Language of document : ECLI:EU:T:2023:810

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

11 décembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Gartenlux – Dénomination sociale et nom commercial antérieurs GARTENLUX – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑753/22,

Andrea Nieß, demeurant à Kempen (Allemagne), représentée par Me A. Erlenhardt, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Ringelhann et Mme D. Stoyanova-Valchanova, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Thema Products BV, établie à Venlo (Pays-Bas),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, D. Petrlík et K. Kecsmár (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Andrea Nieß, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 13 septembre 2022 (affaire R 608/2022-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 8 février 2021, l’autre partie à la procédure, Thema Products BV, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal Gartenlux.

3        La marque demandée désignait les produits et services relevant des classes 6, 19, 20, 35 et 37 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Portes-fenêtres métalliques ; portes de patios à châssis métallique ; portes-fenêtres en aluminium ; fermes métalliques pour toitures ; portes à enroulement métalliques ; cadres métalliques pour portes coulissantes ; galets métalliques pour portes coulissantes ; stores horizontaux à lamelles [extérieur], en métal ; auvents métalliques à plaques fixes ou mobiles ; avant-toits métalliques ; châssis de serres métalliques » ;

–        classe 19 : « Marquises [constructions] non métalliques ; auvents en matériaux non métalliques [structures] ; portes de patios [châssis non métallique] ; châssis non métalliques pour vérandas ; portes coulissantes non métalliques ; portes coulissantes en vinyle ; tuiles en verre ; jardins d’hiver en bois ; jardins d’hiver non métalliques » ;

–        classe 20 : « Glissières non métalliques pour portes coulissantes ; galets non métalliques pour portes coulissantes ; rails non métalliques pour portes coulissantes ; pare-soleil à lamelles [intérieur] ; meubles pour vérandas ; meubles de jardin ; mobilier de jardin en bois ; mobilier de jardin métallique ; mobilier de jardin en plastique ; mobilier de jardin en aluminium » ;

–        classe 35 : « Services de vente au détail liés aux matériaux de construction ; services de vente au détail concernant les revêtements muraux ; services de vente au détail concernant les articles d’ameublement ; services de vente au détail concernant les produits de l’horticulture ; services de vente au détail de meubles ; services de vente au détail concernant l’éclairage » ;

–        classe 37 : « Installation de garnitures de fenêtre ; installation de double vitrage ; pose de fenêtres ; pose d’encadrements de fenêtres ; installation de portes et de fenêtres ; vitrerie, installation, entretien et réparation de vitres, fenêtres et stores ; pose de verre pour des jardins d’hiver, des fenêtres, des portes et des serres ; pose de verre isolant pour des jardins d’hiver, des fenêtres, des portes et des serres ; construction de jardins d’hiver et de serres ; construction, montage et vitrage de serres ».

4        Le 14 mai 2021, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la dénomination sociale GARTENLUX ;

–        le « nom commercial » GARTENLUX.

6        Pour les deux signes mentionnés au point 5 ci-dessus, la requérante a fait valoir les produits et services ainsi que les activités qui suivent : « Portes-fenêtres métalliques ; portes de patios à châssis métallique ; portes-fenêtres en métal ; portes-fenêtres en aluminium ; chevrons métalliques pour toitures ; portes coulissantes métalliques ; portes métalliques coulissantes pour bâtiments ; rails métalliques pour portes coulissantes ; cadres métalliques pour portes coulissantes ; stores à lamelles [extérieur], en métal ; auvents métalliques à plaques fixes ou mobiles ; châssis de serres métalliques ; portes de patios [châssis non métallique] ; portes-fenêtres en vinyle ; chevrons non métalliques ; portes coulissantes non métalliques ; marquises [constructions] non métalliques ; auvents [structures] en matériaux non métalliques ; portes coulissantes en vinyle ; toits en verre ; jardins d’hiver en bois ; jardins d’hiver non métalliques ; rails non métalliques pour portes coulissantes ; rails pour portes coulissantes non métalliques ; galets pour portes coulissantes non métalliques ; glissières non métalliques pour portes coulissantes ; pare-soleil à lamelles [intérieur] ; services de vente au détail liés aux matériaux de construction ; services de vente au détail concernant les revêtements muraux ; services de vente au détail concernant les articles d’ameublement ; services de vente au détail concernant les produits de l’horticulture ; services de vente au détail concernant l’éclairage ; installation de garnitures de fenêtre ; installation de double vitrage ; pose de fenêtres ; installation de portes et de fenêtres ; pose d’encadrements de fenêtres ; installation de portes et de fenêtres ; vitrerie, installation, entretien et réparation de vitres, fenêtres et stores ; pose de verre pour des jardins d’hiver, des fenêtres, des portes et des serres ; pose de verre isolant pour des jardins d’hiver, des fenêtres, des portes et des serres ; construction de jardins d’hiver et de serres ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

8        Le 11 février 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

9        Le 11 avril 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif, d’une part, que la requérante ne s’est pas conformée à son obligation d’indiquer, dans le délai prescrit, les dispositions pertinentes du droit national invoqué au soutien des droits antérieurs sur lesquels l’opposition était fondée et, d’autre part, que, en tout état de cause, il y avait lieu de rejeter l’opposition dès lors qu’un faible usage, même local, desdits droits antérieurs n’avait pas été démontré.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’opposition du 11 février 2022 ;

–        condamner Thema Products aux dépens, y compris les dépens exposés au cours de la procédure de recours.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        si une audience est organisée, condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

14      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré, en substance, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, de l’article 27 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), et de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Le second moyen est fondé sur l’article 109 du règlement 2017/1001.

16      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante conteste, en substance, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle elle aurait manqué à son obligation d’indiquer les dispositions pertinentes du droit national invoquées au soutien des droits antérieurs sur lesquels l’opposition était fondée. À cet égard, la requérante soutient que son droit d’être entendue a été violé. D’une part, premièrement, la division d’opposition ne lui aurait pas indiqué que l’opposition devait être étayée dans le délai imparti. Deuxièmement, la requérante fait grief à la division d’opposition d’avoir omis de l’inviter à présenter des observations sur le mémoire du 14 août 2022 de l’autre partie à la procédure. Troisièmement, elle fait valoir, en substance, qu’elle aurait dû être informée du fait qu’elle n’avait pas suffisamment étayé l’opposition et qu’à cet égard la division d’opposition aurait dû l’inviter à produire les dispositions pertinentes du droit national.

17      D’autre part, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir omis de tenir compte des éléments de droit national qu’elle a produits pour la première fois au stade du recours afin d’étayer ses droits antérieurs, lesquels compléteraient son argumentation et les pièces déjà produites devant la division d’opposition. Selon elle, la production de ces éléments est conforme à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, dès lors que ceux-ci complètent son exposé présenté devant la division d’opposition, qu’ils possèdent à première vue une réelle pertinence pour la procédure et que le stade de cette dernière n’aurait pas empêché leur prise en considération.

18      Dans le cadre de son second moyen, la requérante fait valoir, en substance, que, dès lors que l’opposition aurait dû être accueillie sur le fondement des développements exposés dans le cadre de son premier moyen, la répartition des dépens décidée par la chambre de recours, par laquelle elle est condamnée aux dépens, est incompatible avec l’article 109 du règlement 2017/1001.

19      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

20      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 60, paragraphe 1, sous c), du même règlement, le titulaire d’un signe autre qu’une marque enregistrée peut demander la nullité d’une marque de l’Union européenne si ce signe remplit cumulativement quatre conditions. Premièrement, ce signe doit être utilisé dans la vie des affaires, deuxièmement, il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale, troisièmement, le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union européenne ou au droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne et, quatrièmement, ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Repsol YPF/EUIPO – Basic (BASIC), T‑609/15, EU:T:2017:640, points 24 et 25 et jurisprudence citée].

21      Ces quatre conditions sont cumulatives. Ainsi, lorsqu’un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 ne peut aboutir [voir arrêt du 28 avril 2021, Klaus Berthold/EUIPO – Thomann (HB Harley Benton), T‑284/20, non publié, EU:T:2021:218, point 134 et jurisprudence citée].

22      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, que les deuxième et troisième conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 n’étaient pas remplies.

23      Or, dans le cadre de son recours, la requérante ne conteste, en substance, que les conclusions de la chambre de recours relatives à la troisième condition de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, en arguant, d’une part, qu’elle a présenté suffisamment d’éléments pour démontrer que le signe antérieur avait été acquis conformément au droit allemand et, d’autre part, qu’elle aurait dû être invitée par l’EUIPO à produire des éléments supplémentaires.

24      En revanche, elle ne conteste pas les conclusions de la chambre de recours relatives à la deuxième condition de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, c’est-à-dire celle relative à la portée de l’usage des droits antérieurs invoqués, figurant dans la sous-partie de la décision attaquée intitulée « existence du droit et portée qui n’est pas seulement locale ». À cet égard, au point 36 de la décision attaquée, ladite chambre a relevé que la requérante ne faisait valoir comme usage des droits antérieurs, avant la date de demande de la marque contestée au 1er décembre 2020, qu’une utilisation sur des prospectus dans le cadre d’une campagne publicitaire en octobre 2020, ce que la requérante ne conteste pas. En effet, il ressort du dossier administratif de l’EUIPO que l’usage des droits antérieurs avant cette date a consisté en la publication de 7 000 dépliants comportant un signe figuratif composé notamment de l’élément verbal « gartenlux » dans la seule région de la ville de Krefeld (Allemagne), ainsi que cela découle d’une déclaration sous serment d’un employé de l’entreprise de la requérante. Or, la chambre de recours a relevé, au point 38 de la décision attaquée, sans que cela ne soit contesté par la requérante, que ladite déclaration n’avait pas été complétée – en ce qui concerne le volume et la diffusion – par d’autres éléments de preuve objectifs, de sorte qu’elle n’avait qu’une valeur probante intrinsèque limitée. Ainsi, la chambre de recours a constaté, au même point, que ce faible volume de l’usage ou une certaine diffusion, même locale, desdits dépliants n’avaient pas été démontrés, ce que la requérante ne conteste pas non plus.

25      À cet égard, il convient de constater que si la requête comporte un résumé des points 35 à 41 de la décision attaquée, elle ne contient aucun argument relatif à la deuxième condition de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.

26      S’il est vrai que la requérante mentionne une erreur de frappe (« 2021 » au lieu de « 2020 ») commise par la chambre de recours quant à la période de distribution de dépliants, elle n’en tire toutefois aucune conclusion susceptible de remettre en cause cette partie de la décision attaquée en tant que telle. En tout état de cause, cette erreur de frappe de la part de la chambre de recours n’a pas d’incidence sur la conclusion à laquelle elle est parvenue en ce qui concerne la portée seulement locale de l’usage. En effet, l’année de distribution desdits dépliants n’a aucune conséquence sur la portée de l’usage.

27      Partant, dans la mesure où les quatre conditions de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 sont cumulatives et où la requérante ne conteste pas que l’une d’entre elles n’est pas remplie en l’espèce, il y a lieu de considérer que le recours introduit par la requérante ne pourrait pas aboutir, même en supposant que devrait être accueillie l’argumentation de la requérante portant sur l’appréciation par la chambre de recours de la troisième condition de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Ainsi, l’ensemble des moyens et arguments figurant dans la requête, relatifs à d’autres conditions dudit article, doivent être considérés comme manifestement inopérants et, partant, manifestement non fondés (voir, en ce sens, ordonnance du 3 juin 2005, Killinger/Allemagne e.a., C‑396/03 P, EU:C:2005:355, point 24).

28      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son intégralité comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, sans qu’il soit besoin de répondre aux autres arguments de la requérante et de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

30      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience de plaidoiries. En l’absence d’organisation d’une audience de plaidoiries, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 décembre 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

A. Kornezov


*      Langue de procédure : l’allemand.