Language of document : ECLI:EU:T:2022:309

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

1er juin 2022 (*) 

« Fonction publique – Fonctionnaires – Comité du personnel du Parlement – Élection du président du comité du personnel – Annulation de l’élection – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑253/21,

Roberto Aquino, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes S. Bukšek Tomac, R. Ignătescu et M. T. Lazian, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme M. Stancu, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 9 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, M. Roberto Aquino, demande, d’une part, l’annulation, premièrement, de la décision du Parlement européen du 7 juillet 2020 (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle celui-ci a annulé son élection en tant que président du comité du personnel du Parlement (ci-après le « CdP »), ainsi que, deuxièmement, en substance, de la réunion constitutive du CdP du 14 septembre 2020, en particulier en ce qui concerne l’élection de son président, et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi.

I.      Faits à l’origine du litige

2        Le requérant est l’un des 29 membres du CdP élus lors des élections qui ont eu lieu en janvier et en février 2020.

3        En raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, l’organisation d’une réunion constitutive consacrée à l’élection du président et des membres du bureau du CdP n’a pas pu se tenir dans le délai requis de dix jours ouvrables à compter de la date de transmission du procès-verbal des élections à ses destinataires. À cet égard, plusieurs convocations ont dû être annulées à la suite des instructions données par le président du Parlement interdisant les réunions en présentiel.

4        Le 5 juin 2020, la doyenne d’âge des membres élus du CdP (ci-après la « doyenne d’âge ») a convoqué une nouvelle réunion constitutive pour le 16 juin 2020. La convocation, envoyée par courriel, indiquait les modalités d’organisation de ladite réunion retenues en accord avec le directeur général de la direction générale du personnel du Parlement (ci-après la « DGP ») et les membres du service juridique du Parlement. Elle indiquait notamment que la nouvelle réunion constitutive aurait lieu tant en présentiel à Bruxelles (Belgique) et à Luxembourg (Luxembourg) que par visioconférence et webstreaming. En outre, les personnes ne se trouvant ni à Bruxelles, ni à Luxembourg auraient la possibilité de donner procuration à un collègue. La convocation ajoutait que serait créée une boîte fonctionnelle à laquelle les membres du CdP devraient envoyer leurs votes tous au même moment et que l’accès à cette boîte fonctionnelle ne serait donné qu’à deux scrutateurs, membres du service juridique du Parlement.

5        Deux formulaires reproduits à l’annexe A.6 de la requête étaient joints à ladite convocation. Le premier, destiné aux membres élus du CdP, avait pour but de recueillir leur accord à la tenue de la réunion constitutive par vote à distance, dans la mesure où ils reconnaissaient que le caractère secret de l’expression des suffrages serait suffisamment garanti par les modalités de vote retenues, à savoir que les suffrages seraient envoyés par chaque membre à une boîte fonctionnelle dédiée à laquelle deux scrutateurs, membres du service juridique du Parlement, auraient accès et que la confidentialité de l’expression des suffrages serait garantie par les obligations professionnelles et déontologiques de ces derniers ainsi que par leur engagement spécifique écrit (ci-après l’« accord préalable »). Le second, destiné aux scrutateurs, avait pour but que ceux-ci reconnaissent qu’ils avaient été appelés à apporter un soutien logistique à la réunion constitutive du CdP élu pour la mandature 2020 – 2022 et que leur participation à cette réunion leur donnerait accès à l’ensemble des suffrages de chacun des membres du collège électoral, dont ils connaissaient le caractère secret et qu’ils s’engageaient à garder comme tel.

6        Le 16 juin 2020 a eu lieu la réunion constitutive, à laquelle ont participé les 29 membres élus du CdP, certains depuis les locaux du Parlement à Bruxelles, Luxembourg, Barcelone (Espagne) et Varsovie (Pologne), d’autres depuis leur domicile. La présidence de cette réunion était assurée par la doyenne d’âge. La réunion a fait l’objet d’un enregistrement vidéo, produit à l’annexe B.2 du mémoire en défense, et d’une transcription produite à l’annexe B.3 du mémoire en défense.

7        Le requérant était l’un des deux candidats à la présidence du CdP. À l’issue d’un premier tour de scrutin, les deux scrutateurs ont procédé au dépouillement des 29 votes reçus. Chacun des deux candidats a bénéficié de quatorze votes en sa faveur, un vote ayant été écarté par les scrutateurs.

8        Après que les résultats du scrutin ont été proclamés, un membre du CdP a demandé une suspension de séance à la doyenne d’âge en manifestant son désaccord avec la poursuite de la procédure de vote à distance en raison, selon lui, de son manque de fiabilité. Un autre membre du CdP a retiré son accord préalable.

9        À la demande d’autres membres du CdP, un scrutin à vote secret à distance a été organisé pour prendre une décision quant à la suspension de la réunion en cours. Parallèlement, d’autres membres du CdP ont quitté la réunion, certains d’entre eux ayant annoncé qu’ils retiraient leur accord préalable, de telle sorte que seuls seize votes ont été enregistrés. Les scrutateurs ont constaté que sur les seize votes exprimés, un seul était en faveur de la suspension, les quinze autres étant contre. La demande de suspension de séance ayant été rejetée, la réunion constitutive s’est poursuivie. Par la suite, un autre membre du CdP a décidé de retirer son accord préalable.

10      À l’issue d’un second tour de scrutin, le requérant a été élu président du CdP par quinze voix sur les quinze votes exprimés. La doyenne d’âge a alors cédé la présidence de la réunion constitutive au requérant.

11      Le requérant a demandé aux membres du CdP qui n’avaient pas quitté la réunion de décider du nombre de vice-présidents, qui a été fixé, à l’unanimité, à sept. Le requérant a fait un appel à candidatures pour le poste de premier vice-président. Le vote a eu lieu et, pendant que les scrutateurs étaient en train de procéder au dépouillement, ils ont reçu l’instruction de leur hiérarchie de quitter la salle, ce qu’ils ont fait après avoir prévenu le requérant.

12      Le requérant a décidé de suspendre la séance pour clarifier cette situation avec le secrétaire général du Parlement, auprès duquel il s’est rendu en compagnie de la doyenne d’âge.

13      Le secrétaire général du Parlement n’a reçu que la doyenne d’âge et, au cours d’un entretien auquel participaient également le directeur général de la DGP et l’un des membres élus du CdP déjà membre du bureau du CdP sortant, il a demandé qu’un rapport lui soit soumis tant par ce dernier que par la doyenne d’âge.

14      Le 18 juin 2020, la doyenne d’âge et le membre élu du CdP présent à l’entretien ont rendu leurs rapports respectifs.

15      Les deux scrutateurs ont également établi un rapport.

16      Le 30 juin 2020, le requérant et la doyenne d’âge ont adressé des observations communes, relatives à la régularité de la réunion constitutive du 16 juin 2020, au président et au secrétaire général du Parlement.

17      Le 7 juillet 2020, sur la base d’un avis rendu par le service juridique du Parlement le 6 juillet 2020, le directeur général de la DGP a rendu la décision attaquée, par laquelle l’élection du requérant en tant que président du CdP a été annulée en raison des dysfonctionnements observés lors de cette élection, des différents retraits d’accords préalables et de l’obligation qui s’impose à une institution de faire respecter la légalité par ses organes internes. En outre, dans la décision attaquée, le directeur général de la DGP a invité la doyenne d’âge à procéder à la convocation d’une nouvelle réunion constitutive.

18      Le même jour et avant la notification de la décision attaquée, le directeur général de la DGP a envoyé un courriel à la doyenne d’âge, avec le requérant en copie, l’informant que, sur la base de l’avis rendu par le service juridique du Parlement le 6 juillet 2020, l’élection du requérant à la présidence du CdP allait être annulée et qu’elle devait convoquer une nouvelle réunion constitutive.

19      Une nouvelle réunion constitutive a d’abord été convoquée par la doyenne d’âge le 15 juillet 2020 puis, en raison d’une nouvelle intervention de la DGP, le 14 septembre 2020. Cette réunion devait se tenir en présentiel uniquement. Le requérant a, d’une part, marqué son opposition avec l’organisation d’une nouvelle réunion constitutive et, d’autre part, indiqué que sa participation n’emporterait pas de reconnaissance préjudiciable.

20      La réunion constitutive du 14 septembre 2020 a conduit à l’élection d’un autre candidat que le requérant au poste de président du CdP ainsi qu’à celle des vice-présidents et d’un secrétaire politique du CdP.

21      Le 6 octobre 2020, le requérant a formé une réclamation à l’encontre de la décision attaquée et, en substance, de la réunion constitutive du 14 septembre 2020, en particulier en ce qui concernait l’élection d’un autre candidat que lui à la présidence du CdP.

22      Par décision du 5 février 2021, la réclamation du requérant a été rejetée (ci-après le « rejet de la réclamation »).

23      Dans le rejet de la réclamation, d’une part, le Parlement a précisé, en premier lieu, que le terme « dysfonctionnements », employé dans la décision attaquée, couvrait différents incidents ayant affecté la tenue du scrutin repris en détail dans le rapport de la doyenne d’âge, à savoir de grandes difficultés techniques de connexion audiovisuelle, une erreur de manipulation technique de la part des scrutateurs au premier tour du scrutin pour l’élection du président du CdP et le fait que, après ce vote, la 29e voix, qui devait être décisive, manquait sans qu’une explication à cet égard ait été trouvée pendant la réunion constitutive. En second lieu, ce terme couvrait les incertitudes éprouvées par certains membres du CdP en raison de ces incidents, lesquelles étaient relatives à la possibilité, pour les membres du CdP ayant quitté la réunion, de continuer ou non à voter ainsi qu’à l’impossibilité d’appliquer certaines dispositions du règlement intérieur du CdP (ci-après le « RI ») – notamment son article 20, paragraphe 2, relatif aux modalités de vote par procuration, interdisant aux membres participant à la plénière en visioconférence de voter personnellement, et son article 4, qui requiert la « présence » de la majorité des membres pour l’élection du président – en combinaison avec le régime sui generis du vote à distance.

24      D’autre part, le Parlement a indiqué, en ce qui concernait le fait que, en raison de ces dysfonctionnements, quatorze membres du CdP avaient décidé de retirer leur accord préalable et/ou avaient quitté la réunion constitutive du 16 juin 2020, que la condition sine qua non de l’organisation de ladite réunion était le maintien, tout au long des opérations de vote, de l’accord de tous les membres du CdP portant sur l’ensemble des aspects dérogeant aux règles en vigueur.

25      Le 18 mars 2021, le requérant a demandé au Parlement la communication du rapport de la réunion constitutive du 16 juin 2020 établi par les scrutateurs ainsi que de tous les autres rapports et pièces pris en considération par le Parlement aux fins de l’adoption de la décision attaquée et du rejet de la réclamation.

26      Le 28 avril 2021, le Parlement a communiqué au requérant le rapport de la réunion constitutive du 16 juin 2020 établi par les scrutateurs.

II.    Conclusions des parties

27      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, en substance, la réunion constitutive du 14 septembre 2020, en particulier en ce qui concerne l’élection du président du CdP ;

–        annuler le rejet de la réclamation ;

–        condamner le Parlement à réparer le préjudice moral qu’il a subi, évalué ex æquo et bono à 2 000 euros ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

28      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du litige

29      Selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 22 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, il y a lieu de constater que le rejet de la réclamation confirme, d’une part, la décision attaquée et, d’autre part, la légalité de la réunion constitutive du 14 septembre 2020.

31      Il s’ensuit que seules la décision attaquée et la réunion constitutive du 14 septembre 2020, en particulier en ce qui concerne l’élection du président du CdP, font l’objet du présent recours, leur légalité devant être examinée en prenant également en considération la motivation du rejet de la réclamation, conformément à la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus.

B.      Sur le fond

1.      Sur les conclusions en annulation

32      Le requérant demande l’annulation de la décision attaquée et, en substance, de la réunion constitutive du 14 septembre 2020, en particulier en ce qui concerne l’élection d’un autre candidat que lui à la présidence du CdP.

a)      Sur les conclusions visant l’annulation de la décision attaquée

33      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée, le requérant soulève deux moyens. Le premier, divisé en trois branches, est tiré d’une violation, premièrement, du devoir du Parlement d’assurer à ses fonctionnaires et à leurs élus la possibilité de désigner leurs représentants en toute liberté et dans le respect des règles établies, deuxièmement, de l’article 4 du RI et, troisièmement, du devoir de diligence et de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le second est tiré d’une violation du droit d’être entendu et de l’article 41 de la Charte.

1)      Sur le premier moyen

i)      Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation du devoir du Parlement d’assurer à ses fonctionnaires et à leurs élus la possibilité de désigner leurs représentants en toute liberté et dans le respect des règles établies

34      À l’appui de la première branche de son premier moyen, à titre liminaire, le requérant rappelle que, selon la jurisprudence, les institutions ont le devoir d’assurer à leurs fonctionnaires la possibilité de désigner leurs représentants en toute liberté et dans le respect des règles établies. Cela impliquerait que les institutions ont le devoir de prévenir ou de censurer des irrégularités manifestes de la part des organes en charge de la tenue des élections, tels qu’un comité du personnel.

35      À cet égard, le requérant considère que les règles établies n’autorisaient pas le Parlement à intervenir ni lui imposaient d’adopter la décision attaquée, qui est une mesure grave en ce qu’elle constitue une intervention allant à l’encontre de la liberté des membres du CdP, collège électoral de la réunion constitutive, de choisir librement leur président et les autres membres de leur bureau. En effet, selon le requérant, il n’y a pas eu d’infraction et, a fortiori, pas d’infraction manifestement établie au cours de son élection.

36      Par ailleurs, le requérant considère que les motifs invoqués par le Parlement afin de justifier son intervention, notamment en ce qui concerne les dysfonctionnements qui auraient eu lieu lors de la réunion constitutive du 16 juin 2020, sont manifestement inexacts, le rapport de la doyenne d’âge et celui des scrutateurs ne faisant pas état de tels dysfonctionnements. En tout cas, ces dysfonctionnements ne seraient pas de nature à constituer l’illégalité manifeste exigée par la jurisprudence comme étant une condition pour que l’administration puisse intervenir.

37      S’agissant des dysfonctionnements relatifs aux différents incidents qui auraient affecté la tenue du scrutin, mentionnés dans le rejet de la réclamation, premièrement, le requérant fait observer que ni le rapport de la doyenne d’âge, ni le rapport des scrutateurs ne mentionne les grandes difficultés techniques de connexion audiovisuelle évoquées par le Parlement. En effet, selon le requérant, les deux rapports font état d’un problème de connexion pour certains votants qui a été résolu. En outre, le requérant ajoute que le rapport des scrutateurs précise que certains participants au vote qui avaient des difficultés avaient donné procuration à d’autres participants n’ayant pas de problèmes de connexion et que ce n’est que parce que les premiers ont indiqué qu’ils préféraient voter eux-mêmes que les vérifications et les réglages techniques ont eu lieu. À cet égard, le requérant fait observer que, dans leur rapport, les scrutateurs ont indiqué que, en cas de double vote, ils n’auraient pris en compte que le vote exprimé par le mandant et auraient écarté le vote du mandataire.

38      Deuxièmement, en ce qui concerne l’erreur de manipulation des scrutateurs, par laquelle ces derniers ont envoyé un message avec le mot clé du premier tour pour l’élection du vice-président du CdP après celui avec le mot clé du premier tour pour l’élection du président du CdP, le requérant soutient qu’elle n’a eu aucune conséquence et n’a pas eu d’effet, à l’évidence, sur le 29e vote. Le requérant fait valoir qu’il ressort du rapport des scrutateurs que, cette erreur ayant été détectée tout de suite, ceux-ci ont précisé aux électeurs de veiller à bien répondre au message concernant le premier tour pour l’élection du président du CdP et que, à la suite de cette précision, 29 messages portant sur ce tour ont été reçus. Le requérant ajoute que le rapport de la doyenne d’âge fait état de la circonstance que celle-ci a appelé chaque électeur à tour de rôle pour s’assurer qu’il n’y avait pas eu d’incidents techniques.

39      Troisièmement, en ce qui concerne la disparition du 29e vote, le requérant soutient qu’elle n’a pas eu lieu. En effet, il ressortirait du rapport des scrutateurs que, d’une part, ces derniers auraient procédé au dépouillement et que, après avoir constaté qu’un des membres du collège électoral avait exprimé un vote par procuration alors que son mandant avait également voté à titre personnel, ils auraient décidé, comme cela avait été annoncé, d’écarter le vote par procuration du mandataire. D’autre part, après le retrait de ce vote, il serait resté 28 suffrages exprimés, dont deux par procuration, répartis à égalité entre les deux candidats à la présidence du CdP, un membre du collège électoral n’ayant par ailleurs pas fait parvenir son vote dans le bon sous-répertoire, dédié exclusivement à recevoir les votes exprimés pour l’élection du président. Le requérant ajoute que le rapport de la doyenne d’âge confirme le rapport des scrutateurs.

40      Dans la réplique, le requérant opère une distinction entre des difficultés pratiques, d’ordre technique ou d’application concrète des règles établies et la fiabilité desdites règles elles-mêmes. Le requérant considère qu’il y a eu des difficultés pratiques, mais que les règles établies étaient fiables. Partant, il soutient que ces règles n’imposaient pas au Parlement d’adopter la décision attaquée.

41      Par ailleurs, s’agissant de la disparition du 29e vote, le requérant fait observer que, même à supposer que les scrutateurs aient commis une erreur en ne prenant pas un vote en considération, il ne comprend pas en quoi la décision de ne pas suspendre la réunion constitutive du 16 juin 2020 et de continuer le scrutin serait irrégulière.

42      En outre, le requérant relève, d’une part, que la procédure de vote à distance mise en place pour la réunion constitutive du 16 juin 2020 était quasi identique à celle mise en place pour les réunions de l’Assemblée plénière du Parlement et des commissions parlementaires et, d’autre part, que les incidents techniques ayant affecté d’autres réunions tenues au sein du Parlement n’ont pas entraîné l’annulation des décisions adoptées dans le cadre de ces réunions. À titre d’exemple, le requérant fait valoir que, lors d’une réunion de la Commission « Affaires constitutionnelles » du Parlement ayant mis en place un vote à distance par courriel, soit selon lui exactement le même système que celui utilisé pour la réunion constitutive du 16 juin 2020, de nombreux problèmes de connections avaient été constatés sans pour autant remettre en cause la régularité des votes. Ainsi, le requérant soutient que les membres élus du CdP n’avaient aucune raison de ne pas faire confiance à cette procédure de vote à distance, considérée par le Parlement comme étant nécessaire et utile. Enfin, le requérant relève que, si les scrutateurs, présents dans les locaux du Parlement à Bruxelles, et le service juridique du Parlement avaient eu un doute quant à la régularité de la procédure, ils s’en seraient alertés et n’auraient pas validé la poursuite de la réunion constitutive du 16 juin 2020.

43      S’agissant des dysfonctionnements relatifs à l’incertitude éprouvée par certains membres du collège électoral en raison des incidents cités aux points 37 à 39 ci-dessus, premièrement, le requérant fait valoir qu’ils ne lui apparaissent pas complètement clairs. En effet, selon lui, les membres qui ont quitté la réunion constitutive du 16 juin 2020 ont décidé de ne plus participer à l’élection. Par ailleurs, selon lui, s’il est vrai qu’un membre mandant pouvait donner procuration pour son vote à un membre mandataire, lorsque ledit mandataire n’était plus présent à la réunion selon les modalités fixées, il ne pouvait donc plus y avoir de vote de celui-ci pour le compte de son mandant.

44      En outre, le requérant considère que les membres qui ont quitté la réunion n’étaient pas autorisés à retirer leur accord préalable. Dans ce contexte, le requérant conteste l’affirmation, contenue dans le rejet de la réclamation, selon laquelle l’organisation de la réunion constitutive avec une procédure de vote à distance n’était possible qu’à la condition sine qua non qu’il y ait, tout au long du scrutin, un accord de tous les membres du collège électoral sur l’ensemble des aspects dérogeant aux règles en vigueur. Selon le requérant, une fois l’accord préalable donné, il n’y a pas lieu de le réitérer de façon répétitive tout au long du scrutin. En effet, le requérant affirme que, si tel était le cas, ledit accord n’aurait aucune valeur, dans la mesure où cela laisserait à chacun des membres du collège électoral une marge d’appréciation entraînant une insécurité juridique.

45      Dans la réplique, le requérant ajoute que, si certains membres du collège électoral avaient des doutes quant à la fiabilité de la procédure de vote à distance, ils auraient simplement dû refuser de donner leur accord préalable. Ainsi, le requérant considère que ces membres, appartenant tous à une autre liste que la sienne, ont retiré abusivement leur accord préalable et ont quitté la réunion constitutive du 16 juin 2020 dans le but de faire obstruction.

46      Deuxièmement, selon le requérant, le Parlement a omis de prendre en compte les modalités particulières qui avaient été définies en accord avec son administration et son service juridique et donc validées par ladite administration pour autant que de besoin en raison des contraintes résultant de la crise sanitaire. Ainsi, selon lui, les règles établies ont été respectées, cela impliquant, a fortiori, qu’il n’y a pas eu d’illégalité manifeste.

47      Troisièmement, le requérant conteste la pertinence de l’arrêt du 22 novembre 2005, Vanhellemont/Commission (T‑396/03, EU:T:2005:40), cité par le Parlement dans le rejet de la réclamation. Le requérant ne remet pas en cause le principe du devoir d’intervention correctif ou préventif reconnu dans cet arrêt, mais soutient que, en l’espèce, l’existence des « questions douteuses » auxquelles cet arrêt soumet l’intervention d’une institution fait défaut. À cet égard, le requérant fait valoir qu’il suffit de visionner l’enregistrement de la réunion constitutive du 16 juin 2020 et de lire le rapport de la doyenne d’âge ainsi que celui des scrutateurs, le second confirmant en tous points le premier. Par ailleurs, dans la réplique, le requérant ajoute que, dans l’arrêt du 11 décembre 2014, Colart e.a./Parlement (F‑31/14, EU:F:2014:264, point 42), il a été jugé qu’une intervention de l’administration est justifiée dans l’hypothèse d’une irrégularité manifeste. Partant, selon lui, le doute dont le Parlement fait état dans le rejet de la réclamation doit porter sur une irrégularité manifeste.

48      Le Parlement conteste les arguments du requérant.

–       Observations liminaires

49      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les institutions ont le devoir de garantir à leurs fonctionnaires la possibilité de désigner leurs représentants en toute liberté et dans le respect des règles établies (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 1976, de Dapper e.a./Parlement, 54/75, EU:C:1976:127, point 22, et du 8 mars 1990, Maindiaux e.a./CES, T‑28/89, EU:T:1990:18, point 32). Par conséquent, elles ont le devoir de prévenir ou de censurer des irrégularités manifestes de la part des organes chargés de la tenue des élections, tels qu’un comité du personnel (ordonnance du 28 juillet 2021, Csordas e.a./Commission, T‑146/20, non publiée, EU:T:2021:501, point 56).

50      Le contrôle exercé par l’administration en matière électorale, lequel donne lieu à des actes ou à des omissions de l’autorité compétente dont la légalité peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel du juge de l’Union, ne se borne pas au devoir d’intervenir dans des situations où les organes statutaires ou administratifs en charge de l’organisation des élections ont déjà violé les règles électorales ou menacent concrètement de ne pas les respecter. Au contraire, les institutions ont le droit d’intervenir d’office, y compris à titre préventif, au cas où elles éprouveraient un doute sur la régularité des élections (ordonnance du 28 juillet 2021, Csordas e.a./Commission, T‑146/20, non publiée, EU:T:2021:501, point 57 ; voir, également, arrêt du 11 décembre 2014, Colart e.a./Parlement, F‑31/14, EU:F:2014:264, point 44 et jurisprudence citée).

51      Les principes indiqués ci-dessus, établis dans le cadre du contrôle de la régularité de l’élection des membres du CdP, s’appliquent, a fortiori, au contrôle de la régularité de l’élection de son président.

52      En l’espèce, il y a lieu de vérifier si c’est à juste titre que le Parlement a exercé le droit qui lui est reconnu par la jurisprudence d’intervenir en présence de situations par rapport auxquelles il peut éprouver un doute sur la régularité des élections remettant en cause le respect du principe de sécurité juridique. Ainsi, il convient d’examiner, sur la base des motifs indiqués dans la décision attaquée et précisés dans le rejet de la réclamation, si le Parlement pouvait considérer que les incidents qu’il a qualifiés de dysfonctionnements étaient de nature à soulever un doute quant à la régularité de l’élection du président du CdP lors de la réunion constitutive du 16 juin 2020.

53      À cet égard, il convient de préciser que, contrairement à ce que le requérant fait valoir, le doute invoqué par le Parlement ne doit pas porter sur une irrégularité manifeste. En effet, la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus distingue entre l’obligation, qui s’impose aux institutions, d’intervenir dans l’hypothèse où les règles électorales ont été violées ou lorsqu’il existe une menace concrète que ces règles ne soient pas respectées et le droit d’intervenir dans l’hypothèse d’un simple doute quant à la régularité du scrutin.

54      Dans cette deuxième hypothèse, qui est celle du cas d’espèce, la question qui se pose n’est donc pas celle de savoir si l’intervention de l’institution est due à une illégalité manifeste existante ou qui pourrait exister, mais celle de savoir s’il existe un doute susceptible de remettre en cause le principe de sécurité juridique qui exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Hungeod e.a., C‑496/18 et C‑497/18, EU:C:2020:240, point 93).

–       Sur la portée des dérogations au RI mises en place en vue de la réunion constitutive du 16 juin 2020

55      À titre liminaire, il convient de préciser les dérogations au RI mises en place en l’espèce afin que la réunion constitutive du 16 juin 2020 puisse avoir lieu dans le contexte de la situation sanitaire liée à la Covid-19. En effet, la détermination de la portée de ces dérogations est nécessaire pour évaluer les motifs, considérés par le Parlement comme étant des dysfonctionnements, qui auraient impacté la régularité de ladite réunion et qui, donc, auraient fondé ses doutes et justifié son intervention.

56      À cet égard, il y a lieu d’examiner, d’abord, un courriel envoyé le 29 mai 2020 par le directeur général de la DGP à la doyenne d’âge, ensuite, la convocation du 5 juin 2020 à la réunion constitutive du 16 juin 2020, envoyée par cette dernière aux membres du CdP et aux scrutateurs, avec les formulaires qui y étaient annexés, puis certains courriels échangés avant ladite réunion, à savoir le courriel envoyé par la doyenne d’âge à tous les membres du CdP ainsi qu’un échange de courriels entre un membre du CdP et la doyenne d’âge, et, enfin, les conditions dans lesquelles la réunion s’est effectivement déroulée.

57      En premier lieu, dans le courriel envoyé le 29 mai 2020 à la doyenne d’âge par le directeur général de la DGP, reproduit à l’annexe B.1 du mémoire en défense, ce dernier indiquait que « la réunion constitutive pouvait avoir lieu à distance seulement si un accord était passé et signé par tous les membres du nouveau [CdP] » (« the constituent meeting can take place with remote participation only if an agreement is reached and signed by all members of the newly elected Staff Committee »). Le directeur général de la DGP précisait que « l’accord devrait contenir des règles détaillées pour la conduite de la réunion constitutive, y compris les règles concernant le vote secret » (« That agreement should contain more detailed rules for the conduct of the meeting, including for the secret ballot »). Le directeur général de la DGP concluait que, « à condition que cet accord soit passé et signé et que toutes les dispositions concernant la réunion constitutive soient respectées, cette réunion pourrait avoir lieu » (« Provided that such an agreement is concluded and signed and that all relevant provisions in the rules governing the Staff Committee concerning the convening of the constituent meeting are respected, that meeting could take place »).

58      En deuxième lieu, s’agissant de la convocation du 5 juin 2020 à la réunion constitutive du 16 juin 2020, reproduite à l’annexe A.6 de la requête, et des formulaires qui y étaient joints, leur contenu est détaillé aux points 4 et 5 ci-dessus.

59      En troisième lieu, le courriel du 9 juin 2020 envoyé par la doyenne d’âge à tous les membres élus du CdP, reproduit à l’annexe A.7 de la requête, précisait que « les procurations pourraient aussi être utilisées, à raison d’une par personne » (« the proxies are also envisaged. One per person »).

60      Dans ce contexte, le même jour, dans un échange de courriels entre un membre élu du CdP et la doyenne d’âge, reproduit également à l’annexe A.7 de la requête et faisant suite au courriel cité au point 59 ci-dessus, cette dernière indiquait que, « si la connexion fonctionnait, [les membres qui participeraient par visioconférence] pourraient suivre et voter par courriel… mais [si], malencontreusement, ils perdaient la connexion, une procuration préalable serait une très bonne idée » (« if connections are OK they can follow and vote… but if, by any unfortunate incident the loose the connection, a proxy beforehand would a very good idea »).

61      En quatrième lieu, il convient de tenir compte des conditions dans lesquelles la réunion constitutive du 16 juin 2020 s’est effectivement déroulée.

62      À cet égard, comme le requérant l’affirme dans ses écritures en faisant référence au rapport des scrutateurs, le retard pris au début de la réunion était justifié par la circonstance que certains membres du collège électoral, qui avaient des difficultés de connexion, avaient manifesté la volonté de voter eux-mêmes et non par procuration. Par ailleurs, il ressort de l’enregistrement vidéo de la réunion et de sa transcription que l’un des deux scrutateurs a tenu les propos suivants : « dans le pire des cas, […] on vient de se dire que si on a le vote du [mandant] et celui [du mandataire], on prendra le vote du [mandant] s’il y a un loupé » et « en bilatéral [mandant et mandataire] allez régler ça et si vous ne l’avez pas réglé, on aura deux votes, on prendra le vote du [mandant] dans ce cas-là ». Il en ressort également que, en ce qui concerne les modalités d’utilisation de la procuration, l’un des scrutateurs a tenu les propos suivants à l’attention des mandataires : « vous votez d’abord à titre personnel, vous n’indiquez rien, mais vous faites un vote, puis par un vote séparé vous mettez pour procuration ou sur procuration d’untel, pour qu’on sache bien ».

63      Par ailleurs, il est constant que des questions ont été adressées aux scrutateurs lors de la réunion. Ces questions portaient, notamment, sur les modalités selon lesquelles un membre du comité électoral qui ne souhaitait pas voter pour l’un des deux candidats à la présidence du CdP pouvait manifester son abstention, sur les possibilités pour les personnes ayant quitté la salle de pouvoir néanmoins continuer à voter, sur la prise en compte des votes envoyés sur un mauvais sous-répertoire de la boîte fonctionnelle et sur la prise en considération d’un vote envoyé avant l’ouverture du scrutin.

64      Sur la base de ces éléments, premièrement, il y a lieu de constater que le courriel du directeur général de la DGP indiquait que l’accord de l’ensemble des membres du CdP était une condition préalable à la tenue de la réunion constitutive du 16 juin 2020. À cet égard, le requérant lui-même reconnaît que l’accord préalable a été signé par l’ensemble des membres du CdP, ce dont fait état l’annexe A.7 de la requête.

65      Deuxièmement, en ce qui concerne le contenu de l’accord préalable, il convient de relever que le courriel du directeur général du CdP se limitait à indiquer que cet accord devrait contenir des règles détaillées pour la conduite de la réunion constitutive, y compris des règles concernant le vote secret, sans cependant les préciser. Néanmoins, il convient de constater qu’il ressort du dossier que ledit accord ne contenait pas de règles détaillées sur la conduite de la réunion, mais uniquement la reconnaissance que le caractère secret de l’expression des suffrages serait suffisamment garanti par les modalités de vote retenues.

66      Troisièmement, afin de déterminer si d’autres dérogations aux règles prévues par le RI avaient été établies, notamment en ce qui concerne le vote par procuration, il y a lieu de rappeler que l’article 20, paragraphe 2, du RI régissant les modalités d’exercice de la procuration, auquel l’article 4 du RI consacré à l’élection du président du CdP renvoie, établit que, « [e]n cas de scrutin secret, tout membre participant à la plénière en visioconférence ne peut voter personnellement mais peut donner procuration oralement à un membre présent dans la salle de réunion afin que ce dernier puisse voter pour lui ». Ainsi, l’article 20, paragraphe 2, du RI prévoit, en substance, qu’un membre du collège électoral qui participe à la réunion en visioconférence ne peut pas voter mais a la faculté de donner procuration oralement à un membre présent dans la salle de réunion.

67      À cet égard, il y a lieu de constater que, en substance, il ressort de la convocation du 5 juin 2020 à la réunion constitutive du 16 juin 2020, des courriels qui ont précédé ladite réunion et des conditions dans lesquelles cette réunion s’est tenue que tous les membres du collège électoral avaient accepté, en dérogation à l’article 20, paragraphe 2, du RI, que ceux d’entre eux qui participaient à la réunion en visioconférence pouvaient voter directement, sans recourir à une procuration.

68      Dans ce contexte, il y a lieu d’ajouter que, au cours de la réunion constitutive du 16 juin 2020, des questions ont été posées séance tenante quant aux modalités de l’exercice effectif du vote par procuration. En effet, d’une part, cela ressort tant des déclarations des scrutateurs citées au point 62 ci-dessus que de l’enregistrement vidéo et de la transcription de ladite réunion. D’autre part, le requérant lui-même, au cours de cette réunion, a déclaré que, « au début, […] on est tous en train d’apprendre, […] on n’avait pas bien dit, peut-être, la question de procuration ».

69      Enfin, comme cela ressort du point 63 ci-dessus, la circonstance que les scrutateurs aient été sollicités par plusieurs questions démontre que, préalablement à la tenue de la réunion constitutive du 16 juin 2020, certains aspects relatifs à la procédure de vote à distance demeuraient incertains.

70      À la lumière de ces précisions factuelles, il convient d’examiner le bien-fondé des arguments invoqués par le requérant au soutien de la première branche de son premier moyen.

–       Sur le bien-fondé des arguments invoqués au soutien de la première branche du premier moyen

71      À titre liminaire, il convient de relever que les règles dérogeant au régime applicable pour l’élection du président du CdP prévu par le RI n’avaient pas été établies dans les moindres détails préalablement à la réunion constitutive du 16 juin 2020. En effet, premièrement, il ressort du point 65 ci-dessus que l’accord préalable portait seulement sur la reconnaissance que le caractère secret de l’expression des suffrages serait suffisamment garanti par les modalités de vote retenues. Deuxièmement, il ressort du point 69 ci-dessus que, au cours de la réunion constitutive du 16 juin 2020, plusieurs questions ont été posées aux scrutateurs. Il convient d’en conclure que tous les aspects de la procédure dérogatoire n’avaient pas été suffisamment clarifiés et détaillés.

72      Ensuite, en premier lieu, s’agissant des difficultés techniques de connexion audiovisuelle évoquées par le Parlement dans le rejet de la réclamation, contrairement à ce que le requérant fait valoir, il convient de constater qu’elles n’ont pas seulement entraîné un retard au début de la réunion constitutive du 16 juin 2020, mais aussi affecté d’autres moments de celle-ci. En effet, comme cela ressort de l’enregistrement vidéo de ladite réunion ainsi que de sa transcription, l’un des membres du collège électoral n’a pas été en mesure de continuer à suivre la réunion à cause de plusieurs difficultés d’ordre technique et a décidé de retirer son accord préalable.

73      À cet égard, en tenant compte du fait que, comme cela ressort de l’examen effectué au point 67 ci-dessus, il a été admis que les membres élus du CdP qui ne se trouvaient ni à Bruxelles ni à Luxembourg pouvaient choisir de voter directement sans recourir à un vote par procuration, c’est à juste titre que le Parlement a pu considérer que les difficultés de connexion audiovisuelle étaient susceptibles d’avoir eu un impact sur la régularité du vote à distance lors de la réunion constitutive du 16 juin 2020.

74      En deuxième lieu, s’agissant des arguments relatifs à l’erreur de manipulation des scrutateurs et à la disparition du 29e vote, qu’il convient d’examiner ensemble, il y a lieu de constater que ces événements n’ont pas été sans conséquence sur la réunion constitutive du 16 juin 2020. En effet, il ressort du dossier que, d’une part, les scrutateurs, avant que le premier tour de scrutin pour l’élection du président du CdP ait lieu, n’ont pas exclu la possibilité de tenir compte d’un vote exprimé et envoyé dans un mauvais sous-répertoire de la boîte fonctionnelle. D’autre part, lors de ce premier tour de scrutin, les scrutateurs ont effectivement décidé de tenir compte d’un vote qui avait été envoyé dans un mauvais sous-répertoire par l’un des membres du collège électoral. Ainsi, dans la mesure où ce n’est qu’après la tenue de la réunion constitutive du 16 juin 2020 que les scrutateurs ont constaté que l’absence du 29e vote n’était pas due au fait qu’un membre n’avait pas utilisé la procuration qu’il avait reçue, mais au fait qu’un membre avait envoyé son vote dans un mauvais sous-répertoire, il doit être conclu que, si cette erreur avait été détectée au cours de la réunion, ce vote aurait été pris en compte et qu’il n’est pas exclu que ce vote aurait pu être décisif pour l’élection du président du CdP.

75      Ainsi, à la lumière de ces différents éléments, il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que le Parlement a pu considérer que les difficultés techniques rencontrées, lesquelles n’ont pas affecté uniquement le début de la réunion constitutive du 16 juin 2020, les erreurs de manipulation des scrutateurs et l’absence du 29e vote soulevaient des doutes quant à la régularité de l’élection du président du CdP lors de ladite réunion.

76      En troisième lieu, en ce qui concerne les incertitudes éprouvées par certains membres du collège électoral en raison des incidents examinés aux points 72 à 74 ci-dessus, relatives, d’une part, à la possibilité pour les membres ayant quitté la réunion de continuer ou non à voter et, d’autre part, à l’impossibilité d’appliquer certaines dispositions du RI, notamment son article 20, paragraphe 2, concernant les modalités de vote par procuration et interdisant aux membres participant en visioconférence de voter personnellement et son article 4 concernant l’élection du président, en combinaison avec la procédure de vote à distance, il convient de constater ce qui suit.

77      S’agissant des doutes relatifs à l’application de l’article 20, paragraphe 2, du RI, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’examen développé ci-dessus que, même si la convocation du 5 juin 2020 à la réunion constitutive du 16 juin 2020 et les courriels échangés avant la tenue de ladite réunion induisent à considérer qu’une dérogation avait été acceptée quant à la possibilité pour les membres du collège électoral qui ne se trouvaient ni à Bruxelles ni à Luxembourg de voter directement, il n’en reste pas moins que des questions relatives à la règle concernant la procuration ont été posées lors de la réunion. Ainsi, il convient de conclure que le Parlement a pu considérer, dans ces circonstances, qu’un doute quant à la régularité de l’élection du président du CdP existait.

78      S’agissant des incertitudes dues aux incidents examinés aux points 72 à 74 ci-dessus, relatives à la possibilité pour les membres ayant quitté la réunion constitutive du 16 juin 2020 de continuer ou non à voter, il convient de relever que, lors de ladite réunion, avant la tenue du scrutin ayant élu le requérant à la présidence du CdP, la doyenne d’âge a tenu les propos suivants : « [p]résent, c’est toute personne qui est présente physiquement, mais même les personnes qui sont dehors vont recevoir le mail, peuvent voter ou ne pas voter ». Elle a ajouté : « [c]est à leur guise de voter ou de ne pas voter ». Ainsi, il y a lieu de conclure que les incertitudes éprouvées par certains quant à la possibilité pour les membres du collège électoral qui avaient quitté la réunion de continuer à voter étaient également susceptibles d’engendrer des doutes dans le chef du Parlement sur la régularité de la procédure d’élection du président du CdP.

79      S’agissant des incertitudes relatives à l’impossibilité d’appliquer l’article 4 du RI en combinaison avec la procédure de vote à distance, il convient de rappeler que, d’une part, ledit article établi que « [l]a présence de la majorité des membres composant le [CdP] est nécessaire » pour l’élection de son président et que, d’autre part, l’article 20, paragraphes 2 et 3, du RI prévoit que « tout membre participant à la plénière en visioconférence ne peut voter personnellement mais peut donner procuration oralement à un membre présent dans la salle de réunion » et que « [c]haque membre présent ne peut être porteur que d’une seule procuration ».

80      Or, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si, en l’espèce, le quorum prévu pour l’élection du président du CdP a été respecté, il y a lieu de constater que l’article 4 et l’article 20 du RI se prêtent à être interprétés comme établissant que les membres présents au sens de l’article 4 du RI sont ceux qui sont présents dans la salle de réunion et qui peuvent recevoir une procuration conformément à l’article 20 du RI. Partant, il y a lieu de conclure que, la question du quorum ne faisant pas l’objet, de manière explicite, de l’accord préalable, les incertitudes éprouvées quant au respect de ce quorum à la suite du départ de certains membres pouvaient être considérées par le Parlement comme générant un doute sur la régularité du déroulement de la réunion.

81      En quatrième lieu, s’agissant des arguments du requérant selon lesquels, d’une part, un accord sur l’ensemble des aspects dérogeant aux règles en vigueur entre tous les membres élus du CdP ayant été conclu préalablement à la tenue de la réunion, il ne pouvait pas être retiré en cours de réunion, ledit retrait étant de nature abusive et obstructive et, d’autre part, si certains membres du CdP avaient des doutes quant à la fiabilité de la procédure de vote à distance, ils auraient dû simplement refuser de donner leur accord préalable, il convient de constater qu’ils se fondent sur une prémisse erronée.

82      En effet, il ressort de l’examen développé ci-dessus que l’accord préalable ne portait pas sur l’ensemble des aspects dérogeant aux règles prévues par le RI, mais seulement sur la reconnaissance que le caractère secret de l’expression des suffrages serait suffisamment garanti par les modalités de vote retenues.

83      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant selon lequel le retrait de l’accord préalable séance tenante était de nature abusive et obstructive en ce qu’il a eu lieu seulement après la proclamation, par les scrutateurs, des résultats du premier tour de scrutin de l’élection du président du CdP et qu’il émanait de membres soutenant l’autre candidat à la présidence. En effet, d’une part, l’affirmation relative à la nature abusive et obstructive de ce retrait n’est pas étayée et reste donc à l’état de pure allégation. D’autre part, il ressort de l’examen développé ci-dessus que, contrairement à ce que le requérant fait valoir, l’accord préalable ne couvrait pas tous les aspects dérogeant aux règles prévues par le RI.

84      En cinquième lieu, premièrement, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel le Parlement a omis de tenir compte des modalités particulières définies en accord avec son administration et son service juridique et donc validées par ladite administration, il ressort du dossier que le Parlement a eu un rôle dans l’organisation de la réunion constitutive du 16 juin 2020. Cependant, il convient de relever que l’examen développé ci-dessus démontre que, contrairement au souhait exprimé par le directeur général de la DGP, tous les aspects dérogeant aux règles prévues par le RI n’ont pas été réglés préalablement à ladite réunion. Or, même s’il est regrettable que le Parlement n’ait pas résolu préalablement toutes les questions relatives aux dérogations aux règles prévues par le RI, il n’en reste pas moins que les modalités particulières définies en accord avec ses services n’ont pas empêché la survenance de dysfonctionnements, raison pour laquelle il a pu avoir des doutes sur la régularité de la réunion et a pu intervenir, en exerçant le droit reconnu par la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus, afin de sauvegarder le respect du principe de sécurité juridique, qui est un principe fondamental du droit de l’Union.

85      Deuxièmement, il en va de même pour l’argument du requérant selon lequel la régularité de la procédure de son élection à la présidence du CdP a été validée par les scrutateurs, membres du service juridique du Parlement, qui ont pris part à la réunion constitutive du 16 juin 2020, et par un autre membre dudit service. En effet, il suffit de constater que les avis exprimés tant par les scrutateurs que par l’autre membre du service juridique du Parlement ne peuvent pas primer sur les compétences du directeur général de la DGP, en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination, et du secrétaire général du Parlement d’intervenir en cas de doute afin d’assurer la régularité de l’élection du président du CdP.

86      En sixième lieu, cette conclusion ne peut pas être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel les règles établies pour la réunion constitutive du 16 juin 2020 étaient presque identiques à celles établies pour les réunions de l’Assemblée plénière du Parlement et des commissions parlementaires. À cet égard, d’une part, il convient de relever que, contrairement aux dérogations prévues pour l’élection du CdP qui sont fondées sur la volonté de ses membres, celles prévues pour le vote au sein du Parlement ont une base légale différente, à savoir les décisions du bureau du Parlement du 20 mars 2020, complétant sa décision du 3 mai 2004 sur les consignes relatives aux votes, et du 8 février 2021. D’autre part, il y a lieu de constater que ces deux décisions contiennent une description précise et détaillée de toutes les dérogations prévues aux règles applicables au sein de l’Assemblée plénière du Parlement et des commissions parlementaires dans l’hypothèse d’un vote à distance, contrairement aux règles établies pour la tenue de la réunion constitutive du 16 juin 2020. Partant, la comparaison effectuée par le requérant n’est pas fondée.

87      En ce qui concerne son argument selon lequel des incidents techniques ont affecté d’autres réunions sans que les décisions adoptées dans le cadre de ces réunions aient été annulées par le Parlement, il suffit de relever que le requérant se fonde sur la prémisse selon laquelle, le Parlement n’étant pas intervenu dans le cadre d’autres réunions, il n’aurait pas dû intervenir non plus dans le cadre de la réunion constitutive du 16 juin 2020. Or, il ressort du point 86 ci-dessus que la comparaison effectuée par le requérant n’est pas fondée.

88      Dans ce contexte, il y a également lieu de rejeter, pour le même motif, l’argument du requérant fondé sur la circonstance que, lors d’une réunion de la commission « Affaires constitutionnelles » du Parlement ayant mis en place un vote à distance par courriel, soit selon lui exactement le même système que celui utilisé lors de la réunion constitutive du 16 juin 2020, de nombreux problèmes de connexion avaient été constatés sans pour autant remettre en cause la régularité des votes. En tout état de cause, cet argument ne satisfait pas à la charge qui incombe au requérant de prouver ses allégations, dans la mesure où il se fonde sur les appréciations personnelles d’un interprète, exprimées après la conclusion de la réunion en cause, qui, en elles-mêmes, ne sont pas susceptibles d’être considérées comme suffisamment probantes.

89      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

ii)    Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 4 du RI

90      Le requérant fait valoir que, lors de la réunion constitutive du 16 juin 2020, aucune irrégularité manifeste n’a été établie, dès lors que le quorum de quinze membres prévu par l’article 4 du RI a été respecté.

91      Le Parlement conteste les arguments du requérant.

92      Il suffit de constater que ni dans la décision attaquée, ni dans le rejet de la réclamation, le Parlement ne s’est prononcé sur la question de savoir si la disposition du RI concernant le quorum avait ou non été respectée. En effet, comme cela est conclu au point 80 ci-dessus, le Parlement s’est limité à considérer que les incertitudes éprouvées quant au respect du quorum à la suite du départ de certains membres du CdP justifiaient ses doutes et, partant, son intervention, conformément à la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus.

93      Ainsi, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant inopérante.

iii) Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du devoir de diligence et de l’article 41 de la Charte

94      Le requérant fait valoir que le Parlement a méconnu son devoir de diligence, qui l’oblige à examiner avec soin et impartialité tous les éléments avant d’adopter une décision. Notamment, selon le requérant, le Parlement n’a tenu compte ni de l’enregistrement de la réunion constitutive du 16 juin 2020 ni du rapport de la doyenne d’âge ou de celui des scrutateurs, le second confirmant en tous points le premier. À cet égard, il fait observer que, si cet enregistrement et ces rapports avaient été pris en considération, le rejet de la réclamation n’aurait pas conclu que l’erreur des scrutateurs avait eu des conséquences sur le décompte du 29e vote et que ce vote avait disparu sans explication. En outre, le requérant soutient que le Parlement n’était pas autorisé à ne pas suivre les recommandations contenues dans le rapport de la doyenne d’âge, qui suggérait de reprendre la réunion constitutive à partir de la proclamation du résultat de l’élection du premier vice-président du CdP.

95      Le requérant reproche également au Parlement d’avoir ordonné aux scrutateurs de quitter la réunion constitutive du 16 juin 2020 sans expliquer le motif d’une telle instruction, qui constitue, selon lui, une intervention illégale dans la tenue des élections.

96      Le requérant fait enfin observer que l’intervention du Parlement était fondée sur les seules plaintes de certains membres du CdP qui avaient quitté la réunion constitutive du 16 juin 2020, en raison probablement du fait que le résultat du scrutin pour l’élection du président du CdP n’était pas celui qu’ils avaient espéré, et retiré séance tenante leur accord préalable.

97      Le Parlement conteste les arguments du requérant.

98      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le devoir de diligence, qui est inhérent au principe de bonne administration et s’applique de manière générale à l’action de l’administration de l’Union, exige de celle-ci qu’elle agisse avec soin et prudence (arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 34).

99      Ensuite, en premier lieu, il convient de relever que les arguments du requérant selon lesquels, d’une part, le Parlement s’est fondé sur les seules plaintes de certains membres du CdP et n’a tenu compte ni de l’enregistrement vidéo de la réunion constitutive du 16 juin 2020 ni du rapport de la doyenne d’âge ou du rapport des scrutateurs et, d’autre part, ce second rapport confirme en tous points le premier ne peuvent pas prospérer.

100    En effet, contrairement à ce que le requérant soutient, il ressort du dossier que, aux fins de l’établissement des faits fondant la décision attaquée, le Parlement a tenu compte, dans un souci d’objectivité, du rapport des scrutateurs et de l’enregistrement vidéo de la réunion constitutive du 16 juin 2020, mais pas des rapports de la doyenne d’âge et du membre élu du CdP qui avait participé à l’entretien avec le secrétaire général du Parlement, qui étaient considérés comme subjectifs. Ainsi, il ne peut être reproché au Parlement de ne pas avoir agi avec le soin et la prudence requis par le devoir de diligence en ne suivant pas les recommandations contenues dans le rapport de la doyenne d’âge.

101    Il ressort également du dossier que l’argument du requérant selon lequel le rapport des scrutateurs confirme en tous points celui de la doyenne d’âge manque en fait. En effet, le rapport des scrutateurs fournit un motif différent de celui de la doyenne d’âge pour justifier la disparition du 29e vote lors du premier tour de l’élection du président du CdP, à savoir le fait que ce vote avait été envoyé dans un mauvais sous-répertoire de la boîte fonctionnelle. Ainsi, c’est précisément en tenant compte de cet élément, comme cela ressort par ailleurs de l’examen de la première branche du premier moyen, que le Parlement a pu considérer qu’il existait un doute quant à la régularité de la procédure d’élection du président du CdP.

102    En second lieu, s’agissant de la prétendue illégalité de l’ordre donné aux scrutateurs de quitter la réunion constitutive du 16 juin 2020, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus reconnaît à une institution le droit d’intervenir et, d’autre part, qu’il ressort de l’examen développé dans le cadre de la première branche du premier moyen que le Parlement a pu considérer que les circonstances dans lesquelles s’était tenue ladite réunion justifiaient ses doutes et, partant, son intervention. Il en découle que l’ordre donné aux scrutateurs de quitter la réunion constitutive du 16 juin 2020 était une mesure nécessaire afin de garantir le respect du principe de sécurité juridique et que l’intervention du Parlement n’était pas contraire à son obligation d’agir avec soin et prudence.

103    Partant, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen et, donc, le premier moyen dans son ensemble.

2)      Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 41 de la Charte et du droit d’être entendu

104    Le requérant affirme ne pas avoir eu accès à l’avis du service juridique du Parlement auquel la décision attaquée se réfère et ignorer quels sont les éléments et les pièces qui ont été pris en compte par le Parlement pour adopter ses décisions.

105    En outre, le requérant soutient ne pas avoir été entendu avant que la décision attaquée ne soit adoptée.

106    À cet égard, il fait valoir que, s’il avait été entendu sur le rapport des scrutateurs, sur le rapport du membre élu du CdP qui avait participé à l’entretien avec le secrétaire général du Parlement et sur les retraits écrits des accords préalables, reproduits à l’annexe B.4 du mémoire en défense, la décision attaquée aurait pu être différente. Par ailleurs, il affirme que le fait que le rapport des scrutateurs et l’enregistrement de la réunion constitutive du 16 juin 2020 lui aient été envoyés après le rejet de la réclamation rend ces envois tardifs aux fins du respect du droit d’être entendu.

107    S’agissant du rapport du membre élu du CdP qui avait participé à l’entretien avec le secrétaire général du Parlement, le requérant soutient que, s’il avait été entendu, il aurait pu mettre en évidence, premièrement, qu’il était faux que l’accord préalable n’était pas suffisamment clair et n’avait porté que sur le principe d’un vote à distance, deuxièmement, que la méthodologie et les modalités avaient été exposées et expliquées à plusieurs reprises avant la réunion constitutive du 16 juin 2020, troisièmement, que la demande de suspension avait été rejetée de façon régulière et, quatrièmement, que le quorum avait été respecté. S’agissant des retraits écrits des accords préalables, le requérant fait valoir que, certes, il connaissait l’existence de ces retraits, mais qu’il ignorait les termes y figurant quant à une violation de l’article 4 et de l’article 20, paragraphe 2, du RI, reprise dans la décision attaquée. À cet égard, selon le requérant, la référence à l’article 4 du RI concernant le quorum est erronée et la référence à l’article 20, paragraphe 2, du RI ne peut pas prospérer, la convocation du 5 juin 2020 à la réunion constitutive du 16 juin 2020 ayant fait référence à la procuration. Ainsi, selon le requérant, contrairement à ce qui ressort des retraits écrits, l’accord préalable ne concernait pas seulement le vote à distance, mais aussi les modalités précisées dans ladite convocation.

108    Sur la base de ces considérations, le requérant soutient que le Parlement a violé tant l’article 41 de la Charte que son droit d’être entendu.

109    Le Parlement conteste les arguments du requérant et, s’agissant de celui concernant la violation du droit d’être entendu, soulève une fin de non-recevoir tirée du non-respect de la règle de concordance entre la requête et la réclamation.

110    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel il n’a pas eu accès à l’avis du service juridique du Parlement du 6 juillet 2020, il convient de constater ce qui suit. Certes, dans la décision attaquée, le Parlement fait référence aux motifs qui figureraient, selon lui, dans ledit avis. Cependant, ces mêmes motifs, repris par le Parlement dans la décision attaquée et développés dans le rejet de la réclamation, constituent la motivation de la décision attaquée, dont le requérant a pris connaissance et qu’il a pu contester. Par conséquent, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si, comme le soutient le Parlement, l’avis de son service juridique du 6 juillet 2020 jouit de la protection contre la divulgation sur le fondement de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), il y a lieu de constater que cet argument ne peut pas prospérer et doit donc être rejeté.

111    S’agissant des arguments du requérant selon lesquels il ignore, d’une part, les éléments et, d’autre part, les pièces sur le fondement desquels le Parlement a adopté la décision attaquée, il convient de constater ce qui suit.

112    En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel il ignore les éléments sur lesquels le Parlement a fondé la décision attaquée, il y a lieu de relever que, dans ladite décision, ce dernier a indiqué que, aux fins de son adoption, il a pris en compte les dysfonctionnements constatés lors des élections, les différents retraits d’accords préalables et l’obligation qui s’impose à une institution de faire respecter la légalité par ses organes internes. Partant, ces indications ayant permis au requérant de comprendre le fondement de la décision attaquée, cet argument doit également être rejeté.

113    En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel il ignore les pièces sur lesquelles le Parlement a fondé la décision attaquée, il convient de relever que, d’une part, dans le mémoire en défense, le Parlement affirme ne s’être fondé, aux fins d’établir les faits afférents à la réunion constitutive du 16 juin 2020, que sur le rapport des scrutateurs et l’enregistrement vidéo de ladite réunion, dans la mesure où il a considéré que les rapports de la doyenne d’âge et du membre élu du CdP qui avait participé à l’entretien avec le secrétaire général du Parlement étaient subjectifs.

114    D’autre part, dans le mémoire en défense, le Parlement énumère également les pièces qui formaient le dossier interne de l’administration, à savoir, premièrement, les rapports de la doyenne d’âge et du membre élu du CdP qui avait participé à l’entretien avec le secrétaire général du Parlement, tout en précisant que ceux-ci n’avaient pas été utilisés pour l’établissement des faits, deuxièmement, les retraits écrits des accords préalables, troisièmement, les observations communes du requérant et de la doyenne d’âge adressées le 30 juin 2020 au président et au secrétaire général du Parlement et, quatrièmement, l’avis de son service juridique du 6 juillet 2020. Le Parlement conclut que le requérant ne pouvait pas ignorer que ces pièces avaient été prises en compte aux fins de l’adoption de la décision attaquée.

115    À cet égard, il suffit de constater que, dans la réplique, le requérant ne conteste pas explicitement cette conclusion du Parlement, mais se borne à affirmer qu’il n’avait pas connaissance des termes des retraits écrits des accords préalables, en admettant toutefois avoir connaissance de leur existence.

116    En outre, d’une part, le requérant réitère que, si le Parlement n’a pris en compte, aux fins de l’adoption de la décision attaquée, que l’enregistrement vidéo de la réunion constitutive du 16 juin 2020 et le rapport des scrutateurs, il a alors manqué à son devoir de diligence. D’autre part, le requérant soutient que, si le Parlement a pris également en compte, à ces fins, les autres pièces énumérées dans le mémoire en défense, il a alors violé son droit d’être entendu.

117    Or, premièrement, comme cela est conclu au point 100 ci-dessus, l’argument du requérant relatif à la violation du devoir de diligence ne peut pas prospérer.

118    Deuxièmement, s’agissant de l’argument du requérant relatif à la violation de son droit d’être entendu, en premier lieu, il convient de constater que le Parlement admet que celui-ci n’a pas pu se prononcer sur le rapport des scrutateurs avant que la décision attaquée soit adoptée.

119    En second lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 8 septembre 2021, JA/Parlement, T‑156/20, non publié, EU:T:2021:551, point 84 et jurisprudence citée).

120    Toutefois, il doit également être souligné que, selon une jurisprudence constante, une violation du droit d’être entendu n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (arrêts du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 38, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 157).

121    De plus, pour établir que tel est le cas, la partie requérante doit expliquer quels sont les arguments et les éléments qu’elle aurait fait valoir si ses droits de la défense avaient été respectés et démontrer, le cas échéant, que ces arguments et ces éléments auraient pu conduire dans son cas à un résultat différent [voir arrêt du 3 juillet 2019, PT/BEI, T‑573/16, EU:T:2019:481, point 269 (non publié) et jurisprudence citée].

122    Cependant, il ne saurait être imposé à une partie requérante qui invoque la violation de ses droits de la défense de démontrer que la décision de l’institution de l’Union concernée aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’était pas entièrement exclue (voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 106 et jurisprudence citée).

123    L’appréciation de cette question doit, en outre, être effectuée en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de chaque espèce (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 40).

124    En ce qui concerne, tout d’abord, les arguments du requérant selon lesquels l’accord préalable était suffisamment clair et ne portait pas seulement sur le principe du vote à distance, il suffit de constater qu’il ressort de l’examen de la première branche du premier moyen que, contrairement à ce que le requérant prétend, l’accord préalable ne portait que sur la tenue de la réunion constitutive par vote à distance du fait de la reconnaissance que le caractère secret de l’expression des suffrages serait suffisamment garanti par les modalités de vote retenues. Ensuite, s’agissant des arguments du requérant selon lesquels les modalités de fonctionnement de la réunion constitutive du 16 juin 2020 avaient été exposées et expliquées à plusieurs reprises avant que ladite réunion ait lieu, il ressort également de l’examen de la première branche du premier moyen que tous les aspects dérogeant aux règles contenues dans le RI n’avaient pas été établis de manière exhaustive avant la tenue de ladite réunion et qu’ils ont, en tout état de cause, donné lieu en séance à des questions de la part des membres du collège électoral. Enfin, concernant les retraits écrits des accords préalables qui contiennent une mention relative à l’article 4 et à l’article 20, paragraphe 2, du RI, il convient de relever que le requérant se fonde sur une prémisse erronée, dès lors qu’il a également été établi dans l’examen de la première branche du premier moyen que l’accord préalable ne portait pas sur l’ensemble des aspects dérogeant aux règles prévues par le RI, y compris l’article 4 et l’article 20 de celui-ci. Ainsi, ces arguments manquent en fait et doivent être rejetés.

125    En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel la demande de suspension de la réunion constitutive du 16 juin 2020 avait été rejetée de manière régulière, il suffit de constater que le Parlement n’a fondé ni la décision attaquée ni le rejet de la réclamation sur la décision du CdP de ne pas suspendre ladite réunion. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant inopérant.

126    En ce qui concerne l’argument du requérant relatif au quorum, comme cela est indiqué au point 92 ci-dessus, le Parlement ne s’est prononcé sur la question de savoir si la disposition du RI concernant ledit quorum avait été ou non respectée ni dans la décision attaquée ni dans le rejet de la réclamation. Ainsi, cet argument doit également être rejeté comme étant inopérant.

127    En ce qui concerne l’argument du requérant relatif au rapport des scrutateurs, le Parlement précise, à juste titre, d’une part, que la valeur ajoutée dudit rapport résidait dans le fait qu’il a permis de confirmer les incertitudes ressenties par certains membres du collège électoral quant à la fiabilité des résultats issus du premier scrutin pour l’élection du président du CdP et, d’autre part, que cette appréciation de la fiabilité des résultats du scrutin n’aurait pas été différente si le requérant avait été entendu.

128    À la lumière des considérations qui précèdent, le requérant n’ayant pas démontré que, s’il avait été entendu, il ne serait pas entièrement exclu que la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent, il y a lieu de rejeter également son argument tiré de la violation du droit d’être entendu en raison de la transmission tardive du rapport de scrutateurs et de l’enregistrement vidéo de la réunion constitutive du 16 juin 2020, dans la mesure où cette transmission n’a eu aucune conséquence en l’espèce.

129    Partant, l’argument du requérant tiré de la violation de son droit d’être entendu doit être rejeté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement à cet égard.

130    Ainsi, le second moyen doit être rejeté dans son intégralité, tout comme les conclusions en annulation de la décision attaquée.

b)      Sur les conclusions visant l’annulation, en substance, de la réunion constitutive du 14 septembre 2020, en particulier en ce qui concerne l’élection d’un autre candidat que le requérant à la présidence du CdP

131    Le requérant affirme que les illégalités qui entachent la décision attaquée rendent nécessairement illégale la réunion constitutive du 14 septembre 2020, en particulier en ce qui concerne l’élection d’un autre candidat que lui à la présidence du CdP.

132    Le Parlement conteste les arguments du requérant.

133    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions en annulation de la réunion constitutive du 14 septembre 2020 par rapport à l’existence d’un acte faisant grief au requérant, il suffit de constater que, comme ce dernier le fait valoir, l’annulation de la décision attaquée devrait entraîner celle de ladite réunion. Or, les conclusions en annulation de la décision attaquée ayant été rejetées, cela entraîne également le rejet des conclusions visant l’annulation, en substance, de la réunion constitutive du 14 septembre 2020.

2.      Sur les conclusions indemnitaires

134    Le requérant fait valoir que les illégalités commises par le Parlement constituent des fautes qui, prises isolément ou dans leur ensemble, sont de nature à engager la responsabilité de l’institution, dans la mesure où elles ont engendré à son égard un préjudice moral.

135    En effet, le requérant avance qu’il s’est vu interdire d’exercer le mandat pour lequel il avait régulièrement été élu et que cela lui a procuré un sentiment de frustration et d’incompréhension, d’autant plus qu’il ignore sur quelle base le Parlement a décidé d’annuler son élection et que la mise en place de la réunion constitutive du 16 juin 2020, la définition de ses modalités, son encadrement ainsi que son déroulement ont été décidés en concertation et avec le soutien du service juridique du Parlement. Le requérant évalue la réparation du préjudice moral qu’il a subi à un montant qu’il fixe, ex æquo et bono, à 2 000 euros.

136    Le Parlement conteste les arguments du requérant.

137    Il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 202 et jurisprudence citée).

138    Il ressort également de la jurisprudence qu’une demande d’indemnisation relevant de l’article 270 TFUE et de l’article 91, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne peut être fondée non seulement sur l’adoption, par une institution ou par un organisme de l’Union, d’un acte entaché d’illégalité, mais aussi, notamment, sur un comportement dépourvu de caractère décisionnel d’une telle institution ou d’un tel organisme, lorsque ce comportement présente un caractère illégal, justifiant de le qualifier de « faute de service » (arrêt du 4 juin 2020, Schokker/AESA, C‑310/19 P, non publié, EU:C:2020:435, point 53).

139    En l’espèce, en ce qui concerne les conclusions du requérant tendant à la réparation du préjudice moral qu’il affirme avoir subi en raison de la décision attaquée et de la réunion constitutive du 14 septembre 2020, elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont été rejetées et doivent donc également être rejetées, conformément à la jurisprudence citée au point 137 ci-dessus.

140    En ce qui concerne les conclusions du requérant tendant à la réparation du préjudice moral qu’il affirme avoir subi du fait qu’il ignore sur quelle base le Parlement a adopté la décision attaquée, il suffit de constater que, comme cela ressort du point 112 ci-dessus, le Parlement a indiqué, tant dans la décision attaquée que dans le rejet de la réclamation, les motifs fondant son intervention et que, donc, le requérant ne peut pas soutenir qu’il les ignore.

141    En ce qui concerne les conclusions du requérant tendant à la réparation du préjudice moral qu’il affirme avoir subi, lié à son sentiment de frustration et d’incompréhension du fait de la participation du service juridique du Parlement à la mise en place et au déroulement de la réunion constitutive du 16 juin 2020, il suffit de relever que, même s’il a été constaté, au point 84 ci-dessus, qu’il est regrettable que, malgré l’implication de son service juridique dans la préparation de la réunion constitutive du 16 juin 2020, le Parlement n’ait pas résolu préalablement toutes les questions relatives au déroulement de ladite réunion et, notamment, aux dérogations aux règles prévues par le RI, il n’en reste pas moins que cela ne suffit pas à qualifier le comportement du service juridique du Parlement comme étant illégal et, donc, comme constituant une faute de service au sens de la jurisprudence citée au point 138 ci-dessus.

142    À la lumière de ces considérations, les conclusions indemnitaires du requérant doivent être rejetées ainsi que le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

143    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Roberto Aquino est condamné aux dépens.

Kanninen

Jaeger

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1ᵉʳ juin 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. De Baere


*      Langue de procédure : le français.