Language of document : ECLI:EU:T:2000:86

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 mars 2000 (1)

«Fonctionnaires - Délai de réclamation - Notification de la décision - Langues - Annulation d'un examen médical d'embauche au motif d'une fausse déclaration»

Dans l'affaire T-197/98,

Charlotte Rudolph, ancienne fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me O. Eben, avocat au barreau de Bruxelles, cabinet Tonnar, 29, rue du Fossé, Esch-sur-Alzette (Luxembourg),

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valsesia, conseiller juridique principal, et J. Currall, conseiller juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 17 novembre 1997 déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante et soumettant celle-ci à un nouvel examen d'aptitude physique et de ladécision de la Commission du 7 décembre 1998 annulant les décisions des 3 juillet et 14 décembre 1995 portant engagement de la requérante en tant que fonctionnaire, ainsi qu'une demande d'indemnisation du préjudice moral prétendument subi par celle-ci,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. R. M. Moura Ramos et P. Mengozzi, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 18 novembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits

1.
    Le 1er février 1995, la requérante a été recrutée par la Commission en qualité d'agent auxiliaire.

2.
    Le 6 février 1995, à la suite de son inscription sur la liste d'aptitude du concours EUR/C/52, elle a été soumise à un examen médical d'embauche, effectué par le Dr Dolmans, médecin-conseil de la Commission. À cette occasion, elle a complété un questionnaire rédigé en anglais. Le Dr Dolmans a, par la suite, rendu un avis d'aptitude, conformément à l'article 28 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»).

3.
         Par décision du 3 juillet 1995, avec effet rétroactif au 1er juillet 1995, la requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire de grade C 5 et a été affectée au service de la traduction. Elle a été titularisée dans son emploi par décision du 14 décembre 1995 prenant effet le 1er janvier 1996.

4.
    Après sa titularisation, la requérante a bénéficié de nombreux congés de maladie. Du 25 janvier 1996 au 7 juin 1996, elle a été absente à six reprises pour cause de maladie. Puis, du 10 juin 1996 au 18 avril 1997 ainsi que du 2 juin 1997 au 30 septembre 1997, elle a été absente sans interruption pour le même motif.

5.
    Le service d'affectation a signalé cette situation à l'administration qui, à son tour, a demandé l'intervention du médecin-contrôleur, le Dr Mettendorf. Celui-ci aconsulté le Pr De Meirleir afin de vérifier le bien-fondé médical des absences de la requérante.

    

6.
    Après avoir examiné la requérante en janvier et février 1997, le Pr De Meirleir a diagnostiqué, le 11 mars 1997, dans un rapport adressé au Dr Mettendorf, le «syndrome de fatigue chronique» (ci-après le «CFS») et a signalé, entre autres antécédents pathologiques, une mononucléose infectieuse survenue en 1986. Selon ce rapport, l'état de santé de la requérante ne lui permettrait pas d'accomplir des travaux physiques importants.

7.
    Le 14 mars 1997, la requérante a été reçue, sur sa demande, par le Dr Dolmans. Au cours de cette consultation, la requérante a évoqué, entre autres, ses fatigues qui survenaient, notamment, chaque hiver mais dont aucun médecin n'avait pu déterminer une origine pathologique.

8.
    Le service médical a ensuite communiqué à l'administration le rapport du Pr De Meirleir ainsi que certains éléments d'information issus de la conversation du 14 mars 1997 entre la requérante et le Dr Dolmans.

9.
    Le 17 novembre 1997, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»), estimant que l'avis médical d'aptitude avait été rendu sur la base d'informations inexactes, a adopté une décision déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante du 6 février 1995 et a décidé de soumettre celle-ci à un nouvel examen médical.

10.
    Par lettre du 19 décembre 1997, M. Zorbas, «secrétaire politique» d'un syndicat de fonctionnaires, a contesté, au nom de la requérante, l'affirmation de l'AIPN contenue dans la décision du 17 novembre 1997 selon laquelle la requérante avait omis volontairement de déclarer des faits pertinents à l'occasion de son examen médical d'embauche.

11.
    Par cette même lettre, M. Zorbas a informé l'AIPN que la décision du 17 novembre 1997 n'était parvenue à la requérante que le 17 décembre 1997. En effet, copie de la décision a été adressée à cette dernière par le Dr Heisbourg, par courrier daté du 1er décembre 1997, qui contenait également une invitation à passer un nouvel examen médical le 9 décembre 1997. De plus, M. Zorbas a fait observer que ladite décision aurait dû être rédigée en suédois ou en anglais, afin que la requérante puisse être en mesure de la comprendre.

12.
    Le 9 janvier 1998, l'AIPN a envoyé une version en anglais de sa décision du 17 novembre 1997 à la requérante qui l'a reçue, selon une mention manuscrite figurant sur ladite décision, le 14 janvier 1998.

13.
    Par lettre datée du 22 janvier 1998, le Dr Dolmans a indiqué à la requérante qu'une réunion d'un comité médical aurait lieu le 3 février 1998 et que le Dr Beethavait accepté de la représenter. Au cours de cette réunion seraient évoqués les différents points de vue concernant le cas de la requérante, et cela en présence du Dr Dolmans et du Pr De Meirleir. Cette lettre a été envoyée à la requérante le 6 février 1998.

14.
    Le 3 février 1998, la «commission médicale bipartite», réunissant les Drs Beeth et Dolmans et le Pr De Meirleir, a discuté du cas de la requérante, en dehors de la présence de cette dernière. Le Dr Dolmans et le Pr De Meirleir ont émis un avis, non partagé par le Dr Beeth, d'après lequel l'affection de la requérante aurait pu être décelée en février 1995, et un avis d'inaptitude aurait pu être prononcé si les renseignements anamnestiques avaient été fournis à cette date.

15.
    Le 16 février 1998, faisant suite à la décision du 17 novembre 1997, le service médical a convoqué la requérante pour un nouvel examen médical, prévu pour le 25 février 1998.

16.
    La requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de l'AIPN du 17 novembre 1997. La réclamation, non datée, a été transmise à la Commission par télécopieur le 10 avril 1998 et a été enregistrée au secrétariat général le 28 avril 1998. Le 24 avril 1998, la requérante a transmis à l'AIPN une note complémentaire à sa réclamation.

17.
    Par lettre du 11 mai 1998, l'AIPN, rappelant le fait que la requérante avait refusé, à deux reprises, de se soumettre à un examen médical en vue de déterminer son aptitude au travail, a invité celle-ci à désigner un médecin pour la représenter le 16 juin 1998 lors de la réunion d'un comité médical. Cette dernière permettrait de mettre fin à une situation caractérisée par une absence d'avis sur l'aptitude au travail de la requérante et aurait lieu dans les conditions prévues à l'article 33, second alinéa, du statut .

18.
    Ce comité, intitulé «commission médicale de recours», composé du Dr Lambrecht et des Prs Zegers de Beyl et Lambert, tous les trois choisis par la Commission, s'est réuni le 16 juin 1998 sans la présence d'un représentant de la requérante.

19.
    Le comité susvisé était invité à répondre aux questions suivantes:

«Les renseignements anamnestiques non fournis lors de la visite d'embauche en février 1995 auraient-ils permis ou non, s'ils nous avaient été communiqués, de faire le diagnostic de la pathologie actuelle de Mlle Rudolph?

Si ces renseignements avaient été fournis en temps utile, cela aurait-il pu modifier l'avis médical en matière d'aptitude?»

Le comité a répondu par l'affirmative à ces deux questions.

20.
    Par décision du 14 octobre 1998, l'AIPN a rejeté la réclamation de la requérante.

21.
    Par lettre du 27 octobre 1998, la requérante a encore été invitée à se présenter à un examen médical d'embauche le 4 novembre 1998 et a été avertie que, en cas de non-présentation, sa titularisation serait annulée sans autre formalité.

22.
    Par décision du 7 décembre 1998, prenant effet le 1er février 1999, l'AIPN a annulé les décisions des 3 juillet et 14 décembre 1995 portant, respectivement, sur l'engagement de la requérante comme fonctionnaire stagiaire et sur la titularisation de celle-ci dans son emploi.

Procédure et conclusions des parties

23.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 1998, la requérante a introduit le présent recours.

24.
    La procédure écrite s'est terminée le 1er juillet 1999.

25.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, à titre de mesures d'organisation de la procédure, a demandé aux parties de répondre à des questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

26.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 18 novembre 1999.

27.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    juger que l'omission de mentionner ses antécédents pathologiques, lors de son examen médical d'embauche, ne peut être considérée comme volontaire;

-    déclarer que l'examen médical d'embauche du 6 février 1995 ne peut être considéré comme nul et non avenu;

-    déclarer qu'elle ne doit pas se soumettre à un nouvel examen médical d'embauche afin de vérifier son aptitude au travail;

-    annuler la décision du 7 décembre 1998;

-    déclarer qu'elle doit être réintégrée dans ses fonctions et que l'arriéré de son salaire doit lui être payé, augmenté d'intérêts au taux de 10 % depuis la date de la cessation du paiement de son salaire;

-    condamner la Commission à lui payer la somme de 100 000 euros, en réparation du préjudice moral subi à la suite de l'«abus de pouvoir» commis par la défenderesse;

-    déclarer que ni le Pr De Meirleir ni le Dr Dolmans ne peuvent encore intervenir dans son dossier comme médecins-conseils de la Commission;

-    pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission du 17 novembre 1997 et la décision de rejet de sa réclamation.

-    condamner la Commission à l'ensemble des dépens.

28.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

29.
    Lors de la procédure orale, après qu'il eut été rappelé par le Tribunal que celui-ci n'a, selon une jurisprudence constante, pas compétence pour adresser des injonctions à la Commission, la requérante a renoncé aux conclusions tendant à ce qu'il plaise au Tribunal déclarer qu'elle ne doit pas se soumettre à un nouvel examen médical d'embauche, qu'elle doit être réintégrée dans ses fonctions et que le Pr De Meirleir et le Dr Dolmans ne peuvent plus intervenir dans son dossier.

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité des conclusions tendant à ce qu'il plaise au Tribunal juger que l'omission par la requérante de mentionner ses antécédents pathologiques, lors de son examen médical d'embauche, ne peut être considérée comme volontaire et déclarer que ledit examen ne peut être considéré comme nul et non avenu

30.
    Le Tribunal constate que ces conclusions ne se distinguent pas de celles visant à l'annulation de la décision de la Commission du 17 novembre 1997 déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante. En effet, les conclusions relatives au constat de l'absence de caractère volontaire de l'omission de mentionner les antécédents pathologiques, lors dudit examen, relèvent, en réalité, du second moyen d'annulation, tiré d'erreurs manifestes d'appréciation. Quant aux conclusions visant à ce que le Tribunal déclare que l'examen médical d'embauche de la requérante ne peut pas être considéré comme nul et non avenu, elles coïncident précisément avec celles tendant à l'annulation de la décision du 17 novembre 1997.

31.
    Par conséquent, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions indépendamment de celles visant à l'annulation de la décision de la Commission du 17 novembre 1997déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante, dont la recevabilité sera examinée ci-après (points 41 et suivants).

Sur la recevabilité des conclusions tendant au paiement de l'arriéré de salaire, augmenté d'intérêts au taux de 10 % depuis la date de cessation du paiement du salaire

32.
    Comme il a été rappelé ci-dessus (point 29), le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l'autorité administrative, adresser des injonctions à une institution communautaire, en ordonnant à celle-ci de prendre les mesures qu'implique l'exécution d'un arrêt annulant une décision. Néanmoins, dans les litiges de caractère pécuniaire, le Tribunal dispose d'une compétence de pleine juridiction, conformément à l'article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut, lui permettant de condamner l'institution défenderesse au paiement de montants déterminés et augmentés, le cas échéant, d'intérêts moratoires (arrêts du Tribunal du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T-15/93, Rec. p. II-1327, points 41 et 42, et du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil, T-130/96, RecFP p. I-A-351 et II-1017, point 39).

33.
    Dans la mesure où la requérante conclut à ce qu'il soit ordonné à la Commission de lui payer l'arriéré de son salaire augmenté d'intérêts, le Tribunal estime que, s'agissant d'un litige de caractère pécuniaire dans lequel le juge communautaire dispose d'une compétence de pleine juridiction, conformément à l'article 91, paragraphe 1, deuxième phrase, du statut, ce chef de conclusions doit être déclaré recevable (voir arrêt Aquilino/Conseil, précité, point 40, et arrêt Vienne/Parlement, précité, points 41 et 42). Cette solution n'est pas infirmée par le fait que la requérante n'a pas présenté un calcul de l'arriéré de salaire réclamé. En effet, la requérante n'était pas en mesure d'en déterminer le montant exact, lequel est lié à la date du prononcé de l'arrêt. Par ailleurs, le montant du salaire de chaque fonctionnaire étant objectivement déterminable, notamment en considération de son classement, il convient de considérer que le chef de conclusions visant à faire condamner la Commission à payer l'arriéré de salaire, augmenté d'intérêts, est suffisamment précis.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 novembre 1997 déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante et de celle portant rejet de la réclamation contre la décision du 17 novembre 1997

Arguments des parties

34.
    La Commission fait observer que la réclamation du 10 avril 1998 a été introduite tardivement contre la décision du 17 novembre 1997, parvenue à la requérante le 17 décembre 1997. Elle estime que, même si la décision, dans la version en anglais, n'a pas été notifiée avant le 14 janvier 1998, c'est la date du 17 décembre 1997 quiconstitue le point de départ du délai de trois mois prévu à l'article 90, paragraphe 2, du statut. En effet, la requérante aurait été en mesure de comprendre la décision du 17 novembre 1997 dans sa version en français .

         

35.
    La Commission soutient que la requérante a une connaissance suffisante de la langue française. Elle se réfère, à cet égard, à l'acte de candidature de la requérante, dans lequel celle-ci indique qu'elle connaît le français , au rapport de fin de stage qui mentionne le français comme étant une langue utilisée dans le service où la requérante était affectée et à un formulaire, rédigé en français, complété par la requérante .

36.
    De toute façon, la requérante aurait compris la teneur de la décision du 17 novembre 1997 par personnes interposées, ainsi qu'en attesterait la mention manuscrite figurant à la fin de la lettre du 19 décembre 1997 de M. Zorbas, libellée comme suit: «approuvé par Charlotte Rudolph, par traduction directe» («approved by Charlotte Rudolph, via direct translation») .

37.
    La Commission estime, ensuite, que le contenu de la réclamation et de la requête prouve que la requérante, avec l'aide de son conseil, a parfaitement compris tous les actes de la procédure, qu'ils soient rédigés en anglais ou en français .

38.
    La Commission précise, enfin, que le fait qu'elle a envoyé une version en anglais de la décision signifie uniquement qu'elle a voulu tenir compte du souhait de la requérante de recevoir une décision libellée dans cette langue, sans pour autant admettre que l'emploi de celle-ci était, en l'espèce, obligatoire. Elle fait également valoir que l'élaboration des décisions adressées aux fonctionnaires n'obéit à aucun régime linguistique particulier.

39.
    La requérante soutient qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de s'interroger sur sa connaissance de la langue française. En effet, en lui adressant, sans aucune contestation, une version en anglais de la décision du 17 novembre 1997, la Commission aurait admis le bien-fondé de la position de la requérante, telle qu'énoncée dans la lettre de M. Zorbas du 19 décembre 1997, à savoir l'obligation pour l'institution d'employer la langue anglaise dans les actes la concernant. Elle fait observer également que la Commission a invoqué l'irrecevabilité de la réclamation du 10 avril 1998 pour la première fois dans son mémoire en défense.

40.
    En outre, en réponse à l'allégation de la Commission selon laquelle elle avait pu comprendre la version française par personnes interposées, la requérante fait remarquer que, si M. Zorbas maîtrise bien la langue française, il n'en va pas de même de la langue anglaise, ce qui explique qu'il a été capable de comprendre la décision du 17 novembre 1997 libellée en français, sans pour autant être en mesure de la traduire correctement en anglais. La requérante conclut qu'elle n'a pas pu pleinement appréhender le contenu de ladite décision.

Appréciation du Tribunal

41.
    Il y a lieu de rappeler, liminairement, que les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont d'ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties ou du juge (ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, points 40 à 42; arrêts du Tribunal du 25 septembre 1991, Lacroix/Commission, T-54/90, Rec. p. II-749, point 24, et du 23 avril 1996, Mancini/Commission, T-113/95, RecFP p. I-A-185 et II-543, point 20). Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait que la partie défenderesse n'a pas invoqué le caractère tardif de la réclamation au cours de la phase précontentieuse n'a pour effet ni de priver l'administration de la faculté de soulever, au stade de la procédure juridictionnelle, une exception d'irrecevabilité, ni de dispenser le Tribunal de l'obligation qui lui incombe de vérifier le respect des délais statutaires (arrêts du Tribunal Lacroix/Commission, précité, point 25, et du 17 octobre 1991, Offermann/Parlement, T-129/89, Rec. p. II-855, point 34).

42.
    S'il est certain que le recours a été introduit dans le délai de trois mois à compter du jour de la notification de la décision du 14 octobre 1998 portant rejet de la réclamation, conformément à l'article 91, paragraphe 3, du statut, il convient d'examiner si la réclamation a été introduite dans le délai prévu à l'article 90, paragraphe 2, du statut. Cet article dispose:

«[...] La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois. Ce délai court:

-    du jour de la publication de l'acte s'il s'agit d'une mesure de caractère général,

-    du jour de la notification de la décision au destinataire et en tout cas au plus tard du jour où l'intéressé en a connaissance s'il s'agit d'une mesure de caractère individuel [...]»

43.
    Par conséquent, pour que l'introduction de la réclamation du 10 avril 1998 soit considérée comme tardive, il faut que la requérante ait eu connaissance de la décision du 17 novembre 1997 avant le 10 janvier 1998. À cet égard, il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté d'un recours au regard des délais fixés par le statut de faire la preuve de la date à laquelle la décision attaquée a été notifiée (arrêts du Tribunal du 9 juin 1994, X/Commission, T-94/92, RecFP p. I-A-149 et II-481, point 22, et du 3 juin 1997, H/Commission, T-196/95, RecFP p. I-A-133 et II-403, point 30).

44.
    Or, pour qu'une décision soit dûment notifiée, au sens des dispositions du statut, il faut qu'elle ait été communiquée à son destinataire et que celui-ci soit en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de la décision (arrêt de la Cour du 15 juin 1976, Jänsch/Commission, 5/76, Rec. p. 1027, point 10; arrêts du Tribunaldu 8 juin 1993, Fiorani/Parlement, T-50/92, Rec. p. II-555, point 16, X/Commission,précité, point 24, et H/Commission, précité, points 31 et 35).

45.
    Il y a lieu de relever que les documents invoqués par la Commission ne permettent pas de déduire, à l'évidence, que la requérante comprenait suffisamment bien le français pour prendre utilement connaissance de la décision du 17 novembre 1997, libellée dans cette langue. À cet égard, il convient d'observer que la requérante a uniquement mentionné dans son curriculum vitae qu'elle «peut se faire comprendre en français». Cette mention exprime un niveau de connaissances qui ne permet pas nécessairement de comprendre facilement une décision dont les termes diffèrent tant de la terminologie administrative habituelle que du langage courant. Par ailleurs, il y a lieu de souligner l'imprécision de la mention, dans le rapport de fin de stage, relative à l'utilisation du français dans le service d'affectation de la requérante, mention qui ne donne aucune information sérieuse sur le niveau de connaissances de la requérante en français. Enfin, il convient de constater que le texte du formulaire, complété par la requérante, est constitué de termes administratifs courants et contient peu de phrases complètes, à l'inverse de la décision du 17 novembre 1997 dont la bonne compréhension exige une connaissance approfondie du français.

46.
    L'argument de la Commission selon lequel la requérante a, de toute façon, pu comprendre la décision du 17 novembre 1997 libellée en français, par personnes interposées, et notamment par l'intermédiaire de M. Zorbas, ne saurait être accueilli. D'abord, comme la requérante l'a fait valoir à juste titre, il est concevable que M. Zorbas maîtrise bien la langue française mais non la langue anglaise, de sorte qu'il était capable de comprendre la décision du 17 novembre 1997 rédigée en français, sans pour autant être capable de la traduire correctement en anglais à la requérante. Ensuite, il y a lieu de considérer que, en tout état de cause, la Commission, qui dispose des moyens pour communiquer à un fonctionnaire une décision individuelle libellée dans une langue que celui-ci comprend certainement, ne doit pas créer une situation dans laquelle ce fonctionnaire a besoin de l'aide d'une autre personne pour bien comprendre le dispositif et la motivation de la décision qui lui est adressée. Une telle situation n'est pas compatible avec le devoir de sollicitude qui s'impose aux institutions vis-à-vis de leurs fonctionnaires et ne peut pas, de toute façon, caractériser une notification utile faisant courir le délai de réclamation. L'administration a l'obligation de s'assurer que les fonctionnaires peuvent effectivement et facilement prendre connaissance des actes administratifs qui les concernent individuellement. Même si le statut ne règle pas la question de l'emploi des langues par les institutions communautaires dans le cadre des décisions adressées à leur personnel, il incombe aux institutions, en vertu du devoir de sollicitude, d'adresser à un fonctionnaire une décision individuelle libellée dans une langue que celui-ci maîtrise d'une façon approfondie. Cette obligation s'impose d'autant plus dans le cas où, comme en l'espèce, la décision prise par l'institution peut avoir des implications sur l'emploi de ce fonctionnaire.

47.
    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que la requérante a utilement pu prendre connaissance de la décision du17 novembre 1997, au sens des dispositions du statut, avant le 14 janvier 1998, date à laquelle elle en a reçu une version en anglais.

48.
    Il s'ensuit que la demande d'annulation est recevable dans la mesure où elle vise la décision du 17 novembre 1997 déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante et soumettant celle-ci à un nouvel examen médical pour vérifier son aptitude physique au travail.

49.
    En revanche, la demande d'annulation ayant pour objet la décision du 14 octobre 1998 portant rejet de la réclamation du 10 avril 1998 doit être déclarée irrecevable. En effet, selon une jurisprudence constante, une décision de rejet d'une réclamation, qu'elle soit implicite ou explicite, ne fait que confirmer l'acte ou l'abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, en tant que telle, un acte attaquable (arrêt de la Cour du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, Rec. p. 1677, points 9 et 10, ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T-195/96, RecFP p. I-A-51 et II-117, points 48 à 50, et arrêt H/Commission, précité, points 39 et 40).

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 1998 mettant fin à l'emploi de la requérante

Arguments des parties

50.
    La Commission fait observer que le recours a été introduit le 15 décembre 1998, à savoir huit jours seulement après la décision du 7 décembre 1998 et sans être précédé d'une réclamation contre ladite décision.

51.
    Au surplus, la Commission constate que la requérante n'invoque pas les dispositions prévues à l'article 91, paragraphe 4, du statut .

52.
    La requérante rétorque que la décision du 7 décembre 1998 n'est qu'une confirmation de celle du 17 novembre 1997 ainsi que de la décision du 14 octobre 1998 de rejet de la réclamation. En effet, la décision du 7 décembre 1998, mettant fin à l'emploi de la requérante, ne comporterait aucun élément nouveau. Une réclamation contre ladite décision aurait, selon la requérante, été identique à celle du 10 avril 1998 que la Commission avait, déjà, rejetée .

Appréciation du Tribunal

53.
    Selon une jurisprudence constante, le recours d'un fonctionnaire contre un acte faisant grief doit être précédé d'une réclamation précontentieuse ayant fait l'objet d'une décision explicite ou implicite de rejet. Un recours introduit avant que cette procédure précontentieuse ne soit terminée est, en raison de son caractère prématuré, irrecevable en vertu de l'article 91, paragraphe 2, du statut (ordonnance de la Cour du 23 septembre 1986, Du Besset/Conseil, 130/86, Rec. p. 2619, point7; arrêt du Tribunal du 20 juin 1990, Marcato/Commission, T-47/89 et T-82/89, Rec. p. II-231, point 32; ordonnance du Tribunal du 4 décembre 1991, Moat et TAO/AFI/Commission, T-78/91, Rec. p. II-1387, point 3).

54.
    Force est de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la décision du 7 décembre 1998 mettant fin à son emploi ne se borne pas à confirmer la décision du 17 novembre 1997 déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche dont elle a fait l'objet et la soumettant à un nouvel examen médical visant à vérifier son aptitude au travail. En effet, le caractère confirmatif ne saurait être reconnu qu'à un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur (voir arrêt de la Cour du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, Rec. p. 3709, point 18, et arrêt du Tribunal du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T-82/92, RecFP p. I-A-69 et II-237, point 14). Or, manifestement, la décision du 7 décembre 1998 contient un élément nouveau par rapport à celle du 17 novembre 1997, en l'occurrence le fait de mettre fin à l'emploi de la requérante. Par conséquent, la décision du 7 décembre 1998 ne constitue pas un acte purement confirmatif de la décision du 17 novembre 1997, même si elle se base sur les mêmes faits.

55.
    Dans ces circonstances, eu égard à l'absence de réclamation contre la décision du 7 décembre 1998, la demande d'annulation est irrecevable dans la mesure où elle vise la décision du 7 décembre 1998 mettant fin à son emploi.

56.
    Cette conclusion n'infirme pas celle admettant la recevabilité du recours dans la mesure où il vise l'annulation de la décision du 17 novembre 1997. Cette dernière, prise isolément, peut, en effet, faire l'objet d'un recours en annulation. Par cette décision, la Commission a fait application, à l'égard de la requérante, de la sanction mentionnée au bas du questionnaire médical, sous la forme d'un avertissement adressé aux candidats, à savoir que l'examen médical d'embauche sera déclaré nul et non avenu en cas de fraude. En agissant ainsi, la Commission a modifié de façon caractérisée la situation juridique de la requérante (voir arrêts du Tribunal Fiorani/Parlement, précité, point 29, et du 28 mai 1998, W/Commission, T-78/96 et T-170/96, RecFP p. I-A-239 et II-745, point 46, et arrêts de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 16), l'une des conditions nécessaires à son recrutement en qualité de fonctionnaire n'étant plus satisfaite. De même, la demande d'indemnisation est recevable dans la mesure où elle vise à obtenir la réparation du préjudice moral prétendument occasionné par la décision du 17 novembre 1997.

     Sur les conclusions visant à l'annulation de la décision du 17 novembre 1997

57.
    À l'appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque deux moyens tirés, premièrement, de vices de procédure et, deuxièmement, d'erreurs manifestes d'appréciation. Le Tribunal estime qu'il y a lieu d'examiner, d'abord, le second moyen.

Sur le moyen tiré d'erreurs manifestes d'appréciation

    Arguments des parties

58.
    La requérante fait valoir que les faits mentionnés par l'AIPN dans sa décision du 17 novembre 1997 sont, en partie, incomplets et faux. Elle estime, notamment, que son examen médical d'embauche n'est entaché d'aucune irrégularité. En particulier, il lui aurait été impossible de connaître l'origine pathologique des symptômes observés en 1986. En outre, elle conteste la théorie selon laquelle une infection peut être à l'origine du CFS.

59.
    La requérante affirme, ainsi, avoir répondu correctement au questionnaire lors de son examen médical d'embauche. Les prétendues omissions n'auraient, de toute façon, pas été volontaires. À cet égard, elle fait remarquer que le questionnaire n'exige pas de mentionner les maladies qui n'ont donné lieu à aucun examen ou traitement médical . La requérante en déduit qu'elle a pu légitimement signer la déclaration concernant l'exactitude des renseignements fournis, puisqu'elle n'a jamais suivi de traitement médical pour les symptômes dont elle a souffert en 1986 .

60.
    En ce qui concerne l'allégation de la Commission selon laquelle il existait, au 6 février 1995, des antécédents médicaux significatifs connus de la requérante, qui auraient donc dû être déclarés au Dr Dolmans ce jour-là, cette dernière soutient qu'elle n'était pas en mesure de connaître sa pathologie en 1986 ou en 1995 et qu'elle ne pouvait donc pas en informer le Dr Dolmans.

61.
    Tout d'abord, elle affirme qu'il est impossible, même pour un médecin, de savoir de quelle maladie elle a souffert en 1986, en l'absence, dans son dossier médical, d'un certificat médical, de résultats de tests sanguins, de lettres ou de tout autre document en relation avec cette maladie. Elle explique qu'elle n'est pas supposée savoir de quelle maladie elle a souffert en 1986 et encore moins l'origine de celle-ci . Elle fait observer que, en janvier 1997, après l'avoir examinée et interrogée sur son passé, le Pr De Meirleir a diagnostiqué le CFS et lui a indiqué que l'origine de cette affection pouvait remonter à sa jeunesse, ce qu'elle ignorait .

62.
    De plus, la requérante avance que le diagnostic de mononucléose posé par le Pr De Meirleir, le 11 mars 1997, alors qu'il ne l'avait pas examinée en 1986 et qu'il ne disposait pas de documents médicaux établis à la suite d'un examen ou d'un traitement de ses antécédents en 1986, ne peut être considéré que comme une hypothèse et non comme une conclusion médicale indiscutable .

63.
    La requérante soutient qu'elle n'a jamais avoué avoir souffert d'une mononucléose en 1986, contrairement à ce que prétend la Commission en se fondant sur le compte rendu d'un entretien qu'elle a eu le 20 mai 1997 avec le Dr Hoffman, leditcompte rendu étant, également, censé confirmer ses déclarations faites au Dr Dolmans lors de la consultation du 14 mars 1997. La requérante rappelle quele but de la réunion était de tenter de trouver les différentes origines possibles de sa maladie parmi lesquelles figurait l'existence éventuelle d'une mononucléose survenue en 1986. Aussi serait-ce la secrétaire en charge de prendre des notes qui aurait écrit, de sa propre initiative, comme point de départ de l'entretien («En 1986, mononucléose», «In 1986: Mononucleosis»).

64.
    La requérante indique que la théorie avancée par le Dr Dolmans, selon laquelle la mononucléose serait à l'origine du CFS, maladie très récemment diagnostiquée chez elle, est déjà contestée sur le plan médical .

65.
    Elle expose, enfin, qu'entre 1986 et son recrutement par la Commission elle n'a bénéficié que de sept jours de congés de maladie. C'est pour cette raison que la requérante estime qu'il est plus réaliste de penser que le CFS trouve son origine dans les charges de travail exagérées que la Commission lui a imposées et dans le stress qui en a résulté .

66.
    S'appuyant sur la teneur de la conversation entre la requérante et le Dr Dolmans, la Commission soutient que celle-ci a, de façon inexacte, répondu négativement à la première question du questionnaire libellée comme suit: «Avez-vous déjà été traité pour l'un des syndromes ou maladies ... maladies infectieuses suivants?» («Have you ever been treated for any of the following disorders or diseases ... infectious diseases ...?») La requérante aurait, en effet, souffert de différentes maladies et aurait consulté des médecins. Ainsi, elle aurait déclaré au Dr Dolmans, lors de la consultation du 14 mars 1997, qu'elle avait souffert de maux de gorge en 1986 lorsqu'elle était fille au pair aux États-Unis et que le couple de médecins chez qui elle résidait l'avaient traitée avec un antibiotique. Depuis son retour en Suède, la requérante aurait connu des ennuis de santé, à savoir fatigues, toux et fièvres, qui survenaient, notamment, en hiver. La Commission ajoute qu'il est impossible que la requérante ait complètement oublié ces antécédents médicaux en 1995, alors qu'elle s'en est parfaitement souvenue en 1997 .

67.
    La Commission ajoute que trois autres déclarations de la requérante dans le questionnaire d'embauche étaient également fausses. Ainsi, sous la rubrique «Interventions chirurgicales» («surgical operations»), la requérante n'aurait mentionné qu'une intervention effectuée sur la mâchoire en 1983, omettant ainsi de mentionner une chirurgie oculaire (traitement au laser), qu'elle a pourtant expliquée au Dr Hoffman lors d'un entretien le 20 mai 1997. De même, elle aurait répondu par la négative à la question «Avez-vous été victime d'accidents?» («Have you had any accidents?»), et ce malgré un accident de voiture à la suite duquel elle avait dû se rendre à l'hôpital pour y être examinée. Enfin, elle a également répondu par la négative à la question «Avez-vous déjà subi l'un des examens suivants aux rayons X ... scanner?» («Have you ever undergone any of the following ... examinations with X-rays ... scanner ...?») . Or, selon la Commission, il est presque inévitable que la requérante ait subi un examen de ce type lors du contrôle à l'hôpital dont elle a fait l'objet consécutivement à l'accident en question .

68.
    Quant au lien potentiel entre la mononucléose et le CFS, la Commission indique qu'il s'agit d'une question d'ordre exclusivement médical, qui ne peut être soulevée devant le Tribunal, d'autant plus que l'autorité médicale compétente y a déjà répondu de manière définitive. Elle souligne qu'il s'agit uniquement de savoir si un récit complet de ses antécédents médicaux par la requérante aurait pu donner au médecin-conseil la possibilité de prévoir ce qui allait ou ce qui était susceptible de se produire .

    

69.
    Dans sa réplique, la requérante précise avoir résidé, lors de son séjour aux États-Unis, chez un couple de physiciens et non pas de médecins et soutient n'avoir jamais été traitée pour une infection ou une maladie en 1986 . Elle admet avoir consulté des médecins à la suite de fatigues survenues en hiver, sans qu'aucune maladie bien définie ait été diagnostiquée, et s'être vu prescrire certains antibiotiques par un médecin. Elle estime qu'elle a répondu correctement au questionnaire dans la mesure où aucune maladie bien définie, ayant donné lieu à un traitement médical spécifique, n'a pu être décelée chez elle .

70.
    La requérante prétend que, lors de l'examen médical d'embauche, elle a informé l'ophtalmologue qu'elle suivait un traitement au laser, lequel ne peut être considéré comme une opération ni être dissimulé, puisqu'il se remarque toute de suite lors de l'examen des yeux. À cet égard, la requérante invite la Commission à produire les notes de l'ophtalmologue .

71.
    La requérante fait observer que, à l'exception d'une commotion cérébrale, le rapport de l'hôpital suédois démontre l'absence de toute lésion à la suite de l'accident de voiture en cause .

72.
    Quant au fait qu'elle ait pu, en 1997, se souvenir de ses antécédents médicaux alors qu'elle les avait oubliés deux ans plus tôt, comme le fait observer la Commission , la requérante indique que le Pr De Meirleir a fondé son diagnostic sur certaines informations fournies par elle-même à la suite de multiples interrogatoires approfondis et intimidants. Elle affirme que seuls ces derniers ont permis de mettre à jour en 1997 les symptômes survenus en 1986, qu'elle avait considérés comme étant insignifiants et, de ce fait, oubliés . Les symptômes observés en 1986, fièvre, maux de tête, mal à la gorge et mal aux jambes, peuvent, selon la requérante, indiquer l'existence d'un simple rhume, d'une bronchite ou d'une grippe, affections dont les gens souffrent assez régulièrement sans pour autant les amener, systématiquement, à consulter un médecin. À l'évidence, aucun candidat n'informerait le médecin-conseil chargé de l'examen médical d'embauche de tous les maux de tête ou fièvres dont il a souffert dans le passé .

73.
    La requérante ajoute qu'elle présentait ces mêmes symptômes le jour de son examen médical d'embauche et que le Dr Dolmans a posé le diagnostic d'une

bronchite, sans procéder à des examens supplémentaires. Elle estime, dans ces circonstances, que c'est de manière superficielle que le Dr Dolmans a pratiqué l'examen médical, la bronchite pouvant être le symptôme d'une maladie grave . Il en résulte, selon elle, que la Commission, en la personne du Dr Dolmans, a pris le risque de rendre, sans faire procéder à d'autres examens, un avis d'aptitude qui a permis son recrutement en qualité de fonctionnaire .

74.
    Dans sa duplique, la Commission réaffirme que la requérante a déclaré au Dr Dolmans, le 14 mars 1997, avoir été malade chaque hiver à compter de 1987, ce que confirme le rapport du Pr De Meirleir . La Commission estime qu'une telle situation peut influer sur l'appréciation de l'aptitude physique du candidat .

75.
    La Commission conclut que le Dr Dolmans a émis un avis positif parce que la requérante a volontairement omis de lui fournir des indications sur ses antécédents médicaux, ledit médecin n'ayant, par ailleurs, aucune raison d'interroger sur son passé, d'une manière approfondie, une personne qui s'est déclarée en bonne santé sur le formulaire médical. À l'inverse, le Pr De Meirleir avait de bonnes raisons de procéder à des interrogatoires minutieux sur les antécédents de la requérante, parce qu'il avait été consulté en tant que spécialiste pour se prononcer sur le bien-fondé médical des absences de celle-ci .

Appréciation du Tribunal

76.
    Il convient d'examiner si la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant, dans sa décision du 17 novembre 1997, à l'irrégularité de l'examen médical d'embauche au motif que la requérante a, ce jour-là, passé sous silence des antécédents pathologiques que cette dernière ne pouvait ignorer au moment de l'examen et dont l'intérêt pour la détermination de l'avis médical sur son aptitude physique au travail ne pouvait lui échapper.

77.
    À cet égard, il y a lieu d'observer, liminairement, comme la défenderesse l'a souligné à juste titre dans ses mémoires et lors de la procédure orale, que le questionnaire remis au candidat avant l'examen médical d'embauche constitue un élément d'appréciation important pour le médecin-conseil chargé de se prononcer sur l'aptitude physique au travail du candidat. Il doit donc être rempli de façon sincère et complète, faute de quoi l'examen médical d'embauche est irrégulier et peut donc être déclaré nul et non avenu par l'institution concernée. C'est d'ailleurs le sens de la déclaration figurant au bas du questionnaire, approuvée par chaque candidat qui appose sa signature sous le texte de cette déclaration ainsi libellée: «Je déclare sur l'honneur que les renseignements donnés sur ce formulaire sont véridiques et complets et je reconnais qu'une déclaration fausse entraîne l'illégalité de l'examen médical d'embauche.»

78.
    En l'espèce, il résulte du dossier que la requérante a rempli le questionnaire en vue de l'examen médical d'embauche et signé le questionnaire, sous le texte de ladéclaration sur l'honneur précitée. Elle a, en particulier, répondu par la négative à la question suivante:

«Avez-vous déjà été traité pour l'un des syndromes ou maladies suivants (Have you ever been treated for any of the following disorders or diseases):

-    maladies infectieuses et maladies infantiles [...] (infectious diseases and childhood diseases)

-    du coeur et de la circulation [...] (of the heart and circulation)

-    des organes respiratoires [...] (of the respiratory organs)

-     du système digestif [...] (of the digestive system)

-    des reins et de la vessie [...] (of the kidneys and bladder)

-    des organes génitaux [...] (of the genital organs)

-    du système nerveux (of the nervous system):

        -    organique (organic)

        -     syndromes mentaux [...] (mental disorders)

-    des organes des sens [...] (of the sensory organs)

-    des os, muscles ou articulations, incluant des syndromes rhumatismaux ou 'systémiques‘ [...] (of the bones, muscles or joints, including rheumatic or 'systemic‘ disorders)

-    du sang et des organes s'y rattachant [...] (of the blood and related organs)

-    de la peau [...] (of the skin)

-     diabète, goutte ou d'autres syndromes métaboliques [...] (diabetes, gout or other metablic disorders)

-    de maladies ou de syndromes des glandes endocrines ou hormonales (diseases or the endocrinal glands or hormonal disorders).»

79.
    En matière d'«allergies ou intolérances diverses» («allergies or intolerance of any kind»), la requérante a indiqué: «Quelquefois, j'éternue en raison de poussière et de fumée» («sometimes I sneeze because of dust and smoke»). À la question: «Avez-vous subi ... des interventions chirurgicales?» («Have you undergone ...surgical operations?»), elle a répondu: «La mâchoire en décembre 1983» («The jaws 1983 December [...]»). À l'interrogation sur l'existence d'accidents (professionnels ou autres), elle a répondu par la négative. À la question: «Quel est votre jugement sur votre état de santé actuel?» («What is your assessment of yourpresent state of health?»), elle a répondu: «Très bon, excepté que j'ai un très gros rhume» («very good except that I have a very bad cold»).

80.
    Interrogée lors de la procédure orale sur les rubriques du questionnaire que la requérante aurait dû compléter différemment, la défenderesse a cité celles qui sont relatives au système nerveux, aux allergies et intolérances et à la prise de médicaments et, surtout, celles qui sont relatives aux «maladies infectieuses et aux maladies infantiles» et aux «organes respiratoires» compte tenu, respectivement, de la mononucléose dont la requérante avait souffert ainsi que des toux et fièvres l'ayant affectée. Elle a encore souligné l'absence de mention de l'accident de voiture. Dans ses écrits, la défenderesse a également fait remarquer que la requérante n'avait pas correctement complété la rubrique «Interventions chirurgicales» («surgical operations»), en omettant d'y mentionner un traitement des yeux au laser (voir ci-dessus point 67).

81.
    À cet égard, il y a lieu de relever d'abord que, pour justifier la décision du 17 novembre 1997 déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante, ces affirmations doivent être étayées d'éléments de preuve, à savoir d'indices pertinents permettant de conclure que la requérante a incomplètement rempli les rubriques susmentionnées du questionnaire. Il ne saurait, en effet, être admis que l'administration prenne une mesure aussi importante que celle de l'annulation d'un examen médical d'embauche, mettant ainsi en cause la régularité du recrutement, sur la base de simples présomptions.

82.
    Il convient d'observer, ensuite, que le questionnaire n'a pas pour objet d'interroger le candidat et d'obtenir de celui-ci des informations sur chacun des ennuis physiques ou psychiques qu'il a connus dans sa vie. En effet, le questionnaire porte sur les maladies ou syndromes ayant donné lieu à un traitement médical («Avez-vous déjà été traité pour l'un des syndromes ou maladies suivants?»), ainsi que sur l'existence d'opérations chirurgicales, d'examens ou de traitements aux rayons X ou à l'aide de substances radioactives, des électrocardiogrammes et électroencéphalogrammes, d'accidents, de l'invalidité ou des handicaps et des vaccinations. Le candidat doit encore porter une appréciation sur son état de santé au jour de l'examen et indiquer s'il doit prendre, de façon régulière, des médicaments («Devez-vous prendre des médicaments régulièrement?»). Manifestement, le questionnaire ne vise pas les ennuis qui n'ont donné lieu à aucun diagnostic de maladie ou syndrome ou traitement médical. Il est vrai que, s'il incombe au candidat de répondre de façon sincère et complète aux questions posées, donnant ainsi la possibilité au médecin-conseil chargé de l'examen médical d'embauche d'apprécier l'importance des antécédents, il ne lui appartient pas, pour autant, de rapporter des ennuis qui ne l'ont pas amené à consulter un médecin et à suivre un traitement ou, dans l'hypothèse d'une consultation, d'établir lui-mêmeun diagnostic, afin de pouvoir compléter la rubrique idoine dans le questionnaire, alors que le médecin consulté n'a pas su poser un diagnostic.

83.
    Il s'ensuit qu'un candidat au recrutement a satisfait à ses obligations dans le cadre de l'examen médical d'embauche lorsqu'il répond sincèrement et complètement aux questions telles que formulées dans le questionnaire ainsi qu'à celles qui lui sont, le cas échéant, posées par le médecin-conseil chargé dudit examen.

84.
    C'est à la lumière de ces éléments qu'il y a lieu d'examiner si l'administration avait à sa disposition des indices pertinents lui permettant de conclure que la requérante avait, avant l'examen médical d'embauche, suivi des traitements pour des maladies ou des syndromes non mentionnés lors de l'examen médical d'embauche.

85.
    L'administration a fondé sa décision du 17 novembre 1997 sur le fait que «lors d'un entretien de routine, en mars 1997, avec le médecin ayant effectué l'examen médical d'embauche, Mme Rudolph a révélé l'existence, depuis 1986, d'une pathologie susceptible de mettre en doute son aptitude physique». La requérante aurait évoqué, lors de cet entretien du 14 mars 1997 avec le Dr Dolmans, les fatigues et autres ennuis physiques survenant notamment chaque hiver, mais pour lesquels aucun médecin n'avait pu diagnostiquer une maladie ou syndrome (voir, par exemple, point 33 du mémoire en défense). Dans son rapport du 11 mars 1997, où il pose le diagnostic du CFS, le Pr De Meirleir indique que, depuis l'âge de 20 ans, la requérante présente chaque hiver «une fatigue extrême, une perte de poids, de la fièvre et de l'hypersomnie», et signale, au titre des antécédents pathologiques, un «zona [survenu] à l'âge de 6 ans», une «mononucléose infectieuse en 1986» ainsi que des «angines récidivantes dans sa jeunesse» .

86.
    S'il est vrai que le juge communautaire ne saurait substituer sa propre appréciation à un avis d'ordre spécifiquement médical, il lui appartient néanmoins, dans le cadre de son contrôle juridictionnel, d'examiner si la décision de l'AIPN repose sur un avis médical motivé, établissant un lien compréhensible entre les constatations médicales qu'il comporte et la conclusion à laquelle il arrive (voir arrêt de la Cour du 26 janvier 1984, Seiler e.a./Conseil, 189/82, Rec. p. 229, point 15, et arrêt du Tribunal du 14 avril 1994, A/Commission, T-10/93, RecFP p. I-A-119 et II-387, point 61). En l'espèce, il convient de constater que la requérante a présenté, ce qu'elle ne conteste pas, à partir de 1986 et plus spécifiquement durant les périodes hivernales, différents symptômes, à savoir des fatigues (parfois aiguës), des fièvres, des maux de tête, des maux de gorge et des douleurs aux jambes, lesquels n'ont toutefois, selon toute vraisemblance, donné lieu à aucun diagnostic de maladie de la part des médecins qui l'ont examinée. Ce constat, souligné à maintes reprises par la requérante, n'est contredit par aucune pièce de son dossier médical qui était en possession de la défenderesse et qui a été transmis en totalité au Tribunal. Il n'est pas non plus contredit par le fait qu'un médecin a prescrit à la requérante des antibiotiques afin de combattre les symptômes dont elle se plaignait (voir ci-dessus point 69). Le fait d'avoir pris des antibiotiques n'impliquait pas, en outre, de fournirdes informations dans la rubrique intitulée «Devez-vous prendre des médicaments régulièrement?», cette interrogation ayant trait à la situation du candidat au moment de l'examen médical d'embauche.

87.
    Interrogée lors de la procédure orale sur le fait que, selon toute vraisemblance, la requérante n'avait pas suivi de traitement pour une maladie ou un syndrome au sens du questionnaire avant l'examen médical d'embauche, la défenderesse a reconnu ne disposer d'aucune preuve permettant d'affirmer que la requérante a bénéficié d'un traitement médical en Suède . Invitée à présenter ses observations sur la déclaration écrite du médecin traitant de la requérante, le Dr Beeth, selon laquelle cette dernière a consulté, à plusieurs reprises, des médecins qui ont tous estimé qu'il s'agissait d'une personne en bonne condition physique, la défenderesse a déclaré ne pas disposer d'éléments l'autorisant à mettre en cause cette conclusion médicale, tout en précisant qu'il appartenait à la requérante d'indiquer, lors de la visite d'embauche, qu'elle avait consulté ces médecins . Enfin, la qualification, par l'AIPN, des symptômes présentés par la requérante d'antécédent «susceptible de mettre en doute son aptitude physique» est contredite par le fait que la requérante n'a bénéficié, d'après les données de sa caisse de maladie en Suède, que de sept jours de congés pour cause de maladie avant son recrutement par les Communautés européennes, fait non contesté par la défenderesse .

88.
    En ce qui concerne la «mononucléose infectieuse», mentionnée dans le rapport du 11 mars 1997 du Pr De Meirleir, le Tribunal a demandé à la défenderesse, lors de la procédure orale, de prendre position sur un document intitulé «Avis médical sur l'état de santé» («Medical opinion on state of health») figurant dans le dossier médical de la requérante (pièce 32 du dossier médical) et comportant la mention suivante: «1986, lors d'un séjour aux États-Unis, mal de gorge. La mononucléose a été suspectée, mais aucun examen n'a été fait. Aucun médicament prescrit. Totalement récupéré après deux mois environ» («1986, during stay in U.S.A. soar throat. Mononucleosis was suspected, but no medical examination was done. No drugs prescribed. Totally recuperated after about 2 months»). En réponse à cette demande, la défenderesse a reconnu qu'il n'existe, dans le dossier médical de la requérante, aucun certificat ou document quelconque attestant que cette dernière a contracté la mononucléose en 1986 et qu'un diagnostic précis de cette maladie a été établi . Il résulte du document et de la déclaration de la défenderesse susvisés que la simple mention d'une mononucléose dans le rapport du Pr De Meirleir du 11 mars 1997, lequel ne peut être considéré comme un «avis médical motivé» avec l'autorité qui s'y attache (voir ci-dessus point 86), ne constituait pas une base suffisante permettant à l'AIPN de conclure à l'existence de ladite maladie en 1986.

89.
    Force est de constater que l'AIPN n'a pas établi un lien compréhensible entre les symptômes présentés par la requérante et sa conclusion quant à l'obligation pour celle-ci de les rapporter lors de l'examen médical d'embauche. En effet, lesdits symptômes n'ayant jamais donné lieu au diagnostic d'une maladie ou d'un syndrome, la requérante n'était même pas en mesure de mentionner ceux-ci, d'une façon fiable, dans une des rubriques du questionnaire. Du reste, aucun élément dans le dossier ne permet de conclure que la requérante n'a pas répondu d'unefaçon satisfaisante à des questions orales posées par le Dr Dolmans lors de l'examen médical d'embauche. Par conséquent, l'AIPN a commis une erreur manifeste d'appréciation en fondant sa décision d'annulation dudit examen sur «l'existence, depuis 1986, d'une pathologie [dont] Mme Rudolph ne pouvait ignorer [la] pertinence», et sur le fait que l'«avis médical d'aptitude a été rendu sur la base d'informations inexactes» en raison de «l'omission [volontaire] de la part de Mme Rudolph de déclarer ces éléments», et en s'appuyant, à cette fin, sur les termes de la déclaration sur l'honneur figurant au bas du questionnaire médical d'embauche.

90.
    Il convient d'observer, du reste, que la mention, dans le rapport du 11 mars 1997 du Pr De Meirleir, d'un «zona [survenu] à l'age de 6 ans» et d'«angines récidivantes» contractées par la requérante dans sa jeunesse est indifférente à la solution du présent litige. Certes, il s'agit de maladies qui, dans le cas où elles ont effectivement été diagnostiquées et donné lieu à un traitement, devaient être mentionnées par la requérante dans le questionnaire lors de l'examen médical d'embauche. Toutefois, il résulte de la décision du 17 novembre 1997 ainsi que des autres pièces du dossier que l'AIPN n'a pas considéré ces maladies comme pouvant mettre en doute l'aptitude physique de la requérante et qu'elle n'a aucunement reproché à celle-ci de ne pas les avoir mentionnées dans le questionnaire. Il ressort également de la décision du 17 novembre 1997 que l'AIPN n'a pas basé l'annulation de l'examen médical d'embauche sur l'absence de déclaration par la requérante tant de l'accident de voiture dont elle a été victime que du traitement au laser de ses yeux.

91.
    Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 17 novembre 1997 déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante et soumettant, en conséquence, celle-ci à un nouvel examen médical afin de vérifier son aptitude physique doit être annulée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le premier moyentiré de vices procéduraux.

Sur les conclusions tendant au versement de l'arriéré du salaire, augmenté d'intérêts au taux de 10 % depuis la date de cessation de paiement du salaire

92.
    Il y a lieu de rappeler que le Tribunal n'a pas compétence pour prononcer des injonctions dans le cadre d'un contrôle de légalité fondé sur l'article 91 du statut et ne saurait, dès lors, ordonner à la Commission de réintégrer la requérante dans ses fonctions (arrêt du Tribunal du 30 novembre 1994, G/Commission, T-588/93, RecFP p. I-A-277 et II-875, point 26). Toutefois, comme il a été rappelé ci-dessus (points 32 et 33), le Tribunal a compétence pour statuer sur les conclusions de nature pécuniaire tendant au versement de l'arriéré du salaire de la requérante, majoré d'intérêts.

93.
    Compte tenu de l'annulation de la décision du 17 novembre 1997, il y a lieu de faire droit, pour l'essentiel, à ces conclusions. En effet, en l'absence de cette décision illégale, annulée par le présent arrêt, il n'aurait pas été possible de mettre fin à l'engagement de la requérante en qualité de fonctionnaire pour les raisons indiquées par l'AIPN dans sa décision du 7 décembre 1998. Tant que l'examen médical d'embauche d'un fonctionnaire n'est pas déclaré nul et non avenu, ce dernier ne saurait être révoqué au motif pris de l'existence d'antécédents médicaux non révélés le jour de l'examen précité. Si, donc, la demande d'annulation de la décision du 7 décembre 1998 mettant fin à l'emploi de la requérante est irrecevable, il n'en reste pas moins que les conclusions de nature pécuniaire présentées par la requérante s'avèrent bien fondées compte tenu de l'illégalité de l'annulation de son examen médical d'embauche.

94.
    En conséquence, la requérante a droit à la somme correspondant à l'arriéré de son salaire. Cette somme sera majorée d'intérêts moratoires à compter de la date de la cessation de paiement du salaire, calculés au taux de 5,25 % l'an, fixé librement par le Tribunal.

Sur les conclusions en réparation du préjudice moral

Arguments des parties

95.
    La requérante fait valoir que les actes injustifiés de la Commission lui ont causé un dommage moral certain dont elle évalue à 100 000 euros la juste réparation .

96.
    La Commission estime qu'il n'y a aucune faute de service liée à l'adoption de la décision du 17 novembre 1997 et soutient que la plupart des éléments avancés par la requérante comme constitutifs d'un préjudice ne peuvent être pris en considération .

Appréciation du Tribunal

97.
    Il y a lieu de constater, à titre liminaire, que, s'il est vrai que la plupart des éléments invoqués par la requérante au soutien des conclusions en indemnité, tels que la violation des droits de la défense, le fait qu'il a été mis fin à son emploi avant l'expiration du délai de trois mois prévu pour le dépôt de la requête et la décision du Tribunal ainsi que la survenance d'une dépression consécutive à son «licenciement» et l'aggravation corrélative du CFS, concernent plutôt la décision du 7 décembre 1998 mettant fin à l'emploi de la requérante, il n'en reste pas moins que celle-ci a également invoqué, dans sa requête, les «actes injustifiés» de la Commission comme faits générateurs de son préjudice moral. Il est constant, en outre, que la décision du 17 novembre 1997 a constitué la base nécessaire de toute autre décision prise par la Commission à l'égard de la requérante dans ce dossier. Par conséquent, il convient d'examiner si et dans quelle mesure la décision du 17 novembre 1997 a causé à la requérante un préjudice moral.

98.
    Il y a lieu de rappeler, ensuite, que l'annulation d'un acte de l'administration attaqué par un fonctionnaire peut constituer, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que ce dernier peut avoir subi, sauf lorsque l'acte illégal de l'administration comporte une appréciation des capacités ou du comportement du fonctionnaire susceptible de le blesser (voir arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, points 25 à 29, et arrêt du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFP p. I-A-23 et II-77, point 62). Or, en l'espèce, les appréciations portées par l'AIPN sur l'attitude de la requérante, dans la décision du 17 novembre 1997, peuvent être considérées, dans une certaine mesure, comme blessantes pour celle-ci. En effet, l'AIPN lui reproche explicitement d'avoir volontairement omis de déclarer, lors de son examen médical d'embauche, des antécédents dont l'intérêt pour la détermination de l'avis médical d'aptitude ne pouvait pas lui échapper, et cela en dépit d'une déclaration sur l'honneur relative à l'exactitude des renseignements fournis dans le questionnaire. En se prononçant en ces termes, l'AIPN a ouvertement mis en cause la bonne foi de la requérante et même constaté, positivement, que le comportement de celle-ci avait été frauduleux. De cette façon, les appréciations de l'AIPN, exprimées dans une décision déjà qualifiée d'illégale ci-dessus, ont directement causé un préjudice moral pour la requérante.

99.
    Ce préjudice moral n'est pas entièrement réparé par l'annulation de la décision du 17 novembre 1997, et il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 5 000 euros.

Sur les dépens

100.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Par ailleurs, l'article 88 du même règlement dispose que, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

101.
    Le Tribunal fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la défenderesse supportera ses propres dépens ainsi que 90 % de ceux exposés par la requérante, laquelle supportera donc 10 % de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 17 novembre 1997 déclarant nul et non avenu l'examen médical d'embauche de la requérante et soumettant celle-ci à un nouvel examen médical afin de vérifier son aptitude physique est annulée.

2)    La Commission est condamnée à verser à la requérante les sommes correspondant à l'arriéré de salaire, majorées d'intérêts moratoires au taux de 5,25 % l'an à compter de la date de la cessation du paiement du salaire de la requérante.

3)    La Commission est condamnée à verser à la requérante 5 000 euros, en réparation de son préjudice moral.

4)    Le recours est rejeté pour le surplus.

5)    La requérante supportera 10 % de ses propres dépens.

6)    La Commission supportera ses propres dépens ainsi que 90 % de ceux exposés par la requérante.

Tiili                    Moura Ramos

Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mars 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: le français.