Language of document : ECLI:EU:T:2020:432

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

23 septembre 2020 (*)

« Médicaments à usage humain – Autorisation de mise sur le marché des médicaments à usage humain contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 – Modification des termes de l’autorisation – Article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83/CE – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑472/19,

BASF AS, établie à Oslo (Norvège), représentée par Mme E. Wright, barrister, et Me H. Boland, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Haasbeek et M. A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution C(2019) 4336 final de la Commission, du 6 juin 2019, concernant, dans le cadre de l’article 31 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, les autorisations de mise sur le marché des médicaments à usage humain contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 à usage oral pour la prévention consécutive à un infarctus du myocarde,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La procédure de réexamen d’une autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») d’un médicament est régie, dans l’Union européenne, notamment par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), qui a été modifiée à plusieurs reprises.

2        L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2001/83, tel que modifié par l’article 54 du règlement (CE) no 1901/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) no 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) no 726/2004 (JO 2006, L 378, p. 1), prévoit, notamment, qu’aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché n’ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre.

3        L’article 31, paragraphe 1, de la directive 2001/83, tel que modifié par la directive 2010/84/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2010 (JO 2010, L 348, p. 74), dispose :

« Dans des cas particuliers présentant un intérêt pour l’Union, les États membres, la Commission, le demandeur ou le titulaire de l’[AMM] saisissent le comité [des médicaments à usage humain] pour que la procédure visée aux articles 32 [à] 34 soit appliquée avant qu’une décision ne soit prise sur la demande, la suspension ou le retrait de l’[AMM] ou sur toute autre modification de l’[AMM] apparaissant nécessaire. »

4        L’article 32, paragraphes 1, 2 et 5, de la directive 2001/83, tel que modifié par la directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO 2004, L 136, p. 34), précise :

« 1.      Lorsqu’il est fait référence à la procédure prévue au présent article, le comité [des médicaments à usage humain] délibère et émet un avis motivé sur la question soulevée dans les soixante jours qui suivent la date à laquelle la question lui a été soumise.

Toutefois, dans les cas soumis au comité [des médicaments à usage humain] conformément aux articles 30 et 31, ce délai peut être prorogé par le comité [des médicaments à usage humain] pour une durée supplémentaire pouvant aller jusqu’à quatre-vingt-dix jours, en tenant compte des opinions des demandeurs ou des titulaires de l’[AMM] concernés.

En cas d’urgence, et sur proposition de son président, le comité [des médicaments à usage humain] peut décider d’un délai plus court.

2.      Afin d’examiner la question, le comité [des médicaments à usage humain] désigne l’un de ses membres comme rapporteur. Le comité [des médicaments à usage humain] peut également désigner des experts indépendants pour le conseiller sur des sujets spécifiques. Lorsqu’il désigne ces experts, le comité [des médicaments à usage humain] définit leurs tâches et fixe une date limite pour la réalisation de celles-ci.

[…]

5.      Dans les quinze jours suivant son adoption, l’Agence [européenne des médicaments (EMA)] transmet l’avis final du comité [des médicaments à usage humain] aux États membres, à la Commission et au demandeur ou au titulaire de l’[AMM], en même temps qu’un rapport décrivant l’évaluation du médicament et les raisons qui motivent ses conclusions.

En cas d’avis favorable à l’autorisation ou au maintien de l’[AMM] du médicament concerné, les documents suivants sont annexés à l’avis :

a)      un projet de résumé des caractéristiques du produit, tel que visé à l’article 11 ;

b)      les conditions auxquelles l’autorisation est soumise au sens du paragraphe 4, [sous] c) ;

c)      le détail de toutes conditions ou restrictions recommandées à l’égard de l’usage sûr et efficace du médicament concerné ;

d)      les projets d’étiquetage et de notice. »

5        L’article 33 de la directive 2001/83, tel que modifié par la directive 2004/27, dispose :

« Dans les quinze jours suivant la réception de l’avis, la Commission prépare un projet de décision concernant la demande, en tenant compte des dispositions du droit [de l’Union].

Dans le cas d’un projet de décision visant à délivrer l’[AMM], les documents mentionnés à l’article 32, paragraphe 5, deuxième alinéa, y sont annexés.

Dans le cas exceptionnel où le projet de décision n’est pas conforme à l’avis de l’[EMA], la Commission joint également une annexe où sont expliquées en détail les raisons des différences.

Le projet de décision est transmis aux États membres et au demandeur ou au titulaire de l’[AMM]. »

6        L’article 34 de la directive 2001/83, tel que modifié par la directive 2004/27, prévoit :

« 1.      La Commission arrête une décision définitive conformément à la procédure visée à l’article 121, paragraphe 3, et dans les quinze jours qui suivent la fin de celle-ci.

2.      Le règlement intérieur du comité permanent institué à l’article 121, paragraphe 1, est adapté afin de tenir compte des tâches qui lui sont attribuées par le présent chapitre.

Ces adaptations prévoient que :

a)      sauf dans le cas prévu à l’article 33, troisième alinéa, le comité permanent émet son avis par écrit,

b)      les États membres disposent d’un délai de vingt-deux jours pour communiquer à la Commission leurs observations écrites au sujet du projet de décision. Toutefois, si une décision doit être arrêtée d’urgence, un délai plus court peut être fixé par le président en fonction du degré d’urgence. Ce délai ne peut être inférieur à cinq jours, sauf dans des circonstances exceptionnelles ;

c)      les États membres ont la faculté de demander par écrit que le projet de décision soit examiné par le comité permanent réuni en séance plénière.

Lorsque la Commission estime que les observations écrites présentées par un État membre soulèvent de nouvelles questions importantes d’ordre scientifique ou technique qui n’ont pas été abordées dans l’avis rendu par l’[EMA], le président suspend la procédure et renvoie la demande devant l’[EMA] pour examen complémentaire.

Les dispositions nécessaires à la mise en œuvre du présent paragraphe sont arrêtées par la Commission conformément à la procédure visée à l’article 121, paragraphe 2.

3.      La décision visée au paragraphe 1 est adressée à tous les États membres et communiquée pour information au titulaire de l’[AMM] ou au demandeur. Les États membres concernés et l’État membre de référence octroient ou retirent l’[AMM] ou apportent toute modification aux termes de cette autorisation qui peut être nécessaire pour la mettre en conformité avec la décision dans les trente jours suivant sa notification et y font référence. Ils en informent la Commission et l’[EMA]. »

7        L’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83, tel que modifié par la directive 2010/84, précise :

« Les autorités compétentes suspendent, retirent ou modifient une [AMM] lorsqu’il est considéré que le médicament est nocif, que l’effet thérapeutique fait défaut, que le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable ou que le médicament n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée. L’effet thérapeutique fait défaut lorsqu’il est considéré que le médicament ne permet pas d’obtenir de résultats thérapeutiques. »

 Antécédents du litige

8        Dans le courant de l’année 2001, l’« Omega-3-Acid Ethyl Esters 90 1000 mg Capsule » a été approuvée en tant qu’indication thérapeutique dans le cadre du traitement de prévention consécutive à un infarctus du myocarde, par modification de type II de l’AMM existante.

9        Le 15 mars 2018, le Royaume de Suède a saisi l’Agence européenne des médicaments (EMA) au titre de la procédure visée à l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2001/83, au motif que, « dans le cadre des essais cliniques récents, aucun avantage clinique des produits contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 n’a[vait] été démontré dans la prévention consécutive à un infarctus du myocarde et que l’efficacité de ces produits [était] insuffisante ».

10      La procédure visée à l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2001/83 a donc été ouverte le 22 mars 2018 et a été menée par le comité des médicaments à usage humain (ci-après le « CHMP »). Le 13 décembre 2018, ce dernier a adopté un avis par lequel il recommandait de considérer que le rapport bénéfice/risque des médicaments contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 à des fins d’usage oral dans la prévention consécutive à un infarctus du myocarde n’était pas favorable.

11      Conformément à l’article 32, paragraphe 4, de la directive 2001/83, les titulaires de l’AMM des esters éthyliques d’acides d’oméga-3, dont la requérante, BASF AS, ont été entendus par le CHMP.

12      À la suite de cette audition, la procédure de réexamen a été ouverte le 17 février 2019.

13      Dans sa recommandation du 28 mars 2019 figurant dans l’avis final du CHMP, ce dernier a réitéré sa conclusion selon laquelle le rapport bénéfice/risque des médicaments contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 à des fins d’usage oral dans la prévention consécutive à un infarctus du myocarde au dosage d’un gramme par jour n’était pas favorable.

14      Le 6 juin 2019, la Commission européenne a adopté la décision d’exécution C(2019) 4336 final, concernant, dans le cadre de l’article 31 de la directive 2001/83, les AMM des médicaments à usage humain contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 à usage oral pour la prévention consécutive à un infarctus du myocarde (ci-après la « décision attaquée »). En vertu de cette décision, les États membres doivent, en substance, modifier les AMM des médicaments à usage humain contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3, en supprimant de ces AMM l’indication relative à l’usage oral de ces médicaments pour la prévention consécutive à un infarctus du myocarde. Les noms des médicaments visés dans l’annexe I de la décision attaquée sont, notamment, l’Omacor, le Zodin et le Dualtis. Figure également dans ladite décision le nom des titulaires des AMM des médicaments précédemment mentionnés.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2019, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé au titre des articles 278 et 279 TFUE, visant, en substance, au sursis à l’exécution de la décision attaquée et à la condamnation de la Commission aux dépens.

17      Par ordonnance du 19 août 2019, BASF/Commission (T‑472/19 R, non publiée, EU:T:2019:555), le Tribunal a rejeté la demande de la requérante tendant au sursis à l’exécution de la décision attaquée et a réservé les dépens. Le pourvoi introduit contre cette ordonnance a été rejeté par ordonnance du 26 février 2020, BASF/Commission [C‑773/19 P(R), non publiée, EU:C:2020:113], et la requérante a été condamnée aux dépens.

18      La Commission a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en défense le 23 septembre 2019. La requérante a déposé au greffe du Tribunal une réplique le 4 décembre 2019. La Commission a déposé au greffe du Tribunal une duplique le 20 janvier 2020.

19      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé de statuer sans phase orale de la procédure.

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ou en ce qui la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

22      La Commission fait valoir que la requête doit être considérée comme étant en partie irrecevable. En effet, elle rappelle que la décision attaquée a pour destinataires les États membres et contient, en son annexe I, la liste des médicaments à base d’acides gras d’oméga-3 auxquels elle s’applique ainsi que les noms des titulaires des AMM pour ces médicaments. Ainsi, la requérante n’étant pas destinataire de la décision attaquée, il conviendrait qu’elle parvienne à démontrer soit que la décision attaquée la concerne directement et individuellement, soit que ladite décision constitue un acte réglementaire qui la concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

23      La Commission soutient que la requérante ne saurait fonder son recours sur le fait qu’elle est manifestement concernée individuellement par la décision attaquée, au motif que cette dernière s’appliquerait aux médicaments Omacor, Dualtis et Zodin, ces deux derniers étant identiques à l’Omacor.

24      La Commission relève que, si la requérante a établi que Pronova BioPharma Norge AS (reprise, en tant que titulaire de l’AMM, à l’annexe I de la décision attaquée) avait changé son nom en celui de BASF AS, en revanche, elle n’a pas fourni la preuve qu’elle avait conclu des contrats de licence avec les titulaires des AMM des médicaments Omacor et Dualtis en Croatie et du Zodin en Grèce.

25      Dès lors que les décisions de la Commission clôturant une procédure de réexamen au titre de l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2001/83 sont « divisibles par produit », il doit être conclu, selon la Commission, que la requête ne peut être déclarée recevable que dans la mesure où elle concerne les produits Omacor et Zodin pour lesquels Pronova BioPharma Norge est reprise, en tant que titulaire des AMM dans les États membres concernés, sur la liste figurant à l’annexe I de la décision attaquée, et aux droits de laquelle vient la requérante.

26      La requérante, qui rappelle avoir activement participé à la procédure visée à l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2001/83 ayant abouti à la décision attaquée, indique avoir démontré que Pronova BioPharma Norge avait changé de nom le 4 juillet 2018 pour devenir BASF et que, le 21 septembre 2018, le nom du titulaire de l’AMM de la plupart des médicaments Omacor et Zodin commercialisés dans l’Espace économique européen avait été modifié afin de prendre en considération ce changement de nom. Par ailleurs, un contrat de licence aurait été conclu par la requérante, d’une part, avec Mylan Hrvatska d.o.o, qui détient l’AMM de l’Omacor et du Dualtis en Croatie où elle les y commercialise et, d’autre part, avec Ferrer-Galenica SA, qui détient l’AMM du Zodin en Grèce, où elle l’y commercialise.

27      La requérante déduit des considérations qui précèdent que la décision attaquée la concerne directement et individuellement.

28      Par ailleurs, la requérante ajoute qu’elle conteste la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, en ce qu’elle ne pourrait pas diriger son recours à l’égard de l’ensemble des médicaments visés par la décision attaquée, dès lors que son recours est fondé sur le fait que la décision attaquée est dépourvue de fondement juridique.

29      Premièrement, il convient de relever que, si la requérante demande l’annulation de la décision attaquée non seulement en ce qu’elle la concerne, mais également en tant qu’elle concerne les autres titulaires d’AMM de médicaments qui figurent à l’annexe I de ladite décision, elle n’établit ni n’allègue avoir qualité pour agir en faveur de ces derniers, en sorte que, à supposer même que la décision attaquée soit annulée, elle ne pourrait l’être que partiellement en ce que cette décision concerne la requérante. Ainsi, en tout état de cause, l’annulation sollicitée ne pourrait produire ses effets qu’à l’égard des médicaments pour lesquels la requérante est titulaire de la ou des AMM (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 48) ou exerce les droits du ou des titulaires de ces AMM en vertu d’arrangements contractuels.

30      La requérante prétend néanmoins que son recours devrait être déclaré recevable dans sa totalité, dès lors qu’il est fondé sur le fait que la décision attaquée est dépourvue de fondement juridique.

31      À cet égard, il y a lieu de constater que cette argumentation est manifestement erronée, dès lors que, à supposer même que la décision attaquée soit dépourvue de fondement juridique, la requérante n’a pas pour autant démontré avoir qualité pour agir au profit des autres titulaires des AMM des médicaments concernés par ladite décision.

32      Deuxièmement, il convient de relever que la requérante a démontré qu’elle était titulaire d’une AMM pour les médicaments dénommés Omacor et Zodin, à la suite du changement de nom intervenu, ce que la Commission ne conteste d’ailleurs pas. Il s’ensuit qu’elle est individuellement et directement concernée par la décision attaquée, en ce que cette dernière s’applique aux médicaments à l’égard desquels elle a démontré être titulaire d’une AMM. 

33      Troisièmement, la requérante n’ayant pas, dans le cadre de la procédure, versé aux débats de documents démontrant l’accord de licence prétendument conclu entre elle et, d’une part, Mylan Hrvatska, en ce qui concerne l’AMM de l’Omacor et du Dualtis en Croatie, et, d’autre part, Ferrer Galenica, en ce qui concerne le Zodin en Grèce, ainsi qu’elle l’a fait valoir dans le cadre de son recours, l’examen du recours doit être limité aux seuls médicaments pour lesquels il est établi que la requérante s’est substituée aux droits de Pronova BioPharma Norge et qui sont mentionnés au point 32 ci-dessus.

34      En effet, la simple référence par la requérante, dans une note en bas de page de sa réplique, au fait qu’elle fabriquerait et serait propriétaire en Grèce du médicament Zodin, information qui serait directement disponible sur le site Internet des organisations nationales grecques des médicaments, est insuffisante aux fins de démontrer son affectation directe et individuelle, le Tribunal n’ayant pas à rechercher les preuves d’une telle affectation, tels les contrats de licence ou toute autre information qui serait disponible sur l’internet.

35      Par ailleurs, le fait que les médicaments Dualtis et Zodin seraient identiques à Omacor ne saurait davantage permettre de reconnaître la qualité pour agir de la requérante sur cette seule base.

36      Il y a donc lieu de déclarer le recours recevable uniquement en ce qui concerne les médicaments pour lesquels la requérante est titulaire d’une AMM et qui sont mentionnés, dans la décision attaquée, comme se rattachant à la société dénommée Pronova BioPharma Norge, aux droits de laquelle vient désormais la requérante. Pour le surplus, les conclusions en annulation doivent être rejetées comme étant irrecevables en raison de l’absence de qualité pour agir de la requérante à obtenir l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne d’autres personnes que la requérante.

 Sur le fond

37      À titre liminaire, bien que la requérante n’ait pas formellement énoncé de moyens dans sa requête au soutien de son recours, ce en méconnaissance des dispositions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, il ressort de la requête qu’elle a entendu invoquer, ainsi que l’a à juste titre relevé la Commission, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 et, le second, de la violation du principe de proportionnalité.

38      Par ailleurs, il y a lieu de constater que, au stade de la réplique, la requérante s’est expressément ralliée à cette constatation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83

39      À titre liminaire, la requérante souligne qu’elle ne vise pas à demander au Tribunal de réexaminer les conclusions scientifiques du CHMP. En effet, elle invoquerait uniquement l’absence, en droit de l’Union, de fondement juridique valable de la décision attaquée.

40      La requérante relève que le CHMP a considéré que le rapport bénéfice/risque présenté par l’Omacor n’était pas favorable, en sorte qu’il y avait lieu de modifier l’AMM afin de supprimer l’indication d’usage oral dans la prévention consécutive à un infarctus du myocarde. Il appartient, selon elle, à la Commission de rapporter la preuve que le médicament concerné est nocif ou est dépourvu d’effet thérapeutique, que le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable ou que le médicament n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée. Or, la Commission n’aurait pas réussi à démontrer que l’une de ces conditions aurait été remplie. La requérante ajoute qu’il ne lui appartient pas de prouver l’effet continu de l’Omacor, ainsi que le prétendrait, selon elle, le CHMP, dans une tentative de renversement de la charge de la preuve.

41      La requérante soutient que ni le rapport final d’évaluation du CHMP, ni l’avis final du CHMP, ni la décision attaquée ne sont parvenus à prouver, sur le fondement de données cliniques pertinentes et statistiquement significatives, que la robustesse de la méthodologie de l’étude ou les résultats de l’étude générée dans le cadre d’une étude réalisée en 1999 et intitulée GISSI-Prevenzione n’étaient plus valides ou fiables, en sorte que l’Omacor serait dépourvu d’effet. Elle ajoute que le CHMP se prévaut dans son avis d’observations vagues et générales.

42      Selon la requérante, le CHMP ne saurait avoir le pouvoir d’adresser un avis ex post facto dans le cadre d’une étude, alors même que l’évaluateur initial, disposant de ressources bien plus importantes et pertinentes, l’a considérée comme étant appropriée pour accorder une AMM à un médicament tel que l’Omacor.

43      Enfin, la requérante souligne que la Commission se réfère simplement à la faiblesse présumée de l’essai GISSI-Prevenzione qui ressortirait du rapport d’évaluation et qu’elle s’est uniquement fondée sur une étude qui n’est pas suffisamment étayée, à savoir l’étude OMEGA, ainsi que sur des études supplémentaires qui ne présenteraient qu’une « certaine pertinence » au regard de la prescription de l’Omacor dans la prévention consécutive à un infarctus du myocarde.

44      La Commission conclut au rejet de ce moyen.

45      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 dispose que les autorités compétentes suspendent, retirent ou modifient une AMM lorsqu’il est considéré que le médicament est nocif, que l’effet thérapeutique fait défaut, que le rapport bénéfice/risque n’est pas favorable ou que le médicament n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée.

46      Ces conditions de modification, de suspension ou de retrait d’une AMM sont alternatives et non cumulatives (arrêts du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 41, et du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 44). Elles doivent, en outre, être interprétées conformément au principe général dégagé par la jurisprudence, selon lequel la protection de la santé publique doit incontestablement se voir reconnaître une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques (arrêts du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 99, et du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 44).

47      Par ailleurs, le principe de précaution, qui constitue un principe général du droit de l’Union, habilite en cas d’incertitude les autorités compétentes à prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir arrêt du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 45 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, point 21) ou, en particulier, s’agissant du réexamen d’une AMM existante, sans attendre que les risques se soient concrétisés au détriment des patients.

48      Par conséquent, conformément au principe de précaution, les risques pour la santé que les motifs mentionnés à l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 ont pour but de prévenir doivent revêtir non pas un caractère concret, mais seulement un caractère potentiel (arrêt du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 46 ; voir également, en ce sens, arrêts du 10 avril 2014, Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, point 59, et du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, point 23).

49      Dans ce système, l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 confère des droits aux entreprises titulaires d’AMM, puisqu’il leur garantit le maintien des AMM tant que l’existence de l’une des conditions pour les modifier, les suspendre ou les retirer n’est pas établie (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 96). Il s’ensuit que, en ce qui concerne la charge de la preuve, c’est à l’autorité compétente, en l’espèce la Commission, qu’il incombe d’établir que les conditions relatives au retrait, à la suspension ou à la modification d’une AMM, énoncées par l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83, sont remplies (arrêts du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 79, et du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 47).

50      Compte tenu du principe de précaution, la Commission peut néanmoins se limiter à fournir des indices sérieux et concluants qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l’innocuité du médicament concerné, de son effet thérapeutique, de l’existence d’un rapport bénéfice/risque favorable ou de la composition qualitative et quantitative déclarée (arrêts du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, point 23 ; du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 66, et du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 48).

51      Toutefois, l’adoption d’une décision de modification, de suspension ou de retrait d’une AMM d’un médicament n’est justifiée que si cette décision est étayée par des données scientifiques ou médicales objectives et nouvelles (arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, points 174, 177 et 191 à 194 ; du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, points 44 et 75, et du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 49).

52      À cet égard, l’autorité compétente est tenue d’indiquer les principaux rapports et expertises scientifiques sur lesquels elle s’appuie et de préciser, en cas de divergence significative, les raisons pour lesquelles elle s’écarte des conclusions des rapports ou des expertises produits par les entreprises concernées. Cette obligation s’impose tout spécialement en cas d’incertitude scientifique. Il s’agit de procéder de manière contradictoire et transparente, afin de garantir que la substance considérée a fait l’objet d’une évaluation scientifique approfondie et objective, fondée sur une confrontation des thèses scientifiques les plus représentatives et des positions scientifiques avancées par les laboratoires pharmaceutiques concernés (arrêt du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 200, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 52).

53      Cela étant, il y a lieu de rappeler, comme l’a admis la requérante dans sa requête, que le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du CHMP. Son contrôle juridictionnel s’exerce seulement sur la régularité de son fonctionnement ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de l’avis du CHMP. Sous ce dernier aspect, le juge est uniquement habilité à vérifier si l’avis contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles il est fondé et s’il établit entre les constatations médicales ou scientifiques et les conclusions qu’il comporte un lien compréhensible (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 52, et du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 51).

54      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier les arguments de la requérante. Ceux-ci portent sur l’appréciation à la base de la décision attaquée tant des risques que des bénéfices des produits contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3.

55      La Commission ayant considéré, dans la décision attaquée, que l’AMM, dans chacun des États membres concernés, devait être modifiée au motif que le rapport avantage/bénéfice était défavorable, il convient d’examiner si, en faisant cette constatation, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

56      Il convient de rappeler qu’il ressort du dossier que les produits contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 ont obtenu une AMM en 2001, laquelle reposait sur les résultats d’une étude ouverte, c’est-à-dire une étude dans laquelle tant les patients que les investigateurs connaissaient ceux qui prenaient de l’oméga-3 et ceux qui n’en prenaient pas. Cette étude, intitulée GISSI-Prevenzione, datant de 1999, portait sur l’examen de 11 324 patients entre 1993 et 1995.

57      Ainsi qu’il ressort des éléments fournis par la Commission et qui ne sont pas contestés par la requérante, cet essai ouvert comportait deux critères d’évaluation co-primaires : le premier critère d’évaluation co-primaire englobait les décès de toutes causes, l’infarctus du myocarde non fatal ainsi que l’accident vasculaire cérébral non fatal ; le second critère portait, quant à lui, sur les décès d’origine cardiovasculaire, l’infarctus du myocarde non fatal et l’accident vasculaire cérébral non fatal.

58      S’agissant du premier critère d’évaluation co-primaire, 12,6 % des patients sous oméga-3 présentaient un événement correspondant à ce critère, alors que 13,9 % des patients n’ayant pas reçu d’oméga-3 présentaient ce même événement. En ce qui concerne le second critère d’évaluation co-primaire, 9,7 % des patients sous oméga-3 présentaient un événement correspondant à ce critère, tandis que 10,8 % des patients n’ayant pas reçu d’oméga-3 présentaient ce même événement.

59      L’effet du traitement par oméga-3, bien que modeste, ainsi qu’il ressort de ces données chiffrées, a néanmoins été considéré comme permettant l’octroi d’une AMM.

60      Il ressort ainsi de l’étude GISSI-Prevenzione :

« Dans cette étude, une réduction du risque de 10 % a été observée pour l’un des deux critères principaux d’évaluation portant sur les événements cardiovasculaires majeurs (MACE) (décès, infarctus du myocarde non fatal et accident vasculaire cérébral non fatal), avec une précision plutôt faible (limite supérieure de l’intervalle de confiance de 0,99 %), tandis que pour l’autre critère principal d’évaluation portant sur les décès d’origine cardiovasculaire (CV), plutôt que pour les décès pour toutes causes confondues, l’étude n’a révélé aucune signification statistique. »

61      Cependant, de nouveaux essais cliniques ont été réalisés depuis l’étude GISSI-Prevenzione, à partir desquels de nouvelles données ont pu être extraites et exploitées quant à l’efficacité du traitement de l’oméga-3 dans la prévention consécutive à un infarctus. Les conclusions scientifiques à cet égard sont énoncées à l’annexe II de l’avis du CHMP et sont fondées sur l’évaluation des données scientifiques qui figurent dans le rapport scientifique du CHMP. Selon la décision attaquée, la Commission a suivi l’évaluation scientifique effectuée par le CHMP, ce qui résulte tant de ladite décision que de l’annexe II de cette dernière.

62      Ainsi, dans la mesure où, dans la présente affaire, la décision attaquée confirme purement et simplement l’avis du CHMP, qui est visé dans son considérant 4, il y a lieu de considérer que le contenu de cet avis comme d’ailleurs celui des rapports d’évaluation qui le fondent font partie intégrante de la motivation de la décision attaquée, s’agissant notamment de l’évaluation scientifique des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2003, Olivieri/Commission et EMEA, T‑326/99, EU:T:2003:351, point 55, et du 11 juin 2015, Laboratoires CTRS/Commission, T‑452/14, non publié, EU:T:2015:373, point 60).

63      Il ressort de l’annexe II de la décision attaquée que le rapport bénéfice/risque des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 est désormais défavorable à la suite de nouvelles études qui, par une méthodologie plus rigoureuse (groupe contrôle, notamment), sont parvenues à une conclusion différente de celle de l’étude GISSI-Prevenzione.

64      Contrairement à ce que prétend la requérante, la modification de l’AMM des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 ne doit pas résulter de la preuve de l’allégation que l’essai GISSI-Prevenzione était faible, mais doit, au contraire, se fonder sur la connaissance de nouvelles données permettant de remettre en cause l’effet bénéfique des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 dans la prévention consécutive à un infarctus du myocarde.

65      Or, force est de constater que le rapport d’évaluation du CHMP répertorie, au point 2.2.1, l’ensemble des essais cliniques randomisés qui ont été réalisés, y compris l’essai GISSI-Prevenzione, et il ressort dudit rapport que de nouvelles études, dont l’essai OMEGA, qui est également mentionné dans la décision attaquée, ont permis de constater le caractère défavorable du rapport risque/bénéfice de l’oméga-3 dans le traitement consécutif à un infarctus du myocarde.

66      Ainsi qu’il ressort du rapport d’évaluation du CHMP, l’essai OMEGA, qui a débuté dix ans après l’essai GISSI-Prevenzione, était un essai multicentrique randomisé en double aveugle, avec contrôle contre placébo, mené en Allemagne entre 2003 et 2007. Cet essai avait pour objectif d’étudier le taux de mortalité subite cardiaque de patients ayant survécu à un infarctus du myocarde, en testant l’un des effets des médicaments contenant des esters éthyliques d’oméga-3. Un groupe de patients bénéficiait d’un traitement à base d’acides gras d’oméga-3 tandis que l’autre groupe était placé sous placébo. Aux fins de cette étude, le critère d’évaluation primaire pris en considération était la mort subite cardiaque chez les patients ayant précédemment été victimes d’un infarctus du myocarde. Deux des critères d’évaluation secondaires étaient la mortalité totale ainsi que les événements cérébrovasculaires et cardiovasculaires graves défavorables définis comme la mortalité totale, la récidive de l’infarctus et les accidents vasculaires cérébraux chez les patients survivants.

67      Il résulte, en particulier, du tableau 2 qui figure dans le rapport d’évaluation du CHMP qu’une mortalité subite cardiaque a été observée auprès de 1,5 % des patients des deux groupes, en sorte que ce taux identique a mis en évidence l’absence de différence entre les patients ayant suivi un traitement à base d’acides gras d’oméga-3 et ceux qui étaient uniquement placés sous placébo.

68      Par ailleurs, s’agissant des décès, toutes causes confondues, 4,6 % ont été observés auprès des patients sous oméga-3 et 3,7 % auprès des patients sous placébo. En outre, des événements cérébrovasculaires et cardiovasculaires graves défavorables ont été observés auprès de 10,4 % des patients sous oméga-3 et auprès de 8,8 % des patients sous placébo.

69      Ainsi, ces données étaient de nature à mettre en exergue, d’une part, une absence d’efficacité ou une efficacité relative de l’oméga-3 dans la prévention de la mortalité totale et, d’autre part, la survenance d’événements cérébrovasculaires et cardiovasculaires graves défavorables. Dans ces conditions, la Commission, ayant endossé l’avis du CHMP, n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée et sur la base de ces données, que l’essai OMEGA n’avait pas permis de confirmer les résultats de l’essai GISSI-Prevenzione et d’établir l’efficacité des médicaments à base d’esters éthyliques d’acides d’oméga-3 dans la prévention consécutive à un infarctus du myocarde.

70      Or, contrairement à l’étude GISSI-Prevenzione, l’essai OMEGA était un essai en double aveugle avec contrôle contre placébo, ce qui signifiait qu’aucun des deux groupes, pas plus d’ailleurs que les investigateurs et le personnel du promoteur ou de l’instigateur, ne connaissait le traitement assigné à chacun des patients soumis à l’essai OMEGA, ce qui, selon le CHMP, constituait un avantage par rapport à l’étude GISSI-Prevenzione.

71      À cet égard, dans son rapport d’évaluation, le CHMP écrit ce qui suit :

« Une conception sans double aveugle en n’utilisant aucun traitement comparateur comme dans l’étude GISSI-P[revenzione] fait abstraction d’un autre concept important dans les essais cliniques, à savoir l’utilisation d’un comparateur (en aveugle) afin de contrôler les autres effets que ceux du médicament expérimental, et un écart à ce principe ne devrait être nécessaire ou approprié que “lorsqu’il est difficile ou impossible de l’éviter” (ligne directrice E10 de l’ICH sur le choix du groupe témoin dans les essais cliniques). »

72      Ces considérations scientifiques qui figurent dans le rapport d’évaluation du CHMP, qui ont été endossées dans la décision attaquée et qui ont été rappelées par la Commission devant le Tribunal, n’ont pas plus été contestées par la requérante dans le cadre de sa réplique.

73      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du rapport d’évaluation du CHMP, le traitement standard pour la prévention consécutive à un infarctus du myocarde a évolué de manière substantielle depuis la réalisation de l’essai GISSI-Prevenzione. Dans cette dernière, tout au plus 5 % des patients avaient reçu un traitement hypolipidémiant avant de recevoir de l’oméga-3. Par ailleurs, bien que l’utilisation de statines ait augmenté durant l’essai, seulement 28 % à 29 % des patients à 6 mois et 44 % à 46 % des patients à 42 mois étaient sous statines. Les bêtabloquants, qui sont prescrits pour la plupart des patients après un infarctus du myocarde, n’ont été utilisés qu’auprès de 37 % à 44 % des patients de cet essai.

74      En revanche, ainsi qu’il ressort également du rapport d’évaluation du CHMP, « l’essai OMEGA a débuté dix ans après l’essai GISSI-Prevenzione et la gestion des patients ayant subi un infarctus du myocarde a progressé considérablement au cours de la période ». Par ailleurs, « [a]u contraire de l’essai GISSI-Prevenzione, pratiquement tous les patients ont reçu des statines, des bêtabloquants et des médicaments antiplaquettaires ».

75      Ces constatations n’ont pas non plus été contestées par la requérante en réponse aux arguments présentés par la Commission.

76      Enfin, la requérante n’a pas non plus contesté les trois autres essais réalisés depuis l’essai GISSI-Prevenzione, à savoir les études GISSI-HF, Origin et SU.FOL.OM, qui ont été réalisées entre 2003 et 2012, ainsi que la méta-analyse effectuée en 2018 par Aung et al, et dont les résultats figurent également dans le rapport d’évaluation du CHMP.

77      À cet égard, la requérante ne saurait se contenter de prétendre que l’essai OMEGA n’était pas suffisamment étayé et que « l’ensemble des données nouvelles sur lequel s’appuie la décision attaquée est insuffisant et qu’il ne saurait être considéré comme un élément de preuve sérieux et décisif permettant de tirer des conclusions sur l’efficacité de l’Omacor dans la prévention de l’infarctus du myocarde ». En effet, la requérante ne fait état que de considérations générales qui, en réalité, consistent en de simples affirmations.

78      Or, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante rappelée au point 53 ci-dessus, le contrôle juridictionnel du Tribunal s’exerce seulement sur la régularité du fonctionnement du CHMP ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de l’avis de ce dernier.

79      Ainsi, en l’espèce, la requérante ne saurait se contenter de faire des affirmations vagues et imprécises selon lesquelles une étude ne serait pas étayée. Elle devait au contraire soit mettre en exergue l’absence de cohérence interne de l’avis du CHMP ou de sa motivation par rapport à cette étude, soit, ce qu’elle reste en défaut de faire, démontrer que ladite étude était dépourvue de force probante ou de pertinence pour les besoins du réexamen de l’AMM précédemment octroyée.

80      Par ailleurs, la requérante prétend non seulement que le CHMP aurait considéré que le profil de sécurité de l’Omacor demeurait positif, mais également que le rapport final d’évaluation du CHMP ne contiendrait aucune preuve à l’appui de la conclusion selon laquelle le produit n’aurait plus d’effet thérapeutique dans l’une des indications thérapeutiques pour lesquelles il avait été autorisé.

81      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la mesure où la requérante ne se réfère pas à une partie précise du rapport du CHMP afin de corroborer le fait que le profil de sécurité de l’Omacor demeurait positif, il ne s’agit encore une fois que d’une affirmation dénuée de preuve, affirmation qui est démentie, en particulier, par l’annexe II de la décision attaquée, selon laquelle, « au regard de l’ensemble des données, le CHMP considère que les éléments de preuve au soutien de l’autorisation de l’oméga-3 aux fins de la prévention consécutive à un infarctus du myocarde souffraient de limitations méthodologiques et étaient faibles [et que l]’efficacité dans cette prescription n’était pas démontrée par des essais cliniques subséquents et robustes ». La requérante ne saurait donc prétendre, sans produire d’éléments de preuve tangibles à l’appui de ses affirmations, que le profil de sécurité de l’Omacor demeurait positif.

82      Au demeurant, il y a lieu de relever que, en tout état de cause, la modification de l’AMM n’a pas été retenue, dans la décision attaquée, en raison d’une prétendue absence d’effets thérapeutiques des esters éthyliques d’acides d’oméga-3, mais en raison du fait que le rapport bénéfice/risque était désormais considéré comme défavorable.

83      Il résulte également de ce qui précède que, contrairement à l’affirmation de la requérante selon laquelle le CHMP n’aurait pas le pouvoir d’adresser un avis ex post facto dans le cadre d’un essai que l’évaluateur initial, disposant de ressources bien plus importantes et pertinentes, aurait considéré comme étant approprié pour fonder une AMM de l’Omacor, il appartient, au contraire, au CHMP de prendre toutes les mesures qui s’imposent sur la base d’analyses nouvelles et de données récentes permettant de réexaminer et, le cas échéant, de mettre à l’épreuve la pertinence du maintien, en l’état, de l’AMM initialement octroyée.

84      À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, l’octroi d’une AMM ne saurait avoir pour effet de « figer » la situation et d’empêcher la remise en question par le CHMP de l’AMM ainsi octroyée, dès lors que ce comité est saisi de cette question et que des analyses, des publications ou toute autre documentation permettent de considérer, dans le cadre de cette saisine, que les conditions d’octroi de l’AMM ne sont plus réunies, notamment en raison du rapport bénéfice/risque qui se serait amenuisé au point de considérer qu’il serait désormais devenu défavorable.

85      S’il est vrai, ainsi que le relève la requérante, que, une fois qu’une AMM a été octroyée à un médicament, il appartient au CHMP de démontrer le caractère défavorable du rapport bénéfice/risque, il n’empêche que ce dernier peut, sur le fondement des éléments qui ont été mentionnés au point 84 ci-dessus et sous peine de priver l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 de tout effet, tirer des conséquences différentes de celles ayant justifié l’octroi de l’AMM précédente faisant l’objet d’un réexamen par le CHMP.

86      Dans le cadre de la réplique, la requérante a ajouté que, dans son mémoire en défense, la Commission avait évoqué des « problèmes de sécurité bien documentés », lesquels auraient justifié la modification de l’AMM octroyée, alors même qu’il ne ressortirait nullement du rapport d’évaluation du CHMP l’existence de tels problèmes de sécurité. Il s’ensuit que, selon la requérante, la Commission se serait fondée sur d’autres considérations que celles figurant dans ledit rapport d’évaluation, en sorte que sa position divergerait de celle du CHMP. La Commission aurait donc fondé la décision attaquée sur des informations qui n’auraient été préalablement divulguées ni au CHMP ni à la requérante.

87      Ainsi, selon la requérante, il ne saurait être soutenu que la Commission aurait suivi l’avis du CHMP, alors même qu’elle serait, dans le même temps, parvenue à une conclusion différente concernant la sécurité des médicaments à base d’acides gras d’oméga-3. Or, la Commission pourrait soit entièrement souscrire à l’avis du CHMP, soit s’en écarter. Toutefois, dans cette dernière hypothèse, elle devrait indiquer les raisons justifiant cette divergence. Par ailleurs, la requérante demande au Tribunal, d’abord, d’adopter toute mesure enjoignant à la Commission de fournir les informations sur lesquelles elle s’est fondée pour conclure à l’existence « de problèmes de sécurité bien documentés » concernant les produits, ensuite, d’inviter la Commission à répondre à certaines questions relatives à cette conclusion et, enfin, de prendre des mesures d’instruction aux fins de la divulgation de ces informations.

88      À cet égard, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, aucune divergence ne saurait être constatée entre la décision attaquée et l’argumentation adoptée par la Commission dans le cadre de la présente procédure.

89      En effet, ainsi que l’indique la Commission, le fait que le CHMP a conclu que le profil de sécurité de l’oméga-3 semblait bien caractérisé et qu’aucun nouveau problème de sécurité relatif à l’oméga-3 n’avait été soulevé ne signifie nullement que le CHMP a conclu à l’absence de problèmes de sécurité de l’oméga-3, ces derniers ayant été répertoriés dans le rapport d’évaluation.

90      Le rapport d’évaluation du CHMP contient, en effet, les constatations suivantes :

« Les esters éthyliques d’acides d’oméga-3 doivent être utilisés avec précaution chez les patients ayant une sensibilité connue ou une allergie au poisson […]

Les effets indésirables les plus fréquents (commun ≥ 1/100 à < 1/10) sont les troubles gastro-intestinaux incluant distension abdominale, douleur abdominale, constipation, diarrhée, dyspepsie, flatulence, éructation, reflux gastro-œsophagien, nausée ou vomissement.

[…]

Dans le dernier PSUSA pour les esters éthyliques d’acides d’oméga-3, “l’augmentation dans le temps de saignement des patients présentant une diathèse hémorragique ou recevant un traitement anticoagulant” et “l’augmentation des enzymes hépatiques nécessitant une surveillance chez les patients hépatiques” ont été incluses comme risques identifiés. »

91      Il résulte également de l’annexe II de l’avis final du CHMP ce qui suit :

« En ce qui concerne la sécurité, le PRAC a conclu, dans le dernier PSUSA de janvier 2017, qu’aucun nouveau problème de sécurité n’avait été soulevé. De manière générale, on peut conclure que le profil de sécurité semble bien caractérisé. Comme nous l’avons vu précédemment, “l’augmentation du temps de saignement chez les patients présentant une diathèse hémorragique ou recevant un traitement anticoagulant” et “l’augmentation des enzymes hépatiques nécessitant une surveillance chez les patients hépatiques” ont été incluses comme risques identifiés dans le dernier PSUSA relatif aux esters éthyliques d’acides d’oméga-3. L’augmentation du temps de saignement peut être pertinente pour les patients ayant subi un infarctus du myocarde qui, pour la plupart, suivent un traitement antiplaquettaire simple ou double et/ou un traitement anticoagulant après un infarctus du myocarde ou pour des maladies associées. »

92      Ainsi que le relève à juste titre la Commission, la constatation selon laquelle le « profil de sécurité de l’oméga-3 est bien documenté », qui figure à la suite de l’énoncé de l’ensemble des risques pertinents, ne saurait être interprétée comme signifiant l’absence de tout risque de l’oméga-3, mais comme une confirmation des données concernant l’oméga-3, y compris celles relatives aux risques qu’il comporte, analyse au demeurant indispensable dans le cadre de l’examen du profil d’un médicament et de son rapport intrinsèque bénéfice/risque. En effet, l’établissement d’un rapport bénéfice/risque implique nécessairement que soient mis en balance les risques liés à l’usage d’un médicament par rapport aux avantages, en termes d’efficacité, que ce dernier est susceptible de procurer aux patients auxquels il est destiné.

93      Or, alors que, avant l’adoption de la décision attaquée, les problèmes de sécurité des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 étaient considérés comme étant contrebalancés par les avantages qu’apportaient ces derniers sur le plan de leur efficacité, les examens complémentaires ont permis au CHMP de mettre en exergue, dans le cadre du bilan bénéfice/risque, l’absence de bénéfices des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 dans le traitement de la prévention consécutive à un l’infarctus du myocarde au regard des risques que, par ailleurs, ils comportaient et qui étaient suffisamment documentés.

94      C’est donc de manière erronée que la requérante prétend qu’il existe une divergence entre la position de la Commission et celle qui figure dans la décision attaquée ou même entre celle adoptée par le CHMP et la décision attaquée.

95      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu, dans cette perspective, d’ordonner des mesures d’instruction ou de poser des questions à la Commission afin de déterminer les éléments sur lesquels cette dernière se serait fondée pour adopter une position prétendument différente de celle du CHMP ou de la décision attaquée.

96      En outre, dans le cadre de la réplique, la requérante s’est fondée sur une nouvelle méta-analyse, intitulée « Marine Omega-3 supplementation and cardiovascular disease : an updated meta-analysis of 13 randomized controlled trials involving 127 477 participants », traitant des effets des médicaments contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 sur la réduction des maladies cardiovasculaires. La requérante demande au Tribunal de prendre en considération cette étude qui n’a pas été jointe à la requête au motif qu’elle a été publiée postérieurement à l’introduction par la requérante de son recours le 9 juillet 2019.

97      Selon la requérante, cette méta-analyse mettrait en évidence la pertinence des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires, dans la mesure où il aurait été observé qu’une supplémentation en oméga-3 d’origine marine mènerait à des réductions d’infarctus du myocarde significatives sur le plan statique et que les réductions du risque sembleraient être liées de façon linéaire à la dose d’oméga-3. Par ailleurs, après la réalisation d’analyses de sensibilité excluant les études ouvertes, les estimations de pourcentage seraient demeurées inchangées pour la plupart des paramètres d’évaluation des maladies cardiovasculaires.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été jugé au point 53 ci-dessus, le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du CHMP. Son contrôle juridictionnel s’exerce seulement sur la régularité de son fonctionnement ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de l’avis du CHMP. Sous ce dernier aspect, le juge est uniquement habilité à vérifier si l’avis contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles il est fondé et s’il établit entre les constatations médicales ou scientifiques et les conclusions qu’il comporte un lien compréhensible.

99      Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait prendre en considération d’autres éléments que ceux dont disposait le CHMP au moment où il a rendu son avis et la Commission au moment de la décision attaquée. Ainsi, le Tribunal ne saurait apprécier la légalité de cette dernière décision au regard des observations et des documents soumis par la requérante postérieurement à l’adoption de ladite décision. Par conséquent, la légalité de la décision attaquée ne saurait être examinée à l’aune de la prise en considération de nouveaux éléments intervenus postérieurement à son adoption.

100    Enfin, contrairement à ce que prétend la requérante, dès lors que, s’appuyant sur l’avis du CHMP, la Commission a pu considérer que le rapport bénéfice/risque était défavorable, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments tendant à démontrer que le médicament n’est pas nocif, que l’effet thérapeutique ne fait pas défaut et que le médicament a la composition qualitative et quantitative déclarée.

101    En effet, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 46 ci-dessus, les conditions de l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 sont alternatives et non pas cumulatives, il suffit que l’une de ces conditions soit remplie pour que les autorités compétentes puissent suspendre, retirer ou modifier une AMM.

102    Il s’ensuit que les arguments de la requérante qui concernent le fait que le médicament n’est pas nocif, que l’effet thérapeutique ne fait pas défaut et que le médicament a la composition qualitative et quantitative déclarée sont inopérants.

103    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté, sans qu’il y ait lieu, ainsi qu’il a été sollicité par la requérante, d’ordonner une mesure enjoignant à la Commission de fournir les informations sur lesquelles elle s’est fondée pour conclure à l’existence « de problèmes de sécurité bien documentés » concernant les produits, ni d’inviter la Commission à répondre à certaines questions relatives à cette conclusion, ni de prendre des mesures d’instruction aux fins de la divulgation de ces informations.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

104    La requérante fait valoir que, pour ne pas enfreindre le principe de proportionnalité, la Commission aurait dû adopter les mesures qui étaient nécessaires dans les circonstances de l’espèce et qui étaient appropriées afin d’atteindre l’objectif poursuivi.

105    La requérante fait également valoir que la Cour aurait ajouté un autre élément à son examen du respect du principe de proportionnalité, en ce sens que la Commission aurait dû sélectionner la mesure la moins contraignante pour atteindre un objectif spécifique.

106    Selon la requérante, même si des doutes avaient existé concernant l’efficacité ou le rapport bénéfice/risque de l’Omacor, la Commission aurait dû prendre en considération des mesures qui pourraient ou auraient pu dissiper ces doutes et qui auraient été moins restrictives que celles adoptées dans le cadre de la décision attaquée.

107    La Commission conclut au rejet de ce moyen.

108    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité est reconnu par une jurisprudence constante comme faisant partie des principes généraux du droit de l’Union. En vertu de ce principe, les actes des institutions de l’Union ne doivent pas dépasser la limite de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la mesure en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13 ; du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, EU:C:1998:192, point 96, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 111).

109    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel de ces conditions en l’espèce, il y a lieu de préciser que le législateur de l’Union dispose en la matière d’un pouvoir discrétionnaire, en sorte que, selon une jurisprudence bien établie, les décisions concernant l’application des critères de l’efficacité, de la sécurité et de la qualité d’un médicament sont le résultat d’appréciations complexes relevant du domaine médico-pharmacologique, qui font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint. En effet, lorsqu’une institution de l’Union est appelée à effectuer des évaluations complexes, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice est soumis à un contrôle juridictionnel se limitant à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité compétente n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêts du 21 janvier 1999, Upjohn, C‑120/97, EU:C:1999:14, point 34 et jurisprudence citée, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 34 et jurisprudence citée).

110    En l’occurrence, il convient d’ores et déjà de relever que la requérante ne fait état d’aucune mesure qui aurait été moins contraignante que le retrait de l’AMM pour les médicaments contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 dans le cadre de la prévention consécutive à un infarctus. En revanche, elle fait valoir qu’il ressort de l’analyse qu’elle avait effectuée que le CHMP et la Commission, dans la décision attaquée, n’ont pas démontré que, contrairement à la situation existant en 2001, date à laquelle le médicament a été autorisé pour la première fois pour un usage dans le cadre de l’indication post infarctus du myocarde, ledit médicament serait désormais dépourvu d’effet thérapeutique ou que le rapport bénéfice/risque dudit médicament ne serait plus favorable.

111    Ainsi, même si la requérante précise, dans sa réplique, n’avoir pas soutenu que le CHMP n’aurait pas envisagé de prendre des mesures alternatives moins restrictives, mais aurait violé le principe de proportionnalité en modifiant l’AMM existante pour l’Omacor afin de supprimer l’indication d’usage oral dans la prévention consécutive à un infarctus du myocarde, elle se contente d’invoquer la violation de ce principe sans nullement indiquer l’existence d’éventuelles mesures moins restrictives qui auraient pu être mises en œuvre au regard d’une situation dans laquelle le rapport bénéfice/risque des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 était considéré comme étant défavorable dans le cadre de la prévention consécutive à un infarctus du myocarde.

112    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l’article 116, premier alinéa, de la directive 2001/83 impose aux autorités compétentes l’obligation de suspendre, de retirer ou de modifier l’AMM lorsque le rapport bénéfice/risque est considéré comme négatif (voir point 7 ci-dessus) et que, par conséquent, dans les circonstances de l’espèce, la mesure visant à la modification de l’AMM initialement autorisée apparaît, en l’absence d’indication de la requérante sur ce point, la mesure la moins restrictive pour les médicaments concernés qui peuvent éventuellement continuer à être prescrits pour d’autres prescriptions que celle de la prévention consécutive à un infarctus du myocarde.

113    Ainsi, en l’espèce, dès lors que, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du premier moyen, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation quant au rapport bénéfice/risque en cause, elle pouvait, sans méconnaître le principe de proportionnalité, décider en conséquence d’exiger le retrait de l’AMM pour les médicaments contenant des esters éthyliques d’acides d’oméga-3 au regard de la prévention consécutive à un infarctus du myocarde.

114    Il résulte de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

115    L’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      BASF AS est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Svenningsen

Barents

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.