Language of document : ECLI:EU:T:2008:293

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

15 juillet 2008 (*)

« Référé – Marchés publics – Procédure communautaire d’appel d’offres – Rejet d’une demande de participation – Demande de sursis à exécution et de mesures provisoires – Défaut de fumus boni juris – Perte d’une chance – Absence de préjudice grave et irréparable – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑202/08 R,

Centre de langues à Louvain-la-Neuve et -en-Woluwe (CLL Centres de langues), établi à Louvain-la-Neuve (Belgique), représenté par Mes F. Tulkens et V. Ost, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. N. Bambara et E. Manhaeve, en qualité d’agents, assistés de Me P. Wytinck, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de mesures provisoires visant, en substance, à permettre au Centre de langues à Louvain-la-Neuve et -en-Woluwe (CLL Centres de langues) de participer à la procédure d’appel d’offres ADMIN/D1/PR/2008/004 concernant le marché « Formations linguistiques pour le personnel des institutions, organes et agences de l’Union européenne (UE) implantés à Bruxelles » et à suspendre la décision d’exclusion de la Commission jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours en annulation dirigé contre cette décision,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Par un avis de marché publié le 4 mars 2008 (ADMIN/D1/PR/2008/004), la Commission a lancé un appel d’offres, en application du titre V (« Passation des marchés publics ») de la première partie du règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), pour la prestation de services dans le domaine des formations linguistiques pour le personnel des institutions, organes et agences de l’Union européenne (UE) implantés à Bruxelles.

2        À cette fin, elle a choisi d’attribuer le marché selon la procédure restreinte au sens de l’article 122, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) nº 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) nº 1261/2005 de la Commission, du 30 juillet 2005 (JO L 201, p. 3, ci-après le « règlement d’exécution »). En vertu de cette disposition, le marché sur appel à la concurrence est restreint lorsque tous les opérateurs économiques peuvent demander à participer et que seuls les candidats satisfaisant aux critères de sélection et invités par les pouvoirs adjudicateurs peuvent présenter une offre.

3        Le marché en cause est constitué de dix lots correspondant chacun à l’enseignement d’une langue ou d’un groupe de langues. L’avis de marché prévoit la conclusion d’un contrat d’une durée de 48 mois à compter de la date d’attribution du contrat. Ce contrat, qui sera attribué au soumissionnaire ayant remis l’offre économiquement la plus avantageuse, est destiné à remplacer, à partir du mois de janvier 2009, un contrat portant sur des services d’enseignement semblables que la Commission avait, en 2004, attribué au requérant, le Centre de langues à Louvain-la-Neuve et -en-Woluwe (CLL Centres de langues).

4        S’agissant des conditions de participation à la procédure en cause, l’avis de marché prévoit, au point III.2.1, que « les demandes de participation se font par lettre envoyée avant l’expiration de la date ou du délai visé au point IV.3.4 du présent avis », ce dernier point énonçant la date limite suivante : « 8.4.2008 (16 :00) ». Le point VI.3.2 de l’avis de marché attire expressément l’attention des intéressés sur le fait qu’ils doivent « présenter leur demande de participation en respectant strictement les conditions indiquées au point III.2 du présent avis, c’est-à-dire : […] envoyer leur candidature par lettre avant l’expiration de la date ou du délai visé au point IV.3.4 ». Le point VI.3.2 poursuit en précisant que « [l]es candidatures incomplètes pourront être écartées d’office ».

5        Ainsi qu’il ressort du procès-verbal d’ouverture des candidatures établi le 10 avril 2008 par la commission d’ouverture, quinze demandes de participation ont été introduites, dans le respect de la date limite précitée et en conformité avec les modalités prescrites dans le règlement d’exécution et l’avis de marché.

6        Le 18 avril 2008, soit dix jours après la date limite d’envoi des candidatures, la demande de participation du requérant est parvenue à la Commission. Cette demande portait sur les lots 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 10 du marché en cause.

7        Dans une lettre du 24 avril 2008, le requérant a expliqué ce dépôt tardif par le fait que, à la suite d’un « malentendu administratif », il n’avait pris connaissance de l’avis de marché que le 17 avril 2008. Le requérant a estimé que, en raison du caractère non contraignant du délai indiqué pour le dépôt des demandes de participation, la Commission avait le pouvoir, voire l’obligation, d’admettre la demande qu’il avait introduite le 18 avril, étant donné que son exclusion, alors qu’il avait en 2004 remporté un marché identique en déposant l’offre économiquement la plus avantageuse, affaiblirait sensiblement le niveau de concurrence.

8        Ainsi qu’il ressort du procès-verbal de réception et d’évaluation des candidatures établi le 20 mai 2008 par le comité d’évaluation, la Commission a exclu cinq candidatures, dont celle du requérant, des suites de la procédure.

9        Par lettre du 23 mai 2008, reçue le 27 mai 2008, la Commission a informé le requérant que sa candidature n’avait pas été retenue, au motif que sa demande de participation avait été déposée hors délai, soit le 18 avril 2008, alors que la date limite de dépôt avait été fixée au 8 avril 2008, à 16 heures (ci-après la « décision attaquée »).

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2008, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée. Il reproche à la Commission, en substance, d’avoir estimé à tort qu’elle ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation quant à l’admission de sa candidature, bien que l’avis de marché ne prévoie pas de sanction en cas de demande de participation tardive, et d’avoir violé le principe de proportionnalité.

11      Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande de procédure accélérée, au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal, ainsi que la présente demande en référé, dans laquelle il conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner à la Commission, au titre de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure, à titre provisoire et dans l’attente du prononcé de l’ordonnance qui mettra fin à la présente procédure de référé, de lui communiquer immédiatement le cahier des charges et de l’autoriser à participer pleinement à la phase d’appel d’offres ;

–        suspendre la décision attaquée, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours visant à l’annulation de cette décision ;

–        accorder toutes autres mesures jugées appropriées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      Par ordonnance du 9 juin 2008, adoptée au titre de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure, il a été sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé, d’une part, et ordonné à la Commission de communiquer immédiatement au requérant le cahier des charges relatif à la procédure d’appel d’offres litigieuse et de lui permettre de présenter une offre pour les lots 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 10 du marché en cause, d’autre part.

13      En exécution de cette ordonnance, la Commission a, le 10 juin 2008, transmis au requérant le cahier des charges en cause.

14      En outre, par lettre du même jour, la Commission a, sur demande du président du Tribunal, communiqué le calendrier prévisionnel des différentes étapes de la procédure d’appel d’offres en question.

15      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 18 juin 2008, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de suspension de la décision attaquée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

16      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

17      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

18      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

19      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur le fumus boni juris

 Arguments des parties

20      Selon le requérant, la décision attaquée est illégale, dans la mesure où elle est fondée sur la thèse incorrecte selon laquelle les demandes de participation tardives doivent automatiquement être écartées. Cette thèse négligerait le fait que, en l’absence de disposition contraire contenue dans les règlements applicables ou dans l’avis de marché en cause, le pouvoir adjudicateur a la possibilité d’admettre les candidatures tardives. Or, la Commission aurait commis une erreur de droit en refusant d’exercer le pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière.

21      En effet, l’exclusion du requérant n’aurait été imposée ni par l’article 123, paragraphe 3, ni par l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’exécution. Ces dispositions ne viseraient qu’à éviter que le pouvoir adjudicateur ne sollicite des candidatures après l’expiration du délai fixé, en violation du principe d’égalité, ou qu’il n’ouvre des offres avant l’expiration de ce délai, d’une part, et à permettre au pouvoir adjudicateur de fixer des modalités pour la communication des demandes de participation, d’autre part. Par ailleurs, alors que l’avis de marché en cause prévoit, au point VI.3.2, une sanction consistant à écarter les candidatures « incomplètes », une telle sanction radicale ne serait pas prévue pour les candidatures tardives.

22      Dans ce contexte, il conviendrait de faire une distinction entre une offre tardive et une demande de participation tardive. Si le strict respect du délai de dépôt d’une offre sert le double but d’éviter des fraudes et de garantir un traitement égal de tous les soumissionnaires, aucune de ces finalités n’entrerait en jeu lorsqu’il s’agit du délai de dépôt d’une demande de participation, étant donné qu’il n’y aurait pas de risque de fraude à ce stade de la procédure et que le délai imparti pour le dépôt des demandes de participation ne serait pas un délai pertinent pour le jeu de la concurrence.

23      Le requérant ajoute que la décision attaquée ne satisfait pas à l’obligation de motivation en ce que, premièrement, la Commission n’y indique pas pour quelle raison elle a omis de faire usage de son pouvoir d’admettre sa demande de participation, deuxièmement, elle s’est fondée sur une disposition non pertinente, à savoir l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’exécution, qui ne traite que des modalités de communication, et, troisièmement, elle n’indique pas les voies de recours ouvertes au requérant.

24      Enfin, le requérant considère que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité, la Commission ayant rejeté sa candidature, alors qu’elle aurait pu l’examiner, sans que cela ait perturbé le processus de sélection ou porté atteinte à l’égalité entre les candidats. Cette décision serait également contraire à l’article 123, paragraphe 1, du règlement d’exécution, qui prévoit que le nombre de candidats admis à soumissionner doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle. En effet, l’exclusion du requérant, qui avait déposé l’offre économiquement la plus avantageuse en 2004, affaiblirait de manière très sensible le niveau de concurrence.

25      La Commission rétorque que la situation litigieuse, à savoir le dépôt tardif de candidature, est le résultat d’une négligence du requérant lui-même. La demande en référé viserait à réparer les conséquences de cette négligence. Cependant, passer outre ladite négligence porterait atteinte aux principes d’égalité des candidats, de transparence, de sécurité juridique ainsi que de protection de la confiance légitime et mettrait en péril le bon fonctionnement de la procédure.

26      La fixation d’une date limite pour le dépôt des candidatures serait conforme aux articles 140 et 143 du règlement d’exécution, selon lesquels les demandes de participation doivent être présentées avant une telle date.

27      Le grief tiré d’une violation de l’article 123, paragraphe 1, du règlement d’exécution méconnaîtrait que la finalité d’organiser des marchés publics aux meilleures conditions de concurrence possibles doit être conciliée avec le principe d’égalité d’accès aux marchés publics ainsi qu’avec les principes de transparence et de non-discrimination (considérant 26 du règlement d’exécution). Or, le respect de ces principes commanderait que les demandes non conformes aux modalités de remise prescrites dans l’avis de marché soient en principe écartées. La circonstance que le requérant a déposé l’offre économiquement la plus avantageuse lors du marché passé en 2004 ne pourrait lui donner un droit acquis à bénéficier d’un traitement de faveur.

28      S’agissant du grief tiré d’une insuffisance de motivation, la Commission estime avoir indiqué toutes les circonstances ayant motivé le rejet de la demande de participation du requérant, cette motivation ayant permis à ce dernier d’identifier les raisons du rejet de sa candidature et de défendre ses droits, ce qu’il aurait d’ailleurs fait. En outre, elle permettrait au juge communautaire d’exercer son contrôle.

29      Contrairement aux affirmations du requérant, la référence à l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’exécution serait parfaitement pertinente, puisque la décision attaquée est motivée par le non-respect des modalités de remise des demandes de participation fondées sur cette disposition. Ces modalités de remise (télécopieur, envoi recommandé, dépôt direct) seraient décrites au point III.2.1 de l’avis de marché ; elles comporteraient l’indication selon laquelle les demandes de participation se font « par lettre envoyée avant l’expiration de la date ou du délai visé au point IV.3.4 ».

30      Enfin, l’indication des voies de recours ne relèverait pas de l’obligation de motivation au sens de l’article 253 CE. En tout état de cause, le requérant aurait été parfaitement au courant des voies de recours qui lui étaient ouvertes et n’aurait eu aucune difficulté à introduire son recours.

 Appréciation du juge des référés

31      Afin de déterminer si la condition relative au fumus boni juris est remplie en l’espèce, il y a lieu de procéder à un examen prima facie du bien-fondé des griefs invoqués par le requérant à l’appui du recours principal et donc de vérifier si les arguments quant à la prétendue illégalité de la décision attaquée présentent un tel caractère sérieux qu’ils ne sauraient être écartés dans le cadre de la présente procédure en référé (voir, en ce sens, ordonnance du juge des référés du Tribunal du 28 septembre 2007, France/Commission, T‑257/07 R, non encore publiée au Recueil, point 59, et la jurisprudence citée).

32      En l’espèce, le requérant reproche à la Commission, par son premier grief, d’avoir commis une erreur de droit en s’abstenant d’exercer le pouvoir d’appréciation dont elle disposerait en l’espèce et dans l’exercice duquel elle aurait pu, voire dû, admettre sa candidature tardive, étant donné qu’aucune disposition n’aurait imposé son exclusion de la procédure litigieuse.

33      À cet égard, il suffit de constater qu’aucun élément du dossier ne permet, à première vue, de conclure que la Commission aurait renoncé à exercer un éventuel pouvoir d’appréciation et qu’elle aurait « automatiquement » rejeté comme tardive la demande de participation du requérant. Au contraire, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, celle-ci a été adoptée « [a]près examen des demandes de participation reçues ». Par ailleurs, en réponse à un courrier du requérant du 30 mai 2008, la Commission a, par lettre du 3 juin suivant, motivé le maintien de cette décision par la nécessité « d’assurer le plein respect du principe d’égalité de traitement des candidats et de sécurité juridique », après avoir déclaré que ledit courrier du requérant avait « fait l’objet d’une étude approfondie ».

34      Il s’ensuit que le premier grief ne saurait, à première vue, être retenu dans la mesure où le requérant excipe d’une erreur de droit.

35      Cependant, il convient encore d’examiner s’il apparaît, prima facie, que la Commission, en rejetant la candidature du requérant comme étant hors délai, a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’exercice de son prétendu pouvoir d’appréciation.

36      Dans ce contexte, le requérant ne conteste pas que le pouvoir adjudicataire puisse fixer des délais et des dates limites. Il fait, cependant, valoir que la réglementation communautaire applicable ne confère à ces délais et dates limites aucun caractère contraignant, au moins pour ce qui est des demandes de participation.

37      Toutefois, une lecture des textes pertinents n’est, à première vue, pas de nature à confirmer cette thèse du requérant.

38      Ainsi, l’article 140 du règlement d’exécution place sur un pied d’égalité les offres et les demandes de participation en prévoyant, de manière globale, des « délais de réception des offres et demandes de participation ». Si ladite disposition souligne que ces délais sont des délais minimaux, en imposant au pouvoir adjudicataire de les fixer de manière suffisamment longue – le requérant ne reproche d’ailleurs pas à la Commission d’avoir fixé un délai minimal de réception trop court dans le cadre de la présente procédure –, il semble à priori évident que même de tels délais minimaux ont nécessairement un terme qu’il convient de respecter.

39      Ensuite, l’article 145, paragraphe 1, du règlement d’exécution énonce que ne sont ouvertes par le pouvoir adjudicataire que « les demandes de participation et offres qui ont respecté les dispositions de l’article 143 » du même règlement. Or, le paragraphe 1 dudit article 143, après avoir prévu que les modalités de remise des demandes de participation étaient déterminées par le pouvoir adjudicataire (lettre, moyen électronique ou télécopieur), renvoie à la « date limite » prévue, notamment, à l’article 140 du règlement d’exécution.

40      S’il est vrai que ce renvoi est opéré en ce qui concerne la confirmation, par lettre ou par moyen électronique, de demandes de participation faites par télécopieur, il paraît évident que la portée de cette date limite ne peut être réduite à la seule hypothèse d’une demande faite par télécopieur, mais doit être valable pour tous les moyens de communication admis dans le cadre d’une même procédure de passation d’un marché public, et ce d’autant plus que, en vertu de l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’exécution, les différents moyens de communication doivent avoir un caractère non discriminatoire. Or, l’avis de marché en cause en l’espèce prévoit, au point III.2.1, que les demandes de participation se font par lettre ou par télécopieur. Il s’ensuit que la date limite fixée pour le dépôt de ces demandes doit être identique pour l’un et l’autre de ces moyens de communication.

41      Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, les moyens de communication décrits à l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’exécution et repris dans l’avis de marché, au point III.2.1, apparaissent indissociables du délai dans lequel les demandes de participation doivent être déposées : si le délai de dépôt n’est pas respecté, les modalités de communication prescrites sur la base dudit article ne semblent en effet pas non plus pouvoir être respectées.

42      Il résulte prima facie de ce qui précède que la Commission pouvait se fonder, à juste titre, sur les articles 140, 143 et 145 du règlement d’exécution pour fixer, dans l’avis de marché en cause, une date limite pour le dépôt des demandes de participation, soit le 8 avril 2008, à 16 heures, au plus tard, et pour décider que celles déposées hors délai seraient, le cas échéant, exclues de la procédure pour méconnaissance de l’article 143 dudit règlement.

43      Dans ce contexte, ne saurait être retenu l’argument du requérant selon lequel l’avis de marché ne prévoit aucune sanction pour les candidatures tardives. En effet, en prévoyant, au point VI.3.2, que « [l]es candidatures incomplètes pourront être écartées d’office », l’avis de marché permet manifestement l’exclusion des candidatures tardives, ces dernières étant les candidatures les plus incomplètes imaginables.

44      Enfin, il importe de rappeler que le requérant, dans sa correspondance avec la Commission au cours de la procédure précontentieuse, s’est borné à expliquer par un « malentendu administratif » le non-respect de la date limite de dépôt prévue dans l’avis de marché, sans invoquer l’existence d’un cas fortuit, d’une force majeure ou d’une erreur excusable (voir point 7 ci-dessus).

45      Dans ces circonstances, il convient de conclure que, à première vue, la Commission, après avoir constaté que les demandes de participation qui avaient été présentées avant cette date limite étaient au nombre de quinze (voir point 5 ci-dessus), pouvait écarter la candidature du requérant, eu égard aux principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement des candidats, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation.

46      Par conséquent, le premier grief soulevé par le requérant ne saurait permettre d’établir l’existence d’un fumus boni juris.

47      Il en va de même pour ce qui est du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, en ce que, dans la décision attaquée, la Commission n’indiquerait pas pour quelle raison elle s’est abstenue de faire usage de son pouvoir d’admettre la demande de participation du requérant et elle se serait fondée sur une disposition non pertinente, à savoir l’article 143, paragraphe 1, du règlement d’exécution. Ainsi qu’il vient d’être exposé, d’une part, ledit article apparaît tout à fait pertinent dans le présent contexte et, d’autre part, rien ne semble a priori permettre de conclure que la Commission aurait omis de faire usage de son prétendu pouvoir d’appréciation en rejetant la candidature du requérant.

48      Dans la mesure où le requérant fait encore grief à la Commission de ne pas avoir indiqué, dans la décision attaquée, les voies de recours qui lui étaient ouvertes, il suffit de relever qu’aucune disposition expresse du droit communautaire n’impose aux institutions une obligation générale d’informer les destinataires de leurs actes des recours juridictionnels ouverts ni des délais dans lesquels ils peuvent être exercés (ordonnance de la Cour du 5 mars 1999, Guérin automobiles/Commission, C‑153/98 P, Rec. p. 1441, points 13 et 15 ; arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 210). En tout état de cause, l’avis de marché en cause mentionne, au point VI.4.1, l’instance chargée des procédures de recours.

49      S’agissant du grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité, à première vue la Commission a pu considérer à bon droit qu’une admission de la candidature du requérant qui, en raison de son caractère tardif, n’était pas conforme aux règles imposées à tous les candidats aurait risqué de porter atteinte aux principes d’égalité de traitement et de transparence consacrés par l’article 98, paragraphe 1, du règlement financier. Dans une telle hypothèse, le requérant aurait en effet bénéficié d’un temps de préparation plus long que les autres candidats et sa candidature aurait été admise bien que ne respectant pas toutes les conditions de participation, alors que d’autres candidatures ne respectant pas non plus l’ensemble de ces conditions auraient été rejetées. Compte tenu de la nécessaire mise en balance des principes généraux en cause, il ne semble donc pas, à première vue, que la décision attaquée soit contraire au principe de proportionnalité.

50      En ce qui concerne le grief pris d’une violation de l’article 123, paragraphe 1, du règlement d’exécution, force est de constater que le premier alinéa de cette disposition, selon lequel le nombre de candidats invités à soumissionner ne peut être inférieur à cinq, ne semble manifestement pas avoir été violé, le nombre des candidats susceptibles d’être invités à soumissionner étant largement supérieur à cinq. Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a fait observer, ce nombre de cinq ne paraît aucunement constituer un minimum absolu, étant donné que l’article 123, paragraphe 3, du règlement d’exécution permet au pouvoir adjudicataire de continuer la procédure même s’il ne reste plus qu’un seul candidat (« en invitant le ou les candidats »).

51      S’agissant enfin du troisième alinéa de l’article 123, paragraphe 1, du règlement d’exécution, aux termes duquel le nombre de candidats admis à soumissionner doit, en tout état de cause, être suffisant pour assurer une concurrence réelle, il convient de relever que tout indique, à première vue, que le nombre des candidats susceptibles d’être admis à soumissionner sera, en l’espèce, suffisant pour assurer une telle concurrence.

52      En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a précisé, la question de savoir s’il existe suffisamment de candidats autorisés à soumissionner ne saurait, prima facie, remettre en cause la légalité d’une décision constatant qu’un candidat donné n’a pas déposé de demande de participation conforme aux modalités prescrites à l’article 145 du règlement d’exécution et dans l’avis de marché et que ce candidat n’est donc pas autorisé à participer aux étapes suivantes de la procédure. En effet, la question du nombre suffisant de candidats admis à soumissionner est examinée à un stade ultérieur, postérieur à celui de l’examen de la conformité des demandes déposées. À cette occasion, le pouvoir adjudicataire peut d’ailleurs être amené à renoncer au marché en cause et à en organiser un nouveau, s’il estime que le nombre des candidats n’est pas suffisant pour assurer une concurrence effective (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 février 2002, Esedra/Commission, T‑169/00, Rec. p. II‑609, points 202 et 203).

53      Il résulte de ce qui précède que, sans préjudice des appréciations à effectuer dans le cadre du litige au principal, les griefs avancés par le requérant dans la présente procédure en référé ne permettent pas en l’état d’établir l’existence d’un fumus boni juris.

54      Ce n’est donc qu’à titre surabondant qu’il sera procédé ensuite à l’examen de l’urgence.

 Sur l’urgence

 Arguments des parties

55      Le requérant fait valoir qu’il risque de subir un préjudice grave et irréparable si les mesures provisoires demandées ne sont pas accordées. En effet, dès le mois de janvier 2009, date d’expiration de son contrat en cours avec la Commission, sa position sur le marché des langues en Belgique serait modifiée de manière irrémédiable. Par conséquent, un arrêt d’annulation survenant après cette date ne pourrait réparer le préjudice subi. Le requérant estime, par ailleurs, qu’il y a lieu d’écarter, pour le contentieux relatif aux marchés publics, la règle selon laquelle un préjudice est réparable s’il est susceptible de faire l’objet d’une compensation financière ultérieure.

56      En tout état de cause, à défaut d’adoption des mesures provisoires sollicitées, il serait impossible pour le requérant d’obtenir une réparation financière, dans l’hypothèse où la procédure au principal aboutirait ensuite à l’annulation de la décision attaquée. En effet, cette décision empêcherait le requérant de remettre une offre, de sorte qu’il ne pourrait jamais être comparé aux candidats admis à participer. Cela signifierait que, même si la décision attaquée était ultérieurement annulée, le contrat ne pourrait jamais être attribué au requérant.

57      Il aurait, certes, été jugé que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi peuvent constituer une réparation adéquate. Le montant d’une telle indemnisation serait, toutefois, fonction du préjudice économique engendré par la décision illégale, d’une part, et des chances que le requérant aurait eu d’obtenir le marché si la décision illégale n’avait pas été adoptée, d’autre part. En l’espèce, s’il est possible de calculer le manque à gagner subi par le requérant pour chacun des lots pour lesquels il a postulé, il serait extrêmement difficile, à défaut d’offre pouvant être comparée aux offres sélectionnées, de démontrer quelles auraient été ses chances d’obtenir le marché s’il avait été admis à présenter une offre. La possibilité théorique d’obtenir une telle indemnisation, incalculable en l’espèce, ne pourrait donc assurer une protection adéquate des intérêts du requérant en cas d’annulation.

58      Le requérant affirme que, en l’absence des mesures provisoires sollicitées, son existence et sa position sur le marché seront mises en péril dès le mois de janvier 2009. Son élimination entraînerait pour lui une perte financière considérable, correspondant à [confidentiel] (1) de son chiffre d’affaires total actuel. Comme le démontrerait son bilan pour l’année 2007, les cours dispensés au sein des institutions communautaires dans le cadre du marché attribué en 2004 correspondraient à un chiffre d’affaires annuel de [confidentiel] euros, sur un chiffre d’affaires total de [confidentiel] euros, soit [confidentiel] % de ce chiffre d’affaires total. Or, le marché en cause serait d’une importance identique, voire supérieure, au marché en cours d’exécution.

59      À la suite de cette réduction d’activités, le requérant devrait se défaire, faute de travail, d’une équipe d’environ [confidentiel] formateurs (sur un total d’environ [confidentiel] formateurs actifs), qui seraient aujourd’hui affectés exclusivement ou quasi exclusivement à l’enseignement des langues au sein des institutions communautaires et qui, en l’absence des mesures provisoires sollicitées, seraient dispersés à la fin de la relation contractuelle avec lesdites institutions. Par conséquent, à défaut de telles mesures, la décision attaquée aurait déjà produit des conséquences irréversibles avant qu’elle ne soit annulée.

60      En ce qui concerne plus particulièrement les « langues rares » (lots 7, 8 et 9 du marché en cause), auxquelles seraient affectés [confidentiel] formateurs, et les formations spécialisées pour traducteurs (lot 10 du marché en cause), auxquelles seraient affectés [confidentiel] formateurs, la mise en place de cette équipe d’enseignants aurait nécessité dix années d’investissements du requérant. Pour la plupart de ces langues, les cours donnés au sein des institutions communautaires représenteraient la très grande majorité, voire la quasi-totalité, de la demande à Bruxelles (Belgique). Le fait d’avoir constitué, en vue des marchés passés avec les institutions communautaires, une équipe très qualifiée enseignant ces langues aurait permis au requérant de proposer également un enseignement de ces langues aux particuliers et aux entreprises. À la suite de son exclusion du marché en cause, le requérant serait dans l’impossibilité de maintenir son offre dans ce domaine. De la même manière, le départ des formateurs spécialisés affaiblirait très sensiblement la possibilité pour le requérant de participer à d’autres marchés publics similaires.

61      Le requérant ajoute que le fait de travailler pour les institutions communautaires lui a permis d’être un « choix naturel » pour les enseignants de diverses nationalités venant s’installer en Belgique. La perte de la relation contractuelle avec ces institutions affecterait l’image du requérant dans le milieu des formateurs professionnels et sa capacité de recruter des enseignants de qualité à l’avenir. Le requérant devrait également se défaire de [confidentiel] employés, sur un total de [confidentiel], affectés à l’organisation des formations pour le personnel des institutions communautaires. En outre, il aurait développé un logiciel informatique spécifique pour les institutions communautaires. Ces investissements seraient tous perdus à la suite de l’élimination du requérant.

62      Il serait donc évident que la perte [confidentiel] de son chiffre d’affaires aurait des conséquences profondes sur la solidité financière du requérant et mettrait en péril son existence. De même, sa position sur le marché serait irrémédiablement modifiée en raison de la réduction drastique de son offre de langues, du départ d’[confidentiel] de ses formateurs et de [confidentiel] % environ de son personnel de gestion ainsi que de la difficulté de concourir à l’avenir pour des marchés similaires.

63      Selon la Commission, le requérant ne démontre pas en quoi un futur arrêt d’annulation dans la procédure au principal ne constituerait pas une réparation adéquate de son dommage. Ainsi, il n’exposerait pas qu’il serait impossible pour la Commission d’organiser, à la suite d’un tel arrêt, un nouvel appel d’offres pour se conformer à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger de manière appropriée les intérêts du requérant. Le requérant n’établirait donc pas l’existence d’un préjudice grave et irréparable.

64      Le requérant ne démontrerait notamment pas que, en l’absence de suspension de la décision attaquée, son existence serait mise en péril. Ainsi, la seule circonstance que le marché avec les Communautés européennes représente environ [confidentiel] de son chiffre d’affaires ne suffirait pas à cet égard, d’autant plus que le requérant bénéficie encore actuellement de cette source de chiffre d’affaires, et ce jusqu’en janvier 2009. Le requérant disposerait aussi d’une clientèle très diversifiée, constituée tant de particuliers que d’entreprises et d’institutions, ce qui lui permettrait largement de maintenir ses activités jusqu’à l’issue de la procédure au principal.

65      Quant à l’argument selon lequel sa structure serait irrémédiablement atteinte en cas de perte du marché, la Commission se réfère à des offres d’emploi publiées sur le site Internet du requérant pour constater que ce dernier travaille régulièrement, voire essentiellement, avec des indépendants ou indépendants complémentaires, y compris en matière de « langues rares ». La Commission en conclut que le requérant peut facilement réduire ou augmenter la masse de ses collaborateurs sans pour autant mettre sa structure ou son existence en péril. S’agissant des « langues rares » et notamment du lot 9, intitulé « arabe, japonais, mandarin, russe et autres langues hors Union européenne non mentionnées dans le lot 8 », il ne paraîtrait guère crédible de soutenir que seules les institutions communautaires seraient intéressées par ces langues. La preuve en serait que le requérant recherche actuellement des collaborateurs pour les cours adultes (hors institutions communautaires) dispensés dans ces langues. S’agissant des investissements, ils auraient été réalisés en vue de l’exécution des marchés antérieurs et devraient avoir été amortis dans ce cadre.

66      La Commission conclut que, compte tenu de la souplesse de sa méthode de travail, le requérant n’établit pas que l’absence des mesures provisoires sollicitées mettrait en péril son existence ou l’empêcherait de maintenir son offre dans les domaines en cause ou de reconquérir une fraction appréciable des parts de marché perdues.

 Appréciation du juge des référés

67      Il y a lieu de rappeler que le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. C’est à cette dernière partie qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 187 ; du 20 septembre 2005, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05 R, Rec. p. II‑3485, point 124, et du 25 avril 2008, Vakakis/Commission, T‑41/08 R, non publiée au Recueil, point 52, et la jurisprudence citée).

68      Lorsque le préjudice dépend de la survenance de plusieurs facteurs, il suffit qu’il apparaisse comme prévisible avec un degré de probabilité suffisant [ordonnance du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, Rec. p. II‑205, point 71 ; voir également, en ce sens, ordonnances de la Cour du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil, C‑280/93 R, Rec. p. I‑3667, points 32 à 34, et du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67]. La partie requérante demeure cependant tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance Arizona Chemical e.a./Commission, précitée, point 72 ; voir, également, ordonnance HFB e.a./Commission, précitée, point 67).

69      Il convient donc d’examiner si, en l’espèce, le requérant a démontré avec un degré de probabilité suffisant qu’il subira un préjudice grave et irréparable si les mesures provisoires qu’il sollicite ne lui sont pas octroyées.

70      S’agissant de la gravité du préjudice invoqué en l’espèce, il importe de rappeler que ce dernier serait subi à l’occasion d’une procédure d’appel d’offres pour l’attribution d’un marché. Or, une telle procédure a pour objet de permettre à l’autorité concernée de choisir, parmi plusieurs offres concurrentes, celle qui lui paraît le plus conforme aux critères de sélection prédéterminés. L’autorité communautaire qui institue une telle procédure dispose, par ailleurs, d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise de la décision de passer le marché (arrêts ADT Projekt/Commission, précité, point 147, et Esedra/Commission, précité, point 95 ; arrêt du Tribunal du 14 février 2006, TEA-CEGOS e.a./Commission, T‑376/05 et T‑383/05, Rec. p. II‑205, point 50).

71      Une entreprise qui participe à une telle procédure n’a, dès lors, jamais la garantie absolue que le marché lui sera adjugé, mais doit toujours tenir compte de l’éventualité de son attribution à un autre soumissionnaire. Dans ces conditions, les conséquences financières négatives pour l’entreprise en question, qui découleraient du rejet de son offre, font, en principe, partie du risque commercial habituel auquel chaque entreprise active sur le marché doit faire face (voir, en ce sens, ordonnance du juge des référés du Tribunal du 14 septembre 2007, AWWW/FEACVT, T‑211/07 R, non publiée au Recueil, point 41).

72      Il s’ensuit que la perte d’une chance de se voir attribuer et d’exécuter un marché public est inhérente à l’exclusion de la procédure d’appel d’offres en cause et ne saurait être regardée comme constitutive, en soi, d’un préjudice grave, indépendamment d’une appréciation concrète de la gravité de l’atteinte spécifique alléguée dans chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, ordonnance Deloitte Business Advisory/Commission, précitée, point 150).

73      Il convient d’ajouter que, selon une jurisprudence bien établie (voir ordonnance du président du Tribunal du 1er février 2001, Free Trade Foods/Commission, T‑350/00 R, Rec. p. II‑493, point 59, et la jurisprudence citée), l’urgence à ordonner une mesure provisoire doit résulter des effets produits par l’acte litigieux et non d’un manque de diligence du demandeur de ladite mesure. En effet, il incombe à ce dernier, au risque de devoir supporter lui-même le préjudice comme faisant partie des « risques de l’entreprise », de faire preuve d’une diligence raisonnable pour en limiter l’étendue.

74      En application de cette jurisprudence, la partie qui demande l’octroi d’une mesure provisoire doit supporter également des préjudices dont elle prétend qu’ils sont susceptibles de mettre en péril son existence même ou de modifier de manière irrémédiable sa position sur le marché.

75      Or, en l’espèce, il est de fait que le requérant était seul responsable de ce que sa demande de participation a été déposée dix jours après l’expiration du délai clairement imposé à cet effet dans l’avis de marché (voir points 4 et 6 ci-dessus). Le requérant n’a pas contesté que, dans l’avis de marché, la Commission avait laissé aux candidats un délai suffisant pour se manifester. En outre, le requérant, qui entretenait des relations contractuelles de longue date avec la Commission et qui avait obtenu le marché de formation linguistique précédent, était particulièrement bien placé pour savoir, en opérateur économique prudent et averti, qu’un nouvel avis devait être publié au courant de l’année 2008. Par ailleurs, il a lui-même déclaré qu’il avait de longue date préparé son dossier de candidature dans l’attente du renouvellement du marché précédent.

76      Il s’ensuit que la situation à l’origine de la présente demande en référé est le résultat d’une négligence du requérant. Ce dernier s’est borné à faire état d’un « malentendu administratif », sans établir ni même invoquer devant l’autorité adjudicatrice ou devant le juge des référés l’existence d’un cas fortuit, d’une force majeure ou d’une erreur excusable, qui aurait éventuellement pu être susceptible de permettre une dérogation à l’application stricte de la date limite fixée dans l’avis de marché.

77      Par conséquent, dès lors que le préjudice allégué en l’espèce serait, dans sa totalité, causé par l’absence de diligence du requérant lui-même, il ne saurait, indépendamment de sa prétendue gravité, justifier l’urgence à ordonner les mesures provisoires demandées.

78      S’agissant du préjudice d’ordre financier invoqué, il convient d’ajouter qu’il ne saurait être regardé comme irréparable, ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure. Le requérant n’a, notamment, pas établi qu’il serait empêché d’obtenir une telle compensation par voie d’un éventuel recours en indemnité en vertu de l’article 288 CE (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 10 novembre 2004, European Dynamics/Commission, T‑303/04 R, Rec. p. II‑3889, point 72, et la jurisprudence citée).

79      Le requérant fait, certes, valoir qu’il serait extrêmement difficile, à défaut d’offre pouvant être comparée aux offres sélectionnées, de démontrer quelles auraient été ses chances d’obtenir le marché s’il avait été admis à présenter une offre (impossibilité de démontrer l’existence du lien de causalité requis). Il y a cependant lieu de rappeler que, le 10 juin 2008, le requérant s’est vu communiquer par la Commission le cahier des charges et qu’il a été autorisé, par l’ordonnance du 9 juin 2008, à présenter une offre pour les lots 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 10 du marché en cause (voir point 12 ci-dessus). Il serait donc possible, dans le cadre d’un éventuel futur litige indemnitaire, de comparer cette offre avec celle retenue par le pouvoir adjudicataire.

80      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où le requérant obtiendrait gain de cause au principal, il pourrait être attribué une valeur économique au préjudice qu’il a subi en raison de la perte de la chance de remporter le marché en cause, valeur économique qui est susceptible de satisfaire à l’obligation de réparation intégrale du dommage individuel effectivement subi (voir, en ce sens, ordonnance Vakakis/Commission, précitée, point 67). Or, il résulte d’une jurisprudence récente de la Cour que, lorsque le Tribunal accorde des dommages et intérêts sur la base de la valeur économique attribuée au préjudice subi en raison d’un manque à gagner, cette réparation est en principe susceptible de satisfaire à l’exigence d’assurer la réparation intégrale du préjudice individuel que la partie concernée a effectivement subi du fait des actes illégaux particuliers dont elle a été victime (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, non encore publié au Recueil, point 76).

81      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la condition relative à l’urgence n’est pas remplie.

82      En conséquence, la demande en référé doit être rejetée pour défaut tant de fumus boni juris que d’urgence.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 juillet 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.


1 – Données confidentielles occultées.