Language of document : ECLI:EU:T:2023:546

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

13 septembre 2023 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Fruits et légumes – Apurement de conformité – Valeur de la production commercialisée d’une organisation de producteurs – Modification des programmes opérationnels des organisations de producteurs – Pénalité »

Dans l’affaire T‑57/22,

Hongrie, représentée par MM. M. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme J. Aquilina et M. V. Bottka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. M. Jaeger (rapporteur) et P. Nihoul, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la Hongrie demande l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2021/2020 de la Commission, du 17 novembre 2021, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2021, L 413, p. 10, ci-après la « décision attaquée »), en tant qu’elle concerne les dépenses qu’elle aurait engagées au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) au cours des exercices financiers 2018 et 2019 pour un montant de 479 576,63 euros.

 Antécédents du litige

2        Au cours des exercices financiers 2016 à 2019, plusieurs organisations de producteurs actives en Hongrie dans le secteur des fruits et des légumes (ci-après les « organisations de producteurs ») ont reçu des aides au titre du FEAGA.

3        La Commission européenne a ouvert l’enquête FV/2018/001/HU à l’encontre de la Hongrie pour vérifier si le contrôle par celle-ci des aides versées aux organisations de producteurs au titre du FEAGA avait été effectué conformément à la législation de l’Union européenne au cours des exercices financiers 2016 à 2019 (ci-après l’« enquête »), sur le fondement de l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), et de l’article 34 du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59), dans sa version en vigueur au moment de l’enquête.

4        Du 5 au 9 février 2018, dans le cadre de l’enquête, la Commission a effectué un audit sur place, en Hongrie.

5        Par une lettre du 21 juin 2018 (ci-après la « lettre de constatation »), la Commission a notifié aux autorités hongroises le résultat de ses vérifications, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 908/2014. Dans cette lettre, la Commission a, notamment :

–        relevé que le système de contrôle mis en place par la Hongrie pour vérifier l’octroi des aides versées aux organisations de producteurs au titre du FEAGA n’était pas conforme à la législation de l’Union. À cet égard, la Commission a, notamment, retenu une violation par la Hongrie de l’article 42, de l’article 50, paragraphe 7, de l’article 104, paragraphe 2, et de l’article 117, paragraphe 3, de son règlement d’exécution (UE) no 543/2011, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1), dans sa version en vigueur au moment de l’enquête ;

–        demandé aux autorités hongroises de mettre en place des mesures correctives et de lui soumettre un calcul plus précis des sommes à écarter éventuellement du financement de l’Union pour violation des normes applicables ;

–        demandé aux autorités hongroises de fournir des informations supplémentaires ainsi que des éléments de preuve en ce qui concernait les non-conformités relevées par elle ;

–        invité, conformément à l’article 34, paragraphe 2, du règlement no 908/2014, les autorités hongroises à une réunion bilatérale.

6        Par une lettre du 5 septembre 2018, la Hongrie a fait parvenir à la Commission ses observations relatives à la lettre de constatation (ci-après la « lettre du 5 septembre 2018 »). Dans cette lettre, elle contestait les allégations relatives à une prétendue violation de l’article 42, de l’article 50, paragraphe 7, de l’article 104, paragraphe 2, et de l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011 et fournissait des informations supplémentaires sur les contrôles effectués ainsi que des exemples de la façon dont les modifications apportées aux programmes opérationnels des organisations de producteurs avaient été vérifiées.

7        Le 5 février 2019, la Commission et les autorités hongroises se sont rencontrées lors d’une réunion bilatérale.

8        Le 25 février 2019, la Commission a transmis à la Hongrie le procès-verbal de cette réunion bilatérale.

9        Le 26 mars 2019, la Hongrie a communiqué à la Commission ses observations sur ledit procès-verbal.

10      Par une lettre du 19 mars 2020, la Commission a envoyé aux autorités hongroises les conclusions préliminaires de l’enquête (ci-après les « conclusions préliminaires »), conformément à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 908/2014, dans lesquelles elle a :

–        confirmé sa position, déjà exprimée dans la lettre de constatation, quant à la non-conformité du système de contrôle mis en place par la Hongrie pour vérifier l’octroi des aides versées aux organisations de producteurs au titre du FEAGA ;

–        proposé d’exclure du financement de l’Union la somme de 778 768,81 euros résultant de l’application d’une correction forfaitaire de 5 % aux paiements effectués par la Hongrie en violation du droit de l’Union (ci-après la « correction forfaitaire globale ») ;

–        informé la Hongrie de son droit d’entamer une procédure de conciliation aux termes de l’article 40, paragraphe 1, du règlement no 908/2014.

11      Plus particulièrement, s’agissant de la non-conformité du système de contrôle mis en place par la Hongrie, la Commission a, notamment, relevé des insuffisances en ce qui concernait deux contrôles clés.

12      Dans le cadre du premier contrôle clé, la Commission a relevé deux violations de la réglementation de l’Union.

13      Premièrement, la Commission a fait valoir une violation de l’article 42 et de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011, au motif que les autorités hongroises n’avaient pas effectué les contrôles appropriés en ce qui concernait le calcul de la valeur de la production commercialisée des organisations de producteurs. Plus particulièrement, selon la Commission, l’énoncé « [l]a production commercialisée des fruits et légumes est facturée au stade “de sortie de l’organisation de producteurs” » figurant à l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 devait être interprété en ce sens que l’organisation de producteurs, en tant que vendeuse, était tenue de mettre les marchandises convenablement emballées à la disposition de l’acheteur dans un endroit déterminé (normalement dans ses locaux ou ses entrepôts), les frais de transport étant à la charge de ce dernier. Par conséquent, la Commission a soutenu que, dans les cas où les organisations de producteurs utilisaient leurs propres moyens de transport pour livrer les marchandises aux acheteurs, la valeur de la production commercialisée devait être réduite des coûts correspondant au transport et à la dépréciation des véhicules utilisés pour ce transport. Or, selon la Commission, cela n’a pas été le cas en l’espèce.

14      Deuxièmement, la Commission a fait valoir une violation de l’article 104, paragraphe 2, du règlement no 543/2011 au motif que les autorités hongroises n’avaient pas fourni suffisamment de preuves en ce qui concernait le caractère adéquat des contrôles ayant pour objet les demandes de modification des programmes opérationnels des organisations de producteurs. En l’espèce, les insuffisances identifiées par la Commission concernaient principalement l’admissibilité des dépenses [article 104, paragraphe 2, sous c), du règlement no 543/2011] ainsi que la cohérence, la qualité technique et le sérieux des estimations relatives aux actions proposées [article 104, paragraphe 2, sous d), du règlement no 543/2011]. Plus particulièrement, selon la Commission, certaines organisations de producteurs avaient supporté des dépenses plus élevées que celles initialement prévues dans le programme opérationnel, sans que cette augmentation ait fait l’objet d’une vérification ponctuelle de la part des autorités compétentes.

15      S’agissant du second contrôle clé, la Commission a fait valoir une violation de l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011 au motif que, dans le cas de plusieurs organisations de producteurs, il y avait eu un écart de plus de 3 % entre le montant de l’aide payable auxdites organisations sur la base de leur demande et le montant de l’aide calculé après l’examen de la recevabilité de leur demande par les autorités compétentes. Dans ces conditions, selon la Commission, conformément à l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011, la Hongrie aurait dû appliquer une pénalité correspondant audit écart. Or, la Commission a constaté qu’aucune pénalité n’avait été imposée par la Hongrie.

16      Le 5 mai 2020, les autorités hongroises ont demandé une conciliation, sur le fondement de l’article 40, paragraphe 1, du règlement no 908/2014. À cette occasion, elles ont contesté l’applicabilité au cas d’espèce de la correction forfaitaire globale et ont demandé à l’organe de conciliation de se prononcer sur l’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 en ce qui concernait l’inclusion des coûts de transport et de dépréciation des véhicules dans la valeur de la production commercialisée des organisations de producteurs.

17      Par une lettre du 6 mai 2020, la Hongrie a fourni à la Commission des informations sur certaines mesures correctives qu’elle avait prises pour remédier aux lacunes mises en exergue dans la procédure relative à l’approbation des programmes opérationnels des organisations de producteurs (ci-après la « lettre du 6 mai 2020 »).

18      Le 22 novembre 2020, l’organe de conciliation a communiqué son rapport, dans lequel il constatait qu’une conciliation n’était pas possible parce que le montant des dépenses en cause était inférieur à la limite de recevabilité des demandes de conciliation, fixée à 1 million d’euros par l’article 40, paragraphe 2, du règlement no 908/2014. Malgré cette constatation, s’agissant de la question de principe tenant à l’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011, l’organe de conciliation a relevé l’existence d’interprétations divergentes de la part de la Commission et de la Hongrie et a refusé de se prononcer sur celles-ci. Il a, néanmoins, invité la Commission à réfléchir à la possibilité de compléter l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 avec un nouveau « point » c), qui s’appliquerait, de manière spécifique, aux coûts de transport supportés pour livrer les marchandises en dehors des locaux des organisations de producteurs.

19      À la suite de l’échec de la conciliation, la Commission a communiqué à la Hongrie, par une lettre du 15 avril 2021 et sur le fondement de l’article 34, paragraphe 4, du règlement no 908/2014, les conclusions finales de l’enquête (ci-après les « conclusions finales »), par lesquelles elle a confirmé sa position figurant dans les conclusions préliminaires en ce qui concernait, notamment, la violation, par la Hongrie, du premier contrôle clé et du second contrôle clé et a proposé d’exclure du financement de l’Union la somme de 778 768,81 euros résultant de l’application de la correction forfaitaire globale.

20      Par une lettre du 15 juin 2021, la Commission a par ailleurs informé la Hongrie du fait qu’elle considérait que les informations communiquées par la lettre du 6 mai 2020 avaient été fournies tardivement, en dehors de la procédure d’apurement de conformité, et qu’elle ne pouvait donc pas les prendre en considération dans le cadre de cette procédure.

21      Le 25 octobre 2021, la Commission a envoyé à la Hongrie un rapport de synthèse (ci-après le « rapport de synthèse »), dans lequel elle a rappelé les différentes étapes de l’enquête, la portée des observations formulées par la Hongrie au cours de la procédure d’apurement de conformité et la motivation des conclusions finales.

22      Le 17 novembre 2021, la Commission a adopté la  décision attaquée imposant la correction forfaitaire globale à la Hongrie, pour un montant de 778 768,81 euros.

 Conclusions des parties

23      La Hongrie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée en tant qu’elle concerne la correction forfaitaire appliquée aux dépenses qu’elle aurait effectuées au titre du FEAGA, au cours des exercices financiers 2018 et 2019, en violation du premier contrôle clé et du second contrôle clé, pour un montant de 479 576,63 euros (ci-après la « correction forfaitaire attaquée ») ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la Hongrie aux dépens.

 Sur le fond

25      À l’appui de son recours, la Hongrie soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction forfaitaire attaquée au motif de l’inclusion par la Hongrie des coûts de transport et de dépréciation des véhicules dans la valeur de la production commercialisée des organisations de producteurs. Le deuxième moyen est tiré de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction forfaitaire attaquée au motif du caractère insuffisant des preuves fournies par la Hongrie en ce qui concerne les modifications des programmes opérationnels des organisations de producteurs. Le troisième moyen est tiré de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction forfaitaire attaquée au motif du défaut d’application par la Hongrie d’une pénalité pour des montants non admissibles de l’aide.

26      À titre liminaire, il y a lieu de relever que certaines des dispositions du règlement no 543/2011 auquel se réfèrent la Commission et la Hongrie ont été abrogées ou remplacées, avec effet au 1er juin 2017, par le règlement délégué (UE) 2017/891 de la Commission, du 13 mars 2017, complétant le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des produits transformés à base de fruits et légumes ainsi que le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les sanctions à appliquer dans ces secteurs et modifiant le règlement no 543/2011 (JO 2017, L 138, p. 4).

27      Or, il est constant entre les parties que le règlement no 543/2011 continue de s’appliquer en l’espèce en vertu de l’article 80 du règlement 2017/891.

28      Il s’ensuit que c’est sur le fondement du règlement no 543/2011 qu’il convient d’analyser les trois moyens soulevés par la Hongrie.

 Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction forfaitaire attaquée au motif de l’inclusion par la Hongrie des coûts de transport et de dépréciation des véhicules dans la valeur de la production commercialisée des organisations de producteurs

29      Au sein de son premier moyen, la Hongrie soulève trois griefs.

 Sur le premier grief du premier moyen, tiré d’une violation des règles procédurales établies par l’article 52 du règlement no 1306/2013 et l’article 34 du règlement no 908/2014

30      Par le premier grief de son premier moyen, la Hongrie soutient, en substance, que la question relative à l’inclusion, dans la valeur de la production commercialisée, des coûts de transport ainsi que des coûts de dépréciation des véhicules de transport n’a pas été discutée pendant l’audit qui s’est déroulé du 5 au 9 février 2018, mais a uniquement été soulevée par la Commission lors de la réunion de clôture de cet audit, en violation de la procédure prévue par l’article 52 du règlement no 1306/2013 et l’article 34 du règlement no 908/2014.

31      La Commission conteste ce grief.

32      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’article 52 du règlement no 1306/2013 et l’article 34 du règlement no 908/2014 subordonnent la décision de la Commission d’exclure du financement de l’Union les dépenses effectuées par un État membre en violation des règles applicables au respect de la procédure d’apurement de conformité.

33      Ensuite, il convient de relever que l’article 52 du règlement no 1306/2013 et l’article 34 du règlement no 908/2014 n’imposent à la Commission de présenter les conclusions de son enquête ni pendant l’audit ni, dans le cadre de celui-ci, avant la réunion de clôture. Au contraire, c’est lors des échanges ultérieurs et sur la base des informations et des preuves ultérieurement fournies par les États membres que la Commission peut valablement, au terme de la procédure d’apurement de conformité, décider d’exclure certaines dépenses du budget de l’Union.

34      Enfin, il convient de constater que, en l’espèce, la question tenant à l’inclusion des coûts de transport supportés par les organisations de producteurs pour livrer les fruits et légumes aux acheteurs avec leurs propres véhicules ainsi que des coûts de dépréciation de ces véhicules dans la valeur de la production commercialisée a effectivement été évoquée à plusieurs reprises entre les parties au cours de la procédure d’apurement de conformité. En effet, cette question a été discutée lors de la réunion de clôture de l’audit, mentionnée dans la lettre de constatation et dans la lettre du 5 septembre 2018, discutée lors de la réunion bilatérale du 5 février 2019 et évoquée par la Hongrie dans ses observations sur le procès-verbal de cette réunion bilatérale. En outre, elle a fait l’objet d’une communication détaillée de la part de la Commission dans les conclusions préliminaires, dans les conclusions finales et dans le rapport de synthèse.

35      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le grief tiré de la violation des règles procédurales établies par l’article 52 du règlement no 1306/2013 et l’article 34 du règlement no 908/2014 n’est pas fondé.

36      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que la Commission n’a pas rédigé de procès-verbal de la réunion de clôture de l’audit. En effet, ni l’article 52 du règlement no 1306/2013 ni l’article 34 du règlement no 908/2014 ne lui imposent l’obligation de rédiger un tel document.

37      Ainsi, il y a lieu de rejeter le premier grief du premier moyen.

 Sur le deuxième grief du premier moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 42 et de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011

38      Par le deuxième grief de son premier moyen, la Hongrie affirme que la Commission interprète de manière erronée l’article 42 et l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011. Plus particulièrement, selon la Hongrie, la Commission commet une erreur d’interprétation et de droit en considérant que l’énoncé « [l]a production commercialisée des fruits et légumes est facturée au stade “de sortie de l’organisation de producteurs” », figurant à l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011, doit être interprété en ce sens que les frais de transport des fruits et des légumes sont à la charge de l’acheteur et que, par conséquent, lorsque l’organisation de producteurs effectue le transport de ces produits avec son propre véhicule, comme c’est le cas en l’espèce, les coûts de transport ainsi que les coûts de dépréciation du véhicule doivent être exclus du calcul de la valeur de la production commercialisée de ladite organisation.

39      Premièrement, la Hongrie décrit trois cas de figure. D’abord, selon elle, lorsque l’acheteur prend livraison des fruits et des légumes dans les locaux de l’organisation de producteurs et supporte les coûts relatifs à leur transport jusqu’à ses propres locaux, l’organisation de producteurs n’est pas autorisée à inclure ces coûts ainsi que ceux liés à la dépréciation des véhicules dans la valeur de la production commercialisée. Les coûts de transport seraient en effet à la charge de l’acheteur. Ensuite, selon la Hongrie, lorsque l’organisation de producteurs livre et transporte avec son propre véhicule le produit chez l’acheteur et que le prix de ce service figure dans la facture émise au bénéfice de l’acheteur, les coûts de transport et de dépréciation du véhicule ne sont pas inclus dans le calcul de la valeur de la production commercialisée parce que ces coûts sont répercutés sur l’acheteur. Ainsi, si, par erreur, ils ont été inclus dans la valeur de la production commercialisée, ils devraient en être déduits. Enfin, la Hongrie estime que, lorsque l’organisation de producteurs livre avec son propre véhicule le produit chez l’acheteur, mais ne lui facture pas de frais de transport distincts à ce titre, les coûts de transport et de dépréciation du véhicule sont inclus dans le calcul de la valeur de la production commercialisée de ladite organisation.

40      Deuxièmement, la Hongrie soutient que le contrat de vente entre une organisation de producteurs et l’acheteur de ses produits est régi, conformément à la Polgári Törvénykönyvről szóló 2013. évi V. törvény (loi n° V de 2013 instituant le code civil), par le principe de liberté contractuelle. Cela impliquerait que les parties seraient libres de choisir qui, du vendeur ou de l’acheteur, est tenu de supporter les coûts de transport. Ainsi, aucune obligation visant à imposer de manière généralisée à l’acheteur de supporter les coûts de transport des marchandises ne saurait être tirée de l’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011.

41      Troisièmement, la Hongrie relève que, au cours de la procédure d’audit, les représentants de la Commission ont fait référence aux International Commercial Terms (Incoterms, termes du commerce international), qui sont généralement utilisés pour établir les droits et les obligations des parties dans les contrats de vente de marchandises. Or, la Hongrie estime que, en l’espèce, les Incoterms ne sont pas applicables, dans la mesure où ils ne sont pas mentionnés de manière spécifique par le règlement no 543/2011.

42      Quatrièmement, la Hongrie fait valoir que l’article 26 de l’általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi hongroise n° CXXVII de 2007 relative à la taxe sur la valeur ajoutée) (Magyar Közlöny 2007/155. (XI.16.), ci-après la « loi hongroise sur la TVA »), qui transpose en droit hongrois l’article 32 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), prévoit que, lorsque l’expédition ou le transport de la marchandise est effectué par le fournisseur, par l’acheteur ou, pour le compte de l’un ou de l’autre, par un tiers, le lieu de la livraison du bien est celui où le bien se trouve au moment de l’expédition ou du départ du transport mentionnant l’acheteur en tant que destinataire. Il s’ensuit, selon la Hongrie, que, conformément à l’article 26 de la loi hongroise sur la TVA, le lieu de livraison du produit coïncide avec le lieu où se trouve le bien au moment de l’expédition ou du départ du transport, indépendamment du fait que le transport soit effectué par le vendeur ou par l’acheteur. Cette interprétation de l’article 26 de la loi hongroise sur la TVA étayerait la conclusion selon laquelle le transport d’une marchandise peut être effectué tant par le vendeur que par l’acheteur, sans que cela implique nécessairement l’obligation pour le vendeur d’exclure les coûts de transport de la valeur de sa production commercialisée en vertu de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011.

43      Cinquièmement, lors de l’audience, la Hongrie a fait valoir que l’expression « le cas échéant » figurant à l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 vise à indiquer que les coûts de transport interne ne sont pas toujours déduits de la valeur de la production commercialisée d’une organisation de producteurs, mais seulement dans certaines hypothèses. Ainsi, selon la Hongrie, les coûts de transport externe devraient également n’être déduits de la valeur de la production commercialisée que « le cas échéant », comme les coûts de transport interne visés à l’article 50, paragraphe 7, sous b), du règlement no 543/2011.

44      La Commission conteste ce deuxième grief.

–       Sur la violation de l’article 42 du règlement no 543/2011

45      La Hongrie soutient que la Commission a violé l’article 42 du règlement n° 543/2011. Cependant, il y a lieu de considérer qu’elle entend, en substance, faire référence à la violation de l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement.

46      Il convient de rappeler que l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 543/2011 prévoit que l’article 50, paragraphes 1 à 4, paragraphe 6, première phrase, et paragraphe 7, du même règlement s’applique mutatis mutandis aux groupements de producteurs.

47      Il s’ensuit que l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 543/2011 vise uniquement les groupements de producteurs.

48      Or, dans la mesure où le recours porte sur l’octroi des aides au titre du FEAGA à des organisations de producteurs, et non à des groupements de producteurs, l’argument de la Hongrie relatif à la violation de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 543/2011 ne peut pas prospérer.

–       Sur la violation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011

49      Les termes de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 sont les suivants :

« La production commercialisée des fruits et légumes est facturée au stade “de sortie de l’organisation de producteurs”, le cas échéant, en tant que produit mentionné à l’annexe I, partie IX, du règlement (CE) no 1234/2007, préparé et emballé,

a)      hors TVA ;

b)      hors coûts de transport interne en cas de distance importante entre les points centralisés de collecte ou de conditionnement et le point de distribution de l’organisation de producteurs. Les États membres fixent les réductions à appliquer à la valeur facturée des produits aux différents stades de livraison et de transport et veillent à dûment justifier dans leur stratégie nationale quelle distance est considérée comme importante. »

50      Il ressort de cette disposition que c’est au moment où les fruits et légumes dûment emballés et préparés sortent des locaux de l’organisation de producteurs que leur facturation est effectuée. Cela implique qu’il revient à l’acheteur de prendre en charge le transport de ces produits et d’en supporter les coûts, sa relation commerciale avec le vendeur s’étant achevée au moment de la facturation intervenue au stade « de sortie de l’organisation de producteurs ».

51      L’énoncé « [l]a production commercialisée des fruits et légumes est facturée au stade “de sortie de l’organisation de producteurs” » doit donc être interprété comme visant à exclure du calcul de la valeur de la production commercialisée d’une organisation de producteurs les coûts de transport et les coûts liés à la dépréciation des véhicules utilisés pour le transport.

52      Il s’ensuit que, lorsque, comme en l’espèce, l’organisation de producteurs effectue la livraison des fruits et des légumes à l’acheteur avec son propre véhicule, les coûts de transport qu’elle supporte et les coûts liés à la dépréciation du véhicule utilisé pour le transport ne peuvent pas être inclus dans la valeur de la production commercialisée. Il résulte donc de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 que ces dépenses ne sont pas éligibles à l’aide. Par conséquent, si ces coûts ont été erronément inclus dans le calcul de la valeur de la production commercialisée d’une organisation de producteurs, ils doivent en être déduits.

53      Cette interprétation est indirectement confirmée par l’article 50, paragraphe 7, sous b), du règlement no 543/2011, qui exclut du calcul de la valeur de la production commercialisée d’une organisation de producteurs les coûts de transport interne supportés par celle-ci pour déplacer les produits au sein de ses locaux en cas de distance importante entre ses points centralisés de collecte ou de conditionnement et son point de distribution. Ainsi, une lecture d’ensemble de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 permet de considérer que la valeur de la production commercialisée d’une organisation de producteurs est calculée hors coûts de transport, qu’il s’agisse de coûts de transport interne, en cas de distance importante entre ses points centralisés de collecte ou de conditionnement et son point de distribution, ou de coûts de transport externe, lorsque les produits sont livrés par ladite organisation à l’acheteur.

54      De plus, cette interprétation est conforme à l’objectif de l’article 50 du règlement no 543/2011, qui est de protéger le budget de l’Union et d’éviter le risque de fraude envers celui-ci. À cet effet, il est essentiel que la valeur de la production commercialisée soit calculée sur la base des critères fixés par ledit article.

55      Or, l’un de ces critères est que la production commercialisée est facturée au stade « de sortie de l’organisation de producteurs ». Ainsi, les coûts de transport et de dépréciation des véhicules ne peuvent pas être inclus dans la valeur de la production commercialisée.

56      Cette interprétation ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par la Hongrie.

57      Premièrement, contrairement à ce que soutient la Hongrie, l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 ne distingue pas les cas dans lesquels l’organisation de producteurs inclut les coûts de transport dans la facture émise à l’égard de l’acheteur des cas dans lesquels elle ne le fait pas. En effet, dans les deux hypothèses, ces coûts sont supportés par l’organisation de producteurs. La différence réside dans le fait que, dans la première hypothèse, lorsque les coûts de transport sont inclus dans la facture, ils sont répercutés sur l’acheteur, alors que, dans la seconde hypothèse, ils ne le sont pas. Or, cette différence est sans pertinence aux fins de l’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011, qui se limite à prévoir que la valeur de la production commercialisée est facturée au stade « de sortie de l’organisation de producteurs ».

58      Deuxièmement, en ce qui concerne le principe de liberté contractuelle invoqué par la Hongrie, qui résulterait de la loi hongroise n° V de 2013 instituant le code civil, il y a lieu de considérer que la référence à ce principe est dépourvue de pertinence en l’espèce. En effet, il ne s’agit pas de déterminer le contenu du contrat de vente établi entre l’organisation de producteurs, en tant que vendeuse, et l’acheteur de ses produits sur le fondement du droit civil hongrois, mais de savoir si, selon le droit de l’Union et, notamment, l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011, afin de bénéficier du financement octroyé au titre du FEAGA, l’organisation de producteurs est autorisée à inclure les coûts de transport et les coûts liés à la dépréciation des véhicules qu’elle a utilisés pour livrer ses produits à l’acheteur dans le calcul de la valeur de sa production commercialisée.

59      Or, selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes utilisés dans une disposition du droit de l’Union ne comportant aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent être interprétés de manière autonome et uniforme, en tenant compte du contexte et de l’objectif poursuivi par la réglementation en question (arrêts du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, EU:C:1984:11, point 11, et du 19 septembre 2000, Linster, C‑287/98, EU:C:2000:468, point 43).

60      L’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 ne contenant aucun renvoi au droit civil hongrois, il s’ensuit que celui-ci ne saurait être pris en compte pour interpréter ledit article.

61      Troisièmement, s’agissant de la référence faite par la Commission aux Incoterms, il y a lieu de préciser que ceux-ci, qui sont définis par la Chambre de commerce internationale (CCI), constituent un ensemble codifié des stipulations contractuelles standards relatives au transport de marchandises. Plus précisément, dans un contrat de vente, les Incoterms permettent de déterminer les obligations réciproques du vendeur et de l’acheteur, la répartition des coûts de transport ainsi que le lieu de livraison de la marchandise, lequel représente le point de transfert des risques du vendeur à l’acheteur. Généralement employés dans le domaine du commerce international, les Incoterms peuvent aussi s’appliquer au niveau national.

62      Selon la jurisprudence, les Incoterms bénéficient d’une reconnaissance et d’une utilisation pratique particulièrement élevées dans le domaine du commerce international. Ils facilitent les tâches des parties dans la rédaction du contrat car, par l’utilisation de termes brefs et simples, ces dernières peuvent déterminer une large partie de leurs relations commerciales (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Electrosteel Europe, C‑87/10, EU:C:2011:375, point 21).

63      Il s’ensuit que, dans le cadre de l’examen d’un contrat, afin de déterminer le lieu de livraison de la marchandise, la juridiction nationale doit prendre en compte tous les termes et toutes les clauses pertinentes de ce contrat, y compris, le cas échéant, les termes et les clauses généralement reconnus et consacrés par les usages du commerce international, tels que les Incoterms, pour autant qu’ils soient de nature à permettre d’identifier, de manière claire, ce lieu (arrêt du 9 juin 2011, Electrosteel Europe, C‑87/10, EU:C:2011:375, point 22).

64      Or, en l’espèce, la référence aux Incoterms n’est pas pertinente pour interpréter l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011. Il ne s’agit pas, en effet, de déterminer le lieu de livraison d’un produit dans le cadre d’un contrat de vente, mais d’apprécier si les coûts de transport supportés par une organisation de producteurs pour livrer des fruits et des légumes à un acheteur avec son propre véhicule ainsi que les coûts liés à la dépréciation de ce véhicule peuvent être inclus dans le calcul de la valeur de la production commercialisée qui, aux termes de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011, est facturée au stade « de sortie de l’organisation de producteurs ».

65      Quatrièmement, il y a lieu de considérer que la référence faite par la Hongrie à l’article 26 de la loi hongroise sur la TVA est également sans pertinence en l’espèce. En effet, il ne s’agit pas de déterminer le lieu de livraison d’un produit aux fins de l’application des règles en matière de TVA, mais d’apprécier si les coûts de transport supportés par une organisation de producteurs pour livrer des fruits et des légumes à un acheteur avec son propre véhicule ainsi que les coûts liés à la dépréciation de ce véhicule peuvent être inclus dans le calcul de la valeur de la production commercialisée, laquelle, aux termes de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011, est facturée au stade « de sortie de l’organisation de producteurs ».

66      Cinquièmement, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la Hongrie, l’expression « le cas échéant » figurant à l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 ne vise pas les coûts de transport interne, mais la qualification des fruits et des légumes, « le cas échéant », de produits préparés et emballés, au sens de l’annexe I, partie IX, du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (JO 2007, L 299, p. 1), dans sa version en vigueur au moment de l’enquête.

67      Or, indépendamment de la question de savoir si les fruits et légumes vendus par l’organisation de producteurs peuvent être qualifiés de produits au sens de l’annexe I, partie IX, du règlement no 1234/2007, la production commercialisée de ladite organisation est toujours facturée hors TVA et hors coûts de transport interne en cas de distance importante entre les points centralisés de collecte ou de conditionnement et le point de distribution et donc, mutatis mutandis, hors coûts de transport externe.

68      Ainsi, il convient de rejeter l’ensemble des arguments de la Hongrie relatifs à la violation, par la Commission, de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011.

69      Par conséquent, le deuxième grief du premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le troisième grief du premier moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

70      Par le troisième grief de son premier moyen, la Hongrie soulève deux arguments.

71      En premier lieu, elle soutient que, lors de la détermination du montant de la correction forfaitaire attaquée, la Commission a violé le principe de proportionnalité, dès lors qu’elle n’a pas pris en compte les difficultés d’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 mises en évidence par l’organe de conciliation dans son rapport. Plus particulièrement, selon la Hongrie, la Commission aurait dû, sur la base du principe de proportionnalité et conformément au point 3.5 des lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes telles qu’elles figurent dans sa communication C(2015) 3675 final, du 8 juin 2015 (ci-après les « lignes directrices »), considérer que les difficultés d’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 constituaient une circonstance atténuante pouvant justifier l’application d’un taux de correction inférieur, voire l’absence de toute correction.

72      En second lieu, la Hongrie soutient que, lors de la détermination du montant de la correction forfaitaire attaquée, la Commission a violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

73      La Commission conteste ces arguments.

74      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 dispose ce qui suit :

« La Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union. »

75      Il s’ensuit que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 prévoit trois types de corrections : une correction calculée, une correction extrapolée et une correction forfaitaire. En outre, cette disposition établit une hiérarchie entre ces trois types de corrections. En effet, une correction calculée est appliquée lorsque des montants précis indûment dépensés peuvent être mis en évidence. Si tel n’est pas le cas, une correction extrapolée ou une correction forfaitaire peut être appliquée, étant précisé qu’une correction forfaitaire n’est appliquée que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer précisément le préjudice financier causé à l’Union.

76      Par ailleurs, il ressort de l’article 12, paragraphe 6, du règlement délégué no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18), que ce n’est que lorsque les conditions pour appliquer une correction calculée ou une correction extrapolée ne sont pas remplies ou lorsque la nature du cas est telle que les montants à exclure ne peuvent pas être déterminés sur la base de ces méthodes que la Commission peut appliquer une correction forfaitaire, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction et de sa propre estimation du risque de préjudice financier pour l’Union. Lors de l’application d’une correction forfaitaire, la Commission doit également tenir compte du type de non-conformité constatée et, notamment, déterminer s’il s’agit d’une insuffisance dans un contrôle clé ou dans un contrôle secondaire.

77      À cet égard, le point 3.5 des lignes directrices indique ce qui suit :

« Le fait que des mesures correctives aient été prises immédiatement après que les déficiences ont été signalées à l’État membre ne peut pas influencer le taux de correction. Toutefois, cela peut influencer la période pour laquelle la correction est appliquée et, par conséquent, le montant global de la correction financière.

Lorsque les déficiences ont découlé de difficultés dans l’interprétation de textes législatifs de l’Union, sauf dans le cas où l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’État membre résolve ces difficultés avec les services de la Commission, et que les autorités nationales ont pris des mesures efficaces pour remédier aux déficiences aussitôt qu’elles ont été décelées, cette circonstance atténuante peut être prise en considération et il peut être proposé un taux de correction inférieur, voire pas de correction du tout. »

78      En l’espèce, il ressort des conclusions préliminaires et du rapport de synthèse que la Hongrie a fourni à la Commission un calcul du montant de la somme indûment dépensée à la suite de l’inclusion prétendument erronée des coûts de transport et de dépréciation des véhicules dans la valeur de la production commercialisée des organisations de producteurs. Ce montant, qui a été accepté par la Commission, s’élève à 70 706 euros. Il ressort également des conclusions préliminaires et du rapport de synthèse que la Hongrie n’a pas donné d’informations à la Commission concernant les montants des sommes indûment dépensées dans le cadre des autres contrôles clés, dont la prétendue insuffisance fait l’objet des deuxième et troisième moyens soulevés à l’appui du recours.

79      Dans ces conditions, la Commission a décidé, conformément à l’article 12, paragraphe 6, du règlement no 907/2014, d’appliquer la correction forfaitaire globale de 5 %, qui englobe aussi les dépenses indûment effectuées par la Hongrie concernant la valeur de la production commercialisée des organisations de producteurs, laquelle s’élève à 70 706 euros.

80      Il y a également lieu de noter que, conformément au point 3.2, sous 2, des lignes directrices, une correction forfaitaire de 5 % s’applique lorsqu’un ou deux contrôles clés ne sont pas effectués en respectant le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les dispositions applicables du droit de l’Union car, dans ces circonstances, il peut être raisonnablement conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie quant à la régularité des demandes et que le risque pour le FEAGA est significatif.

81      C’est dans ces circonstances qu’il convient d’apprécier si la Commission a violé les principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime en fixant la correction forfaitaire attaquée à la somme de 479 576,63 euros.

–       Sur la violation du principe de proportionnalité

82      Il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité est prévu par l’article 5, paragraphe 4, TUE, en vertu duquel le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités.

83      En outre, selon une jurisprudence constante, en tant que principe général du droit de l’Union, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir arrêt du 12 février 2020, Hongrie/Commission, T‑505/18, non publié, EU:T:2020:56, point 105 et jurisprudence citée). Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés au regard des buts visés (voir arrêt du 3 mars 2016, Espagne/Commission, T‑675/14, non publié, EU:T:2016:123, point 51 et jurisprudence citée).

84      En l’occurrence, il ressort de l’interprétation littérale, contextuelle et téléologique de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 (voir points 51 à 55 ci-dessus) que l’expression « la production commercialisée des fruits et légumes est facturée au stade “de sortie de l’organisation de producteurs” », figurant dans cette disposition, doit être interprétée comme visant à exclure du calcul de la valeur de la production commercialisée d’une organisation de producteurs les coûts de transport et les coûts liés à la dépréciation des véhicules utilisés pour le transport.

85      Dès lors, lorsque, comme en l’espèce, l’organisation de producteurs effectue la livraison des fruits et des légumes à l’acheteur avec ses propres véhicules, les coûts de transport qu’elle supporte à ce titre et les coûts qui y sont afférents liés à la dépréciation des véhicules utilisés pour le transport ne peuvent pas être inclus dans la valeur de la production commercialisée parce qu’ils ne sont pas admissibles au bénéfice de l’aide, aux termes de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011.

86      Il s’ensuit que l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 est suffisamment clair et n’est pas susceptible d’entraîner des difficultés d’interprétation qui pourraient donner lieu à l’application d’une circonstance atténuante sur le fondement du point 3.5 des lignes directrices.

87      Par ailleurs, il ressort des échanges ayant eu lieu lors de l’audience qu’aucun autre État membre n’a eu de difficultés pour interpréter et appliquer cette disposition, bien qu’elle fasse l’objet d’une application régulière par les États membres.

88      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la Hongrie relatif aux difficultés d’interprétation mises en évidence par l’organe de conciliation dans son rapport lors de la procédure d’apurement de conformité.

89      En effet, l’article 40, paragraphe 2, du règlement no 908/2014 précise qu’une demande de conciliation n’est recevable que si le montant que la Commission envisage d’exclure du financement de l’Union dépasse 1 million d’euros ou représente à tout le moins 25 % de la dépense annuelle totale de l’État membre au titre des postes budgétaires concernés. Toutefois, le président de l’organe de conciliation peut déclarer la demande recevable si l’État membre concerné a fait valoir et dûment justifié qu’il s’agissait d’une question de principe relative à l’application de la réglementation de l’Union. Or, pour être recevable, cette question de principe ne doit pas porter exclusivement sur une question d’interprétation juridique.

90      En l’espèce, dans sa demande de conciliation du 5 mai 2020, la Hongrie a contesté l’applicabilité de la correction forfaitaire globale et a demandé à l’organe de conciliation de se prononcer au regard de l’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 quant à l’inclusion des coûts de transport et de dépréciation des véhicules dans la valeur de la production commercialisée d’une organisation de producteurs. Bien que le montant des dépenses en cause ait été inférieur à 1 million d’euros, l’organe de conciliation a constaté que la demande soulevait une question de principe qui n’était pas limitée au plan juridique, mais avait aussi des répercussions sur les modalités de facturation ainsi que sur la fiscalité et la comptabilité, conformément à l’article 40, paragraphe 2, du règlement no 908/2014.

91      Toutefois, premièrement, s’agissant de l’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011, l’organe de conciliation s’est borné à constater l’existence de positions divergentes entre la Commission et la Hongrie, tout en soulignant ne pas vouloir exprimer d’opinion quant à cette interprétation. Or, une confirmation de l’existence de difficultés d’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 ne saurait être déduite d’un tel constat.

92      Deuxièmement, l’organe de conciliation a invité la Commission à réfléchir à l’opportunité de compléter l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 avec un nouveau « point » c), qui s’appliquerait, de manière spécifique, aux coûts de transport supportés pour livrer les marchandises en dehors des locaux des organisations de producteurs. Or, cette proposition ne doit pas s’interpréter comme la confirmation de l’existence de difficultés d’interprétation de cette disposition, mais comme une tentative, opérée par ledit organe, de résoudre les divergences d’interprétation entre la Commission et la Hongrie par le biais d’une intervention législative.

93      Il en découle que l’argument de la Hongrie tiré des difficultés d’interprétation de l’article 50, paragraphe 7, du règlement no 543/2011 ayant donné lieu à une violation du principe de proportionnalité doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Sur la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

94      La Hongrie fait valoir que la Commission a méconnu les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime sans avancer aucun argument spécifique fondé sur ces principes.

95      Selon la jurisprudence, la simple invocation d’un principe du droit de l’Union dont la violation est alléguée, sans indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels cette allégation se fonde, ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal (voir arrêt du 12 février 2020, Hongrie/Commission, T‑505/18, non publié, EU:T:2020:56, point 110 et jurisprudence citée). Cette disposition requiert, en effet, que la requête indique l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Or, ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2017, Pilla/Commission et EACEA, T‑784/16, non publiée, EU:T:2017:806, point 34).

96      Ainsi, l’argument de la Hongrie tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime est irrecevable.

97      Partant, il y a lieu de rejeter le troisième grief du premier moyen comme étant en partie non fondé et en partie irrecevable.

98      Tous les griefs ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction forfaitaire attaquée au motif du caractère insuffisant des preuves fournies par la Hongrie en ce qui concerne les modifications des programmes opérationnels des organisations de producteurs

99      Par son deuxième moyen, la Hongrie fait valoir qu’elle a fourni suffisamment de preuves pour démontrer le caractère adéquat des contrôles effectués, conformément à l’article 104, paragraphe 2, du règlement no 543/2011, en ce qui concerne les modifications des programmes opérationnels des organisations de producteurs. Ces preuves auraient, notamment, été fournies dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, à l’occasion de différents échanges avec la Commission, ainsi que dans la lettre du 6 mai 2020.

100    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 104, paragraphe 2, du règlement no 543/2011, avant d’approuver un programme opérationnel et pour chaque modification de celui-ci, les autorités compétentes des États membres vérifient par tous les moyens utiles :

a)      l’exactitude des informations visées à l’article 59, sous a), b) et e), du même règlement qui figurent dans le projet de programme opérationnel ;

b)      la conformité des programmes avec l’article 103 quater du règlement no 1234/2007 ainsi qu’avec le cadre national et la stratégie nationale ;

c)      l’admissibilité des actions et l’admissibilité des dépenses proposées ;

d)      la cohérence et la qualité technique des programmes, le sérieux des estimations, la solidité du plan de financement ainsi que la programmation de sa mise en œuvre, les contrôles permettant de vérifier si des objectifs quantifiables ont été fixés pour qu’il soit possible de contrôler leur bonne réalisation et si les objectifs fixés peuvent être atteints grâce à la mise en œuvre des actions proposées ;

e)      la conformité des opérations pour lesquelles une aide est demandée avec les règles nationales et de l’Union applicables en matière, notamment et le cas échéant, de marchés publics et d’aides d’État ainsi qu’avec les autres normes obligatoires concernées, établies par la législation nationale, dans le cadre national ou dans la stratégie nationale.

101    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il appartient à la Commission, lorsqu’elle conteste les résultats des vérifications effectuées par les autorités nationales et aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de la politique agricole commune (PAC), de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. La Commission ne doit pas démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles. Cet allégement de l’exigence de la preuve à apporter par la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA (voir arrêts du 19 décembre 2019, Grèce/Commission, T‑295/18, non publié, EU:T:2019:880, point 77 et jurisprudence citée, et du 25 juin 2020, Pologne/Commission, T‑506/18, non publié, EU:T:2020:282, point 31 et jurisprudence citée).

102    En effet, la gestion du financement du FEAGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union. Ce régime, fondé sur la confiance entre les autorités nationales et l’Union, ne comporte aucun contrôle systématique de la part de la Commission, que celle-ci serait d’ailleurs matériellement dans l’impossibilité d’assurer. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEAGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt du 26 juin 2019, Portugal/Commission, T‑474/17, non publié, EU:T:2019:443, point 17 et jurisprudence citée).

103    Ainsi, si un doute est exprimé par la Commission, il appartient à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 12 novembre 2015, Italie/Commission, T‑255/13, non publié, EU:T:2015:838, point 55 et jurisprudence citée).

104    Il s’ensuit que l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux en ce qui concerne cette dernière quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2019, Grèce/Commission, T‑295/18, non publié, EU:T:2019:880, point 77, et du 25 juin 2020, Pologne/Commission, T‑506/18, non publié, EU:T:2020:282, point 32 et jurisprudence citée).

105    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les deux griefs formulés par la Hongrie au sein de son deuxième moyen.

 Sur le premier grief du deuxième moyen, tiré du caractère suffisant des preuves fournies par la Hongrie dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité

106    Par le premier grief de son deuxième moyen, la Hongrie soutient qu’elle a fourni suffisamment de preuves, dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, concernant les contrôles ayant pour objet les modifications des programmes opérationnels des organisations de producteurs.

107    La Commission conteste ce grief.

108    En premier lieu, il convient de rappeler que, dans la lettre du 5 septembre 2018, la Hongrie a fourni à la Commission des exemples de la manière dont les modifications apportées aux programmes opérationnels avaient été vérifiées ainsi que des informations supplémentaires sur les contrôles effectués dans ce contexte. Cependant, aucune information n’a été donnée concernant les mesures correctives prises pour remédier aux défaillances identifiées par la Commission dans la lettre de constatation.

109    En deuxième lieu, il ressort de l’examen du procès-verbal de la réunion bilatérale du 5 février 2019, d’une part, que, au cours de ladite réunion, les autorités hongroises n’avaient pas été en mesure de fournir des preuves des contrôles effectués (à savoir des listes des contrôles, des notes des contrôleurs ou d’autres documents justificatifs) concernant les modifications des programmes opérationnels des organisations de producteurs et, d’autre part, que les autorités hongroises s’étaient engagées à fournir ces informations dans leurs observations sur ce procès-verbal.

110    En troisième lieu, il ressort de l’analyse des observations formulées par la Hongrie sur le procès-verbal de la réunion bilatérale du 5 février 2019 que celle-ci n’a fourni ni les preuves ni les informations évoquées lors de ladite réunion et n’a pas indiqué les mesures correctives prises pour remédier aux défaillances identifiées par la Commission.

111    En quatrième lieu, dans la demande de conciliation, la Hongrie n’a pas fait référence à la question de l’adéquation des contrôles effectués concernant les modifications des programmes opérationnels des organisations de producteurs.

112    Au regard de l’ensemble de ces circonstances, il ne saurait être considéré que la Hongrie a fourni la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles, voire de l’inexactitude des affirmations de la Commission, comme l’exige la jurisprudence citée aux points 101 à 104 ci-dessus.

113    Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief du deuxième moyen.

 Sur le second grief du deuxième moyen, tiré du caractère suffisant des preuves fournies par la Hongrie dans la lettre du 6 mai 2020

114    Par le second grief de son deuxième moyen, la Hongrie fait valoir que, dans la lettre du 6 mai 2020, elle a fourni la preuve la plus détaillée et complète des contrôles qu’elle a effectués concernant l’approbation des modifications des programmes opérationnels des organisations de producteurs, comme l’exige la jurisprudence citée aux points 101 à 104 ci-dessus.

115    Plus particulièrement, la Hongrie relève que, dans cette lettre, elle a communiqué à la Commission les nouveautés législatives apportées par le zöldség-gyümölcs termelői szervezetekről szóló 50/2017. (X. 10.) FM rendelet (décret no 50/2017 du ministère du développement rural, du 10 octobre 2017, sur les organisations de producteurs de fruits et légumes, ci-après le « décret no 50/2017 »), visant à renforcer les conditions pour l’approbation des programmes opérationnels des organisations de producteurs, ainsi que la liste des mesures correctives qu’elle a adoptées, après l’entrée en vigueur du décret no 50/2017, pour remédier aux défaillances que la Commission avait identifiées dans les conclusions préliminaires.

116    La Commission conteste ce grief et fait valoir que la lettre du 6 mai 2020 a été envoyée par la Hongrie après la notification des conclusions préliminaires, en violation de l’article 34, paragraphe 3, du règlement no 908/2014, et que les exceptions prévues par l’article 34, paragraphe 6, de ce règlement, permettant à un État membre d’envoyer des informations après la transmission par la Commission des conclusions préliminaires, ne sont pas remplies en l’espèce. Par conséquent, selon la Commission, les informations figurant dans la lettre du 6 mai 2020 ne devaient pas être prises en considération dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité.

117    À cet égard, il convient de rappeler que les termes de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 908/2014 sont les suivants :

« La Commission, dans un délai de six mois suivant l’envoi du procès-verbal de la réunion bilatérale, communique officiellement à l’État membre les conclusions auxquelles elle est parvenue sur la base des informations reçues dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité. Cette communication évalue les dépenses à exclure du financement de l’Union au titre de l’article 52 du règlement [...] no 1306/2013 et de l’article 12 du règlement [...] no 907/2014. La communication fait référence à l’article 40, paragraphe 1, du présent règlement. »

118    Par ailleurs, les termes de l’article 34, paragraphe 6, du règlement no 908/2014 sont les suivants :

« Lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement de l’Union, les informations communiquées par l’État membre après la communication officielle de la Commission visée au paragraphe 3, troisième alinéa, peuvent être prises en compte uniquement :

a)      dans le cas où il est nécessaire d’éviter la surestimation brute du préjudice financier causé au budget de l’Union ; [...]

b)      dans le cas où la transmission tardive des informations est dûment justifiée par des facteurs externes et ne compromet pas l’adoption en temps voulu par la Commission de la décision en vertu de l’article 52 du règlement [...] no 1306/2013. »

119    Il ressort de ces dispositions que le respect des délais est un élément clé pour assurer la mise en balance des exigences visant, d’une part, à garantir la célérité de la procédure d’apurement de conformité et, d’autre part, à fournir à la Commission les informations les plus exhaustives et complètes possible lui permettant d’étayer la motivation de sa décision d’exclure des dépenses du financement de l’Union.

120    En l’espèce, la lettre du 6 mai 2020 a été envoyée par la Hongrie après que la Commission lui a fait parvenir, le 19 mars 2020, les conclusions préliminaires.

121    Il s’agit donc d’apprécier si les conditions visées à l’article 34, paragraphe 6, du règlement no 908/2014 pouvant justifier un envoi tardif des informations sont remplies en l’espèce.

122    Or, premièrement, l’envoi tardif de la lettre du 6 mai 2020 n’est pas justifié par le risque d’une surestimation brute du préjudice financier causé au budget de l’Union au motif des défaillances identifiées par la Commission en ce qui concerne les contrôles des modifications des programmes opérationnels. En effet, aucune référence à un tel risque n’a été portée à la connaissance de la Commission par la Hongrie ni ne figure dans la lettre du 6 mai 2020.

123    Deuxièmement, l’envoi tardif de la lettre du 6 mai 2020 n’est pas davantage justifié par la présence de facteurs externes. À cet égard, il y a lieu de constater que la lettre du 6 mai 2020 contient une description détaillée des modifications législatives introduites par le décret no 50/2017 et des fiches d’évaluation que les autorités hongroises utilisaient depuis 2017 comme modèle pour les audits effectués. Il s’agit d’informations dont la Hongrie elle-même disposait depuis 2017. Il ne s’agit donc pas de facteurs externes survenus entre le 19 mars 2020, date d’envoi par la Commission des conclusions préliminaires, et le 6 mai 2020, date d’envoi par la Hongrie de sa lettre. Il s’ensuit que la Hongrie aurait dû et pu envoyer ces informations à la Commission en respectant les délais prévus par l’article 34, paragraphes 3 à 5, du règlement no 908/2014.

124    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer qu’aucune des conditions prévues par l’article 34, paragraphe 6, du règlement no 908/2014 n’est remplie en l’espèce. Il s’ensuit que la lettre du 6 mai 2020 a été envoyée en violation des délais prévus par ladite disposition et que, par conséquent, la Commission ne devait pas la prendre en compte dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité.

125    Ainsi, il y a lieu de rejeter le second grief du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité de l’imposition, par la Commission, de la correction forfaitaire attaquée au motif du défaut d’application par la Hongrie d’une pénalité pour des montants non admissibles des aides

126    Au sein de son troisième moyen, la Hongrie a soulevé, dans la requête, trois griefs.

127    Cependant, lors de l’audience, elle a renoncé au deuxième grief portant sur l’existence d’erreurs administratives excusables.

128    Il convient donc d’examiner uniquement les premier et troisième griefs du troisième moyen.

 Sur le premier grief du troisième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011

129    Par le premier grief de son troisième moyen, la Hongrie soutient que la Commission a méconnu l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011, dans la mesure où elle n’a pas pris en considération le fait que, en droit hongrois, avant de pouvoir infliger une pénalité, l’autorité compétente doit prouver que l’organisation de producteurs ayant présenté une demande d’aide pour un montant non admissible a agi de manière intentionnelle ou était de mauvaise foi.

130    La Commission conteste ce grief.

131    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les termes de l’article 117, paragraphes 1 à 3, du règlement no 543/2011 sont les suivants :

« 1. Les paiements sont calculés sur la base de ce qui est jugé admissible au bénéfice d’une aide.

2. L’État membre examine la demande d’aide reçue du bénéficiaire et établit les montants admissibles au bénéfice de l’aide. Il détermine :

a)      le montant payable au bénéficiaire sur la seule base de la demande ;

b)      le montant payable au bénéficiaire après examen de la recevabilité de la demande.

3. Si le montant établi conformément au paragraphe 2, [sous] a), dépasse de plus de 3 % le montant établi conformément au paragraphe 2, [sous] b), une pénalité est appliquée. Le montant de la pénalité correspond à la différence entre les montants calculés au paragraphe 2, [sous] a) et b).

Toutefois, aucune pénalité n’est appliquée si l’organisation de producteurs ou le groupement de producteurs est en mesure de démontrer qu’elle ou il n’est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible. »

132    Il ressort, en substance, de cette disposition que, si le montant de l’aide payable au bénéficiaire sur la base de sa demande dépasse de plus de 3 % celui de l’aide payable après examen de la recevabilité de la demande, une pénalité est appliquée par les autorités nationales compétentes. Le montant de la pénalité correspond à la différence entre ces montants. Toutefois, aucune pénalité n’est appliquée si l’organisation de producteurs est en mesure de démontrer qu’elle n’est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible.

133    Ainsi, en premier lieu, contrairement à ce que soutient la Hongrie, l’élément subjectif tenant à l’existence du dol ou de la mauvaise foi de la part de l’organisation de producteurs ayant présenté une demande d’aide pour un montant non admissible est sans pertinence pour l’application de l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011. Cette disposition se limite, en effet, à prévoir qu’aucune pénalité n’est appliquée si l’organisation de producteurs est en mesure de démontrer qu’elle n’est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible. De plus, c’est à l’organisation de producteurs, et non à la Commission, que revient la charge de prouver qu’elle n’est pas responsable de la prise en compte du montant non admissible de l’aide.

134    En second lieu, l’argument de la Hongrie selon lequel, en droit hongrois, avant de pouvoir infliger une pénalité, l’autorité compétente doit prouver que l’organisation de producteurs ayant présenté une demande d’aide pour un montant non admissible a agi de manière intentionnelle ou était de mauvaise foi est sans pertinence en l’espèce.

135    En effet, conformément à la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes utilisés dans une disposition du droit de l’Union ne comportant aucun renvoi exprès au droit des États membres doivent, pour en déterminer le sens et la portée, être interprétés de manière autonome et uniforme, en tenant compte du contexte et de l’objectif poursuivi par la réglementation en question.

136    En l’espèce, dès lors que l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011 ne contient aucun renvoi au droit hongrois, ce dernier ne saurait être pris en compte pour interpréter cette disposition.

137    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le premier grief du troisième moyen.

 Sur le troisième grief du troisième moyen, tiré du caractère suffisant des preuves fournies en ce qui concerne les pénalités adoptées au cours des exercices financiers 2018 et 2019

138    Par le troisième grief de son troisième moyen, la Hongrie soutient que, lors d’échanges de courriels avec la Commission qui ont eu lieu entre les 15 et 24 janvier 2020, des preuves suffisantes démontrant que les autorités hongroises avaient appliqué des pénalités en conformité avec l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011 ont été fournies.

139    D’une part, la Hongrie fait valoir que, dans un courriel du 22 janvier 2020, elle a indiqué à la Commission qu’elle avait procédé au renforcement des procédures administratives visant à l’application des pénalités prévues à l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011 et a fourni, en annexe, des informations sur l’application de pénalités au cours des années 2018 et 2019.

140    D’autre part, la Hongrie avance que, dans un courriel du 24 janvier 2020, elle a, notamment :

–        transmis à la Commission, en annexe, le document contenant des informations sur l’application de pénalités qu’elle lui avait déjà fait parvenir avec son courriel du 22 janvier 2020 ;

–        indiqué que, en 2018, elle avait créé et mis à la disposition des organisations de producteurs, sur Internet, une feuille de calcul pour la présentation des demandes d’aide qui, selon elle, a fait baisser, de manière significative, le nombre d’erreurs de calcul lors de la présentation desdites demandes ;

–        fait valoir que, en 2018, le nombre de pénalités appliquées sur le fondement de l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011 avait augmenté du fait de la présence d’un grand nombre d’erreurs, autres que des erreurs de calcul, relatives à la mise en œuvre, par les organisations de producteurs, des actions de promotion et de communication liées au financement reçu au titre du FEAGA.

141    La Commission conteste ce grief et rappelle que, dans les conclusions préliminaires et dans le rapport de synthèse, elle a estimé que, malgré la mise à la disposition des organisations de producteurs, sur Internet, d’une feuille de calcul pour la présentation des demandes d’aide, les autorités hongroises n’avaient pas fourni de preuves suffisantes concernant la prétendue augmentation du nombre de pénalités appliquées. Par conséquent, elle a considéré qu’elle n’avait pas suffisamment d’assurances concernant le respect, par la Hongrie, en 2018 et en 2019, des dispositions prévues à l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011.

142    Il convient de constater que, certes, les informations fournies par la Hongrie dans les courriels des 22 et 24 janvier 2020, notamment dans l’annexe qui y était jointe, permettent d’avoir un aperçu des pénalités appliquées au cours des exercices financiers 2018 et 2019 et des améliorations apportées à la procédure administrative visant à l’adoption de pénalités en application de l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011.

143    Toutefois, ces informations ne donnent pas la preuve la plus détaillée et complète des contrôles effectués, au sens de la jurisprudence citée aux points 101 à 104 ci-dessus, dès lors que celles-ci ne permettent pas, notamment, de savoir si les pénalités appliquées en 2018 et en 2019, telles qu’elles ressortent de l’annexe aux courriels des 22 et 24 janvier 2020, correspondent à la totalité des pénalités que la Hongrie aurait dû appliquer conformément à l’article 117, paragraphe 3, du règlement no 543/2011.

144    Dans ces circonstances, il convient de rejeter le troisième grief du troisième moyen et, partant, le troisième moyen dans son intégralité.

145    Tous les moyens ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

147    La Hongrie ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Hongrie est condamnée aux dépens.

Porchia

Jaeger

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.