Language of document : ECLI:EU:T:2005:164

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
10 mai 2005


Affaire T-193/03


Giuseppe Piro

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Recours en annulation – Rapport de notation – Motivation – Recours en indemnité – Préjudice moral »

Objet:      Recours ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission portant adoption du rapport de notation définitif du requérant pour la période 1999/2001 et, d’autre part, une demande de dommages-intérêts.

Décision:      La Commission est condamnée à payer au requérant un euro en réparation du préjudice moral subi. Le recours est rejeté pour le surplus. La Commission supportera ses propres dépens et la moitié de ceux exposés par le requérant. Le requérant supportera la moitié de ses dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Notation – Rapport de notation – Obligation de motivation – Portée – Nécessaire cohérence entre les appréciations analytiques et les commentaires

(Statut des fonctionnaires, art. 43)

2.      Fonctionnaires – Notation – Rapport de notation – Notateur d'appel – Conséquences de l’intervention du comité paritaire des notations quant à son obligation de motivation

(Statut des fonctionnaires, art. 43)

3.      Fonctionnaires – Notation – Rapport de notation – Établissement – Délai – Caractère impératif des délais fixés par la réglementation interne d’une institution – Exceptions

(Statut des fonctionnaires, art. 43)

4.      Fonctionnaires – Notation – Rapport de notation – Établissement – Tardiveté – Faute de service génératrice d'un préjudice moral

(Statut des fonctionnaires, art. 43)


1.      L’administration a l’obligation de motiver les rapports de notation de façon suffisante et circonstanciée. Dans un rapport de notation, une telle motivation figure, en principe, sous l’intitulé « Appréciation d’ordre général » du formulaire ad hoc. Elle explicite en trois points, relatifs respectivement à la compétence, au rendement et à la conduite dans le service, la grille d’appréciation analytique du même formulaire. Les commentaires d’ordre général accompagnant les appréciations analytiques doivent permettre au noté d’en apprécier le bien‑fondé en toute connaissance de cause et, le cas échéant, au juge communautaire d’exercer son contrôle juridictionnel, et il importe, à cet effet, qu’existe une cohérence entre ces appréciations et les commentaires destinés à les justifier.

(voir point 41)

Référence à : Tribunal 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 41 ; Tribunal 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 27, et la jurisprudence citée ; Tribunal 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, non encore publié au Recueil, point 49


2.      Dès lors que le rapport de notation comporte une motivation suffisante, il ne saurait être exigé du notateur d’appel qu’il fournisse des explications complémentaires sur les raisons qui le conduisent à ne pas suivre les recommandations du comité paritaire des notations, sauf si l’avis de cet organe consultatif fait état de circonstances spéciales propres à jeter le doute sur la validité ou le bien‑fondé de l'appréciation initiale et appelle, de ce fait, une appréciation spécifique du notateur d’appel quant aux conséquences éventuelles à tirer de ces circonstances.

(voir point 59)

Référence à : Mellone/Commission, précité, point 33 ; Tribunal 5 novembre 2003, Lebedef-Caponi/Commission, T‑98/02, RecFP p. I‑A‑277 et II‑1343, point 61


3.      L’administration a le devoir impérieux de veiller à la rédaction périodique des rapports de notation aux dates imposées par le statut et à leur établissement régulier, tant pour des motifs de bonne administration que pour sauvegarder les intérêts des fonctionnaires.

La jurisprudence accordant à l’administration un délai général raisonnable pour la rédaction des rapports de notation n’est pas applicable dès lors que des dispositions ayant force obligatoire pour l’administration subordonnent le déroulement de la procédure de notation à des délais précis.

Tout dépassement de ces délais doit, en principe, être reproché à l’administration. Toutefois, des dépassements du délai fixé pour l’établissement du rapport de notation causés par des circonstances particulières, telles qu’une maladie grave de longue durée, le décès, une mission, une mutation ou un congé de convenance personnelle d’une des personnes impliquées dans la procédure de notation ou par le comportement dilatoire du noté lui‑même ne peuvent pas être reprochés à l’administration.

(voir points 76, 78, 79 et 81)

Référence à : Cour 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec. p. 1419, points 44 et 45 ; Mellone/Commission, précité, point 77 ; Tribunal 7 mai 2003, den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, points 88, 90 et 91 ; Tribunal 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, non encore publié au Recueil, points 60, 61 et 65


4.      Le retard survenu dans l’établissement des rapports de notation est de nature à porter préjudice au fonctionnaire du seul fait que le déroulement de sa carrière peut être affecté par le défaut d’un tel rapport à un moment où des décisions le concernant doivent être prises. Un fonctionnaire qui ne possède qu’un dossier individuel irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel.

(voir point 94)

Référence à : Cour 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497, point 36 ; Geist/Commission, précité, point 48 ; Mellone/Commission, précité, point 78 ; Huygens/Commission, précité, point 86