Language of document : ECLI:EU:T:2018:132

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

13 mars 2018 (*)

 « Aides d’État – Électricité – Décision déclarant l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Tarif préférentiel d’électricité octroyé par contrat conclu avec le fournisseur historique – Résiliation du contrat par le fournisseur historique – Suspension judiciaire, en référé, des effets de la résiliation du contrat – Annulation de la décision de la Commission par le Tribunal – Annulation de l’arrêt du Tribunal par la Cour – Renvoi de l’affaire au Tribunal – Étendue du recours après renvoi – Qualification de l’ordonnance de référé d’aide nouvelle – Compétence de la Commission – Protection juridictionnelle effective – Qualification du tarif préférentiel d’aide d’État – Avantage – Confiance légitime – Droits de la défense du bénéficiaire – Obligation de récupération – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑542/11 RENV,

Alouminion tis Ellados VEAE, anciennement Alouminion AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes G. Dellis, N. Korogiannakis, E. Chrysafis, D. Diakopoulos et N. Keramidas, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouchagiar et É. Gippini Fournier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes E. Bourtzalas, C. Synodinos, A. Oikonomou et H. Tagaras, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision 2012/339/UE de la Commission, du 13 juillet 2011, concernant l’aide d’État SA.26117 – C 2/2010 (ex NN 62/2009) mise en œuvre par la Grèce en faveur d’Aluminium of Greece SA (JO 2012, L 166, p. 83),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de Mme I. Labucka (rapporteur), faisant fonction de président, MM. A. Dittrich et I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 juillet 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En 1960, Alouminion tis Ellados AE (ci-après « AtE »), à laquelle Alouminion AE et la requérante, Alouminion tis Ellados VEAE, ont succédé, respectivement, au mois de juillet 2007 et de mai 2015, dans la production d’aluminium en Grèce, a conclu un contrat (ci-après le « contrat ») avec l’intervenante, Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), la compagnie publique d’électricité en Grèce, en vertu duquel lui était appliqué un tarif préférentiel d’électricité (ci-après le « tarif préférentiel »).

2        L’article 2, paragraphe 3, du contrat stipulait, dans ses différentes versions, sa reconduction pour des périodes successives de cinq ans, à moins d’être résilié par l’une des parties, avec un préavis de deux ans par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception adressée à l’autre partie.

3        En vertu d’un accord passé par AtE avec l’État grec et formalisé par un décret législatif de 1969, le contrat, tel que modifié, devait prendre fin le 31 mars 2006, sauf s’il était prolongé conformément à ses stipulations.

4        Dans la décision SG (92) D/867, du 23 janvier 1992, Aide litigieuse en faveur de l’entreprise A[tE], aide NN 83/91 (ci-après la « décision de 1992 »), la Commission des Communautés européennes a considéré que l’accord sur la base duquel DEI avait fourni à un tarif préférentiel de l’électricité à AtE au cours de la période ayant pris fin le 31 décembre 1990 ne comportait pas d’élément d’aide d’État et a invité le gouvernement hellénique à l’informer en temps utile des tarifs appliqués pour l’électricité fournie à AtE à partir de 1991.

5        Dans une décision du 16 octobre 2002, intitulée « Autorisation des aides d’État dans le cadre des dispositions des articles [107 et 108 TFUE] – Cas à l’égard desquels la Commission ne soulève pas d’objection » (JO 2003, C 9, p. 6), la Commission a approuvé une subvention octroyée par la République hellénique dans le secteur de l’électricité (ci-après la « décision de 2002 »).

6        En février 2004, DEI a avisé AtE de sa résiliation du contrat (ci-après la « résiliation ») et a cessé, à compter de la fin du mois de mars 2006, de lui appliquer le tarif préférentiel.

7        AtE a contesté la résiliation devant les juridictions nationales compétentes.

8        Par ordonnance no 80/2007, du 5 janvier 2007, le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes, Grèce), statuant en référé, a suspendu, à titre provisoire et ex nunc, les effets de la résiliation, dans l’attente qu’il fût statué sur le fond (ci-après la « première ordonnance de référé » ou la « mesure en cause »).

9        Dans la première ordonnance de référé, le Monomeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance à juge unique d’Athènes) a considéré que la résiliation n’était pas valide, sur la base des termes du contrat et du cadre juridique national applicable.

10      DEI a contesté la première ordonnance de référé devant le Polymeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance d’Athènes, Grèce), qui, statuant en référé, a fait droit, ex nunc, à sa demande par ordonnance no 72/2008, de mars 2008 (ci-après la « seconde ordonnance de référé »).

11      Ainsi, d’une part, entre la résiliation et la première ordonnance de référé, de même qu’à partir de la seconde ordonnance de référé, DEI n’a pas appliqué le tarif préférentiel. D’autre part, entre la première ordonnance de référé et la seconde ordonnance de référé (ci-après la « période en cause »), AtE et, par la suite, la requérante ont bénéficié du tarif préférentiel.

12      En juillet 2008, la Commission a été saisie de plaintes concernant des mesures présumées d’aides d’État en faveur de la requérante et constituées, notamment, du tarif préférentiel.

13      Par lettre du 27 janvier 2010, la Commission a informé la République hellénique de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’égard, notamment, du tarif préférentiel, par laquelle elle a invité les parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai d’un mois à compter de sa date de publication (ci-après la « décision d’ouverture »).

14      La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 16 avril 2010 (JO 2010, C 96, p. 7).

15      Dans la décision d’ouverture, la Commission a exprimé des doutes quant au fait de savoir si le tarif préférentiel facturé par DEI à AtE puis à la requérante, durant la période en cause, se situait au même niveau que le tarif appliqué aux autres grands consommateurs industriels d’électricité haute tension, dès lors que le tarif préférentiel devait cesser en mars 2006, mais qu’il avait été prolongé par la première ordonnance de référé.

16      La Commission a reçu les observations de la République hellénique le 31 mars 2010.

17      La Commission a reçu les observations de la requérante le 12 mai 2010 et les 3 mars et 4 mai 2011 ainsi que de DEI le 17 mai 2010. La Commission a transmis ces observations à la République hellénique en lui donnant la possibilité d’y réagir, ce qu’elle a fait les 16 juillet et 6 août 2010 et le 16 mai 2011.

18      La Commission a demandé des renseignements supplémentaires aux autorités grecques le 1er décembre 2010. La République hellénique a répondu à cette demande par lettre du 11 février 2011.

19      La Commission a reçu d’autres observations de la requérante les 31 mai et 4 juillet 2011.

20      Le 13 juillet 2011, la Commission a adopté la décision 2012/339/UE, concernant l’aide d’État SA.26117 – C 2/2010 (ex NN 62/2009) mise en œuvre par la Grèce en faveur d’AtE et d’Alouminion (JO 2012, L 166, p. 83, ci-après la « décision attaquée »).

21      Par l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a décidé que la République hellénique avait illégalement octroyé à AtE une aide d’État d’un montant de 17,4 millions d’euros par l’application du tarif préférentiel durant la période en cause, à savoir de janvier 2007 à mars 2008, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

22      La Commission a également décidé que ladite aide était incompatible avec le marché intérieur et enjoint à la République hellénique de la récupérer auprès de la requérante (voir article 1er et article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties dans l’affaire T‑542/11

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2011, la requérante a demandé l’annulation de la décision attaquée.

24      La Commission a déposé un mémoire en défense au greffe du Tribunal le 20 janvier 2012, par lequel elle a demandé au Tribunal de rejeter le recours et de condamner la requérante aux dépens.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 janvier 2012, DEI a demandé à intervenir au litige au soutien des conclusions de la Commission.

26      Il a été fait droit à la demande d’intervention de DEI par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 27 mars 2012.

27      Par arrêt du 8 octobre 2014, Alouminion/Commission (T‑542/11, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2014:859), le Tribunal a annulé la décision attaquée tout en condamnant la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante et l’intervenante à supporter ses propres dépens.

28      Par requête déposée au greffe de la Cour le 18 décembre 2014, DEI a formé un pourvoi contre l’arrêt initial.

29      Par arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados (C‑590/14 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2016:797), la Cour a annulé l’arrêt initial, renvoyé l’affaire devant le Tribunal et réservé les dépens.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

30      À la suite de l’arrêt sur pourvoi et conformément à l’article 215 du règlement de procédure du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à la cinquième chambre du Tribunal.

31      Le président de la cinquième chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné un juge pour le remplacer et faire fonction de président et un autre juge pour compléter la chambre.

32      Conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requérante, la Commission et DEI ont déposé dans les délais impartis leurs observations écrites sur les conclusions à tirer de l’arrêt sur pourvoi pour la solution du litige.

33      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 13 juillet 2017.

35      Lors de l’audience, il s’est avéré que l’un des représentants de DEI présents, ayant pris la parole pour compléter une réponse à une question du Tribunal, était également salarié de DEI. Invités à cet effet par le Tribunal, les autres représentants de DEI ont déclaré reprendre formellement à leur compte l’intégralité des propos en question, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience, sans qu’il y ait dès lors lieu d’apprécier la recevabilité des propos en cause à l’aune d’indications fournies en ce sens par les représentants de DEI postérieurement à l’audience.

36      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission, soutenue par DEI, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

38      Dans la requête, la requérante invoque dix moyens au soutien du recours.

39      Les quatre premiers moyens, invoqués à titre principal, sont dirigés contre la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle. Ils sont tirés, respectivement, d’une erreur de droit, d’une incompétence de la Commission, d’une violation du principe de protection juridictionnelle effective et d’une violation de l’obligation de motivation.

40      Les cinquième à huitième moyens, invoqués à titre subsidiaire, sont dirigés contre la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État. Ils sont tirés de la violation, respectivement, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, du principe de protection de la confiance légitime, des droits de la défense et de l’obligation de motivation.

41      Les neuvième et dixième moyens, invoqués à titre plus subsidiaire, sont dirigés contre l’obligation de récupération. Ils sont tirés, respectivement, d’erreurs quant à l’étendue de l’obligation de récupération et d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur les moyens dirigés contre la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle

42      Aux fins de l’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque, dans la requête, quatre moyens dirigés contre la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle, dont le premier a trait à la légalité au fond de la décision attaquée alors que les trois autres visent la légalité externe de cette décision.

43      Dans ses observations sur les conclusions à tirer de l’arrêt sur pourvoi pour la solution du litige et en réponse à une question du Tribunal durant l’audience, dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience, la requérante s’est désistée du premier moyen du recours, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ce moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une incompétence de la Commission

44      Par le deuxième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que, en substance, la Commission n’était pas compétente pour adopter ladite décision.

45      Selon la requérante, en qualifiant la mesure en cause, c’est-à-dire la première ordonnance de référé, d’aide nouvelle, la Commission a outrepassé ses compétences.

46      En effet, si le droit de l’Union confère à la Commission compétence exclusive en matière d’aides d’État, il n’en irait pas de même pour les relations juridiques et les litiges régis par le droit interne, même si la constatation d’une aide est tributaire de ces relations et de ces litiges.

47      Ainsi, en cas de litige tranché exclusivement dans le cadre du droit national, la Commission ne saurait se prononcer sur le contenu purement national du litige.

48      Or, la Commission aurait, en l’espèce, conclu à l’existence d’une aide nouvelle en se fondant sur son interprétation, au demeurant erronée, d’une relation contractuelle purement interne et régie par les dispositions nationales de droits matériel et processuel, qu’elle aurait également erronément interprétées, de même que les effets de la première ordonnance de référé.

49      En l’espèce, la Commission aurait outrepassé ses compétences en considérant que le contrat avait expiré en mars 2006, que la résiliation était valide et que la première ordonnance de référé avait prolongé une aide existante, nonobstant les termes du contrat et le régime juridique en vigueur ainsi que les conditions et les effets d’une ordonnance de référé en droit national.

50      Selon la Commission, soutenue par DEI, le deuxième moyen du recours doit être rejeté, en particulier à la suite de l’arrêt sur pourvoi.

51      À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que la mise en œuvre du système de contrôle des aides étatiques, tel qu’il résulte de l’article 108 TFUE et de la jurisprudence de la Cour y afférente, incombe, d’une part, à la Commission et, d’autre part, aux juridictions nationales (arrêt du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C‑354/90, EU:C:1991:440, point 8).

52      En ce qui concerne le rôle de la Commission, la Cour relève, dans l’arrêt du 22 mars 1977, Steinike et Weinlig (78/76, EU:C:1977:52, point 9), que le traité, en organisant par l’article 108 TFUE l’examen permanent et le contrôle des aides par la Commission, entend que la reconnaissance de l’incompatibilité éventuelle d’une aide avec le marché intérieur résulte, sous le contrôle des juridictions de l’Union, d’une procédure appropriée dont la mise en œuvre relève de la responsabilité de la Commission.

53      Pour ce qui est des juridictions nationales, la Cour déclare, dans l’arrêt du 22 mars 1977, Steinike et Weinlig (78/76, EU:C:1977:52), qu’elles peuvent être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’aide, visée à l’article 107 TFUE, en vue de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure de contrôle préalable de l’article 108], paragraphe 3, TFUE devrait ou non y être soumise.

54      L’intervention des juridictions nationales est due à l’effet direct reconnu à l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE. À cet égard, la Cour précise, dans l’arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz (120/73, EU:C:1973:152, point 8), que le caractère immédiatement applicable de l’interdiction de mise à exécution visée par cet article s’étend à toute aide qui aurait été mise à exécution sans être notifiée et, en cas de notification, se produit pendant la phase préliminaire et, si la Commission engage la procédure contradictoire, jusqu’à la décision finale.

55      La Cour juge ainsi que le rôle central et exclusif réservé par les articles 107 et 108 TFUE à la Commission pour la reconnaissance de l’incompatibilité éventuelle d’une aide avec le marché intérieur est fondamentalement différent de celui qui incombe aux juridictions nationales quant à la sauvegarde des droits que les justiciables tiennent de l’effet direct de l’interdiction édictée à l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE. Alors que la Commission est tenue d’examiner la compatibilité de l’aide projetée avec le marché intérieur, même dans les cas où l’État membre méconnaît l’interdiction de mise à exécution des mesures d’aides, les juridictions nationales, elles, ne font que sauvegarder, jusqu’à la décision finale de la Commission, les droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 108, paragraphe 3, dernière phrase, TFUE. Lorsque lesdites juridictions prennent une décision à cet égard, elles ne se prononcent pas pour autant sur la compatibilité des mesures d’aides avec le marché intérieur, cette appréciation finale étant de la compétence exclusive de la Commission, sous le contrôle des juridictions de l’Union (arrêt du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon, C‑354/90, EU:C:1991:440, point 14).

56      Il ressort ainsi clairement de la jurisprudence de la Cour que, certes, la Commission ne jouit pas, sauf pour ce qui est de l’appréciation de la compatibilité d’une aide, d’une compétence exclusive en matière de contrôle du respect des dispositions du traité en matière d’aides d’État.

57      Elle n’en demeure pas moins manifestement compétente en cette matière, de sorte que, en l’espèce, il ne saurait être sérieusement reproché à la Commission de s’être reconnue compétente pour décider qu’une mesure nationale donnée avait constitué une aide nouvelle.

58      En effet, il appartient à la Commission de procéder à l’examen de toute aide nouvelle, en ce compris non seulement tout projet d’aide, mais également toute modification substantielle d’une aide existante, de sorte que lesdits projets ou modifications doivent lui être notifiés en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

59      Aussi, même dans les circonstances de l’espèce, la Commission était-elle compétente pour apprécier l’existence d’une aide nouvelle.

60      La Commission pouvait ainsi, à bon droit, procéder à l’interprétation du contrat et du cadre juridique national applicable, tant matériel que procédural, aux fins d’apprécier l’existence d’une aide nouvelle, sans préjudice du contrôle, par le Tribunal, du bien-fondé de cette appréciation.

61      Partant et indépendamment de l’incidence de l’arrêt sur pourvoi, le deuxième moyen, tiré d’une incompétence de la Commission, doit, en tout état de cause, être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de protection juridictionnelle effective

62      Par le troisième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a enfreint le principe de protection juridictionnelle effective.

63      Selon la requérante, en qualifiant la mesure en cause, c’est-à-dire la première ordonnance de référé, d’aide nouvelle, la Commission a enfreint le principe de protection juridictionnelle effective.

64      En effet, en considérant que la résiliation était valide, nonobstant un litige encore pendant devant les juridictions nationales et la première ordonnance de référé portant précisément sur cette question, la Commission aurait enfreint le principe de protection juridictionnelle effective, lequel comprend la protection juridictionnelle au provisoire.

65      Au surplus, en qualifiant la mesure en cause, c’est-à-dire la première ordonnance de référé, d’aide nouvelle, l’approche de la Commission impliquerait qu’une décision judiciaire nationale prononcée en référé dût lui être notifiée et que les effets de ladite décision doivent être suspendus, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ce qui affecterait le principe de protection juridictionnelle effective au provisoire.

66      Selon la Commission, soutenue par DEI, le troisième moyen du recours doit être rejeté, en particulier à la suite de l’arrêt sur pourvoi.

67      À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu d’une jurisprudence constante, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres, qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH ») (arrêt du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, EU:C:1986:206, points 18 et 19), qui a également été réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et qui trouve tout autant application dans des procédures au provisoire (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, EU:C:2007:163, point 67 et jurisprudence citée).

68      En l’espèce, force est de constater que, dans le cadre du troisième moyen du recours, la requérante se contente de soulever les arguments qu’elle invoque par ailleurs dans le cadre du deuxième moyen, lequel a été rejeté par le Tribunal dans le présent arrêt.

69      En tout état de cause, le troisième moyen du recours ne saurait prospérer.

70      En effet, d’une part, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir, par la décision attaquée, enfreint le droit de la requérante d’agir devant les juridictions nationales aux fins d’obtenir une protection de ses droits au provisoire, ne serait-ce que par l’existence même de la première ordonnance de référé.

71      Le même constat s’impose pour ce qui est, d’autre part, de la seconde ordonnance de référé, laquelle a révoqué la première ordonnance de référé avant que ne fût adoptée la décision attaquée.

72      Partant et indépendamment de l’incidence de l’arrêt sur pourvoi, le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de protection juridictionnelle effective, doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

73      Par le quatrième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a enfreint l’obligation de motivation lui incombant.

74      Selon la requérante, les considérants 8 à 11 et 35 de la décision attaquée ne seraient pas suffisants pour expliquer le raisonnement de la Commission.

75      Ainsi, premièrement, alors que la Commission a déduit l’existence d’une aide nouvelle de la mesure en cause, c’est-à-dire de la première ordonnance de référé, la décision attaquée n’y ferait pas expressément référence et n’en résumerait pas le contenu, même aux fins d’établir son appréciation quant au rétablissement du tarif préférentiel ou quant à la prolongation d’une aide existante.

76      Deuxièmement et malgré l’absence de précédent jurisprudentiel, la Commission n’aurait pas expliqué dans la décision attaquée pourquoi une décision judiciaire nationale rendue en référé dans le cadre de l’exécution d’un contrat pouvait constituer une aide.

77      Troisièmement, la Commission n’exposerait aucunement les motifs qui l’ont conduite à affirmer que DEI avait dûment procédé à la résiliation, notamment en ne s’attachant ni au contenu du contrat ni à celui du contentieux porté devant les juridictions nationales.

78      Quatrièmement, la Commission se contenterait, dans la décision attaquée, d’affirmer que les conditions de l’aide nouvelle peuvent être analogues à celles de l’aide existante antérieure, sans toutefois mettre en parallèle les régimes en cause.

79      Selon la Commission, soutenue par DEI, le quatrième moyen du recours doit être rejeté, en particulier à la suite de l’arrêt sur pourvoi.

80      À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T‑48/02, EU:T:2005:436, point 45 et jurisprudence citée).

81      En l’espèce, la requérante conteste la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne, premièrement, la concision excessive de ses éléments quant à la première ordonnance de référé.

82      Ce grief ne saurait être retenu.

83      En effet, si la Commission n’a certes pas, dans la décision attaquée, clairement précisé les références de la première ordonnance de référé et n’en a ni analysé ni résumé la motivation, elle a toutefois, de façon claire et non équivoque, fait état, à suffisance de droit, du contenu et des effets de ladite ordonnance aux considérants 10, 11, 34 et 35 de la décision attaquée, de sorte que, à la lumière de la jurisprudence pertinente, le raisonnement de la Commission a permis à la requérante de connaître les justifications de la décision attaquée et au Tribunal d’exercer son contrôle.

84      Deuxièmement, la requérante conteste la motivation de la décision attaquée en ce que la Commission n’a pas expliqué pourquoi, en l’absence de précédent jurisprudentiel, une décision judiciaire rendue en référé dans le cadre de l’exécution d’un contrat pouvait constituer une aide.

85      Ce grief ne saurait non plus être retenu.

86      En effet, il ne saurait être sérieusement contesté que la Commission a expliqué, à suffisance de droit, pourquoi elle avait qualifié d’aide nouvelle la première ordonnance de référé, en considérant que ladite ordonnance avait prolongé, durant la période en cause, une aide existante constituée du tarif préférentiel, aux considérants 11 et 35 de la décision attaquée, de sorte que son raisonnement, nonobstant, le cas échéant, l’absence de précédent jurisprudentiel, a permis, à la lumière de la jurisprudence pertinente, à la requérante de connaître les justifications de la décision attaquée et au Tribunal d’exercer son contrôle.

87      Troisièmement, la requérante conteste la motivation de la décision attaquée en ce que la Commission n’exposerait aucunement les motifs qui l’ont conduite à retenir que la résiliation était valide, sans s’attacher au contenu du contrat ou à celui du contentieux porté devant les juridictions nationales.

88      Cette argumentation ne saurait prospérer.

89      En effet, il ressort clairement des considérants 8, 10, 11 et 35 de la décision attaquée que la Commission a déduit la validité de la résiliation des termes du contrat et de la procédure portée devant les juridictions nationales.

90      Quatrièmement, la requérante conteste la motivation de la décision attaquée en ce que la Commission s’est contentée, dans la décision attaquée, d’affirmer que les conditions de l’aide nouvelle pouvaient être analogues à celles de l’aide existante antérieure, sans toutefois mettre en parallèle les régimes en cause.

91      Pour rejeter ce grief, il suffit de relever qu’il repose non sur la légalité externe de la décision attaquée, mais sur la légalité au fond de cette dernière, en ce qu’il tend à remettre en cause l’appréciation de la Commission quant à l’existence d’une aide nouvelle, laquelle n’est, au demeurant, plus contestée par la requérante dans le cadre de la procédure sur renvoi, ainsi qu’il ressort du point 43 du présent arrêt.

92      Par conséquent, la Commission a motivé, à suffisance de droit, la décision attaquée pour conclure à la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle.

93      Partant et indépendamment de l’incidence de l’arrêt sur pourvoi, le quatrième moyen du recours, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, doit être rejeté, ainsi que, par conséquent, l’ensemble des moyens dirigés contre la qualification de la mesure en cause d’aide nouvelle.

 Sur les moyens dirigés contre la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État

94      Aux fins de l’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque, à titre subsidiaire, quatre moyens dirigés contre la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État, dont le premier a trait à la légalité au fond de la décision attaquée alors que les trois autres visent la légalité externe de ladite décision.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

95      Par le cinquième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité, en ce que, en substance, la Commission a enfreint l’article 107, paragraphe 1, TFUE en qualifiant le tarif préférentiel d’aide d’État.

96      À cet effet, la requérante articule le cinquième moyen en trois branches, relatives à l’appréciation de la Commission quant à l’existence d’un avantage, quant à sa sélectivité et quant à ses effets.

–       Sur la première branche, relative à l’existence d’un avantage

97      Dans le cadre de la première branche du cinquième moyen, la requérante prétend que le tarif préférentiel ne constituait pas un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

98      Selon la requérante, afin d’apprécier si les actions d’une entreprise publique constituent indirectement une aide d’État, offrant un avantage à certaines entreprises, la Commission doit recourir au critère de l’investisseur privé.

99      La requérante soutient que, en application de ce critère et aux fins de vérifier l’existence d’une aide, il y a lieu de comparer la situation en cause dans les conditions de marché existant à l’époque avec le comportement d’investisseurs privés dans des circonstances similaires, c’est-à-dire d’examiner si le bénéficiaire de l’avantage en cause a acquis un avantage économique qu’il n’aurait pas acquis dans des circonstances normales de marché.

100    Or, en l’espèce, alors que, selon la requérante, le tarif préférentiel serait justifié à l’aune du critère de l’investisseur privé, la Commission aurait omis de vérifier si ledit tarif assurait un bénéfice raisonnable à DEI et constituait donc une décision qu’aurait prise un entrepreneur agissant dans des conditions de marché similaires.

101    Au soutien de son argumentation, la requérante fait, en premier lieu, état du contexte juridique national et de l’Union.

102    Elle se réfère, tout d’abord, à la décision de la Commission, Aides d’État – C 50/83 – Pays-Bas (JO 1992, C 344, p. 4), à la décision 2001/274/CE de la Commission, du 11 avril 2000, concernant la mesure mise à exécution par EDF en faveur de certaines firmes de l’industrie papetière (JO 2001, L 95, p. 18), ainsi qu’à l’arrêt du 2 février 1988, van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, p. 219), dont il ressortirait qu’un tarif préférentiel pour la vente d’énergie peut être justifié par des raisons économiques, comme en l’espèce.

103    La requérante mentionne, ensuite, l’approche suivie par la Commission dans sa décision, Aides d’État – C 38/92 – Italie (JO 1992, C 344, p. 4, ci-après la « décision Alumix »), et invoque, a contrario, celle suivie par les juridictions de l’Union dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, EU:C:2011:497), et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑332/06, non publié, EU:T:2009:79).

104    Enfin, la requérante prétend que des tarifs différenciés sont non seulement permis, mais également et surtout préconisés par la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE – Déclarations concernant les opérations de déclassement et de gestion des déchets (JO 2003, L 176, p. 37), par la législation nationale et par la Rythmistiki Αrchi Εnergeias (autorité de régulation de l’énergie, Grèce) (ci-après la « RAE »).

105    En deuxième lieu, la requérante avance des raisons commerciales objectives qui justifieraient, à la lumière de la pratique de la Commission et de la RAE, le tarif préférentiel, eu égard à ses caractéristiques particulières de consommation d’électricité, par rapport à tous les autres consommateurs haute tension, sauf éventuellement à une autre entreprise, ainsi qu’à l’accès exclusif et préférentiel de DEI à une production d’énergie bon marché.

106    En troisième lieu, la requérante prétend que le tarif préférentiel a non seulement couvert les coûts de production de DEI, ainsi que cela ressortirait de la décision de 1992, mais lui a également assuré un bénéfice raisonnable en tenant compte de la moyenne de ses coûts globaux d’exploitation sur la période en cause.

107    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par la décision de 2002, dans laquelle la Commission a, selon la requérante, considéré, à tort, que la subvention octroyée à DEI compensait le désavantage qu’elle subissait du fait du tarif préférentiel, cette considération reposant sur des données erronées fournies par les autorités grecques et par DEI, aux seules fins de valider la subvention en cause avant l’introduction en bourse de DEI.

108    À toutes fins utiles, la requérante demande au Tribunal, au titre des mesures d’instruction, en application de l’article 65, sous d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, de recourir à l’expertise pour établir que le tarif préférentiel a couvert le coût marginal de production de DEI et une partie de ses coûts fixes tout en lui permettant de dégager un bénéfice raisonnable.

109    En quatrième et dernier lieu, la requérante conteste le tarif appliqué aux autres grands consommateurs industriels et retenu par la Commission comme étant le tarif de marché, en ce que ledit tarif aurait été fixé de manière non transparente, par voie réglementaire, et constituerait une subvention croisée pour d’autres consommateurs industriels, ainsi que cela ressortirait de décisions de la RAE, de même qu’un abus de position dominante, en application de l’article 102 TFUE.

110    La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet de la première branche du cinquième moyen, tout en excipant de son irrecevabilité.

111    À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

112    Selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, EU:C:2000:248, point 25 ; du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 111, et du 21 juin 2012, BNP Paribas et BNL/Commission, C‑452/10 P, EU:C:2012:366, point 100).

113    La qualification d’aide, au sens d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur, requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, EU:C:1990:125, point 25 ; du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 68, et du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 74).

114    Il découle de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que ces conditions sont les suivantes. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, cette condition n’étant pas discutée en l’espèce. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (arrêts du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 75, et du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, EU:T:2006:59, point 110).

115    Concernant, en particulier, la troisième condition visée au point 114 ci-dessus, constituent des avantages au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges grevant normalement le budget d’une entreprise et qui, par là même, s’apparentent à une subvention, telle que, notamment, la fourniture de biens ou de services à des conditions préférentielles (voir arrêts du 20 novembre 2003, GEMO, C‑126/01, EU:C:2003:622, point 29 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, EU:T:2004:266, point 44 et jurisprudence citée).

116    Ainsi, il a déjà été admis qu’un tarif préférentiel appliqué pour la fourniture d’énergie puisse constituer une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 1988, van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, points 28 et 29).

117    En l’espèce, il est constant, premièrement, que, antérieurement à la période en cause, le tarif préférentiel était pratiqué par DEI en faveur d’AtE et de la société qui lui a succédé, en application d’un décret législatif dérogeant à la réglementation tarifaire de droit commun prévoyant un tarif normal obligatoire.

118    Il est aussi constant, deuxièmement, que, pour le moins durant la période en cause, le tarif préférentiel maintenu pour la fourniture d’énergie électrique à AtE, puis à la société qui lui a succédé, a été inférieur au tarif normal appliqué aux grands consommateurs industriels de DEI, alors que ledit tarif normal, réglementé au niveau national, s’imposait à DEI et à ses grands consommateurs industriels.

119    Troisièmement, il est également constant que, pour le moins durant la période en cause, AtE et la société qui lui a succédé ont relevé de la catégorie des grands consommateurs industriels de DEI.

120    Il est tout autant constant, quatrièmement, que, pour le moins durant la période en cause, AtE, puis la société qui lui a succédé, ont été les seuls grands consommateurs industriels s’étant vu appliquer le tarif préférentiel, la requérante admettant elle-même que, si un autre grand consommateur industriel avait également bénéficié du tarif préférentiel par le passé, cela n’avait plus été le cas durant la période en cause.

121    Toute chose étant égale par ailleurs, le caractère constant de ces éléments ne saurait être remis en cause par les coûts de fourniture d’électricité à la charge de DEI pour chacun des grands consommateurs industriels.

122    Par conséquent, il ne saurait être contesté que, pour le moins durant la période en cause, AtE, puis la société qui lui a succédé, ont vu les charges qui les grevaient, en termes de coûts de production, allégées par l’application du tarif préférentiel.

123    Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette appréciation.

124    Certes, ainsi que le soutient à juste titre la requérante, il a été jugé qu’un tel avantage pouvait ne pas constituer une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, s’il était objectivement justifié par des raisons économiques (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 1988, van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, EU:C:1988:38, point 30).

125    Il n’en demeure pas moins que, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’appartient pas à la Commission de vérifier d’office la présence de telles justifications, dès lors qu’elle a constaté l’existence d’un avantage, la preuve desdites justifications incombant à l’État membre en cause, s’il entend contester l’appréciation de la Commission quant à l’existence d’une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

126    Au surplus, il a également été jugé que la Commission était en droit de se limiter aux éléments présentés par l’État membre au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, EU:T:2004:4, point 49).

127    Or, il ressort de la décision attaquée que, durant la procédure administrative, la République hellénique n’a fait valoir aucun argument en ce sens, ce que la requérante ne conteste pas sur le fond.

128    En tout état de cause, même à considérer que la Commission était tenue de procéder à une telle vérification, force est de constater que DEI, en tant que fournisseur d’électricité de la requérante, soutient, sans la moindre ambigüité dans ses écrits devant le Tribunal, que le tarif préférentiel s’inscrivait, durant la période en cause, en deçà de ses coûts de production correspondants et que, même appréhendé plus largement, ledit tarif n’était aucunement compensé par ailleurs.

129    Aussi la Commission a-t-elle pu retenir qu’il ressortait de la résiliation du contrat, par DEI, que le tarif préférentiel ne pouvait être justifié par des raisons économiques la concernant.

130    Par conséquent, la requérante ne saurait convaincre en soutenant que le tarif préférentiel a été, durant la période en cause, justifié par des raisons économiques, aux fins d’établir qu’il n’a pas constitué un avantage susceptible de révéler l’existence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

131    L’argumentation de la requérante relative au critère de l’investisseur privé ne saurait non plus convaincre.

132    En effet, même à considérer le critère de l’investisseur privé applicable dans les circonstances très particulières de l’espèce, en ignorant l’auteur et la nature de la mesure en cause, il peut être raisonnablement exclu qu’un investisseur privé ait entendu pratiquer un tarif à la hauteur du tarif préférentiel plutôt que de se soumettre au tarif normal d’un montant supérieur, sauf à envisager des compensations dont la requérante n’a nullement fait état, et ce d’autant plus à la lumière de la position de DEI sur le marché de la fourniture d’électricité durant la période en cause.

133    En ce sens, il ne semble pas rationnellement envisageable que DEI ait volontairement renoncé au tarif préférentiel en résiliant le contrat de fourniture le prévoyant si l’application du tarif normal devait porter atteinte à ses intérêts économiques, et ce indépendamment de l’incidence de la décision de 2002.

134    Les arguments que tire la requérante de la pratique antérieure de la Commission, du droit dérivé en matière d’électricité, de décisions de la RAE ou d’une prétendue violation de l’article 102 TFUE ne sauraient non plus, même à considérer qu’ils soient recevables et fondés en fait ou en droit, affecter cette appréciation de la première branche du cinquième moyen du recours.

135    En effet, c’est dans le seul cadre des dispositions pertinentes du traité ainsi que des mesures prises pour sa mise en œuvre que doit être apprécié le caractère d’aide d’État d’une mesure, non au regard, notamment, d’une éventuelle pratique décisionnelle antérieure de la Commission (arrêt du 5 février 2015, Aer Lingus/Commission, T‑473/12, EU:T:2015:78, point 118).

136    Ainsi, indépendamment de la question de sa recevabilité et sans qu’il y ait lieu d’ordonner la mesure d’instruction sollicitée par la requérante, l’argumentation de cette dernière doit être écartée.

137    Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir retenu que, durant la période en cause, le tarif préférentiel conférait à AtE, puis à la société qui lui a succédé, un avantage économique susceptible de constituer une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

138    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen pris en sa première branche.

–       Sur la deuxième branche, relative à la sélectivité

139    Par la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation entachant la décision attaquée d’illégalité, en retenant la sélectivité du tarif préférentiel.

140    Selon la requérante, afin de prouver qu’une mesure est appliquée de manière sélective à certaines entreprises ou à certaines productions, la Commission doit démontrer qu’elle différencie des entreprises se trouvant, en ce qui concerne l’objectif de la mesure, dans une situation réelle et juridique similaire. Cependant, la notion d’aide d’État ne viserait pas des mesures introduisant une différenciation entre entreprises en matière de charges, lorsque cette différenciation résulte de la nature et de l’économie du système de charges en cause.

141    Or, en l’espèce, DEI devait, en vertu du principe d’égalité de traitement, appliquer un tarif différencié par rapport aux autres consommateurs industriels eu égard au profil de consommation en cause.

142    Dans ce contexte, la requérante rappelle que le tarif préférentiel a également été appliqué à une autre entreprise, laquelle pourrait relever de la même catégorie de consommateurs que la sienne.

143    Le tarif préférentiel serait justifié par la spécificité de la catégorie de clientèle de la requérante, en tant qu’entreprise grande consommatrice d’électricité, et par le secteur dans lequel elle opère, à savoir le marché mondial de l’aluminium.

144    Ainsi, le tarif préférentiel ne serait pas sélectif en ce qu’il serait justifié par la nature et l’économie du système de tarification de l’électricité des entreprises grandes consommatrices de l’Union et opérant sur le marché mondial de l’aluminium, dont les prix sont fixés en bourse au niveau international.

145    La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet de la deuxième branche du cinquième moyen.

146    À cet égard, il convient de constater que, dans le cadre de la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante conteste, en substance, le caractère sélectif du tarif préférentiel.

147    Or, force est de relever que la requérante admet elle-même que, si une autre entreprise avait également bénéficié du tarif préférentiel, cela n’aurait pas été le cas durant la période en cause, les effets de la première ordonnance de référé ayant été cantonnés aux parties au litige, à savoir AtE et DEI.

148    Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen pris en sa deuxième branche.

–       Sur la troisième branche, relative aux effets

149    Par la troisième branche du cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalité, en appréciant erronément les effets du tarif préférentiel, dès lors ledit tarif n’aurait pas affecté les échanges entre États membres, ni généré une distorsion de concurrence.

150    Selon la requérante, la Commission a omis d’examiner l’incidence du tarif préférentiel sur les échanges entre États membres.

151    Sans contester que ses produits font l’objet d’échanges intensifs entre États membres, la requérante soutient que, pour apprécier si l’avantage découlant prétendument du tarif préférentiel a faussé les échanges intérieurs de l’Union, il convient d’examiner si, au cours de la période en cause, ledit tarif lui a permis de renforcer sa position par rapport aux entreprises concurrentes dans l’Union. Or, les données du marché n’autoriseraient pas une telle conclusion.

152    D’une part, les produits en cause étant relativement uniformes et leurs prix fixés en bourse au niveau international, un éventuel coût réduit de production ne pourrait pas être répercuté sur les clients en termes de qualité ou de prix.

153    D’autre part, et alors que le marché de l’aluminium est un marché mondial, le tarif préférentiel aurait été, en 2006, nettement supérieur au tarif moyen payé par les producteurs d’aluminium dans les autres États membres et dans le monde, ce qui serait corroboré par la décision de 1992.

154    La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet de la troisième branche du cinquième moyen.

155    À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler que, en matière d’aides d’État, les conditions relatives, respectivement, à l’incidence sur les échanges entre les États membres et à la distorsion de concurrence sont, en règle générale, indissociablement liées (voir arrêt du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, EU:T:2000:151, point 81 et jurisprudence citée).

156    Ainsi, lorsqu’une aide renforce la position d’une entreprise par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges intérieurs de l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, EU:C:1980:209, point 11, et du 20 novembre 2003, GEMO, C‑126/01, EU:C:2003:622, point 41).

157    Dans le cadre de son appréciation de ces deux conditions, la Commission est tenue non pas d’établir une incidence réelle des aides sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de concurrence, mais seulement d’examiner si ces aides sont susceptibles d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 44 ; du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 111, et du 9 septembre 2009, Holland Malt/Commission, T‑369/06, EU:T:2009:319, point 37).

158    Il suffit en effet que la Commission établisse que les aides considérées sont de nature à affecter les échanges entre les États membres et menacent de fausser la concurrence, sans qu’il soit nécessaire de délimiter le marché en cause et d’analyser sa structure ainsi que les rapports de concurrence en découlant (voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, EU:C:1980:209, points 9 à 12, et du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, EU:T:2000:151, point 95 et jurisprudence citée).

159    Or, en l’espèce, la Commission a, au considérant 31 de la décision attaquée, relevé qu’AtE était présente dans un secteur où les produits faisaient l’objet d’échanges intensifs entre les États membres, l’aluminium étant produit dans neuf États membres autres que la Grèce, à savoir l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, la Suède et le Royaume-Uni.

160    Dès lors qu’elle considérait que la mesure en cause renforçait la position de la requérante par rapport à d’autres entreprises concurrentes dans les échanges entre les États membres, elle a pu conclure, à bon droit, au même considérant 31 de la décision attaquée, que ces dernières étaient lésées par ladite mesure et, partant, que le critère de la distorsion de concurrence et de l’incidence sur les échanges entre États membres était rempli.

161    Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette appréciation.

162    En effet, il ne saurait sérieusement être contesté que le tarif préférentiel a réduit les coûts de production d’AtE puis de la requérante, indépendamment des coûts de production des entreprises concurrentes sises dans d’autres États membres, de sorte que la Commission a pu, à bon droit, conclure à l’existence d’une distorsion de la concurrence.

163    À cet égard, l’argument que tire la requérante du caractère relativement uniforme des produits en cause, à le supposer fondé en fait, conjugué à la dimension mondiale du marché en cause avec des prix de vente fixés en bourse, procède manifestement d’une confusion de ce qui relève des recettes et de ce qui constitue des bénéfices.

164    En effet, si les prix de vente des produits en cause étaient certes fixés en bourse à l’international, ne permettant pas à la requérante de répercuter une économie réalisée sur ses coûts de production sur le prix de vente desdits produits, il n’en reste pas moins que la requérante était en mesure de réaliser un bénéfice en raison du tarif préférentiel lui étant accordé par DEI, à la différence des entreprises concurrentes sises dans d’autres États membres.

165    En tout état de cause, la requérante ne saurait utilement invoquer, pour étayer ses prétentions, la décision de 1992 ou des données économiques, à les supposer fondées en fait, concernant des périodes différentes de la période en cause.

166    Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen pris en sa troisième branche et, dès lors, le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans son ensemble.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

167    Par le sixième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité, en ce que la Commission a enfreint, concernant la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État, le principe de protection de la confiance légitime.

168    Selon la requérante, la décision de 1992 a fait naître des espérances fondées, d’autant plus qu’AtE en était la destinataire, en ce que la Commission y a considéré que le tarif préférentiel ne constituait pas une aide d’État, dès lors que ledit tarif était raisonnable, conforme aux pratiques du marché et couvrait le coût d’exploitation de la production de l’énergie fournie.

169    Or, aucun changement ne serait intervenu quant au respect de ces conditions entre la date d’adoption de la décision de 1992 et celle de la décision attaquée.

170    Par conséquent, la requérante invoquerait à bon droit sa confiance légitime dans le fait que le tarif préférentiel ne constituait pas une aide et la Commission ne saurait lui opposer la décision de 2002, dès lors qu’elle n’a pas participé à la procédure d’adoption de ladite décision.

171    La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet du sixième moyen.

172    À cet égard, il convient, à titre liminaire, de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493, point 273 et jurisprudence citée).

173    En l’espèce, la requérante prétend qu’elle pouvait légitimement s’attendre à ce que la Commission ne qualifie pas le tarif préférentiel d’aide d’État, dès lors qu’elle en avait décidé ainsi dans la décision de 1992 et que la décision de 2002 ne saurait lui être opposée.

174    Même à supposer que la décision de 2002 ne puisse être opposée à la requérante, cette dernière ne saurait faire valoir une confiance légitime dans la décision de 1992 quant à la question de la qualification d’aide du tarif préférentiel, dès lors, d’une part, qu’il ressort clairement de ladite décision que la Commission y a, à au moins deux reprises, précisé que son appréciation portait sur une période ayant pris fin le 31 décembre 1990.

175    D’autre part, il ressort tout aussi clairement de la décision de 1992 que l’appréciation de la Commission y était assortie de nombreuses considérations la conditionnant très largement, concernant, notamment, les informations soumises par les autorités grecques, la condition que les tarifs appliqués, en sus de couvrir le coût de production de l’électricité, participaient aux coûts fixes et garantissaient le fonctionnement rentable global des sociétés de production d’électricité et que l’usager de l’électricité n’acquerrait pas d’avantages particuliers comparativement à ses concurrents, l’existence de bénéfices importants de DEI, du moins à partir de 1987, les sources d’approvisionnement de DEI pour la fourniture d’électricité à AtE et la demande de la Commission de l’informer en temps utile concernant les tarifs appliqués pour l’électricité fournie à AtE à partir de 1991.

176    Il s’ensuit que la requérante ne saurait utilement invoquer une confiance légitime dans la régularité du tarif préférentiel au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sur le fondement de la décision de 1992.

177    Le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, doit donc être rejeté.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

178    Par le septième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a enfreint, concernant la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État, les droits de la défense.

179    Selon la requérante, une violation de ses droits de la défense entachant la décision attaquée d’illégalité ressortirait d’une succession d’éléments.

180    Dans le cadre d’une première branche, elle soutient que, alors qu’elle pouvait fonder une confiance légitime, à la suite de la décision de 1992, sur le fait que le tarif préférentiel ne constituait pas une aide selon la Commission, cette dernière a, dans la décision de 2002, modifié sa position, en qualifiant indirectement d’aide le tarif préférentiel.

181    Dans le cadre d’une deuxième branche, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas été invitée à participer à la procédure d’adoption de la décision de 2002, laquelle ne lui aurait pas même été communiquée.

182    Dans le cadre d’une troisième branche, elle fait observer que, afin de fonder l’existence d’une aide, la Commission a renvoyé, dans la décision attaquée, à la décision de 2002, alors que cette dernière a été adoptée en son absence et à son insu, de sorte que ladite décision ne saurait lui être opposée.

183    Elle prétend que la décision de 2002 ne saurait d’autant moins lui être opposée que la Commission n’y a pas fait référence dans la décision d’ouvrir la procédure, de sorte que, dans ses observations de mai 2010 et de mai 2011 sur ladite décision et à la suite de la décision de 1992, la requérante n’a consacré qu’une place secondaire au tarif préférentiel.

184    La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet du septième moyen.

185    À cet égard, il convient de considérer que, pris en sa première branche, la requérante réitère les arguments qu’elle invoque au soutien du sixième moyen, tiré d’une violation du principe du respect de la confiance légitime.

186    Partant, il suffit, pour rejeter cette première branche, de renvoyer aux points 173 et 175 à 177 ci-dessus.

187    Au surplus, il y a lieu de rappeler qu’il a été jugé que, si la Commission ne pouvait être tenue de présenter une analyse aboutie à l’égard de l’aide en cause dans sa communication relative à l’ouverture de cette procédure, il était nécessaire, en revanche, qu’elle définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations (arrêt du 30 novembre 2009, France et France Télécom/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, EU:T:2009:474, point 148), exigence ayant été, en l’espèce, satisfaite par la Commission.

188    Pris en sa deuxième branche, force est également de constater que le septième moyen de la requérante ne vise pas tant la légalité de la décision attaquée, mais celle de la décision de 2002, de sorte que son argumentation dans le présent recours doit être rejetée comme étant manifestement inopérante.

189    Pour ce qui est de la troisième branche du septième moyen, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que la procédure administrative en matière d’aides est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné (arrêt du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, EU:T:2002:59, point 254), le bénéficiaire de l’aide n’étant considéré que comme intéressé dans cette procédure (arrêt du 16 décembre 1999, Acciaierie di Bolzano/Commission, T‑158/96, EU:T:1999:335, point 42), au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

190    Or, les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative (arrêts du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T‑371/94 et T‑394/94, EU:T:1998:140, point 60, et du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, EU:T:2002:59, point 255) dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances de l’espèce (arrêt du 16 décembre 1999, Acciaierie di Bolzano/Commission, T‑158/96, EU:T:1999:335, point 45).

191    En d’autres termes, la procédure de contrôle des aides d’État n’étant pas une procédure ouverte à l’encontre du bénéficiaire ou des bénéficiaires des aides, celui-ci ou ces derniers ne sauraient se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels (arrêt du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, points 82 et 83).

192    Certes, les intéressés disposent, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, du droit de soumettre des observations durant la phase d’examen visée par l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, EU:T:2002:59, point 255).

193    Toutefois, conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la décision d’ouvrir la procédure d’enquête formelle vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations utiles destinées à éclairer la Commission dans son action future (arrêt du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, EU:C:1973:87, point 19), le Tribunal ayant suivi cette jurisprudence qui impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information pour la Commission dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 256).

194    Partant, dans la procédure de contrôle des aides d’État, les intéressés autres que l’État membre concerné ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre, aucune disposition de la procédure de contrôle des aides d’État ne réservant, parmi les intéressés, un rôle particulier au bénéficiaire de l’aide (arrêt du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, point 83).

195    Or, la situation du bénéficiaire de l’aide ne saurait être différente de celle des tiers intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, EU:T:2004:222, point 195).

196    Pour autant, en tant que bénéficiaire de l’aide et, par conséquent, d’intéressée, la requérante pouvait revendiquer le droit de soumettre des observations dans le cadre de la procédure ayant débouché sur la décision attaquée, ce droit étant consacré à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, EU:T:2002:59, point 255).

197    Or, en l’espèce, il est constant que la requérante a été entendue à la suite de la décision d’ouvrir la procédure, c’est-à-dire dans le cadre de la procédure d’adoption de la décision attaquée, de sorte qu’elle ne saurait, à bon droit, invoquer une violation de ses droits de la défense.

198    En tout état de cause, une éventuelle irrégularité ne saurait entraîner une annulation de la décision attaquée que si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêts du 11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, EU:C:1987:478, points 12 et 13 ; du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, EU:C:1990:67, points 30 et 31 ; du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, EU:T:2006:59, point 95, et du 1er juillet 2010, Italie/Commission, T‑53/08, EU:T:2010:267, point 115).

199    Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante ne fait valoir aucun élément à même de démontrer que, en l’absence de cette prétendue irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

200    Par conséquent, il y a également lieu de rejeter le septième moyen pris en sa troisième branche et, partant, le septième moyen dans son ensemble.

 Sur le huitième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

201    Par le huitième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité, en ce que la Commission a enfreint, concernant la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État, l’obligation de motivation lui incombant.

202    Selon la requérante, la Commission a enfreint l’obligation de motivation lui incombant dans le cadre, tout d’abord, de son appréciation de l’existence d’un avantage découlant du tarif préférentiel, en se contentant d’affirmer qu’un vendeur opérant en économie de marché n’accepterait pas un tarif mensuel réduit sans motif spécifique.

203    Une violation de l’obligation de motivation à cet égard serait d’autant plus vérifiable en l’espèce à la lumière de la décision 2010/460/CE de la Commission, du 19 novembre 2009, relative aux aides d’État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06) mises à exécution par l’Italie en faveur d’Alcoa Trasformazioni (JO 2010, L 227, p. 62, ci-après la « décision Alcoa »), dans laquelle la Commission aurait consacré quatorze considérants au tarif d’énergie en cause dans cette affaire.

204    Ensuite, la Commission aurait enfreint l’obligation de motivation lui incombant en qualifiant le tarif préférentiel de sélectif, en se fondant sur la seule exclusivité du tarif préférentiel et sans rechercher si ledit tarif avait été appliqué à d’autres entreprises et, le cas échéant, expliquer pourquoi il y avait lieu de méconnaître cette circonstance.

205    Enfin, la Commission aurait enfreint l’obligation de motivation lui incombant en ce qui concernait les effets du tarif préférentiel sur la concurrence et sur les échanges entre États membres, dès lors que la Commission, en se contentant de reprendre son appréciation sur la sélectivité, n’avait fourni aucune indication sur la situation du marché, ses parts de marché et la position des concurrents.

206    Au surplus, la décision attaquée ne ferait aucunement référence aux décisions de la RAE, établissant la nécessité d’une facturation différenciée de certains consommateurs industriels, tels que la requérante, ni à certaines décisions antérieures de la Commission dans lesquelles elle aurait admis des tarifs réduits d’électricité sous certaines conditions réunies en l’espèce.

207    La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet du huitième moyen.

208    À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre du huitième moyen du recours, la requérante conteste la motivation de la décision attaquée concernant l’existence d’un avantage, sa sélectivité ainsi que ses effets sur la concurrence et sur les échanges entre États membres.

209    Pour ce qui est, en premier lieu, de la motivation de la décision attaquée quant à l’existence d’un avantage, la requérante soutient, en substance, que la Commission s’est contentée d’affirmer qu’un vendeur opérant en économie de marché n’accepterait pas un tarif mensuel réduit sans motif spécifique.

210    Pour rejeter ce grief, il suffit de rappeler qu’il n’appartenait pas à la Commission de motiver plus amplement la décision attaquée à cet égard, dès lors que l’État membre en cause n’avait fait valoir, durant la procédure administrative, aucun argument convaincant à cet endroit.

211    Pour ce qui est, en deuxième lieu, de la motivation de la décision attaquée quant à la sélectivité de la mesure en cause, la requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas recherché si le tarif préférentiel avait été appliqué à d’autres entreprises et, le cas échéant, expliqué pourquoi il y avait lieu de méconnaître cette circonstance.

212    Pour rejeter cet argument, il suffit de renvoyer aux considérations exposées, certes quant à la légalité au fond, aux points 146 à 148 ci-dessus, lesquelles valent toutefois, mutatis mutandis, au titre de l’obligation de motivation.

213    Pour ce qui est, en troisième et dernier lieu, de la motivation de la décision attaquée quant aux effets de la mesure en cause, la requérante soutient, en substance, que la Commission n’a fourni aucune indication sur la situation du marché, ses parts de marché et sur la position des concurrents.

214    À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que, s’il peut ressortir, dans certains cas, des circonstances mêmes dans lesquelles l’aide a été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe à tout le moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de la décision (voir arrêt du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, EU:T:2000:223, point 100 et jurisprudence citée).

215    Or, en l’espèce, le considérant 31 de la décision attaquée comporte un exposé suffisant des faits et considérations juridiques pris en compte dans l’appréciation des conditions de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges interétatiques, de telles indications permettant à la requérante et au juge de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que les aides contestées remplissaient ces conditions.

216    D’autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’incombait pas à la Commission de procéder à une analyse économique de la situation du marché concerné, de sa part de marché et de celle des entreprises concurrentes, dès lors qu’elle avait exposé en quoi la mesure en cause faussait la concurrence et affectait les échanges entre États membres (voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, EU:C:1980:209, points 9 à 12, et du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T‑214/95, EU:T:1998:77, point 67).

217    Quant au grief tiré de ce que la décision attaquée ne fait aucunement référence aux décisions de la RAE, ni à certaines de ses décisions antérieures dans lesquelles la Commission a admis des tarifs réduits d’électricité sous certaines conditions réunies en l’espèce, il suffit, pour le rejeter, de rappeler que, dans la motivation des décisions qu’elle est amenée à prendre pour assurer l’application des règles de concurrence, la Commission n’est pas obligée de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêts du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T‑44/90, EU:T:1992:5, point 41 et jurisprudence citée, et du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T‑214/95, EU:T:1998:77, point 63 et jurisprudence citée), ce qu’elle a fait en l’espèce, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir mentionné les décisions de la RAE ou certaines de ses décisions antérieures dans la décision attaquée.

218    En tout état de cause, force est de constater que la Commission a exposé, à suffisance de droit, les motifs de son appréciation aux considérants 27 à 30 de la décision attaquée, de sorte que la requérante a été pleinement en mesure de connaître les justifications de la décision attaquée et que le Tribunal a pu exercer son contrôle, ainsi que cela ressort, au demeurant, de l’appréciation de la première branche du cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

219    Aussi, l’argumentation de la requérante fondée sur une insuffisance de motivation quant aux critères de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges entre États membres doit-elle être écartée.

220    Le huitième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, doit donc être rejeté ainsi que, par conséquent, l’ensemble des moyens dirigés contre la qualification du tarif préférentiel d’aide d’État.

 Sur les moyens dirigés contre l’obligation de récupération

221    Aux fins de l’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque, à titre plus subsidiaire, deux moyens dirigés contre l’obligation de récupération, tirés, respectivement, le premier, d’erreurs quant à l’étendue de l’obligation de récupération et, le second, d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le neuvième moyen, tiré d’erreurs quant à l’étendue de l’obligation de récupération

222    Par le neuvième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission y a erré concernant l’obligation de récupération.

223    Selon la requérante, la Commission est tenue, lorsqu’elle procède à l’examen d’une aide, d’évaluer et de démontrer quelle aurait été la contrepartie de la prestation octroyée dans des conditions normales de marché.

224    Or, en l’espèce, la Commission n’aurait ni apprécié la prétendue aide sur la base de la contrepartie normale qui aurait dû être payée par la requérante, pour acheter l’énergie nécessaire à son activité industrielle, ni démontré le montant exact de l’aide, car elle aurait assimilé, à tort, la « contrepartie normale » la concernant au tarif appliqué aux autres clients industriels.

225    Cette assimilation serait source de deux erreurs, en ce que ledit tarif, d’une part, ne pouvait également être appliqué à la requérante, eu égard à son profil énergétique et aux critères de tarification découlant du droit de l’Union et du droit national, et, d’autre part, constituerait un moyen non transparent d’imposition unilatérale et abusive de tarifs de la part de DEI, verticalement intégrée, pour l’élaboration duquel les éléments de coût n’auraient ni été pris en compte ni vérifiés par les autorités publiques grecques.

226    En retenant, dans la décision attaquée, la résiliation du contrat par DEI pour établir l’existence d’un avantage, la Commission aurait assimilé DEI à un fournisseur opérant dans une économie de libre marché et concurrentielle, sans tenir compte de la position monopolistique, au demeurant contraire à l’article 102 TFUE, de DEI.

227    Par conséquent, la Commission aurait dû calculer le montant du prétendu avantage sur la base de la différence du tarif que la requérante aurait dû payer dans un marché véritablement libéralisé, dans le cadre d’une négociation libre et correspondant à un prix raisonnable et équitable.

228    Au surplus, la Commission aurait dû déduire, du montant à récupérer, le montant payé par la requérante au titre de la surtarification qui, pendant la période qui a suivi la période en cause, a consisté à acquitter le tarif illégalement appliqué, en ce qu’il ne constituait pas le prix de marché.

229    Partant, il y aurait lieu, selon la requérante, d’annuler la décision attaquée et de renvoyer l’affaire à la Commission pour qu’elle réapprécie s’il y a eu une aide et, le cas échéant, réévalue le montant exact à récupérer.

230    La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet du neuvième moyen.

231    À cet égard, il convient de considérer que, dans le cadre du neuvième moyen du recours, la requérante soutient, en substance, que la Commission a, à tort, calculé l’avantage sur la base du tarif normal appliqué aux autres grands consommateurs industriels, alors qu’elle aurait dû prendre en compte le tarif qui aurait été pratiqué dans une économie de marché, non caractérisée, comme en l’espèce, par un monopole constitutif d’un abus de position dominante contraire à l’article 102 TFUE.

232    Cette argumentation ne saurait prospérer.

233    D’une part, il convient de rejeter l’argument que tire la requérante d’une violation de l’article 102 TFUE, en ce qu’il est inopérant aux fins de l’annulation de la décision attaquée, de même que celui, qui y est intrinsèquement lié, relatif au tarif appliqué après la période en cause.

234    D’autre part, il y a lieu d’observer que, dans le cadre du neuvième moyen du recours, la requérante réitère, en substance, les arguments qu’elle a invoqués dans le cadre des première et deuxième branches du cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, pour ce qui est de l’existence d’un avantage et de la sélectivité, de sorte que ces arguments soulevés aux fins de l’examen du neuvième moyen doivent, en tout état de cause, être écartés pour les mêmes motifs.

235    En tout état de cause, c’est à bon droit que la Commission a décidé que le montant de l’aide à récupérer était constitué de la différence, durant la période en cause, entre le tarif normal et le tarif préférentiel, dès lors qu’elle a considéré que ce dernier tarif était constitutif d’un avantage.

236    Le neuvième moyen du recours doit donc être rejeté.

 Sur le dixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

237    Par le dixième moyen du recours, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce que la Commission a enfreint, concernant l’obligation de récupération, l’obligation de motivation lui incombant.

238    Selon la requérante, la Commission n’a fourni aucune indication, dans la décision attaquée, concernant le coût de fourniture d’électricité haute tension exposé par DEI pour les clients industriels, de sorte qu’elle a enfreint l’obligation de motivation lui incombant à cet égard.

239    La Commission, soutenue par l’intervenante, conclut au rejet du dixième moyen.

240    À cet égard, force est de constater que, par le dixième moyen du recours, la requérante ne conteste pas tant la légalité externe de la décision attaquée, au titre des formalités substantielles, mais le bien-fondé de l’appréciation de la Commission tenant, d’une part, à l’existence d’un avantage et, d’autre part, à la prise en compte du tarif normal pour le calcul du montant de l’aide à récupérer.

241    Or, ces arguments ont fait l’objet d’un examen, sur le fond, d’une part, de la première branche du cinquième moyen et, d’autre part, du neuvième moyen.

242    En tout état de cause, au considérant 60 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’élément d’aide incompatible de la mesure en cause était calculé comme étant la différence entre les recettes de DEI résultant du tarif normal qui aurait dû être appliqué pendant la période en cause et les recettes de DEI résultant du tarif préférentiel, de sorte que, à la lumière de la jurisprudence pertinente, le raisonnement de la Commission a permis à la requérante de connaître les justifications de la décision attaquée et au Tribunal d’exercer son contrôle, ainsi que cela ressort de l’examen du neuvième moyen du recours.

243    Le dixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, doit donc être rejeté ainsi que, par conséquent, l’ensemble des moyens dirigés contre l’obligation de récupération et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

244    Selon l’article 219 du règlement de procédure, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour.

245    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission et par l’intervenante, conformément aux conclusions de celles-ci, y compris les dépens relatifs à la procédure de pourvoi devant la Cour.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Alouminion tis Ellados VEAE supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI).

Labucka

Dittrich

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mars 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.