responsable du comportement de Fardem Packaging.

80      Le troisième moyen ne saurait donc être accueilli.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, dans la mesure où la décision attaquée est incompatible avec un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le « principe prohibant toute décision arbitraire », le principe d’égalité de traitement et le principe de proportionnalité, en ce qu’elle inflige à la requérante, en sa qualité de société mère, une amende qui est supérieure à celle infligée à la filiale qui a été jugée solidairement responsable

 Arguments des parties

81      La requérante estime que, dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que la Commission était en droit d’infliger une amende à la requérante, cette amende ne saurait être supérieure à celle imposée à Fardem Packaging. Lors de l’audience, la requérante a précisé que le fait de lui imposer une amende supérieure à celle fixée pour Fardem Packaging est contraire à la jurisprudence et notamment à l’arrêt General Química e.a./Commission, point 49 supra (point 40), duquel il ressortirait que la Commission ne peut déclarer la société mère solidairement responsable que pour l’amende infligée à la filiale. Ce fait serait également contraire au principe de la responsabilité personnelle. En effet, la responsabilité d’une infraction devrait être imputée à la personne physique ou morale qui exploitait l’entreprise participante à l’entente. Cette société serait Fardem Packaging et non la requérante. Enfin, la requérante s’est référée à l’arrêt du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens Österreich e.a./Commission (T‑122/07 à T‑124/07, non encore publié au Recueil, point 252). Il en ressortirait que la requérante et Fardem Packaging, ayant formé une entreprise, auraient dû être tenues pour responsables de l’infraction à hauteur du même montant.

82      S’agissant de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, imposé par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la requérante fait valoir tout d’abord que la Commission aurait dû faire une distinction entre, d’une part, les situations dans lesquelles la société mère est impliquée elle-même dans l’infraction et, d’autre part, les situations dans lesquelles la société mère ne peut aucunement être associée à l’infraction et n’en avait même pas connaissance.

83      Dans la première hypothèse, la Commission pourrait appliquer le seuil de 10 % au chiffre d’affaires de la société mère, parce que celle-ci a elle-même participé à l’infraction ou, du moins, en avait connaissance. En l’espèce, la requérante fait observer que la Commission semble avoir fait ce choix dans le cas des entreprises Nordenia International et Nordfolien. Dans la seconde hypothèse, seule la filiale se serait rendue coupable d’une infraction, de sorte que sa société mère ne pourrait jamais se voir infliger une amende. En effet, rien dans le comportement de la société mère ne justifierait le supplément de peine, qui est la conséquence inévitable du fait que c’est son chiffre d’affaires, plus élevé, qui détermine le montant maximal de l’amende. Cela serait d’autant plus vrai que toute autre solution impliquerait que les sociétés mères qui n’ont pas participé à l’infraction se verraient infliger des amendes aussi lourdes que les sociétés mères qui s’en sont rendues complices.

84      Or, en traitant la société mère qui n’avait pas participé elle-même à l’infraction et n’en avait pas connaissance de la même manière qu’une société mère qui y aurait participé ou en aurait eu connaissance, la Commission aurait violé le « principe prohibant toute décision arbitraire » ainsi que le principe d’égalité de traitement.

85      Ensuite, la requérante fait valoir que, selon la doctrine, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires doit, en principe, être calculé sur la base du chiffre d’affaires de la plus petite entreprise, dans des cas de responsabilité solidaire.

86      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

87      Tout d’abord, il convient de constater que les arguments de la requérante méconnaissent une partie essentielle du raisonnement qui a amené la Commission à lui imposer une amende de 34 millions d’euros et, en ce qui concerne ce montant, à tenir Fardem Packaging responsable solidairement à hauteur de 2,20 millions d’euros. En effet, le montant que la Commission a estimé approprié pour sanctionner la participation de Fardem Packaging à l’entente pour une période excédant 20 ans ne correspond pas au montant de 2,20 millions d’euros mentionné dans le dispositif de la décision attaquée, mais à un montant de 60 millions d’euros. Ce dernier montant résulte, d’abord, de la fixation d’un montant de départ de 20 millions d’euros en fonction de la part de marché réalisée par Fardem Packaging en 1996 et, ensuite, de la majoration de ce montant de départ par un pourcentage de 10 % par année complète d’infraction (voir considérants 777, 779 et 781 de la décision attaquée). Toutefois, la Commission n’a pas pu imposer une amende de 60 millions d’euros à Fardem Packaging, car ce montant aurait excédé le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires annuel et, partant, la limite absolue imposée par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en ce qui concerne les sanctions que la Commission peut infliger pour les infractions aux règles de concurrence (considérant 820 de la décision attaquée). C’est ainsi que la Commission a dû limiter la sanction imposée à Fardem Packaging à 2,20 millions d’euros.

88      S’agissant de la sanction imposée à la requérante, la Commission a fondé ses calculs sur le même montant de départ de 20 millions d’euros que celui retenu pour Fardem Packaging, montant qu’elle a ensuite majoré de 70 % en fonction de la durée de la période pendant laquelle Fardem Packaging et la requérante ont constitué une seule et même entreprise au sens de l’article 81 CE. Dans la mesure où le montant de 34 millions d’euros ne dépassait pas le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires, la Commission a décidé d’imposer une amende à hauteur de ce montant à la requérante.

89      Par conséquent, le fait que la Commission, dans la décision attaquée, ait imposé une amende de 34 millions d’euros à la requérante et une amende de 2,20 millions d’euros à Fardem Packaging s’explique par l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 à Fardem Packaging. Bien que l’article 2, sous d), de la décision attaquée soit rédigé de manière équivoque, sa portée et son contenu sont tout à fait compréhensibles à la lecture des considérants 766 à 784, 820 et 879. Il convient dès lors de conclure que le fait que la requérante s’est vu imposer une amende supérieure à celle imposée à Fardem Packaging correctement motivé.

90      Il y a lieu de vérifier ensuite si la Commission avait le droit de limiter l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 à la sanction applicable à Fardem Packaging ou si elle devait également en faire bénéficier la requérante.

91      À cet égard, il convient de rappeler que le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 se rapporte au chiffre d’affaires global réalisé par l’entreprise concernée durant l’exercice social précédant la date de la décision infligeant l’amende et qu’il tend, notamment, à protéger les entreprises contre un niveau excessif d’amende qui pourrait détruire leur substance économique. Il est donc conséquent que le plafond se rapporte non pas à la période des infractions sanctionnées, qui peut être révolue depuis plusieurs années à la date d’imposition de l’amende, mais à une époque rapprochée de cette date (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 389).

92      Il résulte également de la jurisprudence que l’objectif poursuivi par l’introduction du plafond de 10 % du chiffre d’affaires ne peut être réalisé que si ce plafond est appliqué, dans un premier temps, à chaque destinataire séparé de la décision infligeant l’amende. Ce n’est que s’il s’avère, dans un second temps, que plusieurs destinataires constituent l’entreprise au sens de l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée, et ce encore à la date de l’adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées. En revanche, si cette unité économique a entre-temps été rompue, chaque destinataire de la décision a le droit de se voir appliquer individuellement le plafond en cause (voir, en ce sens, arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 91 supra, point 390).

93      En l’espèce, l’entité économique que la requérante et Fardem Packaging constituaient ensemble durant la période comprise entre le 8 juin 1995 et le 26 juin 2002 a été rompue à la suite de la reprise de l’entreprise par ses dirigeants, effectuée en 2003. Ces deux sociétés ne constituaient donc plus une seule entreprise à la date d’adoption de la décision attaquée. Il s’ensuit que la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation en limitant l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires au seul montant de base de l’amende retenu pour Fardem Packaging.

94      Les arguments avancés par la requérante ne sauraient remettre en cause ce constat.

95      S’agissant en premier lieu de la référence faite par la requérante au point 40 de l’arrêt General Química e.a./Commission, point 49 supra, il convient de préciser que cet arrêt concerne les conditions dans lesquelles une société mère peut être tenue responsable des comportements infractionnels de sa filiale et qu’il ne concerne pas la question de savoir comment la Commission doit appliquer l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 dans des situations, telles que celle de l’espèce, dans lesquelles deux sociétés ne font plus partie de la même entreprise à la date d’adoption de la décision attaquée. Le point 40 de l’arrêt General Química e.a./Commission, point 49 supra, applique les conclusions auxquelles est arrivée la Cour au sujet de la responsabilité d’une société mère aux faits du cas d’espèce, mais ne cherche aucunement à formuler une règle de droit au sujet d’un problème sur lequel la Cour n’avait pas à se prononcer.

96      En deuxième lieu, en ce qui concerne la référence faite par la requérante à l’arrêt Siemens Österreich e.a./Commission, point 81 supra, il importe de préciser que cet arrêt ne permet pas d’affirmer que la responsabilité d’une société mère et de son ancienne filiale doit en toutes circonstances être répartie en parts égales. En effet, il ressort des points 158 et 159 de cet arrêt que le principe de la responsabilité à parts égales est une règle s’appliquant par défaut, lorsque la décision portant infliction d’une amende n’offre pas d’autres indications. Or, ainsi qu’il a été précisé aux points 25 et 26 ci-dessus, la décision attaquée expose tant la base que l’étendue de la responsabilité de la requérante. Il n’y a donc pas lieu de recourir au principe formulé par le Tribunal dans ledit arrêt.

97      En troisième lieu, s’agissant de la distinction que la requérante cherche à faire entre les sociétés mères qui étaient impliquées elles-mêmes dans les agissements anticoncurrentiels et les sociétés mères qui n’en avaient pas connaissance, la requérante se méprend sur le fondement de la responsabilité d’une société mère en raison du comportement infractionnel de sa filiale. Cette responsabilité découle de la circonstance que la société mère et la filiale constituent ou constituaient une seule entreprise au sens l’article 81 CE, indépendamment du fait que la société mère était impliquée elle-même dans les agissements anticoncurrentiels ou de la connaissance qu’elle ait pu en avoir (voir point 27 ci-dessus). La distinction effectuée par la requérante est donc dépourvue de pertinence pour apprécier le degré de responsabilité d’une société mère au regard des règles de concurrence.

98      En quatrième et dernier lieu, contrairement à ce que la requérante soutient, la décision attaquée n’a pas pour objet d’infliger à la requérante une amende supérieure à celle de Fardem Packaging. Au contraire, il résulte des constatations faites au point 86 ci-dessus que la Commission a cherché à imposer à cette dernière une amende de 60 millions d’euros et que seule l’application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 s’opposait à ce qu’un tel montant puisse lui être imposé.

99      Dans ces conditions, il convient de conclure que la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation en imposant une sanction de 34 millions d’euros à la requérante.

100    Le quatrième moyen doit dès lors être rejeté.

  Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et d’un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le principe d’égalité de traitement, en ce que la requérante a fait l’objet d’un traitement différent de celui qui a été réservé aux autres sociétés mères jugées solidairement responsables d’infractions commises par une filiale

 Arguments des parties

101    La requérante soutient que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en la traitant différemment des sociétés mères, telles que Groupe Gascogne, BPI, FLS Plast, FLSmidth et Trioplast Industrier, qui se trouvaient dans une position identique. La Commission ne leur aurait imposé qu’une obligation solidaire pour l’amende (ou une partie de celle-ci) qui avait été infligée à leurs filiales de l’époque. En outre, ces autres sociétés mères auraient été impliquées davantage dans l’infraction, dans la mesure où leurs administrateurs auraient fait partie du conseil d’administration des filiales en question.

102    À cet égard, la requérante précise que la Commission est tenue d’appliquer la même méthode de calcul des amendes pour toutes les entreprises concernées (arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑813, point 65). Le souhait de la Commission d’infliger l’amende à la personne morale responsable du montant de base le plus élevé, que ce soit la filiale ou la société mère, est, selon la requérante, une considération d’opportunité qui ne saurait offrir une justification objective à l’inégalité de traitement dont elle a fait l’objet. Le fait que Nordenia International s’est vu imposer une amende plus lourde que sa filiale Nordfolien ne saurait non plus offrir une telle justification, car Nordenia International était elle-même impliquée dans l’entente. La position de la requérante serait donc unique, non seulement par rapport aux sociétés impliquées dans la présente affaire, mais également par rapport à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.

103    Ensuite, la requérante conteste que son amende, qui est beaucoup plus importante que celles infligées aux sociétés mères qui n’étaient pas non plus elles-mêmes impliquées dans l’entente, soit justifiée en vue d’assurer un effet dissuasif suffisant. En effet, il s’agirait d’une amende ayant un effet dissuasif comparable à celle infligée à la société UPM-Kymmene, alors que le degré d’implication de cette dernière ne saurait être comparé à celui de la requérante.

104    Enfin, la requérante conteste que le niveau de son amende puisse être justifié par le souci d’éviter des transactions opportunistes visant à faire échapper les filiales à de lourdes sanctions en les vendant avant la date de la décision attaquée. La requérante explique que le processus de vente de Fardem Packaging avait été engagé avant que la Commission n’entame son enquête. La reprise de l’entreprise par ses dirigeants, en 2003, n’aurait donc eu aucun rapport avec l’enquête de la Commission.

105    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

106    Tout d’abord, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Ce principe s’étend, selon la jurisprudence, à la détermination des amendes effectuée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 309).

107    Au regard de la détermination des amendes, le respect du principe d’égalité de traitement exige que la Commission doive normalement utiliser une seule et même méthode de calcul du montant des amendes infligées aux entreprises sanctionnées pour avoir participé à une même infraction (arrêt Cascades/Commission, point 102 supra, point 65). Toutefois, s’il est vrai que l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires peut avoir pour effet qu’une entreprise se voit imposer un montant d’amende finale inférieur tant au montant initialement prévu qu’aux montants des amendes imposées aux autres participants à la même entente, il n’en demeure pas moins que la sanction finale résultant de l’application dudit plafond affecte davantage cette entreprise en ce qu’elle se voit amputée de 10 % de son chiffre d’affaires, conséquence à laquelle échappent les entreprises auxquelles le plafond ne s’applique pas. Dans la mesure où l’application du plafond de 10 % peut effectivement donner lieu à d’autres résultats que les montants intermédiaires issus de l’application par la Commission de la méthodologie issue de ses propres lignes directrices [en l’espèce, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3), ci-après les « lignes directrices »], cette différence est objectivement justifiée en tant qu’application directe de la limite légale prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 197).

108    L’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait violé ces principes ne saurait être retenue pour les raisons suivantes.

109    En premier lieu, il ressort de la décision attaquée que la Commission a appliqué une seule et même méthode pour déterminer le montant des amendes applicables à tous les destinataires de la décision attaquée, y inclus la requérante, qui sont tenus responsables en tant que sociétés mères d’une filiale impliquée dans l’entente. En effet, après avoir fixé les montants de départ pour les participants directs à l’entente (considérants 766 à 778 de la décision attaquée), la Commission a attribué ces montants aux sociétés mères responsables et elle les a augmentés en fonction de la durée de l’infraction imputée à chacune d’entre elles (considérants 779 à 884 de la décision attaquée). Ensuite, le montant de base de chacune des sociétés mères a été adapté, le cas échéant, sur la base des circonstances aggravantes et atténuantes (considérants 785 à 812 de la décision attaquée), du plafond de 10 % du chiffre d’affaires (considérants 813 à 822 de la décision attaquée) et de la coopération avec la Commission dans le cadre de son enquête (considérants 823 à 867 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a tenu compte de la capacité de paiement de chacun des destinataires (considérants 868 à 878 de la décision attaquée).

110    En deuxième lieu, il convient de rappeler que la circonstance particulière selon laquelle la requérante est tenue de payer un montant plus élevé que celui infligé à son ancienne filiale Fardem Packaging est la conséquence directe de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir point 87 ci-dessus). Si Fardem Packaging avait encore fait partie de la même entreprise que celle de la requérante au moment de l’adoption de la décision attaquée, le montant de son amende aurait été de 60 millions d’euros et donc supérieur au montant de 34 millions d’euros imposé à la requérante. Or, il ressort de la jurisprudence citée au point 106 ci-dessus que l’application du plafond de 10 % ne donne pas lieu à une violation du principe d’égalité de traitement invoqué par la requérante.

111    En troisième lieu, il importe de relever que l’application d’une même méthode de calcul n’aboutit pas nécessairement à l’imposition d’amendes identiques. Les différences entre les amendes imposées aux différentes sociétés mères résultent tout simplement des différences entre leurs données individuelles auxquelles la méthode de calcul uniforme a été appliquée. Dans la mesure où les différences invoquées par la requérante s’expliquent en fonction des circonstances individuelles propres à chaque société mère, y compris celles propres à la requérante, ces différences ne sauraient être considérées comme discriminatoires ou injustifiées.

112    Il résulte de ces considérations que l’amende infligée à la requérante découle logiquement de la méthodologie appliquée par la Commission à l’ensemble des destinataires de la décision attaquée, dans les limites tracées par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

113    Il convient dès lors de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et d’un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le « principe de diligence », le principe de proportionnalité et le « principe de motivation », en ce que le montant de base de l’amende de Fardem Packaging a été fixé à 60 millions d’euros

 Arguments des parties

114    La requérante estime en premier lieu qu’une amende de 60 millions d’euros pour une entreprise qui réalise annuellement un chiffre d’affaires d’environ 20 millions d’euros est disproportionnée, même si un tel montant ne représente qu’une étape intermédiaire dans le calcul de l’amende.

115    En deuxième lieu, la requérante se réfère aux passages de la requête introduite par Fardem Packaging contre la décision attaquée (affaire T‑51/06). Elle estime qu’elle devrait bénéficier d’une éventuelle réduction du montant de l’amende de Fardem Packaging, étant donné que le montant de sa propre amende est fondé sur celui de l’amende de Fardem Packaging.

116    La requérante conteste l’argumentation de la Commission selon laquelle une réduction du montant de l’amende de Fardem Packaging par le Tribunal n’aurait aucune incidence sur le niveau de sa propre amende, à moins qu’elle expose elle-même les motifs justifiant une telle réduction dans sa propre affaire. En tout état de cause, la requérante cherche à contrer cette argumentation en reproduisant dans la réplique les moyens présentés par Fardem Packaging dans l’affaire T-51/06 concernant le calcul du montant de départ qui lui a été attribué, de sorte que ces moyens s’appliquent également dans la présente affaire.

117    Lors de l’audience, la requérante a affirmé que, dans la mesure où la Commission invoque l’irrecevabilité des arguments portant sur le montant de l’amende infligée à Fardem Packaging, cette dernière violerait des droits de la défense prévus à l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

118    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

119    S’agissant de la recevabilité de la demande tendant à la réduction du montant de base de l’amende imposée à Fardem Packaging, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, les décisions en matière d’ententes, telles que la décision attaquée, s’analysent comme des faisceaux de décisions individuelles et qu’une telle décision ne saurait être annulée qu’en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de cause dans leurs recours devant le juge de l’Union et demeurerait contraignante à l’égard des destinataires n’ayant pas introduit de recours en annulation (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 100 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363, points 49 et suivants).

120    Il s’ensuit que, dans la mesure où le sixième moyen de la requérante tend à contester le montant de base retenu pour Fardem Packaging, il ne saurait être recevable, car il met en cause une sanction infligée à une personne morale tierce.

121    Cette circonstance ne s’oppose toutefois pas à ce que la requérante remette en cause, dans le cadre de ses propres moyens, le bien-fondé de la détermination par la Commission du montant imposé à Fardem Packaging, pour autant que cette remise en cause est susceptible d’influer sur le niveau de sa propre amende. En effet, la sanction infligée à la requérante a été déterminée en fonction de la sanction imposée à Fardem Packaging, dès lors que le montant de départ de la sanction imposée à la requérante a été déterminé par référence à la part de marché de Fardem Packaging. Aux fins d’obtenir la réduction du montant de sa propre amende, la requérante doit donc pouvoir contester la détermination de ce montant de départ.

122    Il convient toutefois de constater que, par son premier grief, la requérante ne conteste pas le montant de départ retenu pour Fardem Packaging et elle-même, mais qu’elle met en cause le montant de base de 60 millions d’euros. Or, ce montant de base de 60 millions d’euros fixé pour Fardem Packaging n’a pas été attribué à la requérante. En effet, il ressort des considérants 766 à 784 de la décision attaquée que ce n’est que le montant de départ de 20 millions, fixé pour Fardem Packaging sur la base de sa part de marché en 1996, qui a été pris comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à la requérante. Ce montant a été majoré de 70 % en fonction de la durée de l’implication de la requérante dans l’entente pour parvenir à un montant de base de 34 millions d’euros.

123    Ainsi, le premier grief concernant le caractère prétendument disproportionné du montant de base de 60 millions d’euros retenu pour Fardem Packaging est inopérant, car il n’est pas susceptible de mener à une réduction du montant de l’amende infligée à la requérante.

124    En revanche, le deuxième grief concerne effectivement la détermination du montant de départ de Fardem Packaging, ce qui est susceptible d’avoir une incidence sur le niveau de la sanction infligée à la requérante. Il ne s’ensuit pas pour autant que ce grief est recevable.

125    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 44 du règlement de procédure s’oppose à ce qu’un requérant se limite, au soutien de son recours, à se référer aux arguments qu’un tiers a développés dans le cadre de son propre recours contre la même décision, ainsi que la requérante l’a fait en l’espèce en renvoyant aux arguments développés par Fardem Packaging dans l’affaire T-51/06. En effet, cet article prévoit que la requête visée à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne contient l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Or, un tel exposé sommaire, relatif à la détermination du montant de départ retenu pour Fardem Packaging, fait défaut dans la requête déposée par la requérante.

126    En outre, il est de jurisprudence constante que l’identité des parties, et en particulier de la requérante, dans les deux affaires est une condition essentielle de la recevabilité de moyens prétendument soulevés par le biais d’un renvoi aux écrits dans une autre affaire (arrêts du Tribunal du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec. p. II‑5527, point 67, et du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava et Gobierno Vasco e.a./Commission, T‑230/01 à T‑232/01 et T‑267/01 à T‑269/01, non publié au Recueil, point 109). En l’espèce, la requérante a fait référence aux moyens invoqués par un tiers dans une autre affaire, à savoir Fardem Packaging dans l’affaire T‑51/06, et non pas par elle-même. Bien que la requérante et Fardem Packaging aient constitué une entité économique lors de l’infraction, la condition de l’existence d’une identité des parties n’était en tout état de cause pas remplie lors du dépôt du présent recours.

127    Enfin, il ne saurait être remédié à la violation de l’article 44 du règlement de procédure au stade de la réplique, ainsi que la requérante a cherché à le faire en l’espèce en reproduisant au point 49 de la réplique les parties pertinentes de la requête de Fardem Packaging (septième à dixième moyens). En effet, les arguments ainsi avancés, sans aucune allusion à un nouvel élément de droit ou de fait survenu en cours de procédure, doivent être considérés comme tardifs au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

128    Il s’ensuit que le sixième moyen doit être déclaré irrecevable.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et d’un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le principe de proportionnalité et le « principe de diligence », en ce qu’une amende de 34 millions d’euros a été imposée à la requérante

129    Le septième moyen porte sur le montant de l’amende infligée à la requérante, à savoir 34 millions d’euros, et se divise en plusieurs branches concernant, respectivement, la circonstance que l’imposition de l’amende est sans précédent, l’absence de relation entre l’amende et l’importance du marché concerné, les résultats disproportionnés de l’application des lignes directrices pour les entreprises de moindre envergure, les circonstances individuelles caractérisant la situation de la requérante, l’impact sur le marché concerné et l’incidence de l’amende sur les marchés non liés au marché en cause. Les différentes branches seront traitées successivement.

 En ce qui concerne la première branche, relative à l’imposition d’une amende sans précédent

–       Arguments des parties

130    La requérante fait observer que la décision attaquée est sans précédent et qu’elle aurait dû, pour le moins, être motivée de façon plus détaillée. En effet, ce serait la première condamnation d’une société mère qui n’était aucunement impliquée dans l’entente elle-même à une amende plus élevée que celle imposée à la filiale. À cet égard, la requérante précise que l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 91 supra, ne constitue pas un précédent pertinent, car il concerne un autre cas de figure. S’il est vrai que la Commission peut élever le niveau des amendes en vue d’assurer la mise en œuvre efficace de la politique communautaire de la concurrence, il n’en demeure pas moins, selon la requérante, que la Commission n’aurait jamais fait savoir, que ce soit par une pratique décisionnelle ou par le biais de lignes directrices, qu’une société mère puisse se voir imposer une amende maintes fois plus élevée que celle infligée à son ancienne filiale.

131    Dans ces circonstances, la requérante estime que, eu égard au chiffre d’affaires réalisé par Fardem Packaging dans les années précédant la décision attaquée, elle ne pouvait aucunement prévoir que l’amende dépasserait un ordre de grandeur de 2 millions d’euros. Il n’y avait donc aucune raison pour la requérante d’avertir la Commission, lors de la procédure administrative, de sa faible position financière. Au contraire, il aurait appartenu à la Commission de l’avertir du changement de sa politique en matière d’amendes et de l’inviter à l’informer de sa situation financière.

132    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

133    Selon une jurisprudence constante, le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement n° 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de la concurrence de l’Union, et, au contraire, l’application efficace des règles de concurrence de l’Union exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 78 supra, point 169).

134    Contrairement à ce qu’affirme la requérante, cette liberté d’action ne concerne pas seulement des situations dans lesquelles la Commission adopte de nouvelles lignes directrices, mais aussi la pratique décisionnelle elle-même. En effet, la Cour a reconnu la possibilité pour la Commission de revoir sa pratique bien avant qu’elle n’adopte les lignes directrices (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109).

135    En outre, il ressort de l’arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 91 supra, que l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires concerne la situation individuelle de chaque destinataire d’une décision en matière d’amendes.

136    Dans ces circonstances, la requérante ne saurait affirmer qu’il était impossible de prévoir que la Commission lui inflige une amende supérieure à celle imposée à son ancienne filiale.

137    Par ailleurs, il incombe à la partie à laquelle une communication des griefs est adressée d’évoquer, le cas échéant et de sa propre initiative, sa capacité contributive réelle (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 107). Partant, même si l’amende infligée à la requérante avait été sans précédent, on ne saurait en déduire que la Commission aurait dû inviter la requérante, lors de la procédure administrative, à se prononcer sur sa situation financière sur la base du point 5, sous b), des lignes directrices. Si la situation à l’époque était aussi grave que la requérante le prétend, elle aurait pu et dû se prévaloir de cette disposition de toute façon.

138    Il convient donc de rejeter la première branche du septième moyen.

 En ce qui concerne la deuxième branche, relative à l’absence de relation entre l’amende et l’importance du marché concerné

–       Arguments des parties

139    La requérante soutient que la Commission n’a pas fixé le montant de son amende en fonction de l’importance du marché des sacs industriels, marché dont elle a estimé la valeur à 220 millions d’euros, ou en fonction du chiffre d’affaires réalisé par les parties sur le marché. L’amende de 34 millions d’euros serait disproportionnée par rapport au chiffre d’affaires que sa filiale réalisait sur ledit marché, à savoir 20 millions d’euros par an, et, par conséquent, par rapport au préjudice causé.

140     La Commission conteste les arguments que la requérante a avancés.

–       Appréciation du Tribunal

141    Tout d’abord, il est loisible à la Commission, en vue de la détermination de l’amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d’affaires global de l’entreprise que de la part de marché réalisée par les marchandises faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci. Il ne faut attribuer ni à l’un ni à l’autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation et, par conséquent, la fixation d’une amende appropriée ne peut être le résultat d’un simple calcul basé sur le chiffre d’affaires global. Il en est particulièrement ainsi lorsque les marchandises concernées ne représentent qu’une faible fraction de ce chiffre (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 134 supra, point 121).

142    En outre, le droit de l’Union ne contient pas de principe d’application général selon lequel la sanction doit être proportionnée à l’importance de l’entreprise sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 101).

143    Par ailleurs, si un lien précis entre les montants des amendes et les chiffres d’affaires réalisés sur le marché concerné devait être établi, il serait approprié de se référer également à la durée de l’infraction. Ainsi que la Commission le fait observer à juste titre, dans un tel cas, il conviendrait non seulement de tenir compte du chiffre d’affaires réalisé pendant une seule année, mais aussi du chiffre d’affaires réalisé par la vente de sacs industriels en plastique durant les 20 ans qu’a duré l’infraction. Or, en l’espèce, la requérante a fait partie de la même entreprise que Fardem Packaging pendant sept ans, durant lesquels celle-ci a pu réaliser, selon les chiffres de la requérante, un chiffre d’affaires cumulé de 140 millions d’euros.

144    Dès lors, la deuxième branche du septième moyen doit être rejetée.

 En ce qui concerne la troisième branche, relative au résultat disproportionné de l’application des lignes directrices pour les entreprises de moindre envergure

–       Arguments des parties

145    La requérante considère, en premier lieu, que l’application des lignes directrices l’affecte de manière particulièrement sévère en comparaison avec d’autres entreprises. À titre d’exemple, la requérante fait observer que l’amende infligée à UPM-Kymmene correspond approximativement à 0,5 % de son chiffre d’affaires total, alors que l’amende qui lui a été infligée représenterait environ 5 % de son chiffre d’affaires et l’amende infligée à Fardem Packaging correspondrait au maximum à 10 % de son chiffre d’affaires. Partant, la requérante estime que, si la Commission applique des majorations pour assurer l’effet dissuasif des amendes qu’elle impose aux grandes entreprises, elle aurait également dû appliquer une correction visant à éviter que des entreprises de moindre envergure soient affectées de manière disproportionnée. À cet égard, la requérante se réfère non seulement aux conclusions de l’avocat général M. Tizzano sous l’arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission (point 78 supra), mais également à un discours tenu par le membre de la Commission chargé des questions de concurrence en 2005. Ces deux personnes auraient reconnu que les lignes directrices sont susceptibles de frapper davantage les petites et moyennes entreprises que les grandes.

146    En deuxième lieu, la requérante relève que l’Autorité néerlandaise de la concurrence calcule les amendes sur la base du « chiffre d’affaires concerné », c’est-à-dire sur la base du chiffre d’affaires que les entreprises concernées ont réalisé sur le marché en cause au cours de la période de l’infraction. Selon la requérante, cette méthode s’appliquerait sans distinction aux grandes et petites entreprises sans compromettre l’effet préventif souhaité et sans engendrer des résultats disproportionnés.

147    En troisième lieu, l’omission de la Commission de corriger les effets disproportionnés de l’amende serait d’autant plus dérangeante que la requérante s’est vu imposer une amende comme si elle avait été elle-même coupable de l’infraction, sans considération des circonstances qui lui étaient propres.

148    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

149    En premier lieu, la Commission n’est pas tenue, selon la jurisprudence, d’assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause. L’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 n’exige pas non plus que, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l’amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d’affaires, à ceux des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour les entreprises de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération la gravité et la durée de l’infraction. Dans la mesure où la Commission impose, aux entreprises impliquées dans une même infraction, des amendes justifiées, pour chacune d’elles, par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction, il ne saurait être reproché à la Commission que, pour certaines d’entre elles, le montant de l’amende soit supérieur, par rapport au chiffre d’affaires, à celui d’autres entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 78 supra, points 202 et 203).

150    Par conséquent, la circonstance éventuelle que la Commission ait infligé à la requérante une amende relativement élevée, en pourcentage de son chiffre d’affaires total, par rapport à celle infligée à UPM-Kymmene, ne permet pas de constater que la décision attaquée soit entachée d’une erreur d’appréciation. Cela s’applique d’autant plus que la requérante ne saurait être considérée comme une entreprise de petite ou moyenne taille. En effet, la requérante est une entreprise multinationale cotée en Bourse, qui a réalisé en 2002 un chiffre d’affaires de 504,4 millions d’euros, en employant 5 200 travailleurs dans 17 pays d’Europe.

151    Pareillement, dans la mesure où la requérante ne peut être qualifiée d’entreprise de moindre envergure, les doutes que l’avocat général M. Tizzano et le membre de la Commission chargé des questions de concurrence auraient pu exprimer quant aux conséquences éventuelles des lignes directrices pour cette catégorie d’entreprises spécifiques sont dépourvus de pertinence.

152    En deuxième lieu, s’agissant d’une méthode de calcul fondée sur le chiffre d’affaires réalisé sur le marché qui faisait l’objet de l’entente, telle que celle utilisée par l’Autorité néerlandaise de la concurrence, il n’est pas exact d’affirmer qu’une telle méthode aboutisse nécessairement à des amendes proportionnellement moins élevées pour les petites et moyennes entreprises. En effet, ces résultats dépendront de la part de marché des entreprises concernées indépendamment de leur chiffre d’affaires global.

153    En troisième lieu, il convient de souligner que le montant de l’amende infligée à la requérante, ainsi que ceux des amendes infligées aux autres entreprises, est calculé en respectant les lignes directrices. L’argumentation de la requérante revient donc à mettre en cause le bien-fondé des lignes directrices. À cet égard, il y a lieu de rappeler que ces dernières restent, selon la jurisprudence, dans le cadre juridique régissant la détermination du montant des amendes, tel que défini à l’article 23 du règlement n° 1/2003. En effet, la méthode de calcul des amendes prévue par les lignes directrices continue d’être fondée sur les principes prescrits par cette disposition, dès lors que le calcul est toujours effectué sur la base de la gravité et de la durée de l’infraction et que l’amende ne peut dépasser un montant maximal de 10 % du chiffre d’affaires global (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 78 supra, points 203 et 204).

154    Enfin, la requérante ne précisant pas ce qu’elle entend par les circonstances individuelles au sens de la présente branche du septième moyen, cette branche semble faire double emploi avec la branche suivante. Ces éléments individuels seront dès lors appréciés ci-après.

155    Il s’ensuit que la troisième branche du septième moyen ne saurait être accueillie.

 En ce qui concerne la quatrième branche, relative aux circonstances individuelles de la requérante, et la seconde branche du huitième moyen, relative à sa capacité contributive réelle

–       Arguments des parties

156    La requérante soutient que l’amende l’affecte de manière disproportionnée en raison de certaines circonstances individuelles et de sa faible capacité contributive.

157    À cet égard, la requérante relève que sa situation financière est, depuis quelques années, préoccupante. En 2004, un plan de restructuration aurait été établi pour éviter la faillite de l’entreprise. Se trouvant dans une situation de cessation de paiement, la requérante aurait été contrainte de conclure un arrangement bancaire qui était non seulement particulièrement restrictif, mais qui compromettait également son potentiel de croissance. Or, au moment où la requérante semblait être parvenue à mettre en place de nouvelles conditions de financement, qui lui auraient permis de remédier à la période de vulnérabilité financière, elle fut avisée de la décision attaquée. L’ampleur de l’amende par rapport à la valeur de ses actifs l’aurait privée de la chance de repartir sur une base financière plus saine. La requérante souligne qu’elle est une entreprise sans actionnaire important susceptible de lui apporter un soutien financier. Si la Commission avait tenu compte de ces circonstances, elle aurait dû fixer le montant de l’amende à un niveau considérablement plus bas.

158    La requérante ne conteste pas qu’il est de jurisprudence constante que la Commission n’est pas obligée de tenir compte de la situation déficitaire d’une entreprise, dès lors que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché. Toutefois, la requérante venait d’échapper à une telle situation déficitaire et avait démontré qu’elle pouvait, par ses propres moyens, s’adapter aux conditions du marché. Si la requérante se trouve désormais à nouveau dans une situation financière critique, ce serait uniquement et directement en raison de l’impact de la décision attaquée.

159    Enfin, la requérante estime qu’il ne lui appartient pas de supporter les conséquences du fait que la Commission ne s’est pas renseignée sur sa situation financière lors de la procédure administrative. La requérante fait valoir que, dans d’autres affaires, la Commission a effectivement demandé des renseignements détaillés sur la situation financière des entreprises en réaction aux moyens de défense que celles-ci avaient exposés à propos de leur capacité contributive réelle [décision C (2002) 5083 final de la Commission, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/C.37.667 – Graphites spéciaux].

160    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

161    Il convient de relever, à titre liminaire, que les circonstances individuelles que la Commission aurait dû prendre en considération, selon la requérante, concernent sa situation financière dans la période au cours de laquelle la décision attaquée lui a été adressée. Le reproche ne porte donc pas sur les circonstances atténuantes qui, conformément au point 3 des lignes directrices, concernent la période de l’infraction.

162    Selon la jurisprudence, la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 78 supra, point 327).

163    Il convient d’observer également que cette jurisprudence n’est nullement remise en cause par le point 5, sous b), des lignes directrices, selon lequel la capacité contributive réelle d’une entreprise doit être prise en considération. En effet, cette capacité ne saurait jouer que dans un « contexte social particulier », constitué par les conséquences que le paiement de l’amende pourrait avoir, notamment sur le plan d’une augmentation du chômage ou d’une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée (arrêt SGL Carbon/Commission, point 137 supra, point 106). Il incombe à la partie à laquelle la décision infligeant une amende est adressée d’étayer l’existence d’un tel contexte social particulier (arrêt SGL Carbon/Commission, point 137 supra, point 107).

164    En l’espèce, la requérante n’a pas invoqué, contrairement aux entreprises mentionnées aux considérants 868 à 878 de la décision attaquée, le point 5, sous b, des lignes directrices lors de la procédure administrative. En fait, la requérante n’a aucunement informé la Commission de ses difficultés financières dans le cadre de sa défense (voir point 137 ci-dessus).

165    Contrairement à ce qu’affirme la requérante, la Commission n’est pas tenue de demander des renseignements détaillés sur la situation financière de chaque entreprise concernée en raison du fait qu’elle aurait procédé de cette façon dans une affaire antérieure, et notamment dans l’affaire ayant donné lieu à la décision C (2002) 5083 final. Dans cette affaire, la Commission n’a pas demandé de renseignements aux parties impliquées de sa propre initiative. Elle s’est seulement renseignée sur la situation financière de deux entreprises parce que, et après que, les entreprises avaient attiré son attention sur leur capacité contributive réelle. Il ne s’agit donc pas d’un précédent pertinent.

166    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation.

167    La quatrième branche du septième moyen et la seconde branche du huitième moyen doivent donc être rejetées.

 En ce qui concerne la cinquième branche, concernant l’impact sur le marché concerné

–       Arguments des parties

168    La requérante fait valoir que les sanctions imposées par la Commission ne tiennent pas compte de la capacité effective des entreprises concernées à causer un préjudice important au marché. Étant donné que la requérante n’opère pas du tout sur le marché des sacs industriels, elle ne saurait lui causer aucun dommage.

169    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

170    La requérante fait valoir en substance que la Commission est, par principe, empêchée d’infliger des amendes aux entreprises qui ont violé l’article 81 CE, mais qui ne sont plus actives, au moment de l’adoption de la décision, sur le marché affecté par le comportement infractionnel. Cet argument méconnaît le fait que la requérante faisait partie de l’entreprise qui a participé à l’entente entre le 8 juin 1995 et le 26 juin 2002 et ne saurait donc prospérer.

171    La cinquième branche du septième moyen doit dès lors être rejetée.

 En ce qui concerne la sixième branche, relative à l’incidence de l’amende sur les marchés non liés au marché concerné

–       Arguments des parties

172    La requérante fait observer que le système des lignes directrices prend comme point de départ des montant fixes au lieu des chiffres d’affaires réalisés sur le marché pertinent. Il s’ensuivrait que les amendes affectent des marchés totalement distincts du marché concerné par l’entente. Ce constat s’appliquerait notamment au cas de la requérante, car le chiffre d’affaires qu’elle avait réalisé en 2004, c’est-à-dire après la vente de Fardem Packaging, n’aurait aucun lien avec le marché dans le cadre duquel l’infraction a eu lieu. L’amende aurait ainsi pour effet de perturber les rapports de concurrence sur d’autres marchés. Selon la requérante, une application correcte des amendes doit éviter de tels effets secondaires indésirables.

173    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

174    Tout d’abord, il est de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison de violations de l’article 81 CE et prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ont pour objet de punir les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de l’Union de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, point 134 supra, points 105 et 106, et du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 16).

175    Ainsi, l’objectif de dissuasion poursuivi par les règles de concurrence de l’Union s’étend donc au-delà du marché dans le cadre duquel l’infraction est commise. Contrairement à ce que la requérante affirme, les effets que les amendes sont susceptibles d’avoir sur d’autres marchés ne sauraient donc être considérés comme des effets secondaires indésirables.

176    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la requérante faisait partie de la même entreprise que Fardem Packaging en 1996 et que c’est la part de marché de cette dernière qui a été prise en considération pour calculer le montant de départ de l’amende infligée à la requérante. Le fait que la requérante ait entre-temps vendu sa filiale n’affecte en rien sa responsabilité née de l’infraction commise qui a affecté durant cette période le secteur des sacs industriels en plastique.

177    La sixième branche du septième moyen doit être rejetée et, par conséquent, le septième moyen dans son entièreté.

 Sur la première branche du huitième moyen, tirée d’une violation des lignes directrices

 Arguments des parties

178    La requérante reproche d’abord à la Commission de ne pas avoir justifié la façon dont elle a réparti les catégories d’entreprises en vue de déterminer leur capacité économique effective à provoquer un dommage important à la concurrence. La requérante considère que le nombre de catégories reste inexpliqué, la Commission ayant également pu choisir un nombre plus élevé ou moins élevé de catégories.

179    La requérante s’oppose ensuite au classement de Fardem Packaging dans la troisième catégorie. À cet égard, elle se réfère aux arguments avancés par Fardem Packaging dans le cadre de son propre recours (affaire T-51/06). Si les conclusions de Fardem Packaging devaient aboutir, la requérante estime que son recours devrait aboutir également à une réduction du montant de sa propre amende. Elle considère notamment que la répartition n’aurait pas dû être fondée sur des parts de marché exprimées en valeur, mais en volume de production. En effet, si la Commission s’était fondée sur le volume de production, la part de marché de Fardem Packaging se serait élevée à 5,5 % au lieu de 6,6 %, de sorte que Fardem Packaging et elle-même auraient été classées dans la quatrième catégorie, avec un montant de départ de 13 millions d’euros. Ainsi, l’amende de la requérante aurait été de 22,1 millions d’euros au lieu de 34 millions d’euros.

180    La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé des arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

181    Tout d’abord, il convient de constater que, dans le cadre du développement de la première branche du huitième moyen, la requérante renvoie, aux points 135 et 136 de sa requête, au recours de Fardem Packaging (affaire T-51/06). Contrairement à ce que la Commission fait valoir, ces références ne sont pas irrecevables. En effet, au point 136 de sa requête, la requérante a repris la substance des arguments de Fardem Packaging.

182    Ensuite, la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation des montants afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 59). La Commission ne saurait être considérée comme tenue d’appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Buchmann/Commission, T‑295/94, Rec. p. II‑813).

183    En ce qui concerne notamment la détermination de la gravité de l’infraction, la Commission peut, selon la jurisprudence, procéder, au stade de la détermination de la gravité de l’infraction, à la répartition des entreprises en groupes. Il n’en reste pas moins qu’une répartition par catégories doit respecter le principe d’égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 406). Dans cette même optique, les lignes directrices prévoient, en leur point 1 A, sixième alinéa, qu’une disparité « considérable » dans la dimension des entreprises concernées est de nature à justifier une différenciation aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction. Par ailleurs, le montant des amendes doit, au moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, point 106). Par conséquent, lorsque la Commission répartit les entreprises concernées en catégories aux fins de la fixation du montant des amendes, la détermination des seuils pour chacune des catégories ainsi identifiées doit être cohérente et objectivement justifiée (arrêt CMA CGM e.a./Commission, précité, point 416).

184     En l’espèce, il ressort de la décision attaquée et, particulièrement, des considérants 770 à 777, que la Commission a déterminé six catégories de participants directs sur la base de leurs parts de marché en 1996. La Commission a attribué les montants de départ pour le calcul des amendes aux participants directs en fonction de la catégorie à laquelle chacun des participants appartenait. Ainsi, Fardem Packaging et la société Aspla ont été classées dans la troisième catégorie, eu égard à leurs parts de marché respectives, s’élevant à 6,6 % et 7,2 %. Dans la deuxième catégorie ne se trouve que l’entreprise Nordenia, avec une part de marché de 8,9 %, alors que les entreprises UPM-Kymmene, RKW et Stempher sont classées dans la quatrième catégorie, en raison de leurs parts de marché respectives de 4,8 %, 4,6 % et 4,3 %.

185    Bien que les limites de chaque catégorie ne soient pas indiquées de façon explicite, la logique sous-tendant la différenciation des participants directs en ressort d’une façon suffisamment claire. En fait, la Commission semble avoir effectué une répartition raisonnable et « naturelle » en se focalisant sur les différences les plus élevées entre les parts de marché des participants directs à l’entente. À titre d’exemple, la différence entre la part de marché la plus élevée dans la troisième catégorie, à savoir celle de la société Aspla (7,2 %), et la part de marché de la société Nordenia, dans la deuxième catégorie, est relativement importante. En effet, il s’agit d’une différence de 1,7 %, tandis que la différence entre la part de marché de Fardem Packaging et celle d’Aspla s’élève à 0,6 %. De la même façon, la différence entre la part de marché de Fardem Packaging (6,6 %) et la part de marché la plus élevée dans la quatrième catégorie, à savoir 4,8 %, est également significative en termes relatifs.

186    Dès lors, la répartition étant effectuée ainsi d’une manière cohérente et objective, la Commission n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation.

187    Quant au reproche de la requérante selon lequel la Commission a calculé des parts de marché sur la base du chiffre d’affaires au lieu des tonnages, il convient de se référer à la jurisprudence qui prévoit que, parmi les éléments d’appréciation de la gravité d’une infraction, peuvent, selon le cas, figurer le volume et la valeur des produits faisant l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise. En fait, le chiffre d’affaires qui provient de marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci. Ce chiffre d’affaires constitue donc un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 134 supra, points 120 et 121, et arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T‑151/94, Rec. p. II‑629, point 643).

188    À la lumière de ces considérations, il n’y a aucun motif pour constater que la Commission ait outrepassé sa marge d’appréciation en se fondant sur des parts de marchés exprimées en chiffre d’affaires au lieu de tonnes de produits vendues.

189    En tout état de cause, la requérante n’a pas suffisamment étayé son allégation selon laquelle la part de marché de Fardem Packaging aurait correspondu à 5,5 % au lieu de 6,6 %, si la Commission s’était fondée sur les tonnages vendus en 1996. La conclusion tirée par la requérante qu’une telle part de marché aurait conduit, d’une part, à un classement de Fardem Packaging dans la quatrième catégorie et, d’autre part, à un montant de l’amende de la requérante de 22,1 millions d’euros est, par conséquent, spéculative.

190    Dès lors, la première branche du huitième moyen doit être rejetée.

191    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours en annulation de la requérante, sans qu’il y ait lieu, dans les circonstances de l’espèce, de procéder par ailleurs, au titre de la pleine juridiction, à la réformation du montant de l’amende infligée à la requérante et sans qu’il soit besoin de prévoir d’autres dispositions telles que la requérante les a demandées.

 Sur les dépens

192    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Kendrion NV est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2011.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003, en ce que le dispositif de la décision attaquée est incohérent avec ses motifs

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission a supposé que la requérante et Fardem Packaging constituaient une entité économique

Observations liminaires

En ce qui concerne la prétendue erreur dans l’appréciation des faits

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne l’offre de preuve

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et d’un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le « principe prohibant toute décision arbitraire », le principe d’égalité de traitement et le « principe de diligence », en ce que la requérante a été tenue responsable d’une infraction commise par Fardem Packaging

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, dans la mesure où la décision attaquée est incompatible avec un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le « principe prohibant toute décision arbitraire », le principe d’égalité de traitement et le principe de proportionnalité, en ce qu’elle inflige à la requérante, en sa qualité de société mère, une amende qui est supérieure à celle infligée à la filiale qui a été jugée solidairement responsable

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et d’un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le principe d’égalité de traitement, en ce que la requérante a fait l’objet d’un traitement différent de celui qui a été réservé aux autres sociétés mères jugées solidairement responsables d’infractions commises par une filiale

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et d’un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le « principe de diligence », le principe de proportionnalité et le « principe de motivation », en ce que le montant de base de l’amende de Fardem Packaging a été fixé à 60 millions d’euros

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE, de l’article 253 CE, de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et d’un ou plusieurs principes généraux du droit, notamment le principe de proportionnalité et le « principe de diligence », en ce qu’une amende de 34 millions d’euros a été imposée à la requérante

En ce qui concerne la première branche, relative à l’imposition d’une amende sans précédent

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne la deuxième branche, relative à l’absence de relation entre l’amende et l’importance du marché concerné

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne la troisième branche, relative au résultat disproportionné de l’application des lignes directrices pour les entreprises de moindre envergure

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne la quatrième branche, relative aux circonstances individuelles de la requérante, et la seconde branche du huitième moyen, relative à sa capacité contributive réelle

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne la cinquième branche, concernant l’impact sur le marché concerné

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne la sixième branche, relative à l’incidence de l’amende sur les marchés non liés au marché concerné

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la première branche du huitième moyen, tirée d’une violation des lignes directrices

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


** Langue de procédure : le néerlandais.