Language of document : ECLI:EU:T:2019:66

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

7 février 2019 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Pensions – Réforme de 2008 – Hausse du taux des cotisations – Bulletins de rémunération subséquents – Absence d’acte faisant grief – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑487/16,

Oscar Orlando Arango Jaramillo, agent de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), et les autres agents de la Banque européenne d’investissement dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Mes B. Cortese, C. Cortese et F. Spitaleri, avocats,

parties requérantes,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. C. Gómez de la Cruz, T. Gilliams et G. Nuvoli, puis par M. Gilliams, Mme G. Faedo et M. J. Klein, en qualité d’agents, assistés de Me P.-E. Partsch,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation des « décisions » de la BEI, contenues dans les bulletins de rémunération des requérants du mois de février 2011, d’augmenter le taux de leurs cotisations au régime des pensions de 9 à 10 % et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au versement d’un euro symbolique, à titre de réparation du préjudice moral que les requérants auraient prétendument subi,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek (rapporteur), président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Les requérants, M. Oscar Orlando Arango Jaramillo et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, sont des agents de la Banque européenne d’investissement (BEI).

2        Le 12 octobre 2004, la BEI a informé l’ensemble de son personnel de son intention de procéder à une réforme de son système de rémunération.

3        En septembre 2007, à la suite de la décision du conseil d’administration d’approuver la méthodologie proposée pour le nouveau système de rémunération, 434 agents de la BEI ont introduit des demandes de conciliation en vertu de l’article 41 du règlement du personnel applicable aux agents de la BEI. Ces agents ont investi le collège des représentants du personnel d’un mandat de représentation afin de défendre leurs intérêts face à l’administration de la BEI.

4        Le 2 juin 2008, le collège des représentants du personnel et la BEI ont adopté pour cette conciliation un « cadre procédural », qui comprenait, en annexe, un « accord-cadre », ce dernier prévoyant la possibilité de mesures compensatoires applicables aux agents alors en service à la suite de la réforme des rémunérations, notamment dans le domaine des pensions, sous réserve de l’avis des experts externes que les parties devaient désigner d’un commun accord. La procédure de conciliation, qui, selon l’« accord-cadre », devait se terminer dans un délai de trois mois, a été prolongée deux fois, la seconde prolongation ayant fixé comme terme la date du 10 mars 2009.

5        Le 18 mars 2009, un protocole d’accord entre la représentation du personnel et l’administration de la BEI a été adopté (ci-après le « protocole d’accord »). Les annexes 2 et 3 de ce protocole prévoyaient, respectivement, une matrice de transition et des mesures compensatoires pour les agents en service au 31 décembre 2008.

6        Le personnel de la BEI a été informé de l’adoption du protocole d’accord par le président de la BEI dans une note au personnel du 24 mars 2009.

7        Le 27 novembre 2009, à la suite de plusieurs réunions du comité du régime des pensions et sur la base des recommandations de celui-ci, le comité de direction de la BEI a, sur le fondement du pouvoir délégué par le conseil d’administration le 23 septembre 2008, adopté la réforme des pensions concernant le personnel entré en service avant le 31 décembre 2008, dont font partie les requérants. L’adoption de la réforme en ce qui concerne cette catégorie d’agents a été différée par rapport à la réforme concernant le personnel entré en service après cette date afin de pouvoir prendre en compte les mesures transitoires et compensatoires de la réforme des rémunérations.

8        Le personnel a été informé de cette adoption par la note du directeur du service des ressources humaines de la BEI du 14 décembre 2009. Dans cette note, il a été précisé que, pour le personnel entré en service avant le 31 décembre 2008, les dispositions applicables étaient contenues dans le règlement transitoire du régime des pensions (Transitional Pension Scheme Regulations, ci-après le « règlement transitoire »). Cette note contenait également un lien vers le texte du règlement transitoire sous forme d’une version comparée avec le règlement applicable au personnel entré en service après le 31 décembre 2008 ainsi que vers la matrice de transition déjà présentée auparavant.

9        Le 13 février 2010, les bulletins de rémunération du mois de février 2010 ont été introduits dans le système informatique Peoplesoft de la BEI. Ces bulletins mettaient en évidence, par rapport aux bulletins du mois de janvier 2010, une hausse du taux des cotisations au régime des pensions, hausse résultant de décisions prises par la BEI dans le cadre de la réforme du régime des pensions de ses agents.

10      Les bulletins de rémunération du mois de février 2011, appliquant aux requérants la hausse du taux des cotisations au régime des pensions de la BEI de 9 à 10 %, ont été communiqués à ces derniers au plus tôt le 15 février 2011.

 Procédure

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 23 mai 2011, les requérants ont introduit un recours, enregistré sous le numéro F‑58/11, tendant, d’une part, à l’annulation des « décisions » de la BEI, contenues dans leurs bulletins de rémunération du mois de février 2011, d’augmenter le taux de leurs cotisations au régime des pensions de 9 à 10 % (ci-après les « actes attaqués »), et, d’autre part, à la condamnation de la BEI au versement d’un euro symbolique, à titre de réparation de leur préjudice moral.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique le 12 juillet 2011, la BEI a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 78 du règlement de procédure de celui-ci et a demandé à ce dernier de statuer sur l’irrecevabilité du recours, sans engager le débat sur le fond.

13      Les requérants ont présenté leurs observations sur cette exception d’irrecevabilité le 5 septembre 2011.

14      Par ordonnance du 30 janvier 2012, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑58/11, non publiée, EU:F:2012:5), le Tribunal de la fonction publique a joint au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par la BEI.

15      La phase écrite de la procédure s’est terminée avec le dépôt du mémoire en duplique le 27 juin 2012.

16      Par ordonnance du 12 septembre 2012, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑58/11, non publiée, EU:F:2012:121), le nom de Mme Daniela Sacchi a été radié de la liste des requérants.

17      Par ordonnance du 26 novembre 2012, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑58/11, non publiée, EU:F:2012:163), le nom de M. CD a été radié de la liste des requérants.

18      Par ordonnance du 28 novembre 2012, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑58/11, non publiée, EU:F:2012:167), les parties entendues, la procédure devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑58/11 a été suspendue jusqu’au prononcé de la décision de la Cour sur le réexamen dans l’affaire C‑334/12 RX‑II, Arango Jaramillo e.a./BEI. Cette dernière affaire avait pour objet le réexamen de l’arrêt du Tribunal (chambre des pourvois) du 19 juin 2012, Arango Jaramillo e.a./BEI (T‑234/11 P, EU:T:2012:311), par lequel celui-ci a rejeté le pourvoi introduit par M. Arango Jaramillo et 34 autres agents de la BEI à l’encontre de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique (première chambre) du 4 février 2011, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑34/10, EU:F:2011:7), rejetant comme irrecevable, pour cause de tardiveté, leur recours tendant, d’une part, à l’annulation de leurs bulletins de rémunération du mois de février 2010, en tant qu’ils révèlent les décisions de la BEI d’augmenter le taux de leurs cotisations au régime des pensions, et, d’autre part, à la condamnation de cette dernière à leur verser des dommages-intérêts.

19      Par ordonnance du 15 mai 2013, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑58/11, non publiée, EU:F:2013:62), les parties entendues, la procédure devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑58/11 a été suspendue jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal dans l’affaire T‑234/11 P RENV‑RX, Arango Jaramillo e.a./BEI, cette dernière affaire faisant suite à l’arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI (C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134) (voir point 18 ci-dessus).

20      Par ordonnance du 7 janvier 2014, Arango Jaramillo e.a./BEI (F‑58/11, non publiée, EU:F:2014:2), les parties entendues, la procédure devant le Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑58/11 a été suspendue jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de la fonction publique dans l’affaire F‑34/10 RENV-RX, Arango Jaramillo e.a./BEI, cette dernière affaire faisant suite à l’arrêt du 9 juillet 2013, Arango Jaramillo e.a./BEI (T‑234/11 P RENV‑RX, EU:T:2013:348) (voir point 19 ci-dessus). L’affaire F‑34/10 RENV-RX, Arango Jaramillo e.a./BEI étant pendante devant le Tribunal de la fonction publique au 31 août 2016, elle a été transférée au Tribunal, conformément à l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), et a été enregistrée sous le numéro T‑482/16 RENV.

21      En application de l’article 3 du règlement 2016/1192, l’affaire F‑58/11 a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑487/16 et attribuée à la deuxième chambre.

22      À la demande des requérants et avec l’accord de la BEI, le président de la deuxième chambre du Tribunal a décidé, le 2 février 2018, de suspendre la présente procédure, en application de l’article 69, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, jusqu’au 2 mai 2018.

23      Une deuxième demande de suspension de la procédure présentée par les requérants, à laquelle la BEI s’est opposée, a été rejetée par décision du président de la deuxième chambre du 12 juin 2018.

24      Le 12 juin 2018, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI (T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901) (voir point 20 ci-dessus). Les parties ont présenté leurs observations dans les délais impartis.

25      Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal (deuxième chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 Conclusions des parties

26      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité de la BEI ;

–        à titre subsidiaire, joindre l’exception d’irrecevabilité au fond ;

–        annuler les actes attaqués ;

–        condamner la BEI au versement d’un euro symbolique, à titre de réparation du préjudice moral qu’ils auraient subi ;

–        condamner la BEI aux dépens.

27      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter la demande en annulation comme non fondée ;

–        partant, rejeter la demande en indemnité ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation

28      Au soutien de la demande en annulation, les requérants soulèvent uniquement une exception d’illégalité du règlement transitoire et du protocole d’accord.

29      À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la BEI soutient que le recours est irrecevable, notamment, car il ne serait pas dirigé contre la première mesure de mise en œuvre de la réforme du régime des pensions de la BEI des pensions concernant le personnel entré en service avant le 31 décembre 2008. En effet, cette réforme aurait été mise en œuvre pour la première fois dans les bulletins de rémunération des requérants du mois de février 2010 qui ont fait l’objet du recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI (T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901). Les bulletins de rémunération des requérants du mois de février 2011, faisant objet de la demande en annulation dans le présent recours, ne constitueraient donc pas des actes leur faisant grief.

30      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants soutiennent que le recours est recevable. Selon eux, les bulletins de rémunération du mois de février 2011 leur font également grief, car ils mettent en œuvre la décision de la BEI d’augmenter les cotisations au régime des pensions de 9 à 10 %, alors que leurs bulletins de rémunération du mois de février 2010 auraient concerné la hausse du taux de ces cotisations de 8 à 9 %.

31      Selon une jurisprudence constante, l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’un acte contre lequel elle peut former un recours, la validité d’un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union constituant la base juridique de l’acte attaqué, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire un recours direct contre un tel acte, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation [voir arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901, point 77 (non publié) et jurisprudence citée].

32      En l’espèce, ainsi qu’il a été jugé dans l’arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI [T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901, point 78 (non publié)], la réforme des pensions concernant le personnel entré en service avant le 31 décembre 2008, tels les requérants, a été adoptée le 27 novembre 2009. À cet égard, il ressort de la note du directeur du service des ressources humaines de la BEI du 14 décembre 2009, informant le personnel de l’adoption de la réforme des pensions, que, pour ce personnel, les dispositions applicables étaient contenues dans le règlement transitoire. Cette note contenait un lien vers le texte du règlement transitoire ainsi que vers sa nouvelle annexe 4, reprenant la matrice de transition, telle qu’elle avait déjà été présentée au personnel en mars 2009 (voir points 7 et 8 ci-dessus).

33      Le règlement transitoire prévoyait que la hausse du taux de cotisations pour le personnel entré en service avant le 31 décembre 2008 s’échelonnait sur deux années, les cotisations au régime des pensions passant de 8 à 9 % du traitement soumis à retenue en 2010, puis de 9 à 10 % en 2011.

34      Il convient d’en conclure qu’il existe un lien juridique direct entre les actes attaqués, d’une part, et le règlement transitoire, qui intègre les mesures compensatoires et la matrice de transition, d’autre part, dans la mesure où les bulletins de rémunération du mois de février 2011 des requérants font application de la décision de la BEI d’augmenter le taux des cotisations des requérants au régime des pensions, telles que prévues par le règlement transitoire [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901, point 79 (non publié)].

35      Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que la possibilité que donne l’article 277 TFUE d’invoquer l’inapplicabilité d’un règlement ne constitue pas un droit d’action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente, de telle sorte que l’absence d’un droit de recours principal ou l’irrecevabilité du recours principal entraîne l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité (voir arrêt du 4 octobre 2018, Tataram/Commission, T‑546/16, non publié, EU:T:2018:644, point 33 et jurisprudence citée).

36      À cet égard, il convient de rappeler que l’existence d’un acte faisant grief est une condition indispensable de la recevabilité de tout recours formé par les fonctionnaires, membres du personnel ou retraités contre l’institution dont ils relèvent. Selon une jurisprudence constante, seules les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2005, D/BEI, T‑275/02, EU:T:2005:81, point 43 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, T‑575/16, EU:T:2017:911, point 30 et jurisprudence citée).

37      Il importe de souligner qu’un bulletin de rémunération, par sa nature et son objet, ne présente pas les caractéristiques d’un acte faisant grief dès lors qu’il ne fait que traduire en termes pécuniaires la portée de décisions administratives antérieures, relatives à la situation personnelle et juridique du fonctionnaire ou membre du personnel (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Tataram/Commission, T‑546/16, non publié, EU:T:2018:644, point 36 et jurisprudence citée).

38      Toutefois, les bulletins de rémunération, tels que ceux contestés en l’espèce, peuvent constituer des actes faisant grief et susceptibles, en tant que tels, de faire l’objet de réclamations et éventuellement de recours lorsqu’une décision ayant un objet purement pécuniaire est susceptible, en raison de sa nature, d’être reflétée par un tel bulletin de rémunération. Dans ce cas, la communication du bulletin mensuel de rémunération ou de pension a pour effet de faire courir les délais de réclamation et de recours contre une décision administrative lorsque ledit bulletin fait apparaître, clairement et pour la première fois, l’existence et la portée de cette décision (voir, par analogie, arrêts du 9 janvier 2007, Van Neyghem/Comité des régions, T‑288/04, EU:T:2007:1, points 39 et 40, et du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, T‑575/16, EU:T:2017:911, points 31 et 32 et jurisprudence citée).

39      En effet, dans un cas où les droits affectés, à la suite, par exemple, de la modification d’un acte de portée générale, sont essentiellement ou purement de caractère pécuniaire, la suppression d’un paiement ou la réduction de son montant, lesquelles ressortent du bulletin de rémunération ou de pension faisant suite à cette modification, ne peuvent que résulter de la décision du service compétent d’appliquer l’acte de portée générale en question au fonctionnaire ou membre du personnel concerné (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, T‑575/16, EU:T:2017:911, point 33 et jurisprudence citée).

40      Dans une telle hypothèse, le premier bulletin de rémunération faisant suite à l’entrée en vigueur d’un acte de portée générale, modifiant les droits pécuniaires d’une catégorie abstraite de fonctionnaires ou des membres du personnel, traduit nécessairement, à l’égard de son destinataire, l’adoption d’une décision administrative de portée individuelle produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du fonctionnaire ou membre du personnel concerné (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Tataram/Commission, T‑546/16, non publié, EU:T:2018:644, point 38 et jurisprudence citée).

41      Cependant, si, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 38 à 40 ci-dessus, le bulletin de rémunération faisant apparaître, clairement et pour la première fois, une décision purement pécuniaire constitue un acte attaquable, les bulletins de rémunération subséquents constituent des actes purement confirmatifs de ladite décision et ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation (arrêt du 14 décembre 2017, Martinez De Prins e.a./SEAE, T‑575/16, EU:T:2017:911, point 35 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T‑192/99, EU:T:2001:72, point 69 et jurisprudence citée).

42      En l’espèce, le Tribunal est saisi de la légalité des actes attaqués non pas en tant que tels, mais en tant qu’ils refléteraient la décision de la BEI de mettre en œuvre, à leur égard, la réforme du régime des pensions de celle-ci, laquelle constitue un acte de portée générale.

43      Or, ainsi qu’il ressort du point 9 ci-dessus, les bulletins mettant en évidence pour la première fois une hausse du taux des contributions au régime des pensions résultant de décisions prises par la BEI dans le cadre de la réforme du régime des pensions étaient ceux du mois de février 2010, introduits dans le système informatique Peoplesoft le samedi 13 février 2010. Le recours tendant à l’annulation desdits bulletins a été rejeté par l’arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI (T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901).

44      À cet égard, et en réponse à l’argumentation des requérants (voir point 30 ci-dessus), il convient de préciser que, en ce qui concerne le personnel entré en service avant le 31 décembre 2008, tels les requérants, la hausse du taux de cotisations de 8 à 9 % du traitement soumis à retenue en 2010 et celle de 9 à 10 % en 2011 étaient toutes les deux prévues par le règlement transitoire, traduisant la réforme du régime des pensions à leur égard (voir points 32 et 33 ci-dessus).

45      Il s’ensuit que les actes attaqués constituent des actes purement confirmatifs des décisions contenues dans leurs bulletins de rémunération du mois de février 2010 qui avaient mis en œuvre, pour la première fois, la réforme des pensions de la BEI.

46      Dans ces conditions, la demande en annulation des actes attaqués, et partant l’exception d’illégalité présentée dans le cadre de celle-ci, doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur la recevabilité des conclusions en indemnité

47      Les requérants soutiennent que, en violant les règles procédurales applicables à la négociation dans le cadre de la procédure de conciliation qui a abouti à l’adoption du protocole d’accord et en faisant preuve du manque de transparence dans ce cadre, la BEI a violé les principes de bonne administration et de sécurité juridique. Ils concluent à la réparation, à hauteur d’un euro symbolique, du préjudice moral qu’ils auraient ainsi prétendument subi.

48      La BEI ne fait pas valoir séparément l’irrecevabilité de cette demande en indemnité dans l’exception d’irrecevabilité. Cependant, dans le mémoire en défense, elle soutient que les requérants n’indiquent pas en quoi le préjudice qu’ils auraient prétendument subi ne pourrait être réparé par la seule annulation des actes attaqués.

49      En toute hypothèse, les conditions de recevabilité d’un recours relevant des fins de non-recevoir d’ordre public (voir, en ce sens, ordonnance du 7 octobre 1987, d. M./Conseil et CES, 108/86, EU:C:1987:426, point 10 ; arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457, point 62 et jurisprudence citée), il appartient au Tribunal de vérifier d’office si, dans la présente affaire, la demande en indemnité remplit ces conditions.

50      Selon une jurisprudence constante, lorsque le préjudice dont une partie requérante se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation soit comme irrecevables, soit comme non fondées entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, lorsque ces dernières sont étroitement liées à la demande d’annulation (voir arrêts du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 69 et jurisprudence citée, et du 22 mars 2018, HJ/EMA, T‑579/16, non publié, EU:T:2018:168, point 168 et jurisprudence citée).

51      En l’espèce, il ressort du texte même de la requête que la demande en indemnité est étroitement liée aux conclusions en annulation. En effet, la demande en indemnité tend à obtenir réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi en raison d’un acte visé dans leurs conclusions en annulation.

52      En outre, il y a lieu d’observer que, à l’appui de leur demande en annulation, les requérants invoquent uniquement une violation des règles procédurales dans le cadre de l’adoption du protocole d’accord. Or, ainsi qu’il a été jugé dans l’arrêt du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI [T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901, points 80, 81 et 147 (non publiés)], le protocole d’accord ne saurait être considéré comme constituant une base légale de la hausse du taux des cotisations au régime des pensions appliquée aux requérants dans leurs bulletins de rémunération.

53      En conséquence, la demande en indemnité doit également être rejetée comme irrecevable.

54      Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté comme irrecevable dans son intégralité.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la BEI, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Oscar Orlando Arango Jaramillo et les autres agents de la Banque européenne d’investissement (BEI) dont les noms figurent en annexe supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la BEI.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Prek


*      Langue de procédure : le français.


1      La liste des autres agents de la Banque européenne d’investissement n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.