Language of document : ECLI:EU:T:2011:681

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

18 novembre 2011 (*)

« Référé – Programme de recherche et de développement technologique – Décision mettant fin à la participation à un projet - Note de débit – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑116/11 R,

Association médicale européenne (EMA), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par MMes A. Franchi, L. Picciano et N. di Castelnuovo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mme S. Delaude et M. N. Bambara, puis par Mmes Delaude et F. Moro, en qualité d’agents, assistées de Me D. Gullo, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à exécution de la décision de la Commission du 5 novembre 2010 portant résiliation des contrats conclus pour deux projets de recherche et de la note de débit du 13 décembre 2010 informant la requérante de la constatation de créances dans le cadre de l’exécution desdits contrats,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Association médicale européenne (EMA), est une association sans but lucratif de droit belge établie à Bruxelles (Belgique).

2        Par lettre du 5 novembre 2010, la Commission européenne a mis fin à la participation de la requérante aux projets COCOON et DICOEMS, conformément à l’article II-16 des conditions générales applicables (ci-après la « décision portant résiliation des contrats »). Par une note de débit du 13 décembre 2010 (ci-après la « note de débit »), la Commission a informé la requérante de la constatation de créances dans le cadre de l’exécution des contrats conclus pour lesdits projet et invité celle-ci à procéder au remboursement des montants qui lui avaient été versés au titre de contribution communautaire pour la mise en œuvre de ces projets.

 Procédure et conclusions des parties

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2011, la requérante a formé un recours visant, en substance, à faire déclarer qu’elle a correctement exécuté ses obligations en vertu des contrats conclus pour les projets DICOEMS et COCOON, que la décision portant résiliation des contrats est illégale et que, par conséquent, la note de débit est illégale et qu’il convient d’ordonner le remboursement des sommes qui lui sont dues.

4        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 7 mars 2011, la requérante a introduit une demande visant à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision portant résiliation des contrats et de la note de débit ;

–        condamner la Commission aux dépens.

5        Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 8 novembre 2010, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

6        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

7        L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui sollicite les mesures provisoires, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73). Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

8        En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

9        Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

10      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si, comme la requérante le soutient, la condition relative à l’urgence est remplie à la fois en ce que la demande en référé vise la décision portant résiliation des contrats et en ce que ladite demande vise la note de débit, sans que le juge des référés ait à se prononcer, à ce stade, sur la question de savoir si la note de débit peut être considérée comme un acte faisant grief.

11      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 95, et du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 82). Cependant, il n’est pas suffisant d’alléguer que l’exécution de l’acte dont le sursis est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 85). Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins, en particulier lorsqu’elle dépend de plusieurs facteurs, être prévisible avec un degré de probabilité suffisant. La partie qui sollicite les mesures provisoires demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 83].

12      Il est également de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Toutefois, une mesure provisoire se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la partie qui sollicite les mesures provisoires se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale (ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 84).

13      Il s’ensuit que, afin de prouver qu’elle encourt un préjudice grave et irréparable, la requérante est tenue de démontrer au juge des référés qu’il n’existe aucune autre solution que l’adoption, à titre exceptionnel, de mesures provisoires (ordonnance du président du Tribunal du 12 mai 2010, Reagens/Commission, T‑30/10 R, non publiée au Recueil, point 33), en fournissant les indications concrètes qui permettent d’établir les conséquences précises de ce qu’elle aurait vraisemblablement à subir en l’absence des mesures demandées (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2010, Regione Puglia/Commissione, T‑84/10 R et T‑223/10 R, non publiée au Recueil, point 19).

14      Il a, en outre, été jugé que l’insolvabilité éventuelle d’une entreprise n’implique pas nécessairement que la condition relative à l’urgence soit remplie. En effet, dans le cadre de l’examen de la viabilité financière d’une entreprise, l’appréciation de sa situation matérielle peut être effectuée en prenant en considération, notamment, les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat, ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l’urgence n’est pas remplie malgré l’état d’insolvabilité prévisible de l’entreprise [voir ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 45 ; ordonnance du président du Tribunal du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T‑192/01 R, Rec. p. II‑3657, point 54, et la jurisprudence citée].

15      Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui la contrôlent. Le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié également par rapport à la situation financière des personnes qui contrôlent l’entreprise. Une telle coïncidence des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR Senator Lines/Commission, C‑364/99 P(R), Rec. p. I‑8733, point 50, et ordonnance du président du Tribunal du 24 janvier 2011, Rubinetterie Teorema/Commission, T‑370/10 R, non publiée au Recueil, point 38].

16      En l’espèce, il est constant que la requérante n’est pas une entreprise exposée au libre jeu de la concurrence, mais une association sans but lucratif. La jurisprudence mentionnée aux points 14 et 15 ci-dessus ne saurait donc trouver une application directe. Il n’en reste pas moins que l’idée sous-jacente à cette jurisprudence est pertinente également pour les relations existant entre une association sans but lucratif et ses membres (ordonnances du président du Tribunal du 19 février 2008, CPEM/Commission, T‑444/07, Rec. p. II‑27, point 42 ; du 2 juillet 2009, Insula/Commission, T‑246/09 R, non publié au Recueil, point 24, et du 26 mars 2010, Alisei/Commission, T‑16/10 R, non publiée au Recueil, point 41).

17      Or, s’agissant de la question de savoir si les intérêts objectifs, pécuniaires ou moraux, de la requérante, qui s’attachent à sa survie jusqu’à la clôture de la procédure principale, présentent un caractère autonome par rapport à ceux de ses membres, force est de constater que la requérante n’a produit aucun élément permettant de conclure qu’elle serait dépositaire, en tant qu’association, d’un intérêt particulier qui serait digne d’une protection spécifique, distincte de celle des intérêts de ses membres. En effet, la requérante n’a pas prouvé à suffisance de droit l’existence d’un tel intérêt, mais s’est limitée à déclarer qu’« [o]n ne peut pas non plus affirmer que les activités entreprises par [elle pourraient], à la suite de sa dissolution, être poursuivies par un ou plusieurs de ses membres ou par une association nouvellement créée », que « dans le cas d’espèce, [elle a] un intérêt distinct de celui des membres qui la composent » et que tous les « résultats [ont] été atteints par [elle] en tant que personne juridique distincte de ses membres ».

18      Partant, la requérante n’ayant pas prouvé l’absence de coïncidence objective d’intérêts entre celle-ci et ses membres, en ce qui concerne sa pérennité, la gravité du préjudice allégué par la requérante dépend, notamment, de la situation de ses membres. Cependant, la demande en référé ne comportant aucun élément pertinent à cet égard, il n’est pas possible d’apprécier si la requérante subirait un préjudice suffisamment grave en cas de rejet de ladite demande. Par ailleurs, en se bornant à alléguer ses trois derniers bilans et une procédure d’injonction intentée par un de ses collaborateurs, sans toutefois exposer sa situation financière d’ensemble, la requérante s’est abstenue de fournir un aperçu complet de cette dernière et de celle de ses membres.

19      Il convient donc de constater que la requérante n’a pas établi le caractère grave et irréparable du préjudice financier allégué.

20      En tout état de cause, il ressort de l’ordonnance Alisei/Commission, précitée, point 41, que tout préjudice qui serait constitué par le fait, pour une association, de devoir cesser son activité ne saurait être considéré comme financièrement grave, dès lors que cette association est dépourvue de tout but lucratif.

21      S’agissant du préjudice moral invoqué en l’espèce, il suffit de constater que la requérante ne saurait se prévaloir utilement, pour établir l’existence d’un préjudice grave et irréparable, de ce que seul un sursis à l’exécution de la décision portant résiliation des contrats et de la note de débit permettrait d’éviter qu’il soit porté atteinte à sa réputation ou qu’elle soit privée de la possibilité de gérer à l’avenir des projets faisant l’objet d’un financement public. En effet, une annulation dans le cadre du recours principal permettrait de réparer de manière appropriée un tel préjudice [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), Rec. p. I‑1857 ; ordonnances du président du Tribunal du 11 avril 1995, Gómez de Enterria/Parlement, T‑82/95 R, RecFP p. I‑A‑91 et II‑297, point 21, et du 21 septembre 2001, F/Cour des comptes, T‑138/01 R, non publiée au Recueil, point 49].

22      Quant aux allégations de la requérante portant sur l’existence d’une plainte déposée devant l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et celle d’une procédure judiciaire ouverte en Italie contre un partenaire d’un des projets auquel elle a participé, de telles allégations sont dépourvues de toute pertinence, le lien de causalité entre le préjudice invoqué et ces procédures n’étant pas établi. Par ailleurs, même en admettant l’existence d’un tel lien de causalité, il suffit de relever qu’il s’agit à ce stade de simples spéculations quant à l’issue de procédures futures et incertaines, qui ne sont pas de nature à établir le caractère grave et irréparable du préjudice invoqué.

23      L’existence de l’urgence n’ayant pas été établie par la requérante, il y a lieu de rejeter la présente demande en référé sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sollicitées, notamment celle de l’existence d’un fumus boni juris, sont remplies.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 18 novembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.