Language of document : ECLI:EU:T:2011:760

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

16 décembre 2011 (*)

« Environnement et protection des consommateurs – Classification, emballage et étiquetage du bromure de n‑propyle en tant que substance dangereuse – Directive 2004/73/CE – Directive 67/548/CEE – Règlement (CE) n° 1272/2008 – Recours en annulation – Demande tardive d’adaptation des conclusions – Intérêt à agir – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité – Responsabilité non contractuelle – Arrêt de la Cour se prononçant sur la validité de la directive 2004/73 – Identité d’objet »

Dans l’affaire T‑291/04,

Enviro Tech Europe Ltd, établie à Kingston upon Thames (Royaume-Uni),

Enviro Tech International, Inc., établie à Melrose Park, Illinois (États-Unis),

représentées par Mes C. Mereu et K. van Maldegem, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. X. Lewis, puis par MM. P. Oliver et G. Wilms, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la directive 2004/73/CE de la Commission, du 29 avril 2004, portant vingt-neuvième adaptation au progrès technique de la directive 67/548/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO L 152, p. 1, rectificatif JO L 216, p. 3), dans la mesure où la directive 2004/73 a classé le bromure de n-propyle comme une substance ayant certaines propriétés dangereuses, et, d’autre part, une demande indemnitaire,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi (rapporteur), président, S. Frimodt Nielsen et D. Gratsias, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mai 2011,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Dispositions du traité

1        L’article 95 CE dispose :

« 1. Par dérogation à l’article 94 [CE] et sauf si le présent traité en dispose autrement, les dispositions suivantes s’appliquent pour la réalisation des objectifs énoncés à l’article 14 [CE]. Le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251 [CE] et après consultation du Comité économique et social, arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.

[…]

3. La Commission, dans ses propositions prévues au paragraphe 1 en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques. Dans le cadre de leurs compétences respectives, le Parlement européen et le Conseil s’efforcent également d’atteindre cet objectif. »

 Classification comme substance dangereuse

2        La directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO 1967, 196, p. 1), telle que modifiée notamment par la directive 92/32/CEE du Conseil, du 30 avril 1992 (JO L 154, p. 1), et par la directive 2006/121/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 396, p. 850), fixe des règles relatives à la commercialisation de certaines « substances », définies comme des « éléments chimiques et leurs composés à l’état naturel ou tels qu’obtenus par tout procédé de production, contenant tout additif nécessaire pour préserver la stabilité du produit et toute impureté dérivant du procédé, à l’exclusion de tout solvant qui peut être séparé sans affecter la stabilité de la substance ni modifier sa composition ».

3        À cette fin, la directive 67/548 procède, conformément à son article 4, paragraphe 1, à une classification des substances en fonction de leurs propriétés intrinsèques selon les catégories prévues à son article 2, paragraphe 2. La classification d’une substance comme « dangereuse » à l’annexe I de cette directive entraîne, comme condition préalable à sa commercialisation, l’apposition sur son emballage d’un étiquetage obligatoire comprenant notamment des symboles de danger et des phrases types indiquant, d’une part, les risques particuliers dérivant des dangers de l’utilisation de la substance et, d’autre part, les conseils de prudence relatifs à l’emploi de celle-ci.

4        Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 67/548 :

« Sont ‘dangereuses’, au sens de la présente directive, les substances et préparations :

[...]

c)      extrêmement inflammables : substances et préparations liquides dont le point d’éclair est extrêmement bas et dont le point d’ébullition est bas, ainsi que substances et préparations gazeuses qui, à température et pression ambiantes, sont inflammables à l’air ;

d)      facilement inflammables : substances et préparations :

–        pouvant s’échauffer au point de s’enflammer à l’air à température ambiante sans apport d’énergie

ou

–        à l’état solide, qui peuvent s’enflammer facilement par une brève action d’une source d’inflammation et qui continuent à brûler ou à se consumer après le retrait de la source d’inflammation

ou

–        à l’état liquide, dont le point d’éclair est très bas

ou

–        qui, au contact de l’eau ou de l’air humide, produisent des gaz extrêmement inflammables en quantités dangereuses ;

e)      inflammables : substances et préparations liquides, dont le point d’éclair est bas ;

[...]

n)      toxiques pour la reproduction : substances et préparations qui, par inhalation, ingestion ou pénétration cutanée, peuvent produire ou augmenter la fréquence d’effets nocifs non héréditaires dans la progéniture ou porter atteinte aux fonctions ou capacités reproductives mâles ou femelles. »

5        S’agissant des essais pouvant être réalisés afin de classer des substances, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 67/548 énonce :

« Les essais des produits chimiques réalisés dans le cadre de la présente directive sont en règle générale effectués conformément aux méthodes définies à l’annexe V. Les propriétés physico-chimiques des substances sont déterminées selon les méthodes prévues à l’annexe V partie A [...] »

6        Le titre A 9 de l’annexe V de la directive 67/548 fixe les méthodes de détermination des points d’éclair. À cette fin, il identifie deux méthodes, appelées de l’équilibre et du non-équilibre, en fonction desquelles sont choisis le matériel et les instruments de mesure, et les normes ISO correspondantes. Ainsi, la méthode de l’équilibre renvoie aux normes ISO 1516, 3680, 1523 et 3679. À la méthode du non-équilibre correspond l’utilisation de certains appareils de mesure du point d’éclair, dont l’un est appelé appareil Pensky-Martens, qui renvoie à l’utilisation des normes suivantes : ISO 2719, EN 11, DIN 51758, ASTM D 93, BS 2000-34 et NF M07-019.

7        L’article 4, paragraphe 2, de la directive 67/548 prévoit que « [l]es principes généraux de classification et d’étiquetage des substances et préparations sont appliqués selon les critères prévus à l’annexe VI, sauf prescriptions contraires relatives aux préparations dangereuses, prévues dans des directives particulières ».

8        Le point 1.1 de l’annexe VI de la directive 67/548 prévoit :

« La classification vise à identifier toutes les propriétés physico-chimiques, toxicologiques et écotoxicologiques des substances ou préparations, pouvant constituer un risque lors de la manipulation ou de l’utilisation normales de ces substances ou préparations. Après identification de chaque propriété dangereuse, la substance ou la préparation doit être étiquetée de manière à indiquer le ou les dangers, afin de protéger l’utilisateur, le grand public et l’environnement. »

9        Le point 1.2 de l’annexe VI de la directive 67/548 énonce :

« La présente annexe énumère les principes généraux régissant la classification et l’étiquetage des substances et préparations, visés à l’article 4 de la présente directive, à l’article 4 de la directive 1999/45/CE ainsi que dans d’autres directives relatives aux préparations dangereuses.

Elle s’adresse à toute personne concernée (fabricants, importateurs, autorités nationales) par les méthodes de classification et d’étiquetage des substances et préparations dangereuses. »

10      Le point 1.3 de l’annexe VI de la directive 67/548 précise :

« Les prescriptions de la présente directive et de la directive 1999/45/CE ont pour objet de mettre à la disposition du grand public et des travailleurs un outil fondamental contenant des informations essentielles en matière de substances et préparations dangereuses. L’étiquette attire l’attention des personnes qui manipulent ou utilisent ces substances et préparations sur les dangers inhérents à certaines d’entre elles.

L’étiquette peut également avoir pour objet de fournir une information plus complète sur les mesures de prudence et les modalités d’utilisation des produits disponibles sous des formes différentes. »

11      Le point 1.4 de l’annexe VI de la directive 67/548 précise notamment :

« L’étiquette tient compte de tous les dangers potentiels susceptibles d’être liés à la manipulation et à l’utilisation normales des substances et préparations dangereuses sous la forme où elles sont mises sur le marché, mais non nécessairement sous n’importe quelle forme différente d’utilisation finale, par exemple à l’état dilué. Les dangers les plus sérieux sont illustrés par des symboles et ces dangers, ainsi que ceux qui découlent d’autres propriétés dangereuses, sont énoncés par des phrases types de risque tandis que les phrases indiquant des conseils de prudence précisent les précautions indispensables à respecter.

[…] »

12      Le point 1.6 de l’annexe VI de la directive 67/548 vise les « Données requises pour la classification et l’étiquetage ». Le point 1.6.1, sous b), précise que les données requises pour la classification et l’étiquetage peuvent être obtenues notamment à partir de résultats d’essais antérieurs, d’informations tirées de travaux de référence ou d’expérience pratique. Il précise aussi que, de façon plus générale, « il est possible de prendre également en compte […] les avis d’experts. »

13      Le point 1.7.2 de l’annexe VI de la directive 67/548, intitulé « Application des critères du guide pour les substances », dispose :

« Les critères d’orientation figurant dans la présente annexe sont directement applicables lorsque les données ont été obtenues à partir de méthodes d’essais comparables à celles qui sont reprises à l’annexe V. Dans les autres cas, on appréciera les données disponibles en comparant les méthodes d’essai utilisées avec celles qui figurent à l’annexe V et avec les règles appropriées de classification et d’étiquetage visées à la présente annexe.

Il peut arriver qu’il y ait un doute sur l’application des critères, notamment lorsque le recours à l’avis d’experts est nécessaire. Le fabricant, le distributeur ou l’importateur doit alors classer et étiqueter provisoirement la substance en cause en se basant sur une évaluation des éléments de preuve par une personne compétente.

Sans préjudice de l’article 6, dans les cas où la procédure précitée a été appliquée et où l’on craint d’éventuelles incohérences, on peut proposer la classification provisoire en vue de son introduction dans l’annexe I. Cette proposition doit être soumise à un des États membres, et être accompagnée de toutes les informations scientifiques nécessaires (voir également le point 4.1).

Une procédure similaire peut être appliquée dès lors que de nouvelles informations permettent de mettre en doute l’exactitude d’une entrée existante présente dans l’annexe I. »

14      Le point 2.2.4 de l’annexe VI de la directive 67/548, intitulé « Substances et préparations facilement inflammables », précise :

« Les substances et préparations seront classées comme facilement inflammables et caractérisées par le symbole ‘F’ et par l’indication de danger ‘facilement inflammable’ en fonction des résultats des essais visés à l’annexe V. Des phrases indiquant les risques seront attribuées selon les critères suivants :

R 11 Facilement inflammable

–        Substances et préparations solides, susceptibles de s’enflammer facilement après un bref contact avec une source d’inflammation, et qui continuent à brûler ou à se consumer après élimination de cette source.

–        Substances et préparations liquides dont le point d’éclair est inférieur à 21 °C, mais qui ne sont pas extrêmement inflammables.

–        […] »

15      Le point 2.2.5 de l’annexe VI de la directive 67/548, intitulé « Substances et préparations inflammables », énonce :

« Les substances et préparations seront classées comme inflammables en fonction des résultats des essais visés à l’annexe V. La phrase indiquant les risques sera attribuée selon les critères suivants :

R 10 Inflammable

–        Substances et préparations liquides dont le point d’éclair est égal ou supérieur à 21 °C et inférieur ou égal à 55 °C.

Toutefois, en pratique, il a été démontré que les préparations ayant un point d’éclair égal ou supérieur à 21 °C et inférieur ou égal à 55 °C n’ont pas besoin d’être classées inflammables si la préparation ne peut en aucune façon favoriser la combustion et seulement s’il n’y a aucun risque à craindre pour les personnes manipulant ces préparations ou pour les autres personnes. »

16      Le point 2.2.6 de l’annexe VI de la directive 67/548, intitulé « Autres propriétés physico-chimiques », dispose notamment :

« Des phrases complémentaires indiquant les risques seront attribuées aux substances et préparations classées conformément aux points 2.2.1 à 2.2.5 ci-dessus ou aux chapitres 3, 4 et 5 ci-après, compte tenu des critères suivants (sur la base de l’expérience acquise lors de l’élaboration de l’annexe I) :

[…]

R 18 Lors de l’utilisation, formation possible de mélange vapeur-air inflammable/explosif

Préparations non classées comme inflammables en tant que telles, contenant des composants volatils inflammables à l’air.

[…] »

17      Le point 4.1.2 de l’annexe VI de la directive 67/548 prévoit :

« Si un fabricant, un distributeur ou un importateur dispose d’informations indiquant qu’une substance devrait être classée et étiquetée conformément aux critères énoncés aux points 4.2.1, 4.2.2 ou 4.2.3, il doit étiqueter provisoirement la substance conformément à ces critères, sur la base de l’appréciation des éléments de preuve d’une personne compétente. »

18      Selon le point 4.1.3 de l’annexe VI de la directive 67/548, « [l]e fabricant, le distributeur ou l’importateur doit remettre dans les plus brefs délais, à un État membre dans lequel une substance est mise sur le marché, un document résumant toutes les informations intéressant cette substance […] »

19      Au point 4.1.4 de l’annexe VI de la directive 67/548, il est précisé ce qui suit :

« En outre, un fabricant, un distributeur ou un importateur disposant de nouvelles informations intéressant la classification et l’étiquetage d’une substance conformément aux critères indiqués aux points 4.2.1, 4.2.2 ou 4.2.3 doit remettre lesdites informations à un État membre où la substance est commercialisée. »

20      Le point 4.1.5 de l’annexe VI de la directive 67/548 est libellé comme suit :

« Afin d’aboutir le plus rapidement possible à une classification uniforme dans la Communauté par la procédure prévue à l’article 28 de la présente directive, les États membres disposant d’informations justifiant la classification d’une substance dans une de ces catégories, que ces informations aient été fournies ou non par le fabricant, doivent envoyer dans les meilleurs délais à la Commission lesdites informations, accompagnées de propositions de classification d’étiquetage.

La Commission enverra aux autres États membres la proposition de classification et d’étiquetage qu’elle a reçue. Tout État membre peut demander à la Commission la communication des informations qu’elle a reçues.

[…] »

21      Les points 4.2.1 « Substances cancérogènes », 4.2.2 « Substances mutagènes » et 4.2.3 « Substances toxiques pour la reproduction » de l’annexe VI de la directive 67/548 précisent les caractéristiques préjudiciables des substances dangereuses visées, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous l) à n), de ladite directive, et les répartissent respectivement en trois catégories en fonction du degré de leur dangerosité acquise ou soupçonnée.

22      Ainsi, le point 4.2.3.1 de l’annexe VI de la directive 67/548, relatif aux « substances toxiques pour la reproduction », répartit les substances ayant de tels effets comme suit :

« Catégorie 1

Substances connues pour altérer la fertilité dans l’espèce humaine

On dispose de suffisamment d’éléments pour établir l’existence d’une relation de cause à effet entre l’exposition de l’homme à la substance et une altération de la fertilité.

Substances connues pour provoquer des effets toxiques sur le développement dans l’espèce humaine

On dispose de suffisamment d’éléments pour établir l’existence d’une relation de cause à effet entre l’exposition humaine à la substance et des effets toxiques ultérieurs sur le développement de la descendance.

Catégorie 2

Substances devant être assimilées à des substances altérant la fertilité dans l’espèce humaine

On dispose de suffisamment d’éléments pour justifier une forte présomption que l’exposition de l’homme à de telles substances peut altérer la fertilité. Cette présomption se fonde sur :

–        la mise en évidence nette, dans des études sur l’animal, d’une altération de la fertilité intervenant soit en l’absence d’effets toxiques, soit à des niveaux de doses proches des doses toxiques, mais qui n’est pas un effet non spécifique secondaire aux effets toxiques,

–        d’autres informations pertinentes.

Substances devant être assimilées à des substances causant des effets toxiques sur le développement dans l’espèce humaine

On dispose de suffisamment d’éléments pour justifier une forte présomption que l’exposition humaine à de telles substances peut entraîner des effets toxiques sur le développement. Cette présomption se fonde sur :

–        la mise en évidence nette, dans des études appropriées sur l’animal, d’effets observés soit en l’absence de signes de toxicité maternelle marquée, soit à des niveaux de doses proches des doses toxiques, mais qui ne sont pas un effet non spécifique secondaire aux effets toxiques,

–        d’autres informations pertinentes.

Catégorie 3

Substances préoccupantes pour la fertilité dans l’espèce humaine

Généralement sur la base :

–        de résultats d’études appropriées sur l’animal qui fournissent suffisamment d’éléments pour entraîner une forte suspicion d’une altération de la fertilité intervenant soit en l’absence d’effets toxiques, soit à des niveaux de doses proches des doses toxiques, mais qui n’est pas un effet non spécifique secondaire aux effets toxiques, ces preuves étant toutefois insuffisantes pour classer la substance dans la catégorie 2,

–        d’autres informations pertinentes.

Substances préoccupantes pour 1’homme en raison d’effets toxiques possibles sur le développement

Cette présomption est généralement fondée sur :

–        les résultats d’études appropriées sur l’animal qui fournissent suffisamment d’éléments pour entraîner une forte suspicion de toxicité pour le développement soit en l’absence de signes de toxicité maternelle marquée, soit à des niveaux de doses proches des doses toxiques, mais qui ne sont pas un effet non spécifique secondaire aux effets toxiques, les preuves étant toutefois insuffisantes pour classer la substance dans la catégorie 2,

–        d’autres informations appropriées. »

23      Le point 4.2.3.3 de l’annexe VI de la directive 67/548, intitulé « Commentaires relatifs à la catégorisation des substances toxiques pour la reproduction », énonce notamment :

« […] Le classement en catégorie 2 ou 3 s’effectue essentiellement à partir de données animales. Les données d’études in vitro ou d’études sur des œufs aviens sont considérées comme des ‘preuves complémentaires’ et ne pourraient qu’exceptionnellement autoriser une classification en l’absence de données in vivo.

Comme la plupart des autres types d’effet toxique, il est vraisemblable que les substances manifestant une toxicité pour la reproduction auront un seuil sous lequel les effets néfastes ne seraient pas démontrés. Même lorsque des effets nets ont été démontrés dans des études sur l’animal, l’extrapolation à l’homme peut être incertaine du fait des doses administrées, par exemple lorsque des effets se sont manifestés uniquement à des doses élevées, que les toxicocinétiques sont nettement différentes ou que la voie d’administration est inadéquate. Pour ces raisons ou d’autres raisons analogues, il se peut que la classification dans la troisième catégorie, voire l’absence de classification, soit justifiée.

[…]

Pour la classification d’une substance dans la catégorie 2 en raison d’une altération de la fertilité, il doit normalement exister des preuves manifestes sur une espèce animale, accompagnées de preuves complémentaires sur le mécanisme ou le site d’action, ou sur l’existence d’une analogie chimique avec d’autres agents d’antifertilité connus, ou d’autres informations chez 1’homme qui permettent de conclure que des effets seraient susceptibles d’être observés chez l’homme. Lorsqu’il existe des études sur une seule espèce, sans autres preuves complémentaires appropriées, la classification dans la catégorie 3 peut alors s’avérer adéquate. »

24      Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 67/548, « [l]’annexe I reproduit la liste des substances classées selon les principes fixés aux paragraphes 1 et 2 du présent article, avec leur classification harmonisée et leur étiquetage. La décision d’inclure une substance dans l’annexe I, avec leur classification harmonisée et leur étiquetage, est prise selon la procédure prévue à l’article 29 » de ladite directive.

25      La classification d’une substance comme « dangereuse » impose comme condition préalable à sa commercialisation, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, sous d) et e), de la directive 67/548, la mise en place sur son emballage d’un étiquetage prescrit comprenant notamment des symboles de danger ainsi que des phrases types indiquant les risques particuliers dérivant des dangers de l’utilisation de la substance (« phrases R ») et des phrases types indiquant les conseils de prudence concernant son emploi (« phrases S »). S’agissant plus spécialement des phrases R, l’article 23, paragraphe 2, de ladite directive dispose :

« Tout emballage doit porter de manière lisible et indélébile les indications suivantes :

[…]

d)      les phrases types indiquant les risques particuliers dérivant des dangers de l’utilisation de la substance (phrases R). Ces phrases R doivent être libellées conformément aux indications de l’annexe III. Les phrases R à utiliser pour chaque substance sont indiquées à l’annexe I […] »

 Procédure d’adaptation de la directive 67/548 au progrès technique

26      En vertu de l’article 28 de la directive 67/548, les modifications nécessaires pour adapter ses annexes au progrès technique sont arrêtées conformément à la procédure prévue à son article 29. Dans le cadre de cette procédure, au titre de l’article 5, paragraphe 1, de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23), lu conjointement avec le paragraphe 1 de l’annexe III du règlement (CE) n° 807/2003 du Conseil, du 14 avril 2003, portant adaptation à la décision 1999/468 des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes du Conseil adoptés selon la procédure de consultation (unanimité) (JO L 122, p. 36), la Commission des Communautés européennes est assistée par un comité qui est composé de représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission. Selon l’article 5, paragraphe 3, de ladite décision, la Commission arrête les mesures envisagées lorsqu’elles sont conformes à l’avis du comité. L’article 5, paragraphe 4, de cette décision prévoit en revanche que, lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l’avis de ce comité, ou en l’absence d’avis, le Conseil de l’Union européenne est saisi et le Parlement européen en est informé.

27      En pratique, la procédure suivie par la Commission aux fins d’adopter des mesures portant adaptation de la directive 67/548 est structurée comme suit.

28      Un État membre ou un représentant de l’industrie peut proposer au Bureau européen des substances chimiques (ci-après le « BESC »), un organe de la Commission ayant son siège à Ispra (Italie), que soient entamées des discussions sur la classification d’une substance ou d’une préparation. Ces discussions se déroulent d’abord au sein du comité technique de classification et d’étiquetage (ci-après le « CTCE »), qui est présidé par un membre du BESC et qui se compose d’experts désignés par les autorités compétentes des États membres. Ce comité se réunit deux fois par an et établit un rapport qui propose, le cas échéant, la classification d’une substance ou d’une préparation.

29      Sur rapport du CTCE, la Commission entame l’élaboration de mesures destinées à être soumises au comité de réglementation visé à l’article 29 de la directive 67/548, lu conjointement avec l’article 5 de la décision 1999/468 (voir point 26 ci-dessus), et à être adoptées ultérieurement selon la procédure prévue à l’article 28 de ladite directive. Si la Commission considère que le rapport du CTCE donne lieu au soupçon selon lequel la substance ou la préparation examinées possèdent des propriétés cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ou que ledit rapport doit être reconsidéré ou complété parce qu’il ne parvient pas à une conclusion sur la classification appropriée, elle peut saisir le groupe de travail « CMR » (acronyme pour « cancérigène, mutagène ou toxique pour la reproduction »), devenu le comité d’experts spécialisé (ci-après le « CES »). Le CES est un comité ad hoc non permanent composé d’experts en toxicologie et en classification désignés par les États membres et présidé par un membre du BESC. Le CES accueille en outre des représentants de l’industrie concernée par les produits en cause qui peuvent formuler des observations au début d’une réunion, suivies d’une séance de questions et réponses. Les experts délibèrent ensuite en l’absence des représentants de l’industrie.

30      Tant le CTCE que le CMR/CES sont des organes non prévus par un texte juridiquement contraignant. Ils sont destinés à assister la Commission avant qu’elle ne soumette au comité de réglementation visé à l’article 29 de la directive 67/548, lu en combinaison avec l’article 5 de la décision 1999/468, des projets de mesures d’adaptation.

31      Toutefois, à cet égard, une « Déclaration de la Commission » jointe à l’annexe VI de la directive 67/548 énonce ce qui suit :

« À propos du point 4.1.5, et notamment de son dernier paragraphe, la Commission déclare être disposée, au cas où elle envisage de mettre en œuvre la procédure de l’article 28, à consulter préalablement des experts compétents désignés par les États membres et possédant des qualifications particulières en ce qui concerne les effets cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.

Cette consultation aura lieu dans le cadre de la procédure habituelle de consultation d’experts nationaux et/ou dans le cadre des comités existants. Tel sera également le cas lorsque des substances figurant déjà à l’annexe I devront être reclassées en ce qui concerne les effets cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. »

 Abrogation, modification et remplacement partiels de la directive 67/548 par le règlement (CE) n° 1272/2008

32      Avec effet au 20 janvier 2009, la directive 67/548 a été partiellement abrogée, modifiée et remplacée par le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (JO L 353, p. 1). Ce règlement vise, notamment, à mettre en œuvre le système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques, tel qu’élaboré au sein des Nations unies (considérants 5 à 8 du règlement n° 1272/2008).

33      À cet égard, le considérant 53 du règlement n° 1272/2008 énonce ce qui suit :

« Pour tenir pleinement compte des travaux réalisés et de l’expérience acquise dans le cadre de la directive 67/548/CEE, notamment pour la classification et l’étiquetage des substances spécifiques listées à l’annexe I de la directive précitée, toutes les classifications harmonisées existantes devraient être converties dans de nouvelles classifications harmonisées utilisant les nouveaux critères. En outre, comme l’application du présent règlement est différée et que les classifications harmonisées conformément aux critères de la directive 67/548/CEE sont pertinentes pour la classification des substances et des mélanges au cours de la période transitoire qui s’ensuit, toutes les classifications harmonisées existantes devraient également figurer telles quelles dans une annexe au présent règlement. En soumettant toute harmonisation ultérieure des classifications au présent règlement, les incohérences des classifications harmonisées d’une même substance au titre des critères existants et des nouveaux critères devraient être évitées. »

34      L’article 1er du règlement n° 1272/2008, intitulé « Objet et champ d’application », dispose notamment :

« 1. Le présent règlement a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, ainsi que la libre circulation des substances, des mélanges et des articles visés à l’article 4, paragraphe 8, en :

a)      harmonisant les critères de classification des substances et des mélanges, ainsi que les règles relatives à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges dangereux ;

b)      prévoyant l’obligation pour :

i)      les fabricants, les importateurs et les utilisateurs en aval de procéder à la classification des substances et des mélanges mis sur le marché ;

ii)      les fournisseurs d’étiqueter et d’emballer les substances et les mélanges mis sur le marché ;

iii)      les fabricants, les producteurs d’articles et les importateurs de procéder à la classification des substances non mises sur le marché qui sont soumises à l’obligation d’enregistrement ou de notification en vertu du règlement (CE) n° 1907/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1, rectificatif JO 2007 L 136, p. 3)] ;

c)      prévoyant l’obligation pour les fabricants et les importateurs de substances de notifier à l’[Agence européenne des produits chimiques (ECHA)] les classifications et les éléments d’étiquetage qui ne lui ont pas été transmis dans le cadre d’une demande d’enregistrement soumise conformément au règlement (CE) n° 1907/2006 ;

d)      établissant une liste de substances avec leurs classifications et éléments d’étiquetage harmonisés au niveau communautaire, à l’annexe VI, partie 3 ;

e)      établissant un inventaire des classifications et des étiquetages de substances, constitué de toutes les notifications, déclarations, classifications et éléments d’étiquetage harmonisés visés [sous] c) et d).

[…] »

35      Selon l’article 3 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Substances et mélanges dangereux et spécification des classes de danger » :

« Une substance ou un mélange qui répond aux critères relatifs aux dangers physiques, aux dangers pour la santé ou aux dangers pour l’environnement, tels qu’ils sont énoncés à l’annexe I, parties 2 à 5, est dangereux et est classé dans une des classes de danger prévues à l’annexe I.

Si, à l’annexe I, les classes de danger sont différenciées sur la base de la voie d’exposition ou de la nature des effets, la substance ou le mélange est classé conformément à cette différenciation. »

36      L’article 36 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances », prévoit notamment :

« 1. Une substance qui satisfait aux critères visés à l’annexe I pour les dangers suivants fait généralement l’objet d’une classification et d’un étiquetage harmonisés conformément à l’article 37 :

a)      sensibilisation respiratoire, catégorie 1 (annexe I, section 3.4) ;

b)      mutagénicité sur les cellules germinales, catégorie 1A, 1B ou 2 (annexe I, section 3.5) ;

c)      cancérogénicité, catégorie 1A, 1B ou 2 (annexe I, section 3.6) ;

d)      toxicité pour la reproduction, catégorie 1A, 1B ou 2 (annexe I, section 3.7).

[…]

3. Lorsqu’une substance satisfait aux critères pour d’autres classes de danger ou différenciations que celles visées au paragraphe 1 et qu’elle ne relève pas du champ d’application du paragraphe 2, une classification et un étiquetage harmonisés conformément à l’article 37 peuvent également être ajoutés à l’annexe VI au cas par cas, si la nécessité d’une telle action au niveau communautaire est démontrée. »

37      En vertu de l’article 37 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Procédure d’harmonisation de la classification et de l’étiquetage des substances » :

« 1. Une autorité compétente peut soumettre à l’[ECHA] une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de substances et, le cas échéant, des limites de concentration spécifiques ou des facteurs M, ou une proposition en vue de leur révision.

Cette proposition respecte le format visé à l’annexe VI, partie 2, et contient les informations pertinentes prévues à l’annexe VI, partie 1.

2. Les fabricants, importateurs ou utilisateurs en aval d’une substance peuvent soumettre à l’[ECHA] une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés de cette substance et, le cas échéant, des limites de concentration spécifiques ou des facteurs M, à condition qu’aucune entrée ne figure à l’annexe VI, partie 3, pour cette substance pour ce qui concerne la classe de danger ou la différenciation couverte par cette proposition.

La proposition est établie conformément aux parties pertinentes de l’annexe I, sections 1, 2 et 3, du règlement (CE) n° 1907/2006 et respecte le format visé dans le rapport sur la sécurité chimique, partie B, qui figure dans cette même annexe, section 7. Elle contient les informations pertinentes prévues à l’annexe VI, partie 1, du présent règlement. L’article 111 du règlement (CE) n° 1907/2006 s’applique.

3. Lorsque la proposition du fabricant, de l’importateur ou de l’utilisateur en aval concerne la classification et l’étiquetage harmonisés d’une substance conformément à l’article 36, paragraphe 3, elle s’accompagne du versement de la redevance fixée par la Commission conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 54, paragraphe 2.

4. Le comité d’évaluation des risques de l’[ECHA], institué conformément à l’article 76, paragraphe 1, [sous] c), du règlement (CE) n° 1907/2006, adopte un avis sur toute proposition soumise conformément aux paragraphes 1 et 2 dans un délai de dix-huit mois à compter de la réception de la proposition, en donnant aux parties concernées l’occasion de formuler des observations. L’[ECHA] transmet cet avis et toutes les observations à la Commission.

5. Lorsque la Commission estime que l’harmonisation de la classification et de l’étiquetage de la substance concernée est appropriée, elle soumet à bref délai un projet de décision concernant l’inclusion de cette substance et des éléments de classification et d’étiquetage pertinents dans l’annexe I, partie 3, tableau 3.1, et, le cas échéant, des limites de concentration spécifiques ou des facteurs M.

Une entrée correspondante est incluse à l’annexe VI, partie 3, tableau 3.2, dans les mêmes conditions, jusqu’au 31 mai 2015.

Cette mesure, qui a pour objet de modifier des éléments non essentiels du présent règlement, est arrêtée en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 54, paragraphe 3. Pour des raisons d’urgence impérieuses, la Commission peut avoir recours à la procédure d’urgence visée à l’article 54, paragraphe 4.

6. Les fabricants, importateurs et utilisateurs en aval qui disposent de nouvelles informations susceptibles d’entraîner une modification des éléments de classification et d’étiquetage harmonisés d’une substance à l’annexe VI, partie 3, soumettent une proposition conformément au paragraphe 2, deuxième alinéa, à l’autorité compétente de l’un des États membres où la substance est mise sur le marché. »

38      Aux termes de l’article 53, paragraphe 1, du règlement n° 1272/2008, intitulé « Adaptations au progrès technique et scientifique » :

« La Commission peut ajuster et adapter au progrès technique et scientifique l’article 6, paragraphe 5, l’article 11, paragraphe 3, l’article 12, l’article 14, l’article 18, paragraphe 3, [sous] b), l’article 23, les articles 25 à 29 et l’article 35, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, ainsi que les annexes I à VII, y compris en tenant dûment compte des développements apportés au [système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques], en particulier toute modification concernant l’utilisation d’informations relatives à des mélanges similaires au niveau des Nations unies, et vu les évolutions au niveau des programmes reconnus à l’échelle internationale relatifs aux produits chimiques et des données provenant des bases de données sur les accidents. Ces mesures, visant à modifier des éléments non essentiels du présent règlement, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 54, paragraphe 3. Pour des raisons d’urgence impérieuses, la Commission peut avoir recours à la procédure d’urgence visée à l’article 54, paragraphe 4. »

39      Selon l’article 54 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Procédure de comité » :

« 1. La Commission est assistée par le comité institué par l’article 133 du règlement (CE) n° 1907/2006.

2. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, les articles 5 et 7 de la décision 1999/468/CE s’appliquent, dans le respect des dispositions de l’article 8 de celle-ci. Le délai prévu à l’article 5, paragraphe 6, de la décision 1999/468/CE est fixé à trois mois.

3. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, l’article 5 bis, paragraphes 1 à 4, et l’article 7 de la décision 1999/468/CE s’appliquent, dans le respect des dispositions de l’article 8 de celle-ci.

4. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, l’article 5 bis, paragraphes 1, 2, 4 et 6, et l’article 7 de la décision 1999/468/CE s’appliquent, dans le respect des dispositions de l’article 8 de celle-ci. »

40      Aux termes de l’article 55, paragraphe 11, du règlement n° 1272/2008, intitulé « Modifications de la directive 67/548/CEE », « [l]’annexe I [de ladite directive] est supprimée ».

41      En vertu de l’article 61 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Dispositions transitoires » :

« 1. Jusqu’au 1er décembre 2010, les substances sont classées, étiquetées et emballées conformément à la directive 67/548/CEE. Jusqu’au 1er juin 2015, les mélanges sont classés, étiquetés et emballés conformément à la directive 1999/45/CE.

2. Par dérogation à l’article 62, deuxième alinéa, du présent règlement et outre les prescriptions énoncées au paragraphe 1, les substances et mélanges peuvent, avant le 1er décembre 2010 et le 1er juin 2015, respectivement, être classés, étiquetés et emballés conformément aux dispositions du présent règlement. Dans ce cas, les dispositions en matière d’étiquetage et d’emballage des directives 67/548/CEE et 1999/45/CE ne sont pas applicables.

3. À compter du 1er décembre 2010 et jusqu’au 1er juin 2015, les substances sont classées conformément à la fois à la directive 67/548/CEE et au présent règlement. Elles sont étiquetées et emballées conformément au présent règlement.

4. Par dérogation à l’article 62, deuxième alinéa, du présent règlement et jusqu’au 1er décembre 2012, les substances classées, étiquetées et emballées conformément à la directive 67/548/CEE et déjà mises sur le marché avant le 1er décembre 2010 ne sont pas tenues d’être à nouveau étiquetées et emballées conformément au présent règlement.

Par dérogation à l’article 62, deuxième alinéa, du présent règlement et jusqu’au 1er juin 2017, les mélanges classés, étiquetés et emballés conformément aux dispositions de la directive 1999/45/CE et déjà mis sur le marché avant le 1er juin 2015 ne sont pas tenus d’être à nouveau étiquetés et emballés conformément au présent règlement.

5. Lorsqu’une substance ou un mélange a été classé conformément à la directive 67/548/CEE ou à la directive 1999/45/CE avant le 1er décembre 2010 ou le 1er juin 2015 respectivement, les fabricants, importateurs et utilisateurs en aval peuvent modifier la classification de la substance ou du mélange en utilisant le tableau de conversion qui figure à l’annexe VII du présent règlement. »

42      L’article 62 du règlement n° 1272/2008, intitulé « Entrée en vigueur », dispose :

« Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Les titres II, III et IV sont applicables pour les substances à partir du 1er décembre 2010 et pour les mélanges à partir du 1er juin 2015. »

 Faits à l’origine du litige

43      Le bromure de n‑propyle (ci-après le « nPB ») est un solvant organique volatil utilisé notamment pour le nettoyage et le dégraissage industriel, en particulier de pièces métalliques.

44      Les requérantes, Enviro Tech Europe Ltd et Enviro Tech International, Inc., ont pour unique activité la production et la distribution d’un produit dénommé « EnSolv » qui est fabriqué à base d’une préparation brevetée et composée essentiellement de nPB. La première requérante est une société de droit du Royaume-Uni intégralement contrôlée par la seconde requérante, une société de droit américain. Elle détient une licence exclusive pour la commercialisation en Europe du produit EnSolv, y compris la technologie de nettoyage de précision à vapeur qui s’y rattache. Cette licence lui a été accordée, sur le fondement d’un contrat de cession, du 16 octobre 2001, par le titulaire du brevet européen EP 0 781 842 B1, du 29 septembre 1999, pour l’exploitation d’une invention intitulée « Nettoyage de pièces utilisant un solvant sans danger pour l’environnement ». Ledit brevet européen précise à son point 0001 :

« La présente invention concerne de manière générale le nettoyage moléculaire de pièces par dégraissage à la vapeur. Elle concerne plus spécifiquement un mélange de solvants contenant du [nPB], un mélange de terpènes et un mélange de solvants dont le point d’ébullition est bas et une méthode de nettoyage de pièces dans une installation de dégraissage à la vapeur utilisant ce mélange de solvants. Le mélange de solvants qui fait l’objet de la présente invention est non inflammable, non corrosif et non dangereux et son potentiel de destruction de l’ozone (PDO) est compris entre 0,001 et 0,046. »

45      Par la directive 91/325/CEE de la Commission, du 1er mars 1991, portant douzième adaptation au progrès technique de la directive 67/548 (JO L 180, p. 1), le nPB a été classé à l’annexe I de la directive 67/548 en tant que substance « irritante Xn », accompagnée, notamment, des phrases R 10 « Inflammable » et R 20 « Nocif par inhalation ».

46      S’agissant de la phrase R 10 « Inflammable », les requérantes précisent, sans être contredites à cet égard par la Commission, que, jusqu’alors, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/45/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mai 1999, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la classification, à l’emballage et à l’étiquetage des préparations dangereuses (JO L 200, p. 1), lu conjointement avec le point 2.2.5 de l’annexe VI à la directive 67/548, leur aurait permis, à la suite d’essais effectués en conformité avec l’annexe V de ladite directive, d’éviter l’étiquetage du produit EnSolv en tant que produit inflammable. En effet, d’une part, selon l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/45, « [l]es dangers découlant des propriétés physico-chimiques d’une préparation sont évalués par la détermination, selon les méthodes spécifiées à l’annexe V, partie A, de la directive 67/54[8], des propriétés physico-chimiques de la préparation nécessaires pour une classification et un étiquetage appropriés, conformément aux critères définis à l’annexe VI de la directive précitée ». D’autre part, au point 2.2.5 de l’annexe VI de la directive 67/548, il est énoncé que, « [t]outefois, en pratique, il a été démontré que les préparations ayant un point d’éclair égal ou supérieur à 21 °C et inférieur ou égal à 55 °C n’ont pas besoin d’être classées inflammables si la préparation ne peut en aucune façon favoriser la combustion et seulement s’il n’y a aucun risque à craindre pour les personnes manipulant ces préparations ou pour les autres personnes ».

47      Lors de la réunion du groupe de travail CMR (devenu le CES), du 16 au 18 janvier 2002, le directeur du Health & Safety Executive (Bureau pour la santé et la sécurité du Royaume-Uni, ci-après le « HSE »), en tant que représentant du Royaume-Uni et rapporteur du dossier de classification du nPB dudit groupe de travail, a proposé que le nPB soit classé par ailleurs comme substance toxique pour la reproduction au sens des catégories 2 (R 60) et 3 (R 63). Le groupe de travail CMR a provisoirement accepté cette proposition et a, en outre, maintenu la classification R 10 jusqu’à ce que le HSE fournisse des informations supplémentaires sur la question de l’inflammabilité du nPB.

48      En mars et avril 2002, le HSE a proposé de classer le nPB comme substance facilement inflammable (R 11) en se fondant sur les résultats d’un nouvel essai scientifique, dénommé « essai [B.] 1996 et 2002 », déterminant le point d’éclair du nPB à - 10 °C.

49      L’Association internationale des solvants brominés (International Brominated Solvent Association, ci-après l’« IBSA »), qui représente la majorité des producteurs et des distributeurs de nPB, y compris des titulaires de brevets pour des produits à base de nPB, tels que les requérantes, a itérativement contesté cette proposition de classification auprès du HSE, du BESC ainsi que du groupe de travail CMR et leur a soumis des données et des arguments scientifiques à l’appui. L’IBSA a fait valoir en outre que des études scientifiques étaient en cours, qui seraient de nature à fournir des renseignements pertinents additionnels sur les propriétés du nPB, y compris sur son mécanisme d’action.

50      Lors de la réunion du groupe de travail CMR du 15 au 17 mai 2002, eu égard aux doutes avancés par certains experts, y compris par celui du Royaume-Uni, tenant aux difficultés de tester l’inflammabilité du nPB et de le classer comme soit R 10, soit R 11, soit R 18, il a été conclu que la classification R 10 devait être provisoirement maintenue et qu’un groupe d’experts spécialisés devait être convoqué pour discuter des questions d’inflammabilité du nPB. Par ailleurs, le groupe de travail CMR a décidé de continuer à classer le nPB, notamment, en tant que substance toxique pour la reproduction au sens des catégories 2 (R 60) et 3 (R 63).

51      Le 4 décembre 2002, le groupe d’experts spécialisés s’est réuni. Le point 4 du compte rendu de cette réunion se lit comme suit :

« Les experts conviennent que l’inflammabilité est la capacité d’une substance de former aux conditions ambiantes un mélange dans l’air qui, en présence d’une source d’inflammation, peut subir une réaction à autopropagation. Les conditions ambiantes sont celles qui sont susceptibles d’exister dans des conditions climatiques environnementales normales, par exemple - 20 [à] 40 °C. »

52      S’agissant plus spécifiquement de l’inflammabilité du nPB, il est précisé, aux points 23 à 30 du même compte rendu, ce qui suit :

« 23. Les experts se voient remettre un tableau énumérant toutes les données disponibles sur l’inflammabilité du nPB (voir annexe 1). Ce tableau avait été préparé avant la réunion par le HSE […].

24. Les experts sont unanimes à considérer que le nPB a un point d’éclair et une plage d’explosibilité et qu’il présente donc un risque intrinsèque d’inflammabilité.

25. Les experts notent que le point d’éclair n’a été démontré que dans un seul type d’essai et que l’essai avait utilisé une plage de température excédant celle qui est spécifiée dans la ligne directrice pour les essais. Ils jugent néanmoins ces résultats valables parce que :

–        il n’y a pas de raison fondamentale d’écarter les conclusions de la méthode d’essai à la température utilisée ;

–        le résultat a été confirmé par deux laboratoires indépendants avec différents échantillons de nPB ;

–        la valeur expérimentale du point d’éclair obtenue est semblable à celle qui a été calculée (voir annexe 2).

26. Aucun point d’éclair n’a été identifié pour le nPB au moyen d’autres types d’essais.

27. Sur la base de ces éléments de preuve, l’opinion majoritaire des experts est que le nPB doit avoir la classification F ; R 11.

28. Un expert considère que cette classification pourrait ne pas être appropriée, le groupe estimant que les risques du nPB sont inférieurs à ceux de certains autres liquides classés F ; R 11. Le nPB ne peut maintenir la combustion après suppression de la source d’inflammation.

29. En ce qui concerne la classification d’autres substances, les experts conviennent que les substances ayant les mêmes caractéristiques d’inflammabilité doivent être classées selon les mêmes critères de classification que ceux appliqués plus haut pour le nPB. Toutefois, les décisions de classification devraient toujours être fondées sur l’examen des données disponibles pour chaque substance chimique considérée individuellement ; il n’y a aucune base valable pour attribuer la même classification à toutes les substances chimiques d’un groupe, par exemple, pour donner à tous les [hydrocarbures halogénés] la classification F ; R 11 par défaut.

30. Le groupe recommande que pour les [hydrocarbures halogénés] ayant des limites d’explosion, mais pas de point d’éclair expérimentalement déterminé, la méthode de calcul utilisée pour le nPB (annexe 2) soit utilisée pour estimer un point d’éclair et permettre une décision de classification. »

53      Lors de sa réunion du 15 au 17 janvier 2003, le groupe de travail CMR a pris note, d’une part, des conclusions du groupe d’experts spécialisés quant à l’inflammabilité du nPB et, d’autre part, du fait qu’il existait un mémorandum de l’industrie sur des études en cours concernant la toxicité du nPB pour la reproduction. Par la majorité des votes, le groupe de travail CMR a décidé de classer le nPB en tant que substance toxique pour la reproduction au sens de la catégorie 3 (R 63). Enfin, ledit groupe a décidé de recommander de classer le nPB, lors de la vingt-neuvième adaptation au progrès technique, notamment, en tant que substance facilement inflammable (R 11) et toxique pour la reproduction au sens des catégories 2 (R 60) et 3 (R 63).

54      Après l’adoption de cette recommandation, l’IBSA a itérativement tenté de convaincre le groupe de travail CMR de rouvrir ses discussions sur le nPB.

55      Dans sa réunion du 14 au 16 mai 2003, le groupe de travail CMR a décidé de ne pas rouvrir le débat sur le nPB et a confirmé, contrairement à une demande de retrait du représentant de la République italienne, sa recommandation de classification du nPB lors de la vingt-neuvième adaptation au progrès technique.

56      Par courriers des 29 août et 29 septembre 2003, l’IBSA a demandé à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour corriger les erreurs sous-jacentes aux recommandations du groupe de travail CMR concernant le nPB.

57      Par deux courriers du 3 novembre 2003, la Commission a indiqué aux représentants légaux de l’IBSA, conseils des requérantes dans le présent litige, que les arguments présentés dans leurs courriers des 29 août et 29 septembre 2003 ne justifiaient pas une modification de la classification du nPB, telle que recommandée par le groupe de travail CMR.

58      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 23 décembre 2003, les requérantes ont introduit un recours visant à l’annulation des courriers susmentionnés, qui a été enregistré sous la référence T‑422/03.

59      Par la directive 2004/73/CE de la Commission, du 29 avril 2004, portant vingt-neuvième adaptation au progrès technique de la directive 67/548 (JO L 152, p. 1, rectificatif JO L 216, p. 3, ci-après la « directive attaquée »), publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 30 avril 2004, le nPB a été classé, sous l’index n° 602-019-00-5, comme suit à l’annexe 1 B, p. 32 (rubriques vides ou non pertinentes non reprises) :

Index n°

Nom chimique

Classification

Étiquetage

602-019-00-5

l-bromopropane

bromure de n-propyle

F ; R 11

Rep. Cat. 2 ; R 60

Rep. Cat. 3 ; R 63

Xn ; R 48/20

Xi ; R 36/37/38

R 67

T ; F

R : 60-11-36/37/38-

48/20-63-67

S : 53-45


60      Aux termes du considérant 1 de la directive attaquée, notamment :

« L’annexe I de la directive 67/548/CEE contient une liste de substances dangereuses […]. Cette liste doit être actualisée pour inclure les substances nouvelles notifiées et d’autres substances existantes ainsi que pour adapter les entrées existantes au progrès technique […] »

61      En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive attaquée, l’annexe I de la directive 67/548 est modifiée, notamment, comme suit :

« […] 

b) les entrées [de l’annexe I de la directive 67/548] correspondant aux entrées de l’annexe 1 B de la présente directive sont remplacées par le texte figurant à cette [dernière] annexe ;

[…] »

62      Selon l’article 2, paragraphe 1, de la directive attaquée, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à ladite directive au plus tard le 31 octobre 2005.

63      Conformément à son article 3, la directive attaquée est entrée en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel, à savoir le 20 mai 2004.

 Procédure et conclusions des parties

64      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2004, les requérantes ont introduit le présent recours.

65      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la directive attaquée dans la mesure où elle classe le nPB parmi les substances facilement inflammables (R 11) et toxiques pour la reproduction de catégorie 2 (R 60) (ci-après la « classification contestée ») ;

–        déclarer la Commission responsable du préjudice qu’elles ont subi en raison de son comportement illégal et les indemniser d’un montant provisionnel de 350 000 euros ;

–        déclarer la Commission responsable des pertes imminentes et des dommages prévisibles avec une certitude suffisante, même dans l’hypothèse où ce préjudice ne pourrait pas encore être déterminé avec précision ;

–        condamner la Commission aux dépens.

66      Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le 13 septembre 2004, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, à l’encontre des demandes d’annulation et indemnitaire. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception le 25 octobre 2004.

67      Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le 4 novembre 2004, les requérantes ont introduit, conformément aux articles 242 CE et 243 CE, une demande de mesures provisoires visant à ce que le juge des référés ordonne la suspension de « l’inclusion du nPB dans la directive [attaquée] jusqu’à ce qu’il soit statué au principal ». Par ordonnance du 10 février 2005, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission (T‑291/04 R, Rec. p. II‑475), le président du Tribunal a rejeté cette demande et a réservé les dépens.

68      Par ordonnance du Tribunal du 30 juin 2005, la décision sur l’exception d’irrecevabilité ainsi que sur les dépens a été réservée à la décision mettant fin à l’instance.

69      Dans le mémoire en défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

70      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 15 juillet 2005, les parties entendues, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑422/03 aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

71      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 1er mars 2007, la procédure a été suspendue pour être reprise à la suite du prononcé de l’arrêt de la Cour du 13 mars 2008, Commission/Infront WM (C‑125/06 P, Rec. p. I‑1451).

72      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 18 décembre 2008, la procédure a été suspendue pour être reprise à la suite du prononcé de l’arrêt de la Cour du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe) (C‑425/08, Rec. p. I‑10035).

73      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 27 novembre 2009, les requérantes se sont désistées de leur recours dans l’affaire T‑422/03.

74      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 18 décembre 2009, l’affaire T‑422/03 a été rayée du registre du Tribunal.

75      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure au titre de l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a informé les parties de l’adoption et de l’entrée en vigueur du règlement n° 1272/2008 et leur a demandé de soumettre par écrit leurs observations sur les conséquences éventuelles qu’il convenait d’en tirer pour la suite de la présente procédure. En réponse à cette demande, par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 15 janvier 2010, la Commission a demandé à ce que le Tribunal constate, en vertu des articles 113 et 114 du règlement de procédure, que le présent recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer au motif que l’annexe I de la directive 67/548, y compris la classification contestée, a été abrogée par le règlement n° 1272/2008 avec effet au 20 janvier 2009.

76      Les requérantes ont soumis leurs observations sur cette demande le 11 mars 2010. Dans le cadre de ces observations, elles ont demandé à ce qu’il plaise au Tribunal d’accepter l’adaptation de leurs conclusions et de leurs moyens d’annulation en ce sens qu’ils visent désormais également la classification contestée telle que reprise à l’annexe VI, partie 3, tableau 3.2, du règlement n° 1272/2008.

77      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 9 avril 2010, la Commission a conclu au rejet de cette demande.

78      Un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, un autre juge pour compléter la chambre.

79      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

80      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 5 mai 2011.

 En droit

 Sur la demande d’annulation

 Sur la demande de non-lieu à statuer

81      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, ainsi que l’a admis la Commission à l’audience, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience, la demande de non-lieu à statuer ne vise que la demande d’annulation de la directive attaquée et non la demande indemnitaire.

82      Selon la Commission, à la suite de l’abrogation de la classification contestée par le règlement n° 1272/2008, la demande d’annulation doit être rejetée, conformément aux articles 113 et 114 du règlement de procédure, au motif qu’elle est devenue sans objet. En effet, l’article 55, paragraphe 11, du règlement n° 1272/2008 prévoirait que l’annexe I de la directive 67/548, y compris la classification contestée y figurant, est « supprimée » – ce qui serait synonyme du terme « abrogée » – avec effet à la date d’entrée en vigueur dudit règlement, à savoir le 20 janvier 2009. En outre, le considérant 53 du même règlement confirmerait que les classifications visées à l’annexe I de ladite directive ont été transférées telles quelles à l’annexe VI dudit règlement. Les requérantes ne sauraient non plus prétendre avoir conservé un intérêt à agir contre la directive attaquée conformément aux critères exceptionnels reconnus par la jurisprudence.

83      Les requérantes estiment conserver un intérêt à poursuivre la présente procédure.

84      Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42 ; voir arrêts du Tribunal du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission, T‑45/06, Rec. p. II‑2399, point 35, et du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec. p. II‑565, point 43, et la jurisprudence qui y est citée).

85      En l’espèce, il n’est pas contesté que les requérantes disposaient d’un intérêt à agir contre la classification contestée lors de l’introduction du présent recours.

86      En outre, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si, à la suite de la suppression, en vertu de l’article 55, paragraphe 11, du règlement n° 1272/2008, de l’annexe I de la directive 67/548, la classification contestée a cessé de produire des effets juridiquement contraignants, il y a lieu de rappeler que l’éventuelle expiration en cours d’instance de l’acte attaqué n’entraîne pas, à elle seule, l’obligation pour le juge de l’Union de prononcer un non-lieu à statuer pour défaut d’objet ou pour défaut d’intérêt à agir à la date du prononcé de l’arrêt (voir, en ce sens, arrêt Wunenburger/Commission, point 84 supra, point 47, et arrêt Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, point 84 supra, point 46).

87      À cet égard, ainsi que l’a concédé la Commission à l’audience, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience, force est de constater que les requérantes ont fait l’objet de poursuites et de sanctions, au niveau national, pour avoir enfreint, lors de la commercialisation du produit Ensolv, les prescriptions résultant de la classification contestée, telle que transposée par la réglementation pertinente nationale. Ces poursuites et sanctions sont à l’origine d’un contentieux entamé le 12 juillet 2007 devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la magistrature royale du siège (formation administrative), Royaume-Uni] (affaire CO/5860/2007), qui est actuellement suspendu dans l’attente de l’arrêt mettant fin à l’instance dans la présente procédure [voir, également, arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, point 25]. Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que la directive attaquée constitue le fondement juridique des règles nationales édictées par les États membres pour se conformer à l’obligation de transposition prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, lu conjointement avec l’article 249, troisième alinéa, CE, et que toute mesure administrative nationale de contrôle et de répression prise dans ce contexte, notamment en cas d’infraction à ces règles, continue à trouver sa justification dans la classification contestée telle qu’introduite par cette même directive.

88      Ainsi que les requérantes l’ont fait valoir, d’une part, il en résulte que la directive attaquée a déjà produit des effets juridiquement contraignants à leur égard au niveau national, en ce qu’elles étaient exposées à des poursuites et à des sanctions notamment au Royaume-Uni pour n’avoir pas respecté les restrictions imposées par la classification contestée, ce qui est à l’origine du contentieux porté devant la High Court of Justice, et, d’autre part, seul un arrêt d’annulation produit un effet ex tunc en éliminant la classification contestée avec effet rétroactif de l’ordre juridique de l’Union comme si elle n’avait jamais existé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 35).

89      En revanche, le seul constat d’abrogation ou de caducité de la classification contestée, voire un éventuel constat de son illégalité en réponse à une demande indemnitaire (arrêt du Tribunal du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, Rec. p. II‑3331, point 45), ne seraient pas suffisants pour protéger les requérantes contre les mesures nationales répressives prises à leur égard, dès lors que, à la différence d’un arrêt d’annulation, de tels constats n’auraient, en principe, qu’un effet ex nunc et limité au seul litige en indemnité et n’élimineraient pas rétroactivement le fondement juridique desdites mesures.

90      Dans ces conditions, compte tenu des mesures répressives prises à l’encontre des requérantes sur le fondement de la classification contestée introduite, d’abord, par la directive attaquée et, ensuite, par les règles nationales destinées à sa mise en œuvre, les requérantes sont fondées à alléguer qu’elles tireraient un bénéfice d’une annulation de cette classification contestée et, partant, qu’elles conservent un intérêt à agir à cet égard.

91      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de non-lieu à statuer de la Commission.

 Sur la demande d’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation

92      Au soutien de leur demande d’adapter leurs conclusions et moyens d’annulation visant la classification contestée telle que reprise à l’annexe VI, partie 3, du règlement n° 1272/2008, les requérantes avancent que, en raison de la suspension de la présente procédure jusqu’à ce que la Cour rende son arrêt dans l’affaire C‑425/08 et de la publication du règlement n° 1272/2008, le 31 décembre 2008, elles n’auraient pas pu demander au Tribunal l’autorisation d’adapter leurs conclusions et moyens d’annulation à la suite de l’entrée en vigueur dudit règlement. La principale raison pour laquelle elles n’ont pas formé de recours distinct contre cette nouvelle classification aurait été que l’affaire C‑425/08 était pendante à ce stade. En effet, si l’issue de cette procédure avait été favorable pour les requérantes, un recours distinct dirigé contre le règlement n° 1272/2008 aurait été inutile. En tout état de cause, en l’espèce, la demande d’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation serait recevable eu égard aux critères reconnus par le Tribunal dans son arrêt du 9 septembre 2010, Al-Aqsa/Conseil (T‑348/07, non encore publié au Recueil, points 30 à 36).

93      La Commission conclut au rejet de la demande d’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation comme tardive et donc irrecevable.

94      Il a été constaté par une jurisprudence constante que, lorsqu’un acte est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui-ci peut être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Dans un tel cas, il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et des moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, en ce sens, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 88 supra, point 28, et la jurisprudence qui y est citée ; voir, également, arrêt du Tribunal du 7 octobre 2009, Vischim/Commission, T‑420/05, Rec. p. II‑3841, point 53).

95      Toutefois, en l’espèce, alors même que la classification contestée introduite par la directive attaquée a été remplacée, en cours d’instance, par une classification analogue figurant à l’annexe VI, partie 3, tableau 3.2, du règlement n° 1272/2008, force est de constater que les requérantes, selon leur propre aveu, n’ont ni formé de recours en annulation distinct contre ce règlement ni demandé, dans le cadre de la présente procédure, l’autorisation d’adapter leurs conclusions en annulation dans le délai de recours prévu à cet effet à l’article 230, cinquième alinéa, CE. Or, pour des raisons analogues à celles retenues par la jurisprudence n’ayant autorisé une régularisation des conditions de recevabilité d’un recours en annulation que lorsqu’elle intervenait avant l’expiration du délai de recours (arrêt de la Cour du 27 novembre 1984, Bensider e.a./Commission, 50/84, Rec. p. 3991, point 8), une adaptation des conclusions d’annulation après l’expiration de ce délai serait incompatible avec l’article 230, cinquième alinéa, CE. En effet, conformément aux principes de sécurité juridique et d’égalité des justiciables devant la loi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, Rec. p. I‑439, point 101), cette disposition consacre un délai de recours d’ordre public qui est fixe, absolu et non prorogeable. Toute dérogation à ou extension de ce délai accordée par le juge de l’Union, même unanimement consentie par les parties, serait donc contraire au libellé et à l’économie univoques de cette disposition ainsi qu’à la volonté des auteurs du traité. Par ailleurs, les critères d’ordre public, au sens des articles 111 et 113 du règlement de procédure, qui imposent au Tribunal de déclarer irrecevable soit un recours en annulation, soit une demande d’adaptation des conclusions d’annulation, ne peuvent recevoir une interprétation restrictive, sous peine d’ouvrir, contrairement au principe de sécurité juridique et à l’égalité des justiciables devant la loi, la possibilité de contourner les prescriptions impératives du traité régissant, notamment, les délais de recours.

96      Dans ce contexte, les requérantes ne sauraient se prévaloir de l’approche exceptionnelle du Tribunal dans son arrêt Al-Aqsa/Conseil, point 92 supra, qui concernait, en outre, une situation factuelle et juridique fort particulière et non comparable à celle du cas d’espèce. En effet, en l’espèce, les requérantes ont, soit de propos délibéré, soit par négligence, omis de former un recours en annulation à l’encontre de la classification contestée analogue figurant à l’annexe VI, partie 3, tableau 3.2, du règlement n° 1272/2008 ou de demander l’adaptation correspondante de leurs conclusions d’annulation dans le délai de recours prévu à cet effet, dans le cadre de la présente procédure, alors même qu’elles étaient manifestement en mesure de le faire et qu’une telle démarche pouvait être raisonnablement exigée d’elles. À cet égard, le seul argument tiré du fait que cette procédure était suspendue, en vertu de l’article 77, sous a), et de l’article 79, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, au moment de la publication du règlement n° 1272/2008 au Journal officiel, le 31 décembre 2008, est dépourvu de pertinence, dès lors que cette suspension ne pouvait pas avoir une incidence sur l’écoulement du délai de recours visé à l’article 230, cinquième alinéa, CE.

97      Dès lors, la demande d’adaptation des conclusions des requérantes, qui est intervenue le 11 mars 2010 – c’est-à-dire presque un an après l’expiration du délai de recours à l’encontre du règlement n° 1272/2008 et presque cinq mois après la reprise de la présente procédure à la suite du prononcé de l’arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra –, est manifestement tardive et doit être rejetée comme irrecevable.

 Sur la recevabilité de la demande d’annulation au regard de l’article 230, quatrième alinéa, CE

98      À titre liminaire, il convient de relever que, en dépit de l’entrée en vigueur en cours d’instance, à savoir le 1er décembre 2009, de l’article 263 TFUE, la question de la recevabilité de la demande d’annulation doit être tranchée sur le seul fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE (ordonnances du Tribunal du 7 septembre 2010, Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, T‑532/08, non encore publiée au Recueil, points 68 à 75, et Etimine et Etiproducts/Commission, T‑539/08, non encore publiée au Recueil, points 74 à 81), ce qui n’est pas contesté par les parties.

99      Selon la Commission, la demande d’annulation doit être déclarée irrecevable, dès lors que les requérantes ne sont pas individuellement concernées par la classification contestée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. D’une part, les requérantes ne disposeraient pas de droits procéduraux dans le cadre de la procédure d’adaptation de la directive 67/548 au progrès technique ; d’autre part, elles ne pourraient pas se prévaloir de droits préexistants les individualisant comme un destinataire. Ainsi, la licence exclusive pour l’exploitation du brevet européen EP 0 781 842 B1, dont les requérantes ne seraient pas les titulaires, ne concernerait pas le nPB en tant que tel, mais un mélange de solvants ainsi qu’une méthode de nettoyage. De même, ce brevet en soi ne serait pas invalidé par la classification contestée. En outre, les requérantes ne feraient pas partie d’une catégorie d’opérateurs dont le nombre était identifiable et limité au moment de l’adoption de la directive attaquée.

100    Les requérantes estiment être individuellement concernées par la classification contestée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, de sorte que leur demande d’annulation est recevable. À cet égard, les requérantes font valoir, en substance, que, premièrement, elles ont activement participé à la procédure « administrative » ayant abouti à l’adoption de la classification contestée, procédure dans le cadre de laquelle la Commission leur a adressé des « décisions individuelles », et disposaient de garanties procédurales. Deuxièmement, la classification contestée invaliderait leur droit de propriété intellectuelle préexistant, à savoir la licence exclusive dérivée du brevet européen EP 0 781 842 B1 portant sur le produit EnSolv composé à 95 % de nPB ainsi que sur une technologie de nettoyage de précision à vapeur, dont les qualités dépendraient du caractère efficace, non inflammable et inoffensif du nPB, avec pour conséquence définitive la disparition de leur position sur le marché. Troisièmement, les requérantes soutiennent que, eu égard à leur position particulière sur le marché et en tant que titulaires d’un tel droit préexistant, elles feraient partie d’une « catégorie fermée » d’opérateurs affectés. Quatrièmement, le Tribunal devrait déclarer la demande d’annulation recevable pour satisfaire à leur droit à une protection juridictionnelle effective.

101    S’agissant du point de savoir si les requérantes sont individuellement concernées par la classification contestée, il convient de rappeler que la directive attaquée comportant ladite classification constitue un acte de portée générale en ce qu’elle s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir à l’égard de toute personne physique ou morale produisant et/ou commercialisant le nPB ou des produits à base de nPB. Toutefois, le fait qu’un acte a, par sa nature et par sa portée, un caractère général en ce qu’il s’applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés n’exclut pas qu’il puisse concerner individuellement certains d’entre eux (arrêt de la Cour du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, Rec. p. I‑2903, point 29 ; ordonnances du Tribunal du 10 septembre 2002, Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil, T‑223/01, Rec. p. II‑3259, point 29, et du 30 avril 2003, Villiger Söhne/Conseil, T‑154/02, Rec. p. II‑1921, point 40).

102    À cet égard, il convient de rappeler qu’un sujet autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concerné individuellement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, que si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et ordonnance de la Cour du 26 novembre 2009, Região autónoma dos Açores/Conseil, C‑444/08 P, non publiée au Recueil, point 36).

103    Par ailleurs, lorsqu’une décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (arrêts de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 60 ; Commission/Infront WM, point 71 supra, point 71, et Sahlstedt e.a./Commission, point 101 supra, point 30).

104    Toutefois, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure lorsqu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (ordonnance de la Cour du 8 avril 2008, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑503/07 P, Rec. p. I‑2217, point 70, et arrêt Sahlstedt e.a./Commission, point 101 supra, point 31).

105    C’est au regard de ces principes qu’il y a lieu d’apprécier si les requérantes sont individuellement concernées par la classification contestée.

106    En premier lieu, s’agissant de la participation des requérantes à la procédure ayant abouti à l’adoption de la classification contestée et de l’existence d’éventuelles garanties procédurales en leur faveur, force est de constater que la réglementation pertinente ne prévoit pas de garanties procédurales protégeant les requérantes et dont celles-ci pourraient se prévaloir pour démontrer l’existence de leur qualité à agir contre la directive attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, Rec. p. II‑5839, points 58 à 90). Or, en l’absence de droits procéduraux protégeant les requérantes, celles-ci ne sauraient prétendre être individualisées de ce fait au regard de la classification contestée (voir, en ce sens, ordonnances Norilsk Nickel Harjavalta et Umicore/Commission, point 98 supra, points 103 à 106, et Etimine et Etiproducts/Commission, point 98 supra, points 109 à 112 ; voir également, en ce sens et par analogie, ordonnance de la Cour du 17 février 2009, Galileo Lebensmittel/Commission, C‑483/07 P, Rec. p. I‑959, point 53). Par ailleurs, il est constant que les requérantes ne sont intervenues dans le cadre de la procédure d’adaptation de la directive 67/548 au progrès technique aboutissant à la classification contestée qu’après que cette procédure avait été entamée au sein du groupe de travail CMR, en s’adressant en 2003, notamment, au HSE, en tant que rapporteur en charge du dossier, et en lui soumettant des informations nouvelles afin d’obtenir une réouverture des discussions à cet égard, et qu’elles n’étaient donc ni à l’origine de la classification initiale du nPB, telle que modifiée par la directive attaquée, ni de celle effectuée par cette dernière directive.

107    En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue position particulière des requérantes sur le marché pertinent en tant qu’opérateurs « à produit unique » et détenteurs d’un droit spécifique préexistant ainsi que de leur éventuelle appartenance à une catégorie fermée d’opérateurs, il y a lieu de relever qu’il ressort des informations portant sur la production et sur la commercialisation de produits à base de nPB, telles que fournies par les parties en réponse à des questions écrites du Tribunal, d’une part, que le nPB constitue une composante d’une multitude de produits – distincts des solvants destinés au nettoyage – relevant de marchés divers, tels les aérosols, les textiles, les adhésifs, les encres et les revêtements, et qu’il est utilisé comme intermédiaire de synthèse pour la fabrication de produits pharmaceutiques et d’autres composés organiques, tels les insecticides, les composés d’ammonium quaternaire, les arômes et les parfums. D’autre part, en ce qui concerne la structure du marché pertinent de la production et de la vente de solvants à base de nPB destinés au nettoyage de haute précision à la vapeur, sur lequel les requérantes sont actives, il ressort desdites informations que les requérantes ne sont pas les seuls opérateurs à utiliser le nPB en tant qu’ingrédient essentiel d’un tel produit de nettoyage, mais qu’il existe plusieurs concurrents directs actifs sur ce même marché. Ainsi, alors que, à cet égard, la Commission a identifié trois sociétés (toutes établies aux États-Unis), les requérantes ont, dans un premier temps, recensé quatre producteurs concurrents de solvants à base de nPB, qui seraient « théoriquement affectés » par la classification contestée, et ont précisé, dans un second temps, à l’audience, que certains d’entre eux ont probablement quitté le marché européen. Par ailleurs, il résulte d’une lettre du 13 novembre 2002, adressée par les conseils des requérantes à la Commission au nom de l’IBSA, que « [l]es membres de l’IBSA représentent 90 % de l’industrie des solvants au nPB et comptent [cinq] fabricants [...] » et que « les membres de l’IBSA détiennent six brevets américains pour des produits à base de nPB ainsi que des brevets européens et d’autres brevets étrangers ».

108    Dans ces circonstances, même à supposer que la classification contestée n’affecte le nPB que dans la mesure où il est commercialisé sur le marché de la production et de la vente de solvants à base de nPB de nettoyage de haute précision à la vapeur, ce qui n’est pas le cas, force est de constater que, eu égard aux éléments visés au point 107 ci-dessus, les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer leur prétendue situation particulière en tant qu’opérateur « à produit unique » et détenteur de droits spécifiques préexistants, ni leur éventuelle appartenance à une catégorie fermée d’opérateurs.

109    En effet, même à la suite d’une contestation circonstanciée de la part de la Commission, les requérantes sont restées en défaut de préciser, à suffisance de droit, les caractéristiques particulières et la composition de la prétendue catégorie fermée d’opérateurs commercialisant un produit à base de nPB analogue au produit EnSolv, dont elles admettent qu’ils sont également affectés par la classification contestée. Ainsi, il ne ressort pas des écritures des requérantes si cette catégorie d’opérateurs est censée comprendre ceux produisant et/ou commercialisant des solvants de nettoyage à base de nPB et/ou ceux disposant de droits de propriété intellectuelle analogues à celui des requérantes, ce qui pourrait être déduit de la lettre de l’IBSA. Par ailleurs, les requérantes n’ont pas réussi à établir que cette catégorie d’opérateurs n’était pas susceptible d’être modifiée après l’entrée en vigueur de la classification contestée. Or, compte tenu de l’absence de précision fiable concernant l’identité, le nombre et la situation des opérateurs concernés, en particulier le point de savoir s’ils disposent ou non d’une position sur le marché ou de droits préexistants analogues et s’ils subissent ou non des effets négatifs semblables du fait de la classification contestée, les conditions permettant de conclure à l’existence d’un cercle restreint d’opérateurs (arrêt Commission/Infront WM, point 71 supra, points 73 à 76), affecté par ladite classification, ne sont manifestement pas remplies.

110    Il y a lieu de rappeler en outre que la possibilité de déterminer, au moment de l’adoption de l’acte contesté, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droits auxquels s’applique ledit acte n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cet acte lorsqu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir la jurisprudence citée au point 104 ci-dessus). Par ailleurs, il ne suffit pas que certains opérateurs soient économiquement plus affectés par un acte de portée générale que d’autres pour les individualiser par rapport à ces autres opérateurs, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (voir arrêt du Tribunal du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, non encore publié au Recueil, point 106, et la jurisprudence qui y est citée). En outre, la jurisprudence a reconnu que la seule circonstance qu’un requérant est susceptible de perdre une source importante de revenus en raison d’une nouvelle réglementation ne prouve pas qu’il se trouve dans une situation spécifique et ne suffit pas à démontrer que cette réglementation le vise individuellement, le requérant devant rapporter la preuve de circonstances permettant de considérer que le préjudice prétendument subi est de nature à l’individualiser par rapport à tout autre opérateur économique concerné par ladite réglementation de la même façon que lui (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 29 juin 2006, Nürburgring/Parlement et Conseil, T‑311/03, non publiée au Recueil, points 65 et 66, et la jurisprudence qui y est citée).

111    Par conséquent, l’hypothèse selon laquelle les requérantes subissent, à la suite de l’entrée en vigueur et de la mise en œuvre de la classification contestée, une perte économique substantielle ne saurait donc justifier, à elle seule, de reconnaître qu’elles sont individuellement concernées.

112    De même, la circonstance, à la supposer avérée, que les requérantes sont les seuls opérateurs à avoir concentré leur activité économique sur la commercialisation d’un solvant de nettoyage à base de nPB, qui est particulièrement touché par la classification contestée au motif qu’il est composé à 95 % de cette substance, n’est pas non plus suffisante pour les individualiser tant qu’il existe d’autres opérateurs produisant et/ou commercialisant des solvants analogues ou d’autres produits à base de nPB et que le nombre et l’identité de ces opérateurs ne sont pas précisés, voire que le groupe de ces opérateurs est susceptible d’être modifié après l’entrée en vigueur de ladite classification (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477, point 11, et ordonnance du Tribunal du 6 septembre 2004, SNF/Commission, T‑213/02, Rec. p. II‑3047, points 62 et 63), et que cette classification affecte leurs produits au même titre que le produit des requérantes.

113    Dans ces conditions, force est de constater que les requérantes n’ont pas démontré, à suffisance de droit, même à la suite de la contestation circonstanciée de la Commission et de plusieurs mesures d’organisation de la procédure prises par le Tribunal, que, au moment de l’adoption de la directive attaquée, soit elles faisaient partie d’une catégorie fermée d’opérateurs individualisée au regard de la classification contestée, soit leur position particulière sur le marché de la production et de la commercialisation des solvants à base de nPB de nettoyage de haute précision à la vapeur les individualisait par rapport à tout autre opérateur. En effet, dans la mesure où la classification contestée ne vise que le nPB en tant que tel et non un quelconque produit à base de cette substance, tel que le produit EnSolv, cette classification produit des effets juridiquement contraignants, de manière abstraite et générale, à l’égard de tous les opérateurs utilisant le nPB à des fins diverses et étant actifs sur des marchés différents. Ainsi, la classification contestée s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir tous les producteurs et utilisateurs de nPB.

114    En troisième lieu, eu égard aux considérations qui précèdent, le droit préexistant des requérantes fondé sur la licence exclusive d’exploitation d’une invention brevetée à base de nPB, dénommée EnSolv, n’est pas non plus susceptible de les individualiser comme un destinataire.

115    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si l’existence, au moment de l’adoption d’un acte de portée générale, d’un droit spécifique ou exclusif de propriété intellectuelle est, sous certaines conditions, susceptible de conférer à un requérant titulaire d’un tel droit la qualité pour agir, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE (arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, points 21 et 22, et arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, Infront WM/Commission, T‑33/01, Rec. p. II‑5897, points 160 et 165 à 167), il ressort du dossier que, au moment de l’entrée en vigueur de la directive attaquée, plusieurs concurrents des requérantes, actifs sur le marché des solvants de nettoyage à base de nPB, disposaient également de droits de propriété intellectuelle, y compris des brevets, liés à la production et à la commercialisation desdits solvants (voir point 107 ci-dessus), dont l’exploitation risquait d’être affectée par la classification contestée. Or, même à la suite d’une question écrite précise à cet égard, les requérantes ont omis de se prononcer, de manière circonstanciée, sur le point de savoir si et dans quelle mesure ces autres opérateurs se trouvaient ou non dans une situation analogue à la leur, mais se sont limitées à réitérer que leur licence exclusive était particulièrement touchée en raison de la description du produit breveté comme ni inflammable ni dangereux.

116    Toutefois, d’une part, ainsi qu’il a été reconnu par la jurisprudence, l’existence d’un droit acquis ou subjectif, y compris d’un droit de propriété, dont la portée ou l’exercice est potentiellement affecté par l’acte litigieux, n’est pas en tant que telle de nature à individualiser le titulaire dudit droit, en particulier lorsque d’autres opérateurs sont susceptibles de disposer de droits analogues et, partant, de se trouver dans la même situation que ce titulaire (voir, en ce sens, arrêt Sahlstedt e.a./Commission, point 101 supra, point 32, et ordonnance Etimine et Etiproducts/Commission, point 98 supra, point 104, et la jurisprudence qui y est citée), ce qui est manifestement le cas en l’espèce. D’autre part, même à la suite de questions écrite et orale du Tribunal, les requérantes n’étaient pas en mesure d’expliquer si et dans quelle mesure la classification contestée était de nature à les empêcher de continuer à utiliser leur licence exclusive, à les priver du droit correspondant, voire à invalider le brevet européen EP 0 781 842 B1 (voir, en ce sens, arrêt Codorníu/Conseil, point 115 supra, point 21 ; ordonnances de la Cour du 21 novembre 2005, SNF/Commission, C‑482/04 P, non publiée au Recueil, point 41, et Galileo Lebensmittel/Commission, point 106 supra, point 45). En effet, si les requérantes ont soutenu que la classification contestée affectait la commercialisation du produit EnSolv et leur position concurrentielle, elles n’ont pas pour autant allégué que, à la suite de l’entrée en vigueur de cette classification, au plus tard au niveau national, elles auraient été tenues d’arrêter l’exploitation commerciale de leur licence exclusive.

117    En quatrième lieu, s’agissant du droit à une protection juridictionnelle effective, il suffit de constater que, si les particuliers doivent pouvoir bénéficier d’une telle protection des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique de l’Union, l’invocation dudit droit ne saurait remettre en cause les conditions posées à l’article 230 CE. En effet, la protection juridictionnelle des personnes physiques ou morales qui ne peuvent pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement des actes de l’Union, en particulier ceux de portée générale, doit être assurée de manière efficace par les voies de recours devant les juridictions nationales. Celles-ci sont, conformément au principe de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE, tenues d’interpréter et d’appliquer, dans toute la mesure du possible, les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière qui permette auxdites personnes de contester en justice la légalité de toute décision ou de toute autre mesure nationale relative à l’application à leur égard d’un acte de l’Union, en excipant de l’invalidité de ce dernier et en amenant ainsi ces juridictions à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, points 43 et 44, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec. p. I‑7993, points 65 et 66).

118    Dans ces conditions, l’argument des requérantes selon lequel, en cas d’irrecevabilité de la demande d’annulation, la seule option pour elles consisterait à enfreindre les législations nationales portant classification et commercialisation des substances et à s’exposer à des sanctions, y compris pénales, pour pouvoir saisir les juridictions nationales ne saurait prospérer. En tout état de cause, il y a lieu de relever que les requérantes étaient manifestement en mesure de former des recours devant les juridictions nationales contre de telles mesures nationales mettant en œuvre la classification contestée. D’ailleurs, un premier de ces recours a donné lieu, sur renvoi préjudiciel, à l’arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, et un second au litige devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) (affaire CO/5860/2007), actuellement suspendu dans l’attente de l’arrêt mettant fin à l’instance dans la présente procédure.

119    Dès lors, l’argument des requérantes fondé sur le droit à une protection juridictionnelle effective doit être rejeté.

120    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les requérantes n’ont pas établi être individuellement concernées par la classification contestée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, et que, dès lors, leur demande d’annulation doit être déclarée irrecevable.

 Sur la demande indemnitaire

 Observation liminaire

121    La Commission ayant renoncé, à l’audience, à l’exception d’irrecevabilité concernant la demande indemnitaire, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience, et aucune autre circonstance susceptible de mettre en doute la recevabilité de cette demande n’étant apparue, il y a lieu d’apprécier son bien-fondé.

 Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

122    L’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, Rec. p. I‑10833, point 26, et la jurisprudence qui y est citée, et arrêt Arcelor/Parlement et Conseil, point 110 supra, point 139, et la jurisprudence qui y est citée).

123    Étant donné le caractère cumulatif de ces conditions, le recours doit être rejeté dans son ensemble lorsqu’une seule de ces conditions n’est pas remplie (voir arrêt Arcelor/Parlement et Conseil, point 110 supra, point 140, et la jurisprudence qui y est citée).

124    S’agissant de la première de ces conditions, il est exigé que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 42). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution de l’Union concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. C’est seulement lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, que la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, Rec. p. I‑11355, point 54 ; voir arrêt Arcelor/Parlement et Conseil, point 110 supra, point 141, et la jurisprudence qui y est citée).

125    Il convient d’apprécier le bien-fondé des moyens d’illégalité invoqués par les requérantes à la lumière de ces critères. À cet égard, il y a lieu de préciser que la classification contestée, que les requérantes considèrent comme étant illégale, a été adoptée par la Commission sous forme d’une directive ayant trait à la protection de la santé des consommateurs et dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu dans ce cadre technique et juridique complexe, à caractère essentiellement évolutif [voir, en ce sens, arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, points 46 et 47]. Ainsi, une éventuelle violation suffisamment caractérisée des règles de droit en cause doit reposer sur une méconnaissance manifeste et grave des limites du large pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose dans l’exercice de ses compétences en matière de protection de la santé et des consommateurs (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 166, et du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, Rec. p. II‑4945, point 201).

126    Dès lors, il y a lieu de vérifier si la prétendue violation des règles de droit invoquées par les requérantes consiste en une méconnaissance manifeste et grave des limites de la large marge d’appréciation dont disposait la Commission lors de l’adoption de la directive attaquée (voir point 59 ci-dessus).

 Sur les moyens d’illégalité

127    Au soutien de leur demande indemnitaire, les requérantes invoquent, en substance, sept moyens visant à faire valoir que la classification contestée est illégale.

128    Le premier moyen est subdivisé en trois branches, qui sont tirées d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit dans l’application des dispositions de la directive 67/548, à savoir, premièrement, les méthodes d’essai prévues à son annexe V, deuxièmement, les critères de classification prévus à son annexe VI, et, troisièmement, le critère de manipulation ou d’utilisation normales visé à son annexe VI.

129    Le deuxième moyen est tiré de la violation de la confiance légitime dans l’application correcte des critères de classification pertinents prévus par la directive 67/548.

130    Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 3, CE et du principe de « bonne administration » en ce que la Commission a omis d’examiner l’ensemble des preuves scientifiques disponibles sur le nPB.

131    Le quatrième moyen est tiré d’une application erronée (de facto) du principe de précaution, qui ne serait pas applicable aux actes fondés sur une évaluation des risques.

132    Le cinquième moyen est tiré de l’incompétence et d’une violation de certains principes généraux du droit de l’Union.

133    Ce moyen est subdivisé en cinq branches, à savoir, premièrement, l’incompétence de la Commission pour avoir ignoré et outrepassé les critères pertinents de classification prévus par la directive 67/548 ; deuxièmement, une violation du principe de sécurité juridique et de la confiance légitime dans l’application correcte desdits critères de classification ; troisièmement, une violation par la Commission du principe d’indépendance et d’excellence des conseils scientifiques pour avoir entériné une recommandation du groupe de travail CMR qui ne répondait pas aux exigences d’indépendance, d’excellence, de transparence, d’impartialité et d’intégrité requises ; quatrièmement, une violation du principe de proportionnalité en ce que les conséquences commerciales irréversibles et réglementaires de la classification contestée excèdent ce qui est nécessaire pour réaliser les objectifs poursuivis ; cinquièmement, une violation du principe d’égalité de traitement pour avoir utilisé une méthode d’essai aux fins de déterminer le point d’éclair du nPB qui n’a pas été utilisée pour classer des solvants similaires, tels que les solvants brominés et chlorinés.

134    Le sixième moyen (présenté comme une branche du cinquième moyen) est tiré d’un détournement de pouvoir en ce que la classification contestée est fondée sur un seul essai non conforme aux fourchettes de températures énoncées à l’annexe V de la directive 67/548 et aux méthodes prévues par ladite directive.

135    Le septième moyen (présenté comme une branche du cinquième moyen) est tiré d’une violation du principe de « bonne administration » et de l’obligation d’examiner, de manière diligente et impartiale, les informations et les demandes soumises par les requérantes.

136    À l’audience, eu égard à l’arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, les requérantes se sont désistées du quatrième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de précaution, des quatrième et cinquième branches du cinquième moyen, tirées respectivement de la violation du principe de proportionnalité et du principe d’égalité de traitement, ainsi que du sixième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 Sur les conséquences de l’arrêt Enviro Tech (Europe)

137    À titre liminaire, il convient de constater que l’objet du présent litige se recoupe largement avec celui de la remise en cause de la validité de la classification contestée, dont la Cour était saisie dans le cadre des questions préjudicielles ayant donné lieu à l’arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, tant la première requérante que la Commission ayant participé aux deux procédures, l’acte dont la validité a été remise en cause, à savoir la classification contestée introduite par la directive attaquée (voir point 59 ci-dessus), étant identique et les griefs visant à son annulation où invalidation étant essentiellement les mêmes.

138    Ainsi, dans la mesure où, dans l’arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, la Cour a rejeté, au regard des questions préjudicielles qui lui avaient été soumises, les griefs visant à remettre en cause la validité de la classification contestée et repris en substance par les requérantes dans le présent recours, et a donc confirmé, dans cette mesure, la légalité de la classification contestée, il ne revient plus au Tribunal de remettre cette appréciation en question (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 13 décembre 1999, Tyco Toys e.a./Commission et Conseil, T‑268/94, Rec. p. II‑3569, point 24).

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de la méconnaissance des dispositions pertinentes de la directive 67/548

139    Selon les requérantes, en entérinant la classification contestée, premièrement, la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation et a méconnu les dispositions régissant les méthodes d’essai prévues à l’annexe V de la directive 67/548. La classification « facilement inflammable » (R 11) serait fondée sur le résultat d’un seul essai identifiant un point d’éclair à - 10 °C, obtenu par Mme B. en appliquant la méthode de l’équilibre conformément à la norme ISO 1523 et en utilisant un appareil Pensky-Martens, tandis que l’application d’autres méthodes, selon les normes ISO 3689, DIN 51755, ISO 13736 et ASTM 1310, n’aurait pas abouti à une inflammation. Alors même que la norme ISO 1523 appliquée préciserait expressément que les essais réalisés en vertu de cette norme ne sont valables que dans la fourchette de températures comprises entre 10 et 110 °C, l’essai effectué par Mme B. n’aurait révélé aucun point d’éclair pour le nPB dans cette fourchette et son résultat ne serait pas valable au regard du point 1.1 du titre A.9 de l’annexe V de la directive 67/548. Deuxièmement, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et méconnu les critères régissant la classification d’une substance comme toxique pour la reproduction prévus au point 4.2.3 de l’annexe VI de la directive 67/548. À cet égard, elle aurait fait une mauvaise appréciation des preuves requises et aurait tiré des conclusions erronées des tests effectués sur des rats en transférant les résultats desdits tests sur l’être humain. Troisièmement, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait fait une mauvaise application du critère de manipulation ou d’utilisation normales visé au point 1.1 de l’annexe VI de la directive 67/548 s’agissant de la classification du nPB comme tant facilement inflammable que toxique pour la reproduction. À cet égard, les requérantes précisent que, dans son arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, la Cour ne s’est pas prononcée sur la branche tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application du critère de manipulation ou d’utilisation normales, le Conseil d’État (Belgique) n’ayant pas posé une question préjudicielle expresse à ce titre.

140    La Commission conclut au rejet comme manifestement non fondé en droit du présent moyen, la Cour ayant tranché, avec l’autorité de chose jugée, toutes les questions juridiques soulevées par les requérantes.

141    S’agissant des deux premières branches du présent moyen, il y a lieu de rappeler que la Cour s’est prononcée comme suit [arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, points 46 à 71] :

« ‑      Observations liminaires

46      À titre liminaire, il y a lieu de souligner que, dans ce cadre technique et juridique complexe, à caractère essentiellement évolutif, la directive 67/548 laisse sur le fond un pouvoir d’appréciation important à la Commission sur la portée des mesures à prendre pour adapter les annexes de cette directive au progrès technique.

47      Ainsi qu’il a été jugé, dès lors que les autorités [de l’Union] disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge [de l’Union] doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge [de l’Union] ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des institutions à qui, seules, le traité a conféré cette tâche (voir arrêt [de la Cour] du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, Rec. p. I‑6557, points 75 à 77).

–      Sur la question de l’inflammabilité

48      Conformément au point 1.2 figurant sous le titre A.9 de l’annexe V de la directive 67/548, l’inflammabilité d’un liquide est déterminée, en premier lieu, en mesurant le point d’éclair de celui-ci. Le point d’éclair est constitué par la température la plus basse d’un liquide à laquelle, dans les circonstances spécifiques à la méthode d’essai, ses vapeurs forment avec l’air un mélange inflammable.

49      Selon la requérante […], en classant le [nPB] en tant que substance facilement inflammable, la directive [attaquée] n’aurait pas respecté les méthodes de détermination des points d’éclair fixées au titre A.9 de l’annexe V de la directive 67/548.

50      À cet égard, il y a lieu d’observer que, […] pour déterminer le point d’éclair des liquides, il y a lieu de choisir entre une méthode de l’équilibre utilisée selon les normes ISO 1516, 3680, 1523 ou 3679, ou une méthode du non-équilibre. [L]e choix de la méthode la plus pertinente dépend des propriétés de la substance à analyser.

51      Ces méthodes comportent des critères pour le choix du matériel en fonction du gradient de température auquel les mesures doivent être réalisées. Il existe plusieurs catégories d’instruments de mesure applicables aux différents gradients de température.

52      Il ressort des éléments du dossier que la Commission, se fondant sur l’avis des experts en la matière contenu dans le compte rendu du groupe d’experts [spécialisés du] 4 décembre 2002 […], a considéré que le [nPB] était une substance facilement inflammable en raison des résultats obtenus à la suite d’expériences réalisées, entre autres, selon la méthode de l’équilibre et la norme ISO 1523, avec un appareil Pensky-Martens, qui avait permis d’identifier un point d’éclair à - 10 °C.

53      Concernant, en premier lieu, le grief de la requérante […] selon lequel la classification du [nPB] en tant que substance facilement inflammable repose sur le résultat d’un seul test effectué selon les spécifications susmentionnées, le compte rendu des experts [spécialisés] permet d’écarter cette allégation.

54      Ainsi, il ressort de ce document que plusieurs tests ont été effectués selon les normes de mesure du point d’éclair les plus répandues et que la plupart de ces tests n’ont pas permis d’identifier un point d’éclair pour la substance en question.

55      Toutefois, […] il convient de tenir compte du fait qu’il est généralement difficile de déterminer le point d’éclair pour les hydrocarbures halogénés, tels que le [nPB], qui présentent des propriétés pouvant entraîner des résultats inexacts ou imprécis lors des calculs. Ainsi que le rappelle la norme ISO 1523 elle-même, il convient de considérer avec circonspection les résultats obtenus sur des mélanges de solvants contenant des hydrocarbures halogénés, ceux-ci pouvant donner des résultats anormaux.

56      Ceci étant, le résultat obtenu selon la méthode de l’équilibre et la norme ISO 1523 avec un appareil Pensky-Martens n’est pas le seul à avoir révélé l’existence, pour le [nPB], d’un point d’éclair inférieur à 21 °C.

57      Outre la mesure mentionnée, le compte rendu des experts [spécialisés] contient des résultats d’un autre test effectué avec le même appareil, mais selon la méthode du non-équilibre, ASTM D 93-94, ce qui correspond exactement aux prescriptions du point 1.6.3.2 figurant sous le titre A.9 de l’annexe V de la directive 67/548, et qui a décelé un point d’éclair du [nPB] à - 4,5 °C. En complément de ces tests, il a aussi été procédé à un calcul théorique du point d’éclair, qui a mis en évidence que le [nPB] pourrait devenir inflammable à partir de - 7 °C. Sur la base de ces informations et après délibérations, l’opinion majoritaire du groupe d’experts [spécialisés] a été que le [nPB] est une substance facilement inflammable qui doit avoir la classification R 11.

58      Il résulte de ce qui précède que tant le groupe d’experts [spécialisés] que la Commission ne se sont pas fondés sur un test unique mais sur plusieurs éléments scientifiques permettant de déceler, pour le [nPB], un point d’éclair inférieur à 21 °C, ce qui leur a permis de classer cette substance dans la catégorie des liquides ‘facilement inflammables’, conformément aux points 2.2.3 à 2.2.5 de l’annexe VI de la directive 67/548.

59      En second lieu, la requérante au principal allègue que, selon ses spécifications techniques, l’appareil Pensky-Martens est plus approprié pour déterminer le point d’éclair en vertu de la norme ISO 1523 dans un gradient de température compris entre 10 °C et 110 °C.

60      À cet égard, il y a lieu de constater que le fait que les mesures ont été réalisées dans un gradient de température autre que le gradient recommandé pour l’instrument de mesure est de nature à influencer la fiabilité de la classification.

61      Toutefois, il importe de souligner que, compte tenu de la marge de sécurité qui doit être observée pour le résultat obtenu par rapport à la température déterminante pour la classification, ce fait ne saurait suffire, à lui seul, pour remettre en cause les conclusions du groupe d’experts [spécialisés] et de la Commission, selon lesquelles le [nPB] doit être classé comme substance facilement inflammable.

62      Ainsi, il est de jurisprudence constante que, lorsqu’une autorité [de l’Union] est appelée, dans le cadre de sa mission, à effectuer des évaluations complexes, le pouvoir d’appréciation dont elle jouit s’applique également, dans une certaine mesure, à la constatation des éléments factuels à la base de son action (voir, en ce sens, arrêts [de la Cour] du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333, point 25, et du 21 janvier 1999, Upjohn, C‑120/97, Rec. p. I‑223, point 34). De plus, dans de telles circonstances, l’institution compétente a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt [de la Cour] du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14).

63      Il ressort du compte rendu du groupe d’experts [spécialisés] que, même si ceux-ci n’ont pas été unanimes sur la question de savoir si le [nPB] devait ou non recevoir la classification R 11, une opinion majoritaire en ce sens est apparue au sein dudit groupe. Il doit également être observé que le fait que le [nPB] avait bien un point d’éclair et une plage d’explosibilité permettant de considérer qu’il présentait, dès lors, un risque intrinsèque d’inflammabilité a fait l’objet d’un consensus parmi ces experts.

64      Il résulte de ce qui précède que, dans l’appréciation du caractère inflammable du [nPB], la Commission a suivi l’avis du groupe d’experts [spécialisés], lequel repose sur les résultats de plusieurs tests effectués selon des méthodes différentes, confirmés par des informations tirées de publications spécialisées.

65      Dès lors, il apparaît que l’exercice du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission quant à la classification du [nPB] en tant que substance ‘facilement inflammable’ n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir et que la Commission n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

–      Sur la question de la toxicité pour la reproduction humaine

66      La classification du [nPB] en tant que substance toxique pour la reproduction humaine reposant uniquement sur les résultats de tests effectués sur des animaux, lesquels ont révélé l’existence d’effets toxiques notables sur la reproduction de ceux-ci, la requérante […] a contesté, devant la juridiction de renvoi, le fait que ces résultats puissent être interprétés extensivement afin d’en déduire que la substance en question était nocive pour la reproduction humaine.

67      Les critères de classification d’une substance en tant que substance toxique pour la reproduction figurent au point 4.2.3 de l’annexe VI de la directive 67/548. En particulier, pour classer une substance dans la catégorie 2 de toxicité sur le fondement d’une altération de la fertilité, des preuves manifestes d’une altération de la fertilité sur une espèce animale doivent être rapportées, accompagnées soit de preuves complémentaires sur le mécanisme ou le site d’action ou sur l’existence d’une analogie chimique avec d’autres agents d’‘antifertilité’ connus, soit d’autres informations qui permettent de conclure que des effets comparables seraient susceptibles d’être observés chez l’homme.

68      Or, ainsi que cela ressort des comptes rendus […] des réunions du groupe de travail CMR […] [du] 14 [au] 16 mai 2003 et d[u] 15 [au] 17 janvier 2003 […], les motifs de la classification du [nPB] dans la catégorie 2 de toxicité reposent sur les effets néfastes sur la fertilité constatés durant les études standards sur une espèce de rats ainsi que sur la similitude structurelle entre cette substance et son isomère, le 2-bromopropane, également dénommé iso‑bromopropane, classé dans la catégorie 1 de toxicité en raison tant d’une altération connue de la fertilité humaine que des effets toxiques sur le développement chez l’homme.

69      Aussi, le fait que le [nPB] provoque des dommages notables sur les organes reproducteurs des rats des deux sexes lors de l’administration de doses qui n’a pas donné lieu à d’autres effets systématiques constitue l’effet le plus notable résultant des études mentionnées dans les comptes rendus du groupe de travail CMR. Ces études concluent en outre que les effets toxiques ne se manifestent pas uniquement en cas d’administration de doses élevées.

70      Il apparaît donc que l’avis des experts a été fondé sur les critères prévus au point 4.2.3 de l’annexe VI de la directive 67/548, et en particulier au point 4.2.3.3 de cette annexe, et que, ainsi, la Commission, sur la base de cet avis, a pu valablement classer le [nPB] en tant que substance ‘toxique pour la reproduction de catégorie 2’.

71      Dès lors, il convient de constater que l’exercice du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission quant à la classification du [nPB] en tant que substance ‘toxique pour la reproduction de catégorie 2’ n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir et que la Commission n’a manifestement pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. »

142    Ces considérations de la Cour répondent expressément à des griefs analogues, sinon identiques, à ceux soulevés dans le cadre des première et deuxième branches du présent moyen, ce que les requérantes n’ont pas remis en question.

143    S’agissant de la première branche, il suffit de constater que la Cour a rejeté l’ensemble des griefs présentés devant elle et repris en substance par les requérantes dans le présent recours concernant, en particulier, d’une part, la prétendue erreur manifeste dans la mise en œuvre de l’essai déterminant le point d’éclair du nPB et dans l’appréciation de ses résultats et, d’autre part, la prétendue erreur liée au fait que ce point d’éclair se situe en dehors de la fourchette de températures prévue par la norme ISO 1523.

144    S’agissant de la deuxième branche, force est de constater que la Cour a également donné une réponse définitive à l’ensemble des griefs avancés par les requérantes. Ainsi, elle a entériné l’argument de la Commission, suffisant pour rejeter cette branche, selon lequel la classification du nPB comme substance toxique pour la reproduction de catégorie 2 repose, notamment, sur des preuves obtenues et appréciées conformément au point 4.2.3.3 de l’annexe VI de la directive 67/548 (voir les comptes rendus des réunions du groupe de travail CMR du 15 au 17 janvier et du 14 au 16 mai 2003). À cet égard, les requérantes ne sauraient valablement faire valoir que la Commission a méconnu le standard de preuve requis au regard du point 4.2.3.1 de l’annexe VI de la directive 67/548. Il ne ressort pas de cette disposition, dont les critères se recoupent largement, que les expressions « mise en évidence nette dans des études sur l’animal » et « résultats d’études », d’une part, et les termes « forte suspicion » et « forte présomption », d’autre part, seraient l’expression de standards de preuve différents. En outre, dans les cas de classification en catégorie 2 ou 3 qui y sont énoncés, la Commission est habilitée à fonder ses conclusions sur « d’autres informations pertinentes » et/ou « appropriées », ce qui souligne le large pouvoir d’appréciation dont elle dispose dans le cadre de l’examen des preuves scientifiques. Enfin, les requérantes ne sauraient remettre en cause l’appréciation définitive de la Cour s’agissant du bien-fondé de l’analyse des résultats d’essais et des autres preuves à l’origine de la classification du nPB parmi les substances toxiques pour la reproduction de catégorie 2.

145    S’agissant de la troisième branche, il y a lieu de constater que, certes, la Cour ne s’est pas prononcée explicitement sur le respect par la Commission du critère de « manipulation ou utilisation normales » au sens du point 1.1 de l’annexe VI de la directive 67/548. À cet égard, force est toutefois de constater que la première requérante, Enviro Tech (Europe), avait soulevé cet argument devant la Cour et que celle-ci en a tenu compte [arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, points 31 et 34]. En outre, si la Cour ne s’est pas référée explicitement au critère de manipulation ou d’utilisation normales dans le cadre de son appréciation de l’inflammabilité et de la toxicité du nPB, il n’en demeure pas moins que, ainsi que les requérantes l’ont souligné elles-mêmes à l’audience, ce critère constitue l’expression d’un principe général sous-jacent aux différents critères d’appréciation régissant l’inflammabilité et la toxicité des substances (voir points 2.2.5 et 4.2.3 de l’annexe VI de la directive 67/548), de sorte que la Cour l’a nécessairement pris en considération de manière implicite. Ainsi, au point 69 de son arrêt, s’agissant de la toxicité du nPB pour la reproduction et par référence aux prescriptions des points 4.2.3.1 et 4.2.3.3 de l’annexe VI de la directive 67/548, la Cour a considéré que les études en question concluent que « les effets toxiques ne se manifestent pas uniquement en cas d’administration de doses élevées ».

146    Il s’ensuit que la Cour a également rejeté, en substance, la troisième branche du présent moyen pour ce qui est du critère de « manipulation ou utilisation normales ».

147    Concernant plus particulièrement l’inflammabilité du nPB, il y a lieu de préciser en outre que l’argumentation des requérantes vise essentiellement la manipulation et l’utilisation normales de leur produit EnSolv, qui, à la différence de son ingrédient essentiel, le nPB, ne fait pas, en tant que tel, l’objet de la classification contestée. En revanche, les requérantes ne tiennent pas compte de la large gamme d’utilisations du nPB dans d’autres produits (voir point 107 ci-dessus), dont les conditions de manipulation ou d’utilisation normales peuvent nettement différer de celles du produit EnSolv ou d’autres produits à base de nPB de dégraissage à la vapeur. Or, dans ces circonstances, les requérantes ne sont pas parvenues à remettre en cause le bien-fondé du constat figurant aux points 56 et 58 de l’arrêt de la Cour selon lequel, eu égard à la fourchette de températures prévue par la norme ISO 1523, il suffit que la Commission démontre l’existence d’un point d’éclair inférieur à 21 °C.

148    Enfin, dans la mesure où les requérantes font valoir que la Cour n’aurait pas eu à sa disposition l’ensemble des faits et les preuves scientifiques dont disposerait actuellement le Tribunal et qui justifieraient d’autres conclusions que celles auxquelles étaient arrivées la Commission et la Cour, il suffit de constater qu’il aurait été loisible aux requérantes de les invoquer et de les produire dans le cadre de la procédure devant la Cour. Or, étant donné que, selon leur propre aveu à l’audience, les requérantes ont manifestement omis de procéder de cette façon, elles ne sauraient plus remettre en cause le bien-fondé desdites conclusions dans l’arrêt de la Cour.

149    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté dans sa totalité comme non fondé en droit.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la confiance légitime dans l’application correcte des critères de classification pertinents prévus par la directive 67/548

150    Selon les requérantes, la classification contestée porte atteinte à leurs attentes légitimes dans l’examen soigneux et impartial par la Commission, aux fins de la classification correcte du nPB, des données scientifiques pertinentes fournies par elles. La Commission conclut au rejet du présent moyen comme manifestement non fondé.

151    Si, dans son arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, la Cour ne s’est pas prononcée explicitement sur un tel moyen, il n’en reste pas moins que ledit moyen ne constitue qu’une reformulation du premier moyen par lequel les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’application des critères de classification prescrits par la directive 67/548 et d’avoir méconnu lesdits critères.

152    En outre, ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies, dans la mesure où celles-ci ne sont pas contraires aux réglementations applicables. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe lorsque cette mesure est adoptée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 10 septembre 2009, Plantanol, C‑201/08, Rec. p. I‑8343, points 46 et 53, et la jurisprudence qui y est citée, et du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, Rec. p. I‑8495, point 84).

153    En l’espèce, force est de constater qu’aucune des conditions donnant lieu à l’application du principe de protection de la confiance légitime n’est remplie. D’une part, en l’absence d’assurances précises de la part de la Commission ou d’un autre organe habilité à cet effet, les requérantes ne sauraient invoquer une attente légitime à ce que le nPB ne soit pas classé comme prévu par la classification contestée ou d’une autre façon. D’autre part, il n’est pas contesté que les critères légaux pour procéder à une telle classification sont à ce point clairs et précis que leur application au cas d’espèce était prévisible pour les requérantes, raison pour laquelle elles sont intervenues dans le cadre de la procédure destinée à l’adoption de la classification contestée pour influer sur son résultat. De même, les requérantes ne sauraient faire valoir une confiance légitime concernant le choix par l’autorité compétente des méthodes de test conformes à ces critères légaux (voir point 6 ci-dessus), ni, à plus forte raison, concernant le résultat scientifique auquel cette autorité est susceptible d’arriver en appliquant un tel test.

154    Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les troisième et septième moyens, tirés de la violation de l’article 95, paragraphe 3, CE et du principe de « bonne administration »

155    Au soutien des troisième et septième moyens, les requérantes s’appuient essentiellement sur les arguments invoqués dans le cadre des premier et deuxième moyens. Selon les requérantes, en omettant d’examiner de nombreuses données scientifiques pertinentes fournies par elles, la Commission a violé, d’une part, l’article 95, paragraphe 3, CE et, d’autre part, le principe de « bonne administration », en vertu duquel, notamment, elle doit respecter les droits de la défense des opérateurs et apprécier chaque cas d’espèce de manière individuelle, impartiale et diligente. La Commission conclut au rejet des présents moyens comme manifestement non fondés.

156    Dans la mesure où les requérantes invoquent, en l’espèce, une violation de certaines garanties procédurales les protégeant, il y a lieu de rappeler que la procédure d’adaptation de la directive 67/548 au progrès technique ne prévoit pas de telles garanties en faveur des opérateurs économiques concernés (voir la jurisprudence citée au point 106 ci-dessus). Dès lors, les griefs reprochant à la Commission d’avoir violé les garanties procédurales, voire les droits de la défense, des requérantes ne sauraient dès lors prospérer.

157    Dans la mesure où les requérantes font valoir que la Commission n’a pas respecté son devoir de diligence ou les exigences de l’article 95 CE, il suffit de constater qu’il résulte des points 62 à 65 de l’arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, que la Cour a rejeté l’argumentation des requérantes quant à la prétendue violation par la Commission de son devoir de diligence. En tout état de cause, les requérantes ne sont pas parvenues à établir que la Commission a omis de tenir dûment compte des données et des documents qu’elles ont soumis durant la phase précontentieuse, voire qu’une telle prise en compte aurait été susceptible d’avoir une incidence sur le résultat de la procédure ayant abouti à l’adoption de la classification contestée (voir les considérations figurant aux points 139 à 154 ci-dessus portant sur les premier et deuxième moyens). En outre, au vu des considérations formulées par la Cour dans l’arrêt Enviro Tech (Europe), point 72 supra, citées au point 141 ci-dessus, les requérantes ne sauraient utilement faire valoir que, à cet égard, la Commission a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites de sa large marge d’appréciation lors de l’adoption de la directive attaquée (voir point 59 ci-dessus).

158    Enfin, dans la mesure où les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir reporté l’adoption de la classification contestée alors même qu’elle aurait été informée du fait que des études étaient en cours qui réexamineraient la toxicité du nPB pour la reproduction, cet argument vague ne saurait fonder une violation du devoir de diligence ou de l’article 95, paragraphe 3, CE, les résultats encore incertains de ces études n’ayant pas encore été disponibles lors de l’appréciation des propriétés du nPB et la Commission ayant disposé – conformément aux considérations de la Cour visées au point 141 ci-dessus – de preuves scientifiques suffisantes pour procéder, à ce stade, à l’adoption de la classification contestée.

159    Dès lors, les présents moyens doivent être rejetés comme non fondés, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si l’article 95 CE est applicable au cas d’espèce.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’incompétence et d’une violation de certains principes généraux du droit de l’Union

160    À l’appui de la première branche du présent moyen, les requérantes réitèrent essentiellement les arguments invoqués dans le cadre des premier et deuxième moyens pour en conclure, en substance, que, en « modifiant » la portée des règles établies par la directive 67/548, la Commission a outrepassé le mandat qui lui a été conféré par ladite directive. Dans le cadre de la deuxième branche, elles rappellent, en substance, leurs arguments avancés au soutien du deuxième moyen, tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime. Dans le cadre de la troisième branche, les requérantes soutiennent que la classification contestée entérine une recommandation du groupe de travail CMR qui ne remplit pas les « conditions d’indépendance, d’excellence, de transparence, d’impartialité et d’intégrité requises d’un avis scientifique correct » sur lequel doivent être fondées les décisions de l’Union. La Commission conclut au rejet du présent moyen comme manifestement non fondé.

161    Force est de constater que les arguments des requérantes à l’appui de la première branche, tirée de l’incompétence, ne sont qu’une variante nuancée de ceux invoqués dans le cadre du premier moyen. Étant donné que, à cet égard, la Cour a considéré que la Commission n’a pas manifestement outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation et qu’elle a respecté les critères pertinents de classification du nPB, cette institution ne saurait être considérée comme incompétente pour adopter la classification contestée. Cette branche ne saurait donc prospérer.

162    S’agissant de la deuxième branche, il suffit de se référer aux considérations figurant aux points 151 à 154 ci-dessus pour la rejeter comme non fondée.

163    S’agissant de la troisième branche, tirée d’une violation du principe de l’indépendance et de l’excellence des avis scientifiques, il y a lieu de constater que cette branche se recoupe largement avec le premier moyen ainsi qu’avec celui tiré de la violation du principe de « bonne administration » (voir point 157 ci-dessus). Il y a lieu de préciser à cet égard que, ainsi que l’a confirmé la Cour, les requérantes ne sauraient utilement faire valoir que la Commission a omis de tenir compte des informations et des preuves soumises, voire qu’elle a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites de sa large marge d’appréciation (voir la jurisprudence citée au point 125 ci-dessus), en se fondant, dans le cadre des évaluations techniques et scientifiques complexes requises, sur des preuves non convaincantes.

164    Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté dans son intégralité comme non fondé.

165    Les requérantes n’ayant pas établi l’existence d’une illégalité de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, il y a dès lors lieu de rejeter la demande indemnitaire.

166    Dans ces conditions, le recours doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur les dépens

167    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

168    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Enviro Tech Europe Ltd et Enviro Tech International, Inc. sont condamnées aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Azizi

Frimodt Nielsen

Gratsias

Signatures

Table des matières

Cadre juridique

Dispositions du traité

Classification comme substance dangereuse

Procédure d’adaptation de la directive 67/548 au progrès technique

Abrogation, modification et remplacement partiels de la directive 67/548 par le règlement (CE) n° 1272/2008

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la demande d’annulation

Sur la demande de non-lieu à statuer

Sur la demande d’adaptation des conclusions et des moyens d’annulation

Sur la recevabilité de la demande d’annulation au regard de l’article 230, quatrième alinéa, CE

Sur la demande indemnitaire

Observation liminaire

Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

Sur les moyens d’illégalité

Sur les conséquences de l’arrêt Enviro Tech (Europe)

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de la méconnaissance des dispositions pertinentes de la directive 67/548

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la confiance légitime dans l’application correcte des critères de classification pertinents prévus par la directive 67/548

Sur les troisième et septième moyens, tirés de la violation de l’article 95, paragraphe 3, CE et du principe de « bonne administration »

Sur le cinquième moyen, tiré de l’incompétence et d’une violation de certains principes généraux du droit de l’Union

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.