Language of document : ECLI:EU:T:2023:620

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

11 octobre 2023 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Concours général PE/AD/260/2021 – Décision ne pas admettre le requérant aux épreuves orales – Obligation de motivation – Impartialité – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑317/22,

PF, représentée par Mes L. Levi et P. Baudoux, avocates,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. R. Schiano et Mme C. González Argüelles, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. M. Jaeger et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, PF, demande l’annulation de la décision, dont elle a été informée le 18 février 2022, du jury du concours PE/AD/260/2021 rejetant sa demande de réexamen de l’évaluation de l’une de ses épreuves écrites à ce concours, ayant entraîné son élimination (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante était traductrice contractuelle à l’unité de traduction de langue grecque du Parlement européen lorsqu’elle s’est présentée au concours général PE/AD/260/2021, visant à recruter dans cette institution des fonctionnaires pour exercer les fonctions de « Professionnel des langues et de l’interculturalité (AD 5) », notamment pour le grec. L’avis de concours (JO 2021, C 170 A, p. 1) prévoyait, après une phase de présélection et avant le passage des épreuves orales, trois épreuves écrites, dont les deux premières ont consisté pour la requérante à traduire en grec deux textes, l’un rédigé en anglais (ci-après l’« épreuve A »), l’autre en français (ci-après l’« épreuve B »). Une note inférieure à 20/40 à l’une de ces trois épreuves écrites était éliminatoire.

3        La requérante a été informée le 20 décembre 2021 par l’unité de recrutement du Parlement qu’elle avait obtenu la note de 36,5/40 à l’épreuve A et la note éliminatoire de 16,5/40 à l’épreuve B, que, en conséquence, sa troisième épreuve écrite n’avait pas été corrigée et qu’elle ne serait pas invitée à passer les épreuves orales.

4        La requérante a demandé un réexamen de sa copie à l’épreuve B ainsi que la communication de celle-ci avec les remarques du jury portées dans la fiche d’évaluation pour cette épreuve. Elle a ensuite demandé si une collègue de son unité avait activement participé à l’évaluation de cette copie. La requérante soutient avoir indiqué à cette collègue la manière dont elle avait effectué la traduction faisant l’objet de l’épreuve B et que cela aurait permis à celle-ci, lorsqu’elle a remplacé une personne initialement prévue pour participer aux travaux du jury, d’identifier sa copie lors de la correction dont elle avait la charge. Cette collègue aurait aussi maintenu le contact avec différents candidats après sa désignation comme remplaçante et aurait abordé avec eux des questions relatives au concours.

5        Le 18 février 2022, la requérante a reçu communication de la décision attaquée, ses copies vierges de corrections aux trois épreuves écrites, accompagnées des textes ayant été à traduire, ainsi que sa fiche d’évaluation pour l’épreuve B. Dans cette dernière, il est indiqué, en « points forts », « généralement [une] bonne maîtrise de la langue-cible » et, en « points faibles », « trop d’erreurs de traduction et d’inexactitudes ; sur certains points des traductions mot à mot aboutissant à un langage artificiel, des erreurs de grammaire et de ponctuation ». L’appréciation générale mentionnait une « traduction inexacte qui ne rend[ait] pas pleinement compte du sens du texte original ». L’unité de recrutement du Parlement a par ailleurs indiqué à la requérante ce qui suit :

« Tous les tests ont été notés sur la base d’une grille de notation établie à l’avance. La méthode de notation est fondée sur un retrait de points pour chaque erreur identifiée, à partir du nombre de points maximum (40). »

6        Par ailleurs, le 22 mars 2022, l’unité de recrutement du Parlement a indiqué ce qui suit à la requérante :

« Les modalités de l’évaluation des examens écrits étaient les suivantes : chaque candidat s’est vu attribuer un numéro secret différent pour les tests A, B et C, ne permettant pas lors de l’évaluation de reconnaître les tests d’un même candidat.

De plus, l’épreuve de [la requérante] a été notée indépendamment par deux assesseurs en suivant une grille de notation déterminée à l’avance par le jury afin d’harmoniser l’évaluation et finalisée avant la date prévue pour l’épreuve.

Conformément à l’article 3 de l’annexe III  du statut des fonctionnaires et [du] régime applicable aux autres agents (RAA), “[l]e jury peut faire appel pour certaines épreuves, à un ou plusieurs assesseurs ayant voix consultative”. La collègue mentionnée a donc été appelée à être un des assesseurs (aussi appelés “évaluateurs”), et non pas un membre du jury. Le rôle des assesseurs est purement consultatif, le jury restant toujours maître de ses travaux et décisions. Les deux assesseurs ont attribué une note totale différente, ce qui a mené à une troisième et quatrième évaluation du test B, effectuée cette fois-ci par deux membres du jury. Ils ont attribué la note finale du test B de [la requérante]. Cette note a ensuite été approuvée par l’ensemble du jury lors d’une réunion collégiale. »

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à l’annulation de la décision attaquée et, en tant que de besoin, à celle de la décision l’informant de la note éliminatoire à l’épreuve B et de ce qu’elle ne serait pas invitée à passer les épreuves orales, communiquée le 20 décembre 2021, et à la condamnation du Parlement aux dépens.

8        Le Parlement conclut au rejet du recours et à la condamnation de la requérante aux dépens.

 En droit

9        Lorsqu’un candidat à un concours sollicite le réexamen d’une décision prise par un jury, c’est la décision prise par ce dernier après réexamen de la situation du candidat qui constitue l’acte lui faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, points 27 et 28 et jurisprudence citée). En l’espèce, la décision attaquée, prise après réexamen, s’est substituée à la décision initiale communiquée le 20 décembre 2021 à la requérante. Il n’y a donc pas lieu de se prononcer sur la conclusion présentée à titre subsidiaire par la requérante tendant à l’annulation de cette décision initiale.

10      La requérante énonce les moyens d’annulation suivants : « 1) violation de l’obligation de motivation et 2) violation des règles présidant aux travaux du jury, des principes d’impartialité et de non-discrimination – erreur manifeste d’appréciation ».

11      Sous cette présentation, en avançant ses arguments de manière largement agrégée, la requérante avance en substance quatre moyens, tirés de la méconnaissance de l’obligation de motivation, du non-respect du principe d’impartialité en raison de l’attitude de sa collègue ayant participé aux travaux du jury en tant qu’assesseur ayant corrigé sa copie à l’épreuve B, du non-respect de certaines règles s’imposant aux personnes participant aux travaux du jury et de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la note éliminatoire qui lui a été donnée à cette épreuve. Dans la réplique, la requérante avance une argumentation portant sur la méconnaissance des règles présidant aux travaux du jury, spécifiques au concours en question, qui sera traitée dans le cadre du troisième moyen.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation

12      Selon la requérante, en dépit des informations qui lui ont été communiquées (voir points 5 et 6 ci-dessus), elle n’est pas en mesure de comprendre les raisons de son échec. Sa fiche d’évaluation pour l’épreuve B ne fournirait pas les critères exacts de l’évaluation et les commentaires repris sur cette fiche seraient vagues et contradictoires. Tout en évoquant une grille de notation dans ses réponses à ses démarches, le Parlement ne lui aurait fourni aucune précision à cet égard.

13      L’obligation de motivation prescrite à l’article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à la personne intéressée une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir arrêt du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 77 et jurisprudence citée).

14      À cet égard, la motivation exigée doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de son auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

15      En ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, l’obligation de motivation doit ainsi être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2021, HC/Commission, T‑804/19, non publié, EU:T:2021:849, point 39 et jurisprudence citée).

16      Cette règle a été instituée en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences ou pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose, dès lors, tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêt du 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, EU:C:1980:60, point 5).

17      En l’occurrence, la requérante estime que le Parlement aurait dû lui communiquer les « coefficients de pondération » de la grille de notation dont il lui a indiqué l’existence afin qu’elle puisse comprendre son échec à l’épreuve B et son exclusion de la suite des épreuves.

18      À la suite du dépôt du mémoire en défense, le Tribunal a adopté une mesure d’organisation de la procédure invitant le Parlement à produire la grille de notation déterminée à l’avance par le jury, de même que les versions corrigées de la copie de la requérante pour l’épreuve B. En réponse, le Parlement a fait valoir que la grille de notation évoquée correspondait aux « critères de correction » de l’épreuve. Il a ajouté à cet égard dans la duplique, en substance, qu’il fallait distinguer de tels critères, visant à harmoniser la correction d’une épreuve à une seule composante, comme l’aurait été l’épreuve B, des coefficients de pondération affectés à différentes composantes d’une épreuve, visant à déterminer l’importance de chaque composante pour l’attribution de la note globale de l’épreuve. Seuls les seconds pourraient être communiqués au titre de la motivation de l’évaluation d’une épreuve, alors que les premiers seraient couverts par le secret des travaux du jury. S’agissant des versions corrigées de la copie de la requérante à cette épreuve, il a avancé que les communiquer à la requérante serait contraire à la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus.

19      À cet égard, ainsi que le fait valoir le Parlement, il ressort d’une jurisprudence constante que les critères de correction adoptés par le jury préalablement aux épreuves font partie intégrante des appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury sur les mérites respectifs des candidats et sont couverts par le secret des délibérations au même titre que les appréciations du jury et, dès lors, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, points 28 à 31, et du 22 septembre 2021, JR/Commission, T‑435/20, EU:T:2021:608, points 54 à 57).

20      Certes, dans l’arrêt du 22 septembre 2021, JR/Commission (T‑435/20, EU:T:2021:608, points 72 et 73), le Tribunal a jugé que les coefficients établis par un jury pour pondérer les différents éléments composant une épreuve ne remplissaient pas la même fonction que celle des critères de correction visés par l’arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, (C‑254/95 P, EU:C:1996:276), et que ces coefficients devaient faire partie des éléments de motivation donnés à un candidat ayant été éliminé à la suite d’une épreuve dont les composantes avaient fait l’objet d’une telle pondération.

21      À cet égard, la requérante soutient que l’épreuve B, à laquelle elle a été soumise, avait plusieurs composantes liées aux différents aspects d’une bonne traduction, par exemple la correction grammaticale, le style approprié, l’exactitude terminologique, le respect du sens du texte à traduire. Chacune de ses composantes se serait vue allouer un certain nombre de points. La grille de notation aurait donc correspondu à des coefficients de pondération qui auraient dû lui être communiqués.

22      Or, il doit être constaté, indépendamment de la dénomination choisie, à savoir « coefficients de pondération » ou « critères de correction », ainsi que du sens pouvant être donné au mot « composante », que le poids donné dans la notation aux différents aspects de la qualité d’une traduction relève des consignes de correction, couvertes par le secret des travaux du jury ainsi qu’il a été jugé dans l’arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati (C‑254/95 P, EU:C:1996:276), et non de la valeur donnée à différentes parties d’une épreuve, qui doit être communiquée au titre de l’obligation de motivation selon l’analyse suivie dans l’arrêt du 22 septembre 2021, JR/Commission (T‑435/20, EU:T:2021:608).

23      Il y a donc lieu de considérer que les éléments de motivation donnés en l’espèce par le Parlement à la requérante concernant son échec à l’épreuve B, à savoir sa note, sa copie vierge de corrections, le texte dans la langue source qui était à traduire et sa fiche d’appréciation pour cette épreuve, sont suffisants pour satisfaire à l’obligation de motivation à ce sujet. Ils permettent de connaître l’appréciation d’ensemble de la traduction en question et les appréciations sur les différents aspects de celle-ci retenues par le jury, qui peuvent être rapprochées de cette traduction. La requérante a ainsi été mise en mesure de connaître les motifs de l’appréciation ayant conduit à son échec à l’épreuve B et d’en évaluer le bien-fondé.

24      Sur cet aspect, ces éléments de motivation sont aussi suffisants pour que le juge puisse exercer le contrôle qui lui incombe. À cet égard, les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats sont de nature comparative et ces appréciations, ainsi que les décisions par lesquelles le jury constate l’échec d’un candidat à une épreuve, constituent l’expression d’un jugement de valeur quant à la prestation du candidat lors de l’épreuve. Elles s’insèrent dans le large pouvoir d’appréciation dont dispose le jury et ne sauraient être soumises au contrôle du juge de l’Union qu’en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 1974, Campogrande e.a./Commission, 112/73, 144/73 et 145/73, EU:C:1974:97, point 53, et du 6 juillet 2022, JP/Commission, T‑179/20, non publié, EU:T:2022:423, point 66 et jurisprudence citée). Ainsi, les appréciations elles-mêmes auxquelles se livre le jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats sont soustraites au contrôle du juge (arrêt du 6 juillet 2022, JP/Commission, T‑179/20, non publié, EU:T:2022:423, point 68). C’est pourquoi, s’agissant de l’évaluation de la copie de la requérante à l’épreuve B, le Tribunal dispose d’une motivation suffisante pour exercer, en fonction des arguments de fond avancés par la requérante, son contrôle dans les limites de l’exercice de ce contrôle.

25      Par ailleurs, la requérante fait valoir que les explications données par le Parlement dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, sur la manière dont la correction de sa copie à l’épreuve B a été revue, sont contradictoires avec les explications données antérieurement dans la réponse faite le 22 mars 2022 (voir point 6 ci-dessus) ainsi que dans le mémoire en défense. Il aurait d’abord été indiqué que ladite copie avait été à nouveau corrigée postérieurement aux deux corrections initiales dont elle avait fait l’objet, alors qu’il ressortirait de la réponse à la mesure d’organisation de la procédure qu’en réalité seules ces corrections initiales avaient été réexaminées. La requérante indique dès lors ne pas comprendre comment la procédure d’évaluation s’est déroulée.

26      Toutefois, il a été jugé que, en cas d’insuffisance de motivation, si des précisions complémentaires pouvaient certes être apportées en cours d’instance, l’institution n’était pas autorisée à substituer une motivation de la décision attaquée entièrement nouvelle à une motivation initiale erronée (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission, T‑71/96, EU:T:1997:170, point 79 et jurisprudence citée). En l’espèce, seules les explications fournies dans la réponse à la requérante le 22 mars 2022 en ce qui concerne la manière dont sa copie relative à l’épreuve B a été revue peuvent être considérées comme faisant partie de la motivation de la décision attaquée. En effet, les explications fournies ultérieurement l’ont été dans le cadre contentieux, alors qu’elles ne sauraient être considérées comme apportant des précisions à une motivation initiale succincte, susceptibles de compléter celle-ci, mais apparaissent en réalité comme une rectification de la motivation de la décision attaquée (voir points 50 et 53 ci-après). Par conséquent, l’observation faite par la requérante est inopérante au soutien du moyen tiré d’une méconnaissance de l’obligation de motivation, car la contradiction dénoncée n’est pas interne à la motivation de la décision attaquée, mais n’est susceptible que de nourrir un moyen d’illégalité, au fond, de celle-ci. Le Tribunal tiendra donc compte de cette observation dans son appréciation des éléments de fait du dossier dans le cadre de l’examen des moyens de fond avancés par la requérante.

27      Eu égard à ce qui précède, le moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité

28      En substance, la requérante expose qu’elle était proche d’une collègue de son unité avec qui elle avait parlé de la façon dont elle avait effectué la traduction demandée lors de l’épreuve B avant que cette collègue n’ait été désignée pour remplacer un assesseur du concours. Les détails donnés lors de la conversation auraient permis à ladite collègue d’identifier la copie de la requérante.

29      La requérante estime donc que l’anonymat des épreuves écrites n’a pas été respecté et que, dès lors, la situation était assimilable à celle d’une épreuve orale au cours de laquelle, si l’un des membres du jury connaît l’un des candidats, il doit jouer un rôle passif. Or, la collègue en question ne se serait pas abstenue de corriger la copie de la requérante à l’épreuve B. Dès lors, le principe d’impartialité aurait été violé.

30      Le Parlement estime pour l’essentiel que la requérante n’avance pas de preuves des faits qu’elle expose. Il avance en particulier dans le mémoire en défense que, en tout état de cause, le moyen tiré de la violation du principe d’impartialité est inopérant, car la copie de la requérante a été « corrigée une deuxième fois par deux membres du jury et [que cette correction] a été validée par l’ensemble du jury ».

31      À titre liminaire, il convient d’observer, au regard de la réponse du 22 mars 2022 de l’unité de recrutement du Parlement à la requérante (voir point 6 ci-dessus) et de l’absence de contestation à cet égard par le Parlement dans le mémoire en défense et la duplique, que la collègue en question a bien été l’un des assesseurs corrigeant l’épreuve B de la requérante.

32      Le principe d’impartialité constitue une expression du principe d’égalité de traitement et figure parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union.

33      En vue d’assurer le respect de ce principe, l’article 11 bis, paragraphe 1, du statut prévoit que, dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire ne traite aucune affaire dans laquelle il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel, notamment familial ou financier, de nature à compromettre son indépendance. Un fonctionnaire désigné pour assister comme assesseur un jury de concours est soumis à cette règle relative aux conflits d’intérêts.

34      Lors de l’appréciation de l’existence de conflits d’intérêts, l’existence de relations professionnelles entre un fonctionnaire et un tiers ne saurait, en principe, impliquer que l’indépendance du fonctionnaire est compromise ou apparaît comme telle lorsque ce fonctionnaire est appelé à se prononcer sur une affaire dans laquelle ce tiers intervient (voir arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, points 223 et 224 et jurisprudence citée).

35      Néanmoins, même lorsqu’il n’y a pas de conflit d’intérêt, au sens de l’article 11 bis, paragraphe 1, du statut, quand existe un lien direct entre un membre du jury et un candidat, il a été jugé, à propos d’une épreuve orale, que le principe d’impartialité exigeait l’abstention de ce membre du jury lors de l’évaluation de la prestation de ce candidat (arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 229).

36      Cependant, en l’espèce, est en cause une épreuve écrite anonymisée, ce qui, en principe, implique que l’existence d’un tel lien est sans conséquence. À cet égard, la requérante soutient que sa collègue désignée assesseur a néanmoins été en mesure d’identifier sa copie à l’épreuve B.

37      Les éléments de preuve avancés en ce sens par la requérante sont insuffisants. En premier lieu, ils reposent sur ses propres déclarations, simplement reprises par des tiers [témoignage écrit sur l’honneur d’une autre collègue qui indique avoir parlé en détail avec la requérante, le jour suivant l’examen, de la façon dont cette dernière avait effectué la traduction de l’épreuve B et qui indique que la requérante lui a dit avoir eu le même type de discussion avec sa collègue ensuite désignée assesseur (annexe A4 de la requête) et témoignage du même ordre d’une traductrice avec laquelle la requérante avait antérieurement travaillé (annexe A12 de la requête)]. En deuxième lieu, ils reposent sur les captures d’écran de téléphone portable montrant seulement que la requérante et sa collègue ayant été désignée assesseur avaient des relations personnelles et entretenaient de fréquents contacts en dehors du bureau, qui n’ont d’ailleurs pas été suspendus après cette désignation (annexe C1 de la réplique). En troisième lieu, ils reposent sur les affirmations complémentaires de la requérante elle-même, faites au stade de la réplique, selon lesquelles ladite collègue pouvait reconnaître son style de traduction vers le grec, car elle avait lu des articles et des romans écrits par la requérante et avait déjà revu par le passé l’une de ses traductions à partir du français, et selon lesquelles, au cours de la conversation que les deux intéressées avaient eue après le passage de l’épreuve B par la requérante, cette dernière avait, notamment, cité un passage caractéristique de sa traduction, dont elle était satisfaite.

38      Les éléments mentionnés en premier et deuxième lieux au point 37 ci-dessus montrent certes une proximité professionnelle et extra-professionnelle importante de la requérante avec différents collègues de l’unité de traduction où elle travaillait, corroborée par les témoignages également produits en annexe à la requête de deux autres collègues de cette unité ayant bien voulu faire part en justice de leur appréciation positive sur la traduction effectuée par la requérante lors de l’épreuve B (annexes A13 et A14 de la requête). Toutefois, ils n’apportent aucun indice émanant d’une source autre que la requérante au profit de la thèse selon laquelle sa collègue désignée assesseur a pu identifier sa copie à l’épreuve B. Les éléments avancés à cet égard, mentionnés en troisième lieu au point 37 ci-dessus, sont eux-mêmes très insuffisants. D’une part, il s’agit d’affirmations qui ne sont corroborées par aucun témoignage et, d’autre part, le seul élément concret apporté visant à illustrer que la requérante avait fait part de passages caractéristiques de sa propre traduction en grec se limite à une phrase en français du texte d’origine qu’il fallait traduire en grec lors de l’épreuve B. La traduction grecque de cette phrase par la requérante n’est pas identifiée dans l’annexe pertinente de la requête et aucun commentaire n’est apporté indiquant en quoi cette traduction en grec serait originale au point de permettre l’identification de la copie de la requérante comme étant la sienne.

39      Il y a lieu de rappeler que, certes, lorsque la charge de la preuve pèse sur une partie, comme en l’espèce la requérante, les éléments factuels qu’elle invoque peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de considérer que la charge de la preuve a été satisfaite (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 80 et jurisprudence citée, et du 17 novembre 2016, Fedtke/CESE, T‑157/16 P, non publié, EU:T:2016:666, point 39). Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce, la requérante n’apportant pas au soutien de son exposé des faits le niveau d’éléments probants requis à cet effet, ainsi qu’il ressort du point 38 ci-dessus.

40      Dans la mesure où il n’est pas établi que la collègue de la requérante ayant été désignée assesseur a eu la possibilité d’identifier la copie de cette dernière à l’épreuve B, il n’est nécessaire de se prononcer ni sur la question de savoir si ces deux collègues entretenaient un lien direct, ni sur l’argument du Parlement mentionné au point 30 ci-dessus, selon lequel le moyen examiné est inopérant, car la copie de la requérante a été réexaminée par des membres du jury.

41      Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité doit donc être rejeté.

 Sur les moyens tirés du non-respect de certaines règles présidant aux travaux du jury

 Sur le moyen tiré du non-respect de certaines règles générales s’imposant aux personnes participant aux travaux du jury

42      La requérante expose, comme elle l’avait indiqué au Parlement à la suite de sa demande de réexamen, que sa collègue désignée assesseur a, après sa désignation, maintenu le contact avec des collègues candidats au concours en leur communiquant des informations concernant la méthodologie du concours. Selon la requérante, cette collègue n’aurait d’ailleurs pas dû accepter d’être assesseur, puisque, avant sa désignation, elle avait déjà parlé des épreuves du concours avec des collègues, en particulier de l’épreuve B.

43      Sans qu’il soit besoin d’examiner les fondements juridiques qu’avance la requérante pour soutenir que l’attitude de sa collègue était illégale et aurait dû l’empêcher de participer aux travaux du jury, il doit être constaté qu’aucun élément de preuve ne vient étayer à suffisance de droit la réalité des faits qu’elle expose. Cet exposé des faits repose en effet uniquement sur les propres déclarations de la requérante, qui sont en outre seulement reprises, le cas échéant, dans des déclarations de tiers produites au dossier

44      Par ailleurs, dans la réplique, la requérante considère que les difficultés qu’auraient eues certaines personnes participant aux travaux du jury à assurer la correction des copies, relatées dans un témoignage dont elle avait fait état dans la requête, joint en annexe A14, caractérisent l’absence de cohérence dans l’évaluation des candidats et un manquement au principe d’égalité de traitement qui s’impose au jury.

45      Toutefois, cette argumentation est irrecevable ainsi que le fait valoir le Parlement. Elle constitue en effet un moyen nouveau, tardif, tiré de la violation de l’égalité de traitement pour une raison autre que celle avancée dans la requête, à savoir un manquement à l’impartialité. Ce moyen n’a été soulevé qu’au stade de la réplique, alors que les éléments factuels invoqués à son soutien ont déjà été présentés dans la requête au soutien d’un autre moyen, à savoir celui tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation (moyen annoncé au point 53 de la requête). La production de ce moyen à ce stade de la procédure est donc contraire à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, qui prévoit l’interdiction de la production de moyens nouveaux en cours d’instance à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

46      En tout état de cause, à supposer que certains assesseurs aient rencontré des difficultés pour assurer les corrections des copies qui leur étaient confiées, cela ne démontre pas que la requérante a été traitée, à son détriment, d’une manière différente de celle des autres candidats.

47      Le moyen tiré du non-respect de certaines règles générales s’imposant aux personnes participant aux travaux du jury doit par conséquent être rejeté.

 Sur le moyen tiré de la méconnaissance des règles présidant aux travaux du jury, spécifiques au concours concerné

48      Au vu de la réponse donnée par le Parlement à la mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal (voir point 18 ci-dessus), la requérante invoque la violation de la règle de révision des corrections, arrêtée par le jury et transcrite sous forme d’une décision du jury, produite en annexe B3 au mémoire en défense et identifiée dans le bordereau des annexes comme les « [r]ègles établies par le jury de concours PE/AD/260/261 relatives à la troisième correction ». Selon la requérante, le jury aurait méconnu une règle présidant à ses travaux, spécifique au concours concerné.

49      Le présent moyen n’est pas tardif au regard de l’article 84 du règlement de procédure. En effet, la règle dont la requérante allègue la violation n’a été portée à sa connaissance que par le mémoire en défense, ainsi qu’elle le souligne dans la réplique lorsqu’elle la mentionne au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation (voir point 25 ci-dessus). De plus, les éléments factuels susceptibles de justifier la démonstration de la méconnaissance de cette règle ne sont effectivement apparus qu’avec la réponse donnée par le Parlement à la mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal. Il convient donc de considérer le moyen comme étant recevable.

50      Pour ce qui concerne le bien-fondé du moyen, il convient de souligner, à titre liminaire, que la requérante fait à juste titre valoir dans la réplique que les explications données par le Parlement dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, sur la manière dont la correction de sa copie relative à l’épreuve B avait été revue, contredisent les explications données antérieurement dans la réponse faite le 22 mars 2022 (voir point 6 ci-dessus) ainsi que dans le mémoire en défense. En effet, il a d’abord été indiqué que ladite copie avait fait l’objet d’une nouvelle correction après les deux corrections initiales dont elle avait fait l’objet, puisque, en réalité ces corrections initiales avaient seulement été réexaminées sans qu’une nouvelle correction ait été faite. C’est sur cette base factuelle, rectifiée par le Parlement, qu’il convient d’apprécier le moyen nouveau avancé par la requérante.

51      En premier lieu, la requérante avance que c’est en violation de la règle de révision des corrections que s’est fixée le jury que les deux membres du jury qui ont procédé à cette révision n’ont pas procédé eux-mêmes à une nouvelle correction pour attribuer une note finale à sa copie à l’épreuve B et qu’ils se sont contentés de revoir les deux corrections préalablement faites par les assesseurs et de retenir la note éliminatoire attribuée par l’un d’eux.

52      Dans la duplique, le Parlement soutient que la manière dont les deux membres du jury ont effectivement effectué cette révision, à savoir que « dans la deuxième phase [ils] ont examiné ensemble les deux corrections effectuées lors de la première phase et ont décidé à l’unanimité de retenir la correction qui avait attribué 16,5 points à l’épreuve B de la requérante [et ils] ont rédigé des commentaires dans la grille de correction retenue », ne viole pas les règles présidant aux travaux du jury.

53      Il y a donc lieu d’examiner si cette manière de procéder est conforme aux règles établies par le jury de concours relatives à la troisième correction ou si elle les viole de manière évidente (voir point 24 ci-dessus).

54      Dans le cadre de ce contrôle, pour identifier le caractère évident d’une violation, il doit être tenu compte du fait que, dans l’évaluation des épreuves, le jury d’un concours dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment en ce qui concerne les méthodes de correction, dès lors que le jury garde le pouvoir d’appréciation final et que ces méthodes ne mettent pas en cause le traitement égal des candidats (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 1987, Kolivas/Commission, 40/86, EU:C:1987:286, points 11 et 16, et du 26 janvier 2005, Roccato/Commission, T‑267/03, EU:T:2005:23, points 49 et 67). La manière, pour le jury, de réviser des corrections initiales faites par des assesseurs constitue une méthode de correction.

55      La décision du jury établissant la règle de révision des corrections, produite en annexe B3 au mémoire en défense, a pour titre « Révision des corrections des traductions ». Dans la partie intitulé « Méthodologie de révision », il est indiqué que « le troisième correcteur (normalement un membre du jury qui connaît la langue) effectue la révision après avoir revu les notes données par les deux premiers correcteurs », que « [l]e troisième correcteur siège […] avec un autre membre du jury, discute avec lui de la note finale et remplit la grille de correction » et que « [l]’approbation définitive des notes revues appartient au jury dans son ensemble, comme pour toutes les notes ». Dans la même partie, un passage concernant la situation spécifique dans laquelle « le jury ne couvre pas [la] combinaison linguistique » et qui prévoit qu’un membre du jury siège alors avec un assesseur maîtrisant cette combinaison spécifie qu’ils « effectuent la troisième correction au nom du jury ». Enfin, dans la dernière partie, intitulé « Note finale », il est indiqué que « [l]a note finale de la troisième correction est la note finale ».

56      Il doit être constaté que la décision du jury établissant la règle de révision des corrections emploie, dans la langue dans laquelle elle est rédigée, à savoir l’anglais, à la fois les mots « review » et « marker » ou « marking », c’est-à-dire révision (ou réexamen) et correcteur ou correction. Toutefois, comme il est indiqué au point 55 ci-dessus, la règle est intitulée « Révision des corrections des traductions » et prévoit que la révision est effectuée après révision des notes données par les deux premiers correcteurs. Dans ces conditions, cette règle peut être interprétée et appliquée, sans être violée de manière évidente, en ce sens que l’intervention des membres du jury consiste à effectuer leur révision à partir des deux premières corrections et non en effectuant une nouvelle correction complètement indépendante de celles-ci, les termes « troisième correcteur » ou « troisième correction » étant alors entendus dans un sens large comme correspondant à ce type de révision à partir des deux corrections initiales. Il y a lieu d’ajouter qu’aucun principe, notamment relatif au maintien du pouvoir final d’appréciation au jury ou à l’égalité de traitement, ni aucune règle supérieure ne s’opposent à une telle méthode (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, EU:T:2003:84, point 78). Dès lors, en l’espèce, le fait, d’une part, que la révision de la correction de la copie de la requérante à l’épreuve B a été faite à partir de ses deux corrections initiales et a abouti à la confirmation de l’une d’elles et de la note qui lui était liée et, d’autre part, que les commentaires des membres du jury ayant effectué cette révision ont été portés sur la grille de correction de cette correction initiale ne traduit pas une méconnaissance évidente d’une règle présidant aux travaux du jury.

57      En second lieu, s’agissant de la prétendue violation de la règle de révision des corrections arrêtée par le jury, la requérante souligne que le Parlement n’a précisé dans le mémoire en défense ni si la révision des corrections initiales de sa copie à l’épreuve B avait été faite par deux personnes maîtrisant la combinaison linguistique en cause dans les conditions prévues par cette règle ni de quelle façon le jury dans son ensemble avait entériné la note donnée par ces deux personnes.

58      Dans la duplique, le Parlement indique que les deux personnes ayant procédé à cette révision avaient une connaissance très approfondie du grec, après avoir indiqué dans le mémoire en défense que la notation en question avait été examinée et validée par l’ensemble du jury dans une réunion collégiale qui s’était tenue le 13 décembre 2021.

59      Rien ne permet de mettre en doute ces affirmations qui en elles-mêmes ne révèlent aucune contrariété avec la règle de révision des corrections arrêtée par le jury, dont les passages pertinents sont reproduits au point 55 ci-dessus.

60      Le moyen tiré de la méconnaissance des règles présidant aux travaux du jury, spécifiques au concours concerné, doit donc être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

61      La requérante soutient que l’évaluation de sa copie à l’épreuve B, assortie de la note éliminatoire de 16,5/40, est entachée d’une erreur manifeste. Elle avance à cet égard qu’elle a eu une très bonne note, à savoir 36,75/40, à l’épreuve A, qui était très similaire à l’épreuve B, qu’elle a une longue expérience reconnue d’écriture littéraire et de traduction en grec, que deux traducteurs expérimentés vers cette langue attestent, dans des témoignages produits en annexe à la requête, que sa traduction pour l’épreuve B ne mérite absolument pas une note aussi basse et n’y relèvent que deux erreurs (et non « quelques-unes » ou « trop » comme cela est indiqué dans la fiche d’évaluation), que l’un des collègues de son unité, traducteur réviseur, atteste, dans un témoignage également produit en annexe à la requête, qu’elle en est sans doute l’un des meilleurs traducteurs et que certains participants aux travaux du jury ont dit avoir eu, selon ce dernier témoignage, des difficultés à assurer leur rôle. Au vu des précisions apportées par le Parlement dans le mémoire en défense, elle ajoute en ce sens dans la réplique que l’un des deux correcteurs initiaux de sa copie à l’épreuve B lui a accordé une note significativement supérieure à la note éliminatoire qui a en définitive été retenue.

62      Comme cela a été rappelé au point 24 ci-dessus, il ressort toutefois d’une jurisprudence constante que les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats sont de nature comparative et que ces appréciations, ainsi que les décisions par lesquelles le jury constate l’échec d’un candidat à une épreuve, constituent l’expression d’un jugement de valeur quant à la prestation du candidat lors de l’épreuve, s’insèrent dans le large pouvoir d’appréciation dont dispose le jury et ne sauraient être soumises au contrôle du juge de l’Union qu’en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (arrêt du 9 octobre 1974, Campogrande e.a./Commission, 112/73, 144/73 et 145/73, EU:C:1974:97, point 53 ; voir également, arrêt du 6 juillet 2022, JP/Commission, T‑179/20, non publié, EU:T:2022:423, points 66 à 70 et jurisprudence citée). Il a certes été précisé à cet égard que, lorsqu’une épreuve était constituée de questions qui ne pouvaient appeler, pour chacune d’entre elles, qu’une seule réponse correcte et précise, le jury de concours n’avait pas de marge d’appréciation afin de déclarer correctes ou fausses les réponses données par un candidat à ces questions et que, dès lors, des corrections inexactes apportées par certains membres du jury aux réponses d’un candidat à des questions ne pouvant avoir qu’une seule réponse correcte constituaient une violation des règles présidant aux travaux du jury (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, points 277 et 278).

63      En l’espèce, les arguments résumés au point 61 ci-dessus ne se rapportent pas à une violation des règles présidant aux travaux du jury. En particulier, comme le souligne le Parlement, compte tenu de sa nature, l’épreuve B n’était pas une épreuve constituée de questions ne pouvant avoir qu’une seule réponse correcte, puisqu’il s’agissait d’une épreuve de traduction d’un texte complet. L’appréciation par le jury de la copie de la requérante à cette épreuve ne peut donc être contrôlée par le Tribunal, même au titre de l’erreur manifeste d’appréciation qui ne saurait être utilement soulevée par la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2005, Roccato/Commission, T‑267/03, EU:T:2005:23, point 43).

64      Le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation doit donc être rejeté. Aucun moyen n’ayant pu prospérer, le recours doit lui-même être rejeté.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement. Le Tribunal estime qu’il n’y a pas de raisons, liées à l’équité ou à l’existence de frais frustratoires ou vexatoires, telles que mentionnées à l’article 135 du règlement de procédure, pour donner une suite favorable à la demande de la requérante que le Parlement soit condamné aux dépens même en cas de rejet du recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PF est condamnée aux dépens.

Porchia

Jaeger

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.