DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
13 décembre 2018 (*)
« Fonction publique – Agents temporaires – Frontex – Non‑renouvellement d’un contrat à durée déterminée – Article 8 du RAA – Devoir de sollicitude – Utilisation d’un rapport d’évaluation annulé – Erreur manifeste d’appréciation – Responsabilité – Dépens – Équité – Article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure »
Dans l’affaire T‑591/16,
Kari Wahlström, ancien agent temporaire de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, demeurant à Espoo (Finlande), représenté par Me S. Pappas, avocat,
partie requérante,
contre
Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), représentée par MM. H. Caniard et S. Drew, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet un recours fondé sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 26 juin 2015 de ne pas renouveler le contrat d’agent temporaire du requérant au sein de Frontex et, d’autre part, à la réparation du préjudice prétendument subi par le requérant en raison de la perte de salaire consécutive et de la perte des droits à pension correspondants,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et R. da Silva Passos, juges,
greffier : M. E. Coulon,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 À la suite de l’adoption du règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil, du 14 septembre 2016, relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) no 863/2007 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil et la décision 2005/267/CE du Conseil (JO 2016, L 251, p. 1), l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex), auprès de laquelle le requérant avait été engagé avec un contrat d’agent temporaire pour une durée de cinq ans, est devenue l’Agence européenne de garde‑frontières et de garde-côtes (Frontex).
2 En vertu de l’article 17 du règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil, du 26 octobre 2004, portant création d’une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (JO 2004, L 349, p. 1) [devenu l’article 58 du règlement (UE) 2016/1624], le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») s’appliquent au personnel de Frontex.
3 L’article 2 du RAA dispose :
« Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :
a) [l]’agent engagé en vue d’occuper un emploi compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution et auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire ;
[…] »
4 S’agissant de la durée du contrat, l’article 8, premier alinéa, du RAA prévoit :
« L’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, [sous] a), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Le contrat de cet agent engagé pour une durée déterminée ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée déterminée. Tout renouvellement ultérieur de cet engagement devient à durée indéterminée. »
5 S’agissant de la période de stage que l’agent temporaire est tenu d’effectuer, l’article 14 du RAA, paragraphe 3 dispose que, « un mois au plus tard avant l’expiration de la période de stage, l’agent temporaire fait l’objet d’un rapport sur son aptitude à s’acquitter des attributions que comportent ses fonctions, ainsi que sur son rendement et sa conduite dans le service » et que « [c]e rapport est communiqué à l’agent temporaire qui peut formuler ses observations par écrit dans un délai de huit jours ouvrables ».
6 Selon l’article 15 du RAA, les dispositions de l’article 43 du statut concernant la notation sont applicables par analogie.
7 Aux termes de l’article 43 du statut :
« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport annuel dans les conditions fixées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution conformément à l’article 110. Ce rapport indique si le niveau des prestations du fonctionnaire est satisfaisant ou non. L’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution arrête des dispositions prévoyant le droit de former, dans le cadre de la procédure de notation, un recours qui s’exerce préalablement à l’introduction d’une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2.
[…]
Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »
8 S’agissant de la fin du contrat, l’article 47 du RAA dispose :
« Indépendamment du cas de décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :
[…]
b) pour les contrats à durée déterminée :
i) à la date fixée dans le contrat ;
ii) à l’issue du préavis fixé dans le contrat et donnant à l’agent ou à l’institution la faculté de résilier celui-ci avant son échéance […] »
9 S’agissant des dispositions internes concernant la procédure d’évaluation du personnel de Frontex, l’article 3 de la décision du directeur exécutif de Frontex, du 27 août 2009, établissant une procédure d’évaluation du personnel (ci-après la décision du 27 août 2009), dispose :
« 1. L’évaluateur est, par défaut, le supérieur hiérarchique direct du titulaire du poste au début de l’exercice. Le directeur de division exerce les fonctions d’évaluateur à l’égard des chefs d’unité, le directeur exécutif adjoint exerce les fonctions d’évaluateur à l’égard des directeurs de division.
2. Le validateur est, par défaut, le supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur au début de l’exercice.
Si le directeur exécutif est l’évaluateur du titulaire du poste, il assume en outre le rôle de validateur.
Le rôle des validateurs est de garantir l’application cohérente des critères d’évaluation […] »
10 L’article 11, paragraphes 3 à 6, de la décision du 27 août 2009 prévoit ce qui suit :
« 3. Si le validateur est en accord avec le rapport [d’évaluation], il le contresigne et l’envoie à l’évaluateur, qui le transmet au titulaire du poste.
4. Si le validateur est en désaccord avec le rapport, il convoque l’évaluateur et, si nécessaire, le titulaire du poste, à une réunion de concertation pour tenter de parvenir à un accord.
5. En cas d’accord, le validateur contresigne le rapport modifié en fonction du résultat de la réunion et l’envoie à l’évaluateur, qui le transmet à son tour au titulaire du poste.
6. En cas d’échec de la réunion de concertation, la décision finale appartient au validateur qui la transmet à l’évaluateur et au titulaire du poste. »
11 La procédure de renouvellement des contrats d’agent temporaire, au sein de Frontex, est organisée par des lignes directrices, communiquées au personnel de Frontex par la note administrative no 40, le 26 juillet 2010 (ci-après les « lignes directrices »), dont l’objectif est notamment de garantir la cohérence, la transparence et l’équité dans le déroulement de la procédure. Il ressort du point 2 des lignes directrices que la procédure de renouvellement comporte quatre étapes :
– après que l’agent concerné a manifesté son intérêt au renouvellement de son contrat [sous a) et b)], l’évaluateur inscrit ses commentaires et sa proposition au sujet du renouvellement sur un formulaire ad hoc [sous c)] ;
– le validateur examine la proposition de l’évaluateur et exprime sur le même formulaire son accord ou son désaccord en le motivant ; en cas de désaccord entre l’évaluateur et le validateur, ce dernier exprime par écrit les raisons de son désaccord [sous d)] ;
– le directeur de la division formule une recommandation sur le formulaire [sous d)] ;
– le directeur exécutif prend la décision finale [sous e)].
12 Selon le point 3, sous a), des lignes directrices :
« Si le directeur exécutif décide de renouveler le contrat pour [cinq] ans, [le département des ressources humaines] prépare une lettre proposant à l’agent un renouvellement du contrat pour cette période. […]
Après avoir reçu une réponse positive de la part de l’agent, [le département des ressources humaines] prépare un avenant qui est prêt deux mois avant l’échéance du contrat en cours, pour accord et signature de l’agent […] »
13 Le point 3, sous c), des lignes directrices, précise :
« Si le directeur exécutif décide de ne pas renouveler le contrat, [le département des ressources humaines] rédige une lettre mentionnant les arguments fournis par l’évaluateur (motifs liés à l’intérêt du service, motifs liés à la performance ou une combinaison des deux). Cette lettre est signée par le directeur exécutif et transmise à l’agent douze mois avant l’expiration du contrat en vigueur. »
Antécédents du litige
14 Le 1er août 2006, le requérant, M. Kari Wahlström, a été engagé par Frontex en qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du RAA, pour une période de cinq ans renouvelable. Il a, dans un premier temps, été désigné chef de l’unité des services administratifs de Frontex et classé au grade A 12, deuxième échelon. En 2007, le reclassement du requérant au grade A 13 a été envisagé, mais n’a pas eu lieu.
15 Au début de l’année 2008, un niveau supplémentaire d’encadrement, constitué de divisions, ayant à leur tête des directeurs de division, a été créé entre les unités et le directeur exécutif. Au printemps 2008, une procédure de sélection relative aux postes d’encadrement intermédiaire de directeurs de division a été lancée. Le requérant, encouragé par le directeur exécutif à participer à cette procédure, a déposé sa candidature pour le poste de directeur de la division administrative. Cette candidature n’a pas été retenue, M. C. ayant été sélectionné pour occuper ce poste.
16 À la suite d’une procédure de sélection interne et conformément à un avenant à son contrat, signé le 22 juin 2010, le requérant a été affecté, avec effet au 1er août 2010, au poste de chef du bureau opérationnel de Frontex au Pirée (Grèce) (ci-après le « FOO »). Ses fonctions de chef de l’unité des services administratifs avaient entre-temps été transférées, dès le mois de juin 2010, au directeur de la division administrative, M. C., qui était aussi à ce titre son supérieur hiérarchique.
17 S’agissant de l’évaluation des performances professionnelles du requérant, un rapport d’évaluation a été finalisé en novembre 2009 pour l’année 2008, à savoir lorsque le requérant était chef de l’unité des services administratifs. Dans ce rapport, le directeur de la division administrative, M. C., supérieur hiérarchique direct et à ce titre évaluateur du requérant, et le directeur exécutif adjoint, en qualité de validateur, ont estimé que la performance du requérant relevait du niveau III sur les cinq niveaux prévus par les rapports d’évaluation utilisés par Frontex, dès lors que, selon eux, il avait « partiellement répondu aux attentes en matière d’efficacité, de capacité et de conduite dans le service ». En revanche, dans le rapport d’évaluation suivant, finalisé le 23 juin 2010 pour l’année 2009, le même évaluateur et le même validateur ont situé au niveau II le degré de performance du requérant, ce dernier ayant, selon eux, « pleinement répondu aux attentes en matière d’efficacité, de capacité et de conduite dans le service ». Enfin, le 23 février 2011, le requérant s’est vu communiquer un projet de rapport d’évaluation couvrant l’année 2010, dans lequel l’évaluateur et le validateur, qui avaient changé et étaient respectivement le directeur exécutif adjoint et le directeur exécutif, ont estimé devoir situer le degré de performance du requérant au niveau III.
18 Le requérant a introduit, le 28 avril 2011, devant le comité d’évaluation conjointe, institué par l’article 13 de la décision du 27 août 2009 (voir point 9 ci-dessus), un recours à l’encontre du projet de rapport d’évaluation couvrant l’année 2010. Le 13 juin 2012, ledit comité a rendu son avis dans lequel il a conclu que, « au regard du manque d’objectifs fixés dans le rapport et de l’insuffisance de preuves à l’appui de certaines de ses appréciations », il était nécessaire d’« améliorer l’impartialité et l’objectivité » du rapport et que, « [e]n raison des longues périodes de congé de maladie du requérant en 2011 et des difficultés qui en ont résulté pour réaliser l’ensemble des étapes de la procédure d’évaluation, […] d’une part, […] la procédure applicable n’a[vait] pas été suivie, mais, d’autre part, [...] la responsabilité ne p[ouvait] pas en être imputée à l’évaluateur et/ou au validateur ». Ce rapport a été transmis au requérant le 25 juin 2012.
19 Par courriel du 11 juillet 2012, le requérant a été informé que le validateur avait décidé de confirmer le rapport d’évaluation pour l’année 2010 et de n’y apporter aucun amendement. Le requérant a introduit un recours pour contester ce rapport devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne qui, par arrêt du 9 octobre 2013, Wahlström/Frontex (F‑116/12, EU:F:2013:143), a rejeté le recours. Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi devant le Tribunal, qui, par arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), a annulé l’arrêt du Tribunal de la fonction publique et le rapport d’évaluation en question, au motif que ce rapport était entaché d’illégalité du fait, d’une part, de l’absence de dialogue annuel entre l’évaluateur et le requérant et, d’autre part, de l’absence de fixation d’objectifs pour la première partie de l’année 2010 et de dialogue formel portant sur la fixation d’objectifs pour la seconde partie de l’année 2010. Par ailleurs, le Tribunal a accordé au requérant une indemnité de 2 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi, en considérant que l’irrégularité du rapport d’évaluation ne pouvait pas être aisément corrigée et qu’il subsisterait toujours un doute quant aux performances dont le requérant aurait pu faire la démonstration si des objectifs lui avaient été fixés. En effet, selon le Tribunal, il n’était plus possible de fixer, a posteriori, des objectifs au requérant qui, par ailleurs, n’était plus un employé de Frontex.
20 Par ailleurs, s’agissant du renouvellement du contrat d’agent temporaire du requérant dont l’échéance était fixée au 31 juillet 2011, le département des ressources humaines a demandé au requérant, par courriel du 22 juillet 2010, s’il était intéressé par le renouvellement de son contrat afin de savoir s’il convenait « d’engager la procédure de renouvellement douze mois à l’avance », ainsi que le prévoient les lignes directrices. Par courriel du même jour, le requérant a répondu affirmativement, en indiquant « être plus que jamais intéressé […] par les missions actuelles, les circonstances et les perspectives d’avenir [du poste], ce qui [lui] permettra[it] de servir Frontex en tirant profit de [s]a formation d’officier garde-côte et de [ses] 20 ans d’expérience dans le domaine de la gestion des frontières ». Le département des ressources humaines a aussitôt répondu au requérant, par retour de courriel, qu’il allait « lancer » la procédure de renouvellement du contrat et qu’une décision pouvait être attendue à cet égard pour la fin du mois de septembre ou le début du mois d’octobre 2010.
21 Au cours d’une réunion, le 9 décembre 2010, le directeur exécutif, en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de Frontex (ci-après l’« AHCC »), a informé le requérant de son intention de ne pas renouveler son contrat. Le lendemain, conformément à la recommandation du directeur exécutif adjoint, lequel, en qualité d’évaluateur du requérant, avait souligné, dans le formulaire de renouvellement du contrat de 2010, que la performance professionnelle de ce dernier au cours des quatre dernières années n’avait pas répondu aux attentes, le directeur exécutif a formellement adopté la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant (ci-après la « première décision de non‑renouvellement »). Cette décision a été notifiée au requérant le 16 décembre suivant. Le contrat du requérant n’ayant pas été renouvelé, ce dernier a quitté Frontex.
22 La première décision de non‑renouvellement a fait l’objet d’une procédure administrative précontentieuse puis a été attaquée par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique qui, par arrêt du 30 janvier 2013, Wahlström/Frontex (F‑87/11, EU:F:2013:10), a annulé cette décision pour violation des formes substantielles, en ayant constaté que la procédure de renouvellement du contrat du requérant avait été entachée d’un vice d’incompétence en ce qui concernait l’évaluateur consulté. À la suite de cette annulation, le directeur exécutif de Frontex, en sa qualité d’AHCC, a adopté, le 19 février 2013, une nouvelle décision de non-renouvellement du contrat du requérant (ci-après la « deuxième décision de non‑renouvellement »), laquelle a été notifiée au requérant le 22 février suivant, avec le nouveau formulaire de renouvellement de son contrat rempli par l’évaluateur et par le validateur (ci-après le « formulaire de 2013 »).
23 La deuxième décision de non-renouvellement a fait l’objet d’une procédure administrative précontentieuse puis a été attaquée par le requérant devant le Tribunal de la fonction publique qui, par arrêt du 17 septembre 2014, Wahlström/Frontex (F‑117/13, EU:F:2014:215), a annulé cette décision, au motif que les droits de la défense du requérant avaient été violés, ce dernier n’ayant pas été entendu avant l’adoption de la décision de non‑renouvellement de son contrat.
24 À la suite de cette annulation, Frontex a rouvert la procédure de renouvellement pour la troisième fois. Le requérant a reçu la recommandation relative à son renouvellement le 25 mai 2015 et il a rencontré en personne le directeur exécutif le 8 juin 2015 afin d’exprimer son avis au sujet du renouvellement de son contrat. Le 9 juin 2015, le directeur exécutif a adopté, sur la base d’un nouveau formulaire de renouvellement du contrat d’agent temporaire (ci-après le « formulaire de 2015 »), la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant, décision qui a été notifiée à ce dernier par lettre du 26 juin 2015 (ci‑après la « décision attaquée »), c’est-à-dire avant le prononcé de l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), ayant annulé le rapport d’évaluation du requérant relatif à l’année 2010 (voir point 19 ci-dessus).
25 Le 25 septembre 2015, le requérant a présenté une réclamation contre la décision attaquée, qui a été rejetée le 22 janvier 2016.
Procédure
26 Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 28 avril 2016, le requérant a introduit un recours, qui a été enregistré sous la référence F‑21/16.
27 Le 9 août 2016, Frontex a déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le mémoire en défense.
28 En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), l’affaire enregistrée sous la référence F‑21/16 a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Cette affaire a été enregistrée sous la référence T‑591/16 et attribuée, le 8 novembre 2016, à la sixième chambre du Tribunal.
29 Le 9 janvier 2017, le requérant a déposé au greffe du Tribunal la réplique.
30 Le 13 février 2017, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, l’affaire a été réattribuée à la neuvième chambre.
31 Le 27 février 2017, Frontex a déposé au greffe du Tribunal la duplique.
32 La procédure écrite a été clôturée le 8 mars 2017.
33 Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal (neuvième chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.
Conclusions des parties
34 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner Frontex à lui verser une indemnité pour compenser la perte de revenus due à l’absence de renouvellement de son contrat pour une durée de cinq ans, ainsi que la perte des droits à pension correspondants ;
– condamner Frontex aux dépens.
35 Frontex conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner le requérant aux dépens.
En droit
36 À l’appui de son chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée, le requérant soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation du devoir de sollicitude et des dispositions contenues dans le formulaire de 2015. Le deuxième moyen est tiré de l’utilisation illégale, pour fonder la décision attaquée, du rapport de notation couvrant l’année 2010, qui a été annulé par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652). Le troisième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation liée à l’existence d’une contradiction de motifs entre le rapport d’évaluation pour l’année 2009 et le formulaire de 2015.Par ailleurs, s’agissant du deuxième chef de conclusions, le requérant demande à être indemnisé de la perte de revenus qu’il a subie pour la durée durant laquelle son contrat aurait été renouvelé, y compris en ce qui concerne les droits à pension correspondants qu’il a perdus.
Sur les conclusions en annulation
Sur la recevabilité
37 D’une part, Frontex fait valoir que, compte tenu de l’improbabilité de la réintégration en son sein du requérant, le recours doit être surtout considéré comme « ayant un objectif principalement pécuniaire ». D’autre part, en ce qui concerne les deuxième et troisième moyens, elle affirme qu’un doute subsiste quant à la recevabilité de ceux-ci dans la mesure où, par ces moyens, le requérant tente de contester les évaluations de ses performances contenues dans les rapports d’évaluation couvrant les années 2009 et 2010 qui sont, à ce stade, définitivement fixées. En effet, le rapport de 2009 n’aurait pas été contesté par le requérant dans les délais et l’annulation du rapport d’évaluation pour l’année 2010, par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), aurait été prononcée pour des raisons de procédure n’affectant pas son contenu, qui resterait donc définitivement fixé et fonderait valablement la décision attaquée.
38 Premièrement, le requérant rétorque, que l’affirmation de Frontex selon laquelle le recours doit être considéré comme « ayant un objectif principalement pécuniaire » est dépourvue de fondement. Il fait valoir que la demande d’indemnisation du préjudice découlant de la perte de revenus est sans incidence sur la recevabilité de son recours visant à l’annulation de la décision attaquée. Deuxièmement, il soutient, en substance, que son recours ne vise pas à contester le contenu des rapports d’évaluation en question. En effet, s’agissant du rapport d’évaluation pour l’année 2010, il conteste la possibilité pour Frontex de l’utiliser pour justifier la décision attaquée au motif que ce rapport, annulé avec effet rétroactif par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), a disparu de l’ordre juridique comme s’il n’avait jamais existé. S’agissant du rapport d’évaluation pour l’année 2009, le requérant précise qu’il ne conteste pas son contenu, mais l’interprétation incorrecte de ce contenu qui apparaît dans la décision attaquée et qui constitue une erreur manifeste d’appréciation.
39 En premier lieu, il convient de constater que, même si Frontex souligne le caractère principalement pécuniaire du recours, elle n’en tire aucune conséquence quant à la recevabilité de ce dernier.
40 En second lieu, d’une part, il importe de relever que, comme le précise à juste titre le requérant, par son deuxième moyen, celui-ci ne vise pas à contester le contenu du rapport d’évaluation pour l’année 2010, mais l’utilisation de ce rapport pour fonder la décision attaquée. En d’autres termes, dans la mesure où le requérant considère que le rapport en question a disparu de l’ordre juridique du fait de son annulation par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), il fait valoir que la décision attaquée est illégale en tant qu’elle est fondée sur ce rapport. Ainsi, le deuxième moyen est recevable en ce qu’il vise à contester la légalité de la décision attaquée et non le contenu du rapport d’évaluation pour l’année 2010.
41 D’autre part, il convient d’observer que, contrairement à ce qu’affirme Frontex, le requérant ne cherche pas à contester, hors délai, le contenu du rapport d’évaluation pour l’année 2009. En effet, le requérant vise à démontrer que la décision attaquée a procédé à une interprétation erronée de ce rapport et est donc entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Ainsi, le troisième moyen est recevable en ce qu’il conteste la légalité de la décision attaquée et non le contenu du rapport d’évaluation pour l’année 2009.
42 Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter les fins de non‑recevoir soulevées par Frontex à l’encontre des deuxième et troisième moyens, qui procèdent d’une lecture erronée desdits moyens, et de déclarer le recours recevable.
Sur le fond
43 Par son premier moyen, le requérant soutient que Frontex, lors de l’adoption de la décision attaquée, n’a pas respecté son devoir de sollicitude dans la mesure où elle n’a pas pris en compte toutes les informations disponibles concernant son dossier. Par son deuxième moyen, il soutient que la décision attaquée est illégale au motif qu’elle est fondée sur un rapport d’évaluation, couvrant l’année 2010, qui a été annulé par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652). Enfin, par son troisième moyen, il fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce qu’elle est fondée sur une interprétation erronée du rapport d’évaluation pour l’année 2009.
44 Frontex conteste les moyens et les arguments soulevés par le requérant.
45 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un agent temporaire, titulaire d’un contrat à durée déterminée, n’a, en principe, aucun droit au renouvellement de son contrat, ce renouvellement n’étant qu’une simple possibilité, subordonnée à la condition qu’il soit conforme à l’intérêt du service (voir arrêt du 13 juin 2012, Davids/Commission, F‑105/11, EU:F:2012:84, point 36 et jurisprudence citée).
46 En effet, à la différence des fonctionnaires, dont la stabilité d’emploi est garantie par le statut, les agents temporaires relèvent d’un autre régime à la base duquel se trouve le contrat d’emploi conclu avec l’institution concernée. Il ressort de l’article 47, paragraphe 1, sous b), du RAA que la durée de la relation de travail entre une institution et un agent temporaire engagé à durée déterminée est, précisément, régie par les conditions établies dans le contrat conclu entre les parties (arrêt du 13 juin 2012, Davids/Commission, F‑105/11, EU:F:2012:84, point 37). En outre, une jurisprudence également constante reconnaît à l’administration un large pouvoir d’appréciation en matière de renouvellement de contrat (voir arrêt du 13 juin 2012, Davids/Commission, F‑105/11, EU:F:2012:84, point 38 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 19 février 2013, BB/Commission, F‑17/11, EU:F:2013:14, point 58 et jurisprudence citée).
47 Même si l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le Tribunal, saisi d’un recours en annulation dirigé contre un acte adopté dans l’exercice d’un tel pouvoir, n’en exerce pas moins un contrôle de légalité, lequel se manifeste à plusieurs égards. S’agissant d’une demande d’annulation d’une décision de non-renouvellement d’un contrat d’agent temporaire, laquelle constitue un acte faisant grief, le contrôle du juge de l’Union européenne doit se limiter à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service ayant pu justifier cette décision et de détournement de pouvoir ainsi qu’à l’absence d’atteinte au devoir de sollicitude qui pèse sur une administration lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur la reconduction d’un contrat qui la lie à l’un de ses agents (voir ordonnance du 15 avril 2011, Daake/OHMI, F‑72/09 et F‑17/10, EU:F:2011:47, point 41 et jurisprudence citée). En outre, le Tribunal contrôle si l’administration a commis des inexactitudes matérielles (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2018, Barnett/CESE, T‑23/17, non publié, EU:T:2018:271, sous pourvoi, point 38 et jurisprudence citée).
48 Il revient donc au Tribunal, dans le cadre des moyens avancés par le requérant, de vérifier si l’administration n’a pas commis une erreur manifeste en appréciant les éléments qu’elle a retenus pour prendre la décision contestée. Or, dans le contexte, tel celui du présent litige, d’un large pouvoir d’appréciation reconnu à l’administration, établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise sur la base de cette appréciation, suppose que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration (voir arrêt du 19 février 2013, BB/Commission, F‑17/11, EU:F:2013:14, point 60 et jurisprudence citée).
49 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son large pouvoir d’appréciation. En conséquence, afin d’établir qu’une erreur manifeste a été commise dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue par l’administration dans sa décision. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2018, Barnett/CESE, T‑23/17, non publié, EU:T:2018:271, sous pourvoi, point 38 et jurisprudence citée).
50 Il convient encore d’ajouter que, selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment que, lorsqu’elle statue sur la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent, et ce même dans le cadre de l’exercice d’un large pouvoir d’appréciation, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision. Il lui incombe, ce faisant, de tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire ou de l’agent concerné. Compte tenu précisément de l’étendue du pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions dans l’évaluation de l’intérêt du service, le contrôle du juge de l’Union doit cependant se limiter à la question de savoir si l’autorité compétente s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du 19 février 2013, BB/Commission, F‑17/11, EU:F:2013:14, point 61 et jurisprudence citée).
51 C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient, à présent, d’examiner les arguments avancés par le requérant à l’appui des moyens qu’il soulève.
– Sur le premier moyen
52 Dans le cadre de son premier moyen, le requérant fait valoir que Frontex a manqué à son devoir de sollicitude au motif qu’elle n’aurait pas respecté les dispositions contenues dans le formulaire de 2015 et n’aurait pas pris en compte la période comprise entre 2006 et janvier 2009 lors de l’adoption de la décision attaquée. Partant, l’évaluation du requérant ne reflèterait que partiellement ses performances. Le requérant ne conteste pas l’absence de prise en compte du rapport de notation pour l’année 2008. Cependant, il soutient que, dans la mesure où, au cours des années 2006 et 2007, aucun exercice d’évaluation n’avait été effectué, l’administration était tenue de compléter les informations à sa disposition par la consultation du dossier personnel le concernant. À cet égard, le requérant soutient que le rapport de stage concernant son rendement dans le service au cours des six premiers mois de l’année 2006 devait se voir accorder une « importance particulière dans l’appréciation de ses performances ». Or, ni ce rapport ni aucun autre élément pouvant être pertinent aux fins d’établir ses performances au sein de Frontex n’aurait été examiné lors de l’adoption de la décision attaquée.
53 Frontex rétorque, d’abord, qu’il est incontestable que la période de 2006 à 2007 n’a pas fait l’objet d’une évaluation et que, si le requérant affirme que d’autres éléments pouvaient être pris en compte par l’administration, il n’apporte cependant pas de preuves de sa performance pour la période de 2006 à 2007. Ensuite, Frontex ajoute qu’il incombait au requérant de demander un rapport d’évaluation pour les années 2006 et 2007 et que, ne l’ayant pas fait, il serait à présent « hors délai ». En outre, le rapport de stage serait d’une utilité limitée pour l’évaluation des performances du requérant, car ce rapport établirait uniquement s’il convenait de maintenir l’agent en service à la suite de la période d’essai de six mois. De surcroît, Frontex souligne que l’absence de prise en compte du rapport d’évaluation pour l’année 2008 était dans l’intérêt du requérant. En effet, d’une part, Frontex s’était engagée à ne pas prendre en compte l’exercice d’évaluation pour l’année 2008 pour tous ses agents et, d’autre part, s’agissant du requérant, le rapport d’évaluation pour l’année 2008 ne lui était pas favorable. Enfin, Frontex précise que la décision attaquée se fonde sur les rapports établis pour les années 2009 et 2010.
54 À titre liminaire, il importe de rappeler que le devoir de sollicitude impose à l’administration qui est tenue de prendre une décision affectant un agent l’obligation de tenir compte à la fois de l’intérêt du service et de celui de l’agent, en rassemblant toutes les informations pertinentes (voir point 50 ci‑dessus).
55 À cet égard, il résulte de l’article 43, premier alinéa, du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du RAA, que l’administration doit veiller à la rédaction périodique de rapports concernant la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, tant pour des motifs de bonne administration que pour sauvegarder les intérêts des fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2013, AK/Commission, F‑91/10, EU:F:2013:34, point 49).
56 En effet, les rapports d’évaluation constituent une preuve écrite et formelle quant à la qualité du travail que l’agent a accompli pendant la période considérée (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2013, AK/Commission, F‑91/10, EU:F:2013:34, point 60).
57 Il ressort du libellé de l’article 14, paragraphe 3, du RAA, que le rapport de stage vise à évaluer l’aptitude de l’agent à s’acquitter des attributions que comportent ses fonctions, son rendement et sa conduite dans le service (voir point 5 ci-dessus).
58 Cela étant précisé, afin d’apprécier si Frontex aurait dû, pour respecter le devoir de sollicitude, compenser l’absence de prise en compte des années 2006, 2007 et 2008 et compléter les informations à sa disposition par la consultation du dossier personnel concernant le requérant en accordant une « importance particulière, dans l’appréciation de ses performances », au rapport de stage concernant son rendement dans le service au cours des six premiers mois de l’année 2006, il convient de procéder aux observations qui suivent.
59 En premier lieu, il importe d’observer que le requérant a été engagé par Frontex en qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du RAA, pour une période de cinq ans renouvelable à compter du 1er août 2006. Il a, dans un premier temps, été désigné chef de l’unité des services administratifs de Frontex et classé au grade A 12, deuxième échelon (voir point 14 ci-dessus). Dans un second temps, à la suite d’une procédure de sélection interne et conformément à un avenant à son contrat, signé le 22 juin 2010, il a été affecté, avec effet au 1er août 2010, au poste de chef du FOO (voir point 16 ci-dessus). Lors de son engagement le 1er août 2006, il a effectué, conformément à l’article 14 du RAA, une période de stage de six mois.
60 En deuxième lieu, la décision attaquée a été adoptée sur la base du formulaire de 2015 qui, comme le souligne le requérant, indique, à la section 3, que les performances de l’agent temporaire concerné doivent être évaluées sur la base de la période au cours de laquelle il était employé par l’agence. À cet égard, comme le souligne à juste titre Frontex, la décision attaquée s’inscrit dans le cadre de la première décision de non-renouvellement adoptée en décembre 2010, selon laquelle la période devant être prise en compte pour apprécier les performances du requérant concernait les quatre premières années d’engagement de ce dernier par Frontex, à savoir de 2006 à 2010. Cependant, Frontex précise elle-même que la décision attaquée ne prend en compte que les rapports d’évaluation établis pour les années 2009 et 2010 (voir point 53 ci-dessus). En effet, la décision attaquée se fonde sur la proposition de non‑renouvellement du contrat du requérant contenue dans le formulaire de 2015 qui, à la section 3, fait uniquement référence aux rapports d’évaluation des performances du requérant couvrant les années 2009 et 2010.
61 En troisième lieu, comme cela ressort de la réponse à la réclamation, en l’absence de rapports d’évaluation pour les années 2006 et 2007, la performance du requérant au cours de ces années n’a pas été prise en considération. En outre, s’agissant de l’année 2008, la décision de rejet de la réclamation précise que, en dépit du fait qu’un rapport d’évaluation avait été établi, attribuant le degré de performance III au requérant sur les cinq niveaux prévus, ce rapport n’a pas été pris en compte par la décision attaquée, au motif que Frontex elle‑même, par un courriel du 29 avril 2009, avait indiqué qu’il n’y aurait pas de conséquences négatives pour les agents du fait de l’évaluation pour l’année 2008. Par ailleurs, le rapport d’évaluation pour l’année 2008 s’inscrivait dans le cadre d’un exercice pilote qui, s’agissant du requérant, prenait en compte uniquement la période allant de septembre à décembre 2008.
62 Ainsi, tout d’abord, force est de constater que la décision attaquée a pris en compte les deux dernières années, 2009 et 2010, qui étaient les seules pour lesquelles des rapports d’évaluation des performances du requérant avaient été valablement établis. Plus précisément, la décision attaquée a été adoptée sur la base du formulaire de 2015, qui, en raison de la reprise des commentaires contenus dans le formulaire de 2013, reflétait la connaissance que le précédent évaluateur avait du requérant jusqu’à la première partie de l’année 2010.
63 Ensuite, il importe de relever que le fait que Frontex dispose d’un nombre limité d’éléments à prendre en compte pour l’adoption de la décision attaquée, au regard de sa large marge d’appréciation, ne saurait créer, pour cette dernière, une obligation de prendre en compte le rapport de stage du requérant.
64 Or, dans la mesure où Frontex, d’une part, a pris en compte, notamment, le rapport d’évaluation du requérant pour l’année 2009 et, d’autre part, ne s’est pas fondée sur le rapport de 2008, qui contenait une appréciation et des commentaires qui n’étaient pas favorables au requérant, ce dernier ne saurait soutenir qu’elle a omis de prendre en compte son intérêt conformément au devoir de sollicitude tel que celui-ci est précisé par la jurisprudence rappelée aux points 50 et 54 ci-dessus.
65 À toutes fins utiles, premièrement, il convient d’observer que le rapport de stage du requérant concernait, en l’espèce, une période d’essai de six mois sur les quatre ans pertinents. Deuxièmement, cette période de stage datait essentiellement de l’année 2006 et, depuis, le requérant a exercé ses fonctions pendant plusieurs années avant le début de la procédure de renouvellement de son contrat. Troisièmement, dans la mesure où cette période de stage s’était déroulée au début de sa relation de travail, sa pertinence, par rapport aux évaluations contenues dans les rapports d’évaluation portant sur des années qui sont plus proches de la date de lancement de la procédure de renouvellement, est nécessairement très limitée. Quatrièmement, l’évaluation sur le rendement, les compétences et la conduite du requérant pendant les six premiers mois de son contrat d’agent temporaire, contenue dans son rapport de stage, ne saurait être assimilée et, ainsi, se substituer ou compenser, l’évaluation effectuée dans le cadre d’un rapport d’évaluation annuel visant à apprécier si, au regard des objectifs fixés en accord avec le requérant, ce dernier a répondu aux attentes et à établir, ainsi, le degré de ses performances.
66 Enfin, en tout état de cause, le requérant n’a pas produit devant le Tribunal le rapport de stage en question et n’établit donc pas que la prise en compte du contenu de ce rapport aurait permis d’aboutir à une décision différente s’agissant du renouvellement de son contrat.
67 Au regard de ce qui précède, le fait que Frontex n’ait pas pris en considération le rapport de stage lors de l’adoption de la décision attaquée ne constitue pas, en l’espèce, une violation du devoir de sollicitude susceptible d’entraîner l’annulation de ladite décision.
68 Le grief tiré de ce que Frontex aurait violé son devoir de sollicitude du fait de l’absence de prise en compte du rapport de stage doit donc être rejeté.
69 S’agissant du grief tiré de ce que Frontex a violé son devoir de sollicitude du fait qu’elle n’a pas complété les informations concernant le requérant sur la base de son dossier personnel, celui-ci ne précise pas, dans le cadre du premier moyen, les éléments que, selon lui, Frontex aurait dû prendre en compte. Par conséquent, ce grief doit être rejeté comme non étayé.
70 À toutes fins utiles, à supposer que les éléments, autres que le rapport de stage, susceptibles d’être pris en compte aux fins de la décision sur le renouvellement du contrat soient ceux mentionnés dans le cadre du troisième moyen, à savoir la circonstance qu’il a été encouragé, par le directeur exécutif, à présenter une candidature au poste de directeur administratif ainsi que le fait d’avoir été recruté au poste de chef du FOO avec effet au 1er août 2010 (voir point 16 ci-dessus), il y a lieu de procéder aux observations qui suivent.
71 Premièrement, s’agissant de l’encouragement du directeur exécutif à postuler au poste de directeur administratif, à le supposer démontré, il ne saurait être soutenu que le respect du devoir de sollicitude implique de tenir compte d’un simple encouragement, bien qu’il vienne d’un directeur exécutif. En effet, un tel encouragement n’est pas suffisant pour attester des compétences et des capacités professionnelles dont il convient de tenir compte lors de l’adoption d’une décision portant sur le renouvellement d’un contrat.
72 Deuxièmement, s’agissant de l’absence de prise en compte du recrutement du requérant au poste de chef du FOO (voir point 16 ci-dessus), il importe de noter que, certes, ce recrutement indique que le requérant était le candidat qui a été jugé répondre le mieux aux conditions requises par le poste à pourvoir. Cependant, ce recrutement ne suffit pas, à lui seul, pour démontrer le degré des performances du requérant en tant que chef du FOO. Ainsi, l’absence de prise en compte dudit recrutement n’entraîne pas de violation du devoir de sollicitude.
73 Au regard de l’ensemble des observations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen.
– Sur le deuxième moyen
74 Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir que l’utilisation du rapport d’évaluation couvrant l’année 2010 pour fonder la décision attaquée est illégale, au motif que ce rapport a été annulé par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), et, ainsi, n’a jamais eu d’existence légale. Il souligne que le rapport en cause a été annulé pour des erreurs affectant son contenu et non pour une « simple erreur de procédure ». En effet, l’illégalité dudit rapport découlerait de l’absence de fixation d’objectifs pour l’année 2010, ce qui rendrait actuellement impossible, selon l’avis du Tribunal, d’évaluer les performances du requérant pendant ladite année de manière adéquate.
75 Frontex soutient que le contenu du rapport de 2010 est définitivement établi nonobstant son annulation par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652). Selon Frontex, l’annulation du rapport d’évaluation pour l’année 2010 qui est intervenue après l’adoption de la décision attaquée n’aurait pas d’incidence sur la légalité de cette dernière au motif que cette annulation a été prononcée pour des raisons procédurales, à savoir, d’une part, l’absence de preuve de dialogue suffisant avec l’évaluateur et, d’autre part, l’absence de fixation d’objectifs pour la première partie de l’année 2010 dans le dossier d’évaluation lui-même et l’absence de dialogue formel avec l’évaluateur sur les objectifs fixés pour la seconde partie de l’année 2010. Frontex souligne que le Tribunal, statuant dans le cadre d’un pourvoi, ne se serait pas prononcé sur le moyen du recours qui visait à contester le bien-fondé de la motivation du rapport d’évaluation pour l’année 2010 et qui avait été rejeté par l’arrêt du 9 octobre 2013 Wahlström/Frontex (F‑116/12, EU:F:2013:143). Ainsi, le contenu du rapport d’évaluation pour l’année 2010 serait devenu définitif et aurait été valablement utilisé pour fonder la décision attaquée.
76 À titre liminaire, il convient de rappeler, tout d’abord, que l’annulation d’un acte par le juge a pour effet d’éliminer rétroactivement cet acte de l’ordre juridique (voir arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2004:94, point 84 et jurisprudence citée).
77 Par ailleurs, conformément à l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation.
78 Frontex est dès lors tenue, en vertu de cette disposition, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652) (voir, en ce sens, ordonnance du 29 juin 2005, Pappas/Comité des régions, T‑254/04, EU:T:2005:260, point 37 et jurisprudence citée, et arrêt du 12 avril 2016, CP/Parlement, F‑98/15, EU:F:2016:76, point 59 et jurisprudence citée).
79 Lorsque l’acte annulé a déjà été exécuté, l’anéantissement de ses effets impose, en principe, de rétablir la situation juridique dans laquelle la partie requérante se trouvait antérieurement à son adoption (voir arrêt du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2004:94, point 84 et jurisprudence citée).
80 Pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution concernée est tenue, selon une jurisprudence constante, de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. En effet, ce sont ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme étant illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (arrêts du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27 ; du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 29, et du 13 septembre 2005, Recalde Langarica/Commission, T‑283/03, EU:T:2005:315, point 50).
81 L’article 266 TFUE impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d’annulation (voir arrêt du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 43 et jurisprudence citée).
82 Il y a lieu de souligner, enfin, que l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. La procédure visant à remplacer un tel acte peut ainsi être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (voir arrêt du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 44).
83 Certes, selon la jurisprudence, à la suite de l’annulation d’un acte administratif, son auteur doit adopter un nouvel acte de remplacement en se plaçant à la date à laquelle celui-ci avait été pris, en fonction des dispositions alors en vigueur et des éléments de fait alors pertinents. Il peut toutefois invoquer, dans sa nouvelle décision, des motifs autres que ceux sur lesquels il avait fondé sa première décision (voir arrêt du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 45 et jurisprudence citée). Cependant, s’agissant du rapport d’évaluation pour l’année 2010, annulé par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), le Tribunal a expressément précisé que, au regard des circonstances de l’espèce, il était impossible de remédier à l’illégalité constatée en adoptant un nouveau rapport d’évaluation pour ladite année (voir point 19 ci-dessus).
84 À la lumière des principes et des considérations qui précèdent, il convient d’examiner si, comme le soutient le requérant, en application de l’effet rétroactif et de l’effet obligatoire de l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), la décision attaquée est illégale du fait qu’elle ne pouvait pas prendre en considération le rapport d’évaluation couvrant l’année 2010.
85 En premier lieu, s’agissant de la portée de l’annulation prononcée par l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), il ressort du point 78 de cet arrêt que le rapport d’évaluation pour l’année 2010 était entaché d’illégalité du fait, d’une part, de l’absence de dialogue annuel entre l’évaluateur et le requérant et, d’autre part, de l’absence de fixation d’objectifs pour la première partie de l’année 2010 et de dialogue formel portant sur la fixation d’objectifs pour la seconde partie de l’année 2010.
86 D’une part, en ce qui concerne le motif d’annulation tiré de l’absence de dialogue annuel entre l’évaluateur et le requérant, aux points 21 à 34 de l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), le Tribunal a d’abord rappelé que, pour qu’une irrégularité procédurale puisse aboutir à l’annulation d’un acte, il faut que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent. Ensuite, il a évoqué la jurisprudence selon laquelle, sans un échange direct entre l’évaluateur et l’évalué, l’évaluation ne saurait remplir pleinement sa fonction d’outil de gestion des ressources humaines et d’instrument d’accompagnement du développement professionnel de l’intéressé (arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 25). En outre, il a relevé que, dès lors qu’un rapport d’évaluation est fondé sur des jugements de valeur subjectifs et donc, par nature, susceptibles d’être modifiés, si le requérant avait été entendu avant l’établissement dudit rapport, dans le cadre d’un dialogue, il aurait pu faire valoir son point de vue et, ainsi, peut-être, obtenir une modification des appréciations portées dans ledit rapport (arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 27).
87 D’autre part, en ce qui concerne les motifs d’annulation tirés de l’absence de fixation d’objectifs pour la première partie de l’année 2010 et de dialogue formel portant sur la fixation d’objectifs pour la seconde partie de l’année 2010, le Tribunal, aux points 44 à 51 et 54 à 72 de l’arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex (T‑653/13 P, EU:T:2015:652), a d’abord rappelé que, selon la jurisprudence, la méconnaissance des règles prescrivant la fixation d’objectifs à un fonctionnaire au début de chaque période d’évaluation avait un caractère substantiel et justifiait la censure du rapport d’évaluation litigieux. Ensuite, il a relevé que, dans la mesure où le rapport d’évaluation pour l’année 2010 visait à évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du requérant non seulement en tant que chef du FOO, à partir du 1er août 2010, mais également en tant que chef d’unité des services administratifs pour la période du 1er janvier 2010 au 1er août 2010, l’absence de fixation d’objectifs pour cette partie de l’année 2010 avait, de fait, privé le requérant de la possibilité d’obtenir une meilleure évaluation globale pour l’ensemble de l’année 2010. Il a donc jugé que l’absence de fixation d’objectifs pour la première partie de l’année 2010, en ce qui concernait les fonctions de chef d’unité des services administratifs, constituait une irrégularité procédurale substantielle. Enfin, le Tribunal a jugé que les objectifs du requérant pour la seconde partie de l’année 2010 devaient être fixés, lors de son changement de fonctions, dans le cadre d’un dialogue formel avec son évaluateur. Par conséquent, l’absence de dialogue formel entre l’évaluateur et le requérant sur les objectifs fixés pour la seconde partie de l’année 2010 constituait une irrégularité procédurale.
88 Les motifs d’annulation, rappelés ci-dessus, permettent de comprendre que le rapport d’évaluation pour l’année 2010 était entaché, notamment, d’irrégularités procédurales substantielles et que ces irrégularités correspondaient à des violations de formes substantielles susceptibles d’affecter le contenu du rapport. Frontex ne saurait donc soutenir que le contenu du rapport d’évaluation pour l’année 2010 est devenu définitif, dès lors que le Tribunal a explicitement reconnu que, en l’absence des irrégularités constatées, ce rapport aurait pu être différent. À ce titre, il convient d’ajouter que l’indemnisation de 2 000 euros, accordée par le Tribunal au requérant pour compenser le préjudice moral lié au doute qui subsistait quant aux performances dont il aurait pu faire preuve si des objectifs lui avaient été fixés initialement (arrêt du 9 octobre 2013, Wahlström/Frontex, F‑116/12, EU:F:2013:143, point 84), ne saurait permettre à Frontex de soutenir que le contenu du rapport d’évaluation pour l’année 2010 est devenu définitif, ni qu’il a été valablement utilisé aux fins de l’adoption de la décision attaquée. En effet, la réparation du préjudice a été accordée précisément car le contenu du rapport ne permettait pas d’apprécier les performances du requérant pour l’année 2010 et parce qu’il était impossible, le requérant ayant cessé son activité au sein de Frontex, de remédier à la situation en lui assignant des objectifs ou en organisant un dialogue formel sur ces objectifs a posteriori.
89 En second lieu, il importe de relever que, selon la jurisprudence, un arrêt d’annulation a un effet rétroactif qui implique que la constatation de l’illégalité de l’acte annulé remonte à la date de prise d’effet de ce dernier, de sorte que, en l’espèce, l’annulation du rapport d’évaluation pour l’année 2010 rétroagit à la date de son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2015, Wahlström/Frontex, T‑653/13 P, EU:T:2015:652, point 31 et jurisprudence citée). Par conséquent, à la date d’adoption de la décision attaquée, soit le 26 juin 2015, le rapport d’évaluation pour l’année 2010 avait disparu de l’ordre juridique de l’Union.
90 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que le deuxième moyen est fondé et que la décision attaquée est entachée d’une erreur en tant qu’elle tient compte du rapport d’évaluation pour l’année 2010.
91 Cependant dans la mesure où, en l’espèce, le rapport d’évaluation est uniquement un document qui contient des éléments de fait pris en considération aux fins d’adopter la décision attaquée et ne constitue pas directement un motif de celle‑ci, il convient, afin d’apprécier les conséquences à tirer de cette erreur, de déterminer dans quelle mesure l’impossibilité de prendre en compte ce rapport est susceptible d’affecter les motifs de la décision attaquée, qui pourrait demeurer valablement fondée sur les éléments de fait contenus dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009.
92 Il s’ensuit que, afin d’établir si l’erreur résultant de la prise en compte du rapport d’évaluation pour l’année 2010 est susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée, il y a lieu d’examiner le troisième moyen et, ainsi, d’apprécier, dans le cadre de ce moyen, dans un premier temps, si les motifs de ladite décision ne sont pas en contradiction avec les éléments contenus dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009 et, dans un second temps, s’il ressort des motifs de la décision attaquée que celle-ci, en dépit de sa référence au rapport d’évaluation pour l’année 2010, demeure valablement fondée sur le seul rapport d’évaluation pour l’année 2009, de sorte que l’impossibilité de prendre en compte le rapport d’évaluation pour l’année 2010 ne saurait conduire Frontex à adopter une décision différente, car cette impossibilité ne prive pas de plausibilité les appréciations qu’elle a retenue dans la décision attaquée. En d’autres termes, l’erreur relevée au point 90 ci-dessus serait inopérante, et ne saurait donc suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse, si, dans les circonstances particulières du cas d’espèce, elle n’avait pu avoir une influence déterminante quant au résultat de la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 mai 2002, Graphischer Maschinenbau/Commission, T‑126/99, EU:T:2002:116, point 49 et jurisprudence citée).
– Sur le troisième moyen
93 Dans le cadre du troisième moyen, le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Cette erreur résulterait d’une contradiction de motifs entre le rapport d’évaluation pour l’année 2009 et le formulaire de 2015 ayant servi de fondement à la décision attaquée. Le rapport d’évaluation pour l’année 2009 indiquerait que le requérant a « pleinement répondu aux attentes en matière d’efficacité, de capacité et de comportement dans le service », tandis que le formulaire de 2015, qui se fonde sur ce rapport, indiquerait que le requérant ne possède pas les compétences clés fondamentales et prioritaires afin d’être en mesure de s’acquitter de ses obligations professionnelles. Selon le requérant, les documents en question, tout en se fondant sur les mêmes éléments d’appréciation, à savoir les critiques adressées au requérant dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009, aboutissent à des résultats opposés. En effet, en dépit desdites critiques, l’évaluateur, dans le cadre du rapport d’évaluation pour l’année 2009, aurait conclu que les performances du requérant étaient satisfaisantes, tandis que ces critiques auraient conduit l’évaluateur à conclure, dans le formulaire de 2015, que les performances du requérant étaient insatisfaisantes. De même, dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009, l’évaluateur aurait indiqué que le requérant comprenait tous les aspects relatifs à son emploi et qu’il était habitué aux règles, aux procédures et aux outils de Frontex, tandis que, dans le formulaire de 2015, l’évaluateur aurait indiqué que le requérant ne possédait pas les compétences clés fondamentales et prioritaires lui permettant de s’acquitter de ses obligations professionnelles.
94 Frontex rétorque que la décision attaquée peut être valablement fondée même sur le seul rapport d’évaluation pour l’année 2009. En effet, la circonstance que l’évaluateur, dans le cadre du rapport d’évaluation pour l’année 2009, ait pu assigner un niveau II de performance au requérant n’exclurait nullement que l’administration décide de ne pas renouveler son contrat, dans la mesure où chacun des commentaires négatifs contenus dans le rapport en question soulèverait de sérieux doutes quant au renouvellement du contrat du requérant. Enfin,selon Frontex, il n’existe aucune contradiction entre l’évaluation contenue dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009 et le formulaire de 2015 ayant servi de fondement à la décision attaquée.
95 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’administration dispose d’une large marge d’appréciation en matière de renouvellement de contrat et que le contrôle du juge doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et aux moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (voir point 47 ci-dessus).
96 Une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice par l’administration de son large pouvoir d’appréciation. Établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise sur la base de cette appréciation supposerait donc que les éléments de preuve, qu’il incombe au requérant d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme étant justifiée et cohérente (voir arrêt du 11 juillet 2012, AI/Cour de justice, F‑85/10, EU:F:2012:97, point 153 et jurisprudence citée).
97 En outre, si les évaluateurs jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu’ils ont la charge de noter, il importe toutefois de relever que le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union peut vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis. Il en résulte que les commentaires facultatifs accompagnant les appréciations formulées dans la grille analytique ont pour objet de justifier ces appréciations, afin de permettre à la partie requérante d’en apprécier le bien‑fondé en toute connaissance de cause et, le cas échéant, au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel. Un tel contrôle, même restreint, impliquant que les appréciations moins favorables que celles qui lui avaient été portées dans le rapport d’évaluation précédent soient justifiées par les évaluateurs, exige également une cohérence entre ces appréciations et les commentaires destinés à les justifier (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, EU:T:1992:106, point 41). Cette jurisprudence demeure applicable, par analogie, aux cas où, comme en l’espèce, le Tribunal est appelé à examiner s’il existe une erreur manifeste d’appréciation résultant de la contradiction entre deux actes distincts dont l’un a été adopté sur la base des éléments contenus dans l’autre.
98 En l’espèce, à titre liminaire, il importe de noter que le directeur exécutif, qui a adopté la décision attaquée, a décidé de ne pas renouveler le contrat du requérant, en affirmant avoir pris en compte toutes les informations disponibles, y compris le dossier personnel de ce dernier. L’évaluateur, quant à lui, a expressément indiqué, dans le formulaire de 2015, que son appréciation des performances du requérant se fondaient sur les commentaires du précédent évaluateur, contenus dans le formulaire de 2013, qui restait utilisable en dépit du fait qu’il avait servi de fondement à la deuxième décision de non‑renouvellement annulée par l’arrêt du 17 septembre 2014, Wahlström/Frontex (F‑117/13, EU:F:2014:215), pour violation des droits de la défense du requérant (voir point 23 ci-dessus).
99 Ensuite, il convient de constater que la section 3 du formulaire de 2015 fait référence aux rapports d’évaluation pour les années 2009 et 2010.
100 Le rapport d’évaluation pour l’année 2009 se compose de six sections. La première section contient des informations administratives sur le requérant, les quatre sections suivantes évaluent ce dernier en ce qui concerne, respectivement, la capacité à atteindre les objectifs fixés, le rendement et l’efficience dans le service, les compétences et les capacités et, enfin, la conduite dans le service. La sixième et dernière section contient l’appréciation globale des performances du requérant. Chaque section prévoit la possibilité pour l’évaluateur d’ajouter un commentaire qui justifie les réponses fournies dans la grille correspondant à chaque section. À ce titre, dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009, l’évaluateur a marqué, dans toutes les grilles visant à apprécier le rendement (section C), les capacités et les compétences (section D), ainsi que la conduite (section E) du requérant, que ce dernier avait « répondu aux attentes ».
101 En revanche, s’agissant de la capacité à atteindre les objectifs fixés (section B), l’évaluateur a indiqué que les performances du requérant étaient satisfaisantes dans trois cas sur cinq et insatisfaisantes dans les deux cas restants. Plus précisément, les performances du requérant étaient insatisfaisantes s’agissant de l’objectif visant à assurer que les activités spécifiques de travail et les résultats du secteur d’activité concerné avaient été atteints dans les délais, au motif que les effets et les résultats dans le secteur « Technologies de l’information et la communication » (ci-après le « secteur ICT ») et dans certains domaines liés au secteur « Ressources humaines » (ci-après le « secteur HR »), n’étaient pas atteints (objectif 4). En outre, selon l’évaluateur, les performances du requérant étaient insatisfaisantes s’agissant de l’objectif visant à assurer que les activités spécifiques de travail et les résultats du secteur d’activité concerné avaient été atteints dans les délais, au motif que des faiblesses, telles que les longues absences et la qualité de quelques « inputs », avaient été constatées (objectif 5). S’agissant des autres trois objectifs fixés, les performances du requérant ont été jugé satisfaisantes. Cependant, s’agissant des deux premiers objectifs, l’évaluateur a, également, indiqué, que tous les secteurs avaient été gérés de manière satisfaisante à l’exception du secteur ICT (objectif 1) et que le personnel avait été géré de manière satisfaisante, mais que des difficultés avaient été constatées dans les relations avec certains agents (objectif 2).
102 En outre, dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009, l’évaluateur avait ajouté deux commentaires, l’un, lié au rendement et à l’efficience dans le service (section C) et, l’autre, lié aux capacités et aux compétences du requérant (section D). Par son premier commentaire, l’évaluateur, a, d’une part, indiqué que les faiblesses du requérant consistaient dans la difficulté d’identification des services attendus par Frontex dans certains domaines cruciaux, l’établissement des priorités et l’organisation de la fourniture de ces services ainsi que l’assurance que les résultats soient atteints notamment dans les secteurs ICT et HR. D’autre part, l’évaluateur a souligné, en tant que qualités du requérant, la bonne qualité dans la planification des documents et la rapidité d’élaboration des comptes rendus. Par son second commentaire, l’évaluateur a indiqué que le requérant était organisé, cultivé et poli, et a précisé, en même temps, que des difficultés avaient été constatées dans les relations avec d’autres unités ou secteurs, qui étaient des utilisateurs importants des services de l’unité administrative. Il a enfin signalé une persistance à prendre des décisions non adaptées dans des domaines cruciaux tels que les secteurs ICT et HR, en ajoutant que les résultats dans ces domaines avaient été affectés.
103 Enfin, l’évaluateur a conclu que le degré de performance du requérant était d’un niveau II, dès lors qu’il avait pleinement répondu aux attentes en matière d’efficacité, de capacité et de conduite dans le service (section F).
104 Le formulaire de 2015 se compose de sept sections. Les sections trois et quatre sont celles pertinentes pour apprécier s’il existe ou non une contradiction de motifs entre ce formulaire et le rapport d’évaluation pour l’année 2009.
105 Premièrement, comme cela est indiqué au point 99 ci-dessus, il ressort de la section 3 du formulaire de 2015 que celui-ci s’est référé au rapport d’évaluation pour l’année 2009, selon lequel le degré de performance du requérant correspondait au niveau II, dès lors que ce dernier avait pleinement répondu aux attentes en matière d’efficacité, de capacité et de conduite dans le service, ainsi qu’au rapport d’évaluation pour l’année 2010, selon lequel le degré de performance du requérant correspondait au niveau III, dès lors que ce dernier avait partiellement répondu aux attentes en matière d’efficacité, de capacité et de conduite dans le service.
106 Deuxièmement, il importe d’observer que la section 4 du formulaire de 2015 présente six questions, visant à apprécier la possibilité de renouveler le contrat du requérant, auxquelles l’évaluateur peut répondre par l’affirmative ou par la négative, en ajoutant un commentaire pour motiver ses réponses. En l’espèce, l’évaluateur a répondu par la négative à toutes les questions et a indiqué, dans les commentaires aux réponses, qu’il se fondait sur les réponses fournies par le précédent évaluateur dans le formulaire de 2013.
107 Plus précisément, dans le cadre de son commentaire accompagnant la réponse négative à la première question de la section 4 du formulaire de 2015, visant à savoir si les connaissances ou les capacités du requérant présentaient une valeur ajoutée telle que Frontex ne pouvait le remplacer facilement en engageant une nouvelle personne, l’évaluateur a précisé, d’abord, qu’il prenait en compte l’annulation de la deuxième décision de non‑renouvellement du contrat du requérant par l’arrêt du 17 septembre 2014, Wahlström/Frontex (F‑117/13, EU:F:2014:215), mais que cette annulation n’affectait pas le bien-fondé de ladite décision. Ensuite, il a précisé que le précédent évaluateur du requérant n’étant plus un employé de Frontex depuis le 1er mars 2013, il ne pouvait pas substituer son avis discrétionnaire à l’évaluation qui avait été accomplie par ce précédent évaluateur. Ainsi, son appréciation se fondait uniquement sur le formulaire de 2013. À cet égard, l’évaluateur a rappelé que, selon le précédent évaluateur, les compétences du requérant provenant de son expérience de garde-côtes à l’échelle nationale présentaient une pertinence limitée pour le poste de directeur administratif de Frontex. Ces compétences auraient pu aider le requérant à comprendre les exigences des unités opérationnelles de Frontex. Cependant, les utilisateurs internes de l’unité administrative n’avaient pas été complètement satisfaits. S’agissant des tâches principales du requérant, ce dernier aurait manifesté un enthousiasme limité à apprendre les règles de base du management administratif d’un organisme européen. Ainsi, le niveau de connaissances du requérant n’aurait pas atteint celui qu’on pouvait attendre d’un chef d’unité ayant quatre années d’ancienneté. Enfin, s’agissant de ses capacités managériales, le requérant aurait montré des carences telles que l’absence de diplomatie ou la manière non adéquate de gérer les situations de conflit.
108 Dans le cadre de son commentaire accompagnant la réponse négative à la deuxième question de la section 4 du formulaire de 2015, visant à savoir si le requérant aurait été capable de s’adapter aux développements et aux changements potentiels futurs de Frontex, d’une part, l’évaluateur a réitéré le commentaire de l’ancien évaluateur contenu dans le formulaire de 2013, selon lequel le requérant avait démontré un niveau limité de capacité à s’adapter. D’autre part, il a ajouté que l’unité administrative de Frontex n’existait plus et que le FOO (devenu le Frontex Liaison Office, FLO) avait été réorganisé de manière significative en septembre 2013, au point que son personnel avait été réduit à cinq employés et que le poste de chef d’unité était occupé jusqu’au 30 novembre 2018.
109 Dans le cadre de son commentaire accompagnant la réponse à la troisième question de la section 4 du formulaire de 2015, visant à connaître l’impact que l’absence d’exploitation des capacités et de l’expérience du requérant aurait eu sur les activités de l’unité où ce dernier était employé, l’évaluateur se réfère à l’appréciation du précédent évaluateur contenue dans le formulaire de 2013. Selon le précédent évaluateur, au sein de la direction administrative de Varsovie (Pologne), les tâches du requérant avaient, longtemps avant son affectation en Grèce, été réattribuées aux directeurs compétents à l’époque. Cet évaluateur avait estimé à cet égard que le requérant aurait pu être plus impliqué dans le travail au quotidien à Varsovie et que cela montrait que, même à l’époque où il était chef d’unité à Varsovie, les conséquences de l’absence d’exploitation de ses capacités était limitées.
110 S’agissant de la quatrième, de la cinquième et de la sixième question de la section 4 du formulaire de 2015, l’évaluateur s’est limité à répondre par la négative et à indiquer que ses réponses reprenaient celles fournies par le précédent évaluateur dans le formulaire de 2013. La quatrième question visait à savoir s’il existait des projets spécifiques planifiés par Frontex pour le futur pour lesquels les capacités et les connaissances spécifiques du requérant pouvaient être requises. La cinquième question visait à comprendre si, au regard des critères de conduite fixés par Frontex, il existait des preuves que le requérant ne respectait pas le plus haut niveau d’intégrité. La sixième question visait à vérifier si une décision de non-renouvellement du contrat du requérant pouvait entraîner des conséquences négatives inhabituelles sur les plans personnel et social, telles que le chômage à proximité du moment de la retraite, c’est-à-dire des conséquences qui n’étaient pas celles normalement liées à une telle décision, comme c’est le cas, au contraire, d’un déménagement, d’un retour au pays d’origine ou d’un changement d’école pour les enfants.
111 Le formulaire de 2015 se termine par la proposition de l’évaluateur de ne pas renouveler le contrat du requérant suivie d’un commentaire qui se réfère à ce que le précédent évaluateur avait estimé dans le formulaire de 2013. Il ressort de ce commentaire que le précédent évaluateur avait indiqué que ses appréciations reflétaient sa connaissance des performances du requérant jusqu’à la première partie de l’année 2010. En effet, après cette période, le requérant avait été affecté au FOO en Grèce. Comme il ressort du formulaire de 2015, le précédent évaluateur avait précisé, dans le formulaire de 2013, que le motif de la proposition du non‑renouvellement du contrat du requérant résidait dans le niveau insuffisant des performances de ce dernier en ce qui concernait ses compétences et son comportement dans des domaines considérés comme étant des domaines de base, clés et prioritaires pour le poste occupé par le requérant. Il précisait, en outre, que l’évaluation préparée en 2010, concernant l’année 2009, avait montré que le requérant n’avait pas travaillé correctement pour s’assurer que les activités spécifiques et les résultats attendus dans son secteur soient atteints, de manière efficiente, dans les délais. Il soulignait que le requérant n’avait pas suffisamment épaulé le directeur de la division comme il se devait. Il exprimait ses préoccupations au regard des difficultés rencontrées par le requérant pour la construction et le maintien de bonnes relations de travail avec d’autres unités et secteurs qui étaient des utilisateurs importants des services de l’unité administrative, ainsi que pour la persistance à prendre des décisions non adaptées dans des domaines cruciaux tels que les secteurs ICT et HR. Selon cet évaluateur, les résultats dans ces domaines avaient été affectés dans une certaine mesure. Il terminait son appréciation en soulignant qu’il avait fait tout son possible pour aider le requérant soit en lui fournissant régulièrement des conseils, soit en assumant ses tâches, lorsque tant lui que le requérant se rendaient compte que ce dernier avait des difficultés à en accomplir certaines liées à sa mission de chef de l’unité des services administratifs. Il mentionnait, à titre d’exemple, l’adoption de la décision du directeur de la division administrative portant sur la nouvelle structure et hiérarchie dans le secteur ICT de l’unité administrative du 10 décembre 2009.
112 Il ressort des éléments indiqués ci-dessus que les commentaires négatifs contenus dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009 ont été intégrés dans le formulaire de 2015, dans lequel ils ont été associés à d’autres considérations relatives, d’une part, à l’intérêt du service (visés par les premières cinq questions) et, d’autre part, à l’intérêt du requérant (visé par la sixième question).
113 Plus précisément, premièrement, les motifs exposés par l’évaluateur dans le cadre de la première question de la section 4 du formulaire de 2015 selon lesquels, en substance, les utilisateurs internes de l’unité administrative gérée par le requérant en tant que chef d’unité n’étaient pas satisfaits des services fournis par cette unité (voir point 107 ci-dessus) reprennent les éléments du rapport d’évaluation pour l’année 2009 exposés dans le commentaire accompagnant la grille des réponses relative aux capacités et aux compétences (section D), d’où il ressort que des difficultés avaient été constatées dans les relations avec d’autres unités ou secteurs, qui étaient des utilisateurs importants des services de l’unité administrative (voir point 102 ci-dessus).
114 Deuxièmement, le motif exposé par l’évaluateur dans le cadre de la deuxième question de la section 4 du formulaire de 2015, selon lequel le requérant avait montré un niveau limité de capacité d’adaptation (voir point 108 ci-dessus), reprend les éléments du rapport d’évaluation pour l’année 2009exposés dans le commentaire accompagnant la grille des réponses relative aux capacités et aux compétences (section D), d’où il ressort que le requérant montrait une persistance à prendre des décisions non adaptées dans des domaines cruciaux tels que les secteurs ICT et HR (voir point 102 ci-dessus). L’autre motif exposé par l’évaluateur dans le cadre de la deuxième question du formulaire de 2015, selon lequel l’unité administrative de Frontex n’existe plus et le FOO (devenu FLO) a été réorganisé de manière significative en septembre 2013, au point que son personnel a été réduit à cinq employés et que le poste de chef d’unité est occupé jusqu’au 30 novembre 2018, est le résultat de considérations liées à la date à laquelle la décision portant sur le renouvellement du contrat du requérant devait être adoptée (voir point 108 ci-dessus).
115 Troisièmement, le motif exposé par l’évaluateur dans le cadre de la troisième question de la section 4 du formulaire de 2015, à savoir que, au sein de la direction administrative de Varsovie, les tâches du requérant avaient, longtemps avant son affectation en Grèce, été réattribuées aux directeurs compétents à l’époque, s’il n’est pas directement lié à la situation existant en 2009, reprend, en substance, les commentaires effectués par l’évaluateur dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009 (section B de ce rapport). En effet, dans ce dernier rapport, l’évaluateur avait indiqué que les performances du requérant étaient insatisfaisantes s’agissant de l’objectif visant à assurer que les activités de travail spécifiques et les résultats du secteur d’activité concerné avaient été atteints dans les délais (objectif 5), dès lors que des faiblesses avaient été constatées, telles que les longues absences et la qualité de quelques « inputs » (voir point 101 ci-dessus).
116 Quatrièmement, il y a lieu de relever que tous les éléments avancés par l’évaluateur dans le commentaire général pour justifier sa proposition de non‑renouvellement du contrat du requérant dans le formulaire de 2015 et rappelés au point 111 ci-dessus reprennent, en substance, les éléments contenus dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009.
117 Ainsi, il convient des considérer que, dans la mesure où les motifs du formulaire de 2015, rappelés aux points 107 à 111 ci-dessus, reprennent les éléments contenus dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009, il n’existe pas de contradictions entre ces deux documents. L’évaluateur, en exerçant sa marge d’appréciation, pouvait donc estimer que le niveau des performances du requérant était insuffisant dans des domaines clés pour que le contrat du requérant soit renouvelé pour cinq ans supplémentaires. En effet, la différence observée s’agissant de la conclusion exprimée dans le formulaire de 2015 et de celle du rapport d’évaluation pour l’année 2009 n’est pas, contrairement à ce qu’affirme le requérant, le résultat d’une interprétation erronée du rapport d’évaluation en question. La proposition de l’évaluateur dans le formulaire de 2015, contrairement à ce qu’affirme le requérant, n’excède pas les limites de sa marge d’appréciation. Or, au regard des années écoulées depuis l’adoption des deux premières décisions de non‑renouvellement et compte tenu du fait que le requérant n’était plus un employé de Frontex depuis 2011, cette appréciation n’apparaît pas, sur la base des éléments à la disposition du Tribunal, entachée d’une erreur manifeste susceptible d’entraîner l’annulation de la décision attaquée.
118 Dans la mesure où le formulaire de 2015 et le rapport d’évaluation pour l’année 2009 répondent à des exigences différentes et dans la mesure où l’administration dispose d’une large marge d’appréciation pour l’adoption des deux actes en question, le fait que le rapport d’évaluation pour l’année 2009 ait considéré que le requérant avait atteint un niveau II de performance ne saurait automatiquement entraîner le renouvellement du contrat de ce dernier.
119 En effet, lorsque Frontex se fonde sur le rapport d’évaluation pour l’année 2009 dans l’exercice de sa marge d’appréciation, elle peut, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, décider que les carences du requérant, identifiées dans ce rapport et relatives à l’année 2009, ne lui permettaient pas de conclure que le contrat du requérant devait être renouvelé en dépit du fait que le rapport d’évaluation pour l’année 2009 était positif en ce qui concernait sa conclusion. Le fait que, dans ce rapport, l’évaluateur ait estimé que le requérant était un habitué des règles, des procédures et des outils de son emploi n’exclut nullement que, dans le cadre d’une appréciation visant à décider du renouvellement du contrat du requérant, il soit considéré que, au regard des remarques faites au requérant à propos de son rendement au cours de l’année 2009, ce dernier ne possédait pas les compétences clés fondamentales et prioritaires pour se voir proposer le renouvellement de son contrat pour cinq ans supplémentaires.
120 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le troisième moyen, visant à faire valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle est fondée sur le formulaire de 2015 contenant une interprétation erronée du rapport d’évaluation pour l’année 2009, doit être rejeté.
121 En outre, il ressort du formulaire de 2015 que les appréciations qui y figurent sont fondées principalement sur les commentaires contenus dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009, à l’exception de certaines considérations liées à la date à laquelle la décision de renouvellement devait être adoptée, à savoir le fait que requérant n’était plus un employé de Frontex depuis plusieurs années et que l’organisation de Frontex avait changée (voir points 108 et 114 ci-dessus). Plus précisément, ainsi que cela a été indiqué aux points 113 à 116 ci-dessus, les motifs exposés par l’évaluateur dans le cadre de ses réponses aux questions, figurant à la section 4 du formulaire de 2015, ainsi que dans le cadre du commentaire final accompagnant la proposition, contenue dans ce formulaire, de non-renouvellement du contrat du requérant, reprennent, en substance, les éléments contenus dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009. En revanche, le contenu du rapport d’évaluation pour l’année 2010 n’apparaît repris ni dans les réponses aux questions visant à apprécier l’opportunité de proposer le renouvellement du contrat du requérant figurant à la section 4 du formulaire de 2015, ni dans le commentaire final de l’évaluateur accompagnant la proposition, contenue dans ce formulaire, de non-renouvellement du contrat du requérant.
122 Ainsi, en tenant compte du fait que l’administration dispose d’une large marge d’appréciation lors de l’adoption d’une décision relative au renouvellement d’un contrat et que le requérant n’apporte pas d’éléments de preuve suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration dans la décision attaquée, force est de constater que le requérant n’a pas démontré que l’absence de prise en compte du rapport d’évaluation pour l’année 2010 aurait abouti à l’adoption d’une décision différente. En effet, les motifs de la décision attaquée se fondent sur le formulaire de 2015, qui eux-mêmes reprennent les éléments contenus dans le rapport d’évaluation pour l’année 2009.
123 Il y a donc lieu de conclure que l’erreur tirée de la référence au rapport d’évaluation pour l’année 2010, en tant qu’elle porte sur un élément de fait et non sur les motifs de la décision attaquée, n’a pas, compte tenu des circonstances de l’espèce, entaché la décision attaquée d’une illégalité susceptible d’en entraîner l’annulation. Le deuxième moyen doit donc être rejeté, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 92 ci-dessus.
124 Aucun moyen n’ayant finalement prospéré, le recours en ce qu’il vise à l’annulation de la décision attaquée doit être rejeté.
Sur les conclusions indemnitaires
125 Le requérant, après avoir considéré que son recours, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée, emporte des conséquences pécuniaires, demande au Tribunal d’exercer la compétence de pleine juridiction que lui reconnaît l’article 91, paragraphe 1, du statut en condamnant Frontex à lui payer un montant correspondant à la perte de revenus subie pour la durée du renouvellement de son contrat, y compris les droits à pension perdus.
126 Frontex estime qu’il n’y a pas lieu pour le Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction et de la condamner au versement de dommages et intérêts.
127 Selon la jurisprudence, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts présentée par un fonctionnaire ou un agent, l’engagement de la responsabilité non contractuelle pour comportement illicite d’une institution est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle (arrêt du 16 mai 2018, Barnett/CESE, T‑23/17, non publié, EU:T:2018:271, sous pourvoi, point 64).
128 En l’espèce, il y a lieu de relever que la demande de réparation du préjudice matériel est fondée sur la seule illégalité de la décision attaquée. Or, l’examen des griefs présentés à l’appui des conclusions en annulation contre cette décision a révélé, d’une part, que l’erreur résultant de la prise en compte du rapport d’évaluation pour l’année 2010 ne l’a pas entachée d’illégalité et n’a pas affecté le résultat de la procédure de renouvellement et, d’autre part, qu’aucun des autres griefs du requérant n’était fondé.
129 Le requérant ne remplit donc pas l’une au moins des conditions auxquelles est subordonné l’engagement de la responsabilité de Frontex. Partant, les conclusions en indemnité doivent, comme les conclusions en annulation, également être rejetées.
130 Il n’y a donc pas lieu, pour le Tribunal, d’exercer sa compétence de pleine juridiction, sans qu’il soit besoin d’établir si le présent litige a un caractère pécuniaire au sens de l’article 91, paragraphe 1, du statut, comme le prétend le requérant.
131 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
132 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 135, paragraphe 1, de ce règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe ne soit condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doive pas être condamnée à ce titre.
133 Il résulte des motifs ci-dessus énoncés que le requérant est la partie qui succombe. En outre, Frontex a, dans ses conclusions, expressément conclu à ce qu’il soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce justifiant, cependant, l’application des dispositions de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, il y a lieu de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Gervasoni | Madise | da Silva Passos |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.
Signatures
Table des matières
Cadre juridique
Antécédents du litige
Procédure
Conclusions des parties
En droit
Sur les conclusions en annulation
Sur la recevabilité
Sur le fond
– Sur le premier moyen
– Sur le deuxième moyen
– Sur le troisième moyen
Sur les conclusions indemnitaires
Sur les dépens