Language of document : ECLI:EU:T:2005:264

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
30 juin 2005


Affaire T-190/03


Sanni Olesen

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Services effectués pour un autre État ou pour une organisation internationale – Notion d’État – Activité professionnelle principale »

Objet :         Recours ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 19 avril 2002 refusant à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et, d’autre part, une demande de paiement de cette indemnité à partir de la date de sa prise de fonctions, majorée des intérêts de retard.

Décision :         Le recours est rejeté. Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Droit communautaire – Interprétation – Principes – Interprétation autonome

2.      Fonctionnaires – Statut – Extension, par analogie, du bénéfice d’une disposition statutaire – Exclusion

3.      Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Objet – Conditions d’octroi – Services effectués pour un autre État ou une organisation internationale – Interprétation stricte

[Statut des fonctionnaires, annexe VII, art. 4, § 1, sous a)]

4.      Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Conditions d’octroi – Services effectués pour un autre État ou une organisation internationale – Notion d’« État » – Personne juridique et sujet unitaire de droit international – Services effectués pour une collectivité locale – Exclusion

[Statut des fonctionnaires, annexe VII, art. 4, § 1, sous a)]

5.      Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Conditions d’octroi – Services effectués pour un autre État ou une organisation internationale – Exigence d’une activité professionnelle exercée à titre principal

[Statut des fonctionnaires, annexe VII, art. 4, § 1, sous a)]


1.      Il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition de droit communautaire, qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause.

Afin de procéder à l’interprétation autonome d’une telle disposition, il convient de se référer, en premier lieu, à son libellé, en deuxième lieu, au contexte dans lequel elle s’inscrit, à sa raison d’être et à sa nature, ainsi que, en troisième lieu, aux interprétations que la jurisprudence a dégagées en la matière.

(voir points 36 et 38)

Référence à : Cour 18 janvier 1984, Ekro, 37/82, Rec. p. 107, point 11 ; Tribunal 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, Rec. p. II‑2619, point 36 ; Tribunal 28 janvier 1999, D/Conseil, T‑264/97, RecFP p. I‑A‑1 et II‑1, points 26 et 27, confirmé par Cour 31 mai 2001, D et Suède/Conseil, C‑122/99 P et C‑125/99 P, Rec. p. I‑4319


2.      Les dispositions du statut qui ont pour seule finalité de réglementer les relations juridiques entre les institutions et les fonctionnaires, en établissant des droits et obligations réciproques, comportent une terminologie précise dont l’extension, par analogie, à des cas non visés de façon explicite est exclue.

(voir point 39)

Référence à : Cour 16 mars 1971, Bernardi/Parlement, 48/70, Rec. p. 175, points 11 et 12 ; Cour 20 juin 1985, Klein/Commission, 123/84, Rec. p. 1907, point 23 ; Cour 10 juin 1999, Johannes, C‑430/97, Rec. p. I‑3475, points 18 et 19 ; Tribunal 19 juillet 1999, Mammarella/Commission, T‑74/98, RecFP p. I‑A‑151 et II‑797, point 38


3.      La raison d’être de l’indemnité de dépaysement, prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, est de compenser les charges et désavantages particuliers résultant de l’exercice permanent de fonctions dans un pays avec lequel le fonctionnaire n’a pas établi de lien durable avant son entrée en fonctions.

Ainsi, en établissant l’exception selon laquelle, pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération, l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut vise à ne pas pénaliser les fonctionnaires qui, dans les situations susmentionnées, ne peuvent pas être considérés comme ayant établi un lien durable avec le pays d’affectation.

Cette exception constitue la seule prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut aux conditions que le fonctionnaire doit remplir pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement, à savoir ne pas avoir et n’avoir jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et ne pas avoir habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions.

Par conséquent, les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, et ce parce qu’elles constituent une exception aux conditions d’octroi de l’indemnité de dépaysement. De plus, une telle interprétation s’impose également dès lors qu’il s’agit d’une disposition régissant l’octroi d’un avantage financier.

(voir points 44 à 48)

Référence à : Cour 15 janvier 1981, Vutera/Commission, 1322/79, Rec. p. 127, point 8 ; Cour 6 mai 1982, BayWa e.a., 146/81, 192/81 et 193/81, Rec. p. 1503, point 10 ; Cour 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 246/83,Rec. p. 1253, points 13 et 14 ; Cour 31 mai 1988, Nuñez/Commission, 211/87, Rec. p. 2791, point 11 ; Tribunal 8 mars 1990, Schwedler/Parlement, T‑41/89, Rec. p. II‑79, point 23, confirmé par Cour 28 novembre 1991, Schwedler/Parlement, C‑132/90 P, Rec. p. I‑5745 ; Tribunal 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, Rec. p. II‑357, point 39 ; Tribunal 30 novembre 1994, Dornonville de la Cour/Commission, T‑498/93, RecFP p. I‑A‑257 et II‑813, point 38 ; Tribunal 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T‑72/94, RecFP p. I‑A‑285 et II‑865, point 48 ; Tribunal 17 avril 2002, Sada/Commission, T‑325/00, RecFP p. I‑A‑47 et II‑209, point 37 ; Tribunal 11 septembre 2002, Nevin/Commission, T‑127/00, RecFP p. I‑A‑149 et II‑781, point 50 ; Tribunal 8 septembre 2003, Lebedef e.a./Commission, T‑221/02, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1037, point 38 ; Tribunal 15 juillet 2004, Valenzuela Marzo/Commission, T‑384/02, non encore publié au Recueil, point 104


4.      Aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut, la notion d’État ne vise que les instances de l’État en tant que personne juridique et sujet unitaire de droit international, ce que corrobore l’économie des dispositions en cause, à l’exclusion de ses différents démembrements en vertu du droit interne dudit État, juridiquement distincts de ce dernier en vertu même dudit droit interne. Une telle notion ne saurait donc s’étendre aux communes jouissant de la personnalité juridique dans l’ordre interne de l’État.

(voir points 51 et 52)


5.      L’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, dernière phrase, de l’annexe VII du statut doit être interprété en ce sens que, pour permettre à l’intéressé de bénéficier de l’exception en matière d’octroi de l’indemnité de dépaysement y contenue en faveur du fonctionnaire qui, tout en ayant résidé dans l’État membre d’affectation, y effectuait des services pour un autre État ou une organisation internationale, seule une activité professionnelle exercée à titre principal peut être prise en considération.

D’une part, en effet, cette exception doit être comprise à la lumière de la phrase précédente du même article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, laquelle se réfère à la résidence ou à l’activité professionnelle exercée à titre principal.

D’autre part, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, qui se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur la résidence habituelle et l’activité professionnelle principale du fonctionnaire sur le territoire de l’État du lieu d’affectation pendant une certaine période de référence, retient ces points de rattachement en vue d’établir des critères simples et objectifs pour appréhender les situations habituelles des fonctionnaires qui sont obligés de changer de résidence et de s’intégrer ou de se réintégrer dans le milieu du lieu de leur affectation, du fait de leur prise de fonctions auprès des institutions communautaires.

(voir points 60 à 62)

Référence à : Nuñez/Commission, précité, point 10 ; Tribunal 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T‑18/91, Rec. p. II‑1655, point 41 ; Tribunal 13 avril 2000, Reichert/Parlement, T‑18/98, RecFP p. I‑A‑73 et II‑309, point 25 ; Tribunal 15 juin 2000, Fantechi/Commission, T‑51/99, RecFP p. I‑A‑111 et II‑485, point 28 ; Tribunal 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, RecFP p. I‑A‑107 et II‑489, point 52