Language of document : ECLI:EU:T:2012:267



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

25 mai 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale JUMPMAN – Marque nationale verbale antérieure JUMP – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑233/10,

Nike International Ltd, établie à Beaverton, Oregon (États-Unis), représentée par Me M. de Justo Bailey, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Intermar Simanto Nahmias, établie à Çatalca-Istanbul (Turquie), représentée par Mes J. Güell Serra et M. Curell Aguilà, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 11 mars 2010 (R 738/2009-1), relative à une procédure d’opposition entre Intermar Simanto Nahmias et Nike International Ltd,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 mai 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 16 septembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 septembre 2010,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement d’un de ses membres,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 septembre 2007, la requérante, Nike International Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal JUMPMAN.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « vêtements, chaussures, chapellerie, y compris tenues, à savoir pantalons, shorts, chemises, tee-shirts, pull-overs, sweat-shirts, pantalons de training, sous-vêtements, soutiens-gorge de sport, robes, jupes, chandails, vestes, chaussettes, casquettes, chapeaux, visières, bandeaux contre la sueur, gants, ceintures, bonneterie, brassards, manteaux, gilets, jerseys, vestes coupe-vent ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 8/2009, du 18 février 2008.

5        Le 14 mai 2008, l’intervenante, Intermar Simanto Nahmias, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        marque verbale espagnole n° 2657489, JUMP, déposée le 16 mai 2005 et enregistrée le 28 mars 2006, désignant les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « vêtements ; chaussures ; chapellerie ».

–        marque communautaire verbale n° 2752145, JUMP, déposée le 25 juin 2002 et enregistrée le 2 février 2006, désignant les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « chaussures ; chaussettes ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 30 avril 2009, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur la base de la marque verbale espagnole antérieure n° 2657489 (ci-après « la marque antérieure »).

9        Le 3 juillet 2009, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 11 mars 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours et condamné la requérante à supporter les dépens. Elle s’est fondée, comme la division d’opposition, sur la marque antérieure. Le public pertinent serait le grand public en Espagne (point 18 de la décision attaquée). Les produits relevant de la classe 25 couverts par les signes en conflit seraient identiques, les produits contestés étant inclus dans les catégories générales visées par la marque antérieure (point 19 de la décision attaquée). La marque antérieure aurait un caractère distinctif (points 20 à 22 de la décision attaquée). Les signes en conflit seraient similaires visuellement et phonétiquement (points 23 à 25 de la décision attaquée). Une comparaison conceptuelle ne serait pas pertinente en l’espèce, les signes en conflit étant composés de « termes fantaisistes », et il serait « improbable que le consommateur espagnol moyen [comprenne] la signification du mot [anglais] ‘jump’ » (point 26 de la décision attaquée). Cela étant, la chambre de recours a également indiqué que « [s]i une partie du public compren[ait] le sens du mot ‘jump’ », alors les signes en conflit présenteraient une similitude conceptuelle, dans la mesure où ils contiennent tous les deux ce terme (point 27 de la décision attaquée). La chambre de recours a donc conclu qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit dans l’esprit du public pertinent (point 28 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée « dans la mesure où [celle-ci] confirme l’opposition » ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 1. Résumé des arguments des parties

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

15      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 2. Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

16      Le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

17      Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion au sens de la disposition précitée le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence qui y est citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II-43, point 42, et la jurisprudence qui y est citée].

 Sur le public pertinent

19      Ainsi que la jurisprudence l’a reconnu, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence qui y est citée].

20      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, dès lors que les produits relevant de la classe 25 étaient destinés au grand public et que la marque antérieure était une marque nationale espagnole, le public pertinent était le grand public espagnol (point 18 de la décision attaquée).

21      La requérante admet la définition du public pertinent figurant dans la décision attaquée, tout en alléguant que le niveau d’attention dudit public est plus élevé, les vêtements couverts par la marque demandée étant des « vêtements intimes ».

22      À cet égard, il importe de relever que les produits visés par les signes en conflit, c’est-à-dire les vêtements, les chaussures et la chapellerie, relevant de la classe 25, sont des produits de consommation courante, dont le public est en effet le consommateur moyen. Pour de tels produits, qui ne s’adressent pas à un public spécialisé, le niveau d’attention du consommateur est donc moyen. Or, puisque, contrairement aux allégations de la requérante, les produits couverts par la marque demandée, tout autant que les produits couverts par la marque antérieure, s’inscrivent dans les catégories générales susmentionnées relevant de la classe 25, et ne sont pas uniquement des vêtements intimes, lesquels sont simplement cités à titre d’exemple dans l’énumération commençant par « y compris », l’argument de la requérante alléguant un niveau d’attention plus élevé du public pertinent ne saurait être retenu.

 Sur la comparaison des produits et services

23      Ainsi que cela a été reconnu par une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence qui y est citée].

24      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les produits des signes en conflit étaient identiques (point 19 de la décision attaquée). Cette appréciation de la chambre de recours n’est pas contestée par la requérante. En effet, les intitulés des produits couverts par les signes en conflit sont identiques et c’est donc à bon droit que la chambre de recours les a considérés comme étant identiques. Dès lors que, par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute cette appréciation, il y a lieu de la retenir.

 Sur la comparaison des signes

–       Cadre d’appréciation

25      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence qui y est citée).

26      Il a été reconnu par la jurisprudence que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une identité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, confirmé par ordonnance de la Cour du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C‑3/03 P, Rec. p. I‑3657]. À cet égard, sont pertinents les aspects visuel, auditif et conceptuel (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25).

27      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe ou composée et à la comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe ou composée puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, point 25 supra, point 41, et la jurisprudence qui y est citée).

–       Sur le caractère distinctif du terme « jump » constituant la marque antérieure

28      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à un caractère distinctif du terme « jump » (point 20 de la décision attaquée).

29      La requérante allègue, quoique sans explication, que le terme « jump » a « perdu son caractère distinctif moyen initial ».

30      Cette assertion ne saurait convaincre. Au contraire, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que le terme « jump », qui ne fait pas partie du vocabulaire de base connu du grand public espagnol et ne sera pas compris comme le terme anglais signifiant « saut » ou « sauter », sera perçu comme un terme fantaisiste. Il en résulte un caractère distinctif moyen de la marque antérieure pour les produits relevant de la classe 25.

31      À cet égard, il y a lieu de souligner qu’un signe peut, comme dans le cas d’espèce et contrairement aux allégations de la requérante, avoir un caractère distinctif inhérent, indépendamment d’un caractère distinctif acquis par l’usage, voire une renommée ou une notoriété.

–       Sur la comparaison visuelle des signes en conflit

32      Sur le plan visuel, la chambre de recours a relevé que, bien que la marque demandée fût plus longue, avec sept lettres, que la marque antérieure, de quatre lettres, ces dernières, formant le terme « jump », étaient identiques (point 24 de la décision attaquée). Cette identité du début de la marque demandée rendrait les signes en conflit similaires, étant donné que le début d’un signe verbal aurait plus d’importance (points 23 et 24 de la décision attaquée).

33      La requérante, tout en admettant l’identité du terme « jump » dans les signes en conflit, qui serait « faible », conteste l’existence d’une similitude visuelle entre ces signes en raison de l’ajout du terme « man » dans la marque demandée. La terminaison de la marque demandée par le terme « man » et la différence du nombre de lettres composant les signes en conflit créeraient une impression visuelle d’ensemble différente (point 37 de la décision attaquée). Dans ce contexte, la requérante se réfère aux points 39 et 40 de l’arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Saiwa/OHMI – Barilla Alimentare (SELEZIONE ORO Barilla) (T‑344/03, Rec. p. II‑1097).

34      À cet égard, il y a lieu de noter que les signes en conflit partagent le terme « jump », qui constitue la marque antérieure et se situe au début de la marque demandée, laquelle comprend, de plus, le terme « man ». Les signes en conflit sont donc partiellement identiques, ce que la requérante admet. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le consommateur prête en général plus d’attention à la partie initiale d’une marque, compte tenu du fait qu’il lit de gauche à droite et que le début d’un signe verbal se situe à gauche [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 février 2008, Citigroup/OHMI – Link Interchange Network (WORLDLINK), T‑325/04, non publié au Recueil, point 82]. Les signes en conflit sont donc, malgré leur différence de longueur, similaires dans leur ensemble, par la présence commune du terme « jump », qui constitue la marque antérieure et le premier composant de la marque demandée.

35      L’arrêt SELEZIONE ORO Barilla, précité au point 33, ne remet pas en cause l’appréciation relative à la comparaison visuelle des signes en conflit, puisque l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt se distingue nettement de la présente et que, partant, son raisonnement n’est pas applicable au cas d’espèce. Tout d’abord, il ne s’agissait pas uniquement de signes verbaux comme en l’espèce. Ainsi, la marque demandée était une marque complexe, constituée d’éléments verbaux et figuratifs, notamment des termes « selezione oro » et « barilla », ainsi que d’une disposition graphique particulière de ces éléments verbaux, comportant l’ajout d’autres éléments graphiques. En revanche, les marques antérieures invoquées étaient des marques verbales, ORO et ORO SAIWA. Ensuite, le terme commun « oro » avait été qualifié de mot à fonction descriptive. Par conséquent, même si le Tribunal avait alors jugé que l’élément dominant de la marque antérieure ORO SAIWA était le terme « saiwa », ce dont on pouvait, effectivement, déduire que le terme « oro », composant le début de ladite marque, n’avait pas été considéré comme l’élément dominant de la marque ORO SAIWA, l’argumentation de la requérante ne saurait, en raison des nombreuses dissemblances qui viennent d’être relevées et qui font obstacle à la transposition à la présente espèce du raisonnement tenu par le Tribunal dans ledit arrêt, être accueillie.

36      Par suite, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré les signes en conflit comme étant visuellement similaires.

–       Sur la comparaison phonétique des signes en conflit

37      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient similaires, à cause de la présence de l’élément commun « jump », qui, d’une part, constitue la marque antérieure et, d’autre part, compose le début de la marque demandée.

38      La requérante admet l’identité phonétique des signes en conflit quant au terme « jump », mais conteste néanmoins la similitude phonétique de ces signes pris dans leur totalité.

39      À cet égard, il convient de juger que les signes en conflit, partageant le terme commun « jump », avec l’unique ajout de la syllabe « man » à la fin de la marque demandée, sont, dans leur ensemble, similaires phonétiquement et cela tout autant en partant d’une prononciation espagnole, qu’il y a lieu de présumer s’agissant du consommateur moyen espagnol, que selon une prononciation à l’anglaise, à supposer qu’une partie du public pertinent dispose de quelques connaissances d’anglais. La chambre de recours était donc en droit de trouver les signes en conflit phonétiquement similaires.

–       Sur la comparaison conceptuelle des signes en conflit

40      Selon la chambre de recours, les signes en conflit seront perçus comme des termes fantaisistes, le consommateur moyen espagnol ne comprenant pas le terme anglais « jump » (point 26 de la décision attaquée). Une comparaison conceptuelle ne serait donc pas possible, en raison de l’absence de signification et de concept véhiculés par les signes en conflit. La chambre de recours a ajouté que, si une partie du public pertinent comprenait le sens du mot « jump », alors les signes en conflit seraient conceptuellement similaires, dans la mesure où ils contiennent ce terme (point 27 de la décision attaquée).

41      La requérante conteste de manière contradictoire l’appréciation de la chambre de recours portant sur la comparaison conceptuelle des signes en conflit. En effet, d’une part, la requérante admet qu’il est « probable que le public pertinent n’accorde pas un sens direct et univoque au terme ‘jump’ et que, de ce fait, aucune comparaison conceptuelle ne peut être établie ». D’autre part, la requérante allègue que le terme « jump » évoque pour le consommateur moyen espagnol, « surtout s’agissant de ‘chaussures’, l’image mentale d’un mouvement vertical soudain, de l’action de s’élever du sol, etc. ».

42      Comme il a été relevé au point 30 ci-dessus quant au caractère distinctif du terme « jump », il y a lieu de considérer que ce terme n’est pas compris par le grand public espagnol et qu’il n’a donc pas de signification pour ce dernier. Partant, la marque antérieure, constituée exclusivement de ce terme, ne véhicule aucun concept pour le public pertinent. La marque demandée, quant à elle, est principalement composée du même terme « jump », sans signification pour le public pertinent, auquel est ajouté le terme « man », qui ne lui donne pas de signification non plus. Étant donné que les signes en conflit n’ont pas de teneur conceptuelle, une comparaison conceptuelle n’est pas possible. La chambre de recours était donc en droit de conclure en ce sens.

43      À titre surabondant, il y a lieu d’entériner l’observation de la chambre de recours, dans la décision attaquée, selon laquelle, à supposer qu’une partie du public comprenne le sens du terme « jump », les signes en conflit présenteraient même une similitude conceptuelle, dans la mesure où ils contiennent tous les deux ce terme (point 27 de la décision attaquée).

 Sur le risque de confusion

44      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

45      Il convient de rappeler que, ainsi que l’a reconnu la jurisprudence, comme le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 20, et la jurisprudence qui y est citée). À l’inverse, il en résulte que, lorsque le caractère distinctif d’une marque est faible, le risque de confusion est moins élevé et la marque antérieure jouit d’une protection plus restreinte.

46      Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il y a lieu, également, de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 45 supra, point 26).

47      Ensuite, il convient de relever que, dans le cadre de cette appréciation globale, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et il importe alors d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 57]. Ainsi, l’importance des éléments de similitude ou de différence entre les signes en conflit peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que ceux-ci désignent [arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Cabrera Sanchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié au Recueil, point 79].

48      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, au vu de l’identité des produits couverts par les signes en conflit et de leur similitude visuelle et phonétique, il existait un risque de confusion entre ces derniers (point 28 de la décision attaquée).

49      La requérante conteste l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit, malgré certaines similitudes qui ne compenseraient pas leurs différences, étant donné le faible caractère distinctif du terme commun à ces signes et le niveau d’attention élevé du public pertinent pour les « vêtements intimes ».

50      Force est de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion, en raison du caractère distinctif du terme « jump », de l’identité des produits en cause ainsi que des similitudes visuelles et phonétiques des signes en conflit.

51      Comme il a été jugé au point 30 ci-dessus, le terme anglais « jump » présente un caractère distinctif moyen pour les produits relevant de la classe 25 pour le public pertinent, à savoir le grand public espagnol ayant un degré d’attention moyen pour ces produits.

52      Dans le cas d’espèce, il y a lieu d’observer que le mot qui constitue la marque demandée est composé par un élément identique à la marque antérieure, « jump », auquel est ajouté l’élément « man ».

53      Or, l’élément le plus distinctif dans la marque demandée est le terme « jump », qui constitue un terme distinctif pour des produits relevant de la classe 25 pour le grand public espagnol. En effet, le terme « man » appartient au vocabulaire anglais de base, compris éventuellement même par le consommateur moyen espagnol comme signifiant « homme » et faisant référence, pour des produits tels que des vêtements, des chaussures et de la chapellerie, à des produits pour hommes, à l’usage des hommes. Cet ajout du terme « man » pourra donc, éventuellement, être compris comme une précision se rapportant à l’existence d’une ligne spécifique pour hommes de ces produits. Le juge de l’Union a d’ailleurs, à plusieurs reprises, confirmé l’analyse selon laquelle, dans le secteur des vêtements et des chaussures, il est fréquent que la même marque présente différentes configurations selon le type de produits qu’elle désigne. Dans ce secteur, il est également habituel que la même entreprise de confection utilise des sous-marques, à savoir des signes dérivant d’une marque principale et partageant avec elle un élément dominant commun, pour distinguer ses différentes lignes de production, notamment féminine ou masculine [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 49, et du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS , NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 51].

54      En outre, il convient de rappeler que le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [arrêt du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, point 51]. Or, comme cela a été relevé aux points 32 à 37 ci-dessus, l’élément « jump » se recoupant avec la marque antérieure est placé au début de la marque demandée.

55      Il résulte de tout ce qui précède que les différences entre les signes en conflit tenant à l’ajout du terme « man » dans la marque demandée ne sont pas de nature à compenser les importantes similitudes entre les signes en conflit dues à la présence de la marque antérieure au début de la marque demandée et au caractère distinctif autonome qu’elle y manifeste. En outre, dès lors que les produits désignés par les signes en conflit sont identiques, il y a lieu de conclure à l’existence d’un risque que le public pertinent estime que ceux-ci proviennent de la même entreprise ou, à tout le moins, d’entreprises liées économiquement.

56      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a pu conclure à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit. Le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’étant pas fondé, il convient de rejeter le présent recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nike International Ltd. est condamnée aux dépens.

Azizi

Martins Ribeiro

Frimodt Nielsen

Signatures

Table des matières

Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

1. Résumé des arguments des parties

2. Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

Sur le public pertinent

Sur la comparaison des produits et services

Sur la comparaison des signes

– Cadre d’appréciation

– Sur le caractère distinctif du terme « jump » constituant la marque antérieure

– Sur la comparaison visuelle des signes en conflit

– Sur la comparaison phonétique des signes en conflit

– Sur la comparaison conceptuelle des signes en conflit

Sur le risque de confusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.