Language of document : ECLI:EU:T:2022:692

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

9 novembre 2022 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marché des ronds à béton – Décision constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) no 1/2003 – Fixation des prix – Limitation et contrôle de la production et des ventes – Décision prise à la suite de l’annulation de décisions antérieures – Tenue d’une nouvelle audition en présence des autorités de concurrence des États membres – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Délai raisonnable – Obligation de motivation – Proportionnalité – Principe non bis in idem – Exception d’illégalité – Preuve de la participation à l’entente – Circonstances aggravantes – Récidive – Circonstances atténuantes – Égalité de traitement – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑667/19,

Ferriere Nord SpA, établie à Osoppo (Italie), représentée par Mes W. Viscardini, G. Donà et B. Comparini, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi, G. Conte et Mme C. Sjödin, en qualité d’agents, assistés de Me M. Moretto, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. O. Segnana et Mme E. Ambrosini, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision C(2019) 4969 final de la Commission, du 4 juillet 2019, relative à une violation de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 – Ronds à béton) et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul (rapporteur), Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Ferriere Nord SpA, est une société de droit italien active dans le secteur des ronds à béton depuis le mois d’avril 1992.

A.      Première décision de la Commission (2002)

2        D’octobre à décembre 2000, la Commission des Communautés européennes a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès d’entreprises italiennes productrices de ronds à béton, dont la requérante, et d’une association d’entreprises, la Federazione Imprese Siderurgiche Italiane (Fédération des entreprises sidérurgiques italiennes, ci-après la « Federacciai »). Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en application de cette disposition.

3        Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert une procédure d’application de l’article 65 CA et formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la « communication des griefs ») notifiés notamment à la requérante. Celle-ci a répondu à la communication des griefs le 31 mai 2002.

4        Une audition des parties à la procédure administrative a eu lieu le 13 juin 2002.

5        Le 12 août 2002, la Commission a adressé, aux mêmes destinataires, des griefs supplémentaires (ci-après la « communication des griefs supplémentaires »), sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204). Elle y a expliqué sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002. La requérante a répondu à la communication des griefs supplémentaires le 20 septembre 2002.

6        Une nouvelle audition des parties à la procédure administrative, en présence des autorités de concurrence des États membres, a eu lieu le 30 septembre 2002. Elle concernait l’objet de la communication des griefs supplémentaires, à savoir les conséquences juridiques de l’expiration du traité CECA sur la poursuite de la procédure.

7        À l’issue de la procédure administrative, la Commission a adopté la décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), adressée à la Federacciai et à huit entreprises, dont la requérante. Elle y a constaté que ces dernières avaient, entre décembre 1989 et juillet 2000, mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux (ci-après les « ronds à béton ») ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA.

8        S’agissant de la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a relevé que celle-ci s’étendait du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000. Elle lui a, à ce titre, infligé une amende d’un montant de 3,57 millions d’euros. Ce montant incluait une réduction de 20 % de l’amende en faveur de la requérante, en application du point D, paragraphe 1, de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »), lequel prévoit la possibilité de faire bénéficier d’une réduction de l’amende qu’elles auraient dû acquitter les entreprises qui coopèrent en fournissant à la Commission, avant l’envoi d’une communication des griefs, des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise.

9        Le 10 mars 2003, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Le Tribunal a annulé ladite décision à l’égard de la requérante (arrêt du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission, T‑94/03, non publié, EU:T:2007:320) et des autres entreprises destinataires, au motif que la base juridique utilisée, soit l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de l’adoption de cette décision. De ce fait, la Commission n’avait pas compétence, sur le fondement de ces dispositions, pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA après l’expiration du traité CECA. Le Tribunal n’a pas examiné les autres aspects de cette décision.

10      La décision de 2002 est devenue définitive à l’égard de la Federacciai, qui n’a pas introduit de recours devant le Tribunal.

B.      Deuxième décision de la Commission (2009)

11      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé la requérante et les autres entreprises concernées de son intention d’adopter une nouvelle décision, en corrigeant la base juridique utilisée. Elle a, en outre, précisé que ladite décision serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires. Sur invitation de la Commission, la requérante a présenté des observations écrites le 1er août 2008.

12      Par télécopies du 24 juillet et du 25 septembre 2008, puis du 13 mars, du 30 juin et du 27 août 2009, la Commission a demandé à la requérante des informations relatives à l’actionnariat et à la situation patrimoniale de l’entreprise. La requérante a répondu à ces demandes de renseignements, respectivement, par courriels du 1er août et du 1er octobre 2008, puis du 18 mars, du 1er juillet et du 8 septembre 2009.

13      Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la décision C(2009) 7492 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton, réadoption), adressée aux mêmes entreprises que la décision de 2002, dont la requérante. Cette décision a été adoptée sur le fondement des règles procédurales du traité CE et du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1). Elle reposait sur les éléments visés dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires et reprenait, en substance, la teneur et les conclusions de la décision de 2002. En particulier, le montant de l’amende infligée à la requérante, de 3,57 millions d’euros, restait inchangé.

14      Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté une décision modificative, intégrant, dans son annexe, les tableaux illustrant les variations de prix omis de sa décision du 30 septembre 2009 et corrigeant les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page.

15      Le 19 février 2010, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de la Commission du 30 septembre 2009, telle que modifiée (ci-après la « décision de 2009 »). Le 9 décembre 2014, le Tribunal a réduit le montant de l’amende infligée à la requérante à 3,42144 millions d’euros, au motif que cette dernière n’avait pas participé, pendant trois ans, au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, et a rejeté le recours pour le surplus (arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission, T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035). Le Tribunal a annulé partiellement la décision de 2009 à l’égard d’un autre de ses destinataires, réduit le montant de l’amende infligée à un autre de ses destinataires et rejeté les autres recours introduits.

16      Le 20 février 2015, la requérante a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035). Par arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), la Cour a annulé ledit arrêt du Tribunal ainsi que la décision de 2009 à l’égard, notamment, de la requérante.

17      Dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), la Cour a jugé que, lorsqu’une décision était adoptée sur le fondement du règlement no 1/2003, la procédure aboutissant à cette décision devait être conforme aux règles de procédure prévues par ce règlement ainsi que par le règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), même si cette procédure avait commencé avant leur entrée en vigueur.

18      Or, la Cour a constaté que, en l’espèce, l’audition du 13 juin 2002, la seule qui concernait le fond de la procédure, ne pouvait être considérée comme conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, en l’absence de participation des autorités de concurrence des États membres.

19      La Cour a conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’avait pas l’obligation, avant l’adoption de la décision de 2009, d’organiser une nouvelle audition, au motif que les entreprises avaient déjà eu la possibilité d’être entendues oralement lors des auditions des 13 juin et 30 septembre 2002.

20      Dans son arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), la Cour a rappelé l’importance de la tenue, sur demande des parties concernées, d’une audition à laquelle les autorités de concurrence des États membres sont invitées, son omission constituant une violation des formes substantielles.

21      La Cour a jugé que, dès lors que ce droit explicité dans le règlement no 773/2004 n’avait pas été respecté, il n’était pas nécessaire pour l’entreprise dont le droit avait été ainsi violé de démontrer que cette violation avait pu influer à son détriment sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision litigieuse.

22      La Cour a également annulé d’autres arrêts du Tribunal adoptés le 9 décembre 2014 statuant sur la légalité de la décision de 2009, ainsi que cette décision, à l’égard de quatre autres entreprises, pour les mêmes motifs. La décision de 2009 est en revanche devenue définitive pour les entreprises destinataires qui n’ont pas formé de pourvoi contre lesdits arrêts.

C.      Troisième décision de la Commission (2019)

23      Par lettre du 15 décembre 2017, la Commission a informé la requérante de son intention de reprendre la procédure administrative et d’organiser, dans ce cadre, une nouvelle audition des parties à ladite procédure en présence des autorités de concurrence des États membres.

24      Par lettre du 1er février 2018, la requérante a présenté des observations dans lesquelles elle a contesté le pouvoir de la Commission de reprendre la procédure administrative et a ainsi invité cette dernière à ne pas procéder à cette reprise.

25      Le 23 avril 2018, la Commission a tenu une nouvelle audition concernant le fond de la procédure, à laquelle ont pris part, en présence des autorités de concurrence des États membres et du conseiller-auditeur, la requérante ainsi que trois autres entreprises destinataires de la décision de 2009.

26      Par lettres du 19 novembre 2018 ainsi que du 17 janvier et du 6 mai 2019, la Commission a envoyé trois demandes de renseignements à la requérante concernant son actionnariat et sa situation patrimoniale. La requérante a répondu à ces demandes de renseignements, respectivement, par lettres du 10 décembre 2018 ainsi que du 31 janvier et du 9 mai 2019.

27      Le 21 juin 2019, la requérante a participé à une réunion avec les services de la Commission, au cours de laquelle ces derniers ont indiqué qu’ils avaient décidé de proposer au collège des commissaires l’adoption d’une nouvelle décision de sanction, mais que, au vu du délai objectivement prolongé, ils proposeraient l’application d’une circonstance atténuante extraordinaire.

28      Le 4 juillet 2019, la Commission a adopté la décision C(2019) 4969 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision attaquée »), adressée aux cinq entreprises à l’égard desquelles la décision de 2009 avait été annulée, à savoir, outre la requérante, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holding SpA (anciennement Feralpi Siderurgica SpA et Federalpi Siderurgica SRL), Partecipazioni Industriali SpA (anciennement Riva Acciaio SpA puis Riva Fire SpA, ci-après « Riva ») ainsi que Valsabbia Investimenti SpA et Ferriera Valsabbia SpA.

29      Par la décision attaquée, la Commission a constaté la même infraction que celle faisant l’objet de la décision de 2009, tout en réduisant les amendes infligées aux entreprises destinataires de 50 % en raison de la durée de la procédure. La requérante a bénéficié, en outre, d’une réduction supplémentaire de 6 % de l’amende, car elle n’avait pas participé au volet de l’entente portant sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes durant une certaine période. Par l’article 2 de la décision attaquée, elle a ainsi infligé à la requérante une amende d’un montant de 2,237 millions d’euros.

30      Le 8 juillet 2019, une copie incomplète de la décision attaquée, n’en comprenant que les pages impaires, a été notifiée à la requérante, ce que cette dernière a signalé à la Commission par lettre du 9 juillet 2019.

31      Le 18 juillet 2019, une version complète de la décision attaquée a été notifiée à la requérante.

II.    Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2019, la requérante a introduit le présent recours.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 janvier 2020, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du 11 février 2020, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Conseil a déposé le mémoire en intervention et la requérante a déposé ses observations sur celui-ci dans le délai imparti. La Commission n’a pas présenté d’observations sur le mémoire en intervention.

34      Sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

35      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties et leur a demandé de produire des documents. Les parties ont répondu à ces questions et à ces demandes de production de documents dans le délai imparti.

36      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 4 juin 2021. Durant l’audience, à la suite d’une question du Tribunal, la requérante a accepté que les moyens soulevés dans la requête à l’appui du présent recours soient renumérotés aux fins de la rédaction de l’arrêt, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.

37      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée en ce que celle-ci la concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée et réduire le montant de l’amende qui lui est infligée ;

–        condamner la Commission et le Conseil aux dépens.

38      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

39      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en tant qu’il est fondé sur l’exception d’illégalité de l’article 25 du règlement no 1/2003 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

40      À l’appui du recours, la requérante soulève neuf moyens, qui peuvent être divisés en deux groupes.

41      Dans le premier groupe, six moyens sont soulevés à titre principal et visent à obtenir l’annulation de la décision attaquée :

–        le premier est tiré de la violation des droits de la défense et des règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018 ;

–        le deuxième est tiré du refus illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure ;

–        le troisième est tiré de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure ;

–        le quatrième est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, d’un excès de pouvoir et de la violation du principe de proportionnalité ;

–        le cinquième est tiré de la violation du principe non bis in idem ;

–        le sixième est tiré de l’illégalité du régime de prescription organisé par l’article 25 du règlement no 1/2003.

42      Dans le second groupe, trois derniers moyens sont soulevés à titre subsidiaire et visent à obtenir une annulation partielle de la décision attaquée et une réduction corrélative du montant de l’amende infligée à la requérante :

–        le septième est tiré de la violation de la charge de la preuve et du principe in dubio pro reo concernant les comportements reprochés à la requérante ;

–        le huitième est tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive ;

–        le neuvième est tiré de la violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la prise en compte des circonstances atténuantes et du caractère tardif des motifs justifiant l’octroi d’une réduction d’amende.

A.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et des règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018

43      La requérante soutient que l’audition du 23 avril 2018 n’a pas purgé le vice constaté par la Cour dans son arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716). Selon elle, dans cet arrêt, la Cour n’a pas constaté une irrégularité purement procédurale, laquelle aurait pu être corrigée par la tenue d’une nouvelle audition, mais la violation d’une forme substantielle ayant pu avoir des conséquences sur le fond. Or, elle estime que la reprise de la procédure a, en l’espèce, violé ses droits de la défense.

44      Le moyen comporte cinq griefs, tous contestés par la Commission.

a)      Sur l’audition organisée à la suite de la reprise de la procédure administrative

45      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716, points 46 à 52), la Cour a reproché à la Commission de n’avoir pas donné à la requérante l’occasion de développer ses arguments lors d’une audition qui aurait porté sur le fond de l’affaire en présence des autorités de concurrence des États membres.

46      La Cour a ensuite jugé que le défaut ainsi identifié devait être analysé comme une violation des formes substantielles viciant la procédure indépendamment des conséquences préjudiciables pouvant en résulter pour la requérante (arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission, C‑88/15 P, EU:C:2017:716, points 53 à 55).

47      Analysant l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), la Commission a estimé que, si ce défaut était corrigé, la procédure administrative pouvait être reprise à l’encontre des entreprises encore visées (considérant 15 de la décision attaquée).

48      Par lettre du 15 décembre 2017, la Commission a indiqué aux entreprises en cause qu’elle souhaitait reprendre la procédure administrative à partir du point auquel était apparu le défaut identifié par la Cour, c’est-à-dire à partir de l’audition.

49      Dans sa lettre du 15 décembre 2017, la Commission a demandé aux entreprises en cause de manifester par écrit, si elles le souhaitaient, leur intérêt à participer à une nouvelle audition, qui, portant sur le fond du dossier, serait organisée en présence des autorités de concurrence des États membres conformément à la réglementation applicable.

50      Ayant reçu les réponses fournies par les entreprises en cause, la Commission a organisé une nouvelle audition le 23 avril 2018 en présence des autorités de concurrence des États membres.

b)      Sur l’exécution des arrêts d’annulation

51      Il importe de rappeler que, en vertu de l’article 266, paragraphe 1, TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour.

52      Pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, les institutions doivent respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 45 et jurisprudence citée).

53      L’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs, de fond ou de procédure, ayant justifié l’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 47 et jurisprudence citée).

54      Dès lors, la procédure visant à remplacer un acte annulé peut, en principe, être reprise à partir de l’étape affectée par l’illégalité (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 73, et du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 46 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, l’acte ayant été annulé à la suite d’une violation de formes substantielles intervenue dans l’organisation de l’audition (arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission, C‑88/15 P, EU:C:2017:716), il était loisible à la Commission de reprendre la procédure, comme elle l’a fait, à partir de cette étape.

56      C’est dans ce contexte que doivent être examinés les griefs avancés par la requérante à l’appui du premier moyen.

c)      Sur les premier et deuxième griefs, concernant l’impartialité requise du comité consultatif et de la Commission

57      La requérante soutient que le comité consultatif n’a pas été valablement consulté, car les modalités mises en place pour organiser l’audition à laquelle devaient être invitées les autorités de concurrence des États membres, dont les représentants composent ledit comité, n’ont pas permis de garantir leur impartialité au moment où celui-ci devait rendre son avis en application de la réglementation.

58      Dans le deuxième grief, qu’il convient de traiter conjointement avec le premier, la requérante conteste que la Commission ait adopté la décision attaquée en toute indépendance.

59      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure pour l’adoption des décisions fondées sur les articles 101 et 102 TFUE est réglée, pour les aspects concernés par le présent litige, par le règlement no 1/2003 :

–        selon l’article 14, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, la Commission, avant de prendre sa décision, consulte un comité composé de représentants des autorités de concurrence des États membres ;

–        l’article 14, paragraphe 3, dudit règlement précise que ce comité émet un avis écrit sur l’avant-projet de décision soumis par la Commission ;

–        l’article 14, paragraphe 5, du même règlement précise que la Commission tient le plus grand compte de l’avis rendu par ce comité en informant celui-ci de la façon dont elle s’est acquittée de cette obligation.

60      Pour l’organisation des auditions, le règlement no 773/2004 fixe les règles suivantes :

–        l’article 12 de ce règlement requiert de la Commission qu’elle donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites ;

–        l’article 14, paragraphe 3, dudit règlement prévoit que les autorités de concurrence des États membres sont invitées à prendre part à l’audition.

61      Selon la jurisprudence, la consultation du comité consultatif constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de la décision litigieuse et entraîne son annulation s’il est établi que le non-respect de règles a empêché ledit comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 148 et jurisprudence citée).

62      La requérante ne soutient pas que les règles énoncées aux points 59 et 60 ci-dessus n’ont pas été respectées en tant que telles. Elle estime toutefois que, lorsque les autorités de concurrence des États membres ont participé à l’audition du 23 avril 2018 et ont, ensuite, rendu leur avis, elles ne se trouvaient pas dans une situation garantissant leur impartialité. Selon elle, ces autorités connaissaient, en effet, au moment de rendre cet avis, la position qu’avaient adoptée la Commission et les juridictions de l’Union européenne dans les décisions et les arrêts ayant jalonné la procédure. Elle fait observer que, d’une part, avant de prendre la décision attaquée, la Commission avait déjà adopté, à deux reprises (en 2002 et 2009), une décision de sanction sans consulter lesdites autorités sur le fond de l’affaire et que, d’autre part, en 2014, le Tribunal avait rendu un arrêt confirmant la position retenue par la Commission. Selon elle, marqué par l’existence de ces décisions et de cet arrêt, le contexte a inévitablement influencé ces mêmes autorités d’une manière rendant impossible la formulation d’un avis en toute impartialité.

63      Dans le deuxième grief, la requérante conteste, dans le même sens, que la Commission ait pu analyser le dossier et parvenir à une décision après la reprise de la procédure en toute indépendance, alors qu’elle s’était prononcée sur les faits de la cause à deux reprises antérieurement et que, sur ce point, sa position avait été confirmée par le Tribunal.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE, T‑712/15, EU:T:2017:900, point 42 et jurisprudence citée), même si, lorsqu’il a une portée individuelle, l’annulation ne bénéficie, sous certaines réserves, qu’aux parties au procès (voir arrêt du 8 mai 2019, Lucchini/Commission, T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, points 33 à 37 et jurisprudence citée).

65      Ainsi, les arrêts du Tribunal, qui sont des actes adoptés par l’une des institutions de l’Union, disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi.

66      Partant, en l’espèce, bien que le comité consultatif ait rendu son avis, d’une part, après que la Commission a adopté la décision de 2002 puis celle de 2009 et, d’autre part, après que le Tribunal s’est prononcé dans son arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035), il n’en demeure pas moins que, ayant été annulés, ces décisions et cet arrêt avaient disparu de l’ordre juridique de l’Union et sont censés, en application de ladite jurisprudence, n’avoir jamais existé.

67      En ce qui concerne le prétendu manque d’impartialité des autorités de concurrence des États membres, qui rendrait impossible la formulation par le comité consultatif d’un avis en toute impartialité, et le prétendu manque d’indépendance de la Commission, il convient de relever que, aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union.

68      L’exigence d’impartialité prévue par l’article 41 de la Charte recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

69      En l’espèce, l’impartialité du comité consultatif lorsqu’il a rendu son avis est mise en cause en ce que, selon la requérante, l’attitude des représentants des autorités qui composent ledit comité a pu être influencée par le fait que ces autorités avaient eu connaissance de la position adoptée sur l’affaire, d’une part, par la Commission dans ses décisions de 2002 et de 2009 et, d’autre part, par le Tribunal dans son arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035).

70      Dans le même sens, l’indépendance de la Commission aurait été affectée par la circonstance que, confortée par l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035), ayant validé son appréciation des faits en cause, celle-ci ne fût plus réellement en mesure d’accueillir une opinion éventuellement contraire pouvant être émise par des représentants d’autorités de concurrence des États membres siégeant au sein du comité consultatif.

71      D’une telle connaissance, même à la supposer établie, il ne saurait cependant être déduit un manque d’impartialité pouvant affecter la légalité de la décision attaquée, sauf à mettre en cause les dispositions du traité en vertu desquelles des actes déclarés illégaux sont susceptibles d’être remplacés, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si c’est l’impartialité subjective ou l’impartialité objective qui est ici mise en cause par la requérante.

72      En effet, la connaissance possible d’une solution antérieurement adoptée et, le cas échéant, confirmée dans un arrêt du Tribunal annulé par la suite par la Cour sur pourvoi est inhérente à l’obligation de tirer les conséquences d’une annulation. Décider que la connaissance d’une telle situation pourrait faire obstacle, par elle-même, à une reprise de la procédure affecterait, en soi, le mécanisme d’annulation en indiquant que ce dernier implique non seulement la disparition rétroactive de l’acte annulé, mais aussi l’interdiction de reprendre la procédure. Une telle éventualité serait incompatible avec l’article 266 TFUE, qui, en cas d’annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE, impose aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union de prendre les mesures que comporte l’exécution des arrêts rendus à leur égard sans pour autant les affranchir de la mission consistant à assurer, dans les domaines relevant de leur compétence, l’application du droit de l’Union.

73      Il n’en irait autrement que si, par des indices concrets, la requérante pouvait établir que l’impartialité des intervenants a été réellement affectée d’une manière négative sans que puissent être considérées comme suffisantes à cet égard des allégations présentées d’une manière générale à l’encontre du processus de reprise en tant que tel, lorsque ce processus conduit à l’adoption d’une nouvelle décision confirmant en substance une analyse déjà effectuée antérieurement.

74      S’agissant du cas de l’autorité de la concurrence italienne, la requérante précise que l’impartialité de cette autorité serait affectée en raison du fait que cette dernière avait sanctionné en 2017 une entente présumée entre certaines entreprises italiennes du secteur des ronds à béton, parmi lesquelles figuraient les destinataires de la décision attaquée, en faisant référence, dans cette décision, à celle adoptée par la Commission en 2009 telle que validée par le Tribunal dans son arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035).

75      À cet égard, il doit être relevé que, comme l’a indiqué la Commission, sans être contredite sur ce point par la requérante, l’entente sanctionnée par l’autorité de concurrence italienne était différente, puisqu’elle portait sur des faits compris entre 2010 à 2016. Par ailleurs, comme la requérante l’a elle-même précisé, la décision de cette autorité a été annulée par le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie).

76      Dans ces circonstances, le fait pour l’autorité de concurrence italienne d’avoir sanctionné une entente à laquelle la requérante aurait participé durant la période allant de 2010 à 2016 ne pouvait empêcher cette même autorité d’adopter une position différente lors de l’audition du 23 avril 2018, qui concernait l’entente, différente, sanctionnée par la Commission dans la décision attaquée, cela d’autant que la décision de la Commission de 2009 et l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035) avaient entretemps été annulés.

77      Cet argument ne remet donc pas en cause les considérations figurant aux points 64 à 72 ci-dessus.

78      Les griefs doivent donc être rejetés.

d)      Sur le troisième grief, concernant l’absence d’acteurs importants lors de l’audition du 23 avril 2018

79      La requérante soutient que la Commission, d’une part, a violé diverses règles relatives à l’organisation des auditions et, d’autre part, a commis une erreur en omettant d’inviter plusieurs entités à l’audition du 23 avril 2018, alors que, ayant joué un rôle important dans le dossier, ces entités auraient pu communiquer aux autorités de concurrence des États membres des éléments permettant à ces dernières d’arrêter leur position en pleine connaissance de cause. Selon elle, n’ayant pu bénéficier d’un avis rendu en pleine connaissance de cause par ces autorités, ses droits de la défense ont été méconnus pour les raisons suivantes :

–        la Federacciai aurait dû participer à ladite audition, de même que Leali SpA et sa filiale Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA (ci-après, prises ensemble, « Leali »), ayant entretemps fait faillite, eu égard au rôle central joué par ces dernières dans l’ensemble des faits visés par l’enquête ;

–        Lucchini SpA, ayant également fait faillite, et Riva, placée sous administration extraordinaire, qui étaient les chefs de file du marché, auraient également dû participer à ladite audition ;

–        Industrie Riunite Odolesi SpA (ci-après « IRO »), qui n’avait pas contesté, quant à elle, l’arrêt du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T‑69/10, non publié, EU:T:2014:1030), aurait elle aussi dû participer à ladite audition ;

–        l’Associazione Nazionale Sagomatori Ferro (Association nationale des entreprises de façonnage de fer, ci-après l’« Ansfer ») aurait dû être invitée, cette association, représentant des clients des entreprises concernées, étant intervenue en tant que tiers lors de l’audition du 13 juin 2002 et ayant déclaré, à cette occasion, que l’existence d’ententes restrictives de concurrence n’avait jamais été ressentie sur le marché.

80      Il convient donc d’examiner si, dans l’organisation de l’audition, la Commission a violé une règle qui s’imposait à elle et si elle a, de la sorte ou d’une quelconque autre manière, entravé les droits de la défense de la requérante à l’occasion de l’audition du 23 avril 2018.

81      En premier lieu, il convient de relever que la participation à l’audition fait partie des droits procéduraux dont la violation, en raison de leur nature subjective, doit être invoquée par l’entreprise ou le tiers qui en est titulaire (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2010, ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, T‑62/08, EU:T:2010:268, point 186 ; du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 77, et du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, point 36).

82      Ainsi, la requérante ne saurait demander avec succès l’annulation d’une décision pour le seul motif qu’auraient été méconnus, en l’espèce, des droits procéduraux bénéficiant à des tiers ou à d’autres parties.

83      Par ailleurs, il doit être relevé que, même si les auditions tenues dans le cadre des procédures en matière d’ententes se déroulent le plus souvent sous une forme collective dans la pratique de la Commission, la réglementation ne reconnaît pas de droit à une audition collective pour les entreprises auxquelles une communication des griefs a été adressée.

84      Au contraire, l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 773/2004 précise que toute personne peut être entendue soit séparément soit en présence d’autres personnes invitées à assister à l’audition, en tenant compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles ne soient pas divulgués (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 697).

85      En second lieu, il convient d’examiner, au-delà du respect dû aux droits dont disposent d’autres personnes ou entités, si, d’une manière ayant pu entraver la défense de la requérante, la Commission a enfreint des règles concernant l’organisation des auditions.

86      À cet égard, il convient de relever que les droits de la défense sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge de l’Union assure le respect. Pareil respect dans une procédure suivie devant la Commission ayant pour objet d’infliger une amende à une entreprise pour violation des règles de concurrence exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence de l’infraction au traité. Ces droits sont visés à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte (voir arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, points 52 et 53 et jurisprudence citée).

87      En l’espèce, la requérante a insisté sur le fait que l’absence de certaines entités avait eu pour conséquence que le comité consultatif n’avait pas pu rendre son avis en toute connaissance de cause. Selon elle, si ces entités avaient été entendues, le contenu de son avis, et, en conséquence, celui de la décision attaquée, aurait ainsi pu être différent. Cette problématique a fait l’objet d’échanges nourris entre les parties, tant à l’écrit que lors de l’audience.

88      À cet égard, il convient de distinguer la situation des entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée, la situation des tiers justifiant d’un intérêt suffisant et la situation des autres tiers.

1)      Sur la situation des entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée

89      Selon l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, les entreprises et les associations d’entreprises visées par la procédure menée doivent avoir l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs qui sont retenus contre elles avant que soit prise à leur égard une décision appliquant l’article 101 ou 102 TFUE. La Commission ne peut fonder ses décisions à leur égard que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations.

90      L’article 12 du règlement no 773/2004 précise que la Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.

91      En l’espèce, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 12 du règlement no 773/2004 avaient donc vocation à s’appliquer à toutes les entreprises ayant participé à l’entente pour lesquelles la décision de 2002 ou la décision de 2009 n’était pas devenue définitive, y compris Riva.

92      Selon la requérante, l’absence de Riva à l’audition du 23 avril 2018 a pu contribuer à vicier la procédure en affectant les conditions dans lesquelles elle pouvait assurer sa défense.

93      À cet égard, il convient de relever, ainsi que cela est indiqué aux considérants 45 et 46 de la décision attaquée, et sans que cela soit contesté par les parties, que :

–        Riva a été informée par la Commission, par lettre du 15 décembre 2017, de la reprise de la procédure ;

–        en réponse à ce courrier, Riva a déposé des observations écrites sans demander, toutefois, à participer à une audition ;

–        Riva n’ayant pas formulé une telle demande, la Commission ne l’a pas invitée à prendre part à l’audition du 23 avril 2018.

94      Au vu de ces éléments, il ne saurait être considéré que, en s’abstenant d’inviter Riva à participer à l’audition du 23 avril 2018, la Commission a violé l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 12 du règlement no 773/2004. N’ayant pas demandé à participer à l’audition, Riva n’avait pas à y être invitée par la Commission. La requérante ne saurait donc valablement se prévaloir d’une violation des dispositions susvisées ayant pu affecter sa défense.

2)      Sur la situation des tiers justifiant d’un intérêt suffisant

95      L’audition des tiers intéressés est régie par l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003. Cette disposition prévoit que, si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant demandent à être entendues, il est fait droit à leur demande.

96      L’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004 précise :

–        si des personnes physiques ou morales demandent à être entendues et justifient d’un intérêt suffisant, la Commission les informe, par écrit, de la nature et de l’objet de la procédure ;

–        elle donne à ces personnes la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit dans un délai qu’elle fixe ;

–        elle peut les inviter à développer leurs arguments lors de l’audition si ces personnes en font la demande dans leurs observations écrites.

97      En l’espèce, l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004 avaient donc vocation à s’appliquer notamment à cinq entités dont la présence était nécessaire, selon la requérante, pour que l’audition du 23 avril 2018 soit valablement organisée, à savoir, d’une part, la Federacciai, Leali, IRO et Lucchini et, d’autre part, l’Ansfer.

98      En premier lieu, s’agissant des quatre premières entités visées au point 97 ci-dessus, il convient de relever que celles-ci ont renoncé, à un stade antérieur de la procédure, à contester la décision qui leur avait été adressée :

–        la Federacciai n’a pas déposé de recours en annulation contre la décision de 2002 ;

–        Leali, IRO et Lucchini n’ont pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T‑489/09, T‑490/09 et T‑56/10, non publié, EU:T:2014:1039), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T‑69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T‑91/10, EU:T:2014:1033), qui avaient rejeté leurs recours en annulation contre la décision de 2009.

99      Dès lors, selon la jurisprudence, la décision de la Commission prise à l’égard de ces entités est devenue définitive pour ce qui les concerne et, par suite, la procédure étant pour elles terminée, elles n’étaient plus parties à la procédure reprise le 15 décembre 2017 (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 63).

100    Dans ces conditions, les quatre premières entités visées au point 97 ci-dessus ne disposaient pas d’un droit à participer à l’audition du 23 avril 2018 en qualité de parties à la procédure.

101    Certes, les quatre premières entités visées au point 97 ci-dessus avaient la possibilité de demander à la Commission, en démontrant qu’elles présentaient un intérêt suffisant, l’autorisation de prendre part à l’audition du 23 avril 2018 en tant que tiers intéressés, conformément aux dispositions rappelées aux points 95 et 96 ci-dessus.

102    Cependant, la Federacciai, Leali et IRO n’ont pas effectué une telle démarche et, ainsi, il ne saurait être prétendu que la Commission ait pu, dans ce cadre, violer quelque règle que ce soit, avec pour conséquence d’avoir pu affecter l’exercice par la requérante de ses droits de la défense.

103    En revanche, il convient de noter que Lucchini a considéré, de son côté, qu’elle devait bénéficier de l’annulation prononcée par la Cour dans ses arrêts du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C‑89/15 P, EU:C:2017:713), même si elle n’a pas introduit de pourvoi contre l’arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T‑91/10, EU:T:2014:1033). Sur la base de cette argumentation, elle a demandé à la Commission l’autorisation de participer à l’audition du 23 avril 2018. Toutefois, cette demande a été présentée par Lucchini en tant que partie à la procédure reprise le 15 décembre 2017, au même titre, notamment, que la requérante, et non en qualité de tiers intéressé. Cette demande a été rejetée par la Commission à juste titre pour les raisons indiquées aux points 98 et 99 ci-dessus (arrêt du 8 mai 2019, Lucchini/Commission, T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, points 41 et 42). S’étant vu refuser cette possibilité en tant que partie à la procédure, Lucchini n’a pas fait valoir, par la suite, qu’elle pouvait être invitée à l’audition en qualité de tiers disposant d’un intérêt suffisant.

104    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, en s’abstenant d’inviter, d’une part, la Federacciai et, d’autre part, Leali, IRO et Lucchini à participer à l’audition, la Commission a violé une règle procédurale pouvant avoir une incidence sur l’exercice, par la requérante, de ses droits de la défense.

105    En second lieu, s’agissant de la cinquième entité visée au point 97 ci-dessus, à savoir l’Ansfer, la requérante considère qu’elle aurait dû être invitée à l’audition du 23 avril 2018, au vu des informations qu’elle détenait et qui étaient susceptibles d’exercer une influence sur les autorités de concurrence des États membres, relativement à la connaissance qu’elles avaient du dossier.

106    À l’appui de sa position, la requérante présente trois arguments.

107    Premièrement, la requérante soutient que, selon toute vraisemblance, si l’Ansfer avait été informée par la Commission de la reprise de la procédure, elle aurait participé à l’audition du 23 avril 2018 comme elle l’avait fait pour l’audition du 13 juin 2002.

108    À cet égard, il convient de rappeler comment a été ouverte en 2002 la procédure diligentée contre la requérante et contre les autres entreprises alors visées.

109    Comme l’a indiqué la Commission dans sa réponse aux questions du Tribunal et à l’audience sans être contredite par la requérante, l’ouverture en cause est intervenue le 26 mars 2002, suivie de la notification aux parties concernées de la communication des griefs, conformément à l’article 36 CA.

110    Alors, l’ouverture en cause n’a été accompagnée d’aucune mesure de publicité, car la réglementation ne requérait pas de la Commission qu’elle rende publique la décision d’ouvrir une procédure administrative, l’adoption d’une communication des griefs ou, comme en l’espèce, d’une communication des griefs supplémentaires.

111    La façon de procéder n’a pas été différente après que le Tribunal a rendu l’arrêt du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T‑94/03, non publié, EU:T:2007:320), et que la Cour a rendu l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716).

112    Après avoir analysé les arrêts visés au point 111 ci-dessus, la Commission a informé la requérante, la première fois par lettre du 30 juin 2008 et la seconde par lettre du 15 décembre 2017, de son intention de « reprendre » la procédure.

113    En particulier, la seconde lettre a été notifiée aux entreprises destinataires de la décision attaquée, mais n’a été communiquée à aucune autre personne ou entité, de même qu’elle n’a fait l’objet d’aucune mesure de publicité.

114    Dans ce contexte, il convient de déterminer si la Commission était tenue d’informer le public de la reprise de la procédure après l’annulation de la décision de 2009, de sorte que, si cette obligation avait été respectée en l’espèce, l’Ansfer aurait été informée et aurait pu demander à participer à la nouvelle audition.

115    À cet égard, il convient de noter qu’aucune règle n’exige de la Commission qu’elle rende publique la reprise d’une procédure à la suite de l’annulation de l’une de ses décisions par un arrêt de la Cour ou du Tribunal.

116    En effet, une telle reprise de procédure intervient dans le cadre de l’exécution d’un arrêt d’annulation.

117    Or, l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. En ce sens, cette disposition impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans ledit arrêt. Toutefois, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à mettre en œuvre afin de tirer les conséquences d’un arrêt d’annulation ou d’invalidation, étant entendu que ces moyens doivent être compatibles avec le dispositif de l’arrêt en cause et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire. Sauf à ce que l’irrégularité constatée ait entaché de nullité l’ensemble de la procédure, les institutions concernées peuvent, afin d’adopter un acte visant à remplacer un précédent acte annulé ou invalidé, reprendre la procédure au stade où cette irrégularité a été commise (voir arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys/Commission, T‑125/16, EU:T:2017:884, points 49 et 52 et jurisprudence citée).

118    Au terme de l’appréciation que la Commission effectue dans ce cadre, elle peut ainsi décider de reprendre la procédure comme elle l’a fait dans la présente affaire, tout comme elle peut abandonner la procédure si elle estime que le dossier peut être clos ou, si elle pense que des mesures d’enquête s’imposent, ouvrir une nouvelle procédure susceptible, dans ce cas, de conduire à la notification d’une nouvelle communication des griefs aux entreprises destinataires conformément à l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

119    En l’espèce, la Commission, ayant effectué ladite appréciation, a décidé de reprendre la procédure au point où elle avait été interrompue, comme le permet la jurisprudence visée aux points 53 et 54 ci-dessus.

120    Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la Commission a mentionné sa communication du 20 octobre 2011 concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6) (voir, en particulier, point 20 de celle-ci), dans laquelle elle s’est engagée, d’une part, à annoncer l’ouverture de chaque procédure d’application de ces dispositions sur le site Internet de sa direction générale de la concurrence et, d’autre part, à publier un communiqué de presse sur le sujet, sauf lorsque de telles mesures de publicité sont susceptibles de nuire au déroulement de l’enquête.

121    Toutefois, comme la Commission l’a fait valoir, la communication en cause ne lui imposait pas en l’espèce de mettre en œuvre les engagements visés au point 120 ci-dessus. En effet, en l’absence de disposition expresse en ce sens, il n’y a pas lieu d’étendre la portée de ces engagements lorsque la Commission reprend une procédure au stade d’une audition précédemment tenue de manière irrégulière, qui est le stade où cette procédure a été interrompue, ainsi que la Commission l’a décidé en l’espèce dans le cadre de l’exécution de l’arrêt d’annulation de la Cour, situation qui se distingue de celle de l’ouverture de la procédure visée dans cette communication.

122    L’argument doit donc être rejeté.

123    Deuxièmement, la requérante soutient que, pour la détermination des tiers à inviter à l’audition, l’Ansfer ne pouvait être considérée comme un simple membre du public, mais avait le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » au sens de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004.

124    Au soutien de sa position, la requérante rappelle que le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » avait été reconnu en 2002 à l’Ansfer par le conseiller-auditeur, ce qui avait permis la participation de cette association à l’audition du 13 juin 2002.

125    Disposant alors du statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant », l’Ansfer ne saurait l’avoir perdu entretemps et aurait dû être invitée à participer, à ce titre, à l’audition du 23 avril 2018.

126    À cet égard, il convient de relever que l’argumentation de la requérante en ce qui concerne le maintien du statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » est conforme à la position défendue par la Commission sur la continuité existant entre les étapes de la procédure administrative même si celle-ci a été interrompue par des procédures juridictionnelles ayant donné lieu à des arrêts d’annulation.

127    Dans cette perspective, il serait légitime de considérer qu’une entité s’étant vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à un stade antérieur de la procédure ait pu le conserver tout au long de la procédure, même si celle-ci a pu être interrompue par une procédure juridictionnelle ayant donné lieu à une annulation prononcée par le juge de l’Union.

128    Il importe donc de déterminer si, en l’espèce, s’étant vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à un moment de la procédure, l’Ansfer a pu conserver ce statut tout au long de cette dernière et aurait dû être invitée à l’audition du 23 avril 2018 ou, à tout le moins, être informée de la reprise de la procédure pour lui permettre de manifester son intérêt et, ainsi, d’être invitée, le cas échéant, à participer à ladite audition.

129    À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du dossier, sans que cela soit contesté par la requérante, l’intérêt manifesté par l’Ansfer pour participer à la procédure n’a pas été maintenu tout au long de cette dernière.

130    En effet, récapitulant les étapes qui se sont succédé, la Commission a précisé, à l’audience, sans être contredite par la requérante, en réponse aux questions posées par le Tribunal, que :

–        en 2002, l’Ansfer avait appris l’ouverture de la procédure par l’intermédiaire d’informations parues dans la presse italienne ;

–        sur la base de de ces informations, l’Ansfer avait demandé à la Commission à être autorisée à participer à l’audition du 13 juin 2002 en faisant valoir qu’elle pouvait démontrer, à cet effet, l’existence, en ce qui la concernait, d’un intérêt suffisant ;

–        ayant été invitée à participer, l’Ansfer s’était présentée à ladite audition, où, sans que son représentant y prît la parole, elle avait déposé des observations écrites ;

–        sur cette base, l’Ansfer avait été invitée à participer à la deuxième audition du 30 septembre 2002, relative aux conséquences de l’expiration du traité CECA sur la procédure ;

–        elle n’avait, toutefois, pas répondu à cette invitation et ne s’était pas davantage présentée lors de cette audition ;

–        l’Ansfer n’ayant pas répondu à l’invitation à la nouvelle audition qui lui avait été adressée et ne s’y étant pas présentée la Commission avait considéré que celle-ci ne demandait plus à participer à la suite de la procédure et ne devait donc pas être invitée à l’audition du 23 avril 2018 ;

–        dans ce cadre, la Commission avait tenu compte du fait que, d’une part, la participation de l’Ansfer lors de l’audition du 13 juin 2002 s’était limitée à la soumission d’observations écrites, sans prise de parole, et que, d’autre part, ces observations avaient été versées au dossier.

131    Or, en vertu de la réglementation, les tiers peuvent prendre part à une audition organisée dans une procédure relative à l’application des règles de concurrence, mais, pour ce faire, ils doivent se manifester auprès de la Commission et établir à l’intention de cette dernière qu’ils présentent un intérêt suffisant pour leur permettre d’y participer (voir points 95 et 96 ci-dessus).

132    En outre, il convient de considérer que, lorsqu’un tiers s’est vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » lors d’une procédure administrative qui a été interrompue par un contrôle juridictionnel au terme duquel une annulation a été prononcée par le juge de l’Union, la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour décider si ce tiers conserve un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue. En effet, la garantie des droits de la défense n’exige pas que la Commission, lorsqu’elle reprend ladite procédure, procède à l’audition des tiers ne disposant plus d’un tel intérêt suffisant (voir, par analogie, arrêts du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 406, et du 11 juillet 2019, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission, T‑582/15, non publié, EU:T:2019:497, point 202 et jurisprudence citée).

133    Dans l’intérêt d’une bonne administration, il convient, en effet, d’éviter une multiplication d’intervenants tout en assurant la participation de ceux qui peuvent apporter une réelle contribution, à charge ou à décharge, à l’analyse du dossier et au respect des droits de la défense, de manière à assurer que l’avis soit rendu par le comité consultatif et que la décision soit prise par la Commission en pleine connaissance de cause et dans le respect des garanties procédurales.

134    C’est au terme d’une telle appréciation que, en l’espèce, l’Ansfer a été invitée en tant que « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à participer à l’audition du 13 juin 2002 et à celle du 30 septembre 2002.

135    Par la suite, au vu de l’absence de réponse de l’Ansfer à l’invitation à participer à la deuxième audition du 30 septembre 2002 et de son absence de participation à cette audition, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que celle-ci avait renoncé à intervenir dans la suite de la procédure ou, à tout le moins, ne souhaitait pas développer davantage ses arguments lors de l’audition du 23 avril 2018 et que sa contribution, déjà versée au dossier et reprise par la suite dans le projet de la décision attaquée, ne justifiait pas de l’informer de la reprise de la procédure pour lui permettre de manifester à nouveau son intérêt et, ainsi, d’être invitée, le cas échéant, à participer à ladite audition.

136    L’argument doit donc être rejeté.

137    Troisièmement, la requérante indique avoir attiré l’attention de la Commission, dans sa lettre du 1er février 2018 et lors de l’audition du 23 avril 2018, sur le fait que la procédure ne pouvait être reprise valablement dès lors que tous les acteurs présents en 2002 ne pourraient être présents à ladite audition, avec pour conséquence de ne donner qu’une vision partielle de l’affaire aux autorités de concurrence des États membres, dont les représentants sont chargés d’exprimer une opinion pour permettre au comité consultatif de rendre son avis conformément à la réglementation.

138    À cet égard, il convient de relever que, ainsi formulée, une telle remarque ne saurait être analysée comme une demande ayant été adressée à la Commission et visant à obtenir de celle-ci qu’elle invite à l’audition l’Ansfer ou d’autres tiers en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, qui permet aux parties de proposer dans leurs observations écrites « que la Commission entende des personnes susceptibles de corroborer les faits exposés dans leurs observations ».

139    Comme le signale la Commission, c’est à la requérante qu’il appartenait, si elle estimait que l’intervention de l’Ansfer était nécessaire, voire seulement utile, pour la défense de son argumentation, d’informer cette association de la reprise de la procédure afin qu’elle se manifeste auprès de la Commission ou de demander à cette dernière, de manière spécifique, d’inviter cette entité.

140    Or, la requérante, dans sa réponse écrite aux questions du Tribunal, a admis n’avoir effectué aucune démarche en ce sens auprès de la Commission ou de l’Ansfer. Elle a même reconnu avoir perdu de vue la présence à la procédure de cette association jusqu’à la lecture du considérant 110 de la décision attaquée, qui fait référence aux observations écrites déposées par l’Ansfer lors de la première audition du 13 juin 2002.

141    Il convient d’ajouter que, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, les autorités de concurrence des États membres peuvent demander à la Commission d’entendre des tiers, si elles l’estiment approprié.

142    Rien n’empêchait la requérante de suggérer aux autorités de concurrence des États membres, lors de l’audition du 23 avril 2018, ou avant celle-ci, de demander à la Commission d’entendre l’Ansfer.

143    Or, la requérante n’a pas accompli une telle démarche auprès des autorités de concurrence des États membres, pas plus que lesdites autorités n’ont demandé à la Commission d’entendre l’Ansfer.

144    Partant, l’Ansfer ne disposant plus d’un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue lors de la reprise de la procédure (voir points 126 à 136 ci-dessus) et aucune demande visant à l’entendre n’ayant été adressée à la Commission, il ne saurait être valablement reproché à cette dernière de ne pas l’avoir invitée à participer à l’audition du 23 avril 2018.

145    L’argument doit donc être écarté.

3)      Sur la situation des autres tiers

146    Il convient de relever que la réglementation prévoit, pour l’organisation des auditions, une troisième situation, qui concerne les tiers ne présentant pas un intérêt suffisant au sens déterminé aux points 95 et 96 ci-dessus.

147    L’article 13, paragraphe 3, du règlement no 773/2004 prévoit la possibilité d’inviter toute personne physique ou morale, autre que les entreprises visées par la procédure ou les tiers justifiant d’un tel intérêt, à exprimer son point de vue par écrit et à assister, le cas échéant, à l’audition. Outre qu’elles peuvent être autorisées à y assister, ces personnes peuvent être invitées à exprimer leur point de vue au cours de l’audition.

148    C’est dans cette situation que se trouvait notamment l’Ansfer, dès lors que, comme cela a été établi, la Commission a pu considérer que cette association ne disposait plus d’un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue, lors de la reprise de la procédure (voir points 126 à 136 ci-dessus). Pour répondre à un argument spécifique soulevé par la requérante à propos de Lucchini, il convient de relever que c’est également à ce titre que cette entreprise aurait pu intervenir à l’audition, dès lors que celle-ci n’a pas fait valoir, auprès de la Commission, qu’elle souhaitait être entendue en tant que tiers justifiant d’un intérêt suffisant au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 773/2004, comme cela a été indiqué au point 103 ci-dessus.

149    Or, la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer si la participation de tiers non intéressés peut être utile dans les débats, étant précisé que la garantie des droits de la défense de la requérante n’exige pas dans tous les cas que la Commission procède aux auditions demandées (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 132 ci-dessus).

150    Ainsi, en l’espèce, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer, pour les raisons évoquées aux points 126 à 136 ci-dessus, qu’inviter l’Ansfer à l’audition du 23 avril 2018 n’apporterait pas d’élément nouveau aux débats.

151    Par ailleurs, la requérante n’ayant pas présenté à la Commission durant la procédure de demande expresse d’inviter Lucchini à l’audition du 23 avril 2018, accompagnée d’indications précises concernant les raisons pour lesquelles cette institution devait utiliser la marge d’appréciation dont elle dispose en vertu de l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 773/2004 afin d’inviter l’entreprise à exprimer son point de vue lors de l’audition du 23 avril 2018, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir omis d’inviter Lucchini en estimant que l’instruction de l’affaire était suffisante.

152    Dans ses réponses aux questions du Tribunal, la requérante a admis, en effet, qu’elle n’avait pas formellement fait part à la Commission de la nécessité d’inviter Lucchini à l’audition en qualité de tiers. Elle s’est, à cet égard, contentée d’indiquer, dans ses observations du 1er février 2018 mentionnées au point 24 ci-dessus et durant l’audition du 23 avril 2018, que certaines entreprises, dont Lucchini, pour lesquelles les arrêts du Tribunal de 2014 visés au point 15 ci-dessus avaient acquis force de chose jugée, ne seraient pas présentes à l’audition, ce qui donnerait une vision partielle du litige aux autorités de concurrence des États membres. L’argumentation présentée dans ce cadre par la requérante visait à démontrer que l’absence de ces entreprises à l’audition avait pour conséquence que le vice censuré par la Cour dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C-88/15 P, EU:C:2017:716), ne pouvait être réparé et que la Commission ne pouvait, par conséquent, reprendre la procédure et adopter une nouvelle décision.

153    Dans ces conditions, il ne saurait être valablement reproché à la Commission d’avoir violé une règle procédurale qui aurait pu avoir une incidence sur l’exercice, par la requérante, de ses droits de la défense en omettant d’inviter d’autres tiers à l’audition du 23 avril 2018.

154    L’argument doit donc être rejeté.

155    Au vu des éléments qui précèdent, il peut être conclu que la Commission n’a pas violé de règles procédurales concernant l’audition d’autres personnes ou entités et, par conséquent, que l’exercice des droits de la défense dont se prévaut la requérante n’a pu être entravé d’aucune manière par la violation de telles règles.

156    Pour autant que de besoin, il convient de relever que la requérante n’a pas établi avoir été entravée dans l’exercice de ses droits de la défense indépendamment de la violation d’une règle, en raison de l’absence d’une entreprise ou d’un tiers lors de l’audition organisée en vue de l’adoption de la décision attaquée.

157    Le grief doit donc être rejeté.

e)      Sur le quatrième grief, concernant l’impossibilité, pour la Commission, de remédier au défaut procédural censuré par la Cour 

158    La requérante soutient en substance qu’il était impossible de remédier au défaut procédural censuré par la Cour. En raison du délai écoulé, les changements intervenus dans l’identité des acteurs et la structure du marché étaient tels, selon elle, qu’aucune audition ne pouvait encore être organisée dans des conditions identiques ou, à tout le moins, équivalentes à celles qui prévalaient en 2002.

159    À cet égard, il convient de relever que, en raison de l’ampleur des tâches qu’elles impliquent, le contexte dans lequel sont organisées les procédures de concurrence est inévitablement altéré par l’écoulement du temps.

160    Dans un tel contexte, où la concurrence induit constamment des modifications des acteurs, des produits et des parts de marché, la possibilité que de tels changements rendent impossible, par eux-mêmes, l’adoption d’une nouvelle décision affecterait, dans son principe même, la possibilité, pour la Commission, de reprendre une procédure en vue d’appliquer les règles de concurrence en exécution de la mission qui lui est assignée par les traités.

161    Lorsque la Commission décide de reprendre une procédure à la suite d’une annulation de l’une de ses décisions par un arrêt de la Cour ou du Tribunal, elle doit toutefois procéder à une évaluation destinée à déterminer, au vu des circonstances existant au moment de la reprise, et en particulier des effets ayant pu résulter de l’écoulement du temps, si la poursuite de la procédure apparaît encore comme étant une solution appropriée à la situation, ce qu’elle a fait en l’espèce, comme cela est expliqué en réponse au premier grief du deuxième moyen présenté par la requérante à l’appui du recours (voir points 199 à 223 ci-dessous).

162    Le grief doit donc être rejeté.

f)      Sur le cinquième grief, tiré dautres irrégularités ayant affecté les circonstances dans lesquelles le comité consultatif a rendu son avis

163    Dans la réplique, la requérante soulève un cinquième grief, tiré d’irrégularités concernant le déroulement des réunions du comité consultatif des 27 juin et 1er juillet 2019.

164    À cet égard, il convient de rappeler les règles essentielles concernant l’intervention du comité consultatif dans les procédures conduisant à l’application des règles de concurrence.

165    Comme l’indique le point 58 de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (JO 2004, C 101, p. 43), la consultation du comité consultatif exprime la coopération existant au sein du réseau formé par les autorités de concurrence des États membres en constituant « l’enceinte où les experts des diverses autorités de concurrence examinent certaines affaires ainsi que des questions générales relevant du droit […] de la concurrence [de l’Union] ».

166    En ce sens, le règlement no 1/2003 prévoit notamment en son article 14 que :

–        la Commission consulte le comité consultatif avant de prendre une décision en matière d’ententes et de positions dominantes (paragraphe 1) ;

–        pour l’examen des cas individuels, le comité est composé de représentants des autorités de concurrence des États membres (paragraphe 2) ;

–        la consultation peut avoir lieu au cours d’une réunion convoquée et présidée par la Commission, qui se tient au plus tôt quatorze jours après l’envoi de la convocation, accompagnée d’un exposé de l’affaire, d’une indication des pièces les plus importantes et d’un avant-projet de décision (paragraphe 3) ;

–        le comité émet un avis écrit sur l’avant-projet de décision de la Commission (paragraphe 3) ;

–        la Commission tient le plus grand compte de l’avis du comité consultatif en informant ce dernier de la façon dont elle a tenu compte de son avis (paragraphe 5).

167    Selon la requérante, la consultation des autorités de concurrence des États membres composant le comité consultatif s’est déroulée, en l’espèce, d’une manière irrégulière.

168    En premier lieu, la requérante soutient que l’avis rendu par le comité consultatif est vicié, car il comporte une déclaration signée par huit autorités de concurrence des États membres selon laquelle l’audition du 23 avril 2018 a remédié à l’erreur procédurale constatée par la Cour, alors que, sur ces huit autorités, deux n’étaient pas représentées à ladite audition. Selon elle, une telle déclaration de la part de ces deux autorités est dépourvue de toute valeur étant donné qu’elles n’ont pas participé à cette audition, ce qui devrait impliquer l’annulation de la décision attaquée.

169    À cet égard, il convient de rappeler que, comme le signale la requérante, l’organisation d’une audition dans une procédure visant à l’application des règles de concurrence constitue une formalité substantielle dont l’omission entraîne l’annulation de la décision adoptée au terme de ladite procédure (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission, C‑88/15 P, EU:C:2017:716, point 53).

170    À cette audition, les autorités de concurrence des États membres doivent être invitées par la Commission ainsi que le prévoit l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, le défaut de procéder à cette invitation entraînant également la violation d’une forme substantielle (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission, C‑88/15 P, EU:C:2017:716, point 53).

171    Selon la requérante, les règles relatives aux auditions n’impliquent pas seulement que les autorités de concurrence des États membres soient invitées à participer à cette partie de la procédure. Elles doivent également y être physiquement présentes ou représentées, une telle présence étant le seul moyen d’assurer que lesdites autorités soient en possession des informations requises pour leur permettre de se prononcer en pleine connaissance de cause.

172    À cet égard, il convient de relever qu’aucune règle de cette nature n’est prévue dans la réglementation, les seules exigences étant celles rappelées ci-dessus, à savoir l’organisation d’une audition et l’invitation adressée aux autorités de concurrence des États membres à y participer.

173    Dans ce contexte, c’est aux autorités composant le comité consultatif qu’il appartient d’apprécier si elles disposent des éléments leur permettant d’exprimer leur opinion, étant entendu qu’elles doivent, en tout cas, avoir reçu, comme le prévoit l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, un exposé de l’affaire, une indication des pièces les plus importantes et un avant-projet de décision au moment où l’avis dudit comité est rendu (voir point 166 ci-dessus).

174    En l’espèce, l’ensemble des exigences posées par la réglementation ont été satisfaites.

175    D’une part, le rapport final du conseiller-auditeur (point 9) établit que, en l’espèce, une invitation à participer à l’audition a été adressée aux autorités de concurrence des États membres conformément à l’article 14, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et que, par conséquent, l’exigence prévue à cet égard dans la réglementation a été satisfaite.

176    D’autre part, il ressort du dossier que, au moment de rendre l’avis du comité consultatif, les représentants des autorités de concurrence des États membres disposaient de la communication des griefs, de la communication des griefs supplémentaires, des réponses des entreprises à ces deux documents, de la lettre du 15 décembre 2017 de la Commission annonçant la reprise de la procédure, des réponses des entreprises à cette lettre, d’autres courriers échangés entre la Commission et les entreprises avant l’audition et de l’avant-projet de décision.

177    Il est vrai que, parmi ces informations, ne figurait pas le procès-verbal de l’audition.

178    Selon la jurisprudence portant sur l’article 10, paragraphe 5, du règlement no 17, le procès-verbal de l’audition fait partie, en principe, des pièces les plus importantes au sens de cette disposition et doit dès lors être communiqué au comité consultatif lors de sa convocation (voir arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 149 et jurisprudence citée).

179    Comme la Commission l’a signalé, la rédaction d’un procès-verbal était à ce moment prévue par le règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l’article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement no 17 (JO 1963, 127, p. 2268), aux termes duquel « [l]es déclarations essentielles de chaque personne entendue sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture » (article 9, paragraphe 4).

180    Cette exigence a cependant été supprimée par le règlement (CE) no 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (JO 1998, L 354, p. 18), lui-même abrogé, sans que soit réintroduite cette obligation, par le règlement no 773/2004.

181    Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir transmis aux autorités de concurrence des États membres un document qu’elle ne devait pas établir.

182    Il convient cependant de déterminer si, à défaut d’un procès-verbal, un enregistrement de l’audition aurait dû être communiqué au comité consultatif.

183    En effet, selon l’article 14, paragraphe 8, du règlement no 773/2004, les déclarations faites par chaque personne entendue sont enregistrées.

184    Selon la Commission, les enregistrements sont envoyés aux autorités de concurrence des États membres qui en font la demande. Cette possibilité est prévue par l’article 14, paragraphe 8, du règlement no 773/2004, selon lequel les enregistrements effectués lors des auditions sont mis, sur demande, à la disposition des personnes effectuant une démarche en ce sens. Or, aucune demande ne lui aurait été adressée en ce sens, ce qui n’est pas contesté par la requérante.

185    À cet égard, il suffit de relever que la jurisprudence prévoit que les informations communiquées au comité consultatif sont insuffisantes lorsque des éléments d’appréciation importants et inédits par rapport aux réponses écrites des entreprises à la communication des griefs ne lui ont pas été communiqués, empêchant le comité consultatif de rendre son avis en pleine connaissance de cause (voir arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 149 et jurisprudence citée).

186    Or, en l’espèce, la requérante n’a pas allégué que l’absence de communication de l’enregistrement de l’audition aurait été de nature à induire en erreur le comité sur des points essentiels et elle n’a fourni aucune indication relative à l’existence d’une éventuelle divergence entre ses réponses écrites aux communications des griefs, telles qu’elles ont été transmises au comité, et ses observations orales au cours de l’audition.

187    En outre, l’examen du dossier ne révèle aucun indice de nature à mettre en doute le fait que le comité consultatif disposait, effectivement, lors de sa réunion, des éléments nécessaires à son appréciation, sans qu’il eût été nécessaire de lui communiquer l’enregistrement de l’audition.

188    Ainsi, il doit être conclu que, disposant des informations visées au point 176 ci-dessus, les représentants des deux autorités de concurrence des États membres concernées par le grief de la requérante ont pu considérer, sans enfreindre la réglementation, qu’ils disposaient des informations nécessaires pour leur permettre d’exprimer leur opinion en pleine connaissance de cause sans devoir effectivement participer à l’audition.

189    L’argument doit donc être rejeté.

190    En second lieu, la requérante fait valoir que l’autorité de concurrence rapporteure n’avait pas participé à l’audition du 23 avril 2018 et que, dans de telles circonstances, celle-ci ne pouvait rapporter correctement le déroulement de ladite audition au sein du comité consultatif.

191    À cet égard, il convient de relever que, comme le signale la requérante, en matière de concurrence comme dans les autres domaines où une intervention analogue est prévue, l’autorité chargée d’établir le rapport pour préparer une position à prendre de concert est susceptible d’exercer une influence sur l’appréciation de l’organe concerné.

192    Toutefois, ce rôle ne saurait être considéré comme étant décisif, dès lors que la seule condition posée par la réglementation est que le comité consultatif ait été consulté sans que la légalité de la décision adoptée au terme du processus puisse dépendre de la participation de l’autorité de concurrence rapporteure à l’ensemble des étapes procédurales ayant précédé l’adoption de ladite décision.

193    Toute solution différente ferait dépendre la légalité des décisions de la Commission en application des articles 101 et 102 TFUE d’un comportement adopté, pour des raisons qui leur sont propres, par une ou plusieurs autorités nationales et porterait ainsi atteinte à la pleine application de ces dispositions.

194    C’est en ce sens qu’il a été décidé, dans la jurisprudence, que la présence, lors de l’audition, de l’autorité de concurrence rapporteure n’était pas requise pour assurer la régularité de la procédure, dès lors que cette autorité ne joue pas de rôle particulier à cette occasion (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, points 147 et 163).

195    Le second argument doit donc être rejeté.

196    Les arguments le composant ayant été écartés, il y a lieu de rejeter le grief et, compte tenu de la réponse apportée aux autres griefs, le premier moyen considéré dans son ensemble.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré du refus illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure

197    La requérante soutient que la Commission n’a pas vérifié à suffisance de droit si la décision attaquée pouvait être adoptée alors que, selon elle, le principe du délai raisonnable, consacré à l’article 41 de la Charte, s’y opposait. D’une part, elle reproche à la Commission une erreur de droit à cet égard. D’autre part, elle fait grief à la Commission de ne pas avoir respecté l’obligation de motivation qui lui incombe.

198    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

a)      Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit 

199    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 41 de la Charte, en refusant d’apprécier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de l’adoption de cette décision avec le principe du délai raisonnable.

200    À cet égard, il convient de relever que, comme le signale la requérante, la Commission est tenue de respecter le principe du délai raisonnable repris à l’article 41 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 179, et du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 285).

201    Ainsi, l’écoulement du délai doit être pris en compte lorsque, faisant usage de la marge d’appréciation qui lui est conférée par le droit de l’Union, la Commission apprécie si, dans l’application des règles de concurrence, des poursuites doivent être engagées et une décision adoptée.

202    Il ressort de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’obligation de tenir compte de l’écoulement du délai lorsqu’elle apprécie si de telles poursuites doivent être engagées et une décision de sanction adoptée n’a pas été violée par la Commission. La décision attaquée indique en effet que cette institution a examiné, avant de se prononcer, si, en l’espèce, la procédure pouvait être reprise et si celle-ci pouvait aboutir à l’adoption d’une telle décision, imposant une amende.

203    Ainsi, la Commission a analysé, dans plusieurs passages de la décision attaquée, d’une part, si la procédure ayant conduit à l’adoption de cette dernière avait été menée d’une manière satisfaisante s’agissant des délais et, d’autre part, si des conséquences devaient être tirées de la durée des phases ayant conduit à cette adoption.

204    Par exemple, la Commission a relevé que, selon l’analyse qu’elle avait pu effectuer, d’une part, les activités d’enquête avaient été menées avec diligence et, d’autre part, les interruptions intervenues au cours de la procédure administrative étaient dues au contrôle juridictionnel (considérants 528 et 555 de la décision attaquée).

205    Dans ce cadre, la Commission a reconnu que, comme cela avait été retenu par le Tribunal et la Cour dans les arrêts du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T‑94/03, non publié, EU:T:2007:320), et du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), elle avait commis des erreurs procédurales. Toutefois, elle a fait valoir que ces erreurs, qui avaient pu allonger la durée de la procédure, étaient dues à l’incertitude juridique dans laquelle elle s’était trouvée à la suite de l’expiration du traité CECA (considérant 555 de la décision attaquée).

206    De la même manière, la Commission a admis que, à la suite des erreurs procédurales qui avaient été commises, les différentes phases s’étant succédé avaient pu conduire, pour la procédure envisagée dans son ensemble, phases administratives et interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises, à une durée « objectivement » longue (considérant 528 de la décision attaquée).

207    La Commission a ajouté, dans le cadre de cette appréciation, que, selon elle, cette longueur ne dépassait pas les délais considérés comme étant acceptables au regard de la jurisprudence (considérant 528 de la décision attaquée).

208    De manière complémentaire, la Commission a signalé que, en vertu de la jurisprudence, une durée contraire au principe du délai raisonnable ne pouvait entraîner, à elle seule, l’annulation d’une décision. En effet, selon la Cour, un tel résultat ne pourrait être atteint que si la durée déraisonnable avait affecté les droits de la défense en compromettant la faculté, pour les entreprises concernées, de recueillir les preuves et de présenter leurs arguments. Or, selon la Commission, la requérante n’avait pas démontré que tel avait été le cas en l’espèce (considérants 556 et 557 de la décision attaquée).

209    Par ailleurs, la Commission a indiqué, au considérant 536 de la décision attaquée, que, au regard de la réglementation applicable, et conformément à la jurisprudence développée en la matière, elle avait le pouvoir d’adopter une nouvelle décision.

210    La Commission a admis que l’adoption d’une nouvelle décision devait être précédée d’un examen visant, dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu en matière de poursuite d’infractions au droit de la concurrence, à mettre en balance, d’une part, l’intérêt public à assurer l’application effective des règles de concurrence et, d’autre part, celui des parties à obtenir une décision dans un délai raisonnable et à ce que soient mitigées les conséquences possibles des erreurs qui avaient pu être commises durant la procédure (considérants 536 et 559 de la décision attaquée).

211    En l’espèce, la Commission a procédé à une telle mise en balance en concluant, au vu du caractère grave de l’infraction constatée, d’une part, qu’il était nécessaire d’adopter une décision et, d’autre part, qu’il fallait imposer une sanction aux entreprises destinataires (considérants 560 à 568 de la décision attaquée).

212    Finalement, la Commission a réduit le montant de l’amende conformément à la suggestion formulée par le conseiller-auditeur, de manière à mitiger, dans une certaine mesure (50 %), les conséquences négatives qui avaient pu résulter, pour les entreprises concernées, de la longueur de la procédure et des erreurs procédurales commises (considérants 570 à 573 de la décision attaquée).

213    Ainsi, il ressort de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a vérifié, avant d’adopter cette décision, si le principe du délai raisonnable avait été respecté, en analysant la longueur de la procédure administrative, phases administratives et interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées.

214    Cette conclusion est contestée par la requérante, selon laquelle la Commission, dans la décision attaquée, a refusé de se prononcer sur la longueur déraisonnable de la procédure au motif que cette appréciation devait être réservée au juge de l’Union sans qu’elle puisse se prononcer à ce sujet.

215    À cet égard, il convient de relever que le juge de l’Union peut être saisi de questions relatives à la durée des procédures. Au contentieux de la responsabilité, il doit condamner les institutions, organes ou organismes de l’Union lorsque ces derniers ont causé un dommage en violant le principe du délai raisonnable (arrêts du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, point 94, et du 11 juillet 2019, Italmobiliare e.a./Commission, T‑523/15, non publié, EU:T:2019:499, point 159). Au contentieux de l’annulation, la durée d’une procédure peut avoir pour conséquence l’annulation d’une décision attaquée si deux conditions sont satisfaites de manière cumulative, la première étant que cette longueur apparaisse comme ayant été déraisonnable et la seconde étant que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense (arrêts du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, EU:C:2006:593, points 47 et 48 ; du 8 mai 2014, Bolloré/Commission, C‑414/12 P, non publié, EU:C:2014:301, points 84 et 85, et du 9 juin 2016, PROAS/Commission, C‑616/13 P, EU:C:2016:415, points 74 à 76).

216    Comme le signale la requérante, la compétence ainsi confiée au juge de l’Union ne saurait affranchir la Commission de l’appréciation qu’elle doit effectuer au moment de déterminer les suites qu’il convient de donner à un arrêt d’annulation en application de l’article 266 TFUE.

217    Comme cela a été indiqué, la Commission doit prendre en compte, lorsqu’elle effectue une telle appréciation, l’ensemble des éléments de la cause, notamment l’opportunité d’adopter une nouvelle décision, celle d’infliger une sanction et celle, le cas échéant, de réduire la sanction envisagée s’il apparaît, notamment, que, sans constituer en elle-même un manquement fautif, la durée de la procédure, en ce qu’elle a comporté des phases administratives mais aussi, le cas échéant, des interruptions dues au contrôle juridictionnel, a pu avoir une incidence sur les éléments à prendre en compte pour fixer le montant de l’amende, et notamment sur son caractère éventuellement dissuasif lorsqu’elle intervient longtemps après les faits constitutifs de l’infraction.

218    Cette appréciation, portant notamment sur la durée globale de la procédure, phases juridictionnelles comprises, a été principalement effectuée au considérant 528 de la décision attaquée.

219    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a vérifié, dans la décision attaquée, si la durée de la procédure pouvait faire obstacle à la reprise de la procédure tout en reconnaissant qu’une telle appréciation était placée sous le contrôle du juge de l’Union au contentieux de la légalité et, le cas échéant, de la responsabilité.

220    Dans la requête, la requérante invoque l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), relativement à l’obligation, qui incomberait à la Commission, de vérifier, avant d’adopter une nouvelle décision, si cette adoption serait conforme au principe du délai raisonnable.

221    À cet égard, il convient de relever que, tout comme l’article 47 de la Charte, également invoqué par la requérante, l’article 6 de la CEDH comporte l’obligation de respecter le principe du délai raisonnable dans les procédures juridictionnelles.

222    En l’espèce, l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la Charte ne sauraient en tout état de cause avoir une incidence sur la solution à donner au litige pour ce qui concerne le moyen examiné ici, étant donné que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a procédé, dans les faits, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, à la vérification dont il est question dans l’argumentation développée par elle.

223    Le grief doit donc être rejeté.

b)      Sur le second grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation 

224    La requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’obligation de motivation en n’expliquant pas à suffisance de droit pourquoi elle estimait ne pas être tenue d’apprécier le respect du principe du délai raisonnable.

225    À cet égard, il convient de considérer que le grief manque en fait.

226    En effet, comme cela a été jugé en réponse au premier grief du présent moyen, la Commission n’a pas refusé de vérifier, dans la décision attaquée, la compatibilité de l’adoption de cette dernière avec le principe du délai raisonnable.

227    Au contraire, il ressort de la réponse au premier grief qu’elle a procédé à cette vérification à suffisance de droit en concluant qu’aucune considération ne pouvait faire obstacle à la reprise de la procédure, à l’adoption d’une nouvelle décision et à l’imposition d’une amende.

228    Le grief doit donc être rejeté et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure

229    La requérante soutient que la décision attaquée doit être annulée, car celle-ci a été adoptée au terme d’une procédure qui aurait dépassé le délai raisonnable. Selon elle, la durée excessive de la procédure a pour conséquence que la Commission ne disposait plus du pouvoir de sanction et que ladite décision est, dès lors, également illégale pour excès de pouvoir. En substance, la requérante avance trois griefs, concernant respectivement la durée des phases administratives, la durée globale de la procédure et l’effet, sur les droits de la défense, de la longueur de la procédure, tous contestés par la Commission.

230    Avant d’examiner ces griefs, il convient de rappeler que, selon la Cour, la durée d’une procédure peut avoir pour conséquence l’annulation d’une décision attaquée si deux conditions sont satisfaites de manière cumulative, la première étant que cette longueur apparaisse comme ayant été déraisonnable et la seconde étant que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense (voir point 215 ci-dessus).

231    Il en résulte qu’une décision de la Commission ne pourrait être annulée au seul motif du dépassement du délai raisonnable si les droits de la défense de la requérante n’ont pas été affectés par ce dépassement. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel le simple dépassement du délai raisonnable aurait dû amener la Commission à renoncer à adopter la décision attaquée doit être d’emblée rejeté.

232    Pour l’analyse du moyen, le Tribunal examinera la première condition en considérant successivement la durée des phases administratives (premier grief) et la durée globale de la procédure administrative, interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises (deuxième grief). Ensuite, il analysera, au titre de la seconde condition, si l’exercice des droits de la défense de la requérante a été entravé (troisième grief).

a)      Sur le premier grief, concernant la durée des phases administratives

233    La requérante soutient que, s’étalant sur plus de six années, la durée des phases administratives s’est avérée contraire au principe du délai raisonnable. Elle critique, en particulier, la lenteur avec laquelle la Commission a réagi aux annulations successivement prononcées par le Tribunal et la Cour :

–        entre le prononcé de l’arrêt du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T‑94/03, non publié, EU:T:2007:320), et l’adoption de la décision de 2009, soit pendant plus de deux ans, la Commission se serait limitée à envoyer la lettre du 30 juin 2008 mentionnée au point 11 ci-dessus, annonçant la reprise de la procédure, ainsi que des demandes de renseignements et il n’y aurait eu, durant cette période, ni nouvelle communication des griefs ni nouvelle audition, alors qu’il était facile pour la Commission de corriger le défaut ayant invalidé la décision annulée, étant donné que ce défaut avait été identifié avec clarté par le Tribunal ;

–        de même, entre l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), et l’adoption de la décision attaquée, soit durant un an et neuf mois, l’activité déployée par la Commission se serait limitée à l’envoi de la lettre du 15 décembre 2017 annonçant la reprise de la procédure, à celui des lettres annonçant et expliquant l’audition du 23 avril 2018 ainsi qu’à des demandes limitées de renseignements sur la situation patrimoniale de la requérante.

234    La requérante fait valoir, en outre, que les phases administratives de la procédure sont entachées de nombreuses erreurs de gestion commises par la Commission, lesquelles auraient contribué à allonger de manière injustifiée les délais de procédure.

235    À cet égard, il convient de relever que le droit de l’Union exige des institutions qu’elles traitent dans un délai raisonnable les affaires dans le cadre des procédures administratives qu’elles mènent (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 284).

236    En effet, l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général de droit repris, notamment, à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 167 ; du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162, et du 7 juin 2013, Italie/Commission, T‑267/07, EU:T:2013:305, point 61).

237    En l’espèce, il ressort du dossier que quatre phases, ayant duré au total six ans et un mois, se sont succédé devant la Commission au cours du traitement de l’affaire :

–        une première phase, d’une durée d’un an et cinq mois, a séparé les premières mesures d’enquête de l’envoi de la communication des griefs à la Federacciai et aux entreprises concernées ;

–        les trois phases suivantes sont celles qui ont respectivement abouti à l’adoption de la décision de 2002, de celle de 2009 et de la décision attaquée et qui ont chacune respectivement duré neuf mois, deux ans et un mois et un an et neuf mois.

238    Selon la jurisprudence, le caractère raisonnable du délai doit être apprécié en considérant les circonstances propres à chaque affaire et, notamment, l’enjeu du litige pour l’intéressé, la complexité de l’affaire ainsi que le comportement de la partie requérante et celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 187 et 188).

239    En premier lieu, concernant l’enjeu du litige pour l’intéressé, il convient de rappeler que, en cas de litige concernant une infraction au droit de la concurrence, l’exigence fondamentale de sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs économiques ainsi que l’objectif d’assurer que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur présentent un intérêt considérable non seulement pour la partie requérante et pour ses concurrents, mais également pour les tiers, en raison du grand nombre de personnes concernées et des intérêts financiers en jeu (voir arrêt du 1er février 2017, Aalberts Industries/Union européenne, T‑725/14, EU:T:2017:47, point 40 et jurisprudence citée).

240    En l’espèce, la Commission a constaté dans la décision attaquée que la requérante avait enfreint l’article 65, paragraphe 1, CA, en participant, du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000, à un accord continu ou à des pratiques concertées concernant les ronds à béton, qui avaient pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes sur le marché intérieur.

241    Sur la base de cette constatation, la Commission a infligé à la requérante une amende de 2,237 millions d’euros.

242    Tenant compte de ces éléments, il est permis de considérer que l’enjeu de l’affaire était important pour la requérante.

243    En deuxième lieu, concernant la complexité de l’affaire, il convient de relever que les erreurs commises par la Commission concernent les conséquences qu’il convenait de tirer, pour la procédure, de l’expiration du traité CECA.

244    Or, il convient de rappeler que les questions liées aux règles applicables aux faits de la cause, tant pour ce qui concerne le fond que pour ce qui a trait à la procédure, en raison de l’expiration du traité CECA, présentaient, comme l’a indiqué la Commission, une certaine complexité.

245    Par ailleurs, l’entente couvrait une période relativement longue (10 ans et 7 mois), concernait un nombre significatif d’acteurs (8 entreprises, comprenant au total 11 sociétés, et une association professionnelle) et impliquait un important volume de documents fournis ou obtenus au cours des inspections (environ 20 000 pages).

246    Au vu de ces éléments, l’affaire doit être considérée comme étant complexe.

247    En troisième lieu, s’agissant du comportement des parties, il y a lieu de relever que la Commission a mené une activité continue en raison des sollicitations abondantes qui lui parvenaient des parties à la procédure administrative.

248    Ainsi, la Commission a dû traiter, dans le contexte de l’adoption de la décision attaquée, de nombreux courriers, en même temps qu’elle devait préparer l’audition du 23 avril 2018 et examiner une proposition de transaction présentée par certaines parties à la procédure administrative le 4 décembre 2018.

249    La requérante soutient que la Commission a commis deux erreurs de gestion ayant allongé de manière injustifiée la durée de la procédure :

–        une erreur dans la préparation des CD-ROM annexés à la communication des griefs ;

–        la notification incorrecte de la décision de 2009 ainsi que de la décision attaquée.

250    Bien que la requérante ne précise pas le délai supplémentaire qu’ont occasionné les deux erreurs commises par la Commission susvisées, il ressort des points 13 et 14 ci-dessus que la seconde a en tout cas entraîné un allongement de la procédure de deux mois et une semaine seulement.

251    Ainsi, la requérante n’a pas fourni d’éléments permettant de conclure que les erreurs dénoncées ont eu un impact majeur sur la longueur de la procédure.

252    De ces éléments considérés dans leur ensemble, il résulte que la durée des phases administratives de la procédure n’apparaît pas comme ayant été déraisonnable au regard des circonstances propres à l’affaire et, notamment, de sa complexité, dans un contexte où aucune période d’inactivité inexpliquée ne peut être reprochée à la Commission au cours des étapes ayant jalonné lesdites phases administratives.

253    Le grief doit donc être rejeté.

b)      Sur le deuxième grief, concernant la durée globale de la procédure

254    La requérante conteste la durée globale qui a été requise pour le traitement du dossier, depuis les premiers actes d’instruction jusqu’à l’adoption de la décision attaquée. Selon elle, le fait que, lors de cette adoption, cette durée s’élevait à près de 19 ans et concernait des comportements dont certains s’étaient déroulés il y a plus de 30 ans rend cette durée contraire au principe du délai raisonnable.

255    À cet égard, il convient de relever que l’obligation de respecter un délai raisonnable s’applique à chaque étape s’insérant dans une procédure ainsi qu’à l’ensemble formé par elle (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 230 et 231, et conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:256, point 239).

256    En l’espèce, il convient de constater que la période sur laquelle s’est déroulé l’ensemble de la procédure administrative a été exceptionnellement longue, ce qui a d’ailleurs amené la Commission à réduire l’amende finalement infligée aux requérantes (voir point 212 ci-dessus).

257    Cependant, la longueur globale de la procédure administrative peut être expliquée, en l’espèce, par la complexité du dossier, étant entendu que, pour certains aspects, elle est due à des éléments afférents à l’affaire proprement dite, tandis que, pour d’autres, elle est liée au contexte dans lequel s’est inscrit le dossier, à savoir l’expiration du traité CECA (voir points 243 à 246 ci-dessus).

258    Certes, des erreurs ont été commises par la Commission dans l’appréciation des conséquences à tirer de l’expiration du traité CECA et ces erreurs ont donné lieu à des annulations prononcées par le Tribunal, puis par la Cour.  

259    Toutefois, ces erreurs ainsi que l’impact qu’elles ont pu avoir sur la durée de la procédure administrative doivent être appréciés en tenant compte de la complexité des questions posées.

260    Par ailleurs, la durée globale de la procédure administrative est en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel et est donc liée au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur différents aspects de l’affaire.

261    À cet égard, il convient de relever que la possibilité pour des entreprises, dans une situation telle que celle de la requérante, de voir leurs affaires examinées plus d’une fois par les autorités administratives et, le cas échéant, les juridictions de l’Union est inhérente au système mis en place prévu par les rédacteurs des traités pour le contrôle des comportements et des opérations en matière de concurrence.

262    Ainsi, l’obligation pour l’autorité administrative d’accomplir diverses formalités et démarches avant de pouvoir adopter une décision finale dans le domaine de la concurrence et la possibilité que ces formalités ou démarches puissent donner lieu à un recours ne sauraient être utilisées par une entreprise comme arguments au terme du processus pour faire valoir que le délai raisonnable s’est trouvé dépassé (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires Feralpi e.a./Commission, C‑85/15 P, C‑86/15 P et C‑87/15 P, C‑88/15 P et C‑89/15 P, EU:C:2016:940, point 70).

263    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, appréciée dans son ensemble, la longueur de la procédure administrative a été excessive et, donc, qu’elle a pu faire obstacle à ce que soit adoptée, par la Commission, une nouvelle décision imposant une amende.

264    Le grief doit donc être rejeté.

c)      Sur le troisième grief, concernant l’effet, sur les droits de la défense, de la longueur de la procédure

265    La requérante soutient que la longueur de la procédure administrative a affecté ses droits de la défense. Selon elle, en raison de cette longueur, l’audition du 23 avril 2018 n’a pas permis aux autorités de concurrence des États membres d’entendre tous les acteurs dont les opinions pouvaient avoir une influence sur sa capacité à se défendre. En outre, si l’audition avait eu lieu conformément à la réglementation applicable avant l’adoption de la décision de 2002 ou même de la décision de 2009, le Tribunal n’aurait pas statué sur la matérialité des comportements incriminés et les représentants des États membres auraient, par conséquent, été exempts de toute influence ou de tout préjugé.

266    À cet égard, il convient de rappeler que, comme cela a été indiqué au point 230 ci-dessus, deux conditions doivent être réunies pour que le juge prononce l’annulation de la décision adoptée par la Commission au titre d’une violation du principe du délai raisonnable. La première (longueur déraisonnable de la procédure) n’étant pas remplie, il n’est pas nécessaire, en principe, de vérifier, en réponse au troisième grief, si la longueur de la procédure administrative a entravé l’exercice des droits de la défense. Il convient toutefois de procéder à cet examen, de manière surabondante, pour donner une pleine réponse aux préoccupations formulées par la requérante.

267    D’une part, il convient de constater que, au cours de la procédure envisagée dans son ensemble, la requérante a eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer son point de vue et d’avancer ses arguments (voir points 3 à 6, 11, 24 et 25 ci-dessus).

268    En particulier, la requérante a pu exprimer son point de vue, durant la troisième phase administrative, dans ses observations du 1er février 2018 et lors de l’audition du 23 avril 2018 (voir points 24 et 25 ci-dessus).

269    D’autre part, l’examen du premier moyen a permis d’établir que les droits de la défense de la requérante n’avaient été affectés ni par le fait que tous les acteurs ayant participé aux auditions précédentes n’étaient pas présents lors de l’audition du 23 avril 2018, ni par le fait que les représentants des autorités de concurrence des États membres savaient, au moment d’exprimer leur avis au sein du comité consultatif, que deux décisions, dont l’une avait été confirmée par le Tribunal, avaient été adoptées antérieurement à l’encontre des entreprises concernées, ni encore par le fait que la Commission s’était déjà à deux reprises prononcée sur les faits de la cause et que, sur ce point, sa position avait été confirmée par le Tribunal (voir points 59 à 162 ci-dessus).

270    De ces éléments, il résulte que, même à supposer que la durée de la procédure administrative puisse être considérée comme contraire au principe du délai raisonnable, les conditions à satisfaire en vue d’obtenir une annulation de la décision attaquée ne seraient pas remplies, dès lors qu’aucune atteinte aux droits de la défense découlant de ladite durée n’a pu être établie par la requérante.

271    Dans ces conditions, il convient de considérer qu’aucune des exigences requises pour que le Tribunal puisse prononcer l’annulation de la décision attaquée au titre d’une violation du principe du délai raisonnable n’est satisfaite.

272    Le grief doit donc être rejeté et, avec lui, le troisième moyen considéré dans son ensemble.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, d’un excès de pouvoir et de la violation du principe de proportionnalité

273    Le quatrième moyen est divisé en cinq griefs. Ils sont tous contestés par la Commission.

a)      Sur le premier grief, concernant l’absence d’explication suffisante sur les raisons ayant conduit la Commission à adopter une nouvelle décision imposant une amende

274    La requérante soutient que la Commission n’a pas suffisamment expliqué les raisons ayant pu l’amener à reprendre la procédure, exerçant ainsi de façon arbitraire le pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière. Elle fait également valoir, dans ce cadre, que la Commission a considéré que l’adoption de la décision attaquée conservait un effet dissuasif important, sans expliquer pourquoi la dissuasion aurait dû opérer pour le présent et pour l’avenir et sans expliciter, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles l’effet dissuasif était, comme elle l’a affirmé, « particulièrement souhaitable sur un marché tel que le marché italien des ronds à béton ».

275    À cet égard, il convient de relever que la Commission est investie par l’article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission de veiller à l’application des articles 101 et 102 TFUE.

276    À ce titre, la Commission est appelée à définir et à mettre en œuvre, selon la jurisprudence, la politique de concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2013, Vivendi/Commission, T‑432/10, non publié, EU:T:2013:538, point 22 et jurisprudence citée).

277    Dans ce cadre, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation attesté par le règlement no 1/2003, selon lequel, si elle constate l’existence d’une infraction, elle « peut », d’une part, obliger les entreprises intéressées à y mettre fin (article 7, paragraphe 1) et, d’autre part, infliger des amendes aux entreprises contrevenantes (article 23, paragraphe 2).

278    En matière de concurrence, la Commission s’est ainsi vu confier, indépendamment de la voie suivie pour porter le dossier à sa connaissance, à savoir notamment dans le cadre d’une plainte ou de sa propre initiative, le pouvoir de décider si des comportements devaient faire l’objet d’une poursuite, d’une décision et d’une amende, en fonction des priorités qu’elle définit dans le cadre de sa politique de concurrence.

279    Toutefois, l’existence de ce pouvoir n’exonère pas la Commission de son obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, LL-Carpenter/Commission, T‑531/18, non publié, EU:T:2020:91, point 90 et jurisprudence citée).

280    Dans un contexte où, comme en l’espèce, d’une part, une décision prise par la Commission a été annulée à deux reprises et où, d’autre part, le temps qui s’est écoulé entre les premiers actes d’instruction et l’adoption de la décision a été exceptionnellement long, il appartient à cette institution, au titre du principe de bonne administration, de tenir compte de la durée de la procédure et des conséquences qu’a pu avoir cette durée sur sa décision de poursuivre les entreprises concernées, cette appréciation devant alors apparaître dans la motivation de la décision.

281    Or, c’est bien ce qu’a fait la Commission en indiquant dans le détail, d’une part, aux considérants 526 à 529 de la décision attaquée et, d’autre part, aux considérants 536 à 573 de cette décision, les raisons pour lesquelles elle a considéré qu’il fallait adopter une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées.

282    Ainsi, la Commission a, d’abord, indiqué que la durée de la procédure n’emportait, selon elle, aucune violation du principe du délai raisonnable (considérants 528 et 555 de la décision attaquée) et que les droits de la défense des entreprises n’avaient pas été violés, dès lors que, d’une part, ces dernières avaient pu présenter leurs observations sur la reprise de la procédure et que, d’autre part, elles avaient également exposé leurs arguments au cours de l’audition du 23 avril 2018. À ce sujet, elle a précisé que la requérante n’avait fourni aucun élément concret à l’appui de son allégation selon laquelle elle n’aurait pas été en mesure d’exercer pleinement ses droits de la défense (considérants 556 et 557 de la décision attaquée).

283    La Commission a, toutefois, admis avoir commis des erreurs de procédure et a reconnu que ces erreurs avaient pu contribuer à allonger la durée de la procédure.

284    C’est alors qu’elle a procédé à une mise en balance, dans la décision attaquée, de l’intérêt général qu’il y avait à garantir une application effective des règles en matière de concurrence et du souci de mitiger les conséquences possibles des erreurs de procédure commises (considérant 559 de la décision attaquée).

285    À ce titre, la Commission a relevé que les entreprises en cause avaient participé, pendant onze ans, à une infraction considérée comme l’une des restrictions les plus sérieuses en matière de concurrence. Elle a indiqué que, dans un tel contexte, ne pas réadopter une décision constatant la participation des entreprises à ladite infraction serait contraire à l’intérêt général de garantir une application effective du droit de la concurrence de l’Union et irait au-delà de l’intérêt qu’il y aurait de mitiger les conséquences d’une éventuelle violation des droits fondamentaux subie par les entreprises destinataires (considérants 560 et 561 de la décision attaquée).

286    À l’issue de cette mise en balance, la Commission est arrivée à la conclusion que, dès lors qu’une infraction avait été commise, c’est seulement en adoptant la décision attaquée qu’elle pourrait s’assurer que les auteurs de l’infraction ne resteraient pas impunis et seraient effectivement dissuadés d’adopter un comportement similaire à l’avenir (considérants 563 à 569 de la décision attaquée).

287    Au terme de l’analyse, la Commission a précisé que, en vue de mitiger les conséquences négatives qui pourraient avoir été causées par la longueur de la procédure, laquelle visait à corriger les vices de procédure intervenus au cours de l’enquête non attribuables aux entreprises en cause, elle avait décidé de réduire de 50 % le montant des amendes infligées (considérants 570 à 573 de la décision attaquée).

288    Il apparaît ainsi que, dans la décision attaquée, la Commission a fourni une motivation approfondie faisant apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement qu’elle avait suivi pour justifier l’adoption d’une nouvelle décision malgré les deux annulations intervenues dans le passé.

289    L’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas expliqué pourquoi, alors que le marché italien avait radicalement changé, faisant place à une très forte concurrence et une pression internationale constante, il lui fallait infliger, en juillet 2019, une sanction pour des comportements remontant jusqu’à il y a 30 ans ne permet pas de modifier cette conclusion.

290    En effet, cette question est en tout état de cause traitée au considérant 567 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a indiqué que, même si l’infraction avait cessé depuis relativement longtemps, l’adoption d’une décision infligeant une amende conservait son importance, particulièrement pour le marché des ronds à béton en Italie, afin de dissuader les entreprises destinataires de s’engager à nouveau dans des comportements d’une telle gravité.

291    Doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel la motivation fournie par la Commission comporte une contradiction en ce qu’elle indiquerait :

–        d’une part, au considérant 562 de la décision attaquée, qu’elle souhaitait faire obstacle à la « continuation » de l’infraction ;

–        d’autre part, à l’article 1er, point 3, de ladite décision, que la requérante avait mis fin à l’infraction litigieuse dès le 4 juillet 2000.

292    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 562 de la décision attaquée, la Commission s’est exprimée comme suit :

« la violation de la durée raisonnable de la procédure alléguée par les parties ne saurait faire obstacle à la constatation de l’infraction des règles en matière de concurrence par la Commission. En effet, cela créerait une situation dans laquelle la durée excessive prétendue (ou établie) de la procédure permettrait aux entreprises qui ont enfreint les règles en matière de concurrence de continuer ou de reprendre leur comportement anticoncurrentiel, sans que leur responsabilité précédente dans l’infraction commise reste établie. »

293    Dans la note en bas de page insérée au considérant 562 de la décision attaquée, ce passage fait référence au point 105 des conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Solvay/Commission (C‑110/10 P, EU:C:2011:257) dans le cadre de l’exposé que la Commission donne de la jurisprudence applicable.

294    Dans ce cadre, la Commission explique que la sanction des infractions au droit de la concurrence se justifie, même en cas de violation du délai raisonnable, car il s’agit d’éviter que la durée excessive de la procédure ne permette aux entreprises qui ont enfreint le droit de la concurrence de continuer ou de reprendre leur comportement anticoncurrentiel.

295    Dès lors que la Commission n’évoquait pas, dans ces considérations générales, la situation particulière de la requérante, il ne saurait en tout état de cause être considéré qu’elles entrent en contradiction avec le constat formulé à l’article 1er, point 3, de la décision attaquée, selon lequel la requérante avait mis fin à l’infraction litigieuse le 4 juillet 2000. Dans ces conditions, il ne saurait être question d’une contradiction de motifs.

296    De ces éléments, il peut être conclu que la motivation fournie par la Commission dans la décision attaquée fait apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement qu’elle a suivi pour justifier l’adoption d’une nouvelle décision imposant une amende et que le grief doit, par conséquent, être rejeté.

b)      Sur le deuxième grief, concernant une erreur d’appréciation commise par la Commission à propos de l’effet dissuasif pouvant être produit par une décision imposant une amende

297    La requérante fait valoir que la décision attaquée ne permet pas de garantir un effet dissuasif, dès lors que ce dernier avait déjà été atteint.

298    À cet égard, il convient de relever que la Commission a pu considérer, au vu du caractère grave de l’infraction constatée, qu’adopter une décision et infliger une sanction était encore justifié, au moment où la décision attaquée a été adoptée, en considération de l’effet dissuasif que pourraient produire, sur les marchés, cette décision et cette sanction.

299    En effet, c’est la sanction, c’est-à-dire le fait d’avoir à payer l’amende infligée, qui dissuade effectivement une entreprise, et de manière générale les acteurs du marché, de commettre une violation des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 TFUE. Certes, la requérante s’est vu infliger une sanction à deux reprises au cours de la procédure, la première fois par la décision de 2002 et la seconde fois par celle de 2009. Toutefois, ces décisions ont été annulées par le juge de l’Union respectivement dans les arrêts du 25 octobre 2007, Ferriere Nord/Commission (T‑94/03, non publié, EU:T:2007:320) et du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716). Dans ces conditions, imposer une sanction dans la décision attaquée a pu être jugé justifié au regard de la nécessité d’assurer l’effet dissuasif.

300    Il peut être ajouté que l’imposition d’une amende par la Commission n’avait pas pour seul objectif, en l’espèce, de conférer un certain effet dissuasif à la décision attaquée, mais également d’éviter une totale impunité aux entreprises concernées, comme cela aurait été le cas si elles n’avaient pas été sanctionnées dans la décision attaquée (voir considérant 527 de la décision attaquée).

301    Or, ce dernier objectif suffisait, à lui seul, au regard des éléments mentionnés dans la décision attaquée, et compte tenu, tout particulièrement, d’une part, du caractère grave de l’infraction constatée par la Commission et, d’autre part, de la durée de cette infraction telle qu’elle avait été établie par ladite institution, pour justifier en l’espèce l’adoption d’une décision imposant une sanction.

302    Le grief doit donc être rejeté.

c)      Sur le troisième grief, concernant la peine infligée à la requérante du fait que celle-ci a eu la qualité d’accusée pendant toute la procédure

303    La requérante soutient que le fait d’avoir eu la qualité d’accusée pendant l’ensemble de la procédure lui a infligé une peine en elle-même suffisante.

304    À cet égard, il suffit de relever que la requérante n’a pas encore été sanctionnée pour l’infraction en cause, compte tenu des deux annulations intervenues avant l’adoption de la décision attaquée.

305    Dans ces conditions, l’adoption de la décision attaquée était bien une manière, pour la Commission, d’assurer que la requérante serait effectivement sanctionnée pour l’infraction commise.

306    Conformément à la jurisprudence mentionnée au point 215 ci-dessus, la requérante, si elle s’estime préjudiciée par la durée d’une procédure d’enquête, peut demander à obtenir réparation du dommage subi en introduisant devant le juge de l’Union une action en indemnité.

307    Le grief doit donc être rejeté.

d)      Sur le quatrième grief, concernant une erreur commise par la Commission dans l’appréciation de la possibilité, pour des tiers, d’introduire une action en réparation devant les juridictions nationales

308    La requérante soutient que, contrairement à ce qui serait affirmé dans la décision attaquée, l’adoption d’une nouvelle décision ne permettrait pas aux victimes de l’infraction de demander réparation devant les juridictions nationales pour le préjudice subi.

309    À ce sujet, la requérante précise que les victimes, s’il en a existé, ont disposé de quinze ans pour introduire une action en réparation au regard des décisions de 2002 et de 2009, mais n’ont introduit aucun recours.

310    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 564 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, selon elle, la reprise de la procédure et l’adoption d’une nouvelle décision pouvaient faciliter la tâche de tiers souhaitant introduire, le cas échéant, devant les juges nationaux, une action en réparation.

311    Cette appréciation est fondée. En effet, la Commission ne pouvait exclure, en adoptant la décision attaquée, la possibilité que certaines victimes aient interrompu la prescription et que ladite décision puisse alors faciliter l’introduction, par ces dernières, d’une action visant à obtenir la réparation d’un éventuel dommage.

312    Il convient, par ailleurs, de relever que d’autres pays que l’Italie pouvaient être concernés par l’introduction d’actions en vue d’obtenir la réparation d’un éventuel dommage résultant de l’entente, dès lors que les produits ayant été affectés par cette entente ont pu être achetés par des clients situés à l’étranger.

313    Dans ce contexte, l’application d’autres droits nationaux, prévoyant, le cas échéant, des règles différentes sur le délai de prescription ou les causes pouvant suspendre, voire interrompre, celle-ci, ne pouvait être exclue par la Commission.

314    Ainsi, la requérante, dans son argumentation, reste en défaut d’établir l’existence d’une erreur, sa position se limitant à indiquer qu’elle n’a pas la même opinion que la Commission sur la question concernée, à savoir l’intérêt de l’existence d’une décision de la Commission pour l’introduction d’actions en réparation devant les juridictions nationales par des tiers éventuellement lésés.

315    Le grief doit donc être rejeté.

e)      Sur le cinquième grief, concernant la violation du principe de proportionnalité

316    La requérante soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité, étant donné que poursuivre et sanctionner les comportements en cause dans le litige ne sauraient être tenus pour proportionnés eu égard au temps écoulé et au dommage désormais estompé, voire inexistant, prétendument causé à la concurrence.

317    À cet égard, il importe de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑180/00, EU:C:2005:451, point 103).

318    En l’espèce, il convient, pour se prononcer sur la violation du principe de proportionnalité par la Commission, d’avoir égard aux circonstances suivantes.

319    Premièrement, lorsqu’un acte est annulé, comme cela a été le cas de la décision de 2009, l’institution dont il émane peut reprendre la procédure administrative au stade où est survenue l’illégalité (voir points 53 et 54 ci-dessus).

320    Deuxièmement, la durée d’une procédure, en elle-même, n’entache pas d’illégalité un constat d’infraction effectué par la Commission ou le montant de l’amende infligée. Une telle mise en cause peut intervenir seulement si, d’une part, la durée de la procédure viole le principe du délai raisonnable et si, d’autre part, le dépassement du délai raisonnable entrave l’exercice des droits de la défense (voir point 230 ci-dessus). Or, en l’espèce, il ressort de l’analyse des premier et troisième moyens que la requérante ne peut se prévaloir de telles violations.

321    Troisièmement, les motifs suivants, invoqués par la Commission pour justifier l’adoption de la décision attaquée malgré le temps écoulé, apparaissent pertinents et fondés :

–        garantir une application effective du droit de la concurrence et éviter une impunité des entreprises en cause ;

–        dissuader les entreprises impliquées de commettre une nouvelle infraction au droit de la concurrence ;

–        faciliter les actions en réparation introduites par les éventuelles victimes de l’entente.

322    Quatrièmement, la Commission a veillé à mitiger les conséquences de la longueur de la procédure, pour les entreprises concernées, en leur accordant une réduction de 50 % du montant de l’amende.

323    Le grief doit donc être rejeté et, avec lui, le quatrième moyen considéré dans son ensemble.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe non bis in idem

324    La requérante soutient que le principe non bis in idem faisait obstacle à l’adoption de la décision attaquée.

325    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

326    À titre liminaire, il convient de relever que la requérante admet n’avoir pas fait l’objet d’un cumul de sanctions, mais seulement d’un cumul de procédures, en soutenant qu’un tel cumul est lui aussi interdit par le principe non bis in idem.

327    À cet égard, il convient de relever que le principe non bis in idem se trouve exprimé :

–        d’une part, à l’article 50 de la Charte, selon lequel « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi » ;

–        d’autre part, à l’article 4, paragraphe 1, du protocole no 7 de la CEDH.

328    Corollaire de l’autorité de la chose jugée, le principe non bis in idem garantit la sécurité juridique et l’équité en assurant que, lorsqu’elle a été poursuivie et le cas échéant condamnée, la personne concernée a la certitude qu’elle ne sera pas de nouveau poursuivie pour la même infraction (arrêt du 3 avril 2019, Powszechny Zakład Ubezpieczeń na Życie, C‑617/17, EU:C:2019:283, point 33).

329    En matière de concurrence, en particulier, le principe non bis in idem interdit, en principe, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 59, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, EU:T:2009:236, point 178).

330    L’application du principe non bis in idem suppose notamment qu’il ait été statué sur la matérialité de l’infraction ou que la légalité de l’appréciation portée sur celle-ci ait été contrôlée (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 60).

331    S’il est satisfait à cette exigence, le principe non bis in idem interdit une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l’infraction lorsque cette nouvelle appréciation aurait pour conséquence :

–        soit l’imposition d’une seconde sanction, s’ajoutant à la première, dans l’hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue ;

–        soit l’imposition d’une première sanction, dans l’hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 61).

332    En revanche, le principe non bis in idem ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors « acquittement » au sens donné à ce terme dans les matières répressives (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 62, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, EU:T:2009:236, point 190).

333    Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s’ajoutent pas, en effet, à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 62, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, EU:T:2009:236, point 190).

334    En l’espèce, il doit être constaté que, à ce jour, aucune décision n’a statué de façon définitive sur le fond de l’affaire en ce qui concerne la participation de la requérante aux infractions qui lui sont reprochées. La décision de 2002 a été annulée par le Tribunal en raison de la base juridique utilisée par la Commission et la décision de 2009 a été annulée pour violation des formes substantielles, sans que, dans aucun de ces deux cas, une position définitive ait été adoptée sur les moyens de fond invoqués par la requérante, relatifs à sa participation aux faits qui lui sont reprochés. L’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035), est le seul à s’être prononcé sur de tels moyens, mais il a été intégralement annulé par la Cour. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, en adoptant la décision attaquée, la Commission ait sanctionné ou poursuivi deux fois la requérante pour les mêmes faits (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 63).

335    Quant à la sanction infligée à la requérante dans la décision attaquée, elle se substitue à celle prononcée dans la décision de 2009, qui, elle-même, avait remplacé la sanction infligée dans la décision de 2002. Les montants payés par la requérante au titre de l’amende infligée dans la décision de 2002, puis dans celle de 2009, lui ont été remboursés à la suite des annulations de ces deux décisions.

336    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le principe non bis in idem ait été violé.

337    La requérante fait encore valoir que l’appréciation, commune à toutes les entreprises, que les arrêts du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T‑69/10, non publié, EU:T:2014:1030), du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T‑91/10, EU:T:2014:1033), du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T‑489/09, T‑490/09 et T‑56/10, non publié, EU:T:2014:1039), et du 9 décembre 2014, SP/Commission (T‑472/09 et T‑55/10, EU:T:2014:1040) ont portée sur les faits, sur les aspects de nature économique ou encore sur les conséquences juridiques qui en ont été tirées serait couverte par l’autorité de la chose jugée, dès lors que la décision de 2009 et ces arrêts sont devenus définitifs en l’absence de pourvoi.

338    À cet égard, il convient de relever que, dans les arrêts cités par la requérante, le Tribunal s’est prononcé sur les éléments qui, se trouvant dans la décision de 2009, concernaient les entreprises requérantes dans ces affaires, tandis que ceux concernant les autres destinataires, y compris la requérante, n’entraient pas dans l’objet du litige que le Tribunal a tranché.

339    Contrairement à ce que soutient la requérante, ces arrêts ne contiennent donc aucune appréciation qui, émanant du Tribunal, serait commune à toutes les entreprises concernées et serait revêtue d’une autorité de la chose jugée valant pour celles qui, comme la requérante, n’étaient pas parties à ces affaires.

340    Cette conclusion est conforme à la solution retenue dans l’arrêt du 8 mai 2019, Lucchini/Commission (T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, point 34), selon laquelle, lorsque le destinataire d’une décision adoptée en matière de concurrence introduit un recours en annulation, le juge de l’Union est seulement saisi des éléments qui le concernent, tandis que ceux concernant d’autres destinataires n’entrent pas dans l’objet du litige.

341    Il en résulte que, dans ce cas, l’autorité dont est revêtu un motif d’annulation ne saurait s’appliquer aux personnes qui n’étaient pas parties au procès, le Tribunal n’ayant pu se prononcer dans un tel arrêt à l’égard de ces personnes (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, points 54 et 55).

342    Il résulte de ce qui précède que le principe non bis in idem ne faisait pas obstacle à l’adoption de la décision attaquée. Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

6.      Sur le sixième moyen, tiré de l’illégalité du régime de prescription organisé par l’article 25 du règlement no 1/2003

343    La requérante demande l’inapplication du délai de prescription prévu à l’article 25 du règlement no 1/2003 au motif que ce délai viole, selon elle, d’une part, le principe du délai raisonnable et, d’autre part, le principe de proportionnalité.

344    Le moyen est contesté quant à la recevabilité et au fond.

345    Sur la recevabilité, la Commission, soutenue par le Conseil, soutient que l’exception d’illégalité n’est pas suffisamment étayée et est présentée de manière confuse.

346    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans ses écrits, la requérante a explicité les griefs qu’elle invoquait à l’encontre de l’article 25 du règlement no 1/2003, en indiquant, d’une part, leur fondement juridique, à savoir une violation du principe du délai raisonnable et du principe de proportionnalité et, d’autre part, l’argumentation développée au soutien de cette position, qui est, en substance, que l’article 25 du règlement no 1/2003 est entaché d’illégalité en ce qu’il permet à la Commission d’adopter une décision de sanction en méconnaissance de ces principes.

347    Par ailleurs, il ressort de leurs écrits que la Commission et le Conseil ont été en mesure de comprendre les contestations formulées par la requérante.

348    Le présent moyen est donc recevable.

349    Sur le fond, la requérante avance deux arguments.

350    En premier lieu, elle soutient que le législateur de l’Union a enfreint le principe du délai raisonnable en n’intégrant pas, dans l’article 25 du règlement no 1/2003, l’idée que, après l’écoulement du délai raisonnable, la Commission serait forclose, indépendamment du délai de cinq ou dix années et indépendamment des suspensions susceptibles d’intervenir en cas de procédure juridictionnelle, à adopter une décision constatant une infraction et, en tout cas, à infliger une amende.

351    À cet égard, il convient de rappeler que, en matière de concurrence, le délai de prescription est régi par l’article 25 du règlement no 1/2003 de la manière suivante :

–        ce délai a une durée de cinq ans [paragraphe 1, sous b), lu en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, sous a), dudit règlement] ;

–        il peut être interrompu par tout acte de la Commission qui vise à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction (paragraphe 3) ; dans un tel cas, l’interruption anéantit rétroactivement le délai qui a déjà couru et marque le point de départ d’un nouveau délai ; en cas d’interruption, la prescription est acquise, au plus tard, à l’expiration d’un délai de dix ans sans que la Commission ait prononcé une amende ou une astreinte (paragraphe 5) ;

–        le délai est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension (paragraphe 6).

352    Quant au principe du délai raisonnable, il n’est pas fixé ou déterminé à l’avance de manière abstraite pour l’ensemble des procédures susceptibles d’être concernées, mais doit être apprécié en considérant les circonstances propres à chaque affaire, notamment l’enjeu du litige, la complexité de l’affaire, le comportement de la requérante et celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 187 et 188).

353    La requérante reproche au législateur de l’Union de n’avoir pas prévu, dans l’article 25 du règlement no 1/2003, un délai maximal au-delà duquel toute intervention de la Commission serait exclue même si le délai de prescription avait fait l’objet de suspensions.

354    À cet égard, il convient de relever que, tel qu’il a été rédigé, l’article 25 du règlement no 1/2003 résulte d’une conciliation effectuée par le législateur de l’Union, dans l’exercice des compétences qui lui sont conférées, entre deux objectifs pouvant requérir des mesures allant en sens contraires, à savoir, d’une part, la nécessité d’assurer la sécurité juridique en évitant que puissent être indéfiniment mises en cause des situations consolidées avec l’écoulement du temps ainsi que, d’autre part, l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, en établissant et en sanctionnant les infractions au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 82).

355    Or, la requérante n’a pas démontré, en l’espèce, que le législateur de l’Union avait dépassé, dans la conciliation qu’il a effectuée entre ces objectifs distincts, la marge qui doit lui être reconnue dans ce cadre. En effet, le pouvoir de procéder à des vérifications et d’infliger des sanctions se trouve encadré par des limites strictes. Certes, le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union. Cependant, cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher la circonstance que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours, chacun de ces derniers étant introduits par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai.

356    La conciliation ainsi réalisée par le législateur de l’Union paraît d’autant plus appropriée que les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure, une telle annulation étant réservée aux situations où le dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense, ou, lorsque le dépassement du délai raisonnable ne donne pas lieu à une violation des droits de la défense, en introduisant un recours en indemnité devant le juge de l’Union (voir point 215 ci-dessus).

357    L’argument doit donc être rejeté.

358    En second lieu, la requérante soutient que l’article 25 du règlement no 1/2003 contrevient au principe de proportionnalité, car il admettrait que des entreprises soient laissées dans l’incertitude durant une période excessive en permettant à la Commission de les poursuivre au terme d’un délai, le cas échéant, suspendu ou interrompu.

359    À cet égard, il convient de rappeler que, comme il est indiqué au point 317 ci-dessus, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑180/00, EU:C:2005:451, point 103).

360    Or, comme cela a été indiqué au point 351 ci-dessus, le délai de prescription est de cinq ans.

361    Il est interrompu par tout acte de la Commission qui vise à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction, la prescription étant alors acquise au plus tard dans les dix ans. En établissant un tel délai, une limite stricte est ainsi posée à l’action de la Commission dans le temps.

362    Par ailleurs, comme cela a également été indiqué au point 351 ci-dessus, le délai de prescription est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue durant les procédures de recours contre la décision de la Commission. Selon la jurisprudence, cette suspension évite que la poursuite des infractions soit entravée par l’introduction de procédures dont la Commission ne maîtrise pas le déroulement (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 144).

363    Ainsi, l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 concerne des hypothèses dans lesquelles l’inaction de la Commission n’est pas la conséquence d’un manque de diligence de sa part (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 144).

364    Pour déterminer si l’article 25 du règlement n° 1/2003 est entaché de l’illégalité reprochée par la requérante, il convient de relever que la prescription, en empêchant que soient remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l’écoulement du temps, tend à conforter la sécurité juridique, mais peut également permettre la consolidation de situations qui étaient, à l’origine au moins, contraires à la loi (arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 82).

365    Pour compléter l’analyse, il convient de rappeler que les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure, une telle annulation étant réservée aux situations où le dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense, ou, lorsque le dépassement du délai raisonnable ne donne pas lieu à une violation des droits de la défense, en introduisant un recours en indemnité devant le juge de l’Union.

366    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, en procédant à l’appréciation des objectifs à atteindre dans le cadre du régime de prescription, le législateur de l’Union ait mis en place un système comportant des mesures ne s’avérant pas nécessaires ou même utiles, ou des mesures qui pourraient être remplacées par d’autres mesures aussi efficaces pour protéger les entreprises susceptibles d’être concernées, sans entraver, dans une mesure qui ne saurait être acceptée, l’efficacité des enquêtes ou des poursuites.

367    Partant, il convient de rejeter le sixième moyen et, partant, le premier chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée.

B.      Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée

1.      Sur le septième moyen, tiré de la violation de la charge de la preuve et du principe in dubio pro reo concernant les comportements reprochés à la requérante

368    La requérante considère que la Commission a violé la charge de la preuve et le principe in dubio pro reo en lui imputant une participation aux volets de l’entente relatifs à la fixation du prix de base des ronds à béton (ci-après le « prix de base ») et des suppléments de prix liés au diamètre des ronds à béton (ci-après les « suppléments de prix ») entre le 1er avril 1993 et le 4 juillet 2000.

369    La requérante soulève à cet égard trois branches, respectivement tirées de l’absence de valeur probante :

–        des communications de la Federacciai envoyées aux producteurs à partir du 1er avril 1993 ;

–        de sa communication à la Federacciai des informations sur sa production ;

–        des alignements de ses suppléments de prix.

370    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

371    L’examen du moyen nécessite, au préalable, de rappeler successivement le contenu des dispositions dont la violation est reprochée à la requérante, les règles relatives à la charge de la preuve, le type de contrôle que doit exercer le Tribunal ainsi que l’infraction constatée dans la décision attaquée et les éléments retenus dans cette décision pour établir la participation de la requérante à ladite infraction.

a)      Sur le contenu des dispositions dont la violation est reprochée à la requérante

372    Il convient de rappeler que, lorsqu’il était en vigueur, l’article 65, paragraphe 1, CA interdisait notamment les accords entre entreprises et les pratiques concertées tendant, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence et, en particulier, à fixer ou à déterminer les prix, à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ou à répartir les marchés, les produits, les clients ou les sources d’approvisionnement.

373    L’article 65, paragraphe 1, CA s’inscrivait dans le cadre de l’objectif énoncé à l’article 5, deuxième alinéa, troisième tiret, CA, visant à assurer l’établissement, le maintien et le respect de conditions normales de concurrence. Il mettait également en œuvre la prohibition des pratiques restrictives tendant à la répartition ou à l’exploitation des marchés visée à l’article 4, sous d), CA, en ayant pour finalité de sauvegarder l’exigence d’autonomie des entreprises sur le marché afin de faire respecter cette prohibition [avis 1/61 (Modification article 65 CECA), du 13 décembre 1961, EU:C:1961:27, p. 519 ; arrêts du 13 avril 1994, Banks, C‑128/92, EU:C:1994:130, point 12, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 300 et 303].

b)      Sur la charge de la preuve et l’intensité du contrôle juridictionnel

374    Les principes régissant la charge de la preuve et l’intensité du contrôle juridictionnel, qui ont été définis dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, doivent être transposés à l’application de l’article 65, paragraphe 1, CA, par analogie avec la transposition opérée à propos des notions d’accord et de pratique concertée figurant dans ces deux dispositions (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, points 60 et 63, et du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, EU:C:2011:191, points 71 et 73).

375    Premièrement, la Commission avait la charge de prouver l’existence d’une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une telle infraction (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 58).

376    La Commission bénéficiait à cet égard de l’application du principe de la libre administration des preuves (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, EU:T:2004:220, point 72), pour autant qu’elle fît état de preuves sérieuses, précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction avait été commise (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, EU:C:1984:130, point 20, et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 793 et jurisprudence citée). Toutefois, chacune de ces preuves ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par la Commission, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée).

377    Il revient en particulier à la Commission d’établir la participation des entreprises en cause à l’infraction et la durée de cette participation (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2018, Sumitomo Electric Industries et J-Power Systems/Commission, T‑450/14, non publié, EU:T:2018:455, point 52, et du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, sous pourvoi, EU:T:2019:675, point 258 et jurisprudence citée).

378    L’existence et la durée d’un comportement anticoncurrentiel doivent, dans la plupart des cas, être inférées d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (voir arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 39 et jurisprudence citée).

379    En outre, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée de l’infraction, la Commission doit invoquer, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêts du 12 juillet 2018, Sumitomo Electric Industries et J-Power Systems/Commission, T‑450/14, non publié, EU:T:2018:455, point 52 et jurisprudence citée, et du 24 septembre 2019, HSBC Holdings e.a./Commission, T‑105/17, sous pourvoi, EU:T:2019:675, point 258 et jurisprudence citée).

380    Deuxièmement, il incombe au Tribunal d’exercer, sur la base des éléments apportés par la requérante au soutien des moyens invoqués, un contrôle complet sur la question de savoir si les conditions d’application de l’interdiction des ententes anticoncurrentielles se trouvent ou non réunies. Il doit également vérifier d’office si la Commission a motivé sa décision. Lors de ce contrôle, le Tribunal ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission, en matière de politique de la concurrence, pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 155 et 156 et jurisprudence citée).

381    À cet égard, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant l’infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsistait encore dans son esprit sur cette question (arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 215).

c)      Sur l’infraction constatée

382    Dans la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une entente entre les entreprises destinataires de cette décision et plusieurs autres entités entre le 6 décembre 1989 et le 4 juillet 2000 ayant pour objet la fixation des prix et en fonction de laquelle a été également convenue la limitation ou le contrôle de la production et des ventes (considérant 574 de la décision attaquée).

383    L’entente comprenait quatre volets, portant respectivement sur :

–        la fixation du prix de base entre le 15 avril 1992 et le 4 juillet 2000 (considérants 575, 594 à 614, 676 et 677 de la décision attaquée) ;

–        la fixation des délais de paiement entre le 15 avril 1992 et le 30 septembre 1995 (considérants 615 à 620, 676 et 677 de la décision attaquée) ;

–        la fixation des suppléments de prix entre le 6 décembre 1989 et le 1er juin 2000 (considérants 575, 621 à 638, 676 et 677 de la décision attaquée) ;

–        la limitation et le contrôle de la production et des ventes entre le 13 juin 1995 et le 23 mai 2000 (considérants 641 à 674, 676 et 677 de la décision attaquée).

384    La Commission a considéré que l’ensemble des comportements relatifs à ces quatre volets constituaient une infraction unique, complexe et continue à l’article 65, paragraphe 1, CA, visant le même objectif anticoncurrentiel de fixation en commun du prix des ronds à béton (considérants 674 et 675 de la décision attaquée).

d)      Sur les éléments retenus dans la décision attaquée pour établir la participation de la requérante à l’infraction constatée

385    Dans la décision attaquée, la Commission a retenu la participation de la requérante à l’entente entre le 1er avril 1993 et le 4 juillet 2000 (considérants 908 à 921 et 966) après avoir constaté que cette dernière avait adhéré :

–        aux volets de l’entente relatifs à la fixation du prix de base et des suppléments de prix du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000 (considérants 909 à 911, 913 à 916 et 918) ;

–        au volet sur la fixation des délais de paiement du 1er décembre 1994 au 30 septembre 1995 (considérants 201, 220, 222, 229, 230, 910 et 913, note en bas de page no 631) ;

–        au volet sur la limitation et le contrôle de la production et des ventes à partir du 28 septembre 1998, étant donné qu’elle n’y avait pas pris part entre le 13 juin 1995 et le 27 septembre 1998 (considérants 912, 917, 919 et 921) ; la Commission a, à ce titre, réduit l’amende de la requérante de 6 % (considérants 973 et 974).

386    Il y a lieu d’emblée de souligner que la requérante ne conteste ni sa participation au volet de l’entente sur la limitation et le contrôle de la production et des ventes entre le 28 septembre 1998 et le 4 juillet 2000, ni sa participation au volet de l’entente sur les délais de paiement.

387    Pour établir la participation de la requérante à l’entente entre le 1er avril 1993 et le 4 juillet 2000, la Commission s’est fondée sur un faisceau d’indices comprenant les éléments suivants.

1)      Période allant du 1er avril 1993 à décembre 1994

388    La requérante figure parmi les destinataires de la communication de la Federacciai du 1er avril 1993, qui a été adressée aux producteurs de ronds à béton et dans laquelle il est fait référence à une réunion qui s’est tenue le même jour et qui a eu pour objet la fixation du prix de base et des suppléments de prix. En outre, elle a adopté, à partir du 5 avril 1993, les suppléments de prix fixés lors de cette réunion et récapitulés dans cette communication, comme six de ses concurrents (considérants 190 et 191 de la décision attaquée).

389    En 1994, la requérante a continué de recevoir les communications de la Federacciai relatives au prix de base et aux suppléments de prix, et plus précisément celles du 7 février 1994, du 30 août 1994, du 13 septembre 1994 et du 5 décembre 1994 (considérants 192, 194, 196 et 199 de la décision attaquée).

390    La requérante a également appliqué les suppléments de prix fixés par l’entente qui ont été communiqués le 7 février 1994 et le 30 août 1994, respectivement, le 14 février 1994 et les 1er et 6 septembre 1994, comme plusieurs de ses concurrents aux mêmes périodes (considérants 193 et 195 de la décision attaquée).

391    En outre, elle a communiqué à la Federacciai, à deux reprises, le 30 novembre 1994 et le 12 décembre 1994, des informations confidentielles portant sur les livraisons et sur la production de ronds à béton au cours des mois de septembre, octobre et novembre 1994 (considérants 198, 201 et 202 de la décision attaquée).

392    Enfin, par sa communication adressée à la Federacciai le 12 décembre 1994, la requérante a donné son accord sur le nouveau prix de base et les nouveaux délais de paiement convenus lors de la réunion du 1er décembre 1994 (voir considérants 199, 201, 598 et 910 de la décision attaquée).

2)      Période couvrant l’année 1995

393    En ce qui concerne l’année 1995, la requérante a reçu la communication de la Federacciai du 21 février 1995 relative au prix de base et aux suppléments de prix et elle a appliqué les suppléments de prix ainsi convenus le 11 mars 1995, comme sept de ses concurrents (considérants 204 à 206 de la décision attaquée).

394    Ensuite, la requérante a continué de recevoir les communications de la Federacciai, et notamment celle du 4 juillet 1995 portant sur le prix de base convenu lors d’une réunion qui s’est tenue le même jour (considérant 216 de la décision attaquée) et celle du 5 juillet 1995 annonçant une réunion au cours de laquelle seraient notamment discutés les délais de paiement (considérant 217 de la décision attaquée), ces deux communications comportant la mention « À détruire après lecture ».

395    En outre, il ressort de la communication de la Federacciai adressée à Leali le 19 juillet 1995 et de la communication de la Federacciai adressée à tous les producteurs de ronds à béton le 21 juillet 1995, qui comporte aussi la mention « À détruire après lecture », que la requérante était disposée à respecter les délais de paiement qui seraient décidés par ses concurrents (considérants 220, 222 et 913, note en bas de page no 631, de la décision attaquée).

396    Enfin, il ressort notamment de la communication de la Federacciai du 29 août 1995, comportant à nouveau la mention « À détruire après réception », que chaque entreprise s’était engagée à communiquer les données confidentielles précisées dans un formulaire annexé (portant sur les productions mensuelles prévues pour le dernier trimestre de 1995, les quantités mensuelles exportées pendant les deux derniers trimestres de 1995, le niveau des stocks à la fin du mois d’août 1995 et les livraisons sur le marché national et le marché à l’exportation aux mois de juillet et d’août 1995). Ces données confidentielles, parmi lesquelles figurent notamment celles de la requérante, ont par la suite été communiquées par la Federacciai à Leali, par télécopie du 1er septembre 1995 (considérants 229 à 231 de la décision attaquée).

3)      Période couvrant l’année 1996

397    En 1996, la requérante a continué de participer aux volets de l’entente relatifs à la fixation du prix de base et des suppléments de prix, comme il ressort des éléments suivants.

398    Tout d’abord, le 28 décembre 1995, la requérante a été nommément invitée par Leali à participer à une réunion le 4 janvier 1996, confirmée le 3 janvier 1996, avec huit de ses concurrents (considérant 240 de la décision attaquée). Il ressort, à cet égard, de la communication de Leali du 3 janvier 1996 que la requérante avait déjà exprimé son adhésion préalable aux initiatives qui seraient décidées de manière unanime lors de cette réunion (considérant 242 de la décision attaquée).

399    Le 17 janvier 1996, la requérante, ainsi que les huit mêmes concurrents susvisés, a été nommément invitée par Leali à une réunion le 18 janvier 1996, à laquelle il était recommandé d’apporter les données d’acquisition hebdomadaire des commandes à la date du 17 janvier 1996 afin de pouvoir faire certaines considérations concrètes sur l’évolution du marché (considérant 243 de la décision attaquée).

400    Puis, le 12 février 1996, la Federacciai a envoyé à tous les producteurs de ronds à béton une communication les informant de ce qu’un producteur avait décidé d’augmenter certains suppléments de prix. Ces augmentations ont été appliquées par la requérante et six de ses concurrents (considérant 248 de la décision attaquée).

401    Le même jour, la requérante a été nommément invitée par Leali, avec neuf concurrents, à une réunion organisée le 13 février 1996. Cette invitation faisait état d’un recul du prix de base à 210 lires italiennes (ITL)/kg et de la nécessité d’une rencontre entre les « titulaires » pour évaluer l’opportunité de prendre des mesures extraordinaires, telles que des exportations en lieu et place d’arrêts de production supplémentaires. L’invitation mentionnait in fine que toutes les entreprises destinataires avaient confirmé par téléphone qu’un de leurs représentants serait présent (considérants 245 et 246 de la décision attaquée). À cet égard, si, certes, le compte rendu de la réunion du 13 février 1996, relative au programme d’arrêt des laminoirs et au prix de base, mentionne que l’adhésion de la requérante devait encore être confirmée, il indique également que celle-ci avait déjà annoncé son adhésion formelle si tous manifestaient leur accord (considérant 247 de la décision attaquée).

402    Par ailleurs, dans une note du 23 février 1996, Leali a confirmé, en se référant à des communications et à des contacts téléphoniques précédents, l’adhésion des entreprises en cause aux programmes de limitation de la production et la décision d’appliquer immédiatement le prix de base minimal de 230 ITL/kg ainsi que les nouveaux suppléments de prix fixés (considérant 251 de la décision attaquée).

403    Il ressort également d’une note du 28 février 1996 de Leali que les entreprises devaient respecter un prix de base « acceptable pour tous » de 210 ITL/kg (considérants 252 et 253 de la décision attaquée).

404    Ensuite, la requérante a été nommément conviée par Leali à une réunion le 5 mars 1996 et à une autre réunion le 2 avril 1996 afin de discuter de la situation très grave du marché (considérants 254 et 257 de la décision attaquée). La note de Leali du 2 avril 1996 relative à cette seconde réunion fixait le prix de base à 190 ITL/kg, avec un minimum impératif de 180 ITL/kg (considérant 258 de la décision attaquée).

405    Puis, le 25 juillet 1996, une communication de la Federacciai à tous les producteurs de ronds à béton confirmait le prix de base de 240 ITL/kg et fixait une nouvelle réunion des responsables commerciaux des entreprises en cause pour le 27 août 1996 (considérant 261 de la décision attaquée).

406    À la même période, Leali a été en possession des données de ses concurrents, dont celles de la requérante, relatives aux quantités de ronds à béton produites et vendues et des stocks durant certaines périodes de l’année 1995 et de l’année 1996 (considérants 262 et 263 de la décision attaquée).

407    Quelques semaines plus tard, la requérante a été nommément invitée par Leali, avec sept de ses concurrents, à une réunion le 24 septembre 1996 aux fins d’analyser la situation du marché (considérant 264 de la décision attaquée).

408    Enfin, une communication du 23 octobre 1996, faisant suite à une réunion de la veille et adressée à tous les producteurs de ronds à béton, confirmait le prix de base de 230 ITL/kg ainsi que la fixation d’une réunion pour le 29 octobre 1996 (considérant 274 de la décision attaquée).

4)      Période couvrant l’année 1997

409    En ce qui concerne l’année 1997, la requérante a continué de recevoir les communications de la Federacciai relatives au prix de base et aux suppléments de prix convenus lors des réunions entre concurrents et de mettre en œuvre ces suppléments.

410    Ainsi, par une note interne, la requérante a communiqué à sa division commerciale et à ses agents une communication de la Federacciai du 10 octobre 1997 dans laquelle figurait le contenu des décisions sur le nouveau prix de base et les nouveaux suppléments de prix qui avaient été adoptées lors d’une réunion collusoire qui s’était tenue ce jour-là (considérant 294 de la décision attaquée).

411    En outre, le 17 octobre 1997, la Federacciai a indiqué aux responsables commerciaux de toutes les entreprises productrices de ronds à béton que, à la suite d’une réunion entre les « titulaires », un prix minimal de 300 ITL/kg (prix de base au départ de Brescia) avait été établi à l’unanimité (considérant 290 de la décision attaquée).

412    Une semaine plus tard, le 24 octobre 1997, la Federacciai a informé les responsables commerciaux de toutes les entreprises productrices de ronds à béton que, au cours de la réunion de la veille organisée entre ces mêmes responsables, qui aurait fait suite à une certaine confusion dans l’application du prix de base qui avait été précédemment défini, le prix minimal de 300 ITL/kg (prix de base au départ de Brescia) avait été confirmé à l’unanimité (considérant 292 de la décision attaquée).

413    S’agissant des suppléments de prix, la Federacciai a, le 11 juillet 1997, adressé aux responsables commerciaux de toutes les entreprises productrices de ronds à béton les modifications de prix qui avaient été convenues lors de la réunion du 7 juillet 1997. Ces modifications ont été mises en œuvre par la requérante, le 11 juillet 1997, et par au moins cinq de ses concurrents à la même période (considérant 274 de la décision attaquée).

414    De même, la requérante a mis en œuvre, le 3 novembre 1997, les modifications des suppléments de prix décidées lors de la réunion du 10 octobre 1997 et communiquées le même jour par la Federacciai aux entreprises, tout comme cinq de ses concurrents (considérants 293 et 294 de la décision attaquée).

5)      Période couvrant l’année 1998

415    En ce qui concerne l’année 1998, Leali a nommément invité la requérante et six de ses concurrents à une rencontre des « titulaires » le 8 juin 1998, afin de discuter d’une action forte destinée à alléger la situation dramatique du marché et d’évaluer la possibilité d’un arrêt de quatre semaines durant la période des congés (considérant 321 de la décision attaquée). Après avoir notamment pris contact avec la requérante, Leali a indiqué, le 10 juin 1998, à cinq des six autres entreprises susvisées invitées à la réunion du 8 juin 1998 que tous les producteurs appliqueraient avec effet immédiat le prix de 190 ITL/kg « base départ », sans exception (considérant 322 de la décision attaquée).

416    Le 11 septembre 1998, Leali a envoyé une communication à la requérante et à six autres concurrents dans laquelle elle indiquait qu’elle espérait que, « lors de la réunion des responsables commerciaux d[u] mardi 15 [suivant], [il] pourra[it être] observ[é] une bonne tenue des prix, en mesure de faire remonter éventuellement la cotation » (considérant 332 de la décision attaquée).

417    Durant l’année 1998, la requérante a également commencé à participer au volet de l’entente relatif au contrôle et à la limitation de la production et des ventes, en adhérant à l’accord sur la réduction concertée de la production pour le mois d’octobre 1998. Cette participation ressort, d’une part, d’un document interne de la requérante du 28 septembre 1998 par lequel son président faisait état au directeur général et au directeur des ventes de l’entreprise de communications que lui avait faites le membre délégué du conseil d’administration d’Alfa Acciai Srl (devenue Alfa Acciai SpA), selon lesquelles « tous » avaient « volontairement réduit en pourcentage leur production pour octobre ». Il indiquait, à cet égard, que la requérante aurait « droit à 18 000 tonnes » et que, « pour des raisons évidentes », il avait donné son « accord » (considérant 335 de la décision attaquée). D’autre part, le nom de la requérante est expressément mentionné dans l’accord parmi ceux des huit entreprises participantes à cet accord (considérants 338 et 341 de la décision attaquée). La requérante a également accepté, dans ce cadre, de tenir compte de l’accord sur le quota attribué à Acciaieria di Darfo SpA., visé dans une note de son président du 10 novembre 1998 (considérant 354 de la décision attaquée).

418    Enfin, la requérante a été nommément convoquée par Leali, avec sept autres concurrents, à la réunion des « titulaires » du 13 novembre 1998, qui visait à « exposer la restructuration en cours » (considérant 355 de la décision attaquée).

6)      Période couvrant l’année 1999

419    En 1999, la requérante a continué de participer à l’entente, ainsi que le montre le fait que les suppléments de prix ont été modifiés, de manière quasiment identique, par la requérante et six autres concurrents à partir du 30 juin-1er juillet 1999 (considérant 372 de la décision attaquée).

420    Les quotas de vente ont, quant à eux, continué de faire l’objet d’un contrôle continu et, lorsque nécessaire, d’une adaptation par les entreprises. Le 13 juillet 1999, le président de la requérante a ainsi fait état, dans une note manuscrite, d’une conversation tenue le même jour avec le « titulaire » d’Alfa Acciai concernant le treillis soudé, où il est fait référence à la situation des ronds à béton, produit pour lequel les « quotas » étaient « attribués » et « toutes les données [étaient] toujours vérifiables par KPMG » (considérants 376 et 377 de la décision attaquée).

421    En outre, un rapport du directeur commercial de la requérante du 10 décembre 1999 (visé au considérant 609 de la décision attaquée) énonce, notamment, que, « en raison de nécessités ne pouvant plus être reportées […] les producteurs ont été contraints de s’entendre pour trouver une orientation commune […] Comme nous le savons […] ils sont parvenus, non sans difficulté, à une certaine unité de la finalité qui a immédiatement dynamisé le marché […] Cette unité a permis d’obtenir des prix moyens supérieurs de 70/80 ITL/kg pour l’ensemble du secteur. Ce n’est pas rien ! » Toujours selon ce rapport, ils se trouvaient ainsi « à n’en pas douter dans le cadre d’accords entre producteurs qui, s’ils n’ont pas été faciles à obtenir, sont nécessaires à un meilleur contrôle du marché ».

7)      Période couvrant l’année 2000

422    En 2000, la requérante a participé aux réunions qui se sont tenues de manière régulière cette année-là, à tout le moins à celles des 11 et 25 janvier, 1er et 9 février, 10 mars, 18 avril, 16 mai et 27 juin 2000 (considérants 384, 388, 390, 393, 397, 403, 408 et 414 de la décision attaquée). Au cours de ces huit réunions, les producteurs ont notamment discuté du prix de base, des suppléments de prix, des livraisons et des quotas attribués entre eux (considérants 384 à 415 de la décision attaquée).

423    La dernière réunion de l’entente mentionnée dans la décision attaquée s’est tenue le 4 juillet 2000. La Commission retient que, lors de cette réunion, il a été constaté que « les résultats [étaient] plutôt bons, même si le marché [était] difficile, ce qui démontr[ait] une homogénéité substantielle entre les participants ». En outre, lors de cette réunion, le prix de base convenu avait été fixé à « 200/220 » (considérant 416 de la décision attaquée).

424    C’est dans ce contexte que doivent être examinées les trois branches du moyen.

e)      Sur la première branche, tirée de l’absence de valeur probante des communications de la Federacciai aux producteurs à partir du 1er avril 1993 

425    La requérante conteste la valeur probante des communications envoyées par la Federacciai à partir du 1er avril 1993 concernant les réunions durant lesquelles le prix de base et les suppléments de prix étaient fixés de manière concertée :

–        elle estime que la Commission n’a pas rapporté la preuve qu’elle avait reçu toutes ces communications à partir de cette date, car celles-ci étaient envoyées aux 29 producteurs de ronds à béton actifs en 1993 et ne lui étaient pas adressées nommément ;

–        elle soutient, en outre, que seules quatre de ces communications, datées du 23 octobre 1996, du 10 octobre 1997, du 17 octobre 1997 et du 24 octobre 1997, avaient été retrouvées à son siège.

426    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 65, paragraphe 1, CA prohibait notamment les accords et les pratiques concertées ayant pour objet de restreindre la concurrence sur les prix, sans que des effets anticoncurrentiels aient à être démontrés (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Ensidesa/Commission, C‑198/99 P, EU:C:2003:530, points 59 et 60, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 272, 277 et 635).

427    Par ailleurs, les notions d’accord et de pratique concertée au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA sont définies de la même manière que ces mêmes notions au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, points 60 et 63, et du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, EU:C:2011:191, points 71 et 73). Elles appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 131).

428    Un accord résulte de l’expression, par les entreprises participantes, de la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée, notamment en matière de prix, et de faire en sorte que les prix convenus lors des réunions en cause soient atteints ou, le cas échéant, maintenus (arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 130, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 262).

429    Une pratique concertée constitue, quant à elle, une forme de coordination entre entreprises qui n’est pas allée jusqu’à la conclusion d’un tel accord, mais qui substitue sciemment une coopération pratique entre elles au détriment de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 26 et jurisprudence citée ; du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 38, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 266 et jurisprudence citée). Elle suppose de réunir trois conditions : une concertation entre plusieurs entreprises, un comportement de ces dernières sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 51).

430    Les critères de coordination et de coopération doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun et les conditions qu’il entend réserver à sa clientèle (arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 82).

431    Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre eux de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il est décidé, ou qu’il est envisagé, d’adopter pour soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, point 83, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 33 et jurisprudence citée).

432    En outre, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire, qu’il incombe aux opérateurs concernés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Cette présomption est d’autant plus pertinente que la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 121, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 51 et 53 et jurisprudence citée).

433    Pour renverser cette présomption, les entreprises en cause doivent prouver que la concertation n’a influencé en aucune manière leur comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 38 et jurisprudence citée), notamment en établissant qu’elles se sont publiquement distanciées de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 23 et jurisprudence citée).

434    Enfin, une entreprise peut n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue à l’article 65, paragraphe 1, CA, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans ce cas, la Commission est en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction et, par suite, de l’infraction dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).

435    Ainsi, le fait qu’une entreprise n’ait pas participé à tous les éléments de l’entente, et notamment qu’elle n’ait pas assisté aux réunions anticoncurrentielles ou qu’elle n’ait pas eu connaissance de tous les contacts anticoncurrentiels entre les concurrents, ne suffit pas à démontrer qu’elle ne possédait pas le degré requis de connaissance pour établir sa participation à cette infraction (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 328 et jurisprudence citée ; du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, point 52, et du 15 décembre 2016, Infineon Technologies/Commission, T‑758/14, non publié, EU:T:2016:737, point 252).

436    S’agissant de la force probante des éléments de preuve que doit rapporter la Commission pour établir une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, il convient de distinguer deux situations :

–        d’une part, dans le cas où la Commission constate une infraction aux règles de concurrence en se fondant sur la supposition selon laquelle les faits établis ne peuvent être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une telle infraction ; en effet, dans un tel cas, il ne saurait être considéré que la Commission a apporté la preuve de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, Lietuvos geležinkeliai/Commission, T‑814/17, sous pourvoi, EU:T:2020:545, point 296 et jurisprudence citée) ;

–        d’autre part, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve qui sont, en principe, suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance se soit produite qui pourrait affecter la valeur probante de ces éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante de ceux-ci ; au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même, il appartient à cette entreprise d’établir à suffisance de droit, premièrement, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, deuxièmement, que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission (voir arrêt du 18 novembre 2020, Lietuvos geležinkeliai/Commission, T‑814/17, sous pourvoi, EU:T:2020:545, point 297 et jurisprudence citée).

437    En l’espèce, la force probante des communications de la Federacciai à l’égard de la requérante doit être analysée à la lumière de la jurisprudence qui vient d’être citée aux points 426 à 436 ci-dessus ainsi que des éléments retenus par la Commission à l’encontre de la requérante pour établir sa participation à l’entente, rappelés aux points 385 à 423 ci-dessus.

438    En premier lieu, il convient de souligner que le constat de la participation de la requérante aux volets de l’entente relatifs au prix de base et aux suppléments de prix à partir du 1er avril 1993 ne se fonde pas uniquement sur le fait que la requérante était, en tant que producteur de ronds à béton, destinataire des communications de la Federacciai dans lesquelles figuraient les prix fixés lors des réunions collusoires. En effet, il ressort de la décision attaquée que ce constat repose sur le large faisceau d’indices rappelé aux points 386 à 423 ci-dessus, comportant, outre la réception de ces communications, trois autres éléments, à savoir :

–        la mise en œuvre par la requérante d’un certain nombre de décisions arrêtées dans le cadre de l’entente ;

–        le fait que, à plusieurs reprises, la requérante a expressément signifié à ses concurrents son accord avec les décisions fixant les prix qui étaient prises lors des réunions entre les producteurs de ronds à béton ;

–        le fait que, à partir de décembre 1995, la requérante a été régulièrement invitée, de manière nominative, aux réunions de l’entente et qu’elle a assisté à plusieurs d’entre elles.

439    Tout d’abord, la Commission a constaté que la requérante avait mis en œuvre un certain nombre de décisions arrêtées dans le cadre de l’entente. Il ressort à cet égard des éléments du dossier retenus dans la décision attaquée que :

–        entre le mois d’avril 1993 et le 30 juin 1999, la requérante a, à huit reprises, appliqué les suppléments de prix fixés lors des réunions entre concurrents et repris dans les communications de la Federacciai (à l’exception de l’augmentation des suppléments de prix des 30 juin-1er juillet 1999, pour laquelle aucune réunion préalable n’est mentionnée) (voir considérant 372) et toutes ces modifications s’étaient accompagnées, à la même période, de modifications identiques mises en œuvre par ses concurrents (considérants 191, 193, 195, 205, 206, 248, 274, 293, 372, 909, 910, 911, 915, 916 et 918 ; voir également points 388, 390, 393, 400, 413, 414 et 419 ci-dessus) ;

–        la requérante a communiqué à sa division commerciale et à ses agents une communication de la Federacciai du 10 octobre 1997 dans laquelle figurait le contenu des décisions sur le nouveau prix de base et les nouveaux suppléments de prix qui avaient été adoptées lors d’une réunion collusoire qui s’était tenue ce jour-là (considérant 294 ; voir également point 410 ci-dessus) ;

–        la requérante a communiqué à quatre reprises, entre le 30 novembre 1994 et juillet-septembre 1996, à la Federacciai et à Leali, des données confidentielles portant sur la production, les ventes, les livraisons, les exportations et le niveau des stocks ; ces données, compilées avec celles d’autres producteurs de ronds à béton, ont été transmises à ses concurrents (considérants 197, 198, 201, 202, 229 à 231, 262, 263, 910 et 913 ; voir également points 391, 396 et 406 ci-dessus).

440    Ensuite, la Commission a retenu que, à plusieurs reprises, la requérante avait expressément signifié à ses concurrents son accord avec les décisions fixant les prix qui étaient prises lors des réunions entre les producteurs de ronds à béton. Il ressort à cet égard des éléments du dossier retenus dans la décision attaquée que :

–        cet accord a parfois été donné une fois que les prix avaient été convenus entre les producteurs présents à la réunion, comme il ressort de la communication de la requérante du 12 décembre 1994 (considérants 199 et 201 ; voir également point 392 ci-dessus) ;

–        dans d’autres cas, il avait été donné à l’avance à la condition que les prix soient adoptés à l’unanimité, comme le montrent la communication de la Federacciai du 3 janvier 1996 (considérant 242 ; voir également point 398 ci-dessus) et le compte rendu de la réunion du 13 février 1996 (considérant 247 ; voir également point 401 ci-dessus) ;

–        la note de Leali du 10 juin 1998 indique que tous les producteurs avaient donné leur accord pour appliquer le nouveau prix de base convenu, après avoir mentionné une réunion organisée la veille et un entretien avec le président de la requérante (considérant 322 ; voir également point 415 ci-dessus) ;

–        la requérante elle-même a expressément confirmé avoir pris part à l’adoption des décisions de l’entente, comme il ressort du rapport de son directeur commercial du 10 décembre 1999 visé au considérant 609 de la décision attaquée (voir également point 421 ci-dessus).

441    Enfin, plusieurs documents établissent que, à partir de décembre 1995, la requérante avait été régulièrement invitée, de manière nominative, aux réunions de l’entente, et notamment à celles du 4 janvier 1996 (considérant 240 de la décision attaquée ; voir également point 398 ci-dessus), du 18 janvier 1996 (considérant 243 de la décision attaquée ; voir également point 399 ci-dessus), du 13 février 1996 (voir considérants 245 et 246 de la décision attaquée ; voir également point 401 ci-dessus), des 5 mars et 2 avril 1996 (considérants 254 et 257 de la décision attaquée ; voir également point 404 ci-dessus), du 24 septembre 19                                                            96 (considérant 264 de la décision attaquée ; voir également point 407 ci-dessus), du 8 juin 1998 (considérant 321 de la décision attaquée ; voir également point 415 ci-dessus) et du 13 novembre 1998 (considérant 355 de la décision attaquée ; voir également point 418 ci-dessus).

442    Il ressort aussi de la déclaration de Riva que la requérante faisait partie des entreprises qui avaient participé aux réunions de l’entente (voir considérant 175 de la décision attaquée). En particulier, la Commission a retenu que la requérante avait assisté à huit d’entre elles, entre le 11 janvier et le 27 juin 2000 (considérants 384, 388, 390, 393, 397, 403, 408 et 414 de la décision attaquée ; voir également point 422 ci-dessus), ainsi qu’à un contact bilatéral avec Leali le 10 juin 1998 (considérant 322 de la décision attaquée ; voir également point 415 ci-dessus).

443    Par ailleurs, il doit être rappelé que la Commission a retenu la participation de la requérante aux deux autres volets de l’entente portant sur les délais de paiement (considérants 201, 220, 222, 229, 230, 910 et 913, note en bas de page no 631, de la décision attaquée ; voir également points 385, 392 et 395 ci-dessus) et sur le contrôle et la limitation de la production et des ventes (considérants 335, 338, 341, 354, 376, 377, 385, 389, 393, 912, 917, 919 et 921 de la décision attaquée ; voir également points 385, 417, 420 et 422 ci-dessus), sans que cela soit contesté par la requérante. Or, en prenant également part à ces deux volets, la requérante a renforcé sa contribution à l’objectif global d’augmentation des prix des ronds à béton qui était poursuivi par l’infraction qui lui a été imputée.

444    En second lieu, il ressort des éléments sur lesquels s’est fondée la Commission dans la décision attaquée que l’entente reposait sur un système bien ancré de réunions périodiques et de communications régulières entre concurrents, impliquant les principaux producteurs de ronds à béton, qui avait été mis en place pour structurer la discussion sur les prix des ronds à béton et arrêter les décisions sur ce sujet.

445    Il convient de rappeler à cet égard que, selon la jurisprudence, l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels et les sanctions encourues par les contrevenants étant notoires, il est usuel que les comportements liés à ces pratiques et à ces accords se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum. Même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 49 et jurisprudence citée).

446    Dans ce contexte, il est plausible que la requérante ait reçu d’autres communications de la Federacciai que celles qui ont été trouvées dans ses locaux. Les éléments suivants permettent d’ailleurs de le confirmer :

–        dans la réplique, la requérante a concédé que, jusqu’en 1998, elle avait reçu les communications de la Federacciai, à l’instar de tous les membres de cette association ;

–        les communications de la Federacciai conviant les producteurs de ronds à béton aux réunions de l’entente ou rendant compte des décisions prises lors de ces réunions n’étaient en général pas nominatives, mais s’adressaient à l’ensemble de ces producteurs ; or, les quatre communications de la Federacciai retrouvées dans les locaux de la requérante étaient, elles aussi, adressées à tous ces producteurs, sans mentionner le nom de la requérante ;

–        plusieurs communications retrouvées par la Commission dans le cadre de l’enquête indiquaient précisément l’objet des réunions en cause et portaient, en outre, la mention « À détruire après lecture » (communications de la Federacciai du 4 juillet 1995, du 5 juillet 1995 et du 21 juillet 1995) ou « À détruire après réception » (communication de la Federacciai du 29 août 1995) (considérants 216, 217, 222 et 230 de la décision attaquée ; voir également points 394 à 396 ci-dessus) ; cette circonstance peut expliquer que la Commission n’ait pas retrouvé l’ensemble des communications envoyées par la Federacciai aux producteurs dans les locaux de la requérante, ce qui ne signifie pas que la requérante ne les a pas reçues ;

–        l’un des représentants de la requérante faisait partie du conseil de direction de l’Association des produits longs, l’une des associations membres de la Federacciai, aux côtés de huit de ses concurrents ; c’est dans le cadre de cette association que s’est notamment tenue la réunion de l’entente du 7 février 1994, lors de laquelle il a été convenu un nouveau prix de base et des nouveaux suppléments de prix (considérants 192, 193 et 203 de la décision attaquée) ; il est donc vraisemblable que la requérante ait été au moins informée de la tenue de cette réunion, de son objet anticoncurrentiel et des décisions qui y ont été prises, via la communication que la Federacciai a envoyée ce jour-là et par l’intermédiaire de son représentant.

447    Par ailleurs, à partir de fin 1995, plusieurs communications envoyées par Leali à propos des réunions de l’entente ont été nommément adressées à la requérante. C’est le cas des communications du 28 décembre 1995 (considérant 240 de la décision attaquée ; voir également point 398 ci-dessus), du 17 janvier 1996 (considérant 243 de la décision attaquée ; voir également point 399 ci-dessus), du 12 février 1996 (considérants 245 et 246 de la décision attaquée ; voir également point 401 ci-dessus), du 1er mars 1996 (considérant 254 de la décision attaquée ; voir également point 404 ci-dessus), du 29 mars 1996 (considérant 257 de la décision attaquée ; voir également point 404 ci-dessus), de septembre 1996 (considérant 264 de la décision attaquée ; voir également point 407 ci-dessus), du 5 juin 1998 (considérant 321 de la décision attaquée ; voir également point 415 ci-dessus), du 11 septembre 1998 (considérant 332 de la décision attaquée ; voir également point 416 ci-dessus) et du 11 novembre 1998 (considérant 355 de la décision attaquée ; voir également point 418 ci-dessus).

448    Les éléments qui précèdent confortent le fait que la requérante a été régulièrement tenue informée des décisions prises dans le cadre de l’entente à partir du 1er avril 1993, non seulement grâce aux communications de la Federacciai, mais aussi, à partir de décembre 1995, grâce à celles de Leali.

449    À cet égard, il convient aussi de rappeler que, selon la jurisprudence, la simple approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux autorités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte. Cette complicité constitue un mode passif de participation à l’infraction qui est de nature à engager la responsabilité de l’entreprise concernée (voir arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 73 et jurisprudence citée). De plus, le fait qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats d’une réunion ayant un objet anticoncurrentiel n’est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à une entente, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu (voir arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 136 et jurisprudence citée).

450    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 430 à 432 et 449 ci-dessus, et en l’absence de distanciation publique de la requérante à l’égard de l’entente, le large faisceau d’indices rappelé aux points 386 à 423 et 439 à 443 ci-dessus ainsi que les éléments exposés aux points 444 à 448 ci-dessus, que la requérante n’a pas valablement remis en cause, permettent d’établir que, entre le 1er avril 1993 et le 4 juillet 2000, la requérante a été tenue informée des décisions prises dans le cadre de l’entente, notamment sur les prix des ronds à béton, grâce en particulier aux communications de la Federacciai, et que, à de nombreuses reprises, la requérante a réagi à ces communications, ce qui lui a permis de prendre une part active à l’entente. En effet :

–        d’une part, la requérante a fait expressément savoir à plusieurs reprises à ses concurrents qu’elle était d’accord avec les décisions de l’entente sur les prix (voir point 440 ci-dessus), confirmant ainsi à ses concurrents son adhésion à l’entente ;

–        d’autre part, elle a mis en œuvre très régulièrement un certain nombre de ces décisions, au moyen de l’application des suppléments de prix fixés de manière concertée (voir point 439, premier tiret, ci-dessus) et de sa participation aux échanges d’informations confidentielles entre concurrents qui devaient permettre de prendre les décisions concertées sur les prix (voir point 439, troisième  tiret, ci-dessus).

451    Ainsi, au vu de la jurisprudence rappelée aux points 426 à 432 ci-dessus, les communications de la Federacciai ont constitué un élément probant qui, combiné avec les autres composantes du large faisceau de preuves rapporté par la Commission, a permis d’établir à suffisance de droit la participation de la requérante à l’infraction entre le 1er avril 1993 et le 4 juillet 2000.

452    Eu égard à la jurisprudence visée au point 445 ci-dessus, la circonstance que seules certaines communications de la Federacciai ont été trouvées chez la requérante ne suffit pas à ôter la force probante de ce faisceau d’indices, d’autant que, pour les raisons exposées au point 446 ci-dessus, cette circonstance ne signifie pas que la requérante n’ait pas reçu ces communications.

453    Cette conclusion est contestée par la requérante.

454    Premièrement, la requérante soutient que la réception des communications de la Federacciai ne permet pas de prouver qu’elle ait assisté aux réunions durant lesquelles les prix étaient fixés de manière concertée.

455    À cet égard, la Commission a établi que la requérante avait eu connaissance des différents volets de l’entente dès le 1er avril 1993, et notamment de l’objet anticoncurrentiel des discussions qui avaient eu lieu lors des réunions entre concurrents et des décisions qui y avaient été prises. En outre, la requérante ne s’est jamais publiquement distanciée de l’entente. Au contraire, elle a expressément fait savoir à plusieurs reprises à ses concurrents qu’elle adhérait aux décisions prises dans le cadre de l’entente, notamment sur le prix de base et les délais de paiement (voir, à cet égard, considérants 201, 220, 247, 322 et 913, note en bas de page no 631, de la décision attaquée ; voir également points 385, premier et deuxième tirets, 392, 395, 401, 415, 440 et 450, premier tiret, ci-dessus), et, de surcroît, elle a mis en œuvre plusieurs parties de l’entente, en appliquant les suppléments de prix fixés de manière concertée (considérants 191, 193, 195, 205, 206, 248, 274, 293, 372, 909 à 911, 915, 916 et 918 de la décision attaquée ; voir également points 439, premier tiret, et 450, deuxième tiret, ci-dessus), en prenant part aux échanges d’informations confidentielles entre concurrents (considérants 197, 198, 201, 202, 229 à 231, 262, 263, 910 et 913 de la décision attaquée ; voir également points 439, troisième tiret, et 450, deuxième tiret, ci-dessus) et, ce que la requérante ne conteste pas, en participant aux comportements visant à contrôler et à limiter la production et les ventes de ronds à béton à partir du 28 septembre 1998.

456    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 429 à 435 ci-dessus, ces circonstances permettent d’établir à suffisance de droit la participation de la requérante à l’entente, sans qu’il soit besoin de prouver qu’elle avait assisté aux réunions entre concurrents durant lesquelles les décisions concertées étaient arrêtées.

457    Dans ces conditions, au regard de la jurisprudence rappelée au point 436 ci-dessus, la simple dénégation de la requérante concernant sa participation aux réunions de l’entente durant lesquelles étaient fixés les prix ne suffit pas pour remettre en cause la valeur probante du large faisceau d’indices sérieux, précis et concordants permettant de fonder sa responsabilité au titre de l’entente.

458    L’argument doit donc être rejeté.

459    Deuxièmement, la requérante considère que, si la réception des communications de la Federacciai devait permettre de prouver sa participation à l’entente, il devrait en être de même concernant toutes les entreprises membres de la Federacciai.

460    À cet égard, selon la jurisprudence, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la portée des procédures qu’elle engage, et elle n’est donc pas obligée de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel. Ainsi, les juridictions de l’Union ne peuvent juger que la Commission, eu égard aux preuves à sa disposition, aurait dû établir l’existence d’une infraction à l’encontre d’une entreprise donnée (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 137 et jurisprudence citée).

461    En tout état de cause, il ressort de la décision attaquée que la situation de la requérante n’est pas la même que celle des entreprises non destinataires de cette décision. En effet, l’infraction a été dûment établie à l’encontre de la requérante, ce que la Commission a estimé ne pas être en mesure de faire à l’encontre de ces entreprises (considérant 812), et le Tribunal n’est pas saisi de la situation de ces dernières. En outre, l’analogie éventuelle de la situation de la requérante avec celle de ces entreprises ne permet pas d’écarter sa responsabilité, dès lors que celle-ci a été correctement établie (voir, en ce sens, arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 146).

462    L’argument doit donc être rejeté.

463    Troisièmement, la requérante fait valoir que, du fait de l’endroit où elle conduisait son activité, elle n’avait aucun intérêt à convenir du prix de base avec ses concurrents, car il s’agissait d’un prix « franco Brescia » (au départ de Brescia), alors qu’elle opérait dans la région du Frioul et fixait d’ordinaire des prix de vente « rendu destination ».

464    À cet égard, il convient de relever que l’application d’un prix « franco transporteur » permet au vendeur d’exclure de ses prix les coûts et les risques liés au transport et à la livraison de sa marchandise, alors que, en appliquant un prix « rendu (au lieu de) destination », le vendeur assume les risques liés à l’acheminement des marchandises jusqu’au lieu de destination.

465    En l’espèce, comme le rappelle la Commission, le prix de base fixé « départ Brescia » constituait le prix de référence, c’est-à-dire le point de départ commun pour la fixation des prix par chaque participant à l’entente, et non le prix qui devait nécessairement être facturé au client (voir notamment considérants 208, 397, 601, 641 et 747 de la décision attaquée).

466    En outre, conformément à la jurisprudence rappelée au point 449 ci-dessus, le fait que la requérante n’ait soi-disant pas donné suite aux décisions de l’entente sur le prix de base, faute d’intérêt à appliquer un tel prix, n’est pas de nature à écarter sa responsabilité au titre de l’entente. En effet, comme il a été rappelé au point 455 ci-dessus, d’une part, elle avait pleinement connaissance du fait que le prix de base exprimé en prix « franco Brescia » était fixé de manière coordonnée par les producteurs de ronds à béton et, d’autre part, elle ne s’est jamais distanciée publiquement de l’entente, et notamment des décisions relatives au prix de base. Au contraire, elle a, à plusieurs reprises, explicitement soutenu ces initiatives auprès de ses concurrents en donnant expressément son accord sur le prix de base convenu (voir points 385, premier et deuxième tirets, 392, 401, 415, 440, 450, premier tiret, et 455 ci-dessus).

467    De plus, les éléments suivants sur lesquels se fonde la Commission dans la décision attaquée, sans être valablement contestés par la requérante, montrent que cette dernière a pris en compte le prix de base fixé de manière concertée :

–        la note interne de la requérante transmettant à sa division commerciale et à ses agents la communication de la Federacciai du 10 octobre 1997, dans laquelle figurait notamment le nouveau prix de base adopté lors d’une réunion collusoire qui s’était tenue ce jour-là (considérant 294 ; voir également point 410, 414 et 438 ci-dessus) ;

–        sa note interne transmettant à sa division commerciale la communication de la Federacciai du 17 octobre 1997, dans laquelle figurait le nouveau prix de base adopté à l’unanimité lors d’une réunion des producteurs de ronds à béton qui s’était tenue la veille (considérant 290) ;

–        le fait que, à la suite de la réunion collusoire du 9 juin 1998, lors de laquelle il avait été convenu que tous les producteurs participants appliqueraient, avec effet immédiat et sans exception, un prix de base de « 190 ITL/kg BASE DÉPART », la requérante avait appliqué un prix de base supérieur à ce prix concerté (considérant 759) ;

–        le rapport de son directeur commercial du 10 décembre 1999 (visé au considérant 609 ; voir également point 421 ci-dessus) ;

–        son document interne relatif à la réunion du 11 janvier 2000, à laquelle elle avait participé (considérants 384 et 386).

468    L’argument doit donc être rejeté.

469    Quatrièmement, la requérante soutient qu’aucun élément du dossier d’enquête ne prouve qu’elle avait effectivement appliqué le prix de base convenu au sein de l’entente.

470    À cet égard, selon la jurisprudence rappelée au point 426 ci-dessus, la fixation régulière du prix de base dans le cadre de l’entente avait un objet anticoncurrentiel. La Commission n’avait donc pas à prouver quelque effet que ce soit sur le marché et, en particulier, que les prix fixés de manière concertée avaient été effectivement appliqués (voir également, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 122 à 124, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 269 à 271 et jurisprudence citée).

471    Il ressort, en tout état de cause, de la décision attaquée que la requérante était informée des décisions fixant le prix de base de manière concertée et ne s’en est jamais publiquement distanciée. En effet, elle a, au contraire, publiquement fait savoir à plusieurs reprises qu’elle soutenait ces initiatives (voir point 466 ci-dessus) et elle a tenu compte du prix de base concerté dans la détermination de sa propre stratégie commerciale (voir point 467 ci-dessus).

472    Dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 434 et 435 ci-dessus, la Commission a pu, à juste titre, retenir la responsabilité de la requérante au titre de l’infraction, y compris concernant le volet de l’entente sur le prix de base fixé de manière concertée, sans avoir à démontrer qu’elle avait effectivement appliqué ce prix.

473    L’argument doit donc être rejeté.

474    Pour les raisons qui précèdent, il convient d’écarter la première branche dans son intégralité.

f)      Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de valeur probante de la communication par la requérante à la Federacciai des informations sur sa production 

475    La requérante conteste que le fait qu’elle a communiqué à la Federacciai des informations sur sa production ait une valeur probante, en raison de l’absence de caractère confidentiel des informations transmises. Elle soutient n’avoir communiqué à la Federacciai qu’un seul document, le 12 décembre 1994, qui, selon elle, ne comportait que des informations isolées, sans lien avec les prix, portant sur une période écoulée (les mois de septembre, octobre et novembre 1994), et afin de permettre à cette association de producteurs d’exercer sa mission de compilation des données sur la production et le marché, conformément au statut légal dont elle bénéficiait en vertu de l’article 48 CA.

476    À cet égard, selon la jurisprudence, un échange d’informations entre concurrents enfreint l’article 65, paragraphe 1, CA lorsqu’il atténue ou supprime les incertitudes quant à leur comportement envisagé, ce qui affecte leur autonomie de décision (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, points 81 et 89 et jurisprudence citée, et du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 35, 41 et 43).

477    Tel est le cas lorsque l’échange entre concurrents porte sur des informations commercialement sensibles et qu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 134 et jurisprudence citée) ou qu’il en facilite la perpétration (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 385).

478    Sont notamment réputées commercialement sensibles les informations portant sur les ventes futures et les capacités de production actuelles et futures (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 157 à 159, et du 8 juillet 2020, Infineon Technologies/Commission, T‑758/14 RENV, non publié, EU:T:2020:307, point 96).

479    Il en est de même des informations commerciales portant sur une période écoulée mais récente si leur diffusion permet aux récepteurs d’en déduire la position qu’occupaient sur le marché les entreprises qui les ont communiquées (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 394 à 397 et 403 à 406).

480    Enfin, l’échange de telles informations par l’intermédiaire d’une association professionnelle peut contribuer au fonctionnement d’une entente et, par conséquent, enfreindre l’article 65, paragraphe 1, CA, car il peut influencer le comportement des entreprises de façon sensible, d’une part, du fait que chaque entreprise se sait surveillée de près par ses concurrents et, d’autre part, du fait que chaque entreprise peut, le cas échéant, réagir au comportement de ceux-ci, sur la base d’éléments nettement plus récents et plus précis que ceux qui seraient disponibles par d’autres moyens (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 403). 

481    En l’espèce, il ressort des éléments du dossier retenus dans la décision attaquée que, le 30 novembre 1994, la requérante a répondu à la télécopie de la Federacciai du 25 novembre 1994 en communiquant les données relatives à ses ventes de ronds à béton en Italie et à l’étranger au cours des mois de septembre, d’octobre et de novembre 1994 (considérant 198 de la décision attaquée).

482    Ensuite, le 12 décembre 1994, la requérante a répondu à une communication de la Federacciai du 5 décembre 1994 faisant état de décisions prises lors de la réunion du 1er décembre 1994, notamment celle d’enjoindre à chacun des producteurs de lui communiquer le poids en tonnes de ronds à béton produits en septembre, octobre et novembre 1994 (considérant 201 de la décision attaquée).

483    Enfin, entre le 29 août et le 1er septembre 1995, la requérante a communiqué à la Federacciai des données sur sa production. À cet égard, il ressort de la communication de la Federacciai du 29 août 1995, comportant la mention « À détruire après réception », que chaque entreprise s’était engagée à communiquer les données précisées dans un formulaire en annexe relatives aux productions de ronds à béton mensuelles prévues pour le dernier trimestre de 1995, aux quantités mensuelles exportées pendant les deux derniers trimestres de 1995, au niveau des stocks à la fin du mois d’août 1995 et aux livraisons sur le marché national et le marché à l’exportation aux mois de juillet et d’août 1995. Une fois compilées, les données obtenues ont été communiquées par la Federacciai à Leali, par télécopie du 1er septembre 1995. Dans ce second document, la Federacciai, d’une part, indiquait qu’elle recevait les données demandées aux entreprises et, d’autre part, reportait dans un tableau annexé les données demandées provenant de la requérante et de 23 de ses concurrents (considérants 229 à 231, 644 et 645 de la décision attaquée). Ces deux documents permettent donc d’établir que la requérante a aussi transmis à la Federacciai les données sollicitées.

484    Il ressort de ce qui précède que, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 478 et 479 ci-dessus, et contrairement à ce que soutient la requérante, les données échangées concernaient des informations commercialement sensibles, car il s’agissait des volumes de production, des ventes, des stocks et des livraisons qui portaient sur des périodes très récentes, couvrant les semaines qui précédaient les demandes, mais aussi sur des périodes futures, puisque l’échange qui a eu lieu entre le 29 août et le 1er septembre 1995 portait sur des données relatives aux semaines et aux mois suivant cette demande.

485    La requérante reconnaît, d’ailleurs, dans ses écrits que les échanges d’informations sur les projections de production ou de prix portant sur les périodes futures étaient interdits par l’article 65 CA.

486    En outre, il ressort de la télécopie de la Federacciai à Leali du 1er septembre 1995 que ce sont les données individuelles des producteurs collectées par cette association qui ont été communiquées à un de leurs concurrents, en l’occurrence Leali, sans qu’elles soient agrégées ni anonymisées.

487    Or, là encore, la requérante reconnaît que la diffusion entre concurrents d’informations commercialement sensibles et non agrégées est illicite.

488    Ainsi, conformément à la jurisprudence citée aux points 476, 477 et 480 ci-dessus, le fait pour les concurrents d’échanger de telles informations était susceptible de réduire fortement le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché et d’influencer leur comportement de façon importante, car ces informations, qui constituaient des éléments nettement plus récents et plus précis que ceux qui auraient été disponibles par d’autres moyens, pouvaient servir de référence pour leurs décisions futures quant à la planification de leur production et de leurs ventes et, finalement, de leurs prix.

489    La Commission a d’ailleurs constaté que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’échange des informations confidentielles n’était pas réalisé à des fins statistiques, mais servait l’objectif anticoncurrentiel de contrôler la production et les ventes afin de soutenir les prix des ronds à béton (considérants 231, 232, 641, 643, 645 et 721 de la décision attaquée) et constituait donc un instrument de contrôle et de gestion de l’entente.

490    La mention « À détruire après réception » qui figurait sur la communication de la Federacciai du 29 août 1995 (voir points 396 et 483 ci-dessus) ne laisse à cet égard aucun doute sur le fait que cette association avait pleinement conscience du caractère anticoncurrentiel de ce qu’elle demandait, tout comme la requérante lorsqu’elle a répondu à cette communication.

491    Dans ce contexte, contrairement à ce qu’avance la requérante, les échanges d’informations susvisés ne sauraient être justifiés par l’article 48 CA, lequel dispose expressément, dans son premier alinéa, que les associations d’entreprises peuvent exercer toute activité à condition qu’elle ne soit pas contraire aux dispositions du traité CECA. Tel n’est manifestement pas le cas des échanges d’informations commercialement sensibles susvisés, organisés par la Federacciai et auxquels la requérante a pris part.

492    Ainsi, la Commission a, à juste titre, considéré que la communication par la requérante de données confidentielles commercialement sensibles à la Federacciai permettait, avec les nombreux autres éléments de preuve qu’elle avait rassemblés contre la requérante, d’établir la responsabilité de cette dernière au titre de l’infraction en cause.

493    Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche doit être rejetée.

g)      Sur la troisième branche, tirée d’une absence de valeur probante des alignements des suppléments de prix de la requérante 

494    La requérante conteste la valeur probante des alignements de ses suppléments de prix sur ceux convenus lors des réunions entre concurrents. Elle invoque à cet égard deux griefs.

1)      Sur le premier grief, tiré d’un alignement sur les barèmes de prix publiés par la CCIAA de Brescia

495    La requérante considère que les alignements de ses suppléments de prix sur ceux fixés de manière coordonnée ne permettent pas d’établir sa participation à l’entente, car ces alignements sont intervenus après la publication des suppléments de prix coordonnés dans le bulletin de la Camera di Commercio, Industria, Artigianato e Agricoltura di Brescia (chambre de commerce de Brescia, Italie, ci-après la « CCIAA de Brescia »).

496    À cet égard, selon la jurisprudence, un parallélisme de comportement peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation si la concertation en constitue la seule explication plausible (arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 71).

497    En l’espèce, la Commission a retenu, dans la décision attaquée, que la requérante avait, entre le 1er avril 1993 et le 30 juin 1999, appliqué à huit reprises les suppléments de prix qui avaient été convenus dans le cadre de l’entente le 5 avril 1993 (considérants 191, 193, 195, 205, 206, 248, 274, 293, 372, 909 à 911, 915, 916 et 918 ; voir également points 388, 390, 393, 400, 413, 414 et 419 ci-dessus).

498    Il y a lieu d’observer d’emblée que la requérante ne conteste pas que les suppléments de prix publiés par la CCIA de Brescia avaient été préalablement fixés de manière coordonnée entre les concurrents, sous les auspices de la Federacciai, ni que c’est la Federacciai qui communiquait ces prix coordonnés à la CCIA de Brescia en vue de leur publication.

499    De plus, dans la réplique, la requérante a admis que, contrairement à ce qu’elle avait allégué dans la requête, les dates de publication, par la CCIA de Brescia, des nouveaux suppléments de prix étaient postérieures aux dates auxquelles elle avait adapté les siens.

500    Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, sur les huit alignements des suppléments de prix retenus contre elle dans la décision attaquée, cinq sont intervenus avant leur publication par la CCIA de Brescia, deux ont été mis en œuvre le jour même de cette publication et un seul a été mis en œuvre après la publication par la CCIA de Brescia. En effet, il ressort du dossier que :

–        les nouveaux suppléments de prix appliqués par la requérante le 5 avril 1993 correspondaient à ceux convenus lors de la réunion des producteurs de ronds à béton du 1er avril 1993 et communiqués, le même jour, par la Federacciai à tous ces producteurs, pour application aux nouvelles commandes à partir de cette même date et aux livraisons à partir du 5 avril 1993, date à laquelle la requérante a appliqué lesdits suppléments (voir considérants 190, 191 et 909 de la décision attaquée ; voir également point 388 ci-dessus) ; ces nouveaux suppléments de prix ont été publiés par la CCIAA de Brescia non pas avant leur application par la requérante, comme cette dernière le prétend, mais le jour de leur application, le 5 avril 1993 ; la Commission a ainsi pu en déduire à juste titre que l’augmentation des suppléments de prix de la requérante à cette même date s’inscrivait dans le cadre de sa participation à l’entente (considérant 909 de la décision attaquée), la requérante n’ayant apporté aucune explication alternative plausible à ce constat ;

–        de même, les nouveaux suppléments de prix appliqués par la requérante le 14 février 1994 correspondaient à ceux convenus lors de la réunion des producteurs de ronds à béton du 7 février 1994 et communiqués, le même jour, par la Federacciai à tous ces producteurs, pour application le 14 février 1994 (considérants 192 et 193 de la décision attaquée ; voir également points 389 et 390 ci-dessus) ; or, ces suppléments de prix n’ont été publiés par la CCIAA de Brescia que dans son bulletin du 21 février 1994, soit une semaine après l’application des nouveaux suppléments de prix de la requérante ; la Commission a donc pu retenir à juste titre que l’augmentation des suppléments de prix de la requérante du 14 février 1994 s’inscrivait dans le cadre de la participation de cette dernière à l’entente (considérant 910 de la décision attaquée) ;

–        le même schéma est constaté en ce qui concerne l’augmentation des suppléments de prix de la requérante intervenue les 1er et 6 septembre 1994 ; cette augmentation correspondait à celle qui avait été convenue par les producteurs le 30 août 1994 et qui avait été communiquée le même jour par la Federacciai pour être appliquée immédiatement (considérants 194 et 195 de la décision attaquée ; voir également point 389 et 390 ci-dessus) ; la requérante a effectivement procédé à l’augmentation convenue à partir du 1er septembre 1994, alors que la CCIAA de Brescia n’a publié les prix convenus que plusieurs jours après, en l’occurrence le 5 septembre 1994 ; dans ces conditions, la Commission a, là encore, pu retenir à juste titre que l’augmentation des suppléments de prix de la requérante des 1er et 6 septembre 1994 s’inscrivait dans le cadre de la participation de cette dernière à l’entente (considérant 910 de la décision attaquée) ;

–        l’adaptation des suppléments de prix effectuée par la requérante le 11 mars 1995 est intervenue trois jours après la publication de ces nouveaux suppléments par la CCIAA de Brescia dans son bulletin du 8 mars 1995 ; toutefois, les éléments du dossier montrent aussi que lesdits suppléments correspondaient à ceux figurant dans la communication de la Federacciai du 21 février 1995 (considérants 204 et 206 ; voir également point 393 ci-dessus) ; la Commission a donc pu en déduire à juste titre que cette adaptation s’inscrivait dans le cadre de la participation de la requérante à l’entente (considérant 911 de la décision attaquée), cette dernière n’ayant apporté aucune explication alternative plausible à ce constat ;

–        il est constaté en outre dans la décision attaquée que la requérante a augmenté ses suppléments de prix à partir du 12 février 1996 et que six de ses concurrents ont fait de même dans les jours et les semaines qui ont suivi, soit à partir du 15 février 1996 pour trois d’entre eux et à partir du 1er mars 1996 pour les trois autres (considérant 248 de la décision attaquée ; voir également point 400 ci-dessus) ; la preuve de ces augmentations est, en effet, apportée à partir du 15 février 1996 concernant Acciaieria di Darfo et Riva et à partir du 1er mars 1996 pour Leali et IRO ; de surcroît, le jour où la requérante a relevé ses suppléments de prix, soit le 12 février 1996, la Federacciai avait communiqué aux producteurs de ronds à béton la date de l’entrée en vigueur et l’importance de certaines de ces augmentations, qu’un concurrent avait l’intention d’appliquer (considérant 248, note en bas de page no 287, de la décision attaquée) ; or, cette augmentation des suppléments de prix est intervenue une semaine avant que ces nouveaux suppléments ne soient publiés par la CCIAA de Brescia dans son bulletin, à savoir le 19 février 1996 ; la Commission a donc pu en déduire à juste titre que l’application de ces nouveaux suppléments intervenue à cette date s’inscrivait dans le cadre de la participation de la requérante à l’entente, cette dernière n’ayant apporté aucune explication alternative plausible à ce constat (considérant 915 de la décision attaquée) ;

–        l’adaptation des suppléments de prix de la requérante du 11 juillet 1997 fait suite à une communication de la Federacciai du jour d’avant, le 10 juillet 1997 (considérant 274, premier alinéa, douzième et treizième tirets, de la décision attaquée ; voir également point 413 ci-dessus) ; or, cette adaptation était, une fois encore, antérieure à la date à laquelle la CCIAA de Brescia a publié ces nouveaux suppléments de prix dans son bulletin, à savoir le 21 juillet 1997 ; la Commission a donc pu en déduire que l’adaptation des suppléments de prix de la requérante du 11 juillet 1997 s’inscrivait dans le cadre de la participation de cette dernière à l’entente (considérant 916 de la décision attaquée) ;

–        l’adaptation du 3 novembre 1997 fait suite à une réunion collusoire du 10 octobre 1997 sur les prix, lesquels avaient été reproduits dans une communication de la Federacciai envoyée le même jour aux producteurs de ronds à béton (considérants 293 et 294 de la décision attaquée ; voir également point 414 ci-dessus) ; or, l’inscription manuscrite du directeur commercial de la requérante figurant sur cette communication, indiquant qu’il le transmettait à sa division commerciale et à ses agents, permet de supposer que l’adaptation est intervenue à la suite de la réception de la télécopie de la Federacciai, et non de la publication par la CCIAA de Brescia des nouveaux suppléments de prix dans son bulletin du 3 novembre 1997 ; en effet, comme le relève la Commission, la requérante n’avait aucune raison d’adresser une copie de la communication de la Federacciai sur les nouveaux suppléments de prix à sa division commerciale et à ses agents s’ils n’avaient pas dû s’adapter immédiatement à ces nouveaux prix dans leurs négociations avec les clients, alors que la publication ultérieure des prix dans les bulletins de la CCIAA de Brescia ne présentait aucune importance commerciale ; dans ces conditions, la Commission a pu en déduire à juste titre que l’adaptation des suppléments de prix de la requérante du 3 novembre 1997 s’inscrivait dans le cadre de la participation de cette dernière à l’entente (considérant 916 de la décision attaquée), la requérante n’ayant apporté aucune explication alternative plausible à ce constat ;

–        enfin, la requérante a modifié ses suppléments de prix le 30 juin 1999 ; la Commission a constaté dans la décision attaquée que six concurrents de la requérante avaient appliqué des nouveaux suppléments de prix identiques aux siens à partir du lendemain, 1er juillet 1999 (considérant 372 de la décision attaquée ; voir également point 419 ci-dessus) ; elle s’est notamment fondée à cet égard sur une circulaire d’IRO du 8 juin 1999, par laquelle cette entreprise informait tous ses agents et ses représentants des variations des suppléments de prix à appliquer à compter du 1er juillet 1999 ; or, il y a lieu de constater que cette circulaire a précédé de près d’un mois le bulletin de la CCIAA de Brescia du 5 juillet 1999, qui mentionnait ces nouveaux prix ; la Commission a aussi produit les nouveaux barèmes de Leali, de Riva et de Ferriera Valsabbia applicables à compter du 1er juillet 1999 (voir considérant 372 de la décision attaquée), soit avant la publication susvisée ; dans ces circonstances, la Commission a pu considérer à juste titre que la modification des suppléments de prix de la requérante intervenue le 30 juin 1999 continuait de s’inscrire dans le cadre de sa participation à l’entente (considérant 918 de la décision attaquée), en procédant à un alignement coordonné des prix avec ses concurrents, avant la publication de ces prix dans le bulletin de la CCIAA de Brescia.

501    Compte tenu de ce qui précède, la requérante ne saurait valablement soutenir que les huit modifications de ses suppléments de prix effectuées entre le 5 avril 1993 et le 30 juin 1999 constituaient un comportement autonome de sa part. Conformément à la jurisprudence rappelée au point 496 ci-dessus, la Commission a, au contraire, établi à suffisance de droit que ces modifications s’inscrivaient dans le cadre de la participation de la requérante à la concertation sur les suppléments de prix, dès lors qu’elles faisaient suite aux communications de nouveaux suppléments de prix fixés de manière coordonnée dans le cadre de l’entente, et non à la publication de ces nouveaux prix dans les bulletins de la CCIAA de Brescia, qui intervenait généralement après ces communications.

502    Les autres arguments invoqués par la requérante ne permettent pas de remettre en cause cette conclusion.

503    Premièrement, la requérante estime que les huit alignements de ses suppléments de prix susvisés ne permettent pas de prouver sa participation à l’entente, car il n’a pas été établi qu’elle avait participé à la fixation coordonnée des suppléments de prix sur lesquels elle s’était alignée.

504    À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que la requérante a souligné qu’elle ne contestait pas que les suppléments de prix publiés par la CCIAA de Brescia avaient été préalablement fixés de manière coordonnée entre les concurrents, sous les auspices de la Federacciai, ni que c’était la Federacciai qui communiquait ces prix coordonnés à la CCIA de Brescia en vue de leur publication. D’autre part, la preuve a été rapportée, au point 500 ci-dessus, que la requérante modifiait ses suppléments de prix lorsqu’elle était informée par la Federacciai des nouveaux prix convenus entre concurrents, et non en réaction à la publication de ces prix.

505    La requérante connaissait donc parfaitement l’origine anticoncurrentielle de la fixation des suppléments de prix qu’elle appliquait ensuite. Contrairement à ce qu’elle prétend, son comportement n’était donc en rien indépendant. Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 429 à 432, 434, 435 et 496 ci-dessus, il relevait, au contraire, d’une participation à une pratique concertée prohibée par l’article 65, paragraphe 1, CA.

506    L’argument doit donc être rejeté.

507    Deuxièmement, la requérante soutient que, si les dates de parution des bulletins de la CCIAA de Brescia étaient postérieures aux dates auxquelles elle a adapté ses suppléments de prix, c’est parce que les dates figurant dans le tableau des barèmes de ces prix qu’elle a fournis a posteriori à la Commission dans le cadre de l’enquête étaient, en réalité, celles des commandes reçues. Or, selon elle, ces commandes pouvaient avoir été antérieures à la publication des prix.

508    Selon les explications de la requérante, au moment de la commande, le prix de base qui figurait déjà dans ses barèmes était fixé, mais les suppléments de prix devaient être, selon les conventions passées avec les acheteurs, ceux en vigueur au moment de la commande d’après les bulletins de la CCIAA de Brescia, même si ces derniers avaient été publiés ultérieurement. Les factures étaient, ensuite, émises au moment de la livraison et, à ce moment, les suppléments de prix étaient connus, car ils avaient déjà été publiés par la CCIAA de Brescia et pouvaient être pris en compte, puisque les acheteurs les avaient préalablement acceptés.

509    À cet égard, cet argument ne permet en rien de prouver que, lorsque les commandes des clients étaient passées, la requérante ne connaissait pas déjà les suppléments de prix fixés dans le cadre de l’entente qu’elle allait leur appliquer.

510    En tout état de cause, la requérante ne fournit aucun élément de nature à prouver l’existence de l’accord passé avec les acheteurs qu’elle invoque. Or, comme le relève la Commission, il est peu crédible, d’une part, que ces derniers aient accepté de passer commande sans faire référence à un prix déterminé et, d’autre part, que les producteurs aient invité ou contraint leurs clients à le faire, alors que, à la date de la commande, ces producteurs connaissaient déjà le montant des suppléments de prix fixés dans le cadre de l’entente qu’ils allaient appliquer à leurs clients, notamment à la suite des communications de la Federacciai.

511    L’argument doit donc être rejeté.

512    Troisièmement, la requérante fait valoir, d’une part, que sa taille modeste sur le marché l’a contrainte à s’aligner sur les suppléments de prix concertés et, d’autre part, que sa localisation excentrée par rapport à Brescia l’a empêchée d’exercer une influence sur les décisions des entreprises qui occupaient les positions de chefs de file du secteur.

513    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 65, paragraphe 1, sous a), CA interdit notamment les pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à fixer ou à déterminer les prix.

514    Il ressort de cette disposition qu’une pratique concertée qui consiste à fixer ou à déterminer directement ou indirectement les prix a un objet anticoncurrentiel. Elle est interdite sans que les effets de cette pratique aient à être pris en compte, car cette forme de collusion entre entreprises est considérée, par sa nature même, comme nuisible au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 29, 36 et 37).

515    Partant, ni la taille de la requérante sur le marché ni sa localisation ne constituent des circonstances qui lui permettent d’échapper à sa responsabilité au titre de l’article 65, paragraphe 1, CA pour sa participation aux accords et aux pratiques concertées ayant pour objet la fixation des prix des ronds à béton. Sa taille pouvait, tout au plus, être prise en compte dans le calcul du montant de l’amende, comme cela a été fait (voir considérants 961 et 962 de la décision attaquée).

516    L’argument doit donc être rejeté.

517    Quatrièmement, la requérante invoque l’application du régime de publicité des barèmes de prix prévu à l’article 60, paragraphe 2, CA et la jurisprudence relative à cette disposition.

518    À cet égard, il convient de rappeler que les barèmes de prix publiés en application de l’article 60 CA doivent être fixés par chaque entreprise de façon indépendante, sans accord, même tacite, entre elles (arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 312), ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

519    En pareilles circonstances, le fait que les prix aient été publiés ultérieurement dans les bulletins de la CCIAA de Brescia est dépourvu de pertinence, puisqu’il ne saurait légitimer a posteriori une entente préalable sur les prix qui est interdite par l’article 65, paragraphe 1, CA (voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, points 312 et 313).

520    L’argument doit donc être rejeté.

521    Au regard de ce qui précède, la participation à la concertation sur les suppléments de prix constitue la seule explication plausible aux alignements de ces suppléments effectués par la requérante. En effet, cette dernière n’a pas démontré l’existence de circonstances permettant de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence de l’infraction commise par la requérante.

522    Pour cette raison et pour l’ensemble des considérations qui précèdent, le grief doit être rejeté.

2)      Sur le second grief, tiré de l’existence d’une pratique souhaitée par les clients

523    La requérante fait valoir que l’alignement des suppléments de prix ne résulte pas d’une entente, mais d’une pratique souhaitée par les acheteurs pour faciliter les négociations.

524    En effet, en focalisant la négociation uniquement sur le prix de base, cela permettrait aux acheteurs de procéder à une comparaison simplifiée des différentes offres, tout en étant ensuite certains du montant du supplément de prix qui leur serait appliqué selon le diamètre du produit, qu’ils ne connaissent généralement pas encore au stade de la commande.

525    Ce grief doit être examiné à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 496 ci-dessus, selon laquelle un parallélisme de comportement peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation si cette concertation en constitue la seule explication plausible.

526    En l’espèce, la Commission a prouvé à suffisance de droit que l’uniformité des suppléments de prix appliqués par la requérante et ses concurrents était le fruit d’une concertation préalable entre les producteurs.

527    En outre, même à supposer que l’uniformité des suppléments de prix ait visé à faciliter les négociations entre producteurs et clients dans le secteur, une telle circonstance ne permettrait pas nécessairement d’exclure l’existence d’une pratique concertée prohibée. En tout état de cause, aucune pièce du dossier ne vient au soutien de cette allégation.

528    D’ailleurs, comme il est indiqué au considérant 627 de la décision attaquée, si l’alignement des suppléments de prix avait été le résultat du fonctionnement normal du marché ou d’une pratique du secteur associant les clients, il serait difficile de comprendre pourquoi les parties à l’entente auraient éprouvé la nécessité de se réunir régulièrement pour s’accorder sur les augmentations de ces prix.

529    Le grief doit donc être rejeté.

530    Il convient donc d’écarter la troisième branche et, partant, l’ensemble du septième moyen.

531    Par conséquent, la demande de réduction de l’amende présentée par la requérante au motif que sa participation à l’entente se limiterait à avoir pris part à la limitation et au contrôle de la production et des ventes entre septembre 1998 et juillet 2000 doit être rejetée.

532    En effet, la Commission a établi à suffisance de droit la participation de la requérante aux volets de l’entente relatifs au prix de base et aux suppléments de prix entre le 1er avril 1993 et le 4 juillet 2000, soit durant une période de plus de sept ans.

2.      Sur le huitième moyen, tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive

533    La requérante soutient que la majoration du montant de l’amende décidée par la Commission au titre de la récidive est illégale.

534    Le moyen contient cinq griefs. Ils sont tous contestés par la Commission.

a)      Sur le premier grief, tiré de la violation des droits de la défense dans la prise en compte de la récidive

535    La requérante soutient qu’est illégale la majoration de 50 % du montant de base de l’amende, que la Commission a appliquée au titre de la récidive, car elle n’a pas été mise en mesure de présenter des observations sur ce point durant la procédure administrative, en violation de ses droits de la défense.

536    Plus précisément, la Commission n’aurait pas indiqué son intention de retenir cette circonstance aggravante dans la communication des griefs, laquelle communication comportait seulement :

–        une affirmation générale, valant pour toutes les entreprises, selon laquelle la Commission tiendrait compte de toute circonstance aggravante ;

–        une mention de la décision de sanction antérieure, à savoir la décision 89/515/CEE de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/31.553 – Treillis soudés) (JO 1989, L 260, p. 1), sans lien avec une éventuelle prise en compte de la récidive, puisqu’elle figurait dans une note en bas de page, afin de définir les produits concernés par cette affaire.

537    La requérante fait valoir qu’aucune indication supplémentaire n’a été fournie par la suite, alors que la Commission a disposé de plusieurs occasions pour informer sur ce point les entreprises concernées, dont elle, notamment dans la communication des griefs supplémentaires, dans la lettre du 15 décembre 2017 annonçant la reprise de la procédure, dans les demandes de renseignements qui ont suivi, lors de l’audition du 23 avril 2018 ou encore durant la réunion du 21 juin 2019, mentionnée au point 27 ci-dessus, qui s’est tenue avec les services de la Commission.

538    À cet égard, il convient de relever que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage de retenir contre elle, dans ce cadre, la récidive en qualité de circonstance aggravante, la communication des griefs qu’elle adresse à cette personne doit contenir tous les éléments permettant à cette dernière d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C‑93/13 P et C‑123/13 P, EU:C:2015:150, point 96).

539    En ce sens, la Commission s’est engagée, au point 84 de sa communication concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6), à mentionner dans la communication des griefs, « de manière suffisamment précise », les éléments pouvant constituer des circonstances aggravantes.

540    Or, la récidive doit être analysée, selon une jurisprudence constante, comme constituant une circonstance pouvant revêtir ce caractère aggravant (voir, en ce sens, arrêts du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, EU:T:1999:48, point 618, et du 11 mars 1999, Unimétal/Commission, T‑145/94, EU:T:1999:49, point 585).

541    L’obligation décrite aux points 538 à 540 ci-dessus découle de l’obligation de respecter les droits de la défense, laquelle obligation fait l’objet d’un principe général selon lequel, dans toute procédure pouvant aboutir à des sanctions, notamment des amendes ou des astreintes, les entreprises et les associations d’entreprises concernées doivent être mises en mesure, dès la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des griefs et des circonstances allégués contre elles (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, EU:T:2002:75, point 189 et jurisprudence citée).

542    Lorsqu’il contrôle si le principe des droits de la défense a été respecté, le juge de l’Union doit prendre en compte toutes les circonstances de l’affaire afin d’assurer que l’intention de la Commission de retenir une infraction ou une circonstance déterminée était suffisamment prévisible, aux yeux de l’entreprise concernée, pour qu’il puisse être considéré que cette dernière avait été mise en mesure de formuler ses observations sur le point considéré.

543    En l’espèce, la communication des griefs, datée du 26 mars 2002, indiquait, dans la note en page no 2, que la requérante avait été visée antérieurement par une décision établissant qu’elle avait commis une infraction grave aux règles de concurrence et lui imposant à ce titre une sanction déterminée.

544    Par ailleurs, la communication des griefs signalait que la Commission avait l’intention d’infliger une amende aux entreprises destinataires, dont la requérante, en tenant compte de divers éléments.

545    Ainsi, la communication des griefs indiquait, au considérant 314, que, pour déterminer le montant des amendes, la Commission considérerait les circonstances de l’espèce et, en particulier, la gravité et la durée de l’infraction, en rappelant qu’un accord ou une pratique concertée tel qu’un cartel de prix et de répartition des marchés constituait une infraction très grave au droit de l’Union.

546    Au considérant 314 de la communication des griefs, la Commission annonçait également son intention que le montant de l’amende qui serait infligée à chaque entreprise reflète les circonstances aggravantes ou atténuantes pouvant être retenues à son égard, ce montant devant être fixé à un niveau assurant un effet dissuasif suffisant.

547    Par la suite, la Commission a fait savoir à la requérante, dans sa lettre du 15 décembre 2017 annonçant la reprise de la procédure administrative, que, dans la décision qu’elle prendrait au terme de la procédure, elle se fonderait sur les griefs résultant de la communication des griefs, qui avait donné lieu à l’adoption des décisions de 2002 et de 2009.

548    Or, la récidive avait été retenue, dans ces décisions, pour le calcul du montant de l’amende de la requérante, au titre des circonstances aggravantes.

549    Pour autant que de besoin, il convient d’ajouter que, dans la lettre du 15 décembre 2017, la Commission a insisté sur le fait que, au cours de l’audition, les entreprises concernées pourraient débattre en détail et sans limites de tous les aspects du cas d’espèce, ouvrant ainsi la voie à la possibilité pour la requérante, en tant qu’entreprise concernée, d’indiquer, le cas échéant, en quoi elle estimait que la récidive ne pouvait être retenue contre elle au titre des circonstances aggravantes.

550    Dans ces conditions, il convient de relever, au terme d’un examen portant sur l’ensemble des circonstances ayant entouré le dossier, que, dans la présente affaire, les conditions étaient réunies, d’une part, pour que soit suffisamment prévisible l’intention de la Commission de prendre en compte, au titre de la récidive, la décision de sanction antérieurement adressée à la requérante et, d’autre part, pour que cette dernière ait l’occasion de présenter ses observations sur ce point.

551    Le grief doit donc être rejeté.

b)      Sur le deuxième grief, concernant le délai entre les deux infractions prises en compte

552    La requérante soutient que le délai utile pour apprécier la récidive, à savoir le temps écoulé entre le constat de la première infraction et le moment où l’entreprise concernée a entrepris le nouveau comportement illicite, était, en l’espèce, de neuf ans, dès lors que sa participation à l’entente remontait à 1998, et non à 1993 comme l’a considéré la Commission dans la décision attaquée. Or, un tel délai serait excessif pour retenir la récidive.

553    À cet égard, il convient de rappeler que, dans une optique de dissuasion, la récidive est une circonstance qui justifie, selon la jurisprudence, une augmentation considérable du montant de base de l’amende. Elle constitue, en effet, la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive (voir arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 398 et jurisprudence citée).

554    S’agissant du temps écoulé entre les deux infractions, ni le règlement no 1/2003 ni les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 ») ne prévoient un délai maximal pour la prise en compte de la récidive et il a été jugé que l’absence d’un tel délai ne violait pas, par elle-même, le principe de sécurité juridique (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, points 66 et 67).

555    Toutefois, si aucun délai de prescription ne s’oppose à la constatation d’un état de récidive, il n’en demeure pas moins que, pour respecter le principe de proportionnalité, la Commission ne saurait prendre en considération une ou des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps (arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 70).

556    Il incombe ainsi au juge de l’Union de vérifier si, au regard des faits de l’espèce, la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive est justifiée, notamment en ce qu’elle serait révélatrice d’une propension de l’entreprise concernée à s’affranchir des règles de concurrence, eu égard notamment au peu de temps qui s’est écoulé entre le précédent manquement aux règles de concurrence et l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 70).

557    En l’espèce, compte tenu du rejet du septième moyen, dans lequel la requérante a contesté les preuves recueillies par la Commission pour démontrer qu’elle avait participé à l’infraction depuis le 1er avril 1993, le délai entre les deux infractions était de trois ans et huit mois, et non de neuf ans, comme elle le prétend.

558    À cet égard, il y lieu de relever que, selon la jurisprudence, un laps de temps d’un peu moins de dix ans séparant deux infractions peut être considéré comme étant relativement bref et témoigne ainsi de la propension d’une entreprise à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat d’infraction aux règles de concurrence prononcé à son égard (arrêt du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 40).

559    Dans ce contexte, la Commission a pu estimer à juste titre qu’une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive se justifiait en l’espèce, eu égard à la propension de la requérante à violer les règles de concurrence, dont témoigne le peu de temps qui s’est écoulé entre les deux infractions en cause, à savoir trois ans et huit mois.

560    Cette conclusion est contestée par la requérante au motif que le délai pris en compte par la Commission pour apprécier, en l’espèce, la récidive devait être d’autant plus court que la première infraction avait été qualifiée de « grave » seulement.

561    À cet égard, il suffit de relever que les deux infractions imputées par la Commission à la requérante constituent des infractions de même type au sens du paragraphe 2 des lignes directrices de 1998, à savoir, dans les deux cas, une entente consistant notamment à fixer les prix (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, EU:T:2003:250, points 285 et 286 ; du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, EU:T:2007:380, point 64, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, EU:T:2010:255, point 380).

562    Dans la prise en compte de la récidive, ce qui importe, selon la jurisprudence, est le fait que, malgré le constat d’une infraction au droit de la concurrence, l’entreprise en question l’a violé à nouveau. C’est ainsi que, au point 399 de l’arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission (T‑53/03, EU:T:2008:254), le Tribunal a rejeté un argument tiré du rôle mineur et passif de l’entreprise en cause dans la première infraction.

563    À cette occasion, le Tribunal a relevé que « la prise en compte de la récidive vis[ait] à inciter les entreprises […] qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de concurrence […] à modifier leur comportement, dès lors qu’il s’avère qu’un précédent constat d’infraction de sa part n’a pas suffi à prévenir la réitération d’un comportement infractionnel ». Ainsi, le Tribunal a précisé que « l’élément déterminant de la récidive n’[étai]t pas l’imposition préalable d’une amende, et a fortiori le montant de celle-ci, mais le constat préalable d’une infraction » (arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 388).

564    Le grief doit donc être rejeté.

c)      Sur le troisième grief, concernant le délai écoulé entre les infractions prises en compte et l’adoption de la décision attaquée 

565    À titre liminaire, il convient de relever que, dans l’examen du précédent grief, le Tribunal a été amené à apprécier le délai qui s’est écoulé entre les deux infractions qui ont été prises en compte par la Commission au titre de la récidive.

566    Dans le troisième grief, la requérante invite le juge de l’Union à apprécier, au regard du principe de proportionnalité, un autre délai, à savoir celui qui s’est écoulé entre, d’une part, les infractions retenues pour la prise en compte de la récidive et, d’autre part, l’adoption par la Commission de la décision attaquée, dans laquelle elle a majoré le montant de base de l’amende au titre de la récidive.

567    Selon la requérante, dès lors que ce délai est excessivement long, la récidive ne serait pas apte à produire un effet dissuasif et à remplir, ainsi, sa finalité, de sorte que la Commission violerait le principe de proportionnalité en retenant, dans ce cas de figure, la récidive.

568    À l’appui de sa position, la requérante souligne les circonstances particulières de l’espèce, où, en raison de l’annulation des décisions de 2002 et de 2009, la Commission a, au titre de la récidive, tenu compte de comportements ayant débuté en 1985, soit 34 ans auparavant, et ayant été constatés en 1989, soit 30 ans auparavant, pour la première infraction, afin de sanctionner un comportement ayant cessé en 2000, soit 19 ans avant l’adoption de la décision attaquée.

569    À cet égard, il convient de rappeler que, selon le principe de proportionnalité, les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑180/00, EU:C:2005:451, point 103).

570    En ce qui concerne la récidive, la jurisprudence requiert de la Commission que, en vue de déterminer le montant de l’amende, elle veille au caractère dissuasif de son action. Or, un moyen de garantir cet effet dissuasif est de retenir la récidive en majorant le montant de l’amende. La prise en compte d’une récidive vise ainsi à inciter les entreprises qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de concurrence à modifier leur comportement (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑38/07, EU:T:2011:355, point 98 et jurisprudence citée).

571    Selon la jurisprudence mentionnée au point 553 ci-dessus, la récidive est une circonstance qui justifie une augmentation considérable du montant de base de l’amende, car elle constitue la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive.

572    Comme cela a été indiqué au point 555 ci-dessus, la Commission n’est pas liée par un éventuel délai de prescription pour constater la récidive. Elle ne saurait, toutefois, prendre en considération une ou des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps.

573    Le constat et l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive font partie du pouvoir d’appréciation de la Commission et celle-ci peut, dans chaque cas, lorsqu’elle fixe un taux de majoration au titre de la récidive, prendre en considération les indices tendant à confirmer la propension d’une entreprise à s’affranchir des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑38/07, EU:T:2011:355, point 98).

574    Partant, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir retenu, en l’espèce, la récidive au regard du délai qui s’est écoulé entre la ou les premières infractions constatées et celle qui est sanctionnée dans la décision attaquée. En effet, c’est cet élément qui témoigne de la propension de l’entreprise à s’affranchir des règles de concurrence et qui justifie, dès lors, la volonté d’orienter le comportement de cette entreprise vers le respect des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 354, et du 13 décembre 2012, Versalis et Eni/Commission, T‑103/08, non publié, EU:T:2012:686, point 266).

575    Or, comme il est indiqué au point 557 ci-dessus, le délai utile était bref, puisqu’il était de trois ans et huit mois. Dès lors que la propension de la requérante à s’affranchir des règles du droit de la concurrence était établie, il ne saurait être valablement reproché à la Commission d’avoir doté la décision attaquée d’un effet dissuasif, et ce malgré le fait que l’enquête ait duré un certain temps, en raison des aléas judiciaires qu’elle a connus.

576    La requérante soutient toutefois que, en raison de l’ancienneté des infractions, la décision attaquée ne pouvait plus avoir aucun effet dissuasif lorsqu’elle a été adoptée. Elle fait par ailleurs valoir qu’elle s’est abstenue de toute infraction depuis l’année 2000.

577    À cet égard, il convient de rappeler que, comme cela a été indiqué aux points 298 à 300 ci-dessus, s’il ne peut être exclu que la menace de sanction qui a pesé sur la requérante durant toute l’enquête et l’infliction d’une sanction à deux reprises aient pu avoir un certain effet dissuasif, il n’empêche que c’est la sanction, c’est-à-dire le fait de payer l’amende infligée par la Commission, telle que majorée au titre de la récidive, qui dissuade effectivement une entreprise de se rendre à nouveau coupable d’une violation des règles de concurrence.

578    Dans ces conditions, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en garantissant, par la prise en compte de la récidive, que l’amende infligée à la requérante dans la décision attaquée soit suffisamment dissuasive.

579    Pour l’ensemble des raisons exposées, le grief doit être rejeté.

d)      Sur le quatrième grief, concernant le taux de majoration appliqué au titre de la récidive

580    La requérante soutient qu’un taux de majoration de 50 % au titre de la récidive est excessif dans les circonstances de l’espèce, notamment parce qu’elle n’avait commis qu’une seule infraction, sans grande gravité, auparavant.

581     À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003, la Commission peut imposer, par voie de décision, des amendes aux entreprises ayant commis une infraction à l’article 101 TFUE et, dans ce cadre, prendre en considération la gravité et la durée de l’infraction (arrêt du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, EU:T:2011:218, point 96).

582    Selon la jurisprudence, l’analyse, lorsqu’elle porte sur la gravité de l’infraction, doit tenir compte d’une éventuelle récidive (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 91, et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 348).

583    Comme il a été indiqué au point 553 ci-dessus, dans une optique de dissuasion, la récidive est une circonstance qui justifie une augmentation considérable du montant de base de l’amende. Elle constitue, en effet, la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive.

584    La jurisprudence indique, par ailleurs, que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique en ce qui concerne les amendes en matière de concurrence. La Commission n’est pas non plus tenue d’appliquer des formules mathématiques précises (voir arrêt du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, EU:T:2011:218, point 100 et jurisprudence citée).

585    La Commission dispose, en effet, d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer le montant des amendes et n’est pas liée, dans ce cadre, par les appréciations qu’elle a pu effectuer antérieurement. Ce large pouvoir doit lui permettre d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence. Selon la jurisprudence, une application efficace des règles de concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (voir arrêt du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, EU:T:2011:218, points 100 et 101 et jurisprudence citée).

586    Dans ce contexte, la Commission peut élever le niveau de l’amende dans les limites indiquées par le règlement no 1/2003, si cela s’avère nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, EU:T:2011:218, point 101).

587    En l’espèce, la Commission a constaté à juste titre, au considérant 970 de la décision attaquée, que la requérante s’était déjà rendu coupable d’une infraction similaire aux règles de concurrence, ce qui lui avait valu une première condamnation. Elle a ainsi rappelé que cette entreprise avait été destinataire d’une décision du 2 août 1989 lui infligeant une amende pour sa participation à une entente portant sur la fixation des prix et la limitation des ventes dans le secteur des treillis soudés. Tenant compte de cette circonstance aggravante, elle a augmenté le montant de base de l’amende infligée à la requérante de 50 % afin de lui donner un caractère dissuasif.

588    Or, il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 553 ci-dessus que, dans une optique de dissuasion, la récidive est une circonstance justifiant une augmentation considérable du montant de base de l’amende. Aussi, après avoir constaté que la requérante s’était rendue coupable d’une infraction du même type par le passé, la Commission pouvait valablement décider de majorer de manière importante le montant de base de l’amende infligée, à savoir à hauteur de 50 %, car la répétition de l’infraction démontrait que la sanction antérieure n’avait pas été suffisamment dissuasive.

589    À cet égard, il peut être relevé que, dans le contexte des lignes directrices de 1998, une majoration de 50 % a été considérée, dans la jurisprudence, comme proportionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 399).

590    Dans le même sens, une majoration de 90 % au titre de la récidive en application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2) a été considérée comme proportionnelle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 mai 2011, Arkema France/Commission (T‑343/08, EU:T:2011:218, point 104).

591    Les lignes directrices visées au point 590 ci-dessus ont succédé à celles de 1998, appliquées dans la présente affaire. Elles prévoient en substance, en leur point 28, premier tiret, que, en cas de récidive, le montant de base de l’amende sanctionnant chaque nouvelle infraction identique ou similaire à celle préalablement constatée par la Commission peut être augmenté d’un facteur pouvant aller jusqu’à 100 %.

592    La requérante soutient que l’aggravation infligée au titre de la récidive est excessive, dès lors que, d’une part, elle aurait commis une seule infraction antérieurement et que, d’autre part, cette infraction n’aurait pas été qualifiée de « très grave » par la Commission à l’époque.

593    À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, l’amende a été majorée au titre de la récidive au motif que, malgré une première condamnation, la requérante avait continué à violer les règles de concurrence, ce qui suffit, comme il résulte de la jurisprudence, pour procéder à une telle majoration.

594    Comme cela a été indiqué dans la réponse donnée au premier grief, la gravité de l’infraction antérieure ou le rôle joué par l’entreprise récidiviste dans le cadre de cette infraction ne sont pas déterminants, l’essentiel étant la circonstance que, malgré le constat d’une première infraction, l’entreprise en question ait continué à enfreindre le droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 399).

595    Le grief doit donc être rejeté.

e)      Sur le cinquième grief, concernant la motivation justifiant le taux de majoration appliqué au titre de la récidive

596    La requérante soutient que la Commission n’a pas justifié, dans la décision attaquée, le taux de majoration appliqué et a, par conséquent, violé son obligation de motivation.

597    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 147 et 150, et du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 220 et jurisprudence citée).

598    La motivation ne doit pas spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents, mais peut s’apprécier au regard de son libellé, de son contexte et des règles régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 220 et jurisprudence citée).

599    En ce qui concerne le calcul du montant de l’amende, la motivation doit être appréciée au regard des dispositions de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, qui prévoit que, « [p]our déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci » (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 221 et jurisprudence citée).

600    À cet égard, les lignes directrices de 1998 ainsi que la communication sur la coopération, applicables en l’espèce, contiennent des règles indicatives sur les éléments d’appréciation dont il est tenu compte par la Commission pour mesurer la gravité et la durée de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 331 et jurisprudence citée).

601    Dans ce contexte, il est satisfait à l’obligation de motivation lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation dont elle a tenu compte en application de ses lignes directrices et, le cas échéant, de la communication sur la coopération et qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, EU:T:2008:254, point 331 et jurisprudence citée).

602    Ainsi, il n’incombe pas à la Commission, au titre de l’obligation de motivation, d’indiquer, dans sa décision, tous les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 66).

603    Selon la Cour, en effet, l’indication de données chiffrées relatives au mode de calcul du montant des amendes, aussi utiles soient-elles, n’est pas indispensable au respect de l’obligation de motivation d’une décision infligeant des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d’appréciation (arrêt du 2 octobre 2003, Salzgitter/Commission, C‑182/99 P, EU:C:2003:526, point 75).

604    En l’espèce, la Commission a évalué les circonstances aggravantes aux considérants 969 et 970 de la décision attaquée. Elle a ainsi déclaré que, dès lors que la requérante avait déjà été destinataire de sa décision du 2 août 1989 pour la participation à une entente portant sur la fixation des prix et la limitation des ventes dans le secteur des treillis soudés, elle estimait nécessaire d’augmenter de 50 % le montant de base de l’amende infligée à celle-ci.

605    La Commission a ainsi exposé les raisons pour lesquelles elle a décidé d’aggraver la sanction infligée à la requérante au titre de la récidive et indiqué par le choix du taux de 50 % le niveau de gravité du comportement de récidive qu’elle a retenu. À la lumière de la jurisprudence mentionnée aux points 597 à 603 ci-dessus, une telle motivation est suffisante et il n’était pas exigé de la Commission qu’elle explique davantage pourquoi le pourcentage précis appliqué, à savoir 50 %, était adéquat.

606    Le grief doit donc être rejeté et, partant, le huitième moyen considéré dans son ensemble.

607    Par conséquent, la demande de réduction de l’amende présentée par la requérante sur le fondement de ce moyen doit aussi être rejetée.

3.      Sur le neuvième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la prise en compte des circonstances atténuantes et du caractère tardif des motifs justifiant l’octroi d’une réduction d’amende

608    La requérante soutient avoir été traitée moins favorablement, au regard des circonstances atténuantes, qu’une autre entreprise, en l’occurrence Riva, dans les faits ayant donné lieu au présent litige. Selon elle :

–        sa participation globale à l’entente a duré sept ans, mais elle n’a pas participé durant trois ans au volet de l’entente lié à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes ; à ce titre, elle a bénéficié d’une réduction de 6 %, dans la décision attaquée, pour les trois années où elle n’a pas participé à ce volet de l’entente, ce qui correspondait à une réduction de 2 % par an ;

–        de son côté, Riva a participé pendant dix ans et six mois à l’entente globale, mais n’a pas participé au même volet de l’entente pendant un an ; Riva a bénéficié d’une réduction de 3 % pour cette non-participation durant une année.

609    Sur cette base, la requérante soutient que, pour le calcul du montant de base de l’amende, elle a bénéficié d’une réduction deux fois plus importante seulement que celle accordée à Riva, alors que sa non-participation à une composante de l’entente était trois fois plus longue que celle de Riva.

610    Le moyen comporte deux griefs, qui sont contestés par la Commission.

a)      Sur le premier grief, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

611    La requérante invoque une violation du principe d’égalité de traitement, en ce qu’elle aurait bénéficié d’une réduction proportionnellement moins importante que celle accordée, dans le calcul du montant de l’amende, à l’entreprise Riva.

612    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’égalité de traitement requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld, C‑303/05, EU:C:2007:261, point 56, et du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, EU:T:2011:218, point 108).

613    Pour le calcul du montant des amendes, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui appartiennent à la Commission, dès lors que celle-ci doit individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres à chaque entreprise, pour garantir, dans chaque cas, la pleine efficacité des règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2009, SGL Carbon/Commission, C‑564/08 P, non publié, EU:C:2009:703, point 43, et du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 92 et jurisprudence citée).

614    À cet égard, il peut être relevé que, pour les deux entreprises concernées, ni la durée de la participation globale à l’entente ni la durée de leur non-participation au volet de l’entente en cause ne sont identiques :

–        pour la requérante, la participation globale à l’entente a été de sept ans, tandis qu’elle a été de dix ans et six mois pour Riva ;

–        quant à la durée de non-participation au volet de l’entente concerné, elle a été de trois ans pour la requérante et d’un an pour Riva.

615    Dans ce contexte, la Commission a justifié la réduction accordée à Riva par la nécessité qu’il y aurait de pondérer la réduction accordée en raison de la non-participation à un volet de l’entente en fonction de la durée de la participation globale de chacune des entreprises à l’ensemble de l’entente.

616    La Commission a, en effet, estimé que, la participation globale à l’entente étant plus longue pour Riva, l’effet de sa non-participation à un volet de l’entente était plus important.

617    Elle affirme, dans ce cadre, qu’il ressort du considérant 973 de la décision attaquée que la participation de la requérante et de Riva à l’ensemble de l’entente était un facteur important qui devait être pris en compte aux fins de l’appréciation de la circonstance atténuante en cause. Elle soutient ainsi que, en rapportant le coefficient de réduction pour la non-participation à une composante de l’entente à la durée de la participation à l’ensemble de l’entente, elle a effectivement pu mettre l’accent sur le différent poids spécifique, dans les deux cas, de la non-participation à un volet de l’entente pendant un certain laps de temps. En revanche, le critère différent proposé par la requérante ne permettrait pas de tenir compte du facteur relatif à la durée différente de la participation des deux entreprises à l’infraction dans son ensemble.

618    À cet égard, il convient de relever que, comme il est indiqué au point 613 ci-dessus, la Commission, au moment de calculer le montant des amendes infligées aux entreprises ayant participé à une entente, est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres à ces entreprises, afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles du droit de l’Union de la concurrence.

619    En outre, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, la Commission doit examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles (voir arrêt du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115, point 622 et jurisprudence citée), afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes (arrêt du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, EU:T:2008:416, point 190).

620    Il en résulte que, aux fins de l’évaluation des circonstances atténuantes, la Commission était tenue, conformément à cette jurisprudence, d’examiner la gravité relative de la participation des entreprises à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115, point 630 et jurisprudence citée).

621    À cet égard, il convient de souligner que l’appréciation de la gravité relative de la participation de diverses entreprises à une infraction se distingue de l’appréciation de la gravité de l’infraction elle-même, cette seconde appréciation étant utilisée pour déterminer le niveau de départ de l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, EU:T:2003:193, point 189 ; du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, EU:T:2008:416, point 100, et du 30 avril 2009, CD-Contact Data/Commission, T‑18/03, EU:T:2009:132, point 95).

622    À la lumière de cette jurisprudence, il apparaît que, au moment d’accorder une réduction aux deux entreprises concernées :

–        s’agissant de la requérante, la Commission a réduit l’amende qui lui est infligée de 6 %, comme le Tribunal l’avait fait aux points 324 et 325 de l’arrêt du 9 décembre 2014, Ferriere Nord/Commission (T‑90/10, non publié, EU:T:2014:1035), annulé par la Cour ;

–        pour déterminer la réduction à consentir à Riva, la Commission a tenu compte de la gravité relative de la participation des deux entreprises concernées à l’infraction, conformément à l’exigence d’individualité des amendes rappelée au point 613 ci-dessus ; c’est ainsi que la Commission a jugé que, la participation globale à l’entente de Riva étant plus longue que celle de la requérante, elle était nécessairement plus grave et l’impact de sa non-participation à un certain volet de l’entente d’autant plus important.

623    Or, ce choix, qui consiste à donner davantage de poids à l’absence de participation d’une entreprise à un volet de l’entente lorsque la participation de cette entreprise à l’entente globale est plus longue, apparaît approprié au regard du but poursuivi, à savoir pondérer la réduction accordée en raison de la non-participation à un volet de l’entente en fonction de la durée de la participation globale à l’ensemble de l’entente de chacune des entreprises.

624    Il y a lieu de relever que le calcul du taux de réduction appliqué par la Commission n’entraîne pas, par ailleurs, des effets contraires à l’objectif plus général de garantir une application effective des règles de concurrence.

625    En effet, il n’incite pas les entreprises concernées à prolonger leur participation à l’entente afin de bénéficier d’une réduction plus grande au titre de la circonstance atténuante découlant de la moindre participation à un volet de l’entente.

626    Il suffit de rappeler, à cet égard, que la durée globale de la participation à une entente entraîne, en amont, une augmentation nettement plus importante du montant de base de l’amende. Ainsi, le montant de base de l’amende a été augmenté de 105 % pour Riva en raison de la durée de sa participation à l’entente, passant de 3,5 millions d’euros à 7,175 millions d’euros, alors que l’augmentation était de 70 % pour la requérante en raison de sa participation moins longue à l’entente, passant pour celle-ci de 1,75 million d’euros à 2,975 millions d’euros.

627    En conclusion, c’est sans violer le principe d’égalité de traitement que la Commission a accordé une réduction de 6 % à la requérante.

628    Le grief doit donc être rejeté.

b)      Sur le second grief, tiré du caractère tardif des motifs justifiant l’octroi d’une réduction d’amende

629    La requérante reproche le caractère tardif des motifs justifiant l’octroi d’une réduction de l’amende non proportionnelle à la seule non-participation de chacune des entreprises à la composante de l’entente en cause.

630    Selon la requérante, même si la réduction choisie était finalement considérée comme validée, il n’en demeurerait pas moins que les justifications qui la sous-tendent ont été apportées tardivement, à savoir pour la première fois au cours de la présente procédure, la décision attaquée ne contenant, quant à elle, aucune précision sur ce point.

631    À cet égard, il convient de relever que, pour déterminer si la requérante est fondée à invoquer une motivation tardive, dont le Tribunal ne pourrait dès lors pas tenir compte, il y a lieu de vérifier si les explications fournies, concernant les pourcentages de réduction retenus, font partie de l’obligation de motivation incombant à la Commission et si, par conséquent, en les fournissant au moment de l’instance, cette institution a apporté une justification tardive.

632    S’agissant de la portée de l’obligation de motivation concernant le calcul du montant d’une amende infligée pour violation des règles de concurrence, la jurisprudence considère que la Commission remplit son obligation de motivation lorsqu’elle indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (voir points 599 et 600 ci-dessus).

633    Or, en l’espèce, les considérants 938 à 968 de la décision attaquée contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments qui ont été pris en considération par la Commission pour déterminer la gravité et la durée de l’infraction commise par chacune des entreprises en cause.

634    En effet, d’abord, aux considérants 938 à 965 de la décision attaquée, figurent les éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction en cause, à savoir, notamment, le fait que l’entente avait pour objet la fixation des prix, que les comportements ont été dissimulés, que la production italienne était importante au sein du marché de l’Union, mais aussi les effets de l’entente sur le marché, le fait que les comportements infractionnels avaient augmenté avec le temps ainsi que le montant de base à retenir, en conséquence, pour chaque entreprise individuellement.

635    Ensuite, aux considérants 966 à 968 de la décision attaquée, sont indiqués les éléments pris en compte pour apprécier la durée de l’infraction ainsi que le montant de l’amende fixée, en conséquence, à chaque entreprise individuellement.

636    Pour le reste, s’il est vrai que la jurisprudence indique qu’il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul du montant de l’amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d’introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission (arrêt du 6 avril 1995, Trefilunion/Commission, T‑148/89, EU:T:1995:68, point 142), il s’agit là d’une faculté reconnue à cette institution qui n’est pas de nature à modifier l’étendue des exigences découlant de l’obligation de motivation (arrêt du 16 novembre 2000, Enso Española/Commission, C‑282/98 P, EU:C:2000:628, point 45).

637    Ainsi, la Commission peut apporter des précisions, quant à la décomposition chiffrée des réductions du montant de l’amende accordées, postérieurement à l’adoption de la décision infligeant la sanction, notamment dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, sans que cela soit considéré comme un nouveau moyen de défense prohibé par le règlement de procédure (arrêt du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, EU:T:2008:416, point 302).

638    Dans le même sens, la Cour a considéré que l’omission, dans la décision attaquée, des pourcentages de réduction appliqués n’entraînait pas de violation de l’obligation de motivation de la part de la Commission (arrêt du 16 novembre 2000, Enso Española/Commission, C‑282/98 P, EU:C:2000:628, point 43).

639    En l’espèce, la Commission a fourni des indications supplémentaires, aux considérants 972 à 974 de la décision attaquée, en ce qui concerne les circonstances atténuantes prises en compte :

–        elle a ainsi indiqué qu’« aucune des entreprises concernées par la présente procédure n’a[vait] joué un rôle exclusivement passif ou suiviste » et que « [t]out au plus [pouvait]-on relever une différence dans la durée de la participation d’une des entreprises à l’infraction, mais cette caractéristique [était] dûment prise en compte sous le point « durée de l’infraction » (considérant 972) ;

–        elle a précisé, « [t]outefois, [que] le fait que Riva et Ferriere Nord n’[avaie]nt pas, pendant une certaine période, participé directement à l’un des quatre volets de l’entente (la limitation ou le contrôle de la production et/ou des ventes), s’il ne permet[tait] pas de leur reconnaître un rôle passif, de fait, un tel rôle passif ne pourrait leur être reconnu que si cette attitude avait été adoptée pour toute la durée de l’infraction et pour chacune des composantes de cette dernière, d[eva]it être pris en compte en tant que circonstance atténuante à part » et a relevé que, « [é]tant donné que la non-participation de Riva et de Ferriere Nord à ce volet pendant une certaine période ne fai[sai]t pas disparaître leur responsabilité pour avoir participé à l’entente unique et continue décrite dans la présente décision, en ce que l’accord sur la limitation et/ou le contrôle de la production dépendait exclusivement des nombreuses initiatives ayant pour objectif de soutenir les prix, […] la non-participation de Riva à cette partie de l’entente a[vait] duré environ un an, alors qu[e,] en ce qui concerne Ferriere Nord, elle a[vait] duré environ trois ans » (considérant 973) ;

–        elle a conclu qu’il était « nécessaire de réduire le montant de base de l’amende respectivement de 3 % pour Riva et de 6 % pour Ferriere Nord » (considérant 974).

640    Si les taux de réduction appliqués à la requérante et à Riva au titre de la circonstance atténuante résultant d’une moindre participation à un volet de l’entente ont ainsi été communiqués dans la décision attaquée, aucune explication n’a été, dans cette décision, fournie par la Commission pour les justifier.

641    Cependant, ainsi que cela ressort de la jurisprudence mentionnée au point 638 ci-dessus, la motivation exigée de la Commission ne s’étend pas aux taux de réduction appliqués par celle-ci, ni aux éléments d’appréciation sur lesquels ils sont fondés.

642    Contrairement à ce que soutient la requérante, les explications concernant les taux de réduction retenus ne sauraient donc être considérées comme une motivation tardive et irrecevable. Ces explications constituent seulement des précisions complétant une motivation déjà suffisante. Par conséquent, les explications relatives aux taux de réduction ont pu être valablement communiquées par la Commission dans les écritures qu’elle a déposées dans le cadre du présent recours et prises en compte par le Tribunal dans l’appréciation du grief précédent.

643    Pour ces raisons, le grief doit être rejeté et, partant, le neuvième moyen dans son ensemble.

644    Par conséquent, la demande de réduction de l’amende présentée par la requérante sur le fondement de ce moyen doit aussi être rejetée.

4.      Conclusion sur la demande de réduction de l’amende

645    Aucune illégalité ou irrégularité n’entachant la décision attaquée (voir points 530, 606 et 643 ci-dessus), les conclusions en réduction du montant de l’amende ne peuvent être accueillies en ce qu’elles tendent à ce que le Tribunal tire les conséquences, quant au montant de l’amende, desdites illégalités ou irrégularités (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Orange Polska/Commission, T‑486/11, EU:T:2015:1002, point 226).

646    Cependant, dès lors qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003, le juge de l’Union est habilité, au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler (en tout ou en partie) l’acte attaqué, à tenir compte de toutes les circonstances de fait pour, le cas échéant, modifier le montant de la sanction [voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86 et jurisprudence citée, et du 10 novembre 2021, Google et Alphabet/Commission (Google Shopping), T‑612/17, sous pourvoi, EU:T:2021:763, point 605].

647    Dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le juge de l’Union peut supprimer, réduire, voire augmenter, l’amende infligée (voir arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 334 et jurisprudence citée).

648    Dans ces conditions, le juge de l’Union peut aussi, le cas échéant, porter des appréciations différentes de celles retenues par la Commission pour la détermination du montant de l’amende infligée (voir arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 75).

649    Ainsi, il importe d’examiner, au regard de l’ensemble des éléments du dossier, notamment ceux mis en avant par la requérante, s’il y a lieu pour le Tribunal de substituer, au titre de sa compétence de pleine juridiction, un montant de l’amende à celui retenu par la Commission, au motif que ce dernier ne serait pas approprié (arrêt du 17 décembre 2015, Orange Polska/Commission, T‑486/11, EU:T:2015:1002, point 227).

650    Or, contestant la proportionnalité de la décision attaquée, la requérante a indiqué que, selon elle, la Commission aurait dû, compte tenu des circonstances de l’espèce, classer la procédure ou, à tout le moins, si elle entendait adopter une décision, ne lui infliger aucune amende.

651    À cet égard, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission, sans constater ni une violation du délai raisonnable ni une violation des droits de la défense, a accordé à la requérante une réduction du montant de l’amende, qu’elle a justifiée de la manière suivante :

–        « compte tenu de […] l’insécurité créée par la transition entre les deux traités, circonstance exceptionnelle qui, à l’époque, n’était pas expressément régie par la jurisprudence, […] la Commission considère comme opportun que les parties destinataires de la présente décision bénéficient d’une réduction de l’amende » (considérant 570) ;

–        cette réduction est accordée « en vue de mitiger les conséquences négatives pour ces parties qui pourraient avoir été causées par la longue durée de la procédure qui [a été] nécessaire pour pallier certains vices de procédure intervenus au cours de celle-ci et qui ne sont pas attribuables aux parties destinataires de la présente décision » (considérant 570) ;

–        « l’octroi spontané, par la Commission, d’une réduction du montant de l’amende […] doit être considéré comme suffisant […] pour mitiger les éventuels effets préjudiciables subis par les parties destinataires à cause de la longue durée de la procédure » (considérant 572) ;

–        « [l]es parties destinataires pourront […] bénéficier d’une réduction adéquate des amendes […] afin de mitiger les éventuels effets préjudiciables causés par les erreurs procédurales commises par la Commission » (considérant 573) ;

–        « la Commission considère […] que les erreurs procédurales qu’elle a commises dans le cadre de la transition entre le traité CECA et le traité CE et la durée plus longue qui peut avoir découlé de ces erreurs peut justifier une réparation appropriée pour les destinataires de la présente décision » (considérant 991) ;

–        « compte tenu du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission en matière de fixation des amendes, elle peut […] [accorder] aux destinataires de la présente décision une réduction de l’amende qui devrait être mesurée de telle façon qu’elle ne pénalise pas les entreprises destinataires pour des erreurs de procédure non commises par elles mais qui, en même temps, ne sont pas graves au point de porter atteinte au principe en vertu duquel les cartels sont des violations très graves du droit de la concurrence » (considérant 992) ;

–        « [a]fin de prendre dûment en considération ces facteurs, la Commission conclut qu’une réduction de l’amende de 50 % au titre d’une circonstance atténuante extraordinaire doit être reconnue à tous les destinataires de la présente décision » (considérant 994).

652    Il en résulte que, pour accorder la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante, la Commission s’est fondée, en substance, sur les éléments suivants :

–        l’affaire a été traitée lorsqu’expirait le traité CECA ;

–        cette situation a provoqué des difficultés quant à l’identification des règles applicables ;

–        ces difficultés ont donné lieu aux annulations des décisions de 2002 et de 2009 par les juridictions de l’Union ;

–        ces annulations ont entraîné un allongement de la procédure, dans une mesure qui a pu avoir une incidence défavorable sur la situation des entreprises concernées ;

–        ces circonstances pouvaient être prises en compte pour déterminer le montant de l’amende.

653    À cet égard, il convient de relever que la Commission utilise, à plusieurs reprises, dans les considérants cités au point 651 ci-dessus, des termes donnant à penser que, en accordant la réduction du montant de l’amende en cause, elle entendait « mitiger » ou « réparer » les « effets préjudiciables », c’est-à-dire un dommage ayant pu être causé par des « erreurs » qui lui seraient imputables.

654    Bien que de tels termes soient généralement associés à des procédures de nature indemnitaire, il ne ressort pas de la décision attaquée que, en accordant la réduction du montant de l’amende en cause, l’intention de la Commission était d’accorder une réparation pour un dommage causé par un comportement illégal. Nulle part dans ladite décision la Commission ne reconnaît avoir adopté un comportement illégal, par exemple en dépassant le délai raisonnable de la procédure ou en violant les droits de la défense de la requérante. Dans plusieurs passages de cette décision, elle renvoie au contraire à la jurisprudence selon laquelle le remède, en cas de griefs concernant la durée de la procédure, doit être trouvé dans le cadre d’un recours en indemnité (considérants 568 et 578).

655    Ainsi, il convient de considérer, en prenant en compte ces différents éléments, que la réduction du montant de l’amende en cause consentie par la Commission ne visait pas pour cette dernière à réparer un comportement illégal, mais simplement à tenir compte des circonstances de l’espèce dans le cadre du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu pour l’imposition des sanctions notamment par l’arrêt du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission (C‑510/06 P, EU:C:2009:166, point 82) (voir point 651 ci-dessus).

656    Dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal estime que, en l’espèce, l’amende ne saurait être supprimée du fait, notamment, de la nécessité d’assurer la pleine application du droit de la concurrence à l’infraction particulièrement grave et d’une durée significativement longue retenue à l’encontre de la requérante.

657    Cela étant, il doit être tenu compte du fait que l’amende n’a pas été infligée à la requérante dans les quelques années qui ont suivi la commission des derniers comportements anticoncurrentiels constatés par la Commission, mais l’a été près de 20 ans après.

658    À cet égard, il y a lieu de prendre en compte en l’espèce, dans la détermination du montant de l’amende, parmi l’ensemble des circonstances pertinentes, son caractère dissuasif.

659    En effet, la prise en compte du caractère dissuasif vise à assurer que le montant de l’amende incitera, dans une mesure suffisante, l’entreprise concernée, et, de manière générale, l’ensemble des opérateurs économiques, à respecter les règles de concurrence de l’Union (voir arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 102).

660    En l’espèce, l’objectif de dissuasion a déjà été mis en œuvre à l’égard de la requérante, pour partie en tout cas, d’une part, par la sanction qui lui a été infligée dans la décision de 2002, puis dans celle de 2009, ainsi que, d’autre part, par la perspective que cette sanction puisse être maintenue au terme de la procédure, si les recours juridictionnels introduits par la requérante contre ces décisions étaient rejetés ou si, en cas d’annulation desdites décisions, une nouvelle décision prononçant à nouveau une sanction était adoptée (voir point 299 ci-dessus).

661    Dans ces conditions, il convient de considérer, dans le cadre de l’exercice de la compétence de pleine juridiction, que, compte tenu du temps écoulé entre les derniers comportements anticoncurrentiels et l’adoption de la décision attaquée, la fixation du montant de l’amende à un niveau inférieur au montant de base de 2,975 millions d’euros déterminé par la Commission, dans ladite décision, en application des lignes directrices de 1998, lesquelles peuvent guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 80), s’avère suffisante, en l’espèce, pour produire l’effet dissuasif recherché.

662    Au vu de ce qui précède, une réduction de 50 % du montant de l’amende en raison du temps écoulé entre les derniers comportements anticoncurrentiels et l’adoption de la décision attaquée est appropriée.

663    En conclusion, il convient de :

–        rejeter le recours en ce qu’il visait à obtenir une annulation totale ou partielle de la décision attaquée ;

–        rejeter la demande de réduction du montant de l’amende formulée par la requérante, en considérant que la réduction du montant de l’amende de 50 % accordée par la Commission dans la décision attaquée était appropriée au vu de l’atténuation du nécessaire effet dissuasif de la sanction du fait du temps écoulé entre la fin de l’infraction et le prononcé de l’amende.

IV.    Sur les dépens

664    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions formulées par celle-ci.

665    Par ailleurs, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Il convient donc de décider que le Conseil supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ferriere Nord SpA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2022.

Signatures


Table des matière


I. Antécédents du litige

A. Première décision de la Commission (2002)

B. Deuxième décision de la Commission (2009)

C. Troisième décision de la Commission (2019)

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et des règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018

a) Sur l’audition organisée à la suite de la reprise de la procédure administrative

b) Sur l’exécution des arrêts d’annulation

c) Sur les premier et deuxième griefs, concernant l’impartialité requise du comité consultatif et de la Commission

d) Sur le troisième grief, concernant l’absence d’acteurs importants lors de l’audition du 23 avril 2018

1) Sur la situation des entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée

2) Sur la situation des tiers justifiant d’un intérêt suffisant

3) Sur la situation des autres tiers

e) Sur le quatrième grief, concernant l’impossibilité, pour la Commission, de remédier au défaut procédural censuré par la Cour

f) Sur le cinquième grief, tiré d’autres irrégularités ayant affecté les circonstances dans lesquelles le comité consultatif a rendu son avis

2. Sur le deuxième moyen, tiré du refus illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure

a) Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit

b) Sur le second grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure

a) Sur le premier grief, concernant la durée des phases administratives

b) Sur le deuxième grief, concernant la durée globale de la procédure

c) Sur le troisième grief, concernant l’effet, sur les droits de la défense, de la longueur de la procédure

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, d’un excès de pouvoir et de la violation du principe de proportionnalité

a) Sur le premier grief, concernant l’absence d’explication suffisante sur les raisons ayant conduit la Commission à adopter une nouvelle décision imposant une amende

b) Sur le deuxième grief, concernant une erreur d’appréciation commise par la Commission à propos de l’effet dissuasif pouvant être produit par une décision imposant une amende

c) Sur le troisième grief, concernant la peine infligée à la requérante du fait que celle-ci a eu la qualité d’accusée pendant toute la procédure

d) Sur le quatrième grief, concernant une erreur commise par la Commission dans l’appréciation de la possibilité, pour des tiers, d’introduire une action en réparation devant les juridictions nationales

e) Sur le cinquième grief, concernant la violation du principe de proportionnalité

5. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe non bis in idem

6. Sur le sixième moyen, tiré de l’illégalité du régime de prescription organisé par l’article 25 du règlement no 1/2003

B. Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la réduction du montant de l’amende infligée

1. Sur le septième moyen, tiré de la violation de la charge de la preuve et du principe in dubio pro reo concernant les comportements reprochés à la requérante

a) Sur le contenu des dispositions dont la violation est reprochée à la requérante

b) Sur la charge de la preuve et l’intensité du contrôle juridictionnel

c) Sur l’infraction constatée

d) Sur les éléments retenus dans la décision attaquée pour établir la participation de la requérante à l’infraction constatée

1) Période allant du 1er avril 1993 à décembre 1994

2) Période couvrant l’année 1995

3) Période couvrant l’année 1996

4) Période couvrant l’année 1997

5) Période couvrant l’année 1998

6) Période couvrant l’année 1999

7) Période couvrant l’année 2000

e) Sur la première branche, tirée de l’absence de valeur probante des communications de la Federacciai aux producteurs à partir du 1er avril 1993

f) Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de valeur probante de la communication par la requérante à la Federacciai des informations sur sa production

g) Sur la troisième branche, tirée d’une absence de valeur probante des alignements des suppléments de prix de la requérante

1) Sur le premier grief, tiré d’un alignement sur les barèmes de prix publiés par la CCIAA de Brescia

2) Sur le second grief, tiré de l’existence d’une pratique souhaitée par les clients

2. Sur le huitième moyen, tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende au titre de la récidive

a) Sur le premier grief, tiré de la violation des droits de la défense dans la prise en compte de la récidive

b) Sur le deuxième grief, concernant le délai entre les deux infractions prises en compte

c) Sur le troisième grief, concernant le délai écoulé entre les infractions prises en compte et l’adoption de la décision attaquée

d) Sur le quatrième grief, concernant le taux de majoration appliqué au titre de la récidive

e) Sur le cinquième grief, concernant la motivation justifiant le taux de majoration appliqué au titre de la récidive

3. Sur le neuvième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne la prise en compte des circonstances atténuantes et du caractère tardif des motifs justifiant l’octroi d’une réduction d’amende

a) Sur le premier grief, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

b) Sur le second grief, tiré du caractère tardif des motifs justifiant l’octroi d’une réduction d’amende

4. Conclusion sur la demande de réduction de l’amende

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’italien.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.