Language of document : ECLI:EU:T:2023:858

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

20 décembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale LUTAMAX – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans les affaires jointes T‑221/22 et T‑242/22,

Pharmaselect International Beteiligungs GmbH, établie à Vienne (Autriche), représentée par Mes S. Jackermeier, D. Wiedemann et M. Ringer, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑221/22,

OmniActive Health Technologies Ltd, établie à Mumbai (Inde), représentée par Mes M. Hawkins, T. Dolde et C. Zimmer, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑242/22,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Stoyanova-Valchanova et M. D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant dans l’affaire T‑221/22

OmniActive Health Technologies, établie à Mumbai, représentée par Mes Hawkins, Dolde et Zimmer, avocats,

et

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant dans l’affaire T‑242/22

Pharmaselect International Beteiligungs, établie à Vienne, représentée par Mes Jackermeier, Wiedemann et Ringer, avocats,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, K. Kecsmár (rapporteur) et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la décision du 24 février 2023 portant jonction des affaires T‑221/22 et T‑242/22 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,

à la suite de l’audience du 25 mai 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, Pharmaselect International Beteiligungs GmbH (ci-après « PIB »), dans l’affaire T‑221/22, et OmniActive Health Technologies Ltd (ci-après « OHT »), dans l’affaire T‑242/22, demandent l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 février 2022 (affaires jointes R 524/2021‑1 et R 649/2021‑1) (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le 13 mai 2005, PIB a obtenu l’enregistrement de la marque de l’Union européenne pour le signe verbal LUTAMAX.

3        Après une renonciation partielle enregistrée le 25 avril 2016, les produits pour lesquels l’enregistrement a été retenu relevaient des classes 5, 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Médicaments à usage humain et vétérinaire, produits thérapeutiques et curatifs végétaux traditionnels à usage humain et vétérinaire, produits diététiques à usage médical, compléments alimentaires à usage médical ou diététique, préparations vitaminées à usage médical ou diététique, thés médicinaux ; produits pour les soins des yeux (à usage pharmaceutique) ainsi que solutions et produits nettoyants pour lentilles de contact ; tous les produits précités non à usage vétérinaire » ;

–        classe 29 : « Aliments diététiques et compléments alimentaires à usage non médical (compris dans la classe 29) ; lait, produits laitiers et boissons essentiellement à base de lait ; lait en poudre pour l’alimentation humaine, en particulier lait entier, lait écrémé et babeurre en poudre ; petit-lait, produits à base de petit-lait ainsi que boissons à base de petit-lait majoritairement composées de petit-lait ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Aliments diététiques et compléments alimentaires à usage non médical (compris dans la classe 30) ».

4        Le 16 mars 2015, OHT a déposé une demande en déchéance au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), au motif que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits pour lesquels elle avait été enregistrée pendant une période ininterrompue de cinq ans.

5        Par décision du 11 février 2021, la division d’annulation a maintenu les droits de PIB sur la marque contestée uniquement pour les produits relevant de la classe 5 correspondant à la description suivante : « Compléments alimentaires à usage médical ou diététique pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge ; produits pour les soins des yeux (à usage pharmaceutique) pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge ; tous les produits précités non à usage vétérinaire ». Elle a déclaré que PIB était déchue de ses droits sur la marque contestée pour l’ensemble des autres produits pour lesquels elle était enregistrée à compter du 16 mars 2015.

6        Le 23 mars 2021, PIB a formé un recours à l’encontre de la décision de la division d’annulation, enregistré sous le numéro R 524/2021‑1, dans la mesure où la déchéance de la marque contestée avait été partiellement prononcée.

7        Le 9 avril 2021, OHT a également formé un recours, enregistré sous le numéro R 649/2021‑1, dans la mesure où sa demande en déchéance avait été partiellement rejetée.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a annulé partiellement la décision de la division d’annulation, dans la mesure où elle a ordonné que la marque contestée reste inscrite au registre pour les produits mentionnés au point 5 ci-dessus. Tout d’abord, la chambre de recours a ordonné que la marque contestée reste inscrite au registre pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Compléments alimentaires à usage médical ou diététique pour les soins des yeux, tous les produits précités non à usage vétérinaire ». Ensuite, la chambre de recours a déchu PIB de ses droits à compter du 16 mars 2015 pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits pour les soins des yeux (à usage pharmaceutique), tous les produits précités non à usage vétérinaire ». Enfin, la chambre de recours a rejeté les recours pour le surplus.

II.    Conclusion des parties

9        Dans l’affaire T‑221/22, PIB conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner le maintien de l’enregistrement de la marque contestée pour les produits suivants :

–        classe 5 : « Médicaments à usage humain et vétérinaire ; produits diététiques à usage médical ; compléments alimentaires à usage médical ou diététique ; préparations vitaminées à usage médical ou diététique ; produits pour les soins des yeux (à usage pharmaceutique) ; tous les produits précités non à usage vétérinaire » ;

–        classe 29 : « Aliments diététiques et compléments alimentaires à usage non médical (compris dans la classe 29) ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Aliments diététiques et compléments alimentaires à usage non médical (compris dans la classe 30) » ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la procédure.

10      Dans l’affaire T‑221/22, OHT conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner PIB aux dépens.

11      Dans l’affaire T‑242/22, OHT conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et PIB aux dépens de la procédure.

12      Dans l’affaire T‑242/22, PIB conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner OHT aux dépens.

13      Dans les affaires jointes, l’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner PIB, dans l’affaire T‑221/22, et OHT, dans l’affaire T‑242/22, aux dépens exposés par lui en cas de convocation des parties à une audience.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité de certains chefs de conclusions de PIB dans les affaires T221/22 et T242/22

14      À titre liminaire, étant donné que « confirmer » la décision attaquée équivaut à rejeter le recours, il y a lieu d’appréhender le premier chef de conclusions de PIB, dans l’affaire T‑242/22, comme tendant, en substance, au rejet du recours [voir arrêt du 13 décembre 2016, Apax Partners/EUIPO – Apax Partners Midmarket (APAX), T‑58/16, non publié, EU:T:2016:724, point 15 et jurisprudence citée].

15      En premier lieu, l’EUIPO fait valoir que, la chambre de recours ayant partiellement accueilli le recours de PIB, la partie de la décision attaquée ordonnant le maintien de l’enregistrement de la marque contestée pour certains des produits compris dans la classe 5 ne fait pas grief à PIB, qui n’a donc aucun intérêt à intenter un recours à cet égard. Par conséquent, le premier chef de conclusions de PIB, dans l’affaire T‑221/22, concernant la partie de la décision attaquée, qui ne lui fait pas grief, serait irrecevable.

16      En second lieu, OHT soutient que, par son deuxième chef de conclusions, dans l’affaire T‑221/22, PIB souhaite obtenir une déclaration selon laquelle la marque contestée reste enregistrée pour les différents produits compris dans les classes 5, 29 et 30. Cependant, le Tribunal ne serait pas compétent pour prononcer des jugements déclaratoires et il y aurait donc lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions de PIB, dans l’affaire T‑221/22, comme étant irrecevable.

17      À cet égard, compte tenu du principe selon lequel les chefs de conclusions doivent être interprétés de manière utile [voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission, T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804, point 50, et ordonnance du 13 mars 2020, Aurora/OCVV – SESVanderhave (M 02205), T‑278/19, non publiée, EU:T:2020:113, point 48] et eu égard au moyen et aux arguments invoqués par PIB dans l’affaire T‑221/22, il convient de lire les deux premiers chefs de conclusions de PIB dans cette affaire conjointement, ainsi que son représentant l’a confirmé lors de l’audience, et de les interpréter comme demandant, en substance, l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours a déclaré que PIB était partiellement déchue de ses droits sur la marque contestée.

18      Par conséquent, les premier et deuxième chefs de conclusions de PIB dans l’affaire T‑221/22 doivent être considérés comme étant recevables.

B.      Sur le fond

19      Dans l’affaire T‑221/22, PIB invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 et articulé en six branches.

20      Dans l’affaire T‑242/22, OHT invoque trois moyens, le premier, tiré de la violation de l’obligation de motivation contenue à l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le deuxième, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), dudit règlement et, le troisième, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 2, de ce règlement.

21      À titre liminaire, il convient de relever que PIB, OHT et l’EUIPO, dans leurs écritures respectives, et la chambre de recours, dans la décision attaquée, se réfèrent aux dispositions du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1). Toutefois, compte tenu de la date d’introduction de la demande en déchéance en cause, en l’occurrence le 16 mars 2015, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, dans sa version applicable à cette date. Dans la mesure où les dispositions de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 sont d’une teneur identique à celles de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, il y a lieu d’entendre les références faites à ce premier article comme visant ce dernier article [voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, points 3 et 25, et du 12 janvier 2022, Laboratorios Ern/EUIPO – Malpricht (APIRETAL), T‑160/21, non publié, EU:T:2022:2, point 10].

22      En outre, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

23      Enfin, il est constant que la marque contestée n’a été utilisée que pour un seul produit, se présentant sous la forme d’une gélule à une dose de 10 mg ou de 20 mg de lutéine à ingérer quotidiennement, dans le cadre d’une alimentation équilibrée, et destinée au traitement diététique de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), une maladie oculaire spécifique, et également indiquée avant et après des opérations de la cataracte ou à titre de mesure de précaution générale pour prévenir l’apparition de la DMLA (ci-après le « produit en cause »).

1.      Sur le premier moyen dans l’affaire T242/22

24      OHT fait valoir que la décision attaquée viole l’obligation de motivation contenue à l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Ladite décision ne permettrait pas de déterminer les motifs pour lesquels la chambre de recours a considéré que le produit en cause était un « complément alimentaire à usage médical ou diététique », et non un « aliment diététique destiné à des fins médicales spéciales ».

25      OHT soutient que les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique », pour lesquels la marque contestée est enregistrée, et les « aliments diététiques destinés à des fins médicales spécifiques », pour lesquels la marque contestée serait, selon elle, utilisée, ont un sens différent, puisque, dans le domaine d’activité concerné, les termes renvoient à des groupes de produits distincts. Ainsi, les premiers seraient régis par la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires (JO 2002, L 183, p. 51), alors que les seconds auraient été soumis à la directive 1999/21/CE de la Commission, du 25 mars 1999, relative aux aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales (JO 1999, L 91, p. 29). La chambre de recours aurait écarté à tort la pertinence desdites directives, procédant à une interprétation erronée de l’article 33, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sans expliquer pourquoi le produit en cause devrait être considéré comme étant un « complément alimentaire à usage médical ou diététique ». En outre, ladite chambre indiquerait que le produit viserait le traitement diététique de la DMLA, alors que les compléments alimentaires, tels que le produit en cause, ne seraient pas destinés à traiter des maladies, ce qui découlerait également de la directive 2002/46. Au surplus, sauf dans le cas rare de produits à usages multiples, l’usage d’une marque en ce qui concerne un produit particulier ne pourrait constituer un usage sérieux que pour une seule catégorie de produits et il serait donc nécessaire de se concentrer sur la finalité principale du produit en cause. Enfin, la chambre de recours n’aurait pas clairement établi que les éléments de preuve démontraient l’usage de la marque contestée pour les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique », car le point 46 de la décision attaquée constaterait un usage pour les « compléments alimentaires à finalité médicale ou diététique ».

26      L’EUIPO et PIB contestent l’argumentation de OHT.

27      À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation de motivation qui s’impose à la chambre de recours, laquelle découle notamment de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 19 décembre 2019, Currency One/EUIPO – Cinkciarz.pl (CINKCIARZ), T‑501/18, EU:T:2019:879, point 67 et jurisprudence citée].

28      Cette obligation de motivation, découlant aussi de l’article 296 TFUE, a fait l’objet d’une jurisprudence constante selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Dermavita Company/EUIPO – Allergan Holdings France (JUVEDERM), T‑372/20, non publié, EU:T:2021:652, point 16 et jurisprudence citée].

29      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés des parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Par ailleurs, la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, JUVEDERM, T‑372/20, non publié, EU:T:2021:652, point 17 et jurisprudence citée).

30      Au surplus, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de l’acte litigieux sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de la motivation [voir arrêt du 8 juin 2022, Apple/EUIPO – Swatch (THINK DIFFERENT), T‑26/21 à T‑28/21, non publié, EU:T:2022:350, point 51 et jurisprudence citée].

31      En l’espèce, contrairement à ce que soutient OHT, la décision attaquée expose à suffisance de droit les raisons pour lesquelles la chambre de recours a estimé que le produit en cause devait être considéré comme relevant de la catégorie des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique », compris dans la classe 5 pour lesquels un usage sérieux était revendiqué.

32      En effet, la chambre de recours a estimé que, le produit en cause servant à compléter un régime alimentaire humain et ayant une finalité médicale ou diététique, à savoir notamment le traitement diététique de la DMLA, il relevait de la catégorie des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique », compris dans la classe 5, tels qu’enregistrés. À cet égard, elle a écarté l’argumentation de OHT fondée sur la directive 1999/21 et la directive 2002/46 en indiquant que celles-ci n’étaient pas pertinentes pour savoir si PIB avait prouvé l’usage sérieux de la marque contestée pour les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique ». Elle a également considéré que le fait que le produit en cause était désigné comme étant des « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » en Autriche, en Allemagne, en République tchèque et en Slovaquie n’empêchait pas de le considérer comme étant des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique » au sens de la classe 5, dès lors qu’il ressortait des éléments de preuve présentés par PIB que ce produit était également décrit sur les emballages comme étant un complément alimentaire à finalité médicale ou diététique.

33      Il convient dès lors de constater que les arguments de OHT, repris aux points 24 et 25 ci-dessus, se confondent en réalité avec les critiques sur le bien-fondé du raisonnement de la décision attaquée, lesquelles font par ailleurs l’objet des deuxième et troisième moyens présentés par OHT, dans l’affaire T‑242/22. Aucune violation de l’obligation de motivation ne saurait donc être constatée à cet égard.

34      Au surplus, il convient de relever que, dans le contexte de la décision attaquée, les termes « usage » et « finalité » ont été utilisés par la chambre de recours, en substance, comme synonymes. En effet, si, au point 46 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est référée à la mention « à finalité médicale » figurant sur les emballages du produit en cause, elle a considéré au même point que cette mention n’empêchait pas ledit produit d’être considéré comme étant un « complément alimentaire à usage médical ou diététique », pour lequel la marque contestée était enregistrée. Partant, la motivation de la décision attaquée ne saurait être entachée d’aucune incohérence sur ce point.

35      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient OHT, la chambre de recours a expliqué à suffisance de droit dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles le produit en cause devait être considéré comme relevant de la catégorie des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique », compris dans la classe 5 pour lesquels un usage sérieux était revendiqué par le titulaire de la marque contestée.

36      Partant, le premier moyen dans l’affaire T‑242/22 doit être rejeté comme étant non fondé.

2.      Sur le deuxième moyen dans l’affaire T242/22

37      OHT fait valoir que, en application de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la chambre de recours aurait dû constater que les termes « compléments alimentaires à usage médical ou diététique » et « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » n’étaient pas synonymes et qu’ils appartenaient à des groupes de produits différents, régis par des actes législatifs différents. Contrairement à ce que la chambre de recours a constaté, les différences entre ces catégories de produits ne concerneraient pas seulement les exigences en matière de commercialisation et d’étiquetage, mais davantage leur nature et leur finalité. Or, seuls les « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » pourraient être légitimement présentés comme ayant des propriétés bénéfiques en ce qui concerne des maladies, telles que la DMLA. En outre, parmi les pièces produites par PIB, aucune ne désignerait le produit en cause uniquement comme étant un complément alimentaire. Si une désignation incorrecte ne changeait pas la nature dudit produit, rien n’indiquerait qu’il doive être considéré comme étant un « complément alimentaire », alors qu’il devrait être clairement désigné comme étant un « aliment diététique destiné à des fins médicales spéciales ». Étant donné que ce dernier terme ne figure pas dans la liste des produits pour lesquels la marque contestée serait enregistrée, la chambre de recours aurait dû conclure que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux.

38      L’EUIPO et PIB contestent l’argumentation de OHT.

39      En l’espèce, la chambre de recours a écarté l’argument de OHT selon lequel les produits pour lesquels un usage sérieux était démontré étaient, tout au plus, des « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales », au sens de la directive 1999/21, et non pas des « compléments alimentaires à usage médical » régis par la directive 2002/46. La chambre de recours a considéré notamment que les directives précitées n’étaient pas pertinentes aux fins de l’examen de la question de savoir pour quels produits la marque contestée a été effectivement utilisée.

40      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, il n’y a pas lieu d’exclure, d’une manière générale, la prise en considération, lors de l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 15 du règlement no 207/2009, des dispositions du droit de l’Union concernant tant les produits pour lesquels ladite marque a été enregistrée que les produits pour lesquels elle est effectivement utilisée, aux fins de vérifier s’il s’agit des mêmes produits. En effet, selon la Cour, de telles dispositions peuvent, eu égard aux circonstances particulières du cas d’espèce, être déterminantes pour le classement desdits produits (voir, en ce sens, ordonnance du 3 décembre 2020, Dermavita/EUIPO, C‑400/20 P, non publiée, EU:C:2020:997, point 17).

41      Dès lors, il y a lieu de constater, à l’instar de OHT dans l’affaire T‑242/22, que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant, en substance, aux points 44 et 45 de la décision attaquée, que les directives précitées n’étaient « pas pertinentes » aux fins de déterminer les produits pour lesquels la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux.

42      Cette constatation n’est pas remise en cause par l’argument de l’EUIPO selon lequel, aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, les produits et services doivent être classés conformément à la classification de Nice.

43      Il est certes vrai que, selon la règle 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, (JO 1995, L 303, p. 1) (devenu article 33, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), la classification appliquée aux fins de l’enregistrement d’une marque est celle de Nice. En outre, en vertu de la règle 2, paragraphe 2, du même règlement (reprise, en substance, à l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la liste des produits et des services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature et à ne permettre la classification de chaque produit et de chaque service que dans une seule classe de la classification de Nice.

44      Il en découle notamment que la classification d’un produit en application d’autres règles du droit de l’Union n’est en principe pas déterminante pour sa classification aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne. En effet, le Tribunal a déjà jugé que, si les actes législatifs de l’Union cités par la requérante revêtent une importance primordiale pour le secteur concerné, ils n’ont toutefois pas nécessairement une influence sur la manière dont les produits et les services sont classés dans la classification de Nice. À cet égard, il importe de ne pas confondre la fonction essentielle de la marque avec les autres fonctions que la marque peut aussi le cas échéant remplir, telles que celles consistant à garantir la qualité du produit en cause (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, JUVEDERM, T‑372/20, non publié, EU:T:2021:652, point 38 et jurisprudence citée).

45      Toutefois, il convient de rappeler que la classification des produits et des services au titre de l’arrangement de Nice vise essentiellement à refléter les besoins du marché et non à imposer une segmentation artificielle des produits. Ainsi, les intitulés des classes comportent des « indications générales » relatives au secteur dont relèvent, « en principe », les produits ou les services. De même, il convient de rappeler que la classification des produits et des services au titre de l’arrangement de Nice n’est elle-même effectuée qu’à des fins exclusivement administratives. Celle-ci ne vise en effet qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marques, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services. Au demeurant la classification de Nice ne saurait déterminer en soi la nature et les caractéristiques des produits en cause [voir arrêt du 11 janvier 2023, Hecht Pharma/EUIPO – Gufic BioSciences (Gufic), T‑346/21, EU:T:2023:2, point 94 et jurisprudence citée].

46      Or, la question pertinente en l’espèce, aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux au regard du droit des marques, est de savoir si le produit pour lequel la marque est utilisée est le même que les produits pour lesquels la marque a été enregistrée (voir arrêt du 11 janvier 2023, Gufic, T‑346/21, EU:T:2023:2, point 98 et jurisprudence citée).

47      Ainsi, si les directives en cause n’ont pas nécessairement une influence sur la manière dont le produit est classé dans la classification de Nice, celles-ci peuvent être pertinentes, voire déterminantes, quant à la question de savoir pour quel type de produits la marque contestée a été effectivement utilisée.

48      Au demeurant, l’erreur de droit constatée au point 41 ci-dessus n’est pas susceptible de conduire à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle n’a eu aucune influence sur la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours quant à la définition du produit pour lequel un usage sérieux a été démontré [voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, Giovanni Cosmetics/OHMI – Vasconcelos & Gonçalves (GIOVANNI GALLI), T‑559/13, EU:T:2015:353, point 135 (non publié) et jurisprudence citée].

49      En effet, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 1999/21 définit les « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » comme étant une « catégorie d’aliments destinés à une alimentation particulière, qui sont spécialement traités ou formulés et destinés à répondre aux besoins nutritionnels des patients et qui ne peuvent être utilisés que sous contrôle médical. Ils sont destinés à constituer l’alimentation exclusive ou partielle des patients dont les capacités d’absorption, de digestion, d’assimilation, de métabolisation ou d’excrétion des aliments ordinaires ou de certains de leurs ingrédients ou métabolites sont diminuées, limitées ou perturbées, ou dont l’état de santé détermine d’autres besoins nutritionnels particuliers qui ne peuvent être satisfaits par une modification du régime alimentaire normal ou par un régime constitué d’aliments destinés à une alimentation particulière ou par une combinaison des deux ».

50      Quant aux « compléments alimentaires », ceux-ci sont définis à l’article 2, sous a), de la directive 2002/46, comme étant des « denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel et physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d’un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité ».

51      Or, au point 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les « compléments alimentaires » étaient des substances qui pouvaient ou non être nutritionnelles, telles que les protéines, les vitamines, les oligo-éléments, les herbes, les fibres alimentaires, le glucose et les enzymes, sous forme de pilules, de gélules, de comprimés, de poudres ou de liquides. Elle a ajouté que les compléments alimentaires pouvaient être utilisés en complément d’un régime alimentaire normal ou simplement parce qu’ils étaient considérés comme étant bénéfiques pour la santé.

52      Il s’ensuit que la chambre de recours a, en substance, retenu une définition de la notion de « compléments alimentaires » sensiblement proche de celle issue de la directive 2002/46.

53      En l’espèce, il est constant entre les parties que le produit en cause est un produit ayant une finalité médicale ou diététique, servant à compléter un régime alimentaire humain et qu’il est commercialisé sous la forme d’une gélule. En outre, il est indiqué, sur l’emballage de celui-ci, qu’il ne remplace pas un régime équilibré et qu’il ne convient pas en tant que seule source de nutrition (complément à un régime équilibré). De surcroît, il ne ressort pas des éléments de preuve qu’il serait destiné à des patients ayant des capacités d’absorption, de digestion, d’assimilation, de métabolisation ou d’excrétion des aliments ordinaires diminuées, limitées ou perturbées, ce qui a par ailleurs été confirmé par PIB lors de l’audience.

54      Partant, le produit en cause correspond, en substance, à la définition de « compléments alimentaires » issue de la directive 2002/45 et non pas à celle des « aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales » issue de la directive 1999/21.

55      Dès lors, il convient de considérer que l’erreur de droit constatée au point 41 ci-dessus est sans incidence sur le bien-fondé de la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours, selon laquelle le produit en cause devait être considéré comme relevant de la catégorie des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique », tels qu’enregistrés.

56      Dans ces conditions, il convient de rejeter le deuxième moyen, dans l’affaire T‑242/22.

3.      Sur la première branche du moyen unique dans l’affaire T221/22 et le troisième moyen dans l’affaire T242/22

57      Dans l’affaire T‑221/22, PIB reproche à la chambre de recours d’avoir retenu qu’elle avait prouvé un usage sérieux, au sein de la classe 5, pour les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique pour les soins des yeux » et non pour l’ensemble de la catégorie des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique ». Ce faisant, la chambre de recours aurait notamment méconnu la jurisprudence selon laquelle l’usage d’un signe pour un produit pouvant relever d’une catégorie plus large suffisait à présumer l’usage pour l’ensemble de cette catégorie de produits. Le titulaire de la marque contestée aurait également un intérêt légitime à étendre sa gamme de produits ou de services pour lesquels sa marque était enregistrée. En outre, ce serait à tort que la chambre de recours aurait appliqué par analogie la jurisprudence relative aux produits pharmaceutiques au produit en cause.

58      Dans l’affaire T‑242/22, OHT soutient que la chambre de recours aurait violé l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, en considérant que l’indication thérapeutique du produit en cause n’était pas limitée au traitement de la DMLA. Ainsi, les termes « opérations de la cataracte » ne seraient mentionnés que dans une seule pièce, dont PIB n’aurait pas prouvé son utilisation dans le commerce. En tout état de cause, l’utilisation avant et après les opérations de la cataracte ne constituerait pas la finalité principale du produit en cause, mais tout au plus une finalité subsidiaire.

59      L’EUIPO et OHT contestent les argumentations de PIB, dans l’affaire T‑221/22, et l’EUIPO et PIB contestent les argumentations de OHT, dans l’affaire T‑242/22.

60      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

61      Le Tribunal a déjà jugé que les dispositions de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) permettant de réputer la marque antérieure enregistrée pour la seule partie des produits et des services pour laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque a été établie, d’une part, constituent une limitation apportée aux droits que tire le titulaire de la marque antérieure de son enregistrement et, d’autre part, doivent être conciliées avec l’intérêt légitime dudit titulaire à pouvoir, à l’avenir, étendre sa gamme de produits ou de services, dans la limite des termes visant les produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée, en bénéficiant de la protection que l’enregistrement de ladite marque lui confère. Ces mêmes considérations s’appliquent également par analogie aux dispositions de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 relatives à la déchéance partielle [voir arrêt du 23 septembre 2020, Polfarmex/EUIPO – Kaminski (SYRENA), T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 112 et jurisprudence citée].

62      Toutefois, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de ladite marque de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie de produits ou de services » ne peut s’entendre pour toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement pour les produits ou services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes (voir arrêt du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 115 et jurisprudence citée).

63      Il résulte également de la jurisprudence que, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou des services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie [voir arrêt du 1er février 2023, Brobet/EUIPO – Efbet Partners (efbet), T‑772/21, non publié, EU:T:2023:36, point 59 et jurisprudence citée].

64      S’agissant de la question de savoir si des produits font partie d’une sous-catégorie cohérente susceptible d’être envisagée de manière autonome, il découle de la jurisprudence que, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. En revanche, la nature des produits en cause ainsi que leurs caractéristiques ne sont pas, en tant que telles, pertinentes pour la définition de sous-catégories de produits ou de services (voir arrêt du 23 septembre 2020, SYRENA, T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 116 et jurisprudence citée).

65      À cet égard, importe la question de savoir si le consommateur désireux d’acquérir un produit ou un service relevant de la catégorie de produits ou de services visée par la marque en cause associera à cette marque l’ensemble des produits ou des services appartenant à cette catégorie (arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 43).

66      En l’espèce, sur la base des éléments produits, la chambre de recours a relevé que la finalité et la destination du produit en cause ne se limitaient pas au traitement diététique de la DMLA, mais que ce dernier était également recommandé avant et après des opérations de la cataracte ainsi qu’en tant que mesure de précaution générale visant à prévenir l’apparition de la DMLA. Partant, faisant une application par analogie de la jurisprudence relative au domaine pharmaceutique, laquelle tient compte de l’indication thérapeutique des produits, la chambre de recours a conclu à l’existence, parmi les produits relevant de la classe 5, d’une sous-catégorie autonome pour les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique pour les soins des yeux », eu égard à la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus.

67      À la lumière de la jurisprudence rappelée ci-dessus, il importe d’apprécier si les produits « Compléments alimentaires à usage médical ou diététiques pour les soins des yeux » constituent une sous-catégorie autonome par rapport à la catégorie des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique », de manière à lier les produits pour lesquels, selon la chambre de recours, l’usage sérieux de la marque a été prouvé avec la catégorie des produits couverts par l’enregistrement de cette marque (voir, par analogie, arrêt du 22 octobre 2020, Ferrari, C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854, point 41 et jurisprudence citée).

68      À cette fin, il convient de prendre en considération la finalité et la destination du produit en cause. À cet égard, il y a lieu de relever que, selon l’arrangement de Nice mentionné au point 3 ci-dessus, les compléments alimentaires à usage médical ou diététique sont destinés à compléter un régime alimentaire normal et à améliorer la santé humaine. De la même manière, le produit en cause, destiné au traitement diététique de la DMLA et recommandé avant et après des opérations de la cataracte, ainsi qu’en tant que mesure de précaution générale visant à prévenir l’apparition de la DMLA, a la vocation d’améliorer la santé humaine, et plus spécifiquement, l’état des yeux, ce que les parties ne remettent pas en cause. Dès lors, il y a lieu d’observer que la finalité et la destination des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique » relevant de la classe 5 et la finalité et la destination du produit en cause ne sont pas essentiellement différentes.

69      En outre, si le critère de la finalité et de la destination des produits en cause n’a pas pour objectif de définir de manière abstraite ou artificielle des sous-catégories de produits, ce critère doit être appliqué d’une manière cohérente et concrète (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 50 et jurisprudence citée).

70      Partant, si les produits, tels que les compléments alimentaires à usage médical ou diététique, revêtent plusieurs finalités et destinations, il ne saurait être procédé, contrairement à ce que la chambre de recours a constaté, à la détermination de l’existence d’une sous-catégorie distincte de produits en prenant en considération, isolément, chacune des finalités que ces produits peuvent avoir. En effet, une telle approche ne permettrait pas d’identifier de manière cohérente des sous-catégories autonomes et aurait pour conséquence de limiter excessivement les droits du titulaire de la marque, notamment en ce que ne serait pas suffisamment pris en considération son intérêt légitime à étendre sa gamme de produits ou de services pour lesquels sa marque est enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 51 et jurisprudence citée).

71      En effet, comme le fait valoir PIB, il est courant que les fabricants de compléments alimentaires ne se limitent pas à la production ou à la distribution d’un produit unique et pourraient avoir un intérêt légitime à pouvoir étendre leur gamme de produits en y incluant des compléments alimentaires visant d’autres aspects de la santé humaine. Dans ces circonstances, le public pertinent désireux d’acquérir un produit relevant de la catégorie des compléments alimentaires à usage médical ou diététique, visée par la marque contestée, associera à cette marque l’ensemble des produits ou des services appartenant à cette catégorie au sens de la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus.

72      En outre, il convient de relever que les compléments alimentaires à usage médical ou diététique constituent déjà une sous-catégorie de la classe 5 de l’arrangement de Nice mentionné au point 3 ci-dessus, cette dernière comprenant essentiellement les produits pharmaceutiques et autres préparations à usage médical ou vétérinaire.

73      Dans ces circonstances, force est de constater que les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique » constituent en eux-mêmes une catégorie suffisamment claire qui ne nécessite pas une division en sous-catégories [arrêt du 12 juillet 2023, Trus/EUIPO – Unilab (ARTRESAN), T‑585/22, non publié, EU:T:2023:392, point 75]. Partant, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’usage sérieux de la marque contestée était démontré pour les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique pour les soins des yeux » est entachée d’une erreur de droit entraînant l’annulation de la décision attaquée sur ce point.

74      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’analogie opérée par la chambre de recours, au point 48 de la décision attaquée, avec le domaine pharmaceutique. En effet, il y a lieu de rappeler qu’il a déjà été jugé que les compléments alimentaires pouvaient être consommés pour prévenir ou remédier à des affections d’ordre médical au sens large du terme ou pour équilibrer des déficiences nutritionnelles [voir, en ce sens, arrêts du 23 janvier 2014, Sunrider/OHMI – Nannerl (SUN FRESH), T‑221/12, non publié, EU:T:2014:25, point 38, et du 5 octobre 2020, SBS Bilimsel Bio Çözümler/EUIPO – Laboratorios Ern (apiheal), T‑53/19, non publié, EU:T:2020:469, point 61]. Partant, il convient de relever que, à la différence des produits pharmaceutiques, les compléments alimentaires à usage médical ou diététique n’ont pas nécessairement une indication thérapeutique précise et spécifique. Dès lors, l’identification systématique de sous-catégories cohérentes au sein de la catégorie des « compléments alimentaires à usage médical ou diététique » en fonction de leur indication thérapeutique doit être exclue, dans la mesure où ce type de produits n’est pas nécessairement doté d’une telle indication.

75      En conséquence, il convient d’accueillir la première branche du moyen unique dans l’affaire T‑221/22 et de constater une violation par la chambre de recours de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, en tant qu’elle a maintenu l’enregistrement de la marque contestée pour les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique, tous les produits précités non à usage vétérinaire » compris dans la classe 5 uniquement pour la sous-catégorie « Pour les soins des yeux ».

76      En revanche, il y a lieu de rejeter l’argumentation de OHT sur laquelle repose le troisième moyen, dans l’affaire T‑242/22, et selon laquelle la chambre de recours aurait dû constater que l’indication thérapeutique du produit en cause était limitée au traitement de la DMLA et, partant, ne maintenir les droits du titulaire de la marque contestée que pour des compléments alimentaires destinés à cette seule indication thérapeutique. En effet, pour les raisons exposées aux points 67 à 72 ci-dessus, le troisième moyen dans l’affaire T‑242/22 doit être rejeté.

77      Partant, le troisième moyen dans l’affaire T‑242/22 étant rejeté, à l’instar des autres moyens soulevés par OHT dans cette affaire, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

4.      Sur les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen unique dans l’affaire T221/22

78      Dans le cadre des troisième, quatrième et cinquième branches de son moyen unique, dans l’affaire T‑221/22, premièrement, PIB fait valoir que la chambre de recours a, à tort, considéré que les « produits pour les soins des yeux (à usage pharmaceutique) » étaient des substances directement appliquées sur l’œil sous forme de liquides ou de crèmes à des fins de protection et d’entretien. PIB souligne également que, la demande de marque ayant été faite en allemand, le terme « Mittel » dans l’expression « Mittel zur Augenpflege (für pharmazeutische Zwecke) », serait un terme beaucoup plus large que le terme anglais « preparation », choisi par l’EUIPO, et devrait être traduit de manière plus adéquate par le terme « produit » (product en anglais). Au demeurant, les « produits pour les soins des yeux » seraient des produits qui pourraient être classés dans la large catégorie des compléments alimentaires ou, à tout le moins, qui la recoupent partiellement.

79      Deuxièmement, PIB soutient que les mêmes arguments s’appliquent aux « médicaments à usage humain et vétérinaire » et aux « produits diététiques à usage médical », pour lesquels la chambre de recours a écarté tout usage sérieux. À cet égard, cette dernière expression, dans sa version anglaise « dietetic substances for medical use », ne correspondrait pas à la formulation allemande de la liste des produits, laquelle serait « diätetische Erzeugnisse für medizinische Zwecke ». En effet, le terme allemand « Erzeugnisse » signifierait « produits » et non « substances », de sorte qu’une traduction correcte serait « produits diététiques à usage médical », ce qui couvrirait les « aliments diététiques à usage médical ».

80      Troisièmement, PIB fait valoir que, pour les mêmes raisons, c’est à tort qu’elle a été déchue de ses droits sur la marque contestée pour les « préparations vitaminées à usage médical ou diététique ». Elle souligne également que les produits Lutamax sont considérés comme étant des préparations vitaminées dans certains États membres de l’Union. Le fait que les produits contiennent des vitamines démontrerait un usage sérieux pour ces produits.

81      L’EUIPO et OHT contestent l’argumentation de PIB.

82      En l’occurrence, la chambre de recours a écarté tout usage sérieux de la marque contestée, au sein de la classe 5, pour les « produits pour les soins des yeux (à usage pharmaceutique), tous les produits précités non à usage vétérinaire », les « médicaments à usage humain et vétérinaire » et les « produits diététiques à usage médical », ainsi que les « préparations vitaminées à usage médical ou diététique ».

83      À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, PIB ne vise pas des produits combinés ayant une double finalité, mais entend protéger le même produit sous deux intitulés différents de la classification de Nice. Toutefois, une double classification du même produit n’est normalement pas possible au regard de la règle 2, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 (reprise, en substance, à l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) [arrêt du 18 novembre 2020, Allergan Holdings France/EUIPO – Dermavita (JUVEDERM ULTRA), T‑664/19, non publié, EU:T:2020:547, point 15].

84      Or, en l’espèce, il convient de relever que la seule fonction du produit en cause est de complémenter le régime alimentaire de personnes souffrant de troubles oculaires tels que la DMLA ou souhaitant les prévenir, ainsi que de personnes ayant subi une opération de la cataracte, ce qui n’est pas contesté par PIB. En outre, il résulte de l’examen des arguments précédents que la preuve de l’usage a été apportée pour les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique » compris dans la classe 5. Dès lors, eu égard notamment à la jurisprudence rappelée aux points 61 et 63 ci-dessus, il n’y avait pas lieu pour ladite chambre de retenir que ledit produit relevait d’une autre catégorie au sein de la classe 5, alors que la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour celle-ci n’avait pas été rapportée par le titulaire de la marque contestée.

85      Partant, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en écartant tout usage sérieux pour les catégories en question, même en tenant compte de la langue dans laquelle la demande de marque avait été déposée, conformément à l’article 120, paragraphe 3, du règlement no 207/2009.

86      En conséquence, il y a lieu d’écarter les troisième, quatrième et cinquième branches du moyen unique, dans l’affaire T‑221/22, comme étant non fondées.

5.      Sur les deuxième et sixième branches du moyen unique dans l’affaire T221/22

87      D’une part, PIB fait grief à la chambre de recours d’avoir affirmé que la marque contestée n’était pas utilisée pour les « aliments diététiques et compléments alimentaires non à usage médical », compris dans les classes 29 et 30. La chambre de recours aurait présumé, à tort, que le produit en cause ne saurait être un aliment, étant donné qu’il a une finalité médicale et qu’il ne constitue pas une seule source de nutrition. PIB souligne qu’elle est légalement tenue, dans plusieurs pays de l’Union, d’étiqueter ses produits en y mentionnant le terme « aliment » ou son synonyme « nourriture » et que des motifs de sécurité juridique plaident en faveur de la reconnaissance d’un usage de la marque contestée en tant que tel.

88      D’autre part, s’agissant des produits relevant de la classe 29, PIB reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte du fait que les produits pour lesquels l’usage de la marque a été démontré contenaient des quantités pertinentes d’huile de chardon et de graisse.

89      L’EUIPO et OHT contestent l’argumentation de PIB.

90      En l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’aucun usage sérieux n’avait été prouvé pour les produits relevant des classes 29 et 30.

91      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la règle 2, paragraphe 1, du règlement no 2868/95 (devenu article 33, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), la classification appliquée est celle de Nice. En outre, en vertu de la règle 2, paragraphe 2, du même règlement (reprise, en substance, à l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la liste des produits et des services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature et à ne permettre la classification de chaque produit et de chaque service que dans une seule classe de la classification de Nice.

92      Partant, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le produit en cause, dont l’usage sérieux en tant que « Compléments alimentaires à usage médical ou diététique » était prouvé, ne pouvait également relever de la classe 29 ou de la classe 30.

93      Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter les deuxième et sixième branches du moyen unique, dans l’affaire T‑221/22, comme étant non fondées.

94      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, la première branche du moyen unique dans l’affaire T‑221/22 étant fondée, il convient d’annuler le point 2 du dispositif de la décision attaquée, en tant que la chambre de recours a maintenu l’enregistrement de la marque contestée pour les « compléments alimentaires à usage médical ou diététique, tous les produits précités non à usage vétérinaire » compris dans la classe 5 uniquement pour la sous-catégorie « Pour les soins des yeux ». Il y a lieu également de rejeter le recours dans l’affaire T‑221/22, pour le surplus, ainsi que le recours dans l’affaire T‑242/22.

IV.    Sur les dépens

95      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application de l’article 134, paragraphe 2, dudit règlement, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. Conformément à l’article 134, paragraphe 3, de ce règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

96      En l’espèce, dans l’affaire T‑221/22, PIB a conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens, sans toutefois conclure à la condamnation de la partie intervenante aux dépens. En outre, si une partie du recours de PIB a été accueilli, le reste du recours a été rejeté. Partant, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

97      Dans l’affaire T‑242/22, l’EUIPO et PIB ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de décider que OHT supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’EUIPO et par PIB.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le point 2 du dispositif de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 février 2022 (affaires jointes R 524/20211 et R 649/20211) est annulé.

2)      Le recours dans l’affaire T221/22 est rejeté pour le surplus.

3)      Le recours dans l’affaire T242/22 est rejeté.

4)      Dans l’affaire T221/22, Pharmaselect International Beteiligungs GmbH, l’EUIPO et OmniActive Health Technologies Ltd supporteront leurs propres dépens.

5)      Dans l’affaire T242/22, OmniActive Health Technologies Ltd supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’EUIPO et par Pharmaselect International Beteiligungs GmbH.

Kornezov

Kecsmár

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.