Language of document : ECLI:EU:T:2001:119

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 avril 2001(1)

«Marque communautaire - Vocable EASYBANK - Motifs absolus de refus - Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 40/94»

Dans l'affaire T-87/00,

Bank für Arbeit und Wirtschaft AG, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me G. Kucsko, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. von Mühlendahl, J. F. Crespo Carrillo et Mme S. Laitinen, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 31 janvier 2000 (affaire R 316/1999-3), refusant l'enregistrement du vocable EASYBANK comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij , président, A. Potocki et J. Pirrung, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 2000,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 6 juillet 2000,

à la suite de la procédure orale du 16 janvier 2001,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Le 3 octobre 1996, la requérante a présenté, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande de marque verbale communautaire à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«Office»).

2.
    La marque dont l'enregistrement a été demandé est le vocable EASYBANK.

3.
    L'enregistrement a été initialement demandé pour les services «Assurances, affaires financières, affaires monétaires, opérations bancaires, services bancaires, affaires immobilières» relevant de la classe 36 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4.
    Par décision du 13 avril 1999, l'examinateur a rejeté la demande au titre de l'article 38 du règlement n° 40/94.

5.
    Le 8 juin 1999, la requérante a formé un recours auprès de l'Office, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l'examinateur.

6.
    Par lettre du 10 août 1999, la requérante a limité la liste des services visés par sa demande de marque communautaire comme suit: «services d'une banque en ligne, en particulier services bancaires électroniques».

7.
    Le recours a été rejeté par décision du 31 janvier 2000 (ci-après la «décision attaquée»). En substance, la chambre de recours a considéré que le vocable EASYBANK était descriptif et dépourvu de caractère distinctif et tombait, dès lors, sous le coup de l'article 7, paragraphe 1, sous c) et b), du règlement n° 40/94.

Conclusions des parties

8.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner l'Office aux dépens.

9.
    L'Office conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

10.
    À l'appui de son recours, la requérante invoque deux moyens tirés d'une violation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), et de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

11.
    La requérante est d'avis qu'il n'y a obstacle à l'enregistrement d'une marque que s'il existe un impératif concret de disponibilité du signe en cause pour les marchandises pour lesquelles la demande d'enregistrement de ladite marque a été déposée. En l'espèce, aucun indice concret et certain ne permet de penser que le vocable EASYBANK est employé ou susceptible de l'être en tant qu'indication descriptive.

12.
    La requérante souligne que l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 ne concerne que les indications «exclusivement» descriptives. Lorsque l'indication descriptive n'est pas claire, elle ne constitue pas un obstacle à l'enregistrement. Or, le vocable EASYBANK est précisément caractérisé par le fait qu'il ne comporte aucune indication concrète quant à la nature des prestations bancaires fournies. Il s'agit d'un mot évocateur qui éveille des associations d'idées agréables, différentes d'une personne à l'autre: le fait de disposer de prestations bancaires à proximité, de pouvoir se rendre dans un établissement de crédit dont les locaux sont bien aménagés, de pouvoir réaliser des opérations par ordinateur, ou encore d'être reçu par des employés sympathiques.

13.
    Il faut aussi prendre en compte la nature des services en question, ainsi que l'attention des consommateurs dans la branche concernée. Or, dans le domaine des services bancaires, le consommateur est très attentif; il prend le nom des marques particulièrement en considération et fait la distinction entre les différentes marques, plus qu'il ne le fait dans d'autres domaines. De plus, il est habitué à ce que, dans le secteur bancaire, il soit fait usage non pas de dénominations fantaisistes qui dénoteraient plutôt un manque de sérieux, mais de termes tirés du langage courant.

14.
    La requérante déclare, enfin, ne prétendre à aucun monopole sur «easy» ou sur «bank». Il ne sera donc interdit, en cas d'enregistrement du signe litigieux comme marque communautaire, à aucun établissement bancaire d'employer ces deux mots.

15.
    L'Office oppose à l'argument tiré par la requérante de l'absence d'un impératif concret de disponibilité pour le vocable EASYBANK que rien dans la formulation de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 ne permet de faire d'un tel impératif un motif de refus à l'enregistrement d'une marque, au même titre que son caractère descriptif ou son absence de caractère distinctif.

16.
    L'Office rappelle que sont refusés à l'enregistrement les signes «descriptifs», c'est-à-dire pouvant servir à décrire les services concernés. Lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'un néologisme, il faut se référer à la compréhension normale et spontanée qu'en a un individu moyen, sans effort de réflexion supplémentaire. L'Office souligne que, si les signes jugés descriptifs sont refusés à l'enregistrement, c'est parce qu'ils ne sont pas aptes à garantir à l'utilisateur l'identité d'origine des services concernés et à les distinguer de ceux provenant d'autres entreprises.

17.
    Si une marque composée exclusivement de signes de nature descriptive doit être refusée à l'enregistrement, le mot «exclusivement» ne doit pas être interprété, selon l'Office, en ce sens que le terme constituant la marque ne peut avoir qu'une seule signification; en effet, la plupart des mots ont plusieurs acceptions. En tout état de cause, l'Office conteste l'analyse de la requérante selon laquelle le vocable EASYBANK peut avoir plusieurs sens.

18.
    Pour l'Office, le vocable EASYBANK, dont la représentation est sans originalité graphique, n'est rien d'autre qu'une simple combinaison, parfaitement banale etsans ambiguïté, de deux mots anglais courants. Certes, le terme «easy» ne désigne pas habituellement des opérations bancaires. Cependant, combiné avec le mot «bank», il forme un vocable exclusivement et immédiatement descriptif des services en question, qui indique instantanément qu'il s'agit de services bancaires électroniques aisément accessibles.

19.
    L'Office soutient aussi que c'est précisément parce que le «consommateur bancaire» est particulièrement attentif qu'il va percevoir le signe EASYBANK comme une indication parfaitement descriptive de la nature des services offerts et non pas de leur origine commerciale.

Appréciation du Tribunal

20.
    Aux termes de l'article 4 du règlement n° 40/94, l'élément déterminant pour qu'un signe susceptible de représentation graphique puisse constituer une marque communautaire consiste dans son aptitude à distinguer les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.

21.
    Il en découle, notamment, que les motifs absolus de refus énoncés à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 ne peuvent être appréciés que par rapport aux services pour lesquels l'enregistrement du signe est demandé (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI, BABY-DRY, T-163/98, Rec. p. II-2383, points 20 et 21).

22.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque [...] de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de [celui]-ci».

23.
    Ainsi, le législateur a voulu que - sous réserve de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 - de tels signes soient, du fait de leur nature purement descriptive, réputés inaptes à distinguer les services d'une entreprise de ceux d'une autre entreprise. En revanche, les signes ou indications dont la signification dépasse le caractère exclusivement descriptif sont susceptibles d'être enregistrés en tant que marques communautaires.

24.
    En l'espèce, il convient de rappeler que la chambre de recours constate, dans la décision attaquée, que le vocable EASYBANK se compose des deux mots «easy» et «bank», tirés de la langue anglaise courante, et qu'il est compréhensible de prime abord. Si ce mot composé est un néologisme, il n'empêche, de l'avis de la chambre de recours, qu'il n'est ni inhabituel ni frappant (point 18). En effet, le mot «easy» signifierait notamment «facile, sans peine, aisé, à l'aise, sans inquiétude, insouciant, accommodant» (point 20) et le mot «bank» signifierait notamment «banque, établissement de crédit» (point 21).

25.
    Selon la chambre de recours, les milieux commerciaux ciblés par les services pour lesquels l'enregistrement de la marque est demandé ont des connaissances de l'anglais, sont au fait des possibilités des médias modernes et s'intéressent aux services bancaires, notamment à ceux d'une banque en ligne, c'est-à-dire à des services bancaires par le biais du téléphone et d'Internet. Ils comprendraient alors immédiatement et sans plus d'analyse la signification de la marque en cause, en ce sens que les services offerts par une banque en ligne sont facilement et aisément accessibles. Le mot «easy» leur signalerait donc de prime abord la facilité et le plaisir qu'ils auront à effectuer des opérations bancaires de chez eux, de leur bureau ou entre deux occupations, en quelque sorte sans être obligés de se déplacer pour aller à la banque pendant les heures d'ouverture (points 22 et 23).

26.
    La chambre de recours en conclut que l'information nettement descriptive transmise par le vocable en cause s'impose immédiatement comme une indication de l'espèce, de la qualité et de la destination des services visés (points 25 et 27). Elle précise encore que le caractère purement descriptif du vocable EASYBANK existe dans la partie anglophone de l'Union européenne, de sorte que l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 trouve à s'appliquer (point 22).

27.
    En considérant ainsi le vocable EASYBANK comme exclusivement descriptif des services d'une banque en ligne, la chambre de recours a fait une application erronée de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

28.
    En effet, le mot «easy» est un terme laudatif général de la langue courante. Il suscite des associations d'idées, comporte un élément d'évaluation subjective et est dépourvu de toute spécificité. Combiné avec «bank» et rapporté plus particulièrement à une banque en ligne, le mot «easy» est destiné à évoquer chez la clientèle potentielle l'impression générale agréable que la banque en ligne visée est accessible sans difficulté ni effort.

29.
    S'il est vrai que la facilité d'accès ainsi suggérée ne peut raisonnablement servir aux clients potentiels qu'à bénéficier des services bancaires offerts, il n'en reste pas moins que cette suggestion ne s'applique expressément qu'à l'établissement bancaire en tant que tel. Ne faisant aucune allusion aux modalités d'un service concret ou à d'autres détails du déroulement des opérations bancaires, elle ne désigne ni objectivement ni spécifiquement l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur ou d'autres caractéristiques des différents services bancaires susceptibles d'être assurés.

30.
    Ainsi, le vocable en cause ne fournit d'information ni sur la manière dont, une fois l'accès réalisé, seront traitées les opérations pouvant notamment consister en une demande de crédit, un encaissement de chèque, un ordre de placement en bourse, une demande de participation à une émission d'actions ou encore un ordre de virement ou de retrait d'un compte personnel, ni, notamment, sur le résultat, positif ou négatif, d'une telle opération en ligne pour le client potentiel.

31.
    Pour autant que la chambre de recours déduise le caractère descriptif du vocable EASYBANK du message selon lequel l'ensemble des services offerts par une banque en ligne auraient la caractéristique commune d'être plus facilement accessibles, grâce à l'emploi d'outils électroniques, que ceux offerts par une banque normale, force est cependant de constater que le lien existant entre le sens du vocable EASYBANK, d'une part, et les services susceptibles d'être assurés par une banque en ligne, d'autre part, apparaît trop vague et indéterminé pour conférer à ce terme un caractère descriptif par rapport auxdits services. Ainsi, le vocable en cause ne permet pas, en tant que tel, aux clients potentiels d'identifier immédiatement et avec précision ni les services bancaires concrets susceptibles d'être fournis ni, a fortiori, une ou plusieurs de leurs caractéristiques.

32.
    Il en résulte que le vocable EASYBANK ne saurait, en tout état de cause, être considéré comme ayant un caractère exclusivement descriptif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

33.
    Dès lors, le moyen doit être accueilli.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

34.
    Selon la requérante, le caractère distinctif d'un signe fait l'objet d'une appréciation extensive par les chambres de recours de l'Office en ce qu'un caractère distinctif très réduit suffit. Quant à la marque litigieuse, la requérante considère que le vocable EASYBANK est une combinaison originale de deux mots qui ne se trouve dans un aucun dictionnaire courant. Cette originalité lui donne également son caractère distinctif.

35.
    L'Office rétorque que l'exigence de distinctivité de la marque sert à identifier l'origine commerciale des services pour lesquels son enregistrement est demandé. Or, le vocable EASYBANK, sans élément additionnel particulier, ne permet pas de remplir cette fonction. L'Office rappelle à ce sujet qu'il a accepté d'enregistrer une marque figurative dont EASYBANK est l'élément verbal.

Appréciation du Tribunal

36.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif», ce caractère devant être apprécié par rapport aux services pour lesquels l'enregistrement du signe est demandé (voir, ci-dessus, point 21).

37.
    En l'espèce, il y a lieu de constater, tout d'abord, que, dans la décision attaquée, la chambre de recours expose ce qui suit (point 27):

«Attendu que la marque verbale 'EASYBANK‘ n'est comprise par le public visé que comme une indication de l'espèce, de la qualité et de la destination des services et non comme une marque remplissant une fonction d'indicateur d'origine, elle est également dépourvue du caractère distinctif requis, au moins, à un degré minime.»

38.
    La chambre de recours a donc déduit, en substance, l'incompatibilité du vocable en cause avec l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 du fait qu'il était incompatible avec le même article, paragraphe 1, sous c). Or, il a déjà été jugé que le vocable EASYBANK ne tombait pas sous le coup de l'interdiction édictée par cette dernière disposition. Par conséquent, le raisonnement substantiel développé par la chambre de recours au regard de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être écarté, en ce qu'il est fondé sur l'erreur constatée ci-dessus.

39.
    Dans la mesure où, dans la décision attaquée (points 27 et 18), la chambre de recours fait encore état de ce que le vocable EASYBANK, «en tant que combinaison de termes courants et en l'absence d'éléments particuliers supplémentaires lui conférant un caractère distinctif [...], est dépourvu [...] de tout surcroît de fantaisie» et n'est «ni inhabituel ni frappant», il suffit de relever que l'absence de distinctivité ne saurait résulter de la seule constatation de ce que le signe en cause manque de surcroît de fantaisie ou n'a pas un aspect inhabituel ou frappant.

40.
    Loin d'ériger ces derniers termes en critères de distinctivité, l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 impose à l'examinateur et, le cas échéant, à la chambre de recours de rechercher - dans le cadre d'un examen a priori et en dehors de tout usage effectif du signe au sens de l'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 - s'il apparaît exclu que le signe en cause puisse être apte à distinguer, aux yeux du public ciblé, les produits ou les services visés de ceux d'une autre provenance, lorsque ce public sera appelé à arrêter son choix dans le commerce.

41.
    Or, en l'espèce, la chambre de recours s'est abstenue de procéder à cet examen.

42.
    Dès lors, le moyen doit également être retenu.

43.
    Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée.

Sur les dépens

44.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

45.
    L'Office ayant succombé, il y a lieu, au vu des conclusions de la requérante, de le condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 31 janvier 2000 (affaire R 316/1999-3) est annulée.

2)    La partie défenderesse supportera les dépens.

Meij
Potocki
Pirrung

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 avril 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. W. H. Meij


1: Langue de procédure: l'allemand.