Language of document : ECLI:EU:T:2018:482

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 juillet 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Pallas Halloumi – Marque de certification du Royaume-Uni verbale antérieure HALLOUMI – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑825/16,

République de Chypre, représentée par M. S. Malynicz, QC, et Mme V. Marsland, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Papouis Dairies Ltd, établie à Nicosie (Chypre), représentée par Me N. Korogiannakis, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 22 septembre 2016 (affaire R 2065/2014‑4), relative à une procédure d’opposition entre la République de Chypre et Papouis Dairies,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin (rapporteur) et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2016,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 15 février 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 mars 2017,

vu les mesures d’organisation de la procédure des 14 juillet et 25 septembre 2017,

vu la décision du 15 octobre 2017 portant jonction des affaires T‑825/16 et T‑847/16 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 5 février 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 septembre 2012, l’intervenante, Papouis Dairies Ltd, agissant sous une dénomination sociale précédente, à savoir Halloumis POC Farmers Milk Industry Ltd or Halloumis, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif comportant les indications de couleur « jaune, rouge, bleu, blanc et gris » et correspondant à la représentation suivante :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, après la limitation signifiée à l’EUIPO par un courrier du 11 octobre 2016et acceptée par ce dernier, à la description suivante : « Fromage élaboré à partir de lait de vache et/ou de lait de brebis et/ou de lait de chèvre (dans toutes proportions et combinaisons de laits), présure ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 190/2012, du 4 octobre 2012.

5        Le 3 janvier 2013, la République de Chypre a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur la marque de certification du Royaume-Uni verbale antérieure HALLOUMI, enregistrée le 22 février 2002 sous le numéro 14511888 (ci-après la « marque antérieure »), désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Fromage fabriqué à base de lait de brebis et/ou de lait de chèvre ; fromage fabriqué à base de mélanges de lait de vache ; tous ces produits étant compris dans la classe 29 ».

7        L’opposition était également fondée sur les marques de certification chypriotes verbales antérieures XAΛΛOYMI et HALLOUMI, enregistrées respectivement sous les numéros 36675 et 36766. Ces marques ont toutefois été considérées comme dépourvues de fondement tant devant la division d’opposition que devant la chambre de recours et la République de Chypre ne les a plus invoquées au soutien de l’opposition, ce qui a été interprété par la chambre de recours comme une renonciation. Ces marques n’ont pas été prises en considération en l’espèce et la République de Chypre a d’ailleurs confirmé dans la requête qu’elle cessait de les invoquer dans la présente procédure.

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus respectivement article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

9        Le 7 juillet 2014, la division d’opposition a rejeté l’opposition et condamné la République de Chypre aux dépens.

10      Le 8 août 2014, la République de Chypre a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 22 septembre 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et condamné la République de Chypre à supporter les frais exposés aux fins des procédures d’opposition et de recours.

12      Tout d’abord, la chambre de recours a mentionné que, nonobstant le fait que la marque antérieure était une marque de certification nationale, la condition énoncée à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, tenant à la similitude des signes en conflit, devait être remplie s’agissant de toutes les marques antérieures telles qu’elles étaient visées à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001).

13      Ensuite, la chambre de recours a considéré que, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’existait aucun risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée. Elle a estimé que le terme « halloumi » avait un faible caractère distinctif intrinsèque, en relevant tout d’abord que le Tribunal, dans l’arrêt du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI) (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752), avait considéré qu’il désignait aux yeux du public chypriote un type de fromage particulier produit à Chypre, puis en retenant que cette conclusion devait être étendue au public du Royaume-Uni, pertinent en l’espèce. Ledit terme serait plus ancien que toutes les marques en cause et, pour le public pertinent, il serait en tant que tel descriptif des caractéristiques et de la composition du produit et ne renverrait pas à l’éventuelle appartenance de l’utilisateur de la marque antérieure à un groupe de licenciés autorisés à l’utiliser.

14      En ce qui concerne la similitude des signes en conflit, la chambre de recours a considéré que, l’élément dominant de la marque demandée étant le mot « pallas », il n’existerait qu’une similitude visuelle faible, une similitude phonétique moyenne et aucune similitude conceptuelle pertinente. En ce qui concerne l’appréciation globale du risque de confusion, elle a considéré que la République de Chypre n’était pas parvenue à prouver le caractère distinctif accru de la marque antérieure, ni que cette dernière serait perçue par le public du Royaume-Uni comme une référence à une quelconque certification. Compte tenu de son évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, elle a considéré que les différences entre celle-ci et l’élément dominant de la marque demandée, en l’occurrence le terme « pallas », étaient suffisantes pour qu’il n’existât pas de risque de confusion.

15      Enfin, la chambre de recours a considéré que les conditions de mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’étaient pas remplies. La renommée de la marque antérieure n’aurait pas été prouvée par la République de Chypre. L’atteinte à cette renommée ne pourrait en outre pas être appréciée par rapport aux règles issues du régime de certification, mais, dans le cadre du règlement no 207/2009, uniquement par rapport à la perception des produits par le public pertinent.

 Conclusions des parties

16      La République de Chypre conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

17      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la République de Chypre aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

18      En vertu de l’article 177, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le requérant n’était pas la seule partie à la procédure devant la chambre de recours, la requête devait également contenir les noms de toutes les parties à cette procédure et les adresses que celles-ci avaient indiquées aux fins des notifications.

19      En l’espèce, dans la requête, la République de Chypre a désigné, par erreur, Pancyprian Organisation of Cattle Farmers (POCF) Ltd en tant que titulaire de la marque Pallas Halloumi et autre partie devant la chambre de recours. Une telle désignation erronée de la partie intervenante dans la présente affaire n’entraîne cependant pas l’irrecevabilité de la requête, dès lors que cette dernière contient des éléments permettant d’identifier sans ambiguïté l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours et que, à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure du 25 septembre 2017, la République de Chypre a indiqué qu’elle n’avait pas d’objection à la modification de ladite désignation. Dans un tel cas, il convient de considérer comme partie intervenante cette autre partie, bien que le nom de celle-ci n’ait pas été initialement mentionné dans la requête.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

20      Au soutien du recours, la République de Chypre invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui est divisé en trois branches. Premièrement, elle reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur lors de l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure, en particulier en ayant retenu à tort que le caractère distinctif intrinsèque de ladite marque était faible. Deuxièmement, elle estime que ladite chambre a apprécié de façon erronée les similitudes visuelles et conceptuelles des signes en conflit. Troisièmement, elle soutient que cette chambre a commis des erreurs en concluant, au terme de l’analyse globale du risque de confusion, qu’il n’existait aucun risque de confusion, notamment en raison d’un vice dans l’analyse des éléments de preuve.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la République de Chypre.

22      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement (UE) 2017/1001], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

23      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

24      Selon la jurisprudence, le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, entre deux marques en conflit, ne doit pas être apprécié sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou des services qu’ils désignent. L’appréciation de ce risque doit, plutôt, être fondée sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services [voir arrêt du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑624/13, EU:T:2015:743, point 24 et jurisprudence citée].

25      Plus particulièrement, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

26      Il convient en l’espèce de confirmer, en ce qu’elles apparaissent bien fondées au regard des éléments du dossier, les conclusions de la chambre de recours, telles qu’elles figurent au point 16 de la décision attaquée, en ce qui concerne le public pertinent au regard des produits en cause. La marque antérieure étant une marque du Royaume-Uni, il apparaît que le public pertinent à prendre en considération est le grand public du Royaume-Uni. Les marques en présence sont en substance enregistrées pour des produits identiques, en l’occurrence du fromage. S’agissant de produits de consommation courante, il y a lieu de considérer qu’ils s’adressent au consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 46]. Dans le cadre de l’analyse qui figure dans sa décision du 7 juillet 2014, la division d’opposition a par ailleurs estimé que le niveau d’attention dudit public était moyen lorsqu’il choisissait ce type de produit, cette décision ainsi que sa motivation faisant partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, de sorte que ce contexte est connu de la République de Chypre et permet au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité quant au bien-fondé de l’appréciation du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2007, Wesergold Getränkeindustrie/OHMI – Lidl Stiftung (VITAL& FIT), T‑111/06, non publié, EU:T:2007:352, point 64]. Au regard des produits en cause, ces conclusions, au demeurant non contestées par les parties, apparaissent bien fondées.

 Sur la comparaison des signes

27      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

28      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

29      C’est à la lumière de ces observations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a conclu à juste titre au faible caractère distinctif de la marque antérieure et a correctement comparé les signes en conflit.

–       Sur la première branche, tirée de l’appréciation prétendument erronée du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure

30      En l’espèce, en ce qui concerne le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure à l’égard du fromage, la chambre de recours, à la suite d’un examen figurant aux points 18 à 25 de la décision attaquée, a conclu, au point 26 de cette même décision, qu’il était faible en raison de la signification descriptive de cette marque, étant précisé que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, ladite chambre a également procédé à l’examen d’un éventuel caractère distinctif accru lié à l’usage, pour finalement conclure qu’il n’était pas démontré.

31      La République de Chypre, à titre d’observations préalables, expose les conséquences qu’elle prétend tirer de la nature des marques de certification du Royaume-Uni en ce qui concerne le caractère distinctif de telles marques. Elle fait d’abord valoir que, en vertu de l’article 1er de la directive 2008/95/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25), les marques nationales de certification sont autorisées en droit de l’Union et doivent donc se voir conférer un plein effet. En application de cette directive, la législation du Royaume-Uni sur les marques, telle qu’elle résulte du Trade Marks Act 1994 (loi du Royaume-Uni sur les marques), intègre l’enregistrement de ces marques. En vertu de cette dernière, une marque de certification serait définie comme indiquant que les produits ou les services qu’elle désigne sont certifiés par le titulaire de la marque et présentent certaines caractéristiques. En substance, la fonction distinctive des marques de certification devrait être entendue en ce qu’elle permettrait de distinguer les produits relevant d’une certaine classe et respectant les normes de certification, des produits relevant d’une autre classe. Il ne serait en outre pas nécessaire pour le public de savoir que la marque en question est une marque de certification, ni qu’il connaisse l’identité de l’organisme certificateur.

32      Selon la République de Chypre, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, les marques de certification nationale étant des marques enregistrées dans un État membre, elles peuvent être le fondement d’une procédure d’opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne postérieure.

33      En ce qui concerne le grief qu’elle formule à l’encontre de la décision attaquée, la République de Chypre reproche tout d’abord à la chambre de recours d’avoir appliqué dans la présente affaire le raisonnement suivi par le Tribunal dans l’arrêt du 7 octobre 2015, XAΛΛOYMI et HALLOUMI (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752), alors que les publics pertinents et la nature des marques en cause auraient été différents. Cette décision concernerait en effet deux demandes d’enregistrement de marques verbales de l’Union européenne, en l’occurrence XAΛΛOYMI et HALLOUMI, présentées par la République de Chypre et rejetées sur le fondement d’un motif absolu de refus, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001], au motif qu’elles étaient descriptives.

34      Enfin, la République de Chypre invoque deux décisions rendues au Royaume-Uni par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery] qui viendraient conforter son interprétation du caractère distinctif d’une marque de certification du Royaume-Uni. Les éléments de preuve qu’elle a produits souligneraient également le caractère distinctif de la marque antérieure et la perception par le public du Royaume-Uni du terme « halloumi» comme distinguant une classe de produits d’une autre classe, dont ledit public comprendrait les caractéristiques, en particulier les ingrédients, ainsi que la provenance.

35      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la République de Chypre.

36      L’appréciation du caractère distinctif d’une marque revêt une importance particulière dans la mesure où l’appréciation du risque de confusion est effectuée globalement et qu’elle implique une certaine interdépendance des facteurs pris en considération [voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33], de sorte que ledit risque est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure est fort (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18). Ainsi, un faible degré de caractère distinctif implique un degré de similitude entre les signes en conflit ou entre les produits et les services concernés plus important afin de conclure à l’existence d’un risque de confusion. Par conséquent, la sous-estimation du caractère distinctif de la marque antérieure par la chambre de recours serait susceptible d’entacher la décision attaquée d’une erreur quant à l’appréciation du risque de confusion.

37      Lorsqu’une opposition est fondée sur l’existence d’une marque nationale antérieure, les vérifications portant sur le degré de caractère distinctif de cette marque ont toutefois des limites, puisqu’elles ne peuvent aboutir à la constatation d’un des motifs absolus de refus prévus notamment à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, à savoir l’absence de caractère distinctif ou le caractère purement descriptif de cette marque. Ainsi, pour ne pas enfreindre l’article 8, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009, il doit être reconnu un certain degré de caractère distinctif à une marque nationale invoquée à l’appui d’une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI, C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47).

38      En l’espèce, si le règlement no 207/2009, qui a été appliqué par la chambre de recours lorsqu’elle a rendu la décision attaquée, ne comportait pas de dispositions spécifiques au sujet de la protection des marques de certification en tant que telles, ainsi que le Tribunal l’a rappelé dans sa jurisprudence (arrêt du 7 octobre 2015, XAΛΛOYMI et HALLOUMI, T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, point 35), le règlement 2017/1001, applicable à compter du 1er octobre 2017, comporte désormais des dispositions relatives à la marque de certification de l’Union européenne qu’il définit, à son article 83, paragraphe 1, comme une marque « propre à distinguer les produits ou les services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d’autres caractéristiques, à l’exception de la provenance géographique, sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou services qui ne bénéficient pas d’une telle certification ».

39      L’enregistrement des marques de certification est en outre prévu par la directive 2008/95. Les États membres, à l’instar du Royaume-Uni avec le Trade Marks Act 1994, ont la faculté d’autoriser l’enregistrement de telles marques qui constituent dès lors, au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009, des « marques enregistrées dans un État membre », qui peuvent être invoquées à titre de fondement d’une procédure d’opposition, comme l’a fait la République de Chypre lorsqu’elle a invoqué la marque antérieure.

40      Si la marque antérieure relève de la catégorie des marques enregistrées dans un État membre, il y a lieu de préciser, comme le relève l’EUIPO, que le système de marques de l’Union européenne issu du règlement no 207/2009 est indépendant, autosuffisant et autonome par rapport à tout système national [arrêt du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, EU:T:2000:283, point 47]. Ainsi, il apparaît fondé de prendre en compte le droit national en ce qu’il permet d’attester de la validité de la marque antérieure. Toutefois, en ce qui concerne le caractère distinctif intrinsèque de cette dernière, même si, à la lumière de l’arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, point 47), il convient de reconnaître au terme « halloumi », enregistré en tant que marque de certification nationale, un certain caractère distinctif, cela n’implique pas qu’il y ait lieu de lui reconnaître en soi un caractère distinctif d’un niveau tel qu’il lui procurerait une protection inconditionnelle permettant de s’opposer à tout enregistrement de marque postérieure comportant ce terme.

41      En l’espèce, il convient de rappeler que, à deux reprises, le Tribunal a déjà jugé que le terme « halloumi » était perçu par le public, notamment chypriote, comme désignant une spécialité fromagère de Chypre [voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, EU:T:2012:292, point 41, et du 7 octobre 2015, XAΛΛOYMI et HALLOUMI, T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, points 20 et 21]. Dans la décision attaquée, la chambre de recours ne fait que constater que, au regard des éléments de preuve produits dans la présente affaire, les conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu dans ces arrêts peuvent être transposées au public du Royaume-Uni.

42      Cette considération doit être approuvée. En effet, rien parmi les éléments de preuve produits par la République de Chypre devant la chambre de recours, tels qu’ils ont été analysés aux points 20 et 21 de la décision attaquée, ne vient contredire ce constat. Ces éléments, constitués notamment de données sur les volumes de vente, sur les efforts de promotion et de marketing, d’extraits de magazines culinaires ou d’articles de presse ainsi que de diverses délarations écrites, concernent le fromage « halloumi » en tant que spécialité fromagère de Chypre, mais sans qu’il soit possible de rattacher le terme « halloumi », utilisé à titre générique, à une quelconque marque de certification, ni même à une référence à un fromage certifié. Ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours au point 25 de la décision attaquée, il apparaît, au regard de ces divers éléments, que ce terme n’est perçu par le public du Royaume-Uni que comme le nom d’un type de fromage produit à Chypre et « la question de savoir si un fromage peut être qualifié de ‘halloumi’ dépend de ses caractéristiques et de sa composition et non du fait que la personne qui le commercialise appartient ou non à un groupe particulier de licenciés ».

43      Ainsi, le terme « halloumi » est directement compris par le public du Royaume-Uni comme décrivant les caractéristiques, voire la provenance du produit, et non comme une indication de sa qualité certifiée, ni même comme une indication de cette qualité. Il y a donc lieu de constater que la marque antérieure, composée exclusivement du terme « halloumi », en ce qu’elle est descriptive des caractéristiques et de la provenance du produit qu’elle désigne, ne possède qu’un faible caractère distinctif intrinsèque et que l’existence d’un caractère distinctif accru n’apparaît pas davantage démontrée.

44      L’argumentation de la République de Chypre relative à la portée particulière qu’il conviendrait de reconnaître au caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, compte tenu de sa nature de marque de certification, présente en outre un caractère inopérant et ne peut qu’être rejetée.

45      En effet, à supposer que la fonction distinctive des marques de certification du Royaume-Uni doive s’entendre comme la capacité à distinguer une classe de produits d’une autre classe, il y a lieu de relever, comme le souligne l’EUIPO, que, au regard des éléments de preuve versés aux débats par la République de Chypre, il n’a pas été démontré que la marque antérieure, en tant que marque de certification du Royaume-Uni, serait apte à constituer une indication de l’origine commerciale des produits en cause. Or, une telle démonstration conditionne l’existence d’un risque de confusion dans les conditions spécifiques de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Cette constatation, propre au cas d’espèce, ne permet toutefois pas d’exclure, s’agissant d’une marque de certification, qu’une certification de la qualité, par exemple de la matière première utilisée, puisse suffire pour considérer qu’une telle marque remplit sa fonction d’indication d’origine en ce qu’elle garantit aux consommateurs que les produits désignés proviennent d’une entreprise unique, constituée du titulaire de ladite marque et de ses affiliés, sous le contrôle duquel lesdits produits sont fabriqués et auquel pourrait être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir, par analogie, arrêt du 8 juin 2017, W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze, C‑689/15, EU:C:2017:434, points 49 et 50).

46      La question de savoir si le respect effectif par le demandeur de marque de l’Union européenne des caractéristiques garanties par le titulaire de la marque de certification antérieure relève de la fonction essentielle de ladite marque est en revanche étrangère au champ de la protection conférée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Comme le fait valoir l’EUIPO, cette question relève tout au plus de l’usage d’une marque en ce qu’elle pourrait porter préjudice à la fonction essentielle d’une marque de certification et induire le public en erreur sur la certification des caractéristiques du produit.

47      En l’espèce, à l’instar de l’arrêt du 13 juin 2012, HELLIM (T‑534/10, EU:T:2012:292, points 48 à 55), il y a lieu de constater que la chambre de recours a conclu à juste titre que la marque antérieure possédait un caractère distinctif faible en raison de sa signification descriptive.

48      Partant, il y a lieu de rejeter la première branche comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche, tirée de l’appréciation prétendument erronée de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit

49      En premier lieu, afin de procéder à la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il convient au préalable de revenir sur les éléments composant la marque demandée pour en déterminer le ou les éléments dominants, en se fondant sur les orientations dégagées par la jurisprudence, telles qu’elles ont été mentionnées au point 27 ci-dessus.

50      À ce titre, il y a notamment lieu de rappeler que, s’agissant d’une marque complexe, il n’est pas exclu que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une telle marque puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée) et que tous ses autres composants soient négligeables dans l’impression d’ensemble qu’elle produit (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

51      En ce qui concerne l’identification du ou des élément(s) dominant(s) de la marque demandée, il convient d’observer que le signe est composé des termes « pallas » et « halloumi ». Le terme « pallas » est écrit en blanc, en caractères gras sur un fond ovale de couleur rouge qui compose la partie supérieure dudit signe. Le terme « halloumi » est quant à lui également écrit en blanc, en caractères gras de taille plus petite, toujours sur un fond ovale et de couleur rouge, placé à un niveau inférieur tout en recouvrant légèrement le fond de forme ovale contenant le terme « pallas ».

52      Au regard de la configuration graphique de la marque demandée, il apparaît que le terme « pallas » sera lu en premier par le public pertinent. En effet, ledit public porte généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [arrêts du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPA THERAPY), T‑109/07, EU:T:2009:81, point 30, et du 13 mai 2015, Deutsche Post/OHMI – PostNL Holding (TPG POST), T‑102/14, non publié, EU:T:2015:279, point 42]. Dès lors, il y a lieu de relever que, en raison de son positionnement et de sa place dans la marque demandée, ce public prêtera une plus grande attention à l’élément constitué dudit terme, et ce quelle que soit sa signification particulière pour lui. La chambre de recours a donc conclu à juste titre, au point 28 de la décision attaquée, que ce terme serait perçu comme l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée.

53      Dans ces conditions, les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles, d’une part, l’élément dominant de la marque demandée est constitué par l’élément « pallas », et, d’autre part, l’élément « halloumi » joue un rôle secondaire dans la perception du signe Pallas Halloumi par le public pertinent, doivent être approuvées.

54      En second lieu, en ce qui concerne l’examen de la similitude des signes en conflit, la chambre de recours a considéré aux points 27 à 31 de la décision attaquée que la similitude visuelle était faible, la similitude phonétique moyenne et la similitude conceptuelle inexistante. Dans le cadre de cette appréciation, elle a tenu compte du degré de caractère distinctif ainsi que des éléments dominants desdits signes, en l’occurrence l’élément « pallas », en ce qui concernait la marque demandée.

55      La République de Chypre fait valoir dans le recours que la similitude visuelle des signes en conflit est totale, car la marque antérieure est entièrement reprise en tant qu’élément visuel de la marque demandée. Elle fait en outre grief à la chambre de recours d’avoir pris en compte la stylisation graphique de la marque demandée alors que cette stylisation n’est pas pertinente dans le cadre d’une comparaison avec une marque verbale. La chambre de recours aurait également négligé l’importance de l’élément « halloumi » dans la marque demandée, alors qu’il était placé devant l’élément « pallas », dans une même couleur et des caractères identiques, de sorte que les deux éléments composant cette dernière marque seraient d’égale importance. Pour la République de Chypre, ladite similitude visuelle serait par conséquent élevée ou à tout le moins moyenne.

56      Sur le plan conceptuel, la République de Chypre réitère l’argumentation selon laquelle le public du Royaume-Uni comprendrait la marque antérieure comme permettant de distinguer les produits relevant d’une classe de ceux relevant d’une autre classe. La marque demandée serait donc perçue par le public pertinent comme composée, d’une part, de l’élément verbal « halloumi », qui présenterait un degré de similitude conceptuelle élevé avec la marque antérieure, et, d’autre part, de l’élément verbal « pallas », qui désignerait l’utilisateur particulier autorisé par son titulaire à utiliser la marque de certification en respectant les caractéristiques de cette classe de produits. La chambre de recours aurait dû prendre en considération les pratiques sur le marché en ce qui concerne les marques de certification et, en particulier, l’association habituelle d’une marque de certification, telle HALLOUMI, avec d’autres éléments, tel l’élément « pallas », renvoyant à un utilisateur particulier bénéficiant d’une autorisation d’usage consentie par le titulaire de ladite marque.

57      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la République de Chypre.

58      Premièrement, s’agissant de la comparaison visuelle, il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

59      Comme cela est mentionné au point 51 ci-dessus, la marque demandée est une marque figurative composée des termes « pallas » et « halloumi », écrit en caractères gras et blancs. Chaque terme est écrit à l’intérieur d’un fond ovale rouge. Le terme « pallas » figure dans le fond ovale situé dans la partie supérieure du signe en cause et dans une police d’une taille supérieure à celle du terme « halloumi », lui-même situé dans le fond ovale inférieur. La marque antérieure, en tant que marque verbale, est composée du terme « halloumi ».

60      Ainsi que cela est mentionné au point 52 ci-dessus, le public pertinent sera amené à prêter une plus grande attention à l’élément « pallas » qui apparaît comme étant l’élément dominant de la marque demandée. Ainsi, l’argumentation de la République de Chypre, selon laquelle il existe une similitude visuelle totale des signes en conflit du fait que l’élément constituant la marque antérieure figure intégralement dans la marque demandée, ne saurait être accueillie. En effet, eu égard à la jurisprudence constante rappelant la nécessité d’une appréciation d’ensemble des différents éléments constituant les signes en conflit, en particulier les éléments dominants et distinctifs (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée), il y a lieu de procéder à la comparaison visuelle en tenant compte du fait que l’élément « pallas » compose la partie supérieure du signe, qui est d’ailleurs d’une taille supérieure à la seconde, qui elle, bien que placée graphiquement en premier plan, se trouve néamoins reléguée au second plan dans l’impression visuelle d’ensemble. Ainsi, il y a lieu de reconnaître une première différence significative sur le plan visuel, tenant à l’absence du terme « pallas » dans la marque antérieure.

61      De plus, la marque demandée comporte des éléments figuratifs, tels que les deux ovales rouges et une stylisation graphique particulière, qui constituent une seconde différence significative entre les signes en conflit. Force est alors de constater que ces signes ne coïncident que par l’élément « halloumi ». Il y a lieu de considérer que, à l’égard de cet élément, en raison de la taille de sa police et de sa place au sein de la marque demandée, le public ne lui reconnaîtra qu’une importance secondaire.

62      La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur en concluant, au point 29 de la décision attaquée, à une faible similitude des signes en conflit sur le plan visuel.

63      Deuxièmement, s’agissant de la comparaison phonétique, il y a lieu de constater que les signes en conflit n’ont en commun que le terme « halloumi », situé en seconde position dans la marque demandée. Ainsi, il existe une différence significative entre ces signes compte tenu de la présence du mot « pallas » dans la marque demandée.

64      Il y a donc lieu d’entériner la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la similitude phonétique des signes en conflit est moyenne. Au surplus, cette conclusion apparaît comme n’étant pas contestée par les parties.

65      Troisièmement, en ce qui concerne la comparaison sur le plan conceptuel, il y a lieu de rejeter l’argument de la République de Chypre selon lequel la chambre de recours a négligé de prendre en compte la pratique des utilisateurs de la marque antérieure, qui consiste en l’association du terme « halloumi » et du nom commercial de l’utilisateur autorisé à faire usage de ladite marque. En effet, ainsi que cela a été mentionné au point 42 ci-dessus, le public pertinent perçoit le terme « halloumi » comme une indication d’un type de fromage produit à Chypre. Il y a donc lieu de considérer, contrairement à ce qui est allégué par la République de Chypre, que le terme « halloumi » présente un caractère descriptif à l’égard des produits en cause. Sa mention dans la marque demandée ne constitue donc pas un élément significatif sur le plan conceptuel. En effet, il n’a pas été établi que le public comprendrait ce terme comme une référence à un processus de certification auquel l’utilisateur de la marque se serait soumis.

66      En outre, dans la mesure où le terme « pallas » ne possède pas de signification particulière pour le public pertinent et qu’il est étranger à la marque antérieure, il induit une différence significative entre les signes en conflit sur le plan conceptuel. Le public pertinent le comprendra comme une indication de l’origine commerciale des produits en question.

67      Il apparaît ainsi que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à une absence de similitude des signes en conflit sur le plan conceptuel susceptible de donner lieu à un risque de confusion.

68      Il s’ensuit que la deuxième branche doit être rejetée.

–       Sur la troisième branche, tirée d’une erreur lors de l’appréciation globale du risque de confusion

69      La décision attaquée comporte la conclusion selon laquelle, compte tenu de la présence dans la marque demandée de l’élément « pallas », les différences entre les signes en conflit suffisent pour constater l’absence de risque de confusion eu égard au faible caractère distinctif de la marque antérieure, et ce même si les marques en conflit désignent des produits identiques.

70      La République de Chypre fait valoir que l’appréciation du risque de confusion par la chambre de recours est viciée, dans la mesure où celle-ci a effectué une analyse erronée du caractère distinctif de la marque antérieure lors de la comparaison des signes en conflit.

71      En outre, la République de Chypre allègue que la chambre de recours n’a pas correctement analysé les éléments de preuve produits. Tout d’abord, la chambre de recours aurait estimé à tort qu’aucun élément de preuve présenté ne corroborait l’allégation selon laquelle le public percevait le terme « halloumi » comme une référence à une certification. En effet, le droit national n’exigerait pas que le public perçoive la marque antérieure comme une telle référence ou qu’il soit effectivement procédé à une quelconque certification. La seule exigence du droit national serait que le public perçoive le signe en cause comme distinguant une classe de produits présentant des caractéristiques uniformes de ceux d’une autre classe.

72      Ensuite, le droit national n’exigerait pas davantage d’une marque qu’elle précise qu’elle est une marque de certification, notamment sur l’emballage des produits. Il n’y aurait pas davantage d’exigence en ce qui concerne la connaissance par le public de l’organisme certificateur titulaire d’une telle marque.

73      Enfin, la République de Chypre allègue que la chambre de recours a estimé à tort que les actes visant au respect des normes de certification, afin d’éviter que leur caractère distinctif ne se trouvât amoindri par un usage pour des produits en dehors de leur champ d’application, seraient dépourvus d’incidence sur la perception du signe par le public. Le fait que les autres parties ne produisent aucun élément visant à démontrer que des tiers utilisent le terme « halloumi » pour un usage différent de celui consistant à désigner des produits respectant les normes de certification justifierait de considérer que la marque antérieure possède un caractère distinctif en tant que marque de certification du Royaume-Uni.

74      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la République de Chypre.

75      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

76      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement no 207/2009 (devenu considérant 11 du règlement 2017/1001), l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs, et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

77      Par ailleurs, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêts du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée, et du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA), T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174, point 45 et jurisprudence citée].

78      En premier lieu, il convient de rappeler qu’il a été constaté que les signes en conflit présentaient une faible similitude sur le plan visuel et une similitude moyenne sur le plan phonétique. Sur le plan conceptuel, le public perçoit le terme « halloumi » comme l’indication d’un type de fromage dans chacun des signes en conflit. À cet égard, il convient de constater, comme l’ont fait successivement la division d’opposition et la chambre de recours, que ces signes ne sont similaires qu’en ce qui concerne l’élément de nature descriptive « halloumi ». Ainsi, il apparaît que la similitude des signes en conflit est insuffisante pour contrebalancer leurs différences. Les signes en conflit ne sont donc que faiblement similaires.

79      En deuxième lieu, s’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, il a été établi au point 47 ci-dessus qu’il était faible en raison de la signification descriptive de cette marque aux yeux du public pertinent.

80      L’argumentation de la République de Chypre selon laquelle la nature particulière de la marque antérieure n’a pas été prise en compte au titre de l’appréciation de son caractère distinctif par la chambre de recours ne saurait davantage être accueillie. En effet, la République de Chypre évoque à l’appui de cette argumentation deux décisions issues de la jurisprudence nationale dont elle tire la conclusion que le caractère distinctif d’une marque de certification nationale réside dans sa capacité à être perçue par le public comme différenciant une classe de produits d’une autre classe de produits (voir point 34 ci-dessus). Néanmoins, comme cela est relevé aux points 40 et 45 ci-dessus, cette conception du caractère distinctif de la marque antérieure n’apparaît pas pertinente et, en l’espèce, il a été constaté au contraire que le public pertinent ne percevrait pas ladite marque comme une indication d’une quelconque certification.

81      De plus, en ce qui concerne la prise en compte de la jurisprudence nationale invoquée par la République de Chypre, il a été souligné au point 40 ci-dessus que le régime des marques de l’Union européenne était un système autonome dont l’application était indépendante de tout système national. L’interprétation que la République de Chypre souhaite retenir des décisions rendues par les juridictions nationales n’est dès lors pas pertinente en l’espèce.

82      En troisième lieu, ainsi que cela a été mentionné au point 77 ci-dessus, il convient néanmoins de rappeler que, même en présence d’une marque antérieure présentant un caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment lorsque les produits en cause sont identiques et que les signes en conflit sont similaires.

83      Toutefois, bien que, en l’espèce, les produits en cause soient identiques, en raison du faible caractère distinctif de la marque antérieure et de sa signification descriptive, la simple identité de ces produits et la similitude des signes en conflit tenant à la présence commune du terme de nature descriptive « halloumi » ne suffisent pas pour créer un risque de confusion.

84      Il s’ensuit que la chambre de recours a conclu à bon droit à l’absence de risque de confusion.

85      Ainsi, il y a lieu de rejeter la troisième branche et, partant, le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, de sorte que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

87      La République de Chypre ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Chypre est condamnée aux dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.