Language of document : ECLI:EU:T:2012:105

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 mars 2012 (*)

« FEOGA — Section ‘Garantie’ — Dépenses exclues du financement — Fruits et légumes — Obligation de justification des dépenses — Conditions de la reconnaissance des organisations de producteurs »

Dans l’affaire T‑230/10,

Royaume d’Espagne, représenté initialement par MM. M. Muñoz Pérez et A. Rubio González, puis par M. Rubio González, abogados del Estado,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2010/152/UE de la Commission, du 11 mars 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 63, p. 7), en ce qu’elle exclut certaines dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne dans le secteur des fruits et des légumes,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le 7 avril 2008, à la suite de cinq enquêtes, portant les références FV/2004/381/ES, FV/2005/301/ES, FV/2005/302/ES, FV/2006/354/ES, FV/2005/385/ES, réalisées par le service d’audit des dépenses agricoles de la Commission des Communautés européennes concernant les aides dans le secteur des fruits et des légumes, la Commission a, en vertu des dispositions de l’article 7, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), notifié aux autorités espagnoles ses conclusions relatives auxdites enquêtes.

2        Par lettre du 27 mai 2008, le Royaume d’Espagne a demandé l’intervention de l’organe de conciliation. Le 29 octobre 2008, l’organe de conciliation a rendu son rapport final. Le 25 août 2009, la Commission a communiqué au Royaume d’Espagne sa position finale.

3        Sur le fondement des arguments présentés dans le rapport de synthèse du 30 septembre 2009, la Commission a, par la décision 2010/152/UE, du 11 mars 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 63, p. 7, ci-après la « décision attaquée »), décidé d’exclure du financement, notamment, deux types de dépenses effectuées par le Royaume d’Espagne dans le secteur des fruits et des légumes.

4        D’une part, la Commission a appliqué une première correction ponctuelle, d’un montant total de 33 339 525,05 euros, aux dépenses déclarées au titre des frais de gestion des dépenses d’emballage, en raison du caractère non éligible des coûts exposés en ce qui concerne la gestion des emballages respectueuse de l’environnement. D’autre part, elle a appliqué une seconde correction ponctuelle de 100 %, d’un montant total de 4 940 378,44 euros, aux aides octroyées à l’organisation de producteurs SAT Royal (ci-après l’« OP SAT Royal ») en raison de défaillances dans l’application des critères ayant permis sa reconnaissance.

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mai 2010, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

6        Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle écarte du financement de l’Union certaines dépenses notifiées par le Royaume d’Espagne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

7        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

8        À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne soulève deux moyens. Le premier est tiré, en substance, d’une erreur de droit commise par la Commission, en ce qui concerne l’exclusion des coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement, dans l’interprétation qu’elle a retenue des dispositions du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et des légumes (JO L 297, p. 1), et du règlement (CE) no 1433/2003 de la Commission, du 11 août 2003, portant modalités d’application du règlement no 2200/96 en ce qui concerne les fonds opérationnels, les programmes opérationnels et l’aide financière (JO L 203, p. 25). Le second est tiré, en substance, d’une erreur de droit commise par la Commission, en ce qui concerne les déficiences du système de contrôle relatif à la reconnaissance de l’OP SAT Royal, dans l’interprétation qu’elle a retenue des dispositions du règlement no 2200/96 et du règlement (CE) no 1432/2003 de la Commission, du 11 août 2003, portant modalités d’application du règlement no 2200/96 en ce qui concerne la reconnaissance des organisations de producteurs et la préreconnaissance des groupes de producteurs (JO L 203, p. 18).

 Sur le premier moyen

9        Dans le cadre du premier moyen, les parties s’opposent, en substance, sur la question de savoir si les dispositions du règlement no 2200/96 et du règlement no 1433/2003 imposent que les coûts supplémentaires engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement soient supportés directement ou indirectement par l’organisation de producteurs (ci-après l’« OP ») et que cette dernière, afin de percevoir l’aide financière visée à l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 2200/96, accompagne sa demande d’aide d’une preuve écrite précise justifiant lesdits coûts.

10      À titre liminaire, il convient de rappeler les dispositions et la jurisprudence pertinentes aux fins d’examiner le premier moyen.

11      Premièrement, l’article 15 du règlement no 2200/96 dispose :

« 1. Dans les conditions définies au présent article, une aide financière [de l’Union] est octroyée aux organisations de producteurs qui constituent un fonds opérationnel.

Ce fonds est alimenté par des contributions financières effectives des producteurs associés, assises sur les quantités ou la valeur des fruits et [des] légumes effectivement commercialisées sur le marché, et par l’aide financière visée au premier alinéa.

2. Le fonds opérationnel visé au paragraphe 1 est destiné :

a)      au financement de retraits du marché dans les conditions énoncées au paragraphe 3 ;

b)       au financement d’un programme opérationnel présenté aux autorités nationales compétentes et approuvé par elles en application de l’article 16, paragraphe 1.

[…]

5. L’aide financière visée au paragraphe 1 est égale au montant des contributions financières, mentionnées au même paragraphe, effectivement versées et est limitée à 50 % du montant des dépenses réelles effectuées en application du paragraphe 2.

[…] »

12      L’article 18 du règlement no 1433/2003, intitulé « Demandes », dispose, en son paragraphe 2, sous c), que « [l]es demandes sont accompagnées des pièces justificatives attestant […] les dépenses réalisées au titre du programme opérationnel ».

13      Selon le point 2, sous c), de l’annexe I du règlement no 1433/2003, intitulée « Contenu facultatif des programmes opérationnels », à laquelle renvoie l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, les programmes opérationnels peuvent, notamment, comporter des points sur « les coûts spécifiques […] des mesures environnementales, y compris les coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement ».

14      À la fin du point 2, sous c), de l’annexe I du règlement no 1433/2003, il est renvoyé à une note en bas de page no 3 en vertu de laquelle :

« La gestion des emballages respectueuse de l’environnement doit être dûment motivée et se conformer aux critères énoncés à l’annexe II de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux emballages et aux déchets d’emballages […] »

15      Deuxièmement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêts de la Cour du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, points 45 à 47 et 49, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, points 32 à 36, et la jurisprudence citée).

16      À titre principal, il convient d’examiner ensuite les arguments exposés par le Royaume d’Espagne à l’appui du premier moyen.

17      En premier lieu, force est de constater que c’est à tort que le Royaume d’Espagne soutient que la Commission aurait reconnu que les autorités espagnoles avaient correctement fixé le taux forfaitaire de 17 % qu’elles avaient appliqué au titre des coûts supplémentaires par rapport aux coûts usuels. En effet, il ressort du dossier que, si la Commission reconnaît que le taux de 17 % retenu en l’espèce n’est pas, en soi, disproportionné, en revanche, elle reproche au Royaume d’Espagne d’avoir intégré dans le calcul de ce taux les coûts d’une gestion des emballages respectueuse de l’environnement sans avoir apporté un quelconque élément de preuve que lesdits coûts avaient été supportés par les OP ou par leurs membres.

18      En deuxième lieu, il convient d’examiner si, ainsi que le soutient le Royaume d’Espagne, la Commission a commis une erreur de droit en exigeant que les coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement fussent nécessairement supportés par les OP.

19      À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément aux dispositions de l’article 15, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement no 2200/96, l’aide financière octroyée par l’Union est calculée au regard des « dépenses réelles effectuées » notamment dans le cadre du financement par le fonds opérationnel d’un programme opérationnel. De même, en vertu des dispositions de l’article 18, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1433/2003, les demandes d’aides introduites par les OP doivent être accompagnées des pièces justificatives attestant des dépenses réalisées au titre du programme opérationnel.

20      Il ressort desdites dispositions qu’une aide financière de l’Union ne peut être octroyée à une OP, au titre d’un programme opérationnel, qu’à la condition que la preuve de l’engagement des dépenses réalisées au titre dudit programme soit rapportée.

21      Cette interprétation des dispositions concernée ne saurait être remise en cause au regard de l’argumentation, développée par le Royaume d’Espagne, selon laquelle une telle exigence ne s’appliquerait pas aux programmes opérationnels qui contiennent des coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement, dans la mesure où il découlerait des dispositions de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO L 365, p. 10), visée, en note en bas de page no 3, à l’annexe I du règlement no 1433/2003, que la gestion de ces emballages incomberait aux distributeurs, de sorte qu’il serait illogique que ledit règlement exigeât que les OP supportassent les coûts d’opération de gestion des emballages qu’il ne leur appartenaient pas d’effectuer.

22      Tout d’abord, il convient de constater que la règle rappelée au point 20 ci-dessus n’exclut pas une prise en compte des coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, lesdits coûts sont supportés directement par les distributeurs et indirectement par les OP. En effet, seule la preuve que les coûts en cause sont supportés, directement ou indirectement, par les OP est requise.

23      Ensuite, il convient de rappeler que le règlement no 1433/2003 porte modalités d’application du règlement no 2200/96 en ce qui concerne les fonds opérationnels, les programmes opérationnels et l’aide financière. À ce titre, ainsi que cela ressort des considérations exposées aux points 19 et 20 ci-dessus, l’article 18, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1433/2003, en ce qu’il prévoit que les demandes d’aides introduites par les OP sont accompagnées des pièces justificatives attestant des dépenses réalisées au titre du programme opérationnel, met en œuvre la règle prévue par l’article 15, paragraphe 5, du règlement no 2200/96.

24      En revanche, ni le règlement no 2200/96, ni le règlement no 1433/2003, ni même la directive 94/62, à laquelle il est renvoyé, en note en bas de page no 3, à l’annexe I du règlement no 1433/2003, ne prévoient une quelconque dérogation, qui serait appliquée dans le cadre de programmes opérationnels contenant des coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement, à la règle qui découle des dispositions de l’article 15, paragraphe 5, du règlement no 2200/96 et de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1433/2003, selon laquelle l’aide financière octroyée par l’Union est calculée au regard des dépenses réelles effectuées et partant démontrées par le demandeur d’aide, c’est-à-dire en l’espèce, les OP.

25      Il ressort des considérations qui précèdent que c’est à tort que le Royaume d’Espagne reproche à la Commission d’avoir commis une erreur de droit en exigeant que les coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement soient nécessairement supportés par les OP.

26      En troisième lieu, il convient d’apprécier si, ainsi que le soutient le Royaume d’Espagne, l’exigence que l’OP rapporte la preuve qu’elle a supporté, directement ou indirectement, les coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement est disproportionnée.

27      Plus précisément, le Royaume d’Espagne soutient que, d’une part, les OP ne sont pas tenues de disposer d’une preuve documentaire indiquant le montant précis des sommes versées pour une gestion des emballages respectueuse de l’environnement et que, d’autre part, les distributeurs transfèrent ces coûts aux OP, tout comme le reste des coûts de production.

28      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt de la Cour du 4 octobre 2007, Geuting, C‑375/05, Rec. p. I‑7983, point 45, et la jurisprudence citée).

29      En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de la mise en œuvre d’un tel principe, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union en matière de politique agricole commune, seul le caractère manifestement inapproprié de la mesure adoptée, par rapport à l’objectif que la Commission entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt Geuting, point 28 supra, point 46, et la jurisprudence citée).

30      En l’espèce, premièrement, il convient de rejeter l’argument invoqué par le Royaume d’Espagne, selon lequel l’annexe I du règlement no 1433/2003 autorise l’inclusion, dans les programmes opérationnels, des coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement, sans imposer la moindre condition liée à la personne qui doit les supporter.

31      En effet, ainsi qu’il a déjà été dit au point 24 ci-dessus, les règlements no 2200/96 et no 1433/2003 ne prévoient aucune dérogation à la règle qui découle des dispositions de l’article 15, paragraphe 5, du règlement no 2200/96 et de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1433/2003.

32      Deuxièmement, contrairement à ce que soutient, en substance, le Royaume d’Espagne, il ne saurait être admis que, afin de démontrer la réalité de la dépense supportée indirectement par les OP, il suffirait de se fonder sur l’hypothèse prétendument logique selon laquelle, au regard de la pratique, le prix de vente facturé par les OP aux distributeurs aurait été réduit pour tenir compte du fait que ces derniers supportaient la charge de gérer les emballages des produits concernés.

33      En effet, d’une part, une telle argumentation contrevient de manière manifeste à la règle rappelée au point 20 ci-dessus. D’autre part, il ne saurait être exclu que, au lieu d’une réduction du prix de vente facturé par les OP aux distributeurs, le coût supplémentaire engendré par la gestion des emballages respectueuse de l’environnement soit répercuté en aval de la chaîne commerciale à travers une augmentation des prix de vente facturés par les distributeurs à leurs clients.

34      Partant, seule la démonstration par le demandeur de l’aide de la réalité de la dépense effectuée, directement ou indirectement, est susceptible de satisfaire à la règle rappelée au point 20 ci-dessus.

35      Troisièmement, contrairement à ce que prétend le Royaume d’Espagne, la nécessité d’une telle démonstration ne saurait être écartée lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, l’État membre a, conformément aux dispositions du règlement no 1433/2003, fixé de manière approximative les coûts supplémentaires induits par la gestion des emballages par rapport aux coûts usuels. En effet, une telle affirmation aurait pour conséquence que, en violation de la règle rappelée au point 20 ci-dessus, il serait possible pour des OP qui n’ont supporté aucun coût supplémentaire de bénéficier de l’aide en cause.

36      Il ressort des considérations qui précèdent que les arguments soulevés par le Royaume d’Espagne ne tiennent pas suffisamment compte de l’objectif légitime poursuivi par la réglementation en cause qui est de garantir que, ainsi qu’il est rappelé au point 15 ci-dessus, les interventions financières sont effectuées conformément au droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. Par conséquent, ni l’argumentation exposée par le Royaume d’Espagne ni les éléments du dossier ne permettent de considérer que, en exigeant que l’OP rapporte la preuve qu’elle a supporté les coûts engendrés par une gestion des emballages respectueuse de l’environnement, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité.

37      En conclusion, aucun des arguments exposés par le Royaume d’Espagne au soutien du premier moyen n’étant fondé, ledit moyen doit être écarté.

 Sur le second moyen

38      Dans le cadre du second moyen, les parties s’opposent, en substance, sur la question de savoir si l’article 14 du règlement no 1432/2003 s’applique uniquement aux personnes physiques ou morales productrices de fruits et de légumes qui, associées, composent une OP, telle que l’OP SAT Royal, ou également, lorsque les membres sont des personnes morales, aux personnes physiques ou morales qui contrôlent leur capital social.

39      En premier lieu, il convient de rappeler les dispositions pertinentes aux fins de procéder à l’examen du second moyen.

40      L’article 11, paragraphe 1, sous d), point 3, du règlement no 2200/96 dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par ‘[OP]’ toute personne morale :

[…]

d)      dont les statuts comportent des dispositions concernant :

      […]

      3) les règles assurant, de façon démocratique, aux producteurs associés le contrôle de leur organisation et la maîtrise de ses décisions ;

[…] »

41      En vertu du considérant 14 du règlement no 1432/2003 :

« Afin de garantir que les organisations de producteurs représentent réellement un nombre minimal de producteurs, il paraît nécessaire que les États membres prennent des mesures pour éviter qu’une minorité de membres qui détiennent éventuellement la plus grande part du volume de production de l’[OP] en cause dominent abusivement la gestion et le fonctionnement de l’organisation. »

42      L’article 4 du règlement no 1432/2003, intitulé « Taille minimale des organisations de producteurs », dispose, en son paragraphe 1 :

« Le nombre minimal de producteurs visé à l’article 11, paragraphe 2, sous a), du règlement […] no 2200/96 est fixé à cinq producteurs par catégorie. »

43      L’article 13 du règlement no 1432/2003, intitulé « Membres non producteurs », dispose :

« 1. Les États membres peuvent établir si et à quelles conditions une personne physique ou morale qui n’est pas producteur peut être acceptée comme membre d’une [OP].

2. En fixant les conditions visées au paragraphe 1, les États membres assurent, conformément à l’article 11, paragraphe 1, [sous] a) et d), [point], 3 du règlement [no 2200/96] :

[…]

b)      que les statuts des [OP] contiennent les règles assurant, de façon démocratique, aux producteurs associés le contrôle de leur organisation et la maîtrise de ses décisions.

[…] »

44      En vertu des dispositions de l’article 14 du règlement no 1432/2003, intitulé « Contrôle démocratique des organisations de producteurs » :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires afin d’éviter tout abus de pouvoir ou d’influence d’un ou de plusieurs producteurs concernant la gestion et le fonctionnement de l’[OP].

2. Aucun membre d’une OP ne peut disposer de plus de 20 % des droits de vote. Toutefois, l’État membre peut augmenter ce pourcentage jusqu’à un maximum de 49 % en proportion de la contribution du membre à la valeur de la production commercialisée par l’[OP]. »

45      En second lieu, il convient d’examiner au regard de ces textes les arguments exposés par le Royaume d’Espagne à l’appui du second moyen, qui se divise en deux branches.

46      S’agissant de la première branche, soulevée à titre principal, le Royaume d’Espagne reproche à la Commission d’avoir considéré qu’une même personne physique, non-producteur, exerçait un contrôle sur quatre des neuf personnes morales membres de l’OP SAT Royal, et ce dans la mesure où cette personne physique détenait 76 % du capital d’une de ces quatre personnes morales et près de 100 % du capital des trois autres et, partant, d’avoir méconnu les dispositions précitées des articles 13 et 14 du règlement no 1432/2003. En effet, selon le Royaume d’Espagne, les véritables membres de cette OP étaient uniquement ces neuf personnes morales, à savoir des sociétés commerciales, et chacune d’elles détenait, conformément aux dispositions précitées, moins de 20 % des droits de vote.

47      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort clairement des dispositions des règlements no 2200/96 et no 1432/2003 rappelées aux points 40 à 43 ci-dessus que la réglementation de l’Union concernant les OP vise à garantir leur fonctionnement démocratique, et ce au travers de deux principes.

48      D’une part, selon les dispositions de l’article 11, paragraphe 1, sous d), point 3, du règlement no 2200/96, les membres producteurs de l’OP doivent contrôler leur organisation et en maîtriser les décisions. Ce principe est en outre expressément confirmé par les dispositions spécifiques de l’article 13, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1432/2003.

49      D’autre part, il ressort de l’article 4 et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1432/2003, qu’une OP doit compter parmi ses membres au moins cinq producteurs et qu’aucun desdits membres ne peut, en principe, disposer de plus de 20 % des droits de vote. Ces dispositions répondent à la préoccupation décrite au considérant 14 du règlement no 1432/2003, tel que cité au point 41 ci-dessus. En outre, il est constant que lesdites dispositions s’appliquent non seulement aux membres personnes physiques, mais aussi aux membres personnes morales des OP et que, en l’espèce, chacun desdits membres dispose d’une voix au sein de l’OP SAT Royal.

50      Or, lors du contrôle par les États membres du fonctionnement démocratique d’une OP, il ne saurait être fait abstraction de l’identité des personnes physiques ou morales qui détiennent le capital des membres de l’OP. En effet, en l’absence d’une telle vérification, une même personne physique ou morale, qui détient une grande majorité, voire la totalité, du capital de plusieurs membres d’une OP, de sorte qu’elle exerce sur ces derniers un pouvoir de contrôle, notamment sur leur processus décisionnel, pourrait alors être dissimulée derrière lesdits membres.

51      Dans de telles circonstances, le second principe décrit au point 49 ci-dessus risquerait d’être contourné dans la mesure où le nombre apparent de membres de l’OP ne serait pas représentatif du nombre de membres de l’OP réellement indépendants.

52      Cette considération ne saurait être remise en cause au motif que la personne physique en cause en l’espèce n’est pas un producteur. Au contraire, il convient de relever que, dans les circonstances de l’espèce, les membres de l’OP SAT Royal sont des producteurs. Par conséquent, force est de constater que le fait que la personne physique en cause, non-producteur, détienne une grande majorité, voire la totalité, du capital de plusieurs membres producteurs de l’OP SAT Royal entraîne une violation des deux principes mis en œuvre par la législation de l’Union afin de garantir le fonctionnement démocratique d’une OP, décrits aux points 48 et 49 ci-dessus. En effet, dans une telle circonstance, non seulement, en violation du second principe énoncé au point 49 ci-dessus, le nombre apparent de membres de l’OP ne serait pas représentatif du nombre de membres de l’OP réellement indépendants, mais, en outre, en violation du premier principe énoncé au point 48 ci-dessus, certains des membres producteurs étant contrôlés par une personne non-producteur, le pouvoir de contrôle de l’OP et la maîtrise de ses décisions ne sont pas, en réalité, exercés par les seuls membres producteurs.

53      Il ressort des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, c’est à bon droit que la Commission a considéré que, pour garantir le fonctionnement démocratique des OP, il convenait de tenir compte de l’identité des personnes physiques ou morales qui contrôlaient les membres des OP.

54      Par conséquent, il convient d’écarter la première branche du second moyen comme non fondée.

55      S’agissant de la seconde branche du second moyen, soulevée à titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission aurait commis une erreur d’appréciation en ce qui concerne le pourcentage de voix détenues indirectement par une même personne physique dans l’OP SAT Royal. La Commission aurait ainsi considéré de manière erronée que, en l’espèce, ladite personne contrôlait quatre des neuf membres de cette OP. Or, le Royaume d’Espagne soutient que cette personne physique, non-producteur, ne contrôlait que trois de ces neuf membres de l’OP. Ainsi, le Royaume d’Espagne affirme que le pourcentage de voix détenues indirectement par cette même personne physique dans l’OP SAT Royal ne s’élevait pas à 44,44 %, mais à 33 %. Or, ce dernier pourcentage serait conforme au plafond des droits de vote tel qu’augmenté par le Royaume d’Espagne en vertu des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1432/2003.

56      À cet égard, il suffit de relever que, d’une part, même à supposer que, ainsi que le soutient le Royaume d’Espagne, la personne physique en cause n’ait contrôlé que trois des neuf membres de l’OP, il ressort des documents annexés au mémoire en défense que la part de la production commercialisée par ces trois personnes morales, rapportée à la valeur de la production commercialisée par l’OP, s’élevait à 11,8 % et que, d’autre part, ce chiffre n’a pas été contesté par le Royaume d’Espagne.

57      Or, en vertu des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement no 1432/2003, l’augmentation par l’État membre du pourcentage maximal de 20 % des droits de vote détenus par un seul membre doit être proportionnée à la contribution dudit membre à la valeur de production commercialisée par l’OP.

58      Par voie de conséquence, ainsi que l’a fait valoir la Commission, dans l’hypothèse où la personne physique en cause en l’espèce ne contrôlerait que trois des neuf membres de l’OP SAT Royal, celles-ci disposant chacune d’une voix au sein de l’OP, ladite personne physique détiendrait un pourcentage de droits de vote de 33 %, certes conforme au plafond fixé par le Royaume d’Espagne, mais significativement supérieur à la part de la valeur de production détenue par les trois personnes morales qu’elle contrôlerait au sein de l’OP.

59      Dans de telles circonstances, le Royaume d’Espagne serait tenu, conformément aux dispositions de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 1432/2003 et afin de garantir le fonctionnement démocratique de l’OP SAT Royal, de prendre les mesures nécessaires afin d’éviter que ladite personne physique contrôle plus de 20 % des droits de vote au sein de l’OP.

60      Il découle des considérations qui précèdent que la seconde branche du second moyen est inopérante et que le second moyen doit être écarté dans son ensemble.

61      En conclusion, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.