Language of document : ECLI:EU:T:2008:45

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

18 février 2008 (*)

« Référé – Marque communautaire – Radiation de la marque –  Requête de restitutio in integrum – Demande de suspension de la radiation de la marque – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑410/07 R,

Jurado Hermanos, SL, établie à Alicante (Espagne), représentée par Mme C. Martín Álvarez, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme P. López Fernández de Corres, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de suspension de la radiation de la marque communautaire verbale n° 240218 et des effets juridiques de la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 3 septembre 2007 (affaire R 866/2007‑2), relative à la requête en restitutio in integrum introduite par Jurado Hermanos, jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours au principal,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        L’article 22, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, prévoit que la marque communautaire peut faire l’objet de licences, exclusives ou non exclusives, pour tout ou partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée et pour tout ou partie de la Communauté. Selon le paragraphe 5 de ce même article, sur requête d’une des parties, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) inscrit au registre l’octroi d’une licence de marque communautaire.

2        Aux termes de l’article 46 du règlement n° 40/94, la durée de l’enregistrement de la marque communautaire est de dix années. Cet enregistrement est renouvelable conformément à la procédure établie à l’article 47 dudit règlement.

3        Selon l’article 47 du règlement n° 40/94, l’enregistrement de la marque communautaire est renouvelé sur demande du titulaire de la marque ou de toute personne expressément autorisée par lui, pour autant que les taxes aient été payées. À cette fin, l’OHMI informe le titulaire de la marque communautaire et tout titulaire d’un droit enregistré sur la marque communautaire de l’expiration de l’enregistrement, en temps utile avant ladite expiration. Toutefois, l’absence d’information n’engage pas la responsabilité de l’OHMI. La demande de renouvellement est à présenter et les taxes à acquitter dans un délai de six mois expirant le dernier jour du mois au cours duquel la période de protection prend fin. À défaut, la demande peut encore être présentée et les taxes acquittées dans un délai supplémentaire de six mois, sous réserve du paiement d’une surtaxe.

4        À cet égard, la règle 29 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), précise que six mois au moins avant l’expiration de l’enregistrement, l’OHMI informe le titulaire de la marque communautaire et les titulaires de droits enregistrés sur la marque communautaire, y compris les licenciés, que l’enregistrement arrive à expiration. Toutefois, l’absence d’information est sans effet sur l’expiration de l’enregistrement.

5        Par ailleurs, l’article 78 du règlement n° 40/94, ayant pour titre « Restitutio in integrum », prévoit, au paragraphe 1, que le demandeur ou le titulaire d’une marque communautaire ou toute autre partie à une procédure devant l’OHMI qui, bien qu’ayant fait la preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, n’a pas été en mesure d’observer un délai à l’égard de l’OHMI est, sur requête, rétabli dans ses droits si l’empêchement a eu pour conséquence directe, en vertu des dispositions du même règlement, la perte d’un droit ou celle d’un moyen de recours. Les paragraphes 3 et 4 dudit article précisent respectivement que la requête doit indiquer les faits et les justifications invoquées à son appui et que la décision sur la requête relève de l’instance compétente pour statuer sur l’acte non accompli.

6        Enfin, quant aux procédures de recours, il ressort de l’article 57, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 que, lorsqu’une décision de l’OHMI est attaquée devant la chambre de recours de l’OHMI, ce recours a un effet suspensif. De même, en vertu de l’article 62, paragraphe 3, dudit règlement, les décisions des chambres de recours ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai pour l’introduction d’un recours devant le juge communautaire ou, si un tel recours a été introduit, qu’à compter du rejet de celui-ci.

 Faits à l’origine du litige

7        Le 25 avril 1996, Café tal de Costa Rica SA a demandé à l’OHMI l’enregistrement de la marque communautaire verbale JURADO (ci-après la « marque en cause ») pour du café et d’autres produits relevant de la classe 30 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

8        L’OHMI ayant enregistré la marque en cause sous le numéro 240218, Café tal de Costa Rica (ci-après le « titulaire de la marque en cause ») a, le 5 août 1998, conclu avec la requérante un contrat de licence exclusive ayant pour objet la marque en cause. Ce contrat, qui s’insérait dans le cadre d’un autre contrat de licence exclusive passé entre les mêmes contractants le 15 avril 1996 et portant sur deux marques espagnoles ainsi qu’une marque polonaise, prévoyait que la licence durerait 48 ans, soit jusqu’en 2046. L’octroi de cette licence a été inscrit au registre des marques communautaires, conformément à l’article 22, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

9        En application de l’article 47, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 ainsi que de la règle 29 du règlement n° 2868/95, l’OHMI a, par lettre du 26 septembre 2005, informé le titulaire de la marque en cause et la requérante, en sa qualité de titulaire d’une licence exclusive enregistrée, que la marque en cause expirerait le 25 avril 2006. Dans cette lettre, l’OHMI expliquait les modalités du renouvellement et indiquait qu’une demande à cette fin devait être introduite avant le 30 avril 2006 ou, au plus tard, avant le 1er novembre 2006, une surtaxe devant toutefois être payée dans cette dernière hypothèse.

10      N’ayant reçu aucune demande de renouvellement dans les délais prévus, l’OHMI a, par lettre du 24 novembre 2006, informé le titulaire de la marque en cause que cette dernière avait été radiée du registre des marques communautaires, avec effet au 25 avril 2006.

11      En consultant incidemment le site Internet de l’OHMI le 22 mars 2007, la requérante, qui soutient ne pas avoir reçu la lettre du 26 septembre 2005 et ne pas avoir été informée par le titulaire de la marque en cause de la nécessité de demander le renouvellement de cette dernière, s’est aperçue que la marque en cause n’avait pas été renouvelée.

12      Le 23 mars 2007, la requérante a présenté une requête en restitutio in integrum aux fins du renouvellement de la marque en cause (ci-après la « requête en restitutio in integrum »). Elle a fait valoir que l’OHMI ne lui avait notifié ni la nécessité de renouvellement ni le défaut de présentation de la demande de renouvellement de la part du titulaire de la marque en cause.

13      Le département « Marques et registre » de l’OHMI, estimant que la requérante ne remplissait pas la condition, prévue à l’article 78, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, d’avoir fait la preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances, a rejeté la requête en restitutio in integrum par une décision du 21 mai 2007.

14      Le 31 mai 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision du département « Marques et registre ».

15      Par décision du 3 septembre 2007 (R 866/2007‑2) (ci-après la « décision litigieuse »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours, et ce sans examiner si la requérante remplissait la condition d’avoir fait la preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances. En effet, la chambre de recours a considéré, en substance, que, à défaut d’y avoir été expressément autorisée par le titulaire de la marque en cause, la requérante n’était en droit ni de demander le renouvellement de la marque en cause ni de solliciter une restitutio in integrum à cette fin.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 novembre 2007, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision litigieuse ainsi qu’à l’admission de la requête en restitutio in integrum.

17      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 4 décembre 2007, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner la suspension immédiate de la radiation de la marque en cause ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

18      Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 19 décembre 2007, l’OHMI conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de mesures provisoires ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe l, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant lui ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

20      L’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal prévoit explicitement que toute demande de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution aux termes de l’article 242 CE n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal.

21      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et la jurisprudence citée).

22      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

23      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur la recevabilité

24      L’OHMI fait valoir que la présente demande en référé est irrecevable, aucun des moyens invoqués par la requérante ne remplissant les conditions prévues à l’article 104 du règlement de procédure. En particulier, selon l’OHMI, la demande en référé ne ferait pas ressortir d’une façon cohérente et compréhensible les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels elle se fonde.

25      Sans qu’il soit besoin d’établir si l’exception soulevée par l’OHMI est fondée, il convient de rappeler que le respect des dispositions du règlement de procédure et, notamment, les conditions de recevabilité des demandes en référé sont d’ordre public (ordonnance du président du Tribunal du 2 juillet 2004, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑422/03 R II, Rec. p. II‑2003, point 48).

26      À cet égard, il y a lieu d’observer que les conclusions de la requérante, telles qu’elles sont libellées sous le titre IV de la demande en référé, (Conclusions de la partie demanderesse), visent à la suspension de la radiation de la marque en cause, tandis que le recours au principal vise à l’annulation de la décision litigieuse, par laquelle la requête en restitutio in integrum a été rejetée.

27      Or, dans la mesure où la décision dont le sursis est demandé ne coïncide pas avec l’acte attaqué dans le cadre du recours au principal, la présente demande en référé ne remplit pas la condition prescrite à l’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure et doit partant être rejetée comme irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 13 septembre 2007, Berliner Institut für Vergleichende Sozialforschung/Commission, T‑292/07, non publiée au Recueil, points 3 et 4).

28      Certes, au point 55 de sa demande en référé, la requérante reformule ses conclusions en ce sens qu’elle vise à obtenir « la suspension des effets juridiques de la [décision litigieuse] et, par conséquent, des effets de la radiation de la marque [en cause] ».

29      À cet égard, à supposer même que, en raison de cette reformulation, la condition prescrite à l’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure soit remplie, force est néanmoins d’observer que la demande en référé demeure irrecevable.

30      En effet, d’une part, la requérante n’a aucun intérêt à ce que le juge des référés ordonne le sursis à l’exécution de la décision litigieuse, étant donné que celle-ci, en vertu de l’article 62, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, ne prendra effet qu’à compter d’un éventuel rejet du recours au principal, par dérogation, en substance, à la règle générale établie à l’article 242 CE, première phrase, selon laquelle les recours devant la Cour de justice n’ont pas d’effet suspensif.

31      D’autre part, il convient de rappeler que la décision litigieuse est une décision négative, en ce sens qu’elle confirme le rejet de la requête en restitutio in integrum. Or, selon une jurisprudence constante, en principe, une demande de sursis à l’exécution d’une décision administrative négative ne se conçoit pas, l’octroi d’un tel sursis ne pouvant avoir pour effet de modifier la situation du requérant [ordonnances du président de la deuxième chambre de la Cour du 31 juillet 1989, S/Commission, C‑206/89 R, Rec. p. 2841, point 14 ; du président de la Cour du 30 avril 1997, Moccia Irme/Commission, C‑89/97 P(R), Rec. p. I‑2327, point 45, et du président du Tribunal du 16 janvier 2004, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03 R, Rec. p. II‑205, point 62].

32      À cet égard, force est de constater que, dans le cas d’espèce, le sursis à l’exécution de la décision litigieuse ne serait d’aucune utilité pratique pour la requérante, dans la mesure où ce sursis ne pourrait tenir lieu de décision positive faisant droit à la requête en restitutio in integrum.

33      Par ailleurs, pour autant qu’il faille interpréter la demande en référé en ce sens que la requérante vise à obtenir que le juge des référés ordonne à l’OHMI d’admettre la requête en restitutio in integrum, force est de constater qu’une telle mesure constituerait une méconnaissance du système de répartition des compétences établi à l’article 233 CE et à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, au titre desquels l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant annulé l’une de ses décisions (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance Arizona Chemical e.a./Commission, point 31 supra, point 67).

34      En effet, même dans l’hypothèse où le juge du fond ferait droit au recours au principal, il apparaît, à ce stade de la procédure, que l’OHMI pourrait rejeter à nouveau la requête en restitutio in integrum pour des raisons autres que celles éventuellement censurées par le Tribunal. Il convient de souligner que cette issue est d’autant plus plausible que, en l’espèce, la chambre de recours, lors de l’examen de la décision du département « Marques et registre », ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si la requérante remplissait la condition d’avoir fait la preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.

35      Par ailleurs, l’injonction que la requérante semble solliciter du juge des référés doit être déclarée irrecevable également du fait que, selon la jurisprudence, l’octroi d’une mesure provisoire visant au même résultat que celui visé dans une demande de sursis à exécution ne saurait avoir pour effet de contourner la règle établie à l’article 104, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure [ordonnance du président de la Cour du 13 décembre 2004, Sumitomo Chemical/Commission, C‑381/04 P(R), non publiée au Recueil, point 16].

36      Il reste néanmoins à examiner la question de savoir si la requérante, tout en n’ayant contesté, dans le cadre du recours au principal, que la décision litigieuse, est recevable à solliciter du juge des référés la suspension des effets de la radiation de la marque en cause, lesquels, aux dires de la requérante, seraient la conséquence de la décision litigieuse (voir point 28 ci-dessus).

37      À cet égard, il convient de rappeler que, si la jurisprudence n’a pas entièrement exclu la possibilité d’ordonner le sursis à l’exécution d’un acte ne faisant pas l’objet d’un recours en annulation, il n’en reste pas moins que cette possibilité est soumise à la condition que les objets respectifs du recours principal et de la demande en référé soient unis par un lien de cause à effet tel que le second de ces objets apparaisse comme la conséquence inévitable du premier (voir, en ce sens, ordonnance du président de la première chambre de la Cour du 8 avril 1965, Gutmann/Commission de la CEEA, 18/65 R, Rec. 1966, p. 197).

38      Or, force est de constater que la décision litigieuse, par laquelle a été confirmé le rejet de la requête en restitutio in integrum, n’est pas à l’origine de la radiation de la marque en cause, cette dernière ayant été radiée bien avant que la requête en restitutio in integrum n’ait été introduite. Le lien de cause à effet est donc, en l’espèce, inversé par rapport à celui exigé par la jurisprudence.

39      En effet, le préjudice que la requérante cherche à éviter trouve son origine dans la décision de l’OHMI ayant radié la marque en cause du registre des marques communautaires, décision dont elle a pris connaissance au plus tard lorsque, le 22 mars 2007, elle a consulté le site Internet de l’OHMI et a constaté que la marque en cause avait été radiée dudit registre. La requérante n’ayant pas contesté cette décision, elle n’est pas recevable à en solliciter la suspension dans le cadre de la présente demande en référé.

40      Il découle de tout ce qui précède que, même en tenant compte de la reformulation effectuée par la requérante des conclusions de la demande en référé (voir point 28 ci-dessus), celle-ci doit être rejetée comme irrecevable. Les développements qui suivent relatifs à l’urgence seront donc faits à titre surabondant.

 Sur l’urgence

 Arguments des parties

41      Selon la requérante, l’urgence de faire droit à la présente demande en référé résulte du fait que la radiation de la marque en cause viderait de son objet le contrat du 5 août 1998, lequel serait autrement valable jusqu’en 2046.

42      En premier lieu, la requérante fait valoir que la perte de sa licence exclusive lui causerait un préjudice économique grave qui affecterait sa stabilité économique et la lèserait de façon irréparable.

43      À cet égard, la requérante dénonce, en particulier, le comportement illicite adopté par le titulaire de la marque en cause, lequel aurait omis de renouveler la marque en cause dans le seul but de rendre sans objet le contrat du 5 août 1998. En effet, selon la requérante, le contrat du 5 août 1998 allait désormais à l’encontre des intérêts du titulaire de la marque en cause, dans la mesure où la licence exclusive relative à la marque en cause empêchait l’exploitation de deux marques communautaires figuratives contenant le même élément verbal que la marque en cause et enregistrées par le titulaire de la marque en cause pour les mêmes produits (ci-après les « autres marques JURADO »). La radiation de la marque en cause permettrait d’utiliser désormais les autres marques JURADO sans violer le contrat du 5 août 1998 tout en profitant de l’investissement publicitaire et économique effectué par la requérante.

44      À l’appui de ses affirmations, la requérante produit un rapport, établi en 1998, qui évoque le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé avec la marque en cause et qui démontrerait la situation de faillite dans laquelle la requérante se trouverait si elle n’était plus en droit d’utiliser la marque en cause ou si un tiers commençait à exploiter les autres marques JURADO. La requérante fournit également son profil d’entreprise, lequel démontrerait la croissance des ventes constatée depuis 2003 pour les produits portant la marque en cause, le niveau élevé de ses ventes en Espagne ainsi que le doublement, en 2006, de sa capacité de production.

45      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la radiation de la marque en cause nuirait également aux consommateurs, lesquels se retrouveraient dans une situation de confusion grave et irréparable en ce qui concerne la provenance des produits portant une des marques JURADO.

46      En troisième lieu, la requérante invoque le préjudice que subirait le secteur économique concerné en raison de la radiation de la marque en cause. Elle produit à cet égard des lettres de ses clients et de ses fournisseurs faisant état de l’importance de leurs relations commerciales.

47      En quatrième lieu, la requérante soutient qu’il y a urgence à faire droit à la présente demande en référé, dans la mesure où cela serait nécessaire à la sauvegarde de l’ordre juridique lui-même, étant donné que l’exécution de la décision litigieuse légitimerait un comportement contraire à cet ordre et fournirait une protection légale à tout concédant désireux de mettre fin de manière frauduleuse à un contrat de licence pour une marque dont il est le titulaire.

48      L’OHMI conteste l’urgence qu’il y aurait à faire droit à la présente demande en référé.

 Appréciation du juge des référés

49      Selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T‑346/06 R, non encore publiée au Recueil, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 188, et du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 86].

50      Il est également de jurisprudence bien établie que, afin de prouver que la condition relative à l’urgence est remplie, le requérant est obligé de démontrer que le sursis à exécution ou les autres mesures provisoires demandées sont nécessaires à la protection de ses intérêts propres. En revanche, pour établir l’urgence, un requérant ne peut invoquer une atteinte portée à un intérêt qui ne lui est pas personnel, telle, par exemple, une atteinte à un intérêt général ou aux droits de tiers. De tels intérêts ne peuvent être pris en compte, le cas échéant, que dans le cadre de l’examen de la mise en balance des intérêts en présence (ordonnances du président du Tribunal du 10 novembre 2004, Wam/Commission, T-316/04 R, Rec. p. II-3917, point 28, et du 1er février 2006, Endesa/Commission, T-417/05 R, non publiée au Recueil, points 59 et 60).

51      Dès lors, force est de constater que l’argument de la requérante selon lequel les consommateurs, le secteur économique ainsi que l’ordre juridique lui-même subiraient un préjudice ne peut aucunement étayer le caractère urgent de la mesure provisoire demandée, étant donné qu’il ne s’agit pas d’atteintes portées à des intérêts personnels de la requérante.

52      En ce qui concerne le préjudice que la requérante affirme subir elle-même, il convient d’observer qu’il s’agit d’un préjudice d’ordre financier, lequel, selon une jurisprudence constante, ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113 ; ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94].

53      En application de ce principe, la mesure provisoire sollicitée ne se justifierait que s’il apparaissait que, en l’absence d’une telle mesure, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence même ou de modifier de manière irrémédiable ses parts de marché [voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 19 juillet 2007, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07 R, non encore publiée au Recueil, point 175, et la jurisprudence citée].

54      À cet égard, ainsi que le souligne à juste titre l’OHMI, il y a lieu de constater que, alors même que la radiation de la marque en cause a déjà pris effet à compter du 25 avril 2006, la requérante reste en défaut de prouver à suffisance de droit que l’une des deux hypothèses visées au point 53 ci-dessus est susceptible de se produire avant le prononcé de la décision du Tribunal dans l’affaire au principal.

55      En effet, les éléments de preuve produits, par lesquels la requérante se borne à fournir des données relatives à la quantité de café qu’elle a torréfiée et vendue ainsi qu’aux investissements auxquels elle a procédé, ne permettent aucunement d’affirmer que, à défaut de pouvoir utiliser la marque en cause, elle ferait faillite. Par ailleurs, la requérante ne fait pas état d’actions judiciaires intentées après la radiation de la marque en cause visant à l’empêcher, sur le fondement des autres marques JURADO, de continuer à commercialiser ses produits avec le signe JURADO. La requérante n’explique pas non plus en quoi elle ne pourrait pas se défendre face auxdites éventuelles actions en faisant valoir les marques nationales, notamment celles enregistrées en Espagne – marché principal de la requérante selon ses propres dires –, pour lesquelles, d’après les informations contenues dans le dossier, elle bénéficie toujours d’une licence exclusive (voir point 8 ci-dessus).

56      Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré l’existence de circonstances créant une urgence de nature à justifier l’octroi de mesures provisoires.

57      L’existence de l’urgence n’étant pas établie, il y a lieu, également pour ce motif, de rejeter la présente demande, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 18 février 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’espagnol.