Language of document : ECLI:EU:T:2023:722

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

15 novembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale INCRUISES – Marque de l’Union européenne figurative antérieure INTERCRUISES SHORESIDE & PORT SERVICES – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑780/22,

TUI Holding Spain, SLU, établie à Palma de Majorque (Espagne), représentée par Me H. Fangmann, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

inCruises International LLC, établie à San Juan (Porto Rico),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, MM. G. Hesse et I. Dimitrakopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, TUI Holding Spain, SLU, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 septembre 2022 (affaire R 1081/2021-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 11 mars 2019, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, la société inCruises International LLC, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal INCRUISES.

3        La marque demandée désignait les services relevant des classes 35 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Services de clubs de membres sous forme de fourniture de réductions aux membres dans le domaine des voyages, à savoir des croisières » ;

–        classe 39 : « Fourniture de services de gestion de voyages ».

4        Le 9 septembre 2019, le prédécesseur en droit de la requérante, Hotelbeds Spain, SLU, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure suivante :

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6        La marque antérieure a été enregistrée le 21 février 2006 en tant que marque de l’Union européenne, sous le numéro 4285541, et désignait les services relevant des classes 39 et 43 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 39 : « Services de transport maritime de personnes et de marchandises ; emballage, entreposage et emballage de marchandises ; livraison de marchandises ; services de transit (franchise de passage) ; courtage en transport ; services de chargement et déchargement ; services de transport, logistique et distribution ; services de consignation de bateaux ; agents maritimes ; information en matière de transports et d’entreposage ; services de conseils en matière de transport, de logistique et de distribution ; services propres à une agence de voyages » ;

–        classe 43 : « Services fournis par des personnes ou des établissements consistant en la préparation d’aliments et de boissons destinés à la consommation, ainsi que les services de logement, d’hébergement et de repas dans des hôtels, pensions ou autres établissements assurant un hébergement temporaire ; services de réservation de logement pour des voyageurs, exercés principalement par des agences de voyages ou des courtiers ».

7        La requérante s’est vue céder les droits sur la marque antérieure par Hotelbeds Spain, SLU et est donc, depuis le 22 décembre 2020, titulaire de cette marque.

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

9        À la suite de la demande formulée par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition. Cette dernière a répondu à ladite demande dans le délai imparti.

10      Le 3 juin 2021, la division d’opposition a accueilli l’opposition dans son intégralité et a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour tous les services concernés, en considérant que l’usage sérieux de la marque antérieure pendant la période pertinente, à savoir du 11 mars 2014 au 10 mars 2019 inclus, sur le territoire pertinent avait été prouvé pour les « services propres à une agence de voyages », relevant de la classe 39, et qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

11      Le 20 juin 2021, inCruises International LLC a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

12      Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours et a rejeté l’opposition dans son intégralité au motif que les éléments de preuve produits par la requérante, considérés dans leur ensemble, ne suffisaient pas à prouver que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne au cours de la période pertinente pour les services couverts par ladite marque.

 Conclusions des parties 

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit 

 Sur le fond

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 47, paragraphe 2 et de l’article 33, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 en ce que la chambre de recours n’a pas apprécié correctement les preuves qu’elle a produites concernant l’usage sérieux de la marque antérieure et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 33, paragraphe 5, dudit règlement en ce que la chambre de recours a commis une erreur de droit dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 47, paragraphe 2, et de l’article 33, paragraphe 5, du règlement 2017/1001

16      La requérante fait valoir que la chambre de recours a fait une application erronée de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et avance que cette dernière n’a pas apprécié correctement les éléments de preuve et a constaté à tort l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure.

17      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

18      Aux termes de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque antérieure de l’Union européenne qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de dépôt ou la date de priorité de la demande de marque de l’Union européenne, la marque antérieure de l’Union européenne a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date, la marque antérieure soit enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée.

19      L’exigence d’un usage sérieux d’une marque de l’Union européenne doit concerner les produits ou les services « pour lesquels elle est enregistrée ». Les articles 18, paragraphe 1, et 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 ne prévoient pas que l’usage d’une marque pour des produits ou des services similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée pourrait être considéré comme un usage sérieux de la marque en question [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2023, C. & S./EUIPO – Scuderia AlphaTauri (CS jeans your best fashion partner), T‑645/22, non publié, EU:T:2023:363, point 37].

20      En outre, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 19 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43, et ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 27].

21      S’agissant des critères d’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, il convient de rappeler qu’une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 22 et jurisprudence citée].

22      Quant à l’importance ou à l’étendue de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 31 et jurisprudence citée).

23      Par ailleurs, il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 35].

24      En outre, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28, et du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 35]. En vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de ladite marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies et des annonces dans les journaux ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante.

26      En l’espèce, la chambre de recours a considéré la période comprise entre le 11 mars 2014 et le 10 mars 2019 comme étant la période pertinente de cinq ans pour laquelle il incombait à la requérante de démontrer un usage sérieux de la marque antérieure, ce que les parties ne contestent pas.

27      En vue d’apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, la requérante a notamment produit, au cours de la procédure administrative, les éléments suivants :

–        une capture d’écran du site Internet « Bloomberg » qui présente un bref profil de l’entreprise Intercruises Shoreside & Port Services, SL. Le document est en anglais et daté du 3 septembre 2020 ;

–        certaines captures d’écran du site Internet « www.intercruises.com » qui contiennent des informations sur les services proposés par l’entreprise Intercruises Shoreside & Port Services. Ces documents sont en anglais et la marque figurative antérieure y figure. Ils sont datés des années 2005, 2006, 2012, 2018 et 2020 ;

–        des exemples de prix internationaux et locaux reçus par l’entreprise Intercruises Shoreside & Port Services pour la qualité des services et l’innovation notamment en matière de services dans le domaine des excursions à terre. Les documents sont en anglais et couvrent la période comprise entre 2010 et 2019 ;

–        des publicités publiées dans des magazines spécialisés dans le secteur des croisières et des factures relatives auxdites publicités. Les documents contiennent la marque figurative antérieure et sont en partie en espagnol et en anglais. Ils sont datés de septembre 2014, mars 2017, mars 2018 et mars 2019 ;

–        de nombreuses factures émises par des entités juridiques opérant dans l’Union et dans le monde entier, qui contiennent la marque figurative antérieure et datent de la période comprise entre le 22 juillet 2014 et le 24 juin 2020. Elles sont toutes en anglais ;

–        une présentation du profil de l’entreprise Intercruises Shoreside & Port Services par le directeur régional de ladite entreprise pour l’Europe du Nord et deux catalogues faisant partie d’une newsletter interne. Tous ces documents sont en anglais et contiennent la marque figurative antérieure. Ils sont datés de novembre et décembre 2014 ;

–        un communiqué de presse provenant du site Internet de TUI Group (« www.tuigroup.com »), concernant l’acquisition par TUI Group de la société Destination Management de Hotelbeds Group. Le document est en anglais et daté du 2 août 2018 ;

–        certaines impressions du site Internet « www.google.com » illustrant des résultats de recherches effectuées sur le moteur de recherche Google pour l’expression « intercruises shoreside & port services ». Ces documents sont en anglais et sont datés du 21 mai 2020 ;

–        une facture concernant la participation de l’entreprise Intercruises Shoreside & Port Services en tant qu’exposant et la location d’un stand au Seatrade Europe Cruise & River Cruise Convention, se tenant du 9 au 11 septembre 2015, ladite entreprise ayant parrainé cet évènement et ayant été représentée sur le programme de la conférence. Une impression de pages d’un site Internet est jointe en annexe. Les documents sont en anglais et contiennent la marque figurative antérieure.

28      Aux points 22 à 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré en substance que les éléments de preuve produits par la requérante étaient insuffisants pour prouver l’usage de la marque antérieure par rapport à l’un des services spécifiques couverts par cette marque. Plus particulièrement, la chambre de recours a constaté que les services mentionnés dans les éléments de preuve de l’usage se limitaient aux services d’assistance à l’industrie du tourisme de croisière, comprenant des services d’assistance en escale et d’agence portuaire, qui ne constituaient pas des « services propres à une agence de voyages » relevant de la classe 39. À cet égard, la chambre de recours a observé qu’il existait d’autres services relevant de la classe 39, tels que des « services d’assistance en escale pour les passagers » ou d’« organisation d’excursions » pour lesquels la marque antérieure aurait pu être enregistrée.

29      Aux points 30 et 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, s’agissant plus précisément des excursions à terre, même si elles étaient réputées être couvertes par les « services propres à une agence de voyages », les éléments de preuve produits à leur égard étaient manifestement insuffisants pour prouver l’usage sérieux de la marque antérieure, à tout le moins du point de vue de l’importance et de la durée dudit usage. À cet égard, la chambre de recours a souligné que les seules factures produites mentionnant des « excursions » étaient deux factures en dehors de la période pertinente et qu’« aucun élément de preuve n’avait été produit pour prouver les chiffres d’affaires » sur le territoire de l’Union et qu’il n’y avait aucune donnée concernant le nombre d’excursions de croisières vendues, le nombre de passagers, les excursions achetées sur des destinations « ou tout autre élément similaire ou spécifique » à l’Union.

30      Au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a observé que, s’agissant de l’importance de l’usage de la marque antérieure, la division d’opposition avait considéré que le fait que le volume des services vendus sous la marque antérieure n’était pas très important pourrait être expliqué par la circonstance selon laquelle les factures concernées pouvaient être des échantillons des ventes totales et que l’appréciation à cet égard impliquait une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, sans toutefois faire référence à une autre facture ou un autre montant en particulier qui pourraient être liés aux « services propres à une agence de voyages » relevant de la classe 39.

31      Eu égard à ces considérations, la chambre de recours a conclu, au point 33 de la décision attaquée, que les différents éléments de preuve produits par la requérante, considérés dans leur ensemble, ne suffisaient pas à prouver que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union au cours de la période pertinente pour les services pour lesquels elle a été enregistrée.

32      Ainsi, les motifs de la décision attaquée, relatifs à la conclusion susmentionnée de la chambre de recours, portent, d’une part, sur la nature de l’usage de la marque antérieure (aux points 26 à 29 de la décision attaquée) et, d’autre part, sur l’importance et la durée dudit usage (aux points 30 à 32 de la décision attaquée).

–       Sur la nature de l’usage

33      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas suffisamment examiné les documents qu’elle a produits et a donc rejeté à tort son argument relatif à l’usage sérieux de la marque antérieure pendant la période pertinente pour les services relevant de la classe 39, pour lesquels cette marque a été enregistrée, et surtout les services d’agence de voyages, comme l’organisation pour les clients des navires de croisière de circuits en ville et d’excursions à terre, l’hébergement aux hôtels et les transferts des clients et des hôtes. La requérante avance que l’usage de ladite marque en relation avec les services susmentionnés ressort de l’examen global des différents documents produits devant la chambre de recours et ne résulte pas seulement des deux factures mentionnées par la chambre de recours dans la décision attaquée.

34      À cet égard, la requérante se réfère à plusieurs éléments de preuve produits devant la chambre de recours, mentionnés au point 27 ci-dessus, comme notamment le profil de l’entreprise Intercruises Shoreside & Port Services présenté sur le site Internet « Bloomberg », le contenu du site Internet « www.intercruises.com », un communiqué de presse ainsi que les nombreux prix obtenus. Elle se réfère également à certaines factures produites devant la chambre de recours, qui concernent, selon elle, des transferts, des excursions touristiques ou des services hôteliers.

35      L’EUIPO conteste ces arguments.

36      Il convient d’observer, à titre liminaire, qu’il est constant entre les parties que tant la requérante que son prédécesseur en droit, à savoir la société Hotelbeds Spain, et des entreprises liées à celle-ci, notamment Intercruises Shoreside & Port Services ont offert des services, entre autres, sous la marque antérieure.

37      En outre, il a lieu de constater que les preuves invoquées par la requérante et produites dans le cadre de la procédure administrative permettent de démontrer l’usage de la marque antérieure pour les « services propres à une agence de voyage » relevant de la classe 39, pour lesquels elle a été enregistrée.

38      Premièrement, en ce qui concerne le profil de l’entreprise Intercruises Shoreside & Port Services, il ressort de la présentation figurant sur le site internet « Bloomberg » que ladite entreprise propose comme services sous la marque antérieure, entre autres, le « transport d’hôtes et […] de[s] circuits en ville ». En outre, les captures d’écran du site Internet « www.intercruises.com », qui comprennent la marque antérieure, se réfèrent, entre autres, aux « excursions à terre, programmes hôteliers, programmes terrestres, transferts nationaux ».

39      Deuxièmement, s’agissant des prix invoqués par la requérante, il y a lieu d’observer que ceux-ci concernent des services « Shorex » (abréviation de l’expression anglaise « shore excursions »), qui constituent des excursions à terre liées aux croisières. En fait, selon les éléments de preuve produits par la requérante, la société Intercruises Shoreside & Port Services a obtenu, en 2016, le prix « Shorex innovant de l’année » pour le circuit touristique « visite guidée à pied de Barcelone par des sans-abri » dans le cadre du concours spécialisé « SeatradeCruise Awards ». Elle a également été finaliste pour ce même prix en 2014, 2018 et 2019. En outre, la même société a été reconnue comme étant « l’agent et le tour-opérateur Shorex le plus efficace » lors du prix « MedCruise Awards » en 2018 et a obtenu, en 2017, le « Wave Award » dans la catégorie « meilleure excursion au Royaume-Uni ». Tous les prix susmentionnés concernent des excursions à terre.

40      Troisièmement, il y a lieu de relever que la requérante a fourni plusieurs factures qui contiennent toutes la marque antérieure. Contrairement à ce que l’EUIPO fait valoir, certaines de ces factures contiennent des indications spécifiques quant à la nature ou les caractéristiques des services fournis. Par exemple, une facture datée du 31 mars 2015 mentionne des coûts de transferts et d’hébergement dans le cadre d’un circuit touristique en France. Une facture, datée du 27 mars 2020, mentionne des services de transferts à différents aéroports au Royaume-Uni. Une facture, datée du 8 janvier 2020, mentionne des services de transferts et des excursions par bus au Portugal. Quatre factures datées, respectivement, du 15 mai, 27 mai, 22 juillet et 14 août 2019 incluent des références aux visites de musées, à diverses activités à terre et à des services hôteliers en Grèce. Force est donc de constater que toutes ces factures contiennent des références détaillées aux services relatifs aux excursions à terre, qui incluent des services de transferts et hôteliers.

41      Quatrièmement, les publicités figurant dans les magazines spécialisés Cruises news et Seatrade Cruise Review, qui contiennent la marque antérieure, décrivent en détail les programmes de différentes excursions à terre en Espagne ainsi que les services relatifs à ce type d’excursions en Croatie et au Maroc et font également référence aux prix obtenus par la société Intercruises Shoreside & Port Services, mentionnés au point 39 ci-dessus.

42      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que la chambre de recours a affirmé au point 27 de la décision attaquée, les éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure fournis par la requérante ne se limitent pas aux « services d’assistance à l’industrie du tourisme de croisière avec des services d’assistance en escale et d’agence portuaire », mais concernent également des « services propres à une agence de voyages », relevant de la classe 39, pour lesquels elle a été enregistrée.

43      Partant, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant, au point 29 de la décision attaquée, que les éléments de preuve produits devant elle étaient insuffisants pour prouver l’usage concernant des services de nature à être inclus dans la liste des services couverts par la marque antérieure.

–       Sur l’importance et la durée de l’usage

44      La requérante soutient qu’elle a apporté des éléments de preuve concernant l’importance et la durée de l’usage de la marque antérieure au moins pour les « services propres à une agence de voyage ». Selon elle, les preuves produites montrent qu’un chiffre d’affaires important a été réalisé en utilisant la marque antérieure. Elle ajoute même qu’une petite quantité de preuves est suffisante pour prouver un usage sérieux de la marque antérieure. Elle avance également que la plupart des preuves produites par elle se rattachent à la période pertinente et que les preuves qui ne sont pas afférentes à ladite période doivent être prises en compte dans la mesure où elles sont corroborées par d’autres preuves. En outre, la requérante fait référence à un nombre significatif de factures produites devant la chambre de recours, qui montrent, selon elle, sa collaboration avec les principales compagnies de croisière.

45      L’EUIPO conteste ces arguments.

46      Comme indiqué au point 30 ci-dessus, en ce qui concerne l’importance de l’usage de la marque antérieure, la chambre de recours s’est limitée, au point 32 de la décision attaquée, à constater que la division d’opposition a considéré que le volume limité des services vendus sous la marque antérieure pourrait être expliqué par certaines considérations, en ne faisant toutefois référence à aucune facture ou aucun montant en particulier pouvant être lié aux « services propres à une agence de voyages » relevant de la classe 39.

47      Ainsi, la chambre de recours a reproché à la division d’opposition de ne pas avoir motivé de manière suffisante et étayée sa conclusion concernant l’importance de l’usage de la marque antérieure par rapport aux « services propres à une agence de voyages » relevant de la classe 39. Toutefois, la chambre de recours, après avoir constaté ce caractère insuffisant de la motivation de la décision de la division d’opposition, n’a pas procédé à sa propre appréciation de l’importance de l’usage de ladite marque, de manière globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et de tous les éléments de preuve produits par la requérante.

48      Certes, l’appréciation effectuée par la chambre de recours aux points 30 et 31 de la décision attaquée concerne l’importance et la durée de l’usage de la marque antérieure. Cependant, cette appréciation concerne uniquement les « excursions à terre » et ne couvre pas d’autres « services propres à une agence de voyage » relevant de la classe 39 pour lesquels des preuves de l’usage ont été produites, comme, notamment, des services d’hôte ou de transfert.

49      S’agissant de la durée de l’usage de la marque antérieure, il convient, en tout état de cause, de constater que c’est à juste titre que la requérante met en avant qu’elle a apporté plusieurs éléments de preuve se rapportant à la période pertinente et mentionnant, notamment, des services relatifs aux excursions.

50      À cet égard, la requérante a produit, en premier lieu, les captures d’écran du site Internet « www.intercruises.com » datant de 2018 qui contiennent des informations sur les services proposés sous la marque antérieure. En deuxième lieu, elle a produit des preuves sur les prix obtenus en 2016, 2017 et 2018 et les concours dans lesquels l’entreprise Intercruises Shoreside & Port Services était finaliste en 2014, 2018 et 2019, mentionnées au point 39 ci-dessus. En troisième lieu, elle a produit des publicités publiées dans des magazines spécialisés en septembre 2014, mars 2017, mars 2018 et décembre 2018, mentionnées au point 41 ci-dessus. En quatrième lieu, elle a produit des factures, mentionnées au point 40 ci-dessus, parmi lesquelles figure, par exemple, la facture datée du 31 mars 2015, soit pendant la période pertinente, qui concerne des services relatifs aux excursions touristiques à terre en France.

51      Par conséquent, la chambre de recours a commis une erreur de fait en indiquant, au point 31 de la décision attaquée, que les seules factures produites devant elle concernant des « excursions » étaient deux factures, respectivement, datées de juin 2019 et de 2020. En effet, la requérante a produit plusieurs factures faisant référence aux services relatifs aux excursions à terre. Ces factures n’ont pas été examinées de manière concrète et précise par la chambre de recours, qui, d’ailleurs, n’a pas apprécié globalement tous les éléments de preuve mentionnés au point 50 ci-dessus.

52      À cet égard, il convient de rappeler que des éléments de preuve, comme des factures, qui sont postérieurs à la période pertinente, peuvent, le cas échéant, être pris en considération afin de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque au cours de la période pertinente ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de la même période [voir arrêts du 19 décembre 2019, Sta*Ware EDV Beratung/EUIPO – Accelerate IT Consulting (businessNavi), T‑383/18, non publié, EU:T:2019:877, point 71 et jurisprudence citée ; du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 41 et jurisprudence citée, et du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 46 et jurisprudence citée].

53      S’agissant de l’importance de l’usage de la marque antérieure concernant spécifiquement les excursions à terre, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas fourni de données concernant les chiffres d’affaires ou le nombre spécifique d’excursions de croisières vendues, le nombre de passagers, les excursions achetées sur des destinations ou tout autre élément similaire.

54      Toutefois, comme la requérante le fait valoir à juste titre, ces considérations ne sont pas susceptibles d’étayer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les éléments de preuve produits, s’agissant des considérations mentionnés ci-dessus, seraient manifestement insuffisants pour prouver l’importance de l’usage de la marque antérieure.

55      La requérante a en effet fourni d’autres types de preuves, mentionnées au point 27 ci-dessus, qui devaient être considérées globalement afin d’apprécier l’importance de l’usage de la marque antérieure.

56      Partant, il y a lieu de conclure que les considérations figurant aux points 26 à 32 de la décision attaquée ne sont pas de nature à soutenir la conclusion de la chambre de recours, au point 33 de ladite décision, selon laquelle elle a considéré, dans leur ensemble, les différents éléments de preuve produits par la requérante et que ces derniers ne suffisaient pas à prouver que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union au cours de la période pertinente pour les services pour lesquels elle a été enregistrée.

57      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le présent moyen et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments de la requérante et le second moyen.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

59      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 septembre 2022 (affaire R 1081/2021-2) est annulée.

2)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) est condamné aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Dimitrakopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.