Language of document : ECLI:EU:T:2014:1034

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

9 décembre 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des ronds à béton en barres ou en rouleaux – Décision constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) n° 1/2003 – Fixation des prix et des délais de paiement – Limitation ou contrôle de la production ou des ventes – Violation des formes substantielles – Compétence de la Commission – Base juridique – Consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes – Droits de la défense – Définition du marché géographique – Application du principe de la lex mitior – Violation de l’article 65 CA – Amendes – Gravité et durée de l’infraction – Circonstances atténuantes – Proportionnalité – Application de la communication sur la coopération de 1996 »

Dans l’affaire T‑83/10,

Riva Fire SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes M. Merola, M. Pappalardo et T. Ubaldi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. R. Sauer et B. Gencarelli, puis par M. Sauer et Mme R. Striani et enfin par M. Sauer, en qualité d’agents, assistés de Me P. Manzini, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption), telle que modifiée par la décision C (2009) 9912 final de la Commission, du 8 décembre 2009, et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. G. Berardis et A. Popescu, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Dispositions du traité CECA

1        L’article 36 CA prévoyait :

« La Commission, avant de prendre une des sanctions pécuniaires ou de fixer une des astreintes prévues au présent traité, doit mettre l’intéressé en mesure de présenter ses observations.

Les sanctions pécuniaires et les astreintes prononcées en vertu des dispositions du présent traité peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction.

Les requérants peuvent se prévaloir, à l’appui de ce recours, dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 33 du présent traité, de l’irrégularité des décisions et recommandations dont la méconnaissance leur est reprochée. »

2        L’article 47 CA se lisait comme suit :

« La Commission peut recueillir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle peut faire procéder aux vérifications nécessaires.

La Commission est tenue de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient. Sous cette réserve, elle doit publier les données qui sont susceptibles d’être utiles aux gouvernements ou à tous autres intéressés.

La Commission peut prononcer, à l’encontre des entreprises qui se soustrairaient aux obligations résultant pour elles des décisions prises en application des dispositions du présent article ou qui fourniraient sciemment des informations fausses, des amendes, dont le montant maximum sera de 1 % du chiffre d’affaires annuel, et des astreintes, dont le montant maximum sera de 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen par jour de retard.

Toute violation par la Commission du secret professionnel ayant causé un dommage à une entreprise pourra faire l’objet d’une action en indemnité devant la Cour, dans les conditions prévues à l’article 40. »

3        L’article 65 CA disposait :

« 1. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’association d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence et en particulier :

a)      à fixer ou déterminer les prix ;

b)      à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ;

c)      à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement.

[…]

4. Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.

La Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.

5. La Commission peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer, par voie d’arbitrage, dédit, boycott ou tout autre moyen, un accord ou une décision nuls de plein droit ou un accord dont l’approbation a été refusée ou révoquée, ou qui obtiendraient le bénéfice d’une autorisation au moyen d’informations sciemment fausses ou déformées, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique contraires aux dispositions du présent article, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause, en ce qui concerne l’amende, et de 20 % du chiffre d’affaires journalier, en ce qui concerne les astreintes. »

4        Conformément à l’article 97 CA, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002.

 Dispositions du traité CE

5        L’article 305, paragraphe 1, CE énonçait :

« Les dispositions du présent traité ne modifient pas celles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier. »

 Règlement (CE) n° 1/2003

6        Aux termes de l’article 4 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), « [p]our l’application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la Commission dispose des compétences prévues par le présent règlement ».

7        L’article 7 du règlement n° 1/2003, intitulé « Constatation et cessation d’une infraction », prévoit :

« 1. Si la Commission, agissant d’office ou saisie d’une plainte, constate l’existence d’une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou [de l’article] 82 [CE], elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée [...] Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu’une infraction a été commise dans le passé.

[...] »

8        L’article 14 du règlement n° 1/2003 dispose :

« 1. La Commission consulte un comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes avant de prendre une décision en application des articles 7, 8, 9, 10 et 23, de l’article 24, paragraphe 2, et de l’article 29, paragraphe 1.

2. Pour l’examen des cas individuels, le comité consultatif est composé de représentants des autorités de concurrence des États membres. Pour les réunions au cours desquelles sont examinées d’autres questions que les cas individuels, un représentant supplémentaire de l’État membre, compétent en matière de concurrence, peut être désigné. Les représentants désignés peuvent, en cas d’empêchement, être remplacés par d’autres représentants.

3. La consultation peut avoir lieu au cours d’une réunion convoquée et présidée par la Commission, qui se tient au plus tôt quatorze jours après l’envoi de la convocation, accompagnée d’un exposé de l’affaire, d’une indication des pièces les plus importantes et d’un avant-projet de décision. En ce qui concerne les décisions au titre de l’article 8, la réunion peut avoir lieu sept jours après la publication du dispositif d’un projet de décision. Lorsque la Commission envoie l’avis de convocation d’une réunion dans un délai inférieur à ceux qui sont indiqués plus haut, cette réunion peut avoir lieu à la date proposée si aucun État membre ne soulève d’objection. Le comité consultatif émet un avis écrit sur l’avant-projet de décision de la Commission. Il peut émettre un avis même si des membres sont absents et ne sont pas représentés. Sur demande d’un ou de plusieurs membres, les positions exprimées dans l’avis sont motivées.

4. La consultation peut également avoir lieu en suivant une procédure écrite. Toutefois, la Commission organise une réunion si un État membre en fait la demande. En cas de recours à la procédure écrite, la Commission fixe un délai d’au moins quatorze jours aux États membres pour formuler leurs observations et les transmettre à tous les autres États membres. Lorsque les décisions à prendre relèvent de l’article 8, le délai n’est plus de quatorze, mais de sept jours. Lorsque la Commission fixe, pour la procédure écrite, un délai inférieur à ceux qui sont indiqués plus haut, le délai proposé s’applique si aucun État membre ne soulève d’objection.

5. La Commission tient le plus grand compte de l’avis du comité consultatif. Elle informe ce dernier de la façon dont elle a tenu compte de son avis.

6. Si l’avis du comité consultatif est rendu par écrit, il est joint au projet de décision. Si le comité consultatif en recommande la publication, la Commission procède à cette publication en tenant compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

7. À la demande d’une autorité de concurrence d’un État membre, la Commission inscrit à l’ordre du jour du comité consultatif les affaires qui sont traitées par une autorité de concurrence d’un État membre au titre de l’article 81 ou 82 du traité. La Commission peut également procéder à une telle inscription en agissant de sa propre initiative. Dans les deux cas, la Commission informe l’autorité de concurrence concernée.

Une autorité de concurrence d’un État membre peut notamment présenter une demande concernant une affaire dans laquelle la Commission a l’intention d’intenter une procédure ayant l’effet visé à l’article 11, paragraphe 6.

Le comité consultatif ne rend pas d’avis sur les affaires traitées par les autorités de concurrence des États membres. Il peut aussi débattre de questions générales relevant du droit communautaire de la concurrence. »

9        L’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 dispose :

« La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)       elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 [CE] ou [de l’article] 82 [CE …] »

 Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

10      Le 18 juin 2002, la Commission des Communautés européennes a adopté la communication sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA (JO C 152, p. 5, ci-après la « communication du 18 juin 2002 »).

11      Au paragraphe 2 de la communication du 18 juin 2002, il est précisé que l’objet de celle-ci est :

« […]

–        de récapituler, à l’intention des opérateurs économiques et des États membres dans la mesure où ils sont concernés par le traité CECA et son droit dérivé, les modifications les plus importantes du droit matériel et procédural découlant de la transition vers le régime du traité CE […],

–        d’expliquer comment la Commission entend régler les problèmes spécifiques posés par la transition du régime CECA au régime CE dans le domaine des ententes et des abus de position dominante […], du contrôle des concentrations […] et du contrôle des aides d’État. »

12      Le paragraphe 31 de la communication du 18 juin 2002, qui figure dans la subdivision consacrée aux problèmes spécifiques posés par la transition du régime du traité CECA au régime du traité CE, est libellé comme suit :

« Si, dans l’application des règles communautaires de la concurrence à des accords, la Commission constate une infraction dans un domaine relevant du traité CECA, le droit matériel applicable est, quelle que soit la date d’application, celui en vigueur au moment où les faits constitutifs de l’infraction se sont produits. En tout état de cause, sur le plan procédural, le droit applicable après l’expiration du traité CECA sera le droit CE […] »

 Objet du litige

13      La présente affaire a pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2009) 7492 final de la Commission, du 30 septembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton armé, réadoption) (ci-après la « première décision »), telle que modifiée par la décision C (2009) 9912 final de la Commission, du 8 décembre 2009 (ci-après la « décision modificative ») (la première décision, telle qu’elle a été modifiée par la décision modificative, étant ci-après dénommée la « décision attaquée ») et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante.

14      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les sociétés suivantes avaient enfreint l’article 65 CA :

–        Alfa Acciai SpA (ci-après « Alfa ») ;

–        Feralpi Holding SpA (ci-après « Feralpi ») ;

–        Ferriere Nord SpA ;

–        IRO Industrie Riunite Odolesi SpA (ci-après « IRO ») ;

–        Leali SpA et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, en liquidation (ci-après « AFLL ») (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Leali-AFLL ») ;

–        Lucchini SpA et SP SpA, en liquidation (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Lucchini-SP ») ;

–        Riva Fire SpA (ci-après « Riva » ou la « requérante ») ;

–        Valsabbia Investimenti SpA et Ferriera Valsabbia SpA (ces deux sociétés étant ci-après dénommées ensemble « Valsabbia »).

 Antécédents du litige

15      La requérante est une société anonyme dont le siège se trouve à Milan (Italie).

16      D’octobre à décembre 2000, la Commission a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès d’entreprises italiennes productrices de ronds à béton et auprès d’une association d’entreprises sidérurgiques italiennes. Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en vertu de l’article 47 CA (considérant 114 de la première décision).

17      Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert la procédure administrative et formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la « communication des griefs ») (considérant 114 de la première décision). La requérante a présenté des observations écrites sur la communication des griefs. Une audition a été tenue le 13 juin 2002 (considérant 118 de la première décision).

18      Le 12 août 2002, la Commission a formulé des griefs supplémentaires (ci-après la « communication des griefs supplémentaires »), adressés aux destinataires de la communication des griefs. Dans la communication des griefs supplémentaires, fondée sur l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), la Commission expliquait sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA. La requérante a répondu à la communication des griefs supplémentaires le 20 septembre 2002. Une seconde audition en présence des représentants des États membres a eu lieu le 30 septembre 2002 (considérant 119 de la première décision).

19      À l’issue de la procédure, la Commission a adopté la décision C (2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), par laquelle elle a constaté que les entreprises destinataires de celle-ci avaient mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avait pour objet ou pour effet la fixation des prix et qui avait également donné lieu à une limitation ou à un contrôle concertés de la production ou des ventes, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA (considérant 121 de la première décision). La Commission a, dans cette décision, infligé solidairement à la requérante une amende d’un montant de 26,9 millions d’euros.

20      Le 6 février 2003, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Par arrêt du Tribunal du 25 octobre 2007, Riva Acciaio/Commission (T‑45/03, non publié au Recueil), le Tribunal a annulé la décision de 2002. Le Tribunal a relevé que, eu égard notamment au fait que la décision de 2002 ne comportait aucune référence à l’article 3 et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, cette décision était fondée uniquement sur l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA (arrêt Riva Acciaio/Commission, précité, point 74). Dès lors que ces dispositions avaient expiré le 23 juillet 2002, la Commission ne pouvait plus tirer de compétence de celles-ci, éteintes au moment de l’adoption de la décision de 2002, pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction (arrêt Riva Acciaio/Commission, précité, point 96).

21      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé la requérante et les autres entreprises concernées de son intention de réadopter une décision, en modifiant la base juridique par rapport à celle qui avait été choisie pour la décision de 2002. Elle a en outre précisé que, compte tenu de la portée limitée de l’arrêt Riva Acciaio/Commission, point 20 supra, la décision réadoptée serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et dans la communication des griefs supplémentaires. Un délai a été accordé aux entreprises concernées pour présenter leurs observations (considérants 6 et 123 de la première décision).

 Première décision

22      Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté la première décision, laquelle a été notifiée à la requérante par lettre du 2 octobre 2009.

23      Dans la première décision, la Commission a constaté que les restrictions de la concurrence visées dans celle-ci avaient pour origine une entente entre producteurs italiens de ronds à béton et entre ces derniers et leur association, qui avait eu lieu durant la période comprise entre 1989 et 2000 et qui avait eu pour objet ou pour effet de fixer ou de déterminer les prix et de limiter ou de contrôler la production ou les ventes par le biais de l’échange d’un nombre considérable d’informations relatives au marché des ronds à béton en Italie (considérants 7 et 399 de la première décision).

24      S’agissant de l’appréciation juridique des comportements en cause en l’espèce, en premier lieu, la Commission a souligné, aux considérants 353 à 369 de la première décision, que le règlement n° 1/2003 devait être interprété comme lui permettant de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA rationae materiae et rationae temporis. Au considérant 370 de la première décision, elle a indiqué que la première décision avait été adoptée conformément aux règles procédurales du traité CE et du règlement n° 1/2003. Aux considérants 371 à 376 de la première décision, la Commission a par ailleurs rappelé que les principes qui régissent la succession des règles dans le temps pouvaient conduire à l’application de dispositions matérielles qui ne sont plus en vigueur au moment de l’adoption d’un acte par une institution de l’Union européenne, sous réserve de l’application du principe général de la lex mitior, en vertu duquel une personne ne peut être sanctionnée pour un fait qui ne constitue pas un délit au sens de la législation entrée en vigueur postérieurement. Elle a conclu que, en l’espèce, le traité CE n’était pas in concreto plus favorable que le traité CECA et que, par conséquent, le principe de la lex mitior ne pouvait de toute façon pas être valablement invoqué pour contester l’application du traité CECA aux comportements en cause en l’espèce.

25      En deuxième lieu, s’agissant de l’application de l’article 65, paragraphe 1, CA, premièrement, la Commission a relevé que l’entente avait pour objet la fixation des prix en fonction de laquelle avait également été convenue la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes. Selon la Commission, en ce qui concerne la fixation des prix, l’entente s’était essentiellement articulée autour des accords ou pratiques concertées relatifs au prix de base pendant la période allant du 15 avril 1992 au 4 juillet 2000 (et, jusqu’en 1995, autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux délais de paiement) et autour des accords ou pratiques concertées relatifs aux « suppléments » pendant la période allant du 6 décembre 1989 au 1er juin 2000 (considérants 399 et 400 de la première décision).

26      Deuxièmement, s’agissant des effets sur le marché des pratiques restrictives en cause, la Commission a indiqué que, dès lors qu’il était question d’une entente dont l’objectif était d’empêcher, de limiter ou d’altérer le jeu normal de la concurrence, il n’était pas nécessaire de vérifier qu’elle avait produit des effets sur le marché (considérant 512 de la première décision). Elle a toutefois estimé que l’entente avait eu des effets concrets sur le marché (considérants 513 à 518 de la première décision). En particulier, la Commission a conclu que l’entente avait influencé le prix de vente pratiqué par les producteurs de ronds à béton en Italie, même si les mesures prises au sein de l’entente n’avaient pas toujours immédiatement produit les résultats espérés par les entreprises qui y participaient. En outre, selon la Commission, il a pu y avoir des phénomènes aux effets différés. Par ailleurs, les entreprises en cause représentaient environ 21 % du marché italien des ronds à béton en 1989, 60 % en 1995 et environ 83 % en 2000, ce qui indiquerait un effet croissant sur le marché des augmentations de prix concertées. La Commission a enfin souligné que le fait que les initiatives prises en cette matière étaient, dès 1989, communiquées à l’ensemble des producteurs de ronds à béton avait accru l’importance de ces effets également durant les premières années de l’entente (considérant 519 de la première décision).

27      En troisième lieu, la Commission a identifié les destinataires de la première décision. Pour ce qui concerne la requérante, la Commission a indiqué, au considérant 545 de la première décision, que la requérante constituait une entreprise à laquelle étaient imputables, outre les comportements de l’ancienne Riva Acciaio SpA, ceux de Fire Finanziaria SpA, de Riva Prodotti Siderurgici SPA, de Acciaierie e Ferriere di Galtarossa SpA et de Acciaierie del Tanaro SpA.

28      La Commission a, à cet effet, relevé que, premièrement, Riva Fire n’était autre que la nouvelle raison sociale, depuis juillet 2004, de Riva Acciaio, laquelle était à son tour la nouvelle dénomination, depuis le 26 mars 1997, de Fire Finanziaria, qui contrôlait Riva Prodotti Siderurgici ; deuxièmement, Acciaierie del Tanaro avait été acquise par Riva Prodotti Siderurgici en 1997, et Acciaierie e Ferriere di Galtarossa en 1981; troisièmement, de 1989 à l’adoption de la décision attaquée, la famille Riva avait toujours été à la tête de l’ensemble du groupe Riva ; quatrièmement, en ce qui concerne le secteur des ronds à béton, la même personne en avait été le responsable commercial de 1989 au 31 décembre 2000 ; cinquièmement, un membre de la famille Riva ou le responsable commercial pour le secteur des ronds à béton avaient été parmi les personnes habituellement convoquées aux réunions entre producteurs de ronds à béton ; sixièmement, Riva elle-même avait fait référence, en particulier dans la réponse du 3 août 2000 à une demande de renseignements de la Commission, aux sociétés qui faisaient partie de son groupe, le groupe Riva ; et, septièmement, Riva elle-même avait déclaré dans cette réponse que le groupe Riva avait été représenté à des réunions entre entreprises productrices de ronds à béton par son responsable commercial (à partir de 1989) ou un membre de la famille Riva (entre 1989 et 1991 et entre la fin de 1996 et octobre 2000) (considérant 545 de la première décision).

29      La Commission a estimé qu’il convenait d’appliquer à cette situation, d’une part, le principe de droit sur la base duquel, quand l’infraction a été commise par une filiale n’existant plus juridiquement, la responsabilité devait être assumée par la société mère. Par ailleurs, le changement de raison sociale de Fire Finanziaria en Riva Acciaio et, ensuite, en Riva Fire n’avait pas pour effet de dégager Riva Fire de la responsabilité de l’éventuelle conduite anticoncurrentielle des sociétés Riva Acciaio et Fire Finanziaria, qui l’avaient précédée. (considérant 545 de la première décision).

30      La Commission a conclu qu’il découlait des considérations qui précèdent que les sociétés susmentionnées du groupe Riva correspondent aujourd’hui à Riva Fire, en sorte qu’elle était destinataire de la première décision (considérant 545 de la décision attaquée).

31      En quatrième lieu, la Commission a considéré que l’article 65, paragraphe 2, CA et l’article 81, paragraphe 3, CE étaient inapplicables en l’espèce (considérants 567 à 570 de la première décision). Elle a également souligné que les règles en matière de prescription énoncées à l’article 25 du règlement n° 1/2003 ne l’empêchaient pas d’adopter la première décision (considérants 571 à 574 de la première décision).

32      En cinquième lieu, s’agissant du calcul du montant des amendes infligées en l’espèce, la Commission a indiqué que, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, elle pouvait infliger des amendes aux entreprises qui avaient violé les règles de concurrence. Le plafond des amendes prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 étant différent de celui fixé à l’article 65, paragraphe 5, CA, la Commission a indiqué qu’elle appliquerait le plafond le plus bas, conformément au principe de la lex mitior (considérant 576 de la première décision). Elle a également indiqué que, ainsi qu’elle en avait informé les entreprises concernées par lettre du 30 juin 2008, elle avait décidé d’appliquer, en l’espèce, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »). Elle a ajouté que, en l’espèce, toutefois, elle tiendrait compte du fait qu’elle avait déjà décidé du montant des amendes qu’elle comptait infliger aux entreprises en cause lors de l’adoption de la décision de 2002 (considérants 579 et 580 de la première décision).

33      Premièrement, la Commission a considéré qu’une entente ayant pour objet la fixation des prix, mise en œuvre de différentes manières, notamment en ayant recours à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, constituait une infraction très grave au droit de la concurrence de l’Union (considérant 591 de la première décision). La Commission a rejeté les arguments des entreprises en cause selon lesquels la gravité de l’infraction serait atténuée eu égard aux effets concrets limités sur le marché et au contexte économique dans lequel celles-ci auraient évolué (considérants 583 à 596 de la première décision). Selon la Commission, sans préjudice du caractère très grave de l’infraction, elle a tenu compte, lors de la détermination du montant de base de l’amende, des caractéristiques spécifiques de la présente affaire, en l’occurrence le fait qu’elle portait sur un marché national qui était soumis, à l’époque des faits, à une réglementation particulière du traité CECA et sur lequel les entreprises destinataires de la première décision détenaient, dans les premiers temps de l’infraction, des parts limitées (considérant 599 de la première décision).

34      Deuxièmement, la Commission a considéré le poids spécifique de chaque entreprise et a classé celles-ci en fonction de leur importance relative sur le marché en cause. Dès lors que les parts de marché relatives atteintes par les destinataires de la première décision au cours de la dernière année complète de l’infraction (1999) n’avaient pas été considérées par la Commission comme représentatives de la présence effective de ces dernières sur le marché en cause au cours de la période de référence, la Commission a distingué, sur la base des parts de marché moyennes au cours de la période 1990-1999, trois groupes d’entreprises, à savoir, premièrement, Feralpi et Valsabbia, à qui elle a appliqué un montant de départ de l’amende de 5 millions d’euros, deuxièmement, Lucchini-SP, Alfa, Riva et Leali-AFLL, à qui elle a appliqué un montant de départ de l’amende de 3,5 millions d’euros et, troisièmement, IRO et Ferriere Nord, à qui elle a appliqué un montant de départ de 1,75 million d’euros (considérants 599 à 602 de la première décision).

35      Afin d’assurer à l’amende un effet suffisamment dissuasif, la Commission a augmenté le montant de départ de l’amende de Lucchini-SP de 200 % et celui de Riva de 375 % (considérants 604 et 605 de la première décision).

36      Troisièmement, la Commission a estimé que l’entente avait duré du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000. S’agissant de la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a relevé que celle-ci s’étendait du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 (considérant 606 de la première décision).

37      L’infraction ayant duré plus de dix ans et six mois pour l’ensemble des entreprises, à l’exception de Ferriere Nord, le montant de départ de l’amende a été augmenté de 105 % pour toutes les entreprises, à l’exception de Ferriere Nord, dont le montant de départ a été majoré de 70 %. Les montants de base des amendes ont partant été fixés comme suit :

–        Feralpi : 10,25 millions d’euros ;

–        Valsabbia : 10,25 millions d’euros ;

–        Lucchini-SP : 14,35 millions d’euros ;

–        Alfa : 7,175 millions d’euros ;

–        Riva : 26,9 millions d’euros ;

–        Leali-AFLL : 7,175 millions d’euros ;

–        IRO : 3,58 millions d’euros ;

–        Ferriere Nord : 2,97 millions d’euros (considérants 607 et 608 de la première décision).

38      Quatrièmement, pour ce qui concerne les circonstances aggravantes, la Commission a relevé que Ferriere Nord avait déjà été destinataire d’une décision de la Commission, adoptée le 2 août 1989, pour sa participation à une entente portant sur la fixation des prix et la limitation des ventes dans le secteur des treillis soudés et a augmenté de 50 % le montant de base de son amende. Aucune circonstance atténuante n’a été retenue par la Commission (considérants 609 à 623 de la première décision).

39      Cinquièmement, s’agissant de l’application de la communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 »), la Commission a indiqué que Ferriere Nord lui avait fourni des indications utiles qui lui avaient permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’entente avant l’envoi de la communication des griefs, en sorte qu’elle lui avait octroyé une réduction de 20 % du montant de son amende. La Commission a considéré que les autres entreprises en cause n’avaient pas satisfait aux conditions de ladite communication (considérants 633 à 641 de la première décision).

40      Le dispositif de la première décision se lit comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 65, paragraphe 1, [CA] en participant, au cours des périodes indiquées, à un accord continu et/ou à des pratiques concertées concernant les ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avaient pour objet et/ou pour effet la fixation des prix et la limitation et/ou le contrôle de la production ou des ventes sur le marché commun :

–        [Leali-AFLL], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Alfa], du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000 ;

–        [Valsabbia Investimenti et Ferriera Valsabbia], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Feralpi], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [IRO], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Lucchini-SP], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Riva], du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000 ;

–        [Ferriere Nord], du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l’article 1er :

–        [Alfa] : 7,175 millions d’EUR ;

–        [Feralpi] : 10,25 millions d’EUR ;

–        [Ferriere Nord] : 3,57 millions d’EUR ;

–        [IRO] : 3,58 millions d’EUR;

–        [Leali et AFLL], solidairement : 6,093 millions d’EUR ;

–        [Leali] : 1,082 million d’EUR ;

–        [Lucchini et SP], solidairement : 14,35 millions d’EUR ;

–        [Riva] : 26,9 millions d’EUR ;

–        [Valsabbia Investimenti et Ferriera Valsabbia], solidairement : 10,25 millions d’EUR ;

[…] »

 Développements postérieurs à la notification de la première décision

41      Par lettres envoyées entre le 20 et le 23 novembre 2009, huit des onze sociétés destinataires de la première décision, à savoir la requérante, Lucchini, Feralpi, Ferriere Nord, Alfa, Ferriera Valsabbia, Valsabbia Investimenti et IRO, ont indiqué à la Commission que l’annexe de la première décision, telle que notifiée à ses destinataires, ne contenait pas les tableaux illustrant les variations de prix.

42      Le 24 novembre 2009, les services de la Commission ont informé tous les destinataires de la première décision qu’ils feraient le nécessaire pour qu’une décision contenant lesdits tableaux leur soit notifiée. Ils ont également précisé que les délais applicables au paiement de l’amende et à un éventuel recours juridictionnel commenceraient à courir à la date de notification de la « décision complète ».

 Décision modificative

43      Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté la décision modificative, qui intégrait dans son annexe les tableaux manquants et corrigeait les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page.

44      Le dispositif de la décision modificative portait modification des notes en bas de page nos 102, 127, 198, 264, 312, 362, 405 et 448 de la première décision. Les tableaux figurant en annexe de la décision modificative ont été ajoutés comme annexes de la première décision.

 Procédure et conclusions des parties

45      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 février 2010, la requérante a introduit le présent recours.

46      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        au titre de l’instruction :

–        vérifier que, dans le contexte de la procédure d’adoption de la décision attaquée et aux fins de son approbation par le collège des membres de la Commission, l’ensemble des éléments de fait et de droit sur lesquels se fonde la décision lui a été soumis ;

–        ordonner à la Commission de produire tous les documents attestant la convocation régulière du comité consultatif et la transmission aux membres de ce comité de toutes les pièces pertinentes, comme le prévoient l’article 10, paragraphes 3 et 5, du règlement n° 17 et l’article 14, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1/2003 ;

–        à titre principal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité pour autant que l’instruction révèle que, aux fins de son adoption par le collège des membres de la Commission, l’ensemble des éléments de fait et de droit sur lesquels se fonde la décision ne lui ont pas été soumis ;

–        en tout état de cause, annuler l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il déclare que la requérante a participé à un accord continu et/ou à des pratiques concertées concernant les ronds à béton en barres ou en rouleaux, ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation et/ou le contrôle de la production ou des ventes dans le marché commun ;

–        en conséquence, annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qu’il inflige à la requérante une amende de 26,9 millions d’euros ;

–        à titre subsidiaire :

–        réduire le montant de l’amende de 26,9 millions d’euros infligée à la requérante à l’article 2 de la décision attaquée, en procédant à une nouvelle détermination de cette amende ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.

47      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

48      La composition des chambres ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

49      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale dans la présente affaire et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé à la Commission de produire un document, lequel a été rendu par celle-ci.

50      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 avril 2014.

 En droit

51      Au soutien de son recours, la requérante invoque huit moyens. Le premier est tiré de l’absence de compétence de la Commission à la suite de l’expiration du traité CECA et de la violation du règlement n° 1/2003. Le deuxième est tiré de la violation de l’article 10, paragraphes 3 et 5, du règlement n° 17 et de l’article 14, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1/2003. Le troisième est tiré de la violation de l’article 36, premier alinéa, CA. Le quatrième est tiré de la violation des articles 10 et 11 du règlement n° 773/2004 et de la violation des droits de la défense de la requérante. Le cinquième est tiré d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs s’agissant de la définition du marché géographique pertinent et de l’application du principe de la lex mitior. Le sixième est tiré d’une dénaturation des faits et de la violation de l’article 65 CA en ce qui concerne les différents aspects de l’infraction reprochée à la requérante. Le septième est tiré de l’absence d’instruction et d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’imputation à la requérante de l’infraction dans son ensemble et la position spécifique de cette dernière au regard des comportements qui lui sont reprochés. Enfin, le huitième est tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de la violation de la communication sur la coopération de 1996, de la violation des lignes directrices de 1998, d’un détournement de pouvoir, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement lors de la fixation du montant de l’amende. Dans le cadre de remarques introductives, la requérante s’interroge également sur la validité de la procédure d’adoption de la décision attaquée.

 Sur l’adoption par le collège des membres de la Commission d’un projet de décision incomplet

52      La requérante fait valoir qu’un projet de décision dépourvu d’annexes a été soumis au collège des membres de la Commission, ce dernier ayant adopté une décision incomplète et entachée d’un vice, puisque ledit projet ne comportait pas l’ensemble des éléments de fait et de droit qui en constituaient le fondement. La requérante demande donc au Tribunal, à titre préliminaire et de mesure d’instruction, de vérifier que l’instrument juridique utilisé par la Commission pour remédier à l’erreur commise lors de l’adoption de la première décision soit conforme au principe qui exige que le dispositif et les motifs d’une décision, qui constituent un tout indivisible, soient adoptés simultanément par le collège des membres de la Commission.

53      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la première décision ne comportait pas ses annexes, parmi lesquelles figuraient plusieurs tableaux auxquels il était fait référence aux considérants 451 (tableau 13), 513 (tableaux 1 et 3), 515 (tableaux 1 à 3), 516 (tableaux 9, 11, 12 à 14 et 16) et 518 (tableaux 11, 12 et 14) ainsi qu’aux notes en bas de page nos 102 (tableaux 15 à 17), 127 (tableaux 18 à 21), 198 (tableaux 22 et 23), 264 (tableaux 24 et 25), 312 (tableau 26), 362 (tableau 27), 405 (tableau 28), 448 (tableaux 29 et 30) et 563 (ensemble des tableaux annexés à la décision) de la première décision. La Commission affirme à cet égard que les tableaux joints à la décision modificative ne feraient qu’illustrer, sous forme schématique et synthétique, les éléments déjà contenus dans la première décision.

54      En premier lieu, il doit être rappelé que le dispositif et les motifs d’une décision, qui doit être obligatoirement motivée en vertu de l’article 15 CA, constituent un tout indivisible, de sorte qu’il appartient uniquement au collège des membres de la Commission, en vertu du principe de collégialité, d’adopter à la fois l’un et les autres, toute modification des motifs dépassant une adaptation purement orthographique et grammaticale étant du ressort exclusif du collège (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, points 66 à 68, et arrêt du Tribunal du 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T‑93/02, Rec. p. II‑143, point 124).

55      En l’espèce, il y a lieu de considérer que l’absence, en annexe de la première décision, des tableaux mentionnés au point 52 ci-dessus ne saurait entraîner l’illégalité de la décision attaquée que si une telle absence n’avait pas permis au collège de sanctionner la conduite visée à l’article 1er de la décision attaquée en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T‑69/89, Rec. p. II‑485, points 23 à 25 ; du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, Rec. p. II‑2137, point 88 ; du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 742, et du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié au Recueil, points 104 et 105).

56      Premièrement, s’agissant des tableaux 15 à 17 (mentionnés dans la note en bas de page n° 102 de la première décision), il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon cette note en bas de page, la reproduction des « données concernant les modifications des prix des ‘suppléments de dimension’ qui ont caractérisé l’industrie des ronds à béton en Italie entre décembre 1989 et juin 2000 ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien de la première phrase du considérant 126 de la première décision, qui est libellée comme suit :

« Au cours de la première réunion dont la Commission a eu connaissance (celle du 6 décembre 1989, à l’[Association des industriels de Brescia]), les participants ont décidé à l’unanimité d’augmenter, à partir du lundi 11 décembre 1989, les suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton, en barres et en rouleaux, destinés au marché italien (+10 ITL/kg pour les ‘suppléments’ de 14 à 30 mm, + 15 ITL/kg pour ceux de 8 à 12 mm, + 20 ITL/kg pour ceux de 6 mm ; augmentation générale de 5 ITL/kg pour le matériel en rouleaux). »

57      Il y a lieu de constater que la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les augmentations des suppléments liés au diamètre pour les ronds à béton qui avaient été décidées par les participants à la réunion du 6 décembre 1989 ainsi que leur date d’entrée en vigueur. Par ailleurs, s’agissant des augmentations ultérieures qui, selon la note en bas de page n° 102 de la première décision, sont également reprises dans ces tableaux (dès lors qu’ils couvrent la période comprise entre 1989 et 2000), il doit être relevé qu’elles ne font pas l’objet du point 4.1 de la première décision, auquel se rapporte le considérant 126, relatif au comportement des entreprises entre 1989 et 1992. En tout état de cause, ces augmentations sont également mentionnées notamment aux considérants 126 à 128 et 133 (pour les années 1989-1992), 93 et 94 (pour les années 1993-1994), 149 à 151, 162 et 163 (pour 1995), 184 et 185 (pour 1996), 199, 200 et 213 (pour 1997), 269 (pour 1999), et 296 à 304 (pour 2000) ainsi qu’aux considérants 439 et 515 de la première décision.

58      Deuxièmement, en ce qui concerne les tableaux 18 à 21, mentionnés dans la note en bas de page n° 127 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon cette note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents concernant la période fin 1989/fin 1992, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 131 de la première décision, qui énonce ce qui suit :

« En ce qui concerne les prix de base des ronds à béton pratiqués durant la période d’application de l’accord susmentionné, notons que IRO et (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA ont appliqué, à partir du 16 avril 1992, le prix de 210 ITL/kg et, à partir du 1er/6 mai 1992, celui de 225 ITL/kg. À partir du 1er/8 juin 1992, IRO, (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA, Acciaieria di Darfo SpA et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA ont appliqué le prix de 235 ITL/kg. »

59      Il doit dès lors être constaté que, tout en s’appuyant sur cinq pages du dossier administratif, mentionnées dans la note en bas de page n° 126 de la première décision, la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les prix de base qui avaient été fixés par les entreprises qui y étaient mentionnées ainsi que leur date d’entrée en vigueur. En outre, il doit être relevé que la Commission, au considérant 419 de la première décision, a considéré que le premier comportement relatif à la fixation du prix de base avait eu lieu au plus tard le 16 avril 1992. Les éventuelles données figurant dans les tableaux 18 à 21 de la première décision, relatives aux prix de base pour la période comprise, selon la note en bas de page n° 127 de la première décision, entre la « fin de 1989 » et le 16 avril 1992, sont partant sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 131 de la première décision.

60      Troisièmement, s’agissant des tableaux 22 et 23, mentionnés dans la note en bas de page n° 198 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents concernant les années 1993 et 1994, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 145 de la première décision, qui est rédigé comme suit :

« Comme prévu dans la télécopie de la Federacciai du 25 novembre 1994, une nouvelle réunion s’est tenue le 1er décembre 1994 à Brescia, au cours de laquelle ont été prises les décisions précisées dans une autre télécopie de la Federacciai reçue par les entreprises le 5 décembre 1994. Ces décisions avaient pour objet :

–        les prix des ronds à béton (320 ITL/kg, base au départ de Brescia, avec effet immédiat) ;

–        les paiements (à partir du 1er janvier 1995, le délai maximum sera de 60/90 jours fin de mois ; à partir du 1er mars 1995, le délai sera limité à 60 jours) et les rabais ;

–        la production (obligation, pour chacune des entreprises, de communiquer à la Federacciai, avant le 7 décembre 1994, les poids en tonnes de ronds à béton produits en septembre, octobre et novembre 1994).

Alfa Acciai Srl a adopté le nouveau prix de base le 7 décembre 1994. Le 21 décembre 1994, Acciaieria di Darfo SpA l’a également adopté, et Alfa Acciai Srl a confirmé à nouveau le même prix. Le prix de base de [Lucchini-SP] relatif à janvier 1995 était aussi de 320 ITL/kg. »

61      À cet égard, il doit être souligné que les tableaux visés dans la note en bas de page n° 198 de la première décision ont été mentionnés par la Commission au soutien de son affirmation selon laquelle « Alfa Acciai Srl a[vait] adopté le nouveau prix de base le 7 décembre 1994 », « [l]e 21 décembre 1994, Acciaieria di Darfo SpA l’a[vait] également adopté, et Alfa Acciai Srl a[vait] confirmé à nouveau le même prix ». Or, le « nouveau prix de base » et le « même prix » auxquels il était fait référence étaient le prix de 320 lires italiennes par kilo (ITL/kg), mentionné au premier tiret dudit considérant. Les éventuelles données figurant dans les tableaux 22 et 23 de la première décision, relatives aux prix de base pour la période comprise entre 1993 et le 7 décembre 1994, sont dès lors sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 145 de la première décision.

62      Quatrièmement, pour ce qui concerne les tableaux 24 et 25, mentionnés dans la note en bas de page n° 264 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1995, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien du considérant 174 de la première décision, qui est rédigé comme suit :

« Par la suite, dans un document remontant aux premiers jours d’octobre 1995, en possession de la Federacciai (manuscrit de la secrétaire du directeur général faisant fonction), il est affirmé que :

–        la clientèle remettait en discussion les paiements (d’où la nécessité d’une communication qui réaffirme la fermeté sur les paiements) ;

–        depuis la semaine précédente, le prix des ronds à béton avait encore diminué de 5/10 ITL/kg, se situant ainsi autour de 260/270 ITL/kg dans la zone de Brescia, avec des cotations inférieures à 250 ITL/kg en dehors de cette zone ;

–        la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix ;

–        il fallait demander aux entreprises les données relatives aux commandes des semaines 39 (du 25 au 29 septembre 1995) et 40 (du 2 au 6 octobre 1995). »

63      Il doit ainsi être relevé que, au considérant 174 de la première décision, la Commission s’est limitée à rendre compte du contenu d’un document manuscrit de la secrétaire du directeur général faisant fonction, établi en octobre 1995. À cet égard, la Commission ne s’est référée aux tableaux 24 et 25 qu’au soutien de l’affirmation figurant dans ce document, selon laquelle « la situation du marché plutôt confuse rendait difficile la tâche de donner des chiffres précis pour le prix ». Les tableaux 24 et 25 apparaissent dès lors sans pertinence pour la compréhension des griefs de la Commission figurant au considérant 174 de la première décision.

64      Cinquièmement, s’agissant du tableau 26, mentionné dans la note en bas de page n° 312 de la première décision, il y a lieu de constater qu’il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1996, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission à l’appui de l’affirmation figurant au considérant 200 de la première décision, selon laquelle, « [d]urant la période qui va du 22 octobre 1996 au 17 juillet 1997, il y a[vait] eu au moins douze réunions des responsables commerciaux des entreprises, qui [s’étaient] déroulées [… en particulier le] mardi 22 octobre 1996, où a[vait] été confirmé pour le mois de novembre 1996 le prix de 230 ITL/kg base départ Brescia et le maintien de la cotation de 210 ITL/kg exclusivement pour les livraisons d’octobre ».

65      Force est partant de constater que, nonobstant l’absence du tableau 26 de la première décision, la Commission a expressément mentionné, au considérant 200 de celle-ci, les prix de base de la période en cause ainsi que le moment de leur entrée en vigueur.

66      Sixièmement, pour ce qui concerne le tableau 27, mentionné dans la note en bas de page n° 362 de la première décision, il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini Siderurgica, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1997, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 216 de la première décision, lequel est libellé comme suit :

« Quoi qu’il en soit, [Lucchini-SP …], Acciaieria di Darfo SpA, Alfa Acciai Srl, Feralpi Siderurgica Srl, IRO, Riva Prodotti Siderurgici SpA et (l’ancienne) Ferriera Valsabbia SpA sont les sept entreprises auxquelles est destinée une communication (datée du 24 novembre 1997) de M. Pierluigi Leali, ayant pour objet l’‘accord prix-livraisons’ […] ‘Le prix de 270 ITL/kg n’a été demandé que par peu d’entreprises, en vain – continuait la communication –, alors qu’en réalité, la cotation s’est stabilisée à 260 ITL/kg, avec quelques pics inférieurs, comme beaucoup l’ont confirmé lors de la dernière réunion des responsables commerciaux. Nous notons toutefois avec une satisfaction partielle que la chute s’est arrêtée grâce au contingentement des livraisons que nous respectons tous et qui, conformément aux accords, sera vérifié par des inspecteurs externes nommés à cet effet.’ ‘En cette fin de mois – poursuivait encore la communication –, qui se traîne désormais par inertie, il est indispensable d’intervenir par un durcissement immédiat sur la cotation minimum de 260 ITL/kg (qui n’aura certainement pas d’influence sur les acquisitions peu nombreuses de cette période). Avec la planification des livraisons de décembre convenues (- 20 % par rapport à novembre), nous sommes certainement en mesure de maintenir le niveau de prix convenu ; il est toutefois indispensable – concluait M. Pierluigi Leali – que personne n’accepte de dérogations sur le prix minimum établi (260 ITL/kg)’. »

67      Il résulte ainsi du libellé dudit considérant que la Commission s’est limitée à reproduire les termes de la communication du 24 novembre 1997 qui y est mentionnée. Le tableau 27 apparaît dès lors sans pertinence pour la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 216 de la première décision.

68      Septièmement, s’agissant du tableau 28, mentionné dans la note en bas de page n° 405 de la première décision, il y a lieu de constater qu’il comporte, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini/Siderpotenza, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1998, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ce tableau est mentionné par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 241 de la première décision, lequel est libellé comme suit :

« Le 11 septembre 1998, M. Pierluigi Leali a envoyé une communication […] dans laquelle, en référence à l’intention exprimée (au cours d’une rencontre le 9 septembre 1998) de maintenir la cotation minimum à ‘170 ITL base départ’ ???, on notait ‘des comportements anormaux, à savoir de cotations inférieures en moyenne de 5 ITL/kg au niveau établi, et qui étaient encore plus importantes dans certaines zones du Sud’. ‘Pour notre part – écrivait M. Pierluigi Leali – le niveau minimum convenu est maintenu grâce à une réduction en conséquence du flux de commandes’. ‘Nous espérons – concluait la communication – que, lors de la réunion des responsables commerciaux de ce mardi 15, l’on pourra observer une bonne tenue des prix, en mesure de faire remonter éventuellement la cotation’. »

69      Il ressort donc des termes mêmes dudit considérant que la Commission s’est limitée à reproduire le contenu de la communication du 11 septembre 1998 qui y est mentionnée. Le tableau 28 apparaît dès lors sans pertinence pour la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 241 de la première décision.

70      Huitièmement, s’agissant des tableaux 29 et 30, mentionnés dans la note en bas de page n° 448 de la première décision, il y a lieu de constater qu’ils comportent, selon ladite note, la reproduction des « données relatives aux prix de base des barèmes ou communiquées aux agents (et, pour Lucchini/Siderpotenza, également les données relatives à la situation mensuelle) concernant 1999, et dont la Commission [étai]t en possession ». Ces tableaux sont mentionnés par la Commission au soutien de l’affirmation figurant au considérant 276 de la première décision, lequel se lit comme suit :

« Des informations supplémentaires sur la situation du marché des ronds à béton en Italie durant cette période sont contenues dans un document rédigé par Leali le 10 novembre 1999, et en particulier dans la section intitulée ‘Bénéfices et limites de l’accord commercial de 1999’ où l’on peut lire : ‘L’accord de base conclu entre les producteurs nationaux a permis, durant l’année 1999, d’inverser la situation de faiblesse des prix qui avait caractérisé les deux exercices précédents (1997 et 1998) et de récupérer plus de 50 ITL/kg brut de marge. Durant l’année 1998, la marge brute moyenne (prix de vente – coût des matières premières) était de 70 ITL/kg, et pendant 5 mois, elle était descendue sous ce seuil’. ‘L’accord obtenu a permis de stabiliser les prix de vente en cours d’année et les producteurs ont pu bénéficier de la situation des coûts de la matière première, en accroissant la marge brute de plus de 50 ITL/kg, pour la porter à 122 ITL/kg net.’ »

71      Il ressort donc du libellé du considérant 276 de la première décision que la Commission s’est limitée à reproduire le contenu de la communication du 10 novembre 1999 qui y est mentionnée. L’absence des tableaux 29 et 30 est dès lors sans incidence sur la compréhension du grief de la Commission figurant au considérant 276 de la première décision.

72      Neuvièmement, le tableau 13, mentionné au considérant 451 de la première décision, est cité au soutien de l’affirmation selon laquelle, « [e]n ce qui concerne l’année 1997, il convient de constater qu’elle a[vait] été caractérisée, au cours de son premier semestre, par une augmentation constante du prix de base fixé par l’entente anticoncurrentielle : 190 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 30 janvier ; 210 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 14 février ; 250 ITL/kg, fixé lors de la réunion du 10 juillet (considérant 200) » et selon laquelle, « [a]u cours de la même période, le prix de base moyen de marché a[vait], lui aussi, augmenté constamment, passant des 170 ITL/kg de janvier aux 240 ITL/kg de juillet (tableau 13 en annexe) ; en septembre de la même année, le prix de base moyen de marché a[vait] encore augmenté, pour atteindre les 290 ITL/kg (tableau 13 en annexe) ». Il y a dès lors lieu de constater que la Commission a expressément indiqué, audit considérant, les augmentations du prix de base relatives à l’année 1997, en sorte que ledit tableau n’apparaît pas indispensable à la compréhension du raisonnement de la Commission.

73      Dixièmement, il doit être relevé que, au considérant 496 de la première décision (note en bas de page n° 563 de la première décision), la Commission s’est référée, de manière globale, aux « tableaux annexés à la présente décision », aux fins de soutenir l’affirmation selon laquelle « [s]es informations […] montr[ai]ent que toutes les entreprises impliquées dans la présente procédure [avaie]nt publié des barèmes durant la période en cause ». Il y a toutefois lieu de souligner que le considérant 496 de la première décision fait également référence aux considérants 419 à 433 de celle-ci, qui « dressent la liste de toutes les occasions avérées où le prix de base a fait l’objet de discussions entre les entreprises (y compris l’association) ». À cet égard, la Commission a précisé que, « [p]armi ces occasions, certaines [avaie]nt déjà été mentionnées lorsque le concours de volontés a[vait] été évoqué [considérants 473 à 475] », que, « [p]our les autres occasions, entre 1993 et 2000, il [fallait] recourir à la notion de concertation » et que « [l]’objet de cette concertation était d’influer sur le comportement des producteurs sur le marché et de rendre public le comportement que chacun d’entre eux se proposait d’adopter concrètement en matière de détermination du prix de base ». L’ensemble des tableaux annexés à la première décision n’apparaissent donc pas indispensables à la compréhension du grief de la Commission.

74      Onzièmement, pour ce qui concerne les références aux tableaux 1 à 3, 9, 11 à 14 et 16 aux considérants 513, 515, 516 et 518 de la première décision, il doit être souligné que lesdits considérants s’insèrent dans la subdivision de la première décision relative aux effets sur le marché des pratiques restrictives et qu’il résulte de l’analyse de leur contenu que les tableaux qui y sont mentionnés soit ne font que reprendre les données chiffrées qui y sont mentionnées, soit ne sont pas indispensables à la compréhension du raisonnement de la Commission s’agissant des effets de l’entente.

75      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que le collège des membres de la Commission disposait, lors de l’adoption de la décision attaquée, d’une connaissance pleine et entière des éléments sur la base desquels la mesure reposait. Il s’ensuit que le collège des membres de la Commission a sanctionné la conduite visée à l’article 1er de la décision attaquée en pleine connaissance de cause.

76      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le présent moyen, sans qu’il y ait lieu d’ordonner de mesure d’instruction.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de compétence de la Commission à la suite de l’expiration du traité CECA et de la violation du règlement n° 1/2003

77      Dans ses écritures, la requérante a soutenu, à titre liminaire, que la Commission a continué à appliquer l’article 65 CA après l’extinction du traité CECA alors que le rapport institutionnel établi entre les États membres et la Commission, en vertu duquel cette dernière avait été investie de certaines prérogatives, s’était déjà dissout. D’une part, la Commission n’aurait pas pu étendre ses prérogatives de manière autonome sans y être autorisée par une décision des États membres à cet effet. Il aurait ainsi appartenu aux États membres d’édicter les règles transitoires ad hoc afin de régir les conséquences de l’extinction dudit traité dans le domaine des règles de la concurrence, comme ils l’auraient fait dans d’autres domaines régis par le traité CECA. D’autre part, le règlement n° 1/2003 ne contiendrait pas de dispositions attribuant à la Commission la compétence de sanctionner une violation de l’article 65 CA sur la base de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, ce dernier se référant aux seules violations des articles 81 CE et 82 CE.

78      En premier lieu, l’unicité et la continuité de l’ordre juridique communautaire et l’interprétation uniforme des dispositions en matière d’ententes prévues par les traités CECA et CE ne permettraient pas de fonder la compétence de la Commission pour adopter une décision constatant une violation de l’article 65 CA après l’expiration du traité CECA. Le fait que les traités CECA et CE soient considérés comme faisant partie d’un ordre juridique unique signifierait exclusivement que, en vertu du principe de la succession des lois dans le temps, à l’expiration du traité CECA, les situations qui rentraient antérieurement dans les domaines couverts par ce dernier seraient à l’avenir régies par le traité CE. En outre, l’article 1er TUE, les articles 5 CE et 7 CE limiteraient les pouvoirs d’intervention de la Commission aux secteurs régis par le traité CE.

79      En deuxième lieu, une telle compétence ne pourrait se fonder sur le rapport de lex specialis-lex generalis du traité CECA à l’égard du traité CE, qui signifierait uniquement que, au cours de la période pendant laquelle les deux dispositions étaient en vigueur, l’article 65 CA s’appliquait exclusivement aux situations que celui-ci régissait. Aucune autre conséquence ne pourrait découler de l’article 305, paragraphe 1, CE. Le renvoi par la Commission à l’arrêt de la Cour du 24 octobre 1985, Gerlach (239/84, Rec. p. 3507) et à l’arrêt du Tribunal du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission (T‑24/07, Rec. p. II‑2309) serait sans pertinence. Par ailleurs, dans le cas où une lex specialis viendrait à être abrogée, la lex generalis deviendrait immédiatement applicable, pour l’avenir, aux situations qui rentrent dans son champ d’application et qui satisfont aux conditions qu’elle définit. Il conviendrait de tenir compte du principe de l’abolitio criminis, qui ne permet pas de punir un comportement susceptible d’être qualifié d’illégal au moment où il est adopté s’il n’est plus punissable au moment où il devrait être sanctionné. Le mécanisme d’expansion automatique du champ d’application général de la lex generalis ne pourrait opérer qu’en présence d’une continuité substantielle entre les deux types d’infractions, en ce sens qu’elles devraient être au moins susceptibles d’être sanctionnées dans des conditions identiques, ce qui ne serait pas le cas de l’article 65, paragraphe 1, CA et de l’article 81, paragraphe 1, CE. Enfin, la présente affaire différerait des affaires en matière d’aides d’États, telles que celle qui a fait l’objet de l’arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, González y Díez/Commission (T‑25/04, Rec. p. II‑3121), également cité par la Commission au soutien de ses conclusions.

80      En troisième lieu, il n’y aurait pas lieu de considérer que la compétence de la Commission découle d’une interprétation par analogie des règles du traité CE et, en particulier, de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, dès lors qu’une telle interprétation se heurterait au principe selon lequel une norme pénale ne pourrait s’appliquer qu’à la situation concrète envisagée par le contenu de celle-ci.

81      En quatrième lieu, s’agissant de l’application du principe de la lex mitior, la requérante affirme que les éléments avancés par la Commission pour démontrer l’atteinte éventuelle au commerce entre États membres, ainsi que ceux relatifs à la méthode utilisée pour comparer les sanctions prévues par le traité CE et par le traité CECA ne sont pas suffisants et manquent de cohérence. En vertu du principe de la lex mitior, la loi la plus favorable, considérée dans son ensemble, n’aurait pas été l’article 65 CA, mais bien l’article 81 CE, qui prévoit une condition relative à l’affectation des échanges entre États membres. La motivation de la décision attaquée à cet égard serait déficiente. En outre, la thèse avancée par la Commission dans la décision attaquée serait contraire à celle soutenue dans la communication des griefs, qui se référerait exclusivement aux effets de l’entente sur le marché italien. Enfin, la méthode de comparaison entre l’article 65 CA et l’article 81 CE utilisée par la Commission serait également entachée d’un vice.

82      Lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante a renoncé au présent moyen, à l’exception de son argument selon lequel, dans l’application du principe de la lex mitior, la Commission aurait dû prouver l’affectation du commerce entre États membres.

83      Selon la jurisprudence de la Cour, le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère est un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 mai 2005, Berlusconi e.a., C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, Rec. p. I‑3565, points 67 à 69, et du 11 mars 2008, Jager, C‑420/06, Rec. p. I‑1315 point 59), qui est désormais inscrit à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

84      En premier lieu, la requérante affirme que, en vertu du principe de la lex mitior, la loi la plus favorable, considérée dans son ensemble, n’était pas l’article 65 CA, mais l’article 81 CE, qui requiert que soit apportée la preuve que l’entente comporte une incidence au moins potentielle sur les échanges.

85      Un tel argument ne saurait prospérer. Il convient en effet de souligner que la loi la plus clémente est celle qui est, in concreto, la plus favorable à l’entreprise en cause, compte tenu de sa situation, de la nature de l’infraction et des circonstances dans lesquelles elle l’a commise [voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêt Scoppola c. Italie (no 2) du 17 septembre 2009, requête n° 10249/03, point 109 ; voir également l’opinion concordante du juge Pinto de Albuquerque à laquelle s’est ralliée le juge Vučinić, arrêt Maktouf et Damjanović c. Bosnie‑Herzégovine du 18 juillet 2013, requêtes nos 2312/08 et 34179/08].

86      C’est ainsi que la Commission a notamment indiqué, au considérant 372 de la décision attaquée, ce qui suit :

« En l’espèce, l’application de l’article 65 [CA] doit être comparée à celle de l’article 81 CE. S’agissant de concurrence, les règles [du traité] CE et [celles du traité] CECA diffèrent sur trois points qui, en théorie, pourraient donner l’impression que l’application de l’article 81 CE est plus favorable que celle de l’article 65 [CA.] [i) C]ontrairement à l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, l’article 65, paragraphe 1, du traité CECA n’exige pas qu’un accord ou une pratique concertée affecte les échanges entre États membres pour constituer une infraction. En l’espèce, toutefois, l’infraction a bel et bien eu ce type de conséquence (voir les considérants 373 et suivants) [ii) L]’article 65, paragraphe 2, [CA] (concernant les conditions d’exemption) a un champ d’application plus restreint que l’article 81, paragraphe 3, du traité CE en ce sens qu’un accord ou une pratique concertée pourraient, en théorie, être plus facilement autorisés sur la base de cette dernière disposition. Aucune de ces dispositions ne s’applique néanmoins en l’espèce […] [iii) L]’article 65, paragraphe 5, [CA] dispose que les amendes infligées ne peuvent excéder le double du chiffre d’affaires réalisé pour les produits ayant fait l’objet de la pratique concertée. Néanmoins, si, comme en l’espèce, les pratiques restrictives comportent une limitation de la production, l’amende peut être portée à 10 % du chiffre d’affaires annuel réalisé pour les produits relevant du traité CECA par les entreprises en cause. Le droit [du traité] CE (article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003) prévoit en revanche que les amendes peuvent atteindre au maximum 10 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice précédent [...] »

87      En second lieu, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle l’infraction que cette dernière lui impute aurait en tout état de cause été à même d’affecter le commerce entre États membres.

88      Il convient de rappeler, d’une part, que la Cour a jugé que, pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils exercent une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (voir arrêts de la Cour du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, Rec. p. I‑11125, point 34, et du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 36, et la jurisprudence citée).

89      Ainsi, une incidence sur les échanges intracommunautaires résulte en général de la réunion de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants. Pour vérifier si une entente affecte sensiblement le commerce entre États membres, il faut l’examiner dans son contexte économique et juridique (voir arrêts Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 88 supra, point 35, et Erste Group Bank e.a./Commission, point 88 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

90      D’autre part, la Cour a déjà jugé que le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a pour effet, par sa nature même, de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité CE (voir arrêts Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 88 supra, point 37, et Erste Group Bank e.a./Commission, point 88 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

91      La requérante estime, tout d’abord, qu’il est légitime de se demander si, eu égard à l’inexistence d’importations en Italie, la Commission n’aurait pas dû exclure que l’existence de pratiques restrictives en Italie puisse produire des effets négatifs sur la capacité concurrentielle, sur le marché italien, d’opérateurs établis dans d’autres États membres.

92      Il y a lieu de relever que la Commission n’avait pas l’obligation de démontrer que les accords litigieux avaient, en pratique, eu un effet sensible sur les échanges entre États membres ou encore que les échanges interétatiques auraient augmenté après la fin des infractions. En effet, l’article 81, paragraphe 1, CE requiert seulement que les accords et les pratiques concertées restrictifs de la concurrence soient susceptibles d’affecter le commerce entre États membres (arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 88 supra, point 43, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 68).

93      À cet égard, il ressort des considérants 373 à 375 et 385 à 387 de la décision attaquée, qui ne sont pas remis en cause par la requérante, que, premièrement, l’entente en cause a concerné l’ensemble du territoire de la République italienne sur lequel, pendant sa durée, ont été produits entre 29 % et 43 % des ronds à béton produits dans la Communauté européenne ; deuxièmement, l’incidence des exportations (à partir de l’Italie) par rapport aux livraisons totales (livraisons Italie + exportations) a toujours été importante (entre 6 et 34 % pendant la période infractionnelle) ; troisièmement, du fait de la participation, de décembre 1989 à juillet 1998, de l’association d’entreprises Federacciai, les effets de l’entente se sont étendus à tous les producteurs italiens de ronds à béton, et lorsque la Federacciai n’y a plus participé, l’entente a concerné les principales entreprises italiennes possédant une part de marché totale de 80 % ; quatrièmement, au moins deux entreprises importantes parties à l’entente ont été également actives comme producteurs sur au moins un autre marché géographique des ronds à béton ; cinquièmement, l’entente a également été caractérisée par le fait qu’elle avait pour objet, comme mesure équivalente à la réduction temporaire et concertée de la production, l’exportation concertée en dehors du territoire italien ; sixièmement, la part de l’Italie dans les échanges intracommunautaires oscillait entre 32,5 % en 1989 et 18,1 % en 2000, avec un minimum de 13,4 % en 1998. La requérante ne saurait donc invoquer une insuffisance de motivation de la décision attaquée s’agissant de l’affectation des échanges entre États membres.

94      Ensuite, eu égard à ces éléments, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a estimé, au considérant 375 de la décision attaquée, que l’entente était, en raison de ses caractéristiques, susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

95      En outre, au vu de la jurisprudence rappelée au point 92 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la conclusion relative à l’affectation potentielle du commerce entre États membres n’est pas en contradiction avec la référence, au point 302 de la communication des griefs, à la participation de la requérante à un cartel d’importance nationale.

96      Enfin, la requérante conteste la méthode de comparaison utilisée par la Commission. Tandis que cette dernière soulignerait la nécessité d’effectuer une comparaison concrète entre l’article 65, paragraphe 5, CA et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, elle se limiterait à comparer la limite maximale fixée par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 avec la limite de 10 % du chiffre d’affaires réalisé par la vente des produits relevant du traité CECA sur le territoire de la Communauté. Il serait manifeste que ce raisonnement est entaché d’un vice, étant donné que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires réalisé avec les produits relevant du traité CECA sur le territoire de la Communauté serait établi de manière discrétionnaire par la Commission en fonction du cas d’espèce.

97      Un tel argument est manifestement dénué de fondement, dès lors que, ainsi que le relève la Commission [point 62 de la défense], le chiffre d’affaires réalisé par une entreprise avec des produits relevant du traité CECA ne peut en aucun cas excéder le chiffre d’affaires global réalisé avec tous les produits de l’entreprise au niveau mondial.

98      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter ce grief et, partant, le présent moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphes 3 et 5, du règlement n° 17 et de l’article 14, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1/2003

99      La requérante rappelle que l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 17 et l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 prévoient la consultation d’un comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes. La première audition, qui aurait également concerné les questions de fond, se serait déroulée en l’absence des représentants des États membres. Il ne ressortirait toutefois pas clairement des considérants 379 et suivants de la décision attaquée que le comité consultatif ait disposé de tous les renseignements nécessaires aux fins d’une appréciation complète de l’objet et de la gravité de l’infraction reprochée aux destinataires de la décision attaquée. La requérante se demande également si l’absence d’une nouvelle audition au cours de laquelle les entreprises auraient pu exposer leurs arguments sur le fond des griefs aux représentants des États membres peut être jugé conforme à l’article 10, paragraphes 3 et 5, du règlement n° 17 et à l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003. La requérante fait finalement valoir que la décision attaquée ne précise ni la date à laquelle l’avis du comité consultatif a été obtenu, ni la publication éventuelle dudit avis et demande au Tribunal d’ordonner la production des documents attestant de la convocation régulière du comité consultatif et de la transmission à celui-ci de toute la documentation pertinente.

100    À la suite d’une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, par laquelle le Tribunal a demandé à la Commission de produire les documents qui ont été communiqués au comité consultatif, la requérante, lors de l’audience, s’est désistée de la partie de son moyen relative à la communication desdits documents.

101    S’agissant du grief, maintenu par la requérante lors de l’audience, selon lequel le comité consultatif n’aurait pas pu se prononcer sur le fond de l’affaire, il ressort du dossier du Tribunal que le comité consultatif a été régulièrement convoqué et entendu au cours d’une réunion qui s’est tenue le 18 septembre 2009. Il ressort en outre de l’avis dudit comité, qui a été produit par la Commission, que celui-ci a notamment marqué son accord avec la Commission, premièrement, sur l’application de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en tant que base légale, deuxièmement, sur la procédure suivie de réadoption de la décision, troisièmement, sur l’application de l’article 65, paragraphe 1, CA en tant que loi matérielle malgré son expiration, quatrièmement, sur l’évaluation des faits constituant des accords ou des pratiques concertées au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA, cinquièmement, sur l’absence de prescription, sixièmement, sur les montants de base des amendes et, septièmement, sur les montants finals des amendes. Ledit comité a également recommandé la publication de son avis au Journal officiel de l’Union européenne.

102    Eu égard à ces considérations, il y a lieu de rejeter le présent moyen. 

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 36, premier alinéa, CA

103    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 36, premier alinéa, CA en refusant de donner suite à la demande de la requérante de connaître les critères utilisés par la Commission lors de la fixation des amendes devant être infligées aux entreprises concernées.

104    À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner l’infliction d’une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par négligence, elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises à être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre la constatation d’une infraction, mais également contre le fait de se voir infliger une amende. En revanche, la Commission n’est pas obligée, dès lors qu’elle a indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle fonderait son calcul du montant des amendes, de préciser la manière dont elle se servirait de chacun de ces éléments pour la détermination du niveau de l’amende (voir arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Wieland-Werke e.a./Commission, T‑11/05, non publié au Recueil, points 129 et 130, et la jurisprudence citée).

105    Or, la Commission a fait état de tels éléments au point 314 de la communication des griefs. En particulier, la Commission a rappelé que, en fixant le montant de chaque amende, elle devait tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, en particulier de la gravité et de la durée de l’infraction. Elle a ajouté que, dans l’évaluation de la gravité de l’infraction, elle tiendrait compte des faits décrits précédemment et évalués selon le principe qu’un accord ou une pratique concertée comme un cartel de prix et de répartition des marchés constituait une infraction très grave au droit communautaire. En outre, elle a indiqué que, en évaluant la gravité de l’infraction, elle tiendrait compte de sa nature propre, de son impact concret sur le marché, s’il était mesurable, et de l’étendue du marché géographique concerné et que le rôle joué par chacune des entreprises participant à l’infraction serait évalué individuellement. Elle a finalement souligné que, dans la détermination du montant de l’amende à imposer à chaque entreprise, elle tiendrait compte de chaque circonstance aggravante et atténuante et proposerait de fixer les montants des amendes à un niveau de nature à garantir leur caractère suffisamment dissuasif.

106    Il y a dès lors lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des articles 10 et 11 du règlement (CE) n° 773/2004 et de la violation des droits de la défense de la requérante

107    La requérante rappelle que, à la suite de l’annulation de la décision de 2002, la Commission a réadopté cette décision sans envoyer aux entreprises en cause une nouvelle communication des griefs, mais en leur adressant, en dehors de tout cadre procédural et nonobstant les dispositions de son règlement (CE) n° 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en oeuvre par elle en application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la lettre du 30 juin 2008. Ni la présence de dispositions transitoires dans les règlements n°s 1/2003 et 773/2004, ni l’arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375), cité par la Commission au considérant 392 de la décision attaquée, ne sauraient justifier le choix de la Commission de remplacer une communication des griefs supplémentaires par la lettre du 30 juin 2008, dont la nature et la portée ne seraient pas claires. Ce faisant, la Commission n’aurait pas permis à la requérante d’exercer pleinement ses droits de la défense, notamment par la tenue d’une nouvelle audition.

108    Selon la requérante, les erreurs commises par la Commission au cours de la procédure se seraient répercutées de manière déterminante sur l’approche globale retenue par celle-ci et ne seraient pas circonscrites au seul choix de la base juridique. Elles auraient eu des conséquences sur d’autres aspects fondamentaux, tels que l’application du principe de la lex mitior, et donc le calcul du montant de l’amende et la définition du marché géographique pertinent. En outre, lors de la réadoption de la décision de 2002, la Commission ne se serait pas limitée à modifier le préambule, mais aurait modifié plusieurs considérants ainsi que le dispositif de celle-ci.

109    À titre liminaire, il doit être rappelé que l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 énonce ce qui suit :

« Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8 et 23 et à l’article 24, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises visées par la procédure menée par la Commission l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure. »

110    Il ressort par ailleurs d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être observé, même s’il s’agit d’une procédure ayant un caractère administratif. À cet égard, la communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure. Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, points 34 et 36, et la jurisprudence citée, et Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, points 26 à 28).

111    Le respect des droits de la défense exige en effet que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction à son endroit (voir arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 66, et la jurisprudence citée).

112    Il doit également être rappelé que la communication des griefs est un document de caractère procédural et préparatoire qui, en vue d’assurer l’exercice efficace des droits de la défense, circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée par la Commission, empêchant ainsi cette dernière de retenir d’autres griefs dans sa décision mettant fin à la procédure concernée (ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, points 13 et 14, et arrêt de la Cour du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 63).

113    Si la communication des griefs doit permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission, cette exigence est respectée lorsque la décision finale ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que les faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer. Aucune disposition n’interdit à la Commission de communiquer aux parties à une procédure en matière de concurrence, après l’envoi de la communication des griefs, d’autres éléments pertinents pour compléter celle-ci, à partir du moment où ces éléments ne modifient pas les infractions reprochées aux entreprises et où ces dernières ont eu la possibilité de s’exprimer sur tous les éléments qui sont retenus à leur charge (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 29 ; arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 497 ; du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 190 ; du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, Rec. p. II‑4091, point 238, et du 27 juin 2012, Microsoft/Commission, T‑167/08, non encore publié au Recueil, points 182 à 186).

114    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires, la procédure visant à remplacer l’acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue (voir arrêts de la Cour du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C‑415/96, Rec. p. I‑6993, points 31 et 32, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 107 supra, point 73 ; arrêts du Tribunal du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, Rec. p. II‑3939, point 91, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec. p. II‑2631, point 125, et la jurisprudence citée).

115    Premièrement, ainsi qu’il a été indiqué au point 20 ci-dessus, la décision de 2002 a été annulée en raison du fait que l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA avait expiré le 23 juillet 2002 et que la Commission ne pouvait par conséquent plus tirer de compétence desdites dispositions éteintes au moment de l’adoption de ladite décision pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction. Eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 114 ci-dessus, l’exécution de l’arrêt Riva Acciaio/Commission, point 20 supra, imposait à la Commission de reprendre la procédure au point précis où l’illégalité était intervenue, à savoir au moment de l’adoption de la décision de 2002.

116    Le vice entachant la légalité de la décision de 2002 étant intervenu au moment de l’adoption de cette décision (arrêt Riva Acciaio/Commission, point 20 supra, point 96), l’annulation de ladite décision n’a pas affecté la validité des mesures préparatoires de celle-ci, antérieurs au stade où ce vice est intervenu (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 107 supra, point 75, et arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 114 supra, point 126).

117    Deuxièmement, la Cour a déjà jugé que la Commission avait le droit et éventuellement le devoir de procéder, au cours de la procédure administrative, à de nouvelles enquêtes si le déroulement de cette procédure faisait apparaître la nécessité de vérifications complémentaires, mais que la communication aux intéressées d’un complément de griefs n’était nécessaire que dans le cas où le résultat des vérifications amenait la Commission à mettre à la charge des entreprises des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, Farbenfabriken Bayer/Commission, 51/69, Rec. p. 745, point 11, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 111 supra, point 192).

118    Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, d’une part, au moment de l’annulation de la décision de 2002, les actes préparatoires accomplis par la Commission, et notamment la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires, permettaient une analyse exhaustive du comportement des entreprises en cause au regard de l’article 65, paragraphe 1, CA. Ainsi, les conséquences à tirer de l’arrêt d’annulation de la décision de 2002, qui n’a pas abordé le fond du litige, n’affectent en rien les faits et comportements que la Commission reproche à la requérante.

119    D’autre part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, l’obligation de la Commission au stade de la communication des griefs se limite à exposer les griefs avancés et à énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels elle se fonde ainsi que la qualification qui leur est donnée, afin que ses destinataires puissent se défendre utilement. La Commission n’est pas obligée d’exposer les conclusions qu’elle tire des faits, documents et arguments juridiques (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 453, et la jurisprudence citée). En tout état de cause, la Commission avait déjà informé la requérante des conséquences qu’elle tirait de l’expiration du traité CECA dans la communication des griefs supplémentaires et la requérante a eu la possibilité de faire valoir ses observations à ce sujet, ce qu’elle a d’ailleurs fait le 20 septembre 2002.

120    Il doit également être souligné que, selon la jurisprudence, lorsque, à la suite de l’annulation d’une décision en matière de concurrence, la Commission choisit de réparer la ou les illégalités constatées et d’adopter une décision identique qui n’est pas entachée de ces illégalités, cette décision concerne les mêmes griefs, sur lesquels les entreprises se sont déjà prononcées (arrêt du 15 octobre 2002 Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 107 supra, point 98).

121    La requérante ne saurait prétendre que la Commission ne s’est pas limitée à modifier le préambule de la décision attaquée, mais aurait également modifié plusieurs considérants ainsi que le dispositif de celle-ci.

122    Il doit à cet égard être souligné que l’annulation de la décision de 2002 par l’arrêt Riva Acciaio/Commission, point 20 supra, a entraîné la disparition de celle-ci de l’ordre juridique de l’Union. En outre, il convient de rappeler que ce sont la communication des griefs, d’une part, et l’accès au dossier, d’autre part, qui permettent aux entreprises faisant l’objet d’une enquête de prendre connaissance des éléments de preuve dont dispose la Commission et de conférer aux droits de la défense leur pleine effectivité (arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 107 supra, points 315 et 316 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 111 supra, points 66 et 67, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 55), en sorte que les comparaisons opérées par la requérante entre la décision de 2002 et la décision attaquée sont dépourvues de toute pertinence.

123    Enfin, il doit être souligné que, par sa lettre du 30 juin 2008, la Commission s’est limitée à informer les entreprises en cause, à la suite de l’annulation de la décision de 2002 par le Tribunal, de son intention de réadopter cette décision à l’égard de toutes les parties pour lesquelles le Tribunal l’a annulée. Elle a également précisé aux entreprises la base juridique l’autorisant à réadopter la décision ainsi que les dispositions matérielles et procédurales applicables. Elle a finalement explicitement indiqué que, « [é]tant donné la portée limitée de l’arrêt [d’annulation de la décision de 2002] (qui n’aborde pas de questions de fait), la décision réadoptée se basera[it] à nouveau sur les preuves présentées dans la communication des griefs du 26 mars 2002 et dans la communication des griefs supplémentaires du 13 août 2002, tout en tenant compte de l’arrêt du Tribunal pour ce qui concerne la base juridique de la compétence de la Commission ».

124    Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission n’avait pas l’obligation, à la suite de l’annulation de la décision de 2002, de rouvrir la procédure et d’adopter une nouvelle communication des griefs. Dès lors que les entreprises en cause avaient déjà eu la possibilité d’être entendues oralement lors de l’audition du 13 juin 2002, consécutive à la communication des griefs, et lors de l’audition du 30 septembre 2002, qui a fait suite à la communication des griefs supplémentaires, la Commission n’avait pas l’obligation d’organiser une nouvelle audition.

125    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs s’agissant de la définition du marché géographique pertinent et de l’application du principe de la lex mitior

126    La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs dans les passages dans lesquels, d’une part, la Commission limite au territoire de la République italienne le marché géographique de référence et, d’autre part, cette dernière soutient que la prétendue entente est susceptible d’avoir une incidence sur les échanges entre États membres aux fins de l’application du principe de la lex mitior. En effet, la Commission définirait le marché national en tant que marché géographique de référence en se fondant sur la constatation selon laquelle les flux de produits ne provenant pas d’Italie seraient limités. Toutefois, elle estimerait également qu’il convient d’appliquer au cas d’espèce la jurisprudence selon laquelle, en présence d’une entente tendant à fausser de manière sensible la concurrence, la définition du marché géographique serait inopérante.

127    Tout d’abord, la procédure aurait mis en évidence que le niveau des prix des ronds à béton en Italie était inférieur en moyenne aux prix pratiqués à l’étranger, et que l’absence d’intérêt économique à vendre en Italie était imputable aux faibles marges bénéficiaires, ce qui contredirait clairement l’affirmation selon laquelle l’entente a faussé de manière sensible la concurrence. Ensuite, il y aurait une contradiction manifeste entre la motivation adoptée par la Commission pour limiter le marché géographique de référence au marché national et le raisonnement suivi par celle-ci pour prouver l’affectation du commerce entre États membres. La jurisprudence invoquée par la Commission à cet égard serait sans pertinence. Enfin, le raisonnement suivi par la Commission ne serait pas cohérent en ce qui concerne la dimension nationale du marché géographique pertinent, dès lors que les facteurs retenus pour constater une incidence sur les échanges entre États membres se concilieraient mal avec les constatations opérées dans le cadre de la définition du marché géographique pertinent.

128    Il y a lieu de relever que, aux considérants 47 à 60 de la décision attaquée, la Commission a défini le marché géographique en cause des ronds à béton crantés en barres ou en rouleaux comme étant le territoire de la République italienne. Aux fins de la définition du marché géographique, la Commission s’est référée au fait que le produit provenant d’autres zones géographiques a représenté, sur la base des données d’Eurostat (office statistique de l’Union européenne), entre 0 et 6 % du total des ventes réalisées sur le territoire italien, en sorte que les flux du produit vers l’Italie ont été très limités au cours de la période en cause. Elle s’est également référée au manque structurel d’intérêt économique pour les entreprises des autres États membres à vendre des ronds à béton en Italie (considérants 47 à 50 de la décision attaquée). Elle a également rappelé, au considérant 48 de la décision attaquée, que, dans le cadre de l’application de l’article 65 CA tout comme de l’article 81 CE, il convenait de définir le marché géographique afin de déterminer si l’entente tendait, directement ou non, à empêcher, à limiter ou à altérer le jeu normal de la concurrence à l’intérieur du marché commun, en sorte que, dans le cas où une entente tendait à fausser de manière sensible la concurrence, la définition du marché géographique ne revêtait pas une importance décisive.

129    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, une telle motivation n’est pas contradictoire, en ce sens que la Commission a, sur la base des données en sa possession, délimité le marché géographique en cause, pour ensuite préciser que, compte tenu de certains éléments de fait et de la jurisprudence du Tribunal, la définition du marché ne revêtait pas d’importance décisive.

130    Une telle motivation n’est pas non plus en contradiction avec les constatations opérées par la Commission dans le cadre de l’application du principe de la lex mitior. En particulier, le fait que l’entente a affecté le commerce entre États membres n’est pas en contradiction avec la définition du marché géographique pertinent comme étant le territoire italien. À cet égard, d’une part, la définition du marché géographique permet d’identifier le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre les entreprises et de déterminer s’il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement des entreprises en cause ou de les empêcher d’agir indépendamment des pressions qu’exerce une concurrence effective (paragraphe 2 de la communication sur la définition du marché). D’autre part, selon une jurisprudence constante, rappelée au considérant 374 de la première décision, pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils exercent une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante (voir arrêt Asnef-Equifax et Administración del Estado, point 88 supra, point 34, et la jurisprudence citée ; arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 88 supra, point 36) (voir également point 88 ci-dessus).

131    Or, ainsi que la Commission l’a indiqué aux considérants 373 à 375 de la première décision, premièrement, l’entente en cause a concerné l’ensemble du territoire italien sur lequel, pendant sa durée, ont été produits entre 29 et 43 % des ronds à béton produits dans la Communauté, deuxièmement, l’incidence des exportations (à partir de l’Italie) par rapport aux livraisons totales (livraisons Italie et exportations) a toujours été importante (entre 6 et 34 % pendant la période infractionnelle), troisièmement, au moins deux entreprises importantes, parties à l’entente, ont été également actives comme producteurs sur au moins un autre marché géographique des ronds à béton, quatrièmement, l’entente a également été caractérisée par le fait qu’elle avait pour objet, comme mesure équivalente à la réduction temporaire et concertée de la production, l’exportation concertée en dehors du territoire italien, et, cinquièmement, la part de l’Italie dans les échanges intracommunautaires oscillait entre 32,5 % en 1989 et 18,1 % en 2000, avec un minimum de 13,4 % en 1998.

132    Eu égard aux considérations déjà exposées aux points 88 à 97 ci-dessus, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la Commission a estimé, au considérant 375 de la décision attaquée, que l’entente était, en raison de ses caractéristiques, susceptible d’affecter le commerce entre États membres, et que la conclusion relative à l’affectation potentielle du commerce entre États membres n’était pas en contradiction avec la référence, au point 302 de la communication des griefs, à la participation de la requérante à un cartel d’importance nationale.

133    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une dénaturation des faits et de la violation de l’article 65 CA en ce qui concerne les différents aspects de l’infraction reprochée à la requérante

134    Dans le cadre de son sixième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’erreurs d’appréciation des faits, qui se traduisent par une violation de l’article 65 CA. Certaines de ces erreurs affecteraient l’ensemble des entreprises concernées, tandis que d’autres affecteraient Riva en particulier. La requérante conteste également, d’une part, la qualification juridique de certains faits établis dans la décision attaquée et, d’autre part, la valeur probante de certains éléments de preuve utilisés par la Commission pour établir l’infraction, en sorte qu’il convient de rappeler certaines considérations liminaires à cet égard.

 Sur les notions d’accords et de pratiques concertées

135    Il doit être rappelé que l’article 65 CA interdit notamment tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence et en particulier à fixer ou à déterminer les prix, à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ou à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement (voir point 3 ci-dessus).

136    La notion d’accord au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA résulte de l’expression, par les entreprises participantes, de la volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (voir, s’agissant de l’article 81, paragraphe 1, CE, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 130 ; voir, s’agissant de l’article 65, paragraphe 1, CA, arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 262 (voir également considérant 403 de la décision attaquée).

137    Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 491 et 492 de la décision attaquée, la notion de pratique concertée au sens de cette même disposition vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 26 ; du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 63 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 136 supra, point 115, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158 ; arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 136 supra, point 266).

138    La Cour a ajouté que les critères de coordination et de coopération devaient être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (arrêts de la Cour Suiker Unie e.a./Commission, point 137 supra, point 173 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 137 supra, point 63 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 136 supra, point 116, et du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 106).

139    Selon cette jurisprudence, si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de, tenir soi-même sur le marché, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 137 supra, point 174 ; Commission/Anic Partecipazioni, point 136 supra, point 117 ; Hüls/Commission, point 137 supra, point 160, et Corus UK/Commission, point 138 supra, point 107).

140    Il y a, en outre, lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en est d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 136 supra, point 121 ; voir également, en ce sens, arrêt Hüls/Commission, point 137 supra, point 162).

141    Par ailleurs, il convient de rappeler que la comparaison entre la notion d’accord et celle de pratique concertée fait apparaître que, du point de vue subjectif, elles appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 136 supra, point 131).

 Sur les principes relatifs à la charge de la preuve

142    Il ressort de l’article 2 du règlement n° 1/2003 ainsi que d’une jurisprudence constante que, dans le domaine du droit de la concurrence, en cas de litige sur l’existence d’une infraction, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58 ; du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 62, et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, non encore publié au Recueil, point 71 ; arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 688).

143    À cet effet, elle doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a eu lieu (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 137 supra, point 127 ; du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T‑185/96, T‑189/96 et T‑190/96, Rec. p. II‑93, point 47, et du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, T‑141/08, Rec. p. II‑5761, point 48).

144    Dans ce contexte, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 119 supra, point 177 ; du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, point 60, et du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, point 143 supra, point 51).

145    En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, qui est aujourd’hui énoncé à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux et qui s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (arrêts de la Cour Hüls/Commission, point 137 supra, points 149 et 150 ; du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 175 et 176, et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, point 142 supra, points 72 et 73 ; arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 119 supra, point 178).

146    Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre aux critères visés au point 142 ci-dessus par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 107 supra, points 513 à 523, et arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 144 supra, point 63, et la jurisprudence citée).

147    Compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 111 supra, points 55 à 57, et arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 144 supra, points 64 et 65).

148    Certes, lorsque la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction, il suffit à ces dernières de démontrer l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une violation des règles de concurrence de l’Union (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 119 supra, point 186, et la jurisprudence citée). Ainsi, si la Commission constate une infraction aux règles de la concurrence en se fondant sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction. En effet, dans un tel cas, il ne saurait être considéré que la Commission a apporté la preuve de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, point 143 supra, point 16 ; Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 137 supra, points 126 et 127, et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, point 142 supra, point 74).

149    Toutefois, lorsque la Commission se fonde, dans le cadre de l’établissement d’une infraction au droit de la concurrence, sur des éléments de preuve documentaires, il incombe aux entreprises concernées non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêts du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, points 725 à 728 ; JFE Engineering e.a./Commission, point 119 supra, point 187, et du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, point 143 supra, point 55).

150    En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 65 CA, il convient d’observer que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72). En particulier, aucune disposition, ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 65 CA, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 119 supra, point 192).

151    Enfin, s’agissant de la valeur probante qu’il convient d’accorder aux différents éléments de preuve, il convient de souligner que le seul critère pertinent pour apprécier les preuves librement produites réside dans leur crédibilité (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 84, et la jurisprudence citée ; arrêts Dalmine/Commission, point 150 supra, point 72, et JFE Engineering e.a./Commission, point 119 supra, point 273). Selon les règles généralement applicables en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 55 supra, point 1053). Il convient, notamment, d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, Rec. p. II‑707, point 312, et du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 181) ou par un témoin direct de ces faits. En outre, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 119 supra, points 207, 211 et 212).

 Sur la fixation du prix de base

152    La requérante rappelle, en premier lieu, que la Commission, au considérant 407 de la décision attaquée, a estimé qu’elle n’était pas tenue de qualifier chaque comportement d’accord ou de pratique concertée. Toutefois, en l’espèce, la partie de l’entente relative au prix de base n’aurait pris la forme d’un accord qu’initialement, alors qu’elle se serait concrétisée ultérieurement par des comportements susceptibles, en théorie, d’être qualifiés de pratiques concertées, ce qui aurait dû conduire à un « déclassement du grief ». La Commission n’aurait formulé, dans la décision attaquée, aucune réponse aux arguments invoqués par la requérante à cet égard dans sa réponse à la communication des griefs.

153    Un tel argument ne saurait être retenu. Ainsi que la Commission l’a souligné au considérant 496 de la décision attaquée, les considérants 419 à 433 dressent la liste de toutes les occasions où le prix de base a fait l’objet de discussions entre les entreprises, qui peuvent être qualifiées soit d’accords, soit de pratiques concertées. Comme indiqué aux considérants 473 à 475 de la décision attaquée, parmi ces occasions, la Commission a notamment relevé que l’accord exprimé par les participants aux réunions était documenté au moins pour ce qui concerne les réunions des 13 septembre et 25 novembre 1994, des 13 juin, 4 juillet et 29 août 1995, des 13 février et 22 octobre 1996, des 10 juillet, 10 octobre, 23 octobre et 17 novembre 1997, des 1er, 8, 16 et 22 février, 20 et 28 mars, 4, 11 et 26 avril, 23 et 30 mai, et 4 juillet 2000 (considérants 142, 145, 153, 160, 168, 183, 200, 212 à 214, 283, 284, 286, 287, 290 à 293, 295, 299, 300 et 305 de la décision attaquée). Elle a estimé que cet accord se retrouvait également dans les réunions pour lesquelles la Federacciai a rapporté qu’un prix déterminé avait « émergé », ce qui s’était vérifié par exemple durant les réunions des 1er avril 1993, 2 avril 1996, 16 octobre 1997 et 25 janvier 2000 (considérants 137, 191, 210 et 282 de la décision attaquée) ou dans lesquelles le prix avait été « indiqué », par exemple les 7 février 1994, 30 janvier, 14 février et 16 octobre 1997 et 10 mars 2000 (considérants 138, 200, 210 et 289 de la décision attaquée). La Commission s’est également référée aux cas pour lesquels elle disposait de projets ou de propositions d’accords à propos desquels des éléments concrets prouvaient qu’ils étaient entrés en vigueur ou que les entreprises les avaient approuvés après discussion, comme l’accord d’avril à mai 1992 (considérants 129 à 132 de la décision attaquée). Pour les autres occasions, entre 1993 et 2000, il faut recourir à la notion de concertation, dont l’objet était d’influer sur le comportement des producteurs sur le marché et de rendre public le comportement que chacun d’entre eux se proposait d’adopter concrètement en matière de détermination du prix de base (considérant 496 de la décision attaquée).

154    En tout état de cause, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cadre d’une infraction complexe, qui a impliqué pendant plusieurs années plusieurs producteurs poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, on ne saurait exiger de la Commission qu’elle qualifie précisément l’infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné, d’accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à l’article 65 CA (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 696, et du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, non encore publié au Recueil, point 133).

155    La Commission est ainsi en droit de qualifier une telle infraction complexe d’accord « et/ou » de pratique concertée, dans la mesure où cette infraction comporte des éléments devant être qualifiés d’« accord » et des éléments devant être qualifiés de « pratique concertée » (arrêts du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 113 supra, point 697, et GDF Suez/Commission, point 154 supra, point 134).

156    En deuxième lieu, la requérante affirme que, pour ce qui concerne l’accord de 1992, la Commission est en possession d’un document découvert au siège de la Federacciai, qui ne pourrait être utilisé comme élément de preuve, puisqu’il s’agirait d’un simple projet de contrat, dont on ignorerait qui en est l’auteur, s’il est entré en vigueur et si les entreprises en cause en ont eu connaissance. Le protocole d’adhésion, sur lequel se fonderait la Commission pour établir l’entrée en vigueur de l’accord, ne serait pas probant, puisque rien ne permettrait d’en connaître la provenance ou d’en vérifier l’entrée en vigueur effective. En outre, il manquerait dans le document découvert au siège de la Federacciai des éléments démontrant que l’accord de 1992 a été respecté. La requérante aurait produit un échantillon de factures démontrant qu’elle n’avait pas donné suite au projet d’accord et avait pratiqué des prix constamment inférieurs à ceux indiqués dans le projet d’accord. La requérante ajoute qu’elle a joint au présent recours un échantillon de factures plus important et qu’elle est disposée à transmettre une copie de l’ensemble de ses factures au Tribunal. La jurisprudence invoquée par la Commission au considérant 486 de la décision attaquée serait dépourvue de pertinence, puisque le document dont dispose la Commission n’établirait pas l’existence d’un accord.

157    Il y a lieu de relever, premièrement, que, aux fins de démontrer l’existence d’une entente sur les prix de base et les délais de paiement, la Commission s’est fondée, au considérant 129 de la décision attaquée, sur l’entrée en vigueur, à une date comprise entre le 13 avril 1992 et le 31 mai 1992, d’un accord valable jusqu’au 30 juillet 1992 et renouvelable trimestriellement par les parties. Ainsi qu’il ressort des termes de ce projet d’accord, celui-ci devait être conclu par 19 entreprises productrices de ronds à béton, parmi lesquelles la requérante, et avait pour principal objectif d’obliger les parties à respecter des prix minimaux de vente des ronds à béton sur le marché italien, cités dans l’accord (au cours d’une première phase, 210 ITL/kg, puis 225 ITL/kg et, pour le mois de juin 1992, 235 ITL/kg). Eu égard notamment au contexte décrit aux considérants 124 à 134 de la décision attaquée, l’argument de la requérante selon lequel il s’agirait d’un simple projet de contrat, dont on ignorerait l’auteur ou l’origine, est dépourvu de pertinence. En effet, l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 111 supra, point 55).

158    Il doit être considéré, à l’instar de la Commission (considérant 130 de la décision attaquée), que cet accord est effectivement entré en vigueur, dès lors qu’il ressort du protocole d’adhésion que huit entreprises qui n’y étaient pas parties ont souhaité adhérer, à partir du 1er juin 1992, « à l’esprit et aux conditions de l’accord existant » entre certains producteurs de ronds à béton pour toute la période de validité de cet accord, ce qui démontre à suffisance de droit que l’accord précité était en vigueur au 31 mai 1992, à savoir à la date précédant immédiatement celle à partir de laquelle les huit entreprises supplémentaires déjà citées avaient souhaité y adhérer (voir également considérant 478 de la décision attaquée). Les arguments de la requérante selon lesquels rien ne permettrait d’identifier son auteur ou de vérifier l’entrée en vigueur effective du protocole d’adhésion sont dépourvus de pertinence à cet égard. La requérante ne saurait dès lors soutenir que l’existence dudit projet d’accord ne suffit pas pour démontrer l’existence d’une volonté commune effective des parties.

159    Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’elle n’a jamais donné suite au projet d’accord précité. Force est toutefois de constater que le nom de la requérante figure dans ce projet d’accord. Or, il ressort de la jurisprudence du Tribunal, rappelée au considérant 481 de la décision attaquée, que le fait qu’une entreprise ne se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel n’est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente, dès lors qu’elle ne s’est pas distanciée publiquement du contenu des réunions. À supposer même que le comportement sur le marché de la requérante et des autres producteurs, qui auraient annoncé des objectifs de prix différents, n’aurait pas été conforme au comportement convenu, cela n’affecterait en rien leur responsabilité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Sarrió/Commission, T‑334/94, Rec. p. II‑1439, point 118, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, points 43 et 49), dès lors qu’elles ont simplement pu tenter d’utiliser l’entente à leur profit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 74, et la jurisprudence citée). La prétendue absence de modification de ses barèmes au cours de la période durant laquelle l’accord d’avril à mai 1992 a été appliqué, qui résulterait des factures produites par la requérante, n’est pas de nature à démontrer l’absence de responsabilité de sa part à cet égard.

160    En troisième lieu, entre le second semestre de 1992 et l’année 2000, l’entente sur les prix de base aurait pu, tout au plus, revêtir la forme d’une pratique concertée qui, au travers d’un échange d’informations réputées sensibles, se serait concrétisée par un alignement artificiel des prix. Or, aucune initiative en matière de prix de base ne permettrait à la Commission de prouver que Riva s’est alignée sur les prix communiqués par la Federacciai. Au contraire, si l’on considère chaque initiative individuelle prise en matière de prix, seul un nombre limité d’entreprises se seraient alignées sur le prix fixé. En l’absence d’un tel alignement de Riva et d’autres participants à l’entente, c’est à tort que la Commission aurait attribué à la requérante la participation à l’entente sur la fixation des prix.

161    Il convient de relever que la requérante ne conteste pas, d’une part, les constatations de la Commission selon lesquelles elle disposait de preuves documentaires de l’existence de l’accord d’avril à mai 1992 (considérants 129 à 132 de la décision attaquée), des réunions des 13 septembre et 25 novembre 1994, des 13 juin, 4 juillet et 29 août 1995, des 13 février et 22 octobre 1996, des 10 juillet, 10 octobre, 23 octobre et 17 novembre 1997, des 1er, 8, 16 et 22 février, 20 et 28 mars, 4, 11 et 26 avril, 23 et 30 mai, et 4 juillet 2000 (considérants 142, 145, 153, 160, 168, 183, 200, 212 à 214, 283, 284, 286, 287, 290 à 293, 295, 299, 300 et 305 de la décision attaquée), des réunions pour lesquelles la Federacciai a rapporté qu’un prix déterminé avait « émergé », ce qui s’était vérifié, par exemple, durant les réunions des 1er avril 1993, 2 avril 1996, 16 octobre 1997 et 25 janvier 2000 (considérants 137, 191, 210 et 282 de la décision attaquée) ou dans lesquelles le prix avait été « indiqué », par exemple les 7 février 1994, 30 janvier, 14 février et 16 octobre 1997 et 10 mars 2000 (considérants 138, 200, 210 et 289 de la décision attaquée) (voir également point 153 ci-dessus).

162    D’autre part, elle ne conteste pas non plus que plusieurs entreprises se sont alignées sur les prix qui ont été communiqués aux producteurs de ronds à béton par la Federacciai, mais se limite à affirmer qu’elle ne s’est pas alignée sur ces prix, à l’instar d’autres producteurs.

163    Par ailleurs, il découle du texte même de l’article 65 CA que sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’association d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence. Si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n’implique pas nécessairement que ce comportement produise l’effet concret de restreindre, d’empêcher ou de fausser la concurrence (voir également les points 137 à 141 ci-dessus). Il suffit de constater, le cas échéant, que chaque entreprise a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues lors de ses contacts avec ses concurrents. Il n’est à cet égard pas nécessaire que la Commission démontre que les échanges d’informations en cause ont abouti à un résultat spécifique ou à une mise à exécution sur le marché concerné (arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 136 supra, points 269 à 271).

164    Il s’ensuit que la Commission n’avait pas l’obligation de démontrer que Riva s’était alignée sur les prix communiqués par la Federacciai.

165    En tout état de cause, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en est d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 136 supra, point 121 ; voir également, en ce sens, arrêt Hüls/Commission, point 137 supra, point 162, et la jurisprudence citée).

166    À cet égard, les factures produites par la requérante ne sauraient constituer la preuve du fait qu’elle n’a pas tenu compte des informations échangées avec les autres opérateurs dès lors que, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 494 de la décision attaquée, sur la base d’échantillons, il n’est pas possible de vérifier si le prix moyen pratiqué correspond au prix de barème ou diverge de celui-ci, puisqu’il n’est pas possible de déterminer, par exemple, quelles factures correspondent à des clients normaux ou privilégiés. Ainsi, il peut seulement être affirmé que, pour les transactions documentées, les prix étaient différents, mais cela ne démontre en rien que les prix pratiqués pour l’ensemble des transactions réalisées durant les jours ou les périodes suivant les augmentations aient été différents de ceux des barèmes.

167    En quatrième lieu, la requérante affirme que le cas d’espèce concerne un échange d’informations sans le moindre objectif anticoncurrentiel, puisque les données échangées n’auraient pas été sensibles eu égard à l’obligation de communication et de publication des prix en vertu de l’article 60 CA et que l’échange d’informations n’aurait pas éliminé l’incertitude liée aux comportements sur le marché, étant donné que les prix appliqués en réalité différaient systématiquement des prix communiqués. En l’espèce, Riva aurait démontré qu’elle avait adopté de manière systématique un comportement totalement indépendant de ses concurrents. À cet égard, la publication de barèmes prétendument uniformes serait dénuée de pertinence aux fins de constater un certain comportement sur le marché, contrairement à l’application, qui doit être démontrée, de prix et de conditions de vente identiques, propres à éliminer toute possibilité de choix pour les clients. En tout état de cause, les barèmes publiés n’auraient pas été uniformes.

168    Il convient, tout d’abord, de rejeter l’argument de la requérante selon lequel Riva a adopté de manière systématique un comportement totalement indépendant de ses concurrents, pour les motifs figurant aux points 163 et 164 ci-dessus.

169    Ensuite, la requérante ne saurait prétendre que les données échangées n’étaient pas « sensibles », certaines télécopies mentionnant des dates (ultérieures) précises pour les augmentations qui y étaient mentionnées. À cet égard, la requérante ne pouvait nourrir aucun doute raisonnable sur le caractère illicite de son comportement, certaines communications de celle-ci portant la mention « À détruire après lecture » (voir, par exemple, le considérant 160 de la décision attaquée).

170    Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la publicité obligatoire des prix prévue par l’article 60, paragraphe 2, CA, avait pour but, tout d’abord, d’empêcher autant que possible les pratiques interdites, ensuite, de permettre aux acheteurs de se renseigner exactement sur les prix et de participer également au contrôle des discriminations et, enfin, de permettre aux entreprises de connaître exactement les prix de leurs concurrents, pour leur donner la possibilité de s’aligner (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 136 supra, point 308, et la jurisprudence citée).

171    Il est également de jurisprudence constante que les prix qui figurent dans les barèmes doivent être fixés par chaque entreprise de façon indépendante, sans accord, même tacite, entre elles. En particulier, le fait que les dispositions de l’article 60 CA ont tendance à restreindre la concurrence n’empêche pas l’application de l’interdiction des ententes prévue par l’article 65, paragraphe 1, CA. Par ailleurs, l’article 60 CA ne prévoit aucun contact entre les entreprises, préalable à la publication des barèmes, aux fins d’une information mutuelle sur leurs prix futurs. Or, dans la mesure où de tels contacts empêchent que ces mêmes barèmes soient fixés de façon indépendante, ils sont susceptibles de fausser le jeu normal de la concurrence, au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA (voir arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 136 supra, points 312 et 313, et la jurisprudence citée).

172    En cinquième lieu, la requérante soutient que l’argumentation précitée s’applique mutatis mutandis à la concertation sur les délais de paiement. Ainsi, si l’on exclut l’accord de 1992, la fixation des délais de paiement pourrait, en théorie, constituer un cas de pratique concertée, pour autant que toutes les conditions en soient réunies. Or, Riva aurait démontré qu’elle avait appliqué des conditions de paiement qui variaient à chaque fois et qui ne coïncidaient pas de manière systématique avec les données fournies par la Federacciai.

173    Force est toutefois de constater que la requérante n’avance aucun argument spécifique à l’entente sur la fixation des délais de paiement, en sorte que son grief doit être rejeté pour les motifs exposés aux points 152 à 171 ci-dessus.

174    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les griefs de la requérante visant à contester l’existence d’une entente sur le prix de base doivent être rejetés.

 Sur la fixation des prix des suppléments de dimension

175    La requérante rappelle qu’elle a toujours admis que l’alignement des prix était réel pour les suppléments de dimension. Toutefois, lors de l’appréciation de la portée anticoncurrentielle effective des comportements constatés, la Commission aurait dû prendre en compte les caractéristiques du supplément de dimension. Premièrement, le supplément de dimension serait déterminé sur la base de coûts fixes. Ainsi, à dimensions et qualité égales, les coûts déterminant la valeur du supplément seraient, en substance, uniformes pour tous les producteurs. Ce serait donc le prix de base qui constituerait l’élément du prix final permettant de différencier les entreprises selon leur force concurrentielle. La Commission aurait commis une erreur en considérant qu’une pratique concertée portant sur les suppléments poursuivait un objectif anticoncurrentiel autonome et distinct de celui d’une entente sur le prix de base. Deuxièmement, les causes de la concertation entre les producteurs seraient à chercher, d’une part, dans la réglementation spécifique prévue par l’article 60 CA, et notamment son paragraphe 2, qui prévoit la publicité obligatoire des prix. À cet égard, il ressortirait des déclarations de l’association nationale des entreprises de façonnage de fer (ci-après l’« Ansfer »), auxquelles la Commission ne se référerait même pas dans la décision attaquée, que les entreprises de préfaçonnage n’auraient jamais remarqué des comportements anticoncurrentiels et que le marché italien des ronds à béton aurait toujours été caractérisé par une vive concurrence sur les prix. Par ailleurs, le prix des ronds à béton en Italie aurait toujours été inférieur à la moyenne des prix pratiqués sur le territoire communautaire. D’autre part, l’uniformité des suppléments de dimension aurait répondu à des exigences spécifiques du marché, visant à simplifier les relations commerciales, ce qui aurait été confirmé par l’Ansfer et par les clients de la requérante.

176    À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission a constaté, au considérant 439 de la décision attaquée, que, du 6 décembre 1989 jusqu’en 2000, au moins 19 augmentations des suppléments de dimension avaient été décidées et appliquées et que, pour neuf d’entre elles, elle était en possession des preuves directes relatives aux accords ou pratiques concertées concernant ces augmentations, tandis que pour les dix autres, elle avait conclu que le parallélisme des comportements revêtait un caractère infractionnel dès lors qu’il avait été réalisé dans un système dans lequel les entreprises, qui ajustaient à la hausse le prix des suppléments de dimension sur celui d’un ou de plusieurs concurrents, avaient la certitude préalable que cet ajustement à la hausse constituerait le comportement adopté par tous les concurrents.

177    Il y a lieu, à cet égard, de souligner que ces constatations sont expressément admises par la requérante, qui entreprend toutefois d’expliquer les raisons qui ont poussé les entreprises à se concerter.

178    En premier lieu, la requérante ne saurait affirmer que l’augmentation du prix des suppléments résulterait de la hausse des coûts déterminant la valeur des suppléments, qui seraient, en substance, uniformes pour tous les producteurs.

179    Premièrement, il doit être souligné que l’alignement à la hausse des prix des suppléments de dimension dérive d’un commun accord parfois tacite, parfois explicite à ne pas se faire concurrence (considérant 440 de la première décision), et que, ainsi qu’il a été rappelé au point 176 ci-dessus, du 6 décembre 1989 jusqu’en 2000, au moins 19 augmentations desdits suppléments ont été décidées et appliquées (considérant 439 de la première décision).

180    Deuxièmement, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 488 de la décision attaquée, si l’alignement des prix des suppléments des prix dépendait de considérations seulement techniques, chaque entreprise réajusterait ses suppléments individuellement, dans la mesure où il n’est pas prouvé que toutes feraient les mêmes investissements et supporteraient les mêmes coûts au même moment. Cela dépendrait en effet de leurs capacités financières qui, elles non plus, ne sont pas identiques. Il serait difficile de comprendre pourquoi les parties à l’entente ont éprouvé la nécessité de se réunir régulièrement pour s’accorder sur ces augmentations (considérant 440 de la décision attaquée).

181    Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû vérifier dans quelle mesure les suppléments, qui ne seraient qu’une partie non négociable du prix final, auraient pu effectivement être un objet ou un instrument de concurrence ne saurait davantage être retenu.

182    Selon la jurisprudence, l’interdiction des ententes qui consistent, de façon directe ou indirecte, à fixer les prix vise également les ententes portant sur la fixation d’une partie du prix final (arrêts du Tribunal du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T‑29/92, Rec. p. II‑289, point 146, et du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T‑48/98, Rec. p. II‑3859, point 115).

183    Or, tout d’abord, le prix total des ronds à béton étant composé du prix de base et de celui du supplément, et ce dernier étant considéré comme hors concurrence et non négociable, l’augmentation du supplément se traduisait par une réduction de la variabilité du prix total et donc par une réduction de la marge d’incertitude de ce prix (considérant 490 de la décision attaquée).

184    Ensuite, la Commission a constaté, au considérant 515 de la décision attaquée, que la valeur des suppléments de dimension par rapport au prix de base s’était modifiée au cours des années en raison de l’accroissement continuel du premier par rapport à une évolution oscillante du second. Ainsi, en 1989-1990, les suppléments de dimension avaient une valeur correspondant à environ deux tiers du prix de base, tandis que, en 1999-2000, le prix de ces suppléments pouvait s’élever jusqu’à plus du double du prix de base, en sorte que, entre 1989 et 2000, le niveau des prix des suppléments de dimension avait été multiplié par deux environ.

185    Enfin, il résulte des points 152 à 172 ci-dessus que c’est à bon droit que la Commission a constaté que le prix de base avait également fait l’objet d’une entente entre 1992 et 2000.

186    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante, selon lequel l’uniformité des suppléments de dimension aurait visé à simplifier les relations commerciales, un tel argument étant manifestement dépourvu de toute pertinence, de même que celui tiré de la déclaration de l’Ansfer, dont la Commission a d’ailleurs dûment tenu compte aux considérants 55, 63 à 66 et 524 de la décision attaquée, et qui ne peut pas effacer une donnée incontestable, consistant en des preuves documentaires de l’infraction.

187    En second lieu, la requérante ne saurait pas non plus, eu égard à la jurisprudence mentionnée aux points 170 et 171 ci-dessus, soutenir que la concertation entre les producteurs de ronds à béton trouve sa source dans la réglementation particulière du traité CECA.

188    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’ensemble des griefs relatifs à l’entente sur les prix des suppléments de dimension.

 Sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes

189    La requérante conteste les constatations de la Commission selon lesquelles Riva a participé à la partie de l’entente ayant pour objet la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes.

190    En premier lieu, la Commission n’aurait pas tenu compte des arguments soulevés par la requérante au cours de la procédure administrative et l’imputation globale reprochée à Riva serait dépourvue de motivation convaincante. Il s’ensuivrait un défaut manifeste de motivation en ce qui concerne le grief relatif au contrôle de la production ou des ventes à son égard.

191    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 15 CA doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 24 septembre 1996, NALOO/Commission, T‑57/91, Rec. p. II‑1019, point 298, et du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 129 ; voir également, par analogie, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, Rec. p. I‑9555, point 131, et la jurisprudence citée).

192    Par ailleurs, dans le cadre des décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 148, et la jurisprudence citée).

193    En l’espèce, il y a lieu de considérer que la participation de la requérante à la partie de l’entente relative à la limite ou au contrôle de la production ou des ventes est motivée à suffisance de droit dans les considérants 445 à 454 et 563 de la décision attaquée, lesquels renvoient aux considérants de la décision attaquée qui décrivent les comportements en cause. En particulier, pour ce qui concerne la participation de la requérante à cette partie de l’entente, la Commission a fait état des éléments suivants.

194    S’agissant de 1995, la Commission s’est notamment fondée sur, premièrement, une réunion du 13 juin, suivie d’une télécopie de la Federacciai du 14 juin, à laquelle Riva a répondu (considérants 153 et 154 de la décision attaquée) ; deuxièmement, la rédaction par la Federacciai, le 20 juin, d’un tableau qui comprend les commandes de Riva ainsi que l’envoi par la Federacciai à Leali d’un message à transmettre aux autres entreprises, auquel Riva a répondu le 26 juin (considérants 157 et 158 de la décision attaquée) ; troisièmement, l’engagement de chaque entreprise, pris lors d’une réunion du 29 août, à communiquer les données précisées dans un formulaire et l’information donnée à Leali par la Federacciai, le 1er septembre, de la réception des données individuelles, notamment celles de Riva (considérants 168 et 169 de la décision attaquée) et, quatrièmement, les demandes de la Federacciai (des 11 et 25 septembre et d’octobre) de lui transmettre des données, auxquelles Riva a répondu (considérants 171 à 174 de la décision attaquée).

195    Pour ce qui concerne 1996, la Commission s’est en particulier fondée sur, premièrement, une réunion du 8 février, en présence de Riva (considérant 183 de la décision attaquée) ; deuxièmement, une réunion du 13 février, à laquelle Riva n’aurait pas participé, mais aux résultats desquels Riva aurait adhéré, ce qui ressortirait d’une communication de Leali du 20 février 1996 et d’un document de Lucchini de 1996 (considérant 184 de la décision attaquée) ; troisièmement, la possession par Leali, le 12 septembre, de données de Riva (considérant 193 de la décision attaquée) ; quatrièmement, l’existence d’une réunion en septembre, en présence de Riva (considérant 194 de la décision attaquée) ; cinquièmement, un accord des 27 au 30 septembre comprenant un engagement à échanger des données, la participation de Riva découlant de la mention d’une télécopie de Riva et de la date et de l’heure d’adhésion de celle-ci (considérant 196 de la décision attaquée) ; sixièmement, l’invitation de Riva à une réunion du 4 novembre (considérant 202 de la décision attaquée) et, septièmement, les remerciements adressés par Leali le 7 janvier pour la « collaboration et la disponibilité manifestées durant l’année 1996 afin de maintenir une situation de marché ordonnée » (considérant 202 de la décision attaquée).

196    S’agissant de 1997, la Commission s’est référée, premièrement, à un accord du 16 octobre qui mentionne Riva, par lequel les entreprises avaient notamment convenu de s’échanger les données de livraison, cet accord ayant également été mentionné dans un document interne de Lucchini du mois d’octobre (considérants 205 à 207 de la décision attaquée), deuxièmement, à la possession par Feralpi, le 4 novembre, de données de Riva (considérant 209 de la décision attaquée) et, troisièmement, à une communication du 24 novembre, intitulée « Accord prix-livraison », également adressée à Riva (considérant 216 de la décision attaquée).

197    Pour ce qui concerne 1998, la Commission a fait état, premièrement, le 9 juin, d’une prise de contact par Leali avec Riva (considérant 233 de la décision attaquée), deuxièmement, le 11 septembre, de l’envoi par Leali d’une communication, adressée notamment à Riva, se référant à une réunion du 9 septembre et à une réduction du flux de commandes (considérant 241 de la décision attaquée), troisièmement, d’un accord sur les quotas de vente, entre septembre et novembre, incluant Riva, qui est entré en vigueur en décembre (considérants 245 à 248 de la décision attaquée) et, quatrièmement, de la convocation de Riva à une réunion le 19 octobre (considérant 258 de la décision attaquée).

198    En ce qui concerne 1999, la Commission s’est fondée sur, premièrement, des tableaux trouvés en possession de Leali en février, qui mentionnent les quotas de livraison notamment attribués à Riva (considérant 252 de la décision attaquée), deuxièmement, des réunions des 12 janvier, 9 mars, 18 mai, 14 et 22 juin, 19 juillet et 1er septembre (considérants 261 à 271 de la décision attaquée) et, troisièmement, de la communication adressée par certaines entreprises à Riva des arrêts de production (considérant 277 de la décision attaquée).

199    Enfin, en 2000, la Commission a constaté des comportements confirmant le caractère permanent de la validité de l’entente de septembre à novembre 1998 (considérants 279 à 299 de la décision attaquée).

200    En second lieu, la requérante avance plusieurs arguments qui démontreraient l’absence de sa participation à cette partie de l’entente, laquelle se serait d’ailleurs, jusqu’en 1997, manifestée exclusivement sous la forme d’une pratique concertée, à laquelle elle n’aurait pas participé. Ces éléments auraient dû peser considérablement dans la détermination des responsabilités individuelles et dans la qualification de l’infraction de « très grave ».

201    Premièrement, contrairement à ce que la Commission affirmerait au considérant 563 de la décision attaquée, Riva n’aurait pas adhéré à un programme d’arrêts de production. En effet, elle n’aurait jamais adopté de mesure contraire à son comportement normal et habituel pour tenir compte des recommandations de la Federacciai. Ainsi, Riva aurait communiqué le récapitulatif des arrêts de ses établissements de juillet et d’août 1995, lequel correspondrait à la pratique constante en son sein, puisqu’elle aurait toujours suspendu son activité de production pendant les périodes de congé, et ce tant dans ses sites de production de ronds à béton que dans ses autres sites.

202    À cet égard, il ressort du compte rendu de la réunion du 13 juin 1995, qui a été produit par la Commission, que les participants à cette réunion avaient notamment approuvé à l’unanimité la fermeture des établissements en été pendant quatre semaines avant la fin du mois d’août 1995, ou une semaine en juin et juillet et trois semaines en août. Par télécopie du 21 juin 1995, le directeur général de la Federacciai a adressé à M. Leali un message à envoyer à toutes les entreprises productrices de ronds à béton, dans lequel il était demandé aux entreprises de confirmer par écrit, à l’aide du formulaire annexé, ce qu’elles avaient prévu pour regrouper les arrêts de l’été. Ce message s’achevait par un remerciement pour le fait « d’avoir accepté de rallonger la période d’arrêt initialement prévue et, dans l’attente de [s]a confirmation dans les meilleurs délais, qui permettra[it] de rassurer toutes les parties en présence ». Un message comportant des termes identiques a été adressé par Leali à toutes les entreprises productrices de ronds à béton le 22 juin 1995.

203    Ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 158 de la décision attaquée, elle dispose des réponses de nombreuses entreprises dont il ressort que toutes, à l’exception de Metal Fra Srl, entendaient adhérer au programme de regroupement des arrêts, certaines complètement et d’autres partiellement, en réduisant de quelques jours la période de regroupement des arrêts. Parmi ces réponses figure la réponse de Riva, en date du 26 juin 1995. Eu égard au contenu de la télécopie du 22 juin 1995, à laquelle Riva a répondu, cette dernière ne saurait prétendre qu’elle est restée étrangère à l’initiative précitée.

204    La requérante ne saurait soutenir que la période d’arrêts ainsi notifiée correspondrait à celle constamment pratiquée en son sein. En effet, ainsi que la Commission l’a souligné à bon droit au considérant 487 de la décision attaquée, un accord qui consiste en la mise en acte de comportements habituels ou traditionnels peut restreindre la liberté des parties de se faire concurrence en adoptant des comportements différents, et le fait que les arrêts de production avaient lieu en périodes de fêtes pour tous les producteurs et que cela constituait une pratique habituelle ou que les délais de paiement étaient ceux normalement pratiqués serait pertinent seulement en l’absence d’une concertation préalable.

205    Deuxièmement, la requérante affirme que sa participation à l’accord du 13 février 1996 ne pourrait être déduite de la communication de Leali du 20 février 1996. Il suffirait de souligner que, au cours de la période considérée (février et mars 1996), Riva n’a effectué aucun arrêt et aurait appliqué un prix inférieur à 200 ITL/kg, alors que l’accord stipulait un prix de 230 ITL/kg. Enfin, Riva aurait refusé de se soumettre au contrôle des volumes de production par un cabinet d’audit.

206    S’agissant de l’accord du 13 février 1996, la Commission a produit un document du 20 février 1996, signé par M. Leali et notamment adressé à Riva, qui se réfère à une note relative à la réunion du 13 février 1996 et à « l’adhésion de tous les producteurs destinataires au programme de limitation de la production ». Eu égard à ce document, c’est à juste titre que la Commission a considéré que Riva avait participé à une entente dans laquelle les parties avaient exprimé leur volonté commune d’adopter un comportement déterminé en matière de contrôle de la production. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 159 ci-dessus, c’est à bon droit que la Commission a considéré que, à défaut d’une distanciation publique de ce qui avait été convenu au cours de la réunion susmentionnée, la requérante ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité à cet égard. Elle ne saurait prétendre que la Commission ne pourrait se fonder à cet effet sur une communication interne d’une autre société, dans la mesure où rien n’interdit à la Commission de retenir comme preuve du comportement d’une entreprise une correspondance échangée entre des tiers, pourvu que le contenu de cette correspondance soit digne de foi dans la mesure où il fait état dudit comportement (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 137 supra, point 164, et arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Marlines/Commission, T‑56/99, Rec. p. II‑5225, point 57).

207    Troisièmement, la requérante soutient que Riva n’a pas participé à l’accord décidé lors de la réunion du 26 octobre 1997, ce qui ressortirait, en premier lieu, du tableau contenant les données relatives aux livraisons effectuées par Riva en 1997, dont il résulterait qu’il n’y a pas eu, pour le mois de novembre, de réduction de 20 % sur la moyenne arithmétique des neuf premiers mois de 1997, en deuxième lieu, des tableaux contenant les récapitulatifs des arrêts, desquels il résulterait qu’il n’y a eu aucun arrêt des établissements de Riva en novembre 1997 et, en troisième lieu, du détail des exportations de Riva relatives au mois de novembre, dont il ressortirait que ces exportations n’ont pas augmenté en novembre 1997.

208    Il y a lieu de rappeler que, au considérant 205 de la décision attaquée, la Commission a déduit la participation de Riva à l’« accord contraignant » du 16 octobre 1997 de la mention de celle-ci dans un accord, trouvé sous la forme de projet. Il ressort de ce projet que les entreprises en cause avaient prévu de limiter les livraisons nationales pour le mois de novembre en appliquant une réduction de 20 % sur la moyenne arithmétique mensuelle des neuf premiers mois de 1997. Il convient de considérer, à l’instar de la Commission, que cet accord a été mis en œuvre, ce qui ressort du compte rendu d’une réunion du 17 novembre 1997, rédigé par Feralpi, puisque « l’on a pris en considération le principe qu’un quota supplémentaire de 20 % par rapport au quota de livraison de novembre sera déduit en décembre », ce qui implique que le premier quota de 20 %, qui faisait l’objet de l’accord de 1996, était une donnée acquise pour les participants à la rencontre, dont Riva. En outre, un document interne de Feralpi, datant du 14 novembre 1997, portait la mention suivante : « Novembre 1997 quota Feralpi avec réduction de 20 % 31 600 tonnes ». Or, ce quota correspond exactement à celui attribué à Feralpi dans l’accord d’octobre 1997 (considérant 208 et note en page de page n° 344 de la décision attaquée).

209    Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 159 ci-dessus, c’est donc également à bon droit que la Commission a considéré que, à défaut d’une distanciation publique de l’accord du 16 octobre 1997, la requérante ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité à cet égard. Les arguments mentionnés au point 207 ci-dessus ne sauraient dès lors être accueillis.

210    Quatrièmement, pour ce qui concerne la période comprise entre le 25 novembre 1997 et le 30 avril 1998, la requérante relève que la Commission a considéré que Riva a adhéré non pas aux modalités de l’entente, mais simplement à l’objectif poursuivi, et que celle-ci se référerait à la notion inédite de « participant indirect ». La conviction que Riva aurait partagé les objectifs de cette partie de l’entente ne ressortirait pas des documents cités par la Commission, serait dépourvue de motivation et l’absence de participation de Riva à cette partie de l’entente démontrerait le contraire. En effet, d’une part, Riva aurait augmenté sa production de ronds à béton. D’autre part, Riva n’aurait jamais adhéré aux objectifs en matière de prix de base et aurait constamment appliqué des prix inférieurs aux prix indiqués. La Commission aurait élaboré une justification nouvelle entre la communication des griefs et la décision finale, en violation des droits de la défense de la requérante.

211    Pour ce qui concerne la violation alléguée par Riva de ses droits de la défense, il a été rappelé au point 113 ci-dessus que, si la communication des griefs doit permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission, cette exigence est respectée lorsque la décision finale ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que les faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer. Aucune disposition n’interdit à la Commission de communiquer aux parties à une procédure en matière de concurrence, après l’envoi de la communication des griefs, d’autres éléments pertinents pour compléter celle-ci, à partir du moment où ces éléments ne modifient pas les infractions reprochées aux entreprises et où ces dernières ont eu la possibilité de s’exprimer sur tous les éléments qui sont retenus à leur charge. En l’espèce, il y a lieu de constater que les comportements reprochés à Riva sont décrits au point 311 de la communication des griefs, qui se réfère déjà à cette participation « indirecte » et est repris au considérant 563 de la décision attaquée, en sorte qu’il n’y a pas, sur ce point, de divergence entre la communication des griefs et la décision attaquée.

212    S’agissant du bien-fondé de l’argument de la requérante, il est constant que Riva n’a pas participé aux interventions et aux exercices de contrôle d’un cabinet d’audit (considérants 217 à 244 de la décision attaquée). Ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 563 de la décision attaquée, elle a estimé que, en raison du fait que Riva en avait eu connaissance, elle devait être considérée comme ayant été un participant indirect à la partie de l’entente relative au contrôle ou à la limitation de la production ou des ventes entre le 25 novembre 1997 et le 30 avril 1998.

213    À cet égard, il doit être rappelé qu’une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 65 CA et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction, lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaît les comportements infractionnels des autres participants ou qu’elle peut raisonnablement les prévoir et qu’elle est prête à en accepter le risque (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 136 supra, point 203, et du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, non encore publié au Recueil, point 42 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, Brugg Rohrsysteme/Commission, T‑15/99, Rec. p. II‑1613, point 73, et du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 50).

214    Il s’ensuit que le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction. Lorsqu’il est établi qu’une entreprise connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque, elle est également considérée comme responsable, pour toute la période de sa participation à l’infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 111 supra, point 328, et arrêt Gütermann et Zwicky/Commission, point 213 supra, point 156).

215    Tel est le cas en l’espèce, puisque Riva a notamment été invitée à une réunion du 15 avril 1998, à laquelle, selon l’invitation de Leali adressée le 7 avril 1998 notamment à Riva, le responsable d’un cabinet d’audit était présent, et à une réunion du 24 avril 1998, au cours de laquelle la réduction de production de la part de tous les producteurs et la collaboration de ce cabinet d’audit ont été discutées (considérants 228 à 230 de la décision attaquée).

216    S’agissant en revanche de l’évaluation de la responsabilité individuelle de la requérante, il doit être rappelé que, bien qu’une entreprise n’ait pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle ait joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé ne soit pas pertinent pour établir l’existence de l’infraction, un tel élément doit être pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 136 supra, point 90, et arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 111 supra, point 292).

217    En l’espèce, il y a lieu de tenir compte du fait, au titre de la gravité de l’infraction retenue à l’encontre de Riva, que cette dernière n’a pas participé aux interventions et aux exercices de contrôle d’un cabinet d’audit entre le 25 novembre 1997 et le 30 avril 1998. En outre, la Commission a déclaré, au considérant 564 de la décision attaquée, que Riva avait suspendu sa participation à la partie de l’entente sur la limitation et le contrôle de la production ou des ventes entre le 1er mai et le 30 novembre 1998. Il y a dès lors lieu de conclure que la requérante n’a pas participé directement à la partie de l’entente relative à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes du 25 novembre 1997 au 30 novembre 1998, soit pendant environ une année.

218    Au considérant 613 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que l’absence de participation directe à un des volets de l’entente, pendant une brève période, ne justifiait pas une diminution du montant de l’amende. Elle a notamment précisé, tout d’abord, que la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes avait pour seul objectif la fixation d’un prix de base plus élevé, ainsi que l’attesteraient des documents internes et des déclarations de Lucchini-SP (considérants 207, 228 et 455 de la décision attaquée). La Commission a ensuite ajouté que l’infraction en cause n’était pas moins grave, parce que l’un ou l’autre des destinataires de la décision attaquée n’avait pas participé, pendant une brève période, à l’une de ses composantes. Enfin, elle a rappelé que l’absence de participation de Riva ne concernait qu’une ou, au maximum, deux de ce qui avait été défini précédemment comme les propositions d’un cabinet d’audit d’avril et de juillet 1998.

219    Il y a toutefois lieu de considérer que l’absence de participation directe de Riva à la partie de l’entente relative à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes s’est étendue sur environ une année, ce qui ne saurait être qualifié de « brève période », eu égard à la durée de l’infraction dans son ensemble. Il y a dès lors lieu de conclure que c’est à tort que la Commission n’a pas tenu compte, dans la détermination du montant de l’amende, de l’absence de participation directe de la requérante au volet de l’entente relatif à la limitation et au contrôle de la production ou des ventes pendant la période allant du 27 novembre 1997 au 30 novembre 1998.

220    Dans ces circonstances, et dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère qu’il y a lieu de réformer l’article 2 de la décision attaquée et de réduire de 3 % le montant de base de l’amende de la requérante aux fins d’une prise en compte appropriée de l’absence de participation de cette dernière, pendant environ une année, au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes. Cette réduction tient compte du fait, relevé au considérant 445 de la décision attaquée, que ce volet de l’entente apparaissait uniquement comme servant l’objectif de soutien des prix et du fait, vérifiable et documenté, que même des entreprises ne participant pas au système de réduction de la production réalisé à travers le contrôle d’un cabinet d’audit, mais opérant en harmonie avec celui-ci, étaient au courant de ce système, ainsi que de son caractère utile à une augmentation concertée du prix des ronds à béton (considérant 453 de la décision attaquée).

221    Cinquièmement, la requérante affirme qu’il n’existe aucune preuve du fait que Riva a participé à la partie de l’accord de décembre 1998 sur les quotas de vente et ses adaptations successives. Toutes les hypothèses d’entente auxquelles se référerait la Commission auraient prévu également la fixation de prix minimaux de vente. Or, Riva aurait toujours appliqué une politique de prix autonome par rapport à celle des autres producteurs. C’est pour cette raison que, bien que son nom figure parmi les participants potentiels à l’entente, Riva n’aurait jamais accepté de s’engager en ce sens et n’aurait jamais suivi les recommandations de la Federacciai.

222    Il y a lieu de relever que la Commission, aux considérants 245 à 247 de la décision attaquée, a constaté que, durant les mois de septembre à novembre 1998, le texte d’un accord dont la validité s’étendait jusqu’au 31 décembre 2001 a été élaboré entre Alfa, Feralpi, Ferriere Nord, IRO, AFLL, Riva, Lucchini-SP et Valsabbia, ayant pour objet le respect de la part de chaque adhérent de quotas de vente des ronds à béton en barres d’un diamètre de 6 à 40 mm sur le marché italien. Selon les trois versions du texte de l’accord, dont la troisième, intitulée « Hypothèse de travail », précisait les quotas de livraisons mensuelles des huit entreprises participantes, en indiquant les pourcentages correspondant à chacune d’elles et en remplaçant le nom de chaque entreprise par un numéro. Aux considérants 248 à 254 de la décision attaquée, la Commission fait état de plusieurs documents qui confirment l’entrée en vigueur du système de quotas de vente faisant l’objet de l’accord à partir de décembre 1998.

223    Dès lors que Riva ne conteste pas qu’elle était partie à cet accord et que son nom figurait expressément sur celui-ci, elle ne peut, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 159 ci-dessus, se limiter à affirmer que ses prix ne correspondaient pas aux prix fixés par l’entente. Son argument doit donc être rejeté.

224    Enfin, sixièmement, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas adhéré à l’accord sur la répartition du quota « Darfo », ce qui serait prouvé par le fait qu’elle n’aurait pas augmenté ses profits au cours de la période considérée. Cet élément illustrerait de manière limpide les choix de Riva, qui cherchait à s’écarter des pratiques mises en œuvre par ses concurrents à un moment décisif.

225    À cet égard, force est de constater que l’accord dit « Darfo » avait été notifié à la Commission le 2 avril 1999, conformément à l’article 65, paragraphe 2, CA, et n’a pas fait l’objet de la décision attaquée, en sorte que les arguments formulés à cet égard sont dépourvus de pertinence.

 Sur les effets de l’entente

226    La requérante conteste les constatations opérées par la Commission aux considérants 512 et suivants de la décision attaquée, relatives aux effets de l’entente sur le marché. Premièrement, s’agissant des suppléments de dimension, il ne serait pas démontré que l’augmentation de 40 % des suppléments en termes réels serait imputable à l’entente. D’une part, les utilisateurs de ronds à béton n’auraient jamais constaté d’effets anticoncurrentiels imputables à l’entente, puisqu’ils auraient toujours bénéficié de conditions commerciales favorables. D’autre part, il ne faudrait attribuer aucune importance à l’alignement effectif des producteurs. Deuxièmement, aucun effet ne saurait être imputé à la partie de l’entente sur le prix de base, eu égard à l’absence systématique d’alignement opéré par la majorité des producteurs sur les prix relevés par la Federacciai. La requérante n’aurait jamais appliqué les objectifs de prix relevés par la Federacciai. Par ailleurs, il n’y aurait aucune preuve d’une augmentation des prix minimaux au cours de la période concernée. Ainsi, les producteurs n’auraient eu à aucun moment le contrôle du prix de base, dont les variations continues à la hausse et à la baisse seraient symptomatiques d’un marché hautement concurrentiel. Troisièmement, les considérations qui précèdent s’appliqueraient mutatis mutandis à la partie de l’entente relative à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, puisqu’elle tendrait également, selon la Commission, au contrôle du prix final.

227    Il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que l’article 65, paragraphe 1, CA interdit les accords qui « tendraient » à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence. Il s’ensuit qu’est interdit, au sens de cette disposition, un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence, mais dont les effets anticoncurrentiels n’auraient pas été établis. Dès lors que la Commission a constaté, au considérant 399 de la décision attaquée, que l’entente avait pour objet la fixation des prix en fonction de laquelle a également été convenue la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, elle n’était pas tenue de démontrer l’existence d’un effet préjudiciable sur la concurrence pour établir une violation de l’article 65, paragraphe 1, CA (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Ensidesa/Commission, C‑198/99 P, Rec. p. I‑11111, points 59 et 60, et arrêt Thyssen Stahl/Commission, point 136 supra, point 277) (voir également considérant 463 de la décision attaquée).

228    Il y a toutefois lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a examiné, dans un souci d’exhaustivité, les effets de l’entente et a considéré, sur la base d’un ensemble d’éléments exposés aux considérants 513 à 524 de la décision attaquée, que l’entente avait eu des effets concrets.

229    En particulier, après avoir souligné qu’il était question d’une entente dont l’objectif était d’empêcher, de limiter ou d’altérer le jeu normal de la concurrence et qu’il n’était donc pas nécessaire de vérifier qu’elle avait produit des effets sur le marché, elle a relevé que l’évolution des prix réels totaux ne pouvait pas être reconstruite de façon univoque. Toutefois, la Commission, ayant comme point de référence les prix moyens des suppléments de décembre 1989 et janvier 1990 et de mai et juin 2000, a estimé que l’augmentation du prix des suppléments était d’au moins 40 % en termes réels, ce qui signifie que, même si l’on voulait considérer comme importantes les réductions du prix de base en termes réels, les données ne semblaient pas corroborer la thèse de l’étude Lear (Laboratorio di Economia, Antitrust, Regolamentazione) d’une réduction du prix total de 32 % en termes réels. La Commission a ajouté que les informations dont elle disposait provenaient des entreprises elles-mêmes (considérants 512 à 514 de la décision attaquée).

230    Pour ce qui concerne les augmentations des suppléments de dimension, la Commission a souligné que, du 6 décembre 1989 au 4 juillet 2000, au moins 19 augmentations avaient été décidées et appliquées et que, pour neuf d’entre elles, elle était en possession de preuves directes relatives aux accords ou pratiques concertées concernant ces augmentations. Elle a ajouté que, entre 1989 et 2000, le niveau des prix des suppléments de dimension avait été multiplié par deux. Par ailleurs, selon la Commission, chaque augmentation de ces suppléments, décidée par les principaux producteurs, avait eu un effet concret sur le marché, parce qu’elle avait été adoptée plus ou moins rapidement également par les producteurs qui n’avaient pas été les premiers à l’initiative de l’augmentation, en sorte qu’il n’était pas apparu nécessaire d’examiner l’effet de chacune des ententes relatives à l’augmentation des prix des suppléments de dimension (considérant 515 de la décision attaquée).

231    La Commission a également considéré que les accords ou pratiques concertées concernant la fixation du prix de base avaient eu un effet sur le marché et a indiqué, au considérant 516 de la décision attaquée, les éléments faisant apparaître les effets de l’entente sur le marché, repris notamment aux considérants 129 à 131, 136 à 138, 140, 142, 143, 145, 153, 155, 156, 160, 167, 168, 174, 183, 187, 191, 192, 200, 210, 214, 215, 233, 241, 268, 276, 280 à 300 et 302 de la décision attaquée.

232    La Commission a fourni une description des effets de l’entente sur les conditions de paiement au considérant 517 de la décision attaquée, qui se réfère notamment aux considérants 164 et 165 de celle-ci, tandis qu’elle a expliqué les effets de l’entente sur la limitation ou le contrôle de la production et des ventes au considérant 518 de la décision attaquée.

233    La Commission a conclu, aux considérants 519 et 520 de la décision attaquée, que l’évaluation des effets concrets de l’entente permettait de conclure que celle-ci avait influencé le prix de vente pratiqué par les producteurs de ronds à béton en Italie, même si les mesures prises au sein de l’entente n’avaient pas toujours immédiatement produit les résultats escomptés. En outre, il a pu y avoir des phénomènes aux effets différés. Selon la Commission, l’incidence insuffisante de certaines initiatives concernant les prix avait aussi conduit les entreprises en question à les combiner avec d’autres mesures sur les volumes ou à modifier les mesures prises sur les prix, ce qui montre que les comportements à travers lesquels l’entente s’était concrétisée étaient tous destinés à atteindre un seul et même objectif, à savoir l’augmentation du prix. La Commission a souligné que les entreprises en cause représentaient environ 21 % du marché italien des ronds à béton en 1989, 60 % en 1995 et environ 83 % en 2000, en sorte que l’effet sur le marché d’augmentations de prix concertées entre ces entreprises avait été croissant, d’autant que les initiatives prises en cette matière étaient, dès 1989, communiquées ensuite à l’ensemble des producteurs de ronds à béton. Enfin, la Commission a ajouté que la position des parties selon laquelle les comportements en cause n’avaient eu aucun effet sur le marché n’était pas conforme aux preuves en sa possession.

234    Pour contester ces affirmations, la requérante soutient, premièrement, qu’il n’est pas démontré que l’augmentation de 40 % du prix des suppléments est imputable à l’entente. Un tel argument doit être rejeté. En effet, dès lors que la requérante reconnaît que le prix moyen des suppléments a augmenté de 40 % en termes réels durant la période allant de décembre 1989 et janvier 1990 à mai et juin 2000, et qu’il y a eu, au cours de cette période, un alignement effectif du prix des suppléments de dimension, il convient de considérer que c’est à juste titre que la Commission a estimé, au considérant 515 de la décision attaquée, que chaque augmentation des suppléments décidée par les principaux producteurs avait eu un effet concret sur le marché, parce qu’elle avait été adoptée plus ou moins rapidement par les autres producteurs.

235    Deuxièmement, la requérante affirme qu’aucun effet ne peut être imputé à la partie de l’entente sur la fixation du prix de base, eu égard à l’absence systématique d’alignement par la majorité des producteurs sur les prix relevés par la Federacciai et à l’absence de preuve d’une augmentation des prix minimaux au cours de la période concernée. Cet argument doit également être écarté. Outre que la requérante ne formule aucune observation sur l’adoption à de nombreuses reprises, par plusieurs entreprises, des prix de base fixés par l’entente (considérant 516 de la décision attaquée), la Commission a également relevé, sans être contredite à cet égard par la requérante, que, dans certains cas, les effets de l’entente avaient été confirmés par les membres de l’entente eux-mêmes. C’est ainsi, par exemple, que, dans un rapport de Lucchini-SP de février 1999, il est indiqué que « l’accord entre producteurs contribue à ce que les prix se tiennent pour l’essentiel, indépendamment du marché, lequel est caractérisé par une demande normale, pas particulièrement forte ».

236    Troisièmement, les considérations qui précèdent s’appliqueraient mutatis mutandis à la partie de l’entente relative à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes, puisqu’elle tendait également, selon la Commission, au contrôle du prix final. Eu égard au rejet des arguments relatifs à l’absence d’effets de l’entente sur les prix de base et les suppléments de dimension, le présent argument doit lui aussi être rejeté. En tout état de cause, s’agissant également de cette partie de l’entente, la Commission a également souligné, aux considérants 216 et 578 de la décision attaquée, sans être contredite par la requérante, qu’elle était en possession de documents dans lequel les entreprises faisaient état d’un succès partiel.

237    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante visant à démontrer l’absence d’effet de l’entente.

 Sur le septième moyen, tiré de l’absence d’instruction et d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’imputation à la requérante de l’infraction dans son ensemble et la position spécifique de cette dernière au regard des comportements qui lui sont reprochés

238    La requérante conteste le fait que l’infraction complexe et continue lui soit imputée dans tous ses aspects, en l’absence de motivation à cet égard, et dénonce le défaut d’examen par la Commission de la position spécifique de Riva. Elle affirme que la Commission a été trop superficielle dans son analyse des responsabilités individuelles, tant en ce qui concerne la participation à l’entente que la mise en œuvre de celle-ci, en violation du principe général de la « personnalité » de la responsabilité et de l’individualité des sanctions. D’une part, ainsi qu’il résulterait de l’examen du sixième moyen, la Commission n’aurait pas vérifié de manière effective l’implication de Riva dans les différentes parties de l’entente, Riva étant restée étrangère à différentes parties du cartel. D’autre part, Riva aurait dû se voir reconnaître le bénéfice de certaines circonstances atténuantes, en particulier celle tenant au refus de Riva d’adhérer, dès 1995 ou tout au moins dès 1997, aux aspects les plus caractéristiques de l’entente. Il s’ensuivrait que l’infraction n’est pas continue, vu la coupure nette entre la concertation antérieure au mois de novembre 1997 et celle qui a suivi, qu’elle ne pourrait se voir imputer les aspects de l’infraction relatifs à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes et au quota dit « Darfo » et qu’il convient de reconnaître à Riva un rôle totalement passif dans la partie de la concertation à laquelle elle a participé.

239    À titre liminaire, ainsi que la requérante l’a reconnu lors de l’audience, son argument fondé sur l’absence de participation directe à une partie du volet de l’entente sur la limitation et le contrôle de la production ou des ventes se confond avec certains arguments formulés dans le cadre du sixième moyen et a fait l’objet d’un examen par le Tribunal aux points 189 à 225 ci-dessus. En outre, l’examen de la reconnaissance éventuelle de circonstances atténuantes se confond partiellement avec l’examen du huitième moyen et fait l’objet des points 282 à 283 ci-après.

240    Par ailleurs, d’une part, eu égard aux développements figurant dans les considérants 563 à 565 de la décision attaquée, relatifs à l’examen de la participation spécifique de Riva aux différents volets de l’entente, le moyen de la requérante tiré d’un défaut de motivation ou de la prétendue superficialité de l’analyse de la Commission des responsabilités individuelles des entreprises en cause est manifestement dépourvu de tout fondement.

241    D’autre part, pour ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle Riva aurait dû se voir reconnaître le bénéfice de certaines circonstances atténuantes, en particulier celle tenant au refus de Riva d’adhérer, dès 1995 ou tout au moins dès 1997, aux aspects les plus caractéristiques de l’entente, en sorte que l’infraction ne serait pas continue, force est de constater que cet argument procède d’une confusion entre, la contestation du caractère continu de l’entente, à l’égard de laquelle elle ne formule aucun argument, si ce n’est l’existence d’une « coupure nette entre la concertation antérieure au mois de novembre 1997 et celle qui a suivi », qui n’est d’ailleurs pas étayée, et la reconnaissance de la circonstance atténuante tenant au « rôle totalement passif qu’elle a joué dans la partie de la concertation à laquelle elle a participé », qu’elle n’étaye pas davantage.

242    Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de rejeter le septième moyen.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de la violation de la communication sur la coopération de 1996, de la violation des lignes directrices de 1998, d’un détournement de pouvoir, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement lors de la fixation du montant de l’amende

 Observations liminaires

243    Il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul du montant des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 1998, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 110 supra, point 112, et la jurisprudence citée).

244    La gravité des infractions au droit de la concurrence de l’Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être prise en compte (arrêts de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 72, et Prym et Prym Consumer/Commission, point 110 supra, point 54).

245    Ainsi qu’il a été exposé au point 32 ci-dessus, la Commission a, en l’espèce, déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode définie dans les lignes directrices de 1998.

246    Si les lignes directrices de 1998 ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 209, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 70).

247    En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 246 supra, point 211, et la jurisprudence citée ; arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 246 supra, point 71).

248    En outre, les lignes directrices de 1998 déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 246 supra, points 211 et 213).

249    Conformément aux lignes directrices de 1998, la méthodologie applicable pour le montant de l’amende repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes.

250    Selon le point 1 des lignes directrices de 1998, le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

251    S’agissant de l’appréciation de la gravité de l’infraction, les lignes directrices de 1998 indiquent, au point 1 A, premier et deuxième alinéas, ce qui suit :

« [L]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves. »

252    Il ressort des lignes directrices de 1998 que les infractions peu graves pourront, par exemple, consister en des « restrictions, le plus souvent verticales, visant à limiter les échanges, mais dont l’impact sur le marché reste limité, ne concernant en outre qu’une partie substantielle, mais relativement étroite du marché communautaire » (point 1 A, deuxième alinéa, premier tiret, des lignes directrices de 1998). Quant aux infractions graves, la Commission précise qu’« il s’agira le plus souvent de restrictions horizontales ou verticales de même nature que dans le cas [des infractions peu graves], mais dont l’application est plus rigoureuse, dont l’impact sur le marché est plus large et qui peuvent produire leurs effets sur des zones étendues du marché commun ». Elle indique également qu’il pourrait « s’agir de comportements abusifs de position dominante » (point 1 A, deuxième alinéa, second tiret, des lignes directrices de 1998). S’agissant des infractions très graves, la Commission indique qu’il s’agit « pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprise en situation de quasi-monopole » (point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

253    La Commission précise également que, d’une part, à l’intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites graves et très graves, l’échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises et, d’autre part, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, troisième et quatrième alinéas, des lignes directrices de 1998).

254    Selon les lignes directrices de 1998, pour les infractions « très graves », le montant de départ envisageable des amendes va au-delà de 20 millions d’euros ; pour les infractions « graves », celui-ci peut varier entre 1 et 20 millions d’euros ; enfin, pour les infractions « peu graves », le montant de départ envisageable des amendes est compris entre 1 000 euros et 1 million d’euros (point 1 A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret, des lignes directrices de 1998).

255    Pour ce qui concerne la durée de l’infraction, selon le point 1 B des lignes directrices de 1998, celle-ci devrait être prise en considération de manière à distinguer :

–        les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), pour lesquelles aucun montant additionnel n’est prévu ;

–        les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles un montant pouvant aller jusqu’à 50 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction est prévu ;

–        les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles un montant pouvant être fixé pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction est prévu.

256    Conformément aux lignes directrices de 1998, au montant de base s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes.

257    S’agissant de ces dernières, le point 3 des lignes directrices de 1998 prévoit que le montant de base de l’amende peut être diminué pour les circonstances atténuantes particulières telles que, par exemple :

–        rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction,

–        non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles,

–        cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission (notamment vérifications),

–        existence d’un doute raisonnable de l’entreprise sur le caractère infractionnel du comportement restrictif,

–        infractions commises par négligence et non de propos délibéré,

–        collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes,

–        autres.

258    À cet égard, ainsi que la Cour l’a rappelé dans ses arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission (C‑389/10 P, non encore publié au Recueil, point 129), et KME Germany e.a./Commission (C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, point 102), il appartient au juge de l’Union d’effectuer le contrôle de légalité qui lui incombe sur la base des éléments apportés par la partie requérante au soutien des moyens invoqués. Lors de ce contrôle, le juge ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans les lignes directrices de 1998 ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait.

259    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner le présent moyen.

 Sur le détournement de pouvoir et la violation du principe de proportionnalité commis lors de la fixation du montant de départ de l’amende infligée à Riva

260    La requérante, aux points 160 à 162 de la requête, conteste la répartition des entreprises en catégories et son inclusion dans la deuxième catégorie, pour laquelle a été fixée un montant de départ de 3,5 millions d’euros. Dans la réplique, la requérante « reconnaît le bien-fondé de la réponse de la Commission (points 170 à 175 du mémoire en défense) », ce qu’elle a confirmé lors de l’audience.

261    Il n’y a dès lors pas lieu de répondre à la première branche du huitième moyen.

 Sur le détournement de pouvoir en ce que l’amende finale a été fixée sur la base de la taille globale de la requérante

262    La requérante conteste la majoration de 375 % du montant de son amende aux fins de dissuasion. Premièrement, le renvoi, au considérant 598 de la décision attaquée, à l’arrêt du Tribunal du 14 septembre 2004, Aristrain/Commission (T‑156/94, non publié au Recueil, point 95), ne permettrait pas de pénaliser les entreprises actives dans plusieurs secteurs par rapport à celles qui ne le sont pas. Deuxièmement, l’arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission (C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859), sur lequel la Commission se fonderait pour procéder à la majoration du montant de départ de l’amende, se référerait à un cas d’application de l’article 81 CE et ne pourrait pas être transposé de manière simpliste dans le champ d’application du traité CECA, qui contient des règles différentes, relatives à un contexte différent et inspirées de considérations qui ne sont pas totalement assimilables à celles qui sont propres au traité CE. En effet, contrairement au traité CE, le traité CECA reposerait sur le principe selon lequel le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue un critère objectif qui fournit la mesure précise du caractère nocif de ladite pratique au regard du jeu normal de la concurrence. En outre, les restrictions à la concurrence découlant de la participation d’une entreprise à une infraction relevant du traité CECA dépendraient plus, en principe, de l’importance de l’entreprise sur le marché des produits concernés par l’infraction en question que de la taille globale de l’entreprise. Par ailleurs, le traité CECA admettrait que l’on prenne en compte le chiffre d’affaires global réalisé sur tous les produits relevant du traité CECA des entreprises intéressées uniquement dans l’hypothèse d’ententes plus graves. Troisièmement, dans la réplique, d’une part, la requérante estime qu’il aurait été plus juste de majorer le montant de départ en fonction de la durée de l’infraction avant d’appliquer le coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion. D’autre part, la majoration à titre dissuasif serait également illégale dès lors qu’elle s’est fondée sur le chiffre d’affaires de 2001, sans considérer que, jusqu’en 1995, les rapports de force entre les entreprises étaient différents. Quatrièmement, également dans la réplique, la requérante affirme que la décision attaquée opère une « scission » entre l’interdiction, fondée sur les dispositions du traité CECA, et la sanction, fondée sur les dispositions du traité CE. En n’évoquant pas cette question dans la communication des griefs, la Commission aurait également violé les droits de la défense de la requérante.

263    Aux considérants 603 à 605 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, conformément au point 1 A des lignes directrices de 1998, elle jugeait nécessaire de procéder à un ajustement du montant de départ de l’amende infligée à Riva et à Lucchini-SP afin de tenir compte de leur taille et de leurs ressources globales et de donner à l’amende un effet suffisamment dissuasif. Elle a précisé que, dans la décision de 2002, elle avait déjà relevé que le chiffre d’affaires réalisé dans le domaine des produits relevant du traité CECA par ces entreprises (environ 3,5 milliards d’euros pour Riva en 2001 et environ 1,2 milliard d’euros pour Lucchini) était de très loin supérieur à celui des autres entreprises impliquées dans la présente affaire. Elle a ajouté que les plus hautes instances de ces entreprises avaient souvent été directement impliquées dans les infractions en cause. Elle a, partant, estimé qu’il convenait d’augmenter le montant de base de 200 % dans le cas de Lucchini/Siderpotenza, dans la mesure où son chiffre d’affaires pour les produits relevant du traité CECA était environ trois fois supérieur à celui de la plus grande des autres entreprises, et de 375 % dans le cas de Riva, dont le chiffre d’affaires pour les produits relevant du traité CECA était environ trois fois supérieur à celui de Lucchini-SP. La Commission a finalement souligné que le rapport entre le chiffre d’affaires de Lucchini-SP et celui de la plus importante des autres entreprises avait évolué jusqu’en 2008 (il est passé de un à trois en 2001 à environ un à deux en 2008), en sorte qu’il était justifié de n’augmenter le montant de départ de Lucchini-SP que de 200 %. Elle a toutefois considéré que l’augmentation de 375 % du montant de départ de Riva restait justifiée sur la base des données de 2008.

264    En premier lieu, il convient de relever que le considérant 598 de la décision attaquée ne concerne pas la majoration de l’amende à des fins de dissuasion et que l’argument de la requérante à cet égard est donc inopérant.

265    En deuxième lieu, s’agissant des arguments invoqués par la requérante, tirés de la spécificité du champ d’application du traité CECA, il y a lieu, premièrement, de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, aux fins de la majoration du montant de l’amende à des fins dissuasives, la Commission aurait dû examiner le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises en cause sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive et non, comme dans le cadre du traité CE, l’activité globale desdites entreprises.

266    Ainsi qu’il a été rappelé au point 253 ci-dessus, il ressort expressément des lignes directrices de 1998 qu’il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs d’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, troisième et quatrième alinéas, des lignes directrices de 1998).

267    À cet égard, la nécessité d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende exige que le montant de l’amende soit modulé, afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité (arrêts du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 283 ; du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 379, et du 14 juillet 2011, Arkema France/Commission, T‑189/06, Rec. p. II‑5455, point 114).

268    Selon la jurisprudence, les amendes infligées en raison de violations de l’article 65 CA ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union. Or, le lien entre, d’une part, la taille et les ressources globales des entreprises, et, d’autre part, la nécessité d’assurer un effet dissuasif à l’amende ne saurait être contesté. Ainsi, la Commission, lorsqu’elle calcule le montant de l’amende, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’entreprise concernée (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 106 et 120, et Dansk Rørindustri e.a./Commission point 246 supra, point 243 ; arrêt Arkema France/Commission, point 267 supra, point 113 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 102, et la jurisprudence citée). La Commission est donc en droit de retenir le chiffre d’affaires global de chaque entreprise faisant partie d’une entente comme critère pertinent aux fins de la fixation d’un taux multiplicateur de dissuasion (voir, en ce sens, arrêt Showa Denko/Commission, point 262 supra, points 17 et 18).

269    Ainsi, la taille et les ressources globales d’une entreprise sont les critères pertinents eu égard à l’objectif poursuivi, à savoir garantir l’effectivité de l’amende en adaptant son montant en considération des ressources globales de l’entreprise et de sa capacité à mobiliser les fonds nécessaires pour le paiement de ladite amende. En effet, la fixation du taux de majoration du montant de départ pour assurer un effet suffisamment dissuasif à l’amende vise davantage à garantir l’effectivité de l’amende qu’à rendre compte de la nocivité de l’infraction pour le jeu normal de la concurrence et, donc, de la gravité de ladite infraction (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 672, et du 13 juillet 2011, General Technic‑Otis e.a./Commission, T‑141/07, T‑142/07, T‑145/07 et T‑146/07, Rec. p. II‑4977, point 241).

270    Eu égard à ces considérations, c’est à bon droit que la Commission a tenu compte du chiffre d’affaires global des entreprises concernées aux fins de la majoration du montant de départ de l’amende aux fins de dissuasion.

271    En troisième lieu, à le supposer recevable, il convient de rejeter l’argument de la requérante, formulé dans la réplique, selon lequel il aurait été plus juste de majorer le montant de départ en fonction de la durée de l’infraction avant d’appliquer le coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion. Il y a lieu en effet de souligner que la requérante ne conteste pas la légalité de la méthodologie exposée au point 1 A des lignes directrices de 1998 concernant la détermination du montant de départ de l’amende. Or, ledit point prévoit la nécessité de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif au titre de la gravité de l’infraction et, partant au stade de la fixation du montant de départ de l’amende, et non lors de la majoration au titre des circonstances aggravantes.

272    Par ailleurs, également à le supposer recevable, il convient de rejeter l’argument fondé sur la prétendue illégalité de la majoration en ce qu’elle serait fondée sur le chiffre d’affaires de 2001, sans considérer que, jusqu’en 1995, les rapports de force entre les entreprises étaient différents. Outre que la Commission a souligné, au considérant 605 de la décision attaquée, que l’augmentation de 375 % dans le cas de Riva restait aussi justifiée sur la base des données de 2008, il y a lieu de rappeler que, notamment du fait d’opérations de cession ou de concentration, les ressources globales d’une entreprise peuvent varier de manière significative, à la hausse ou à la baisse, en un laps de temps relativement bref, en particulier entre la cessation de l’infraction et l’adoption de la décision infligeant l’amende. Il s’ensuit que lesdites ressources doivent être évaluées, afin de correctement atteindre l’objectif de dissuasion, et ce dans le respect du principe de proportionnalité, au jour où l’amende est infligée (arrêt du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, point 159 supra, point 85, et arrêt Degussa/Commission, point 267 supra, point 285). Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en considération, lors de la détermination de la majoration au titre de l’effet dissuasif, le chiffre d’affaires réalisé par la requérante en 2008.

273    En quatrième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée opérerait une « scission » entre l’interdiction, fondée sur les dispositions du traité CECA, et la sanction, fondée sur les dispositions CE, doit également être rejeté. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le règlement n° 1/2003 et, plus particulièrement, son article 7, paragraphe 1, et son article 23, paragraphe 2, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à la Commission de constater et de sanctionner, après le 23 juillet 2002, les ententes réalisées dans les secteurs relevant du champ d’application du traité CECA ratione materiae et ratione temporis, et ce quand bien même les dispositions précitées dudit règlement ne mentionneraient pas expressément l’article 65 CA (voir arrêts du Tribunal du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T‑405/06, Rec. p. II‑771, point 64, et du 1er juillet 2009, ThyssenKrupp Stainless/Commission, T‑24/07, Rec. p. II‑2309, point 84, et la jurisprudence citée, confirmés sur pourvoi par arrêts de la Cour du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I‑2239, point 74, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I‑2359, points 72, 73 et 87).

274    La prétendue violation des droits de la défense de la requérante doit également être écartée pour les motifs exposés aux points 104 et 105 ci-dessus.

275    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la présente branche du huitième moyen.

 Sur le défaut et le caractère contradictoire de la motivation et sur la violation du principe d’égalité de traitement, en ce que les dirigeants de Riva (et de Lucchini) sont les seuls à avoir été considérés comme étant impliqués dans l’infraction

276    La requérante affirme que, étant donné que la majoration du montant de l’amende est calculée en fonction de la différence entre les chiffres d’affaires des entreprises intéressées, elle ne comprend pas le rôle qu’il convient d’attribuer à l’argument relatif à l’implication des plus hautes instances de Riva dans l’infraction. Premièrement, la motivation serait contradictoire et équivoque, puisque le considérant 604 de la décision attaquée serait fondé sur le fait que Riva et Lucchini ont réalisé des chiffres d’affaires plus élevés que ceux des autres entreprises. En outre, la motivation de la décision attaquée serait obscure en ce que, au considérant 604 de celle-ci, la Commission se référerait à « l’importance relative du marché pertinent ». Deuxièmement, toutes les entreprises auraient adopté le même comportement. Troisièmement, la référence, au considérant 603 de la décision attaquée, à l’arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission (T‑31/99, Rec. p. II‑1881) serait dépourvue de pertinence, étant donné les différences entre la position de la partie requérante dans cette affaire et celle de Riva en l’espèce.

277    À cet égard, il résulte des considérations formulées aux points 262 à 275 ci-dessus que le Tribunal a jugé que c’était à bon droit que la Commission avait majoré le montant de départ de l’amende de Riva de 375 % aux fins de dissuasion. Il s’ensuit que la présente branche ne pourra qu’être écartée.

278    Au demeurant, en premier lieu, s’agissant du prétendu caractère contradictoire et équivoque de la motivation figurant au considérant 604 de la décision attaquée, ainsi qu’il a déjà été évoqué au point 263 ci-dessus, celui-ci dispose que :

« Déjà dans la [décision de 2002], la Commission estimait qu’en ce qui concernait Riva et Lucchini[-SP] il convenait d’augmenter le montant de base de l’amende calculé en fonction de l’importance relative du marché en cause, afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de ces entreprises. En effet, le chiffre d’affaires réalisé dans le domaine des produits CECA par ces entreprises (environ 3,5 milliards d’[euros] pour Riva en 2001 et environ 1,2 milliard d’[euros] pour Lucchini) était de très loin supérieur à celui des autres entreprises impliquées dans la présente affaire. Il convient également de rappeler que, ainsi qu’il ressort du dossier, les plus hautes instances de ces entreprises ont souvent été directement impliquées dans les infractions en cause. C’est pourquoi, afin que l’amende ait un effet suffisamment dissuasif, la Commission estimait qu’il convenait d’en augmenter le montant de base de 225 % dans le cas de Lucchini/Siderpotenza, dans la mesure où son chiffre d’affaires pour les produits CECA était environ trois fois supérieur à celui de la plus grande des autres entreprises, et de 375 % dans le cas de Riva, dont le chiffre d’affaires pour les produits CECA était environ trois fois supérieur à celui de Lucchini/Siderpotenza. »

279    Il ressort donc clairement du considérant 604 de la décision attaquée que c’est en raison de leur taille et de leurs ressources globales que le montant de départ de leur amende a été majoré. Si, certes, la Commission a ajouté que « les plus hautes instances de ces entreprises [avaie]nt souvent été directement impliquées dans les infractions en cause », une telle affirmation n’a été faite qu’à titre surabondant, en sorte qu’il n’y a pas lieu de considérer que la motivation figurant au considérant 604 de la décision attaquée présenterait une quelconque contradiction ou serait équivoque. Ladite motivation ne saurait davantage être qualifiée d’obscure, la référence à « l’importance relative du marché pertinent » étant immédiatement suivie du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises en cause dans le domaine des produits relevant du traité CECA, respectivement de 3,5 milliards d’euros pour Riva et de 1,2 milliard d’euros pour Lucchini, et se réfère donc à ce dernier.  

280    En second lieu, la Commission n’ayant mentionné l’arrêt Showa Denko/Commission, point 262 supra, rendu sur pourvoi contre l’arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 276 supra, au considérant 603 de la décision attaquée, qu’aux fins de rappeler que la légalité des lignes directrices de 1998 avait été confirmée par la Cour et non afin de procéder à une comparaison entre la position de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 276 supra, et celle de Riva en l’espèce, l’argumentation de la requérante doit être écartée sur ce point.

281    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la présente branche du huitième moyen.

 Sur le défaut d’instruction en ce qui concerne l’examen de la position spécifique de la requérante, plus particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance de circonstances atténuantes

282    La requérante affirme, premièrement, que la Commission n’a pas examiné avec suffisamment d’attention les responsabilités individuelles des participants à l’entente et elle n’appliquerait même pas de réduction à Riva au regard des responsabilités moins importantes qu’elle a constatées et reconnues, telles que la suspension de sa participation à l’entente pour une durée de six mois en 1998 et le fait qu’elle n’ait pas participé au contrôle de la production confié à un cabinet d’audit. L’explication fournie par la Commission à cet égard au considérant 613 de la décision attaquée serait insatisfaisante. Deuxièmement, la Commission aurait omis, sans justification, de considérer, en premier lieu, que Riva a toujours refusé d’adhérer au contrôle de la production confié à un cabinet d’audit, en deuxième lieu, que Riva a toujours opéré sur le marché de manière autonome, en troisième lieu, que l’implication de Riva devrait, tout au plus, se limiter à la période antérieure à 1995, ou tout au plus, à la période antérieure à 1997, étant donné que, au cours de la période ultérieure, la concertation aurait pris une tournure plus grave, à laquelle Riva n’aurait pas pris part et, en quatrième lieu, que Riva aurait collaboré avec la Commission tout au long de la procédure, en déclarant notamment ne pas contester les faits dès le début de l’enquête et après la communication des griefs.

283    À titre liminaire, s’agissant du premier argument de la requérante, selon lequel la Commission n’aurait pas examiné avec suffisamment d’attention les responsabilités individuelles des participants à l’entente, il y a lieu de considérer, au vu de la référence au considérant 613 de la décision attaquée, que la requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir reconnu un rôle exclusivement passif ou suiviste dans l’infraction.

284    Conformément au point 3 des lignes directrices de 1998, le rôle exclusivement passif ou suiviste d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction constitue, s’il est établi, une circonstance atténuante, étant précisé que ce rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire d’une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels. Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, points 167 et 168 ; du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 126, et du 30 septembre 2009, Arkema/Commission, T‑168/05, non publié au Recueil, points 148 et 149).

285    Or, outre que la requérante ne formule aucun argument précis visant à démontrer son rôle exclusivement passif ou suiviste dans l’infraction, il doit être relevé qu’il ressort du considérant 563 de la décision attaquée et des autres considérants qui y sont cités que la requérante n’a pas eu un rôle exclusivement passif ou suiviste, dès lors, en premier lieu, qu’elle a notamment communiqué à de multiples reprises des informations confidentielles utiles pour une gestion efficace de l’entente, en deuxième lieu, qu’elle a été remerciée par Leali « pour la collaboration et la disponibilité manifestées durant l’année 1996 afin de maintenir une situation de marché ordonnée » (considérant 202 de la décision attaquée) et, en troisième lieu, qu’elle a participé activement aux décisions relatives à la fixation du prix de base (considérants 210 et 214 de la décision attaquée).

286    Pour ce qui concerne les autres arguments avancés par la requérante qui justifieraient l’octroi de circonstances atténuantes, premièrement, il convient, s’agissant de l’absence d’adhésion de la requérante au contrôle de la production par un cabinet d’audit, de se référer aux considérations figurant au point 220 ci-dessus.

287    Deuxièmement, la requérante affirme qu’elle s’est comportée sur le marché de manière autonome. Un tel argument doit être rejeté. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit. Si des circonstances atténuantes étaient reconnues dans un tel cas, il serait trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende dès lors qu’elles pourraient profiter d’une entente illicite et bénéficier ensuite d’une réduction du montant de l’amende au motif qu’elles n’auraient joué qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de l’infraction, alors que leur attitude a incité d’autres entreprises à se comporter d’une manière plus nuisible à la concurrence (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, point 258 supra, points 94 et 96 ; arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 151 supra, points 277 et 278, et du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 491).

288    Troisièmement, l’implication de Riva se limiterait à la période antérieure à 1995 ou, tout au plus, à la période antérieure à 1997. Un tel argument est toutefois fondé sur la prémisse, erronée, selon laquelle ce serait à tort que la Commission a constaté que la requérante a participé à l’entente entre le 6 décembre 1989 et le 27 juin 2000. Son argument ne saurait donc prospérer.

289    Quatrièmement, la requérante aurait collaboré avec la Commission tout au long de la procédure, notamment en ne contestant pas les griefs. Dès lors que la requérante se fonde à cet égard sur les arguments figurant dans la branche du présent moyen relative à l’application de la communication sur la coopération de 1996, ceux-ci seront examinés dans ce cadre (voir points 298 à 320 ci-après).

290    Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à bon droit que la Commission n’a pas reconnu à la requérante le bénéfice de circonstances atténuantes. 

 Sur la violation du principe de proportionnalité commis lors de la fixation du montant de l’amende

291    La requérante soutient que, lors du calcul du montant de l’amende infligée à Riva, la Commission a violé le principe de proportionnalité, en majorant de 375 % le montant de départ de son amende aux fins de dissuasion. Tandis que, dans le cas de Feralpi et de Valsabbia, le montant de départ de 5 millions d’euros aurait été un peu plus que doublé, compte tenu de la majoration au titre de la durée (soit 10,25 millions d’euros), dans le cas de Riva, ce montant aurait été multiplié par 7,7. À cet égard, la Commission ne serait pas fondée, pour déterminer le montant d’une amende pour violation de l’article 65 CA, à se baser exclusivement ou presque exclusivement sur le chiffre d’affaires de cette dernière réalisé sur les produits relevant du traité CECA.

292    Il convient de relever que le raisonnement de la requérante n’apparaît pas clairement et semble se confondre, à tout le moins partiellement, avec la branche du huitième moyen, tirée du détournement de pouvoir en ce que l’amende finale a été fixée sur la base de la taille globale de la requérante (voir points 262 à 275 ci-dessus).

293    En premier lieu, la requérante affirme que « la violation du principe de proportionnalité est liée au multiplicateur adopté dans la décision pour tenir compte non de la taille et des ressources de Riva, mais uniquement de son chiffre d’affaires (et précisément de son chiffre d’affaires global réalisé sur les produits relevant du traité CECA) ». Or, ainsi qu’il a été rappelé aux points 268 et 269 ci-dessus, la taille et les ressources globales d’une entreprise sont les critères pertinents eu égard à l’objectif poursuivi, à savoir garantir l’effectivité de l’amende en adaptant son montant en considération des ressources globales de l’entreprise et de sa capacité à mobiliser les fonds nécessaires pour le paiement de ladite amende.

294    En deuxième lieu, la requérante opère une comparaison entre sa situation et celle de Feralpi et Valsabbia, dont le montant de base « a[urait] été un peu plus que doublé, compte tenu également d’une majoration supplémentaire liée à la durée de l’infraction (10,25 millions d’euros dans les deux cas), alors que dans le cas de Riva, a été multiplié par 7,7 ». La portée de l’argumentation de la requérante précitée n’apparaît pas non plus clairement. Dès lors que la majoration au titre de la durée a été identique pour Feralpi, Valsabbia et Riva, et s’est élevée à 105 % (considérants 606 et 607 de la décision attaquée), l’argument de la requérante doit être compris comme visant à contester la prise en compte de la majoration aux fins de dissuasion au titre de la gravité de l’infraction (et de la fixation du montant de départ de l’amende, avant la majoration au titre de la durée) et non au titre des circonstances aggravantes. Un tel argument a toutefois déjà été rejeté au point 271 ci-dessus.

295    En troisième lieu, la requérante affirme que la Commission n’était pas autorisée à fixer le montant de l’amende en se fondant exclusivement ou presque exclusivement sur le chiffre d’affaires de cette dernière réalisé sur les produits relevant du traité CECA.

296    Une telle affirmation est toutefois fondée sur une prémisse erronée, dès lors que, ainsi qu’il ressort des considérants 575 à 642 de la décision attaquée, rappelés aux points 33 à 40 ci-dessus, la Commission s’est fondée, aux fins de la fixation du montant de l’amende, sur la gravité et la durée de l’infraction, sur l’existence éventuelle de circonstances aggravantes et atténuantes ainsi que sur la coopération des entreprises au titre de la communication sur la coopération de 1996. Le chiffre d’affaires de la requérante réalisé sur les produits relevant du traité CECA n’a en revanche été utilisé qu’aux fins de déterminer la majoration de l’amende aux fins de dissuasion.

297    Il résulte des considérations qui précèdent que la présente branche du huitième moyen doit être rejetée.

 Sur la violation de la communication sur la coopération de 1996

298    La requérante affirme que, contrairement à ce que soutient la Commission au considérant 641 de la décision attaquée, elle n’a jamais contesté le contenu des documents produits par la Commission lors de la reconnaissance de la matérialité des faits qui lui étaient imputés. En particulier, Riva n’aurait jamais contesté l’insertion par la Commission, dans les faits décrits par la communication des griefs, d’appréciations subjectives relatives à l’existence d’accords ou de pratiques concertées (considérant 310 de la décision attaquée). En outre, Riva ne se serait pas limitée à reconnaître l’existence de certaines réunions entre les producteurs, mais aurait également admis y avoir pris part, alors qu’elle n’y était pas tenue. La requérante se serait limitée, dans l’exercice de ses droits de la défense, à contester la qualification juridique attribuée par la Commission auxdits faits, quant à la portée, à la durée et à la gravité de la concertation.

299    La requérante ajoute que la reconnaissance des faits ne s’est pas produite seulement après la communication des griefs, comme l’exige le point D de la communication sur la coopération de 1996, mais dès les premiers jours qui ont suivi l’inspection menée par la Commission et donc bien avant la réception de la première demande de renseignements. Cette position aurait été maintenue tout au long de la procédure. En l’espèce, le choix de la requérante de ne pas contester les faits reprochés dans la communication des griefs aurait facilité la tâche de la Commission, qui consistait à constater l’existence d’une infraction et à y mettre fin. À cet égard, Riva aurait d’ailleurs informé la Commission de son intention de sensibiliser ses employés et d’adopter des mesures disciplinaires internes, dans le but de décourager à l’avenir la participation à des réunions ayant un contenu analogue.

300    À titre liminaire, il doit être relevé que, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 633 de la décision attaquée, bien qu’elle ait publié, le 19 février 2002 (JO C 45, p. 3) et le 8 décembre 2006 (JO C 298, p. 17), de nouvelles communications sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, c’est la communication sur la coopération de 1996 qui a été appliquée en l’espèce.

301    Dans la communication sur la coopération de 1996, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourraient être exemptées d’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter (point A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération de 1996).

302    Selon le point B de la communication sur la coopération de 1996, il est prévu ce qui suit :

« L’entreprise qui : a) dénonce l’entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, et sans qu’elle dispose déjà d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’entente dénoncée ; b) est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente ; c) a mis fin à sa participation à l’activité illicite au plus tard au moment où elle dénonce l’entente ; d) fournit à la Commission toutes les informations utiles, ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elle dispose au sujet de l’entente et maintient une coopération permanente et totale tout au long de l’enquête ; e) n’a pas contraint une autre entreprise à participer à l’entente, ni eu un rôle d’initiation ou un rôle déterminant dans l’activité illicite, bénéficie d’une réduction d’au moins 75 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération, réduction pouvant aller jusqu’à la non-imposition totale de l’amende. »

303    Le point C de la communication sur la coopération de 1996 prévoit que « [l]’entreprise qui, remplissant les conditions exposées au [point] B [, sous] b) à e), dénonce l’entente secrète après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, sans que cette vérification ait pu donner une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure en vue de l’adoption d’une décision, bénéficie d’une réduction de 50 à 75 % du montant de l’amende ».

304    Le point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération de 1996 dispose enfin que, « [l]orsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération », tandis que son paragraphe 2 précise ce qui suit :

« Tel peut notamment être le cas si :

–        avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

–        après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. »

305    Il convient également de rappeler que l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, lequel constitue la base juridique pour l’imposition des amendes en cas d’infraction aux règles de la concurrence de l’Union, confère à la Commission une marge d’appréciation dans la fixation des amendes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 127) qui est, notamment, fonction de sa politique générale en matière de concurrence (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 268 supra, points 105 et 109). C’est dans ce cadre que, pour assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions en matière d’amendes, la Commission a adopté et publié la communication sur la coopération de 1996. Il s’agit d’un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères qu’elle compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Il en résulte une autolimitation de ce pouvoir (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T‑214/95, Rec. p. II‑717, point 89), dans la mesure où il appartient à la Commission de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est imposées (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, Rec. p. II‑2169, point 57).

306    L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption de la communication sur la coopération de 1996 n’est toutefois pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission (voir, par analogie, arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 287 supra, point 224).

307    La communication sur la coopération de 1996 contient, en effet, différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions de l’article 23 du règlement n° 1/2003, telles qu’interprétées par la Cour (voir, par analogie, arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 287 supra, point 224).

308    Ainsi, il doit être relevé que la Commission bénéficie d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, point 122 supra, point 88, et arrêt Hoechst/Commission, point 267 supra, point 555). L’appréciation de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie par une entreprise implique en effet des appréciations factuelles complexes (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, point 122 supra, point 81, et arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 246 supra, point 271).

309    De même, la Commission, après avoir constaté que des éléments de preuve contribuaient à confirmer l’existence de l’infraction commise, dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’elle est appelée à déterminer le niveau exact de la réduction du montant de l’amende à accorder à l’entreprise concernée. En effet, le point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération de 1996 prévoit une fourchette pour la réduction du montant de l’amende.

310    Eu égard à la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour évaluer la coopération d’une entreprise au titre de la communication sur la coopération de 1996, seul un excès manifeste de cette marge est susceptible d’être censuré par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, point 122 supra, points 81, 88 et 89, et arrêt Hoechst/Commission, point 267 supra, point 555).

311    Ainsi qu’il a été souligné au point 258 ci-dessus, lors de ce contrôle, le juge ne saurait toutefois s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission ni en ce qui concerne le choix des éléments pris en considération lors de l’application des critères mentionnés dans la communication sur la coopération de 1996, ni en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait.

312    En premier lieu, il convient de souligner, à l’instar de la Commission, que le paragraphe 1 du point E de la communication sur la coopération de 1996, intitulé « Procédure », dispose que « [t]oute entreprise souhaitant bénéficier du traitement favorable prévu par la présente communication doit prendre contact avec la direction générale de la concurrence de la Commission ». Or, il est constant que la requérante n’a pas formulé une quelconque demande à la Commission au titre de ladite communication.

313    La requérante se réfère à cet égard à une lettre du 27 octobre 2000, par laquelle le représentant de Riva a déclaré, à la suite d’une vérification qui s’était déroulée en son absence à son siège, « que des réunions [avaie]nt effectivement eu lieu entre les représentants de producteurs de ronds à béton et que des questions notamment commerciales [avaie]nt été soulevées au cours de celles-ci ou de certaines d’entre elles » et que la dernière réunion avait eu lieu le 25 octobre 2000. Lors de l’audience, la requérante s’est également référée à une déclaration dont la substance est identique, figurant dans la réponse à la communication des griefs supplémentaires. Toutefois, une telle déclaration ne saurait être considérée comme une demande adressée à la Commission en vue de l’application de la communication sur la coopération de 1996.

314    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler qu’une réduction du montant d’une amende au titre de la coopération lors de la procédure administrative n’est justifiée que si le comportement de l’entreprise en cause a permis à la Commission de constater l’infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d’y mettre fin (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 156, et Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 191 supra, point 270.

315    En outre, selon la jurisprudence, une entreprise qui déclare expressément qu’elle ne conteste pas les allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs peut être considérée comme ayant contribué à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union et justifier une réduction du montant de l’amende. Il en est autrement lorsqu’une entreprise conteste dans sa réponse l’essentiel de ces allégations. En effet, en adoptant une telle attitude lors de la procédure administrative, l’entreprise ne contribue pas à faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, points 395 et 396).

316    Or, contrairement à ce qu’elle prétend, Riva n’a pas déclaré expressément qu’elle ne contestait pas les allégations de fait sur lesquelles la Commission a fondé ses griefs. Elle reconnaît d’ailleurs, dans ses écritures, qu’elle a seulement déclaré « avoir participé à des réunions avec d’autres producteurs de ronds à béton », au cours desquelles des questions commerciales avaient également été discutées. En revanche, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante a contesté avoir participé à des accords et/ou pratiques concertées avec les autres producteurs italiens de ronds à béton. Ainsi, le fait pour la requérante d’avoir reconnu avoir participé à certaines réunions entre producteurs, tout en niant leur objet anticoncurrentiel, n’a pas facilité la tâche de celle-ci consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union.

317    La requérante ne saurait davantage tirer argument, au titre de sa prétendue coopération au titre de la communication sur la coopération de 1996, du fait qu’elle aurait mis fin à l’infraction très rapidement après l’ouverture de l’enquête ou de la prise de mesures disciplinaires internes afin de décourager à l’avenir la participation à des réunions anticoncurrentielles.

318    Premièrement, force est de constater que de tels éléments sont dépourvus de pertinence aux fins de l’application de la communication sur la coopération de 1996 et ne sauraient être considérés comme ayant facilité la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de la concurrence de l’Union.

319    Deuxièmement, à supposer même que les arguments de la requérante devraient être interprétés comme une demande que lui soient reconnues des circonstances atténuantes, ils doivent être rejetés. D’une part, la reconnaissance d’une circonstance atténuante au titre de la cessation de l’infraction dès les premières interventions de la Commission est nécessairement liée aux circonstances de l’espèce, qui peuvent amener la Commission à ne pas l’accorder à une entreprise partie à un accord illicite (arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, point 104). À cet égard, l’application de cette disposition des lignes directrices en faveur d’une entreprise sera particulièrement adéquate dans une situation où le caractère anticoncurrentiel du comportement en cause n’est pas manifeste (voir arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, Rec. p. II‑4819, point 275, et la jurisprudence citée), ce qui n’est pas le cas en l’espèce, plusieurs communications portant la mention « À détruire après lecture ». D’autre part, s’il est certes important qu’une entreprise prenne des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit de la concurrence de l’Union soient commises à l’avenir par des membres de son personnel, la prise de telles mesures ne change rien à la réalité de l’infraction constatée et n’oblige pas la Commission à octroyer une réduction du montant de l’amende en raison de cette circonstance (voir arrêt General Technic–Otis e.a./Commission, point 269 supra, point 282, et la jurisprudence citée).

320    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de rejeter la présente branche du huitième moyen, ainsi que le moyen dans son ensemble.

321    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de faire droit à la demande de réduction du montant de l’amende formulée par la requérante (voir point 220 ci-dessus), le recours étant rejeté pour le surplus.

 Sur le montant final de l’amende

322    Eu égard aux considérations développées aux points 216 à 220 ci-dessus et aux circonstances de l’espèce, il y a lieu d’appliquer, en vertu du pouvoir de pleine juridiction conféré au Tribunal par l’article 31 du règlement n° 1/2003, une réduction de 3 % au montant de base de l’amende de la requérante, au titre de la circonstance atténuante tenant à l’absence de participation de cette dernière, pendant environ une année, au volet de l’entente relatif à la limitation ou au contrôle de la production ou des ventes.

323    Le montant final de l’amende infligée à la requérante est donc calculé comme suit : au montant de base de l’amende (26,9 millions d’euros) sont soustraits 3 % de ce montant (807 000 euros), ce qui aboutit à un montant final de 26 093 000 euros.

 Sur les dépens

324    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

325    Le recours n’ayant été que partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux de la Commission. La Commission supportera un quart de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le montant de l’amende infligée à Riva Fire SpA est fixé à 26 093 000 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Riva Fire supportera ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux de la Commission européenne. La Commission supportera un quart de ses propres dépens.

Martins Ribeiro

Berardis

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2014.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Dispositions du traité CECA

Dispositions du traité CE

Règlement (CE) n° 1/2003

Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

Objet du litige

Antécédents du litige

Première décision

Développements postérieurs à la notification de la première décision

Décision modificative

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur l’adoption par le collège des membres de la Commission d’un projet de décision incomplet

Sur le premier moyen, tiré de l’absence de compétence de la Commission à la suite de l’expiration du traité CECA et de la violation du règlement n° 1/2003

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 10, paragraphes 3 et 5, du règlement n° 17 et de l’article 14, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1/2003

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 36, premier alinéa, CA

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des articles 10 et 11 du règlement (CE) n° 773/2004 et de la violation des droits de la défense de la requérante

Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs s’agissant de la définition du marché géographique pertinent et de l’application du principe de la lex mitior

Sur le sixième moyen, tiré d’une dénaturation des faits et de la violation de l’article 65 CA en ce qui concerne les différents aspects de l’infraction reprochée à la requérante

Sur les notions d’accords et de pratiques concertées

Sur les principes relatifs à la charge de la preuve

Sur la fixation du prix de base

Sur la fixation des prix des suppléments de dimension

Sur la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes

Sur les effets de l’entente

Sur le septième moyen, tiré de l’absence d’instruction et d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’imputation à la requérante de l’infraction dans son ensemble et la position spécifique de cette dernière au regard des comportements qui lui sont reprochés

Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de la violation de la communication sur la coopération de 1996, de la violation des lignes directrices de 1998, d’un détournement de pouvoir, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement lors de la fixation du montant de l’amende

Observations liminaires

Sur le détournement de pouvoir et la violation du principe de proportionnalité commis lors de la fixation du montant de départ de l’amende infligée à Riva

Sur le détournement de pouvoir en ce que l’amende finale a été fixée sur la base de la taille globale de la requérante

Sur le défaut et le caractère contradictoire de la motivation et sur la violation du principe d’égalité de traitement, en ce que les dirigeants de Riva (et de Lucchini) sont les seuls à avoir été considérés comme étant impliqués dans l’infraction

Sur le défaut d’instruction en ce qui concerne l’examen de la position spécifique de la requérante, plus particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance de circonstances atténuantes

Sur la violation du principe de proportionnalité commis lors de la fixation du montant de l’amende

Sur la violation de la communication sur la coopération de 1996

Sur le montant final de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.