Language of document : ECLI:EU:T:2019:437

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 juin 2019 (*)

« Aides d’État – Aides au fonctionnement – Auberge de jeunesse à Berlin – Utilisation d’un bien immobilier public sans paiement d’un loyer – Décision déclarant l’aide éventuelle compatible avec le marché intérieur – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Difficultés sérieuses »

Dans l’affaire T‑578/17,

a&o hostel and hotel Berlin GmbH, venant aux droits d’A & O Hotel and Hostel Friedrichshain GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes S. Heise et M. Lindner, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Blanck, MM. A. Bouchagiar et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. T. Henze et R. Kanitz, puis par M. Kanitz, en qualité d’agents, assistés de Me K. Dingemann, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 3220 final de la Commission, du 29 mai 2017, relative à l’aide d’État SA.43145 (2016/FC) – Allemagne, concernant les prétendues mesures d’aides d’État non fiscales illégales en faveur de la Jugendherberge Berlin Ostkreuz gGmbH, dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, C 193, p. 1),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        A & O Hotel and Hostel Friedrichshain GmbH (ci-après « A & O ») était une société de droit allemand faisant partie du groupe contrôlé par A & O HOTEL and HOSTELS Holding AG, lequel est actif au niveau international notamment dans la fourniture de services d’hébergement focalisés sur le tourisme à bas prix. Elle exploitait une auberge de jeunesse située à Berlin (Allemagne), dans le quartier de Friedrichshain.

2        Le Deutsches Jugendherbergswerk (ci-après le « DJH ») est une association sans but lucratif active dans les services d’hébergement pour les jeunes. Il comprend une organisation centrale et quatorze associations régionales. Selon l’article 5 de son statut, le DJH a pour objectif la promotion de l’aide à la jeunesse, de l’entente entre les peuples et de la protection de l’environnement et du paysage.

3        Le 12 février 2014, le DJH a créé la Jugendherberge Berlin Ostkreuz gGmbH (ci-après la « JBO »), une société d’utilité publique au sens du droit allemand, dans le but d’établir et d’exploiter une auberge de jeunesse dans le quartier Ostkreuz de Berlin (ci-après l’« auberge d’Ostkreuz »). À cette fin, le 24 février 2014, le Land Berlin (Land de Berlin, Allemagne) et la JBO ont conclu un contrat de bail (ci-après le « contrat litigieux »), par lequel, en substance, ledit Land a mis à la disposition de la JBO un bien immobilier de sa propriété ayant une surface d’étage brute de quelque 12 000 mètres carrés, situé sur un terrain de quelque 11 000 mètres carrés (point 1 du contrat litigieux). Ce bail a été conclu jusqu’au 31 décembre 2044 et peut être prorogé à chaque fois de cinq ans, sauf résiliation ou autre convention contraire intervenant avant l’expiration de chaque période (point 2 du contrat litigieux). Il est prévu que la JBO ne doit pas verser de loyer au Land de Berlin (point 6.1 du contrat litigieux), mais qu’elle est tenue, notamment, d’aménager à ses frais, à concurrence d’un investissement estimé à environ 9,4 millions d’euros, la propriété locative en vue de son usage en tant qu’auberge de jeunesse et d’exécuter toutes les mesures de construction, d’entretien et d’exploitation nécessaires (points 5.2 et 5.3 du contrat litigieux).

4        Le 21 septembre 2015, A & O a introduit une plainte (ci-après la « plainte ») auprès de la Commission européenne, par laquelle elle a fait valoir, notamment, que le DJH et la JBO bénéficiaient d’aides d’État illégales, et ce tant sous forme d’exonérations fiscales que sous forme de différents types d’aides à l’investissement et au fonctionnement, en vertu du contrat litigieux. A & O a fourni d’autres informations à la Commission par lettres des 26 janvier, 29 juillet et 24 novembre 2016.

5        À la suite de la réception de la plainte, la Commission a ouvert deux procédures distinctes, concernant les mesures fiscales, d’une part, et non fiscales, d’autre part, susceptibles d’être qualifiées d’aides d’État illégales.

6        Par lettre administrative du 11 novembre 2015, la Commission a rejeté la partie de la plainte portant sur les mesures fiscales en cause.

7        À la demande de la Commission, la République fédérale d’Allemagne s’est prononcée à plusieurs reprises sur les questions soulevées par A & O dans la plainte et dans ses autres lettres en ce qui concerne les mesures non fiscales prévues par le contrat litigieux.

8        Parallèlement, A & O a engagé une procédure devant le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne), qui avait trait, notamment, à la question de savoir si le contrat litigieux comportait un avantage économique pour la JBO.

9        Par décision C(2017) 3220 final, du 29 mai 2017, relative à l’aide d’État SA.43145 (2016/FC) – Allemagne, concernant les prétendues mesures d’aides d’État non fiscales illégales en faveur de la Jugendherberge Berlin Ostkreuz gGmbH, dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, C 193, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), prise en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), la Commission a considéré, en substance, qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « procédure formelle »), dès lors que les mesures non fiscales adoptées par la République fédérale d’Allemagne à l’égard de la JBO en vertu du contrat litigieux (ci-après les « mesures litigieuses »), à supposer qu’elles puissent être qualifiées d’aides d’État, étaient compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

10      Plus précisément, premièrement, la Commission a estimé que les mesures litigieuses étaient sélectives, étant donné qu’elles ne s’appliquaient qu’à la JBO, qui exerçait une activité économique, dès lors qu’elle proposait des hébergements payants (considérants 46 à 49 de la décision attaquée). En outre, selon elle, il était possible que le contrat litigieux confère à la JBO un avantage économique, accordé au moyen de ressources d’État, lequel était susceptible de fausser la concurrence entre la JBO et d’autres entreprises qui proposaient des hébergements à bas prix (considérants 45, 50 et 53 de ladite décision) et d’affecter les échanges entre les États membres, étant donné que la ville de Berlin était visitée aussi par des touristes en provenance du territoire d’autres États membres que la République fédérale d’Allemagne (considérants 54 à 56 de cette décision). Toutefois, elle a considéré qu’il n’était pas nécessaire d’établir si ledit avantage économique existait véritablement ni, dans l’affirmative, quel était son montant. À cet égard, elle a relevé que les expertises que la République fédérale d’Allemagne et A & O lui avaient soumises au cours de la procédure d’examen préliminaire étaient divergentes et que seule l’ouverture de la procédure formelle lui aurait permis de parvenir à une conclusion définitive. Cependant, tout en estimant que les autres conditions pour l’existence d’une aide d’État étaient réunies en l’espèce, elle a indiqué qu’il était préférable que le juge national (voir point 8 ci-dessus) se prononce sur la question de l’octroi d’un avantage économique, qu’elle pouvait laisser ouverte, étant donné que les mesures litigieuses étaient, à l’évidence, compatibles avec le marché intérieur (considérants 51, 52 et 59 de la même décision).

11      Deuxièmement, la Commission a exclu que l’aide d’État éventuellement octroyée par les mesures litigieuses puisse être qualifiée d’aide existante (considérants 61 à 63 de la décision attaquée) et qu’elle puisse tomber dans l’un des cas de figure prévus par le règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE] (JO 2014, L 187, p. 1) (considérants 64 à 66 de ladite décision).

12      Troisièmement, la Commission a considéré que les mesures litigieuses, dans l’hypothèse où elles auraient donné lieu à une aide d’État, n’auraient pas pu bénéficier de l’exemption de l’obligation de notification préalable prévue par sa décision 2012/21/UE, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, [TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3), dès lors qu’elles ne comportaient pas la description du mécanisme de compensation et les paramètres de calcul, de contrôle et de révision de la compensation, requise à l’article 4, sous d), de cette décision. Elle a toutefois laissé ouverte la question de savoir si les services proposés par la JBO pouvaient relever d’un service d’intérêt économique général (ci-après le « SIEG ») et si l’absence de prévision d’un loyer dans le contrat litigieux était une compensation pour la prestation d’un SIEG (considérants 67 à 73 de la décision attaquée).

13      Quatrièmement, la Commission a examiné les mesures litigieuses à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et a, pour l’essentiel, relevé ce qui suit :

–        elles visaient clairement à soutenir la participation active de la jeunesse à la société et les échanges entre les jeunes ainsi qu’à les sensibiliser davantage à la culture et à l’histoire, ce qui devait être considéré comme étant un objectif d’intérêt général de l’Union européenne, en vertu de l’article 165, paragraphe 1, TFUE (considérants 78 à 81 de la décision attaquée) ;

–        elles étaient aptes à réaliser cet objectif d’intérêt général, dans la mesure où, d’une part, l’auberge d’Ostkreuz offrait un centre d’éducation pour les jeunes et appliquait un concept pédagogique qui fournissait l’occasion de visiter la ville de Berlin d’une manière non purement touristique, mais focalisée sur sa diversité historique et politique, grâce à du personnel qualifié et à la coopération avec plusieurs entités sociales, culturelles et sportives, et, d’autre part, la JBO avait un statut d’utilité publique selon le droit allemand, n’avait pas de but lucratif et promouvait l’aide à la jeunesse (considérants 82 à 88 de ladite décision) ;

–        elles avaient un effet incitatif, étant donné que, en l’absence du soutien découlant du contrat litigieux, ladite auberge, avec son centre pédagogique, n’aurait pas été réalisée ou, à tout le moins, ses activités auraient été moins nombreuses et de qualité inférieure, de sorte que l’objectif de promotion de l’aide à la jeunesse n’aurait pas été atteint (considérant 89 de cette décision) ;

–        elles étaient proportionnées, dès lors qu’elles avaient été décidées par des autorités berlinoises ayant une connaissance approfondie du secteur, qu’il n’existait aucune indication qu’elles donnaient lieu à des profits excessifs et que, en tout état de cause, tout profit devait être utilisé dans le but d’aider la jeunesse, la JBO n’ayant pas de but lucratif (considérant 90 de la même décision) ;

–        elles n’avaient que des effets insignifiants sur la concurrence en ce qui concerne le secteur de l’hébergement touristique à bas prix à Berlin et n’affectaient pas les échanges entre les États membres dans une mesure contraire à l’intérêt commun (considérants 92 à 94 de la décision en question).

14      Sur cette base, la Commission a conclu que les mesures litigieuses, à supposer qu’elles puissent être qualifiées d’aides d’État, étaient nécessaires et proportionnées et que la contribution de la création de l’auberge d’Ostkreuz, pourvue d’un centre pédagogique, à l’objectif d’intérêt général visé contrebalançait les effets négatifs sur la concurrence et sur le commerce entre les États membres (considérant 96 de la décision attaquée).

II.    Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 août 2017, A & O a introduit le présent recours.

16      Dans le mémoire en défense, déposé au greffe du Tribunal le 7 novembre 2017, la Commission a notamment excipé de l’irrecevabilité du recours, au motif que le mandat donné par A & O à ses représentants ne couvrirait pas l’introduction du présent recours.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 novembre 2017, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

18      Par décision du 13 décembre 2017, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République fédérale d’Allemagne a déposé le mémoire en intervention le 26 février 2018.

19      Dans la réplique, déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2018, A & O a notamment fait valoir que le mémoire en défense était tardif.

20      La phase écrite de la procédure a été close le 16 avril 2018, à la suite du dépôt des observations d’A & O sur le mémoire en intervention.

21      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 24 mai 2018 sur le fondement de l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission a contesté la recevabilité des annexes des observations d’A & O sur le mémoire en intervention, en faisant valoir qu’il s’agissait de nouvelles preuves, produites en violation de l’article 85 dudit règlement. A & O a présenté ses observations sur cette demande dans le délai imparti, tandis que la République fédérale d’Allemagne n’a pas pris position.

22      Par ordonnance du 25 octobre 2018, le Tribunal (sixième chambre), a joint au fond l’exception visée au point 21 ci-dessus, conformément à l’article 130, paragraphe 7, du règlement de procédure.

23      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité A & O à produire certains documents et la Commission à répondre à certaines questions. Il a été déféré à ces mesures dans le délai imparti.

24      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 15 novembre 2018, la requérante, a&o hostel and hotel Berlin GmbH, a informé celui-ci que, à la suite d’une fusion, elle venait aux droits d’A & O.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 janvier 2019. À cette occasion, en réponse à des questions du Tribunal, premièrement, la Commission a retiré la fin de non-recevoir mentionnée au point 16 ci-dessus, deuxièmement, la requérante a retiré la fin de non-recevoir évoquée au point 19 ci-dessus, troisièmement, la Commission a retiré l’exception visée au point 21 ci-dessus et, quatrièmement, la République fédérale d’Allemagne a retiré le chef de conclusions relatif au dépens qu’elle avait inséré dans le mémoire en intervention. Il a été pris acte de ces déclarations dans le procès-verbal de l’audience.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé.

III. En droit

29      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation des dispositions combinées de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 ainsi que de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, en ce que la Commission a adopté la décision attaquée sans ouvrir la procédure formelle, en dépit de l’existence de difficultés sérieuses en ce qui concerne la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur.

30      La République fédérale d’Allemagne, en plus de contester sur le fond les arguments de la requérante, en soutenant la Commission, fait également valoir, contrairement à cette dernière, que le recours est irrecevable.

A.      Sur la recevabilité

31      La République fédérale d’Allemagne soulève deux fins de non-recevoir à l’encontre du présent recours, relatives, d’une part, à la qualité pour agir de la requérante et, d’autre part, à son intérêt à agir.

32      En premier lieu, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que, par le présent recours, la requérante ne cherche pas à sauvegarder ses droits procéduraux, mais conteste le bien-fondé de la thèse de la Commission selon laquelle les mesures litigieuses sont couvertes par l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Ainsi, la recevabilité du recours ne pourrait automatiquement découler du fait qu’elle peut être considérée comme étant une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, mais dépendrait, notamment, de la question de savoir si elle est individuellement concernée par la décision attaquée, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17). Tel ne serait pas le cas en l’espèce, dès lors que la position sur le marché de la requérante ne serait pas substantiellement affectée par les mesures litigieuses, qui, à tout le moins pour l’instant, ne comporteraient aucun avantage économique pour la JBO et qui n’auraient pas empêché la requérante de développer davantage son activité à Berlin.

33      En second lieu, la République fédérale d’Allemagne soutient que, même à supposer que la requérante cherche à obtenir la sauvegarde de ses droits procéduraux, l’annulation de la décision attaquée que celle-ci pourrait obtenir par le présent recours ne lui procurerait aucun bénéfice, de sorte que celle-ci ne disposerait pas d’un intérêt à agir. À cet égard, elle précise que les droits procéduraux ouverts par les dispositions combinées de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 24 du règlement 2015/1589 ne confèrent pas aux intéressés le droit d’obtenir une décision conforme à leurs souhaits, mais seulement celui d’être associés à la procédure et de présenter des observations à la suite d’une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle. Or, la requérante aurait pu s’exprimer déjà à maintes reprises pendant la procédure d’examen préliminaire. De plus, la République fédérale d’Allemagne souligne que la requérante a reçu une copie de ladite décision, ainsi que le prévoit l’article 24, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2015/1589 au regard des décisions adoptées à la suite de la procédure formelle.

34      La requérante rétorque qu’elle invoque la violation de ses droits procéduraux, de sorte qu’elle n’est pas tenue de démontrer qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17). À cet égard, elle fait notamment valoir que les droits procéduraux ouverts par l’article 6, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2015/1589 sont étroitement liés à l’ouverture par la Commission de la procédure formelle, moyennant une décision qui, ainsi que le prévoit la première phrase de ladite disposition, récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire de la mesure proposée, visant à déterminer si ladite mesure présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur. En particulier, elle précise que, en l’absence d’une telle décision en l’espèce, elle ne pouvait pas envisager que la Commission évaluerait les mesures litigieuses à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, de sorte qu’elle n’a pas présenté d’observation sur cette question pendant la procédure d’examen préliminaire.

35      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a confirmé ne pas contester la recevabilité du recours, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal.

36      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 de ce même statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties au litige. En outre, selon l’article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. II s’ensuit que la République fédérale d’Allemagne n’a pas qualité pour soulever une exception d’irrecevabilité et que le juge de l’Union n’est donc pas tenu, en principe, d’examiner les moyens d’irrecevabilité invoqués par celle-ci. Toutefois, s’agissant d’une fin de non-recevoir d’ordre public, il convient d’examiner d’office la recevabilité du recours, en vertu de l’article 129 dudit règlement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, point 38 et jurisprudence citée).

37      Dans ce contexte, il convient de rappeler que, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si cette décision la concerne directement et individuellement ou s’il s’agit d’un acte règlementaire qui la concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution. Or, la décision attaquée a pour unique destinataire la République fédérale d’Allemagne, de sorte qu’il y a lieu d’établir si la requérante remplit les conditions de recevabilité qui viennent d’être mentionnées.

38      À titre liminaire, force est de constater que, la décision attaquée portant sur une aide individuelle, il est exclu que cette décision soit un acte règlementaire (voir, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2014, CFE-CGC France Télécom-Orange/Commission, T‑2/13, non publiée, EU:T:2014:226, point 28, et arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 23). Ainsi, il y a lieu d’établir si la requérante est directement et individuellement concernée par celle-ci.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, elle déclare non seulement les mesures en cause compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 45, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 42).

40      Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

41      En l’espèce, la décision attaquée est une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589 dont la légalité dépend de la question de savoir s’il existe des difficultés sérieuses quant à la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur. Dès lors que de telles difficultés sérieuses doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), dudit règlement, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 47 et jurisprudence citée).

42      Il convient de relever que ni la Commission ni la République fédérale d’Allemagne ne remettent en cause le fait, reconnu au considérant 19 de la décision attaquée, que la requérante est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article premier, sous h), du règlement 2015/1589.

43      Partant, la requérante doit être considérée comme étant recevable à contester la légalité de la décision attaquée, pour autant que, par le recours, elle cherche à assurer la protection de ses droits procéduraux.

44      À cet égard, la requérante indique que le présent recours vise à la sauvegarde de ses droits procéduraux, en tant que partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en ce que le refus d’ouvrir la procédure formelle y porte atteinte. Selon elle, la démonstration des difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de l’examen d’une aide ne peut être détachée de l’existence d’erreurs relatives notamment à l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

45      En ce qui concerne les arguments de la République fédérale d’Allemagne pris de ce que la requérante soulèverait des moyens d’annulation irrecevables tirés de prétendues erreurs d’appréciation quant à la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur, il convient de rappeler que, lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des éléments dont la Commission disposait, lors de la procédure d’examen préliminaire, aurait dû susciter des difficultés sérieuses quant à la compatibilité de la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, point 64).

46      L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de difficultés sérieuses quant à cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, point 65 et jurisprudence citée).

47      Dans le cadre d’un tel recours, les moyens contestant la compatibilité de l’aide doivent alors être appréciés par le Tribunal au regard de l’existence d’une difficulté sérieuse, sans qu’il y ait lieu de les déclarer irrecevables (voir arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, point 66 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, il résulte clairement de la requête que, par le moyen unique, la requérante demande l’annulation de la décision de ne pas soulever d’objections, en mettant en cause le fait que la décision attaquée a été adoptée en violation de ses droits procéduraux (voir points 29 et 44 ci-dessus).

49      S’agissant ainsi d’un recours contestant la légalité de la décision prise sans ouverture de la procédure formelle, il convient d’examiner l’ensemble des arguments soulevés par la requérante dans le moyen unique, afin d’apprécier la question de savoir s’ils permettent d’identifier des difficultés sérieuses en présence desquelles la Commission aurait été tenue d’ouvrir ladite procédure (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, point 68).

50      Partant, la requérante dispose de la qualité pour agir.

51      En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la prétendue absence d’intérêt à agir, il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle et annulerait la décision attaquée, la Commission devrait adopter une décision au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, ayant le contenu prévu à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement, et la requérante aurait la possibilité de formuler ses observations après avoir analysé cette décision. Ainsi qu’elle le fait valoir à juste titre (voir point 34), la requérante serait donc en mesure d’exercer ses droits procéduraux de manière bien plus pertinente et éclairée que pendant la procédure d’examen préliminaire.

53      Partant, la requérante dispose d’un intérêt à agir.

54      Il s’ensuit que le présent recours est recevable.

B.      Sur le fond

55      Par le moyen unique (voir point 29 ci-dessus), la requérante soulève, en substance, quatre griefs concernant, le premier, l’insuffisance de l’examen des mesures litigieuses accompli par la Commission à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, le deuxième, l’omission d’examiner les mesures litigieuses selon les règles applicables aux SIEG, le troisième, la violation du principe d’égalité de traitement et, le quatrième, le fait que les autorités allemandes, au lieu d’adopter les mesures litigieuses, auraient dû lancer un appel d’offres.

56      Avant d’entamer l’examen des griefs de la requérante, il convient de formuler des observations liminaires.

1.      Observations liminaires

57      Selon la jurisprudence, lorsque la Commission ne peut pas acquérir la conviction, à la suite d’un premier examen mené dans le cadre de la procédure de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qu’une mesure d’aide d’État soit ne constitue pas une « aide » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité FUE, ou lorsque cette procédure ne lui a pas permis de surmonter les difficultés sérieuses soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée, cette institution est dans l’obligation d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, sans disposer à cet égard d’une marge d’appréciation (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 113 et 185 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, EU:C:2005:275, point 48). Cette obligation est d’ailleurs expressément confirmée par les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 113).

58      La notion de difficultés sérieuses revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de l’acte attaqué que dans son contenu, d’une manière objective, en mettant en rapport les motifs de la décision avec les éléments dont la Commission disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la compatibilité des aides litigieuses avec le marché intérieur (voir arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 77 et jurisprudence citée). Il en découle que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur l’existence de difficultés sérieuses, par nature, ne peut se limiter à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation (voir arrêts du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T‑30/03 RENV, EU:T:2011:534, point 55 et jurisprudence citée, et du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 80 et jurisprudence citée). En effet, une décision adoptée par la Commission sans ouverture de la procédure formelle peut être annulée pour ce seul motif, en raison de l’omission de l’examen contradictoire et approfondi prévu par le traité FUE, même s’il n’est pas établi que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, EU:T:2010:366, point 58).

59      Il ressort également de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses (arrêts du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029, point 49, et du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T‑68/15, EU:T:2018:563, point 62).

60      Il appartient à la requérante de prouver l’existence de difficultés sérieuses, preuve qu’elle peut fournir à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, Pollmeier Massivholz/Commission, T‑89/09, EU:T:2015:153, point 51 et jurisprudence citée).

2.      Sur le premier grief, tiré de l’insuffisance de l’examen des mesures litigieuses accompli par la Commission à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE

61      La requérante reproche à la Commission, en substance, de ne pas avoir examiné de manière suffisamment approfondie les mesures litigieuses à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

62      La Commission rétorque, à titre liminaire, que, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, elle bénéficie d’un large pouvoir discrétionnaire, dont l’exercice impliquerait des appréciations d’ordre économique et social à l’égard desquelles le contrôle du juge de l’Union serait restreint.

63      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

64      À cet égard, il est vrai que, selon la jurisprudence, la Commission jouit, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées à l’échelle de l’Union. Le Tribunal, en contrôlant la légalité de l’exercice d’une telle liberté, ne saurait substituer son appréciation en la matière à celle de l’autorité compétente, mais doit se limiter à examiner si cette dernière appréciation est entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 135 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission, 62/87 et 72/87, EU:C:1988:132, point 21). Dès lors que le large pouvoir d’appréciation conféré à la Commission implique des évaluations complexes d’ordre économique et social devant être effectuées à l’échelle de l’Union, le juge exerce sur celles-ci un contrôle restreint. Celui-ci se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de l’obligation de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 132).

65      Toutefois, il y a lieu de relever que, en l’espèce, le Tribunal ne doit pas contrôler le bien-fondé des appréciations de la Commission relatives à l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE aux mesures litigieuses, mais il doit vérifier si la Commission pouvait à bon droit écarter l’existence de difficultés sérieuses quant à la compatibilité de ces mesures avec le marché intérieur.

66      À cet égard, il découle de la jurisprudence citée aux points 57 à 60 ci-dessus que le contrôle que le Tribunal exerce sur la notion objective de difficultés sérieuses n’est pas restreint.

67      Ainsi, il convient d’apprécier si la requérante fait valoir des arguments aptes à démontrer que la Commission n’a pas effectué un examen complet et suffisant des mesures litigieuses et qu’elle n’était pas en possession de tous les éléments lui permettant d’exclure, au terme d’un premier examen, que ces mesures soulevaient des difficultés sérieuses quant à leur compatibilité avec le marché intérieur, à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

68      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante.

a)      Sur la qualification des mesures litigieuses d’aides au fonctionnement

69      Selon la requérante, la Commission n’a pas tenu compte du fait que les mesures litigieuses sont des aides au fonctionnement, lesquelles, de par leur nature, ne peuvent pas être considérées comme étant manifestement compatibles avec le marché intérieur. Ce ne serait qu’à titre exceptionnel que de telles aides pourraient être couvertes par l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en particulier lorsque l’activité des bénéficiaires de celles-ci créent des externalités positives, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission (T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341). Par ailleurs, cette affaire aurait concerné un régime d’aides, et non une aide individuelle, comme en l’espèce.

70      La Commission fait remarquer que les mesures litigieuses constituent tout au plus une aide potentielle au fonctionnement et que des aides au fonctionnement peuvent exceptionnellement relever de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, en particulier lorsqu’elles sont de nature à promouvoir un développement durable et équilibré de l’activité économique ou contribuent à la réalisation d’un objectif d’intérêt commun bien défini, qu’elles satisfont aux conditions établissant leur caractère nécessaire, approprié et proportionné, qu’elles ont un effet incitatif et qu’elles ne comportent pas de répercussion négative excessive sur les échanges et la concurrence au sein de l’Union. Elle estime que, en revanche, elle n’est pas obligée de procéder dans tous les cas à une analyse économique détaillée du marché concerné. Par ailleurs, les mesures litigieuses produiraient des externalités positives comparables à celles mises en avant dans l’arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission (T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341).

71      La République fédérale d’Allemagne soutient les arguments de la Commission tout en ajoutant que les mesures litigieuses ne comportent, à l’heure actuelle, aucune aide dont la JBO bénéficierait.

72      Premièrement, il convient de relever que, en principe, la Commission pouvait laisser au juge national (voir point 8 ci-dessus) la tâche d’apprécier si les mesures litigieuses constituaient on non une aide d’État, pourvu qu’elle puisse conclure à bon droit à la compatibilité de cette éventuelle aide avec le marché intérieur.

73      Il en découle, toutefois, que la décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures litigieuses se fonde, en substance, sur la constatation selon laquelle, dans l’hypothèse où ces mesures constitueraient une aide, celle-ci serait compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE (considérant 97 de la décision attaquée). Par conséquent, la légalité de la décision attaquée ne peut être appréciée qu’en se situant dans ladite hypothèse et en évaluant si les arguments de la requérante permettent de considérer que la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur, en vertu de la disposition susmentionnée, posait des difficultés sérieuses, contrairement à ce qu’a retenu la Commission. À cet égard, il importe de souligner que le fait que l’existence d’une aide n’ait été admise qu’en guise d’hypothèse ne réduit nullement l’intensité de l’analyse que la Commission était tenue d’effectuer au regard de ladite compatibilité. En effet, s’il en était autrement, la Commission disposerait de la possibilité d’examiner la compatibilité d’une mesure étatique avec le marché intérieur de manière moins approfondie en raison de son choix, discrétionnaire, de laisser ouverte la question de savoir s’il s’agit ou non d’une aide d’État. Ainsi, la Commission ne peut tirer aucun argument utile du fait qu’elle n’a pas adopté de position définitive sur l’existence d’une aide d’État en l’espèce et qu’elle s’est donc prononcée sur la compatibilité d’une aide qui est simplement potentielle.

74      Par ailleurs, il doit être observé que l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle, à l’heure actuelle, il n’existe pas d’aide au profit de la JBO est dépourvue de toute pertinence. En effet, étant donné que la décision attaquée a laissé explicitement ouverte la question de l’existence d’une aide, il ne peut pas être considéré que le dispositif de cette décision soit soutenu par la constatation de l’absence de toute aide. Partant, l’examen de cette question ne peut pas relever de l’objet du présent recours.

75      Deuxièmement, en ce qui concerne la question de savoir si les mesures litigieuses peuvent constituer des aides au fonctionnement, en réponse à une question posée lors de l’audience, les parties ont confirmé que, si le juge national considérait que lesdites mesures constituaient une aide, il s’agirait bien d’une aide au fonctionnement, ce qui est cohérent avec la position retenue par la Commission aux considérants 64 à 66 de la décision attaquée.

76      Cependant, le fait de qualifier les mesures litigieuses d’aide potentielle au fonctionnement n’a pas pour conséquence d’infirmer la thèse de la Commission selon laquelle, à supposer que cette aide existe, elle serait compatible avec le marché intérieur.

77      En effet, selon la jurisprudence, s’il est vrai que les aides au fonctionnement, à savoir les aides visant à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, sont en principe interdites et ne relèvent pas du champ d’application de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, cette règle connaît, toutefois, certaines exceptions (voir, en ce sens, arrêts du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, EU:T:1995:100, point 48, et du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, point 116).

78      Il s’ensuit, d’une part, que la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE n’est pas exclue en raison de leur nature de possible aide au fonctionnement et, d’autre part, que la Commission devait réaliser une analyse particulièrement rigoureuse de cette compatibilité à l’aune de cette disposition, étant donné qu’il s’agissait de déroger au principe selon lequel de telles aides ne sont normalement pas admises.

79      Par ailleurs, il convient de relever que la Commission, lorsque, comme en l’espèce, elle se prononce sur la compatibilité avec le marché intérieur de mesures susceptibles de constituer des aides d’État individuelles, est tenue d’effectuer une analyse plus précise que celle requise lorsqu’il s’agit d’un régime d’aides (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, point 112 et jurisprudence citée).

b)      Sur l’examen de la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur effectué dans la décision attaquée

80      La requérante critique plusieurs aspects du raisonnement, exposé dans la décision attaquée et résumé aux points 13 et 14 ci-dessus, par lequel la Commission est parvenue à la conclusion selon laquelle les mesures litigieuses étaient compatibles avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Lors de l’audience, la requérante a répondu par l’affirmative à une question du Tribunal tendant à savoir si elle faisait valoir à la fois que ladite décision n’était pas suffisamment motivée au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et que la Commission n’était pas fondée à conclure que la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur ne suscitait pas de difficultés sérieuses.

81      Il convient, dans un premier temps, d’examiner les arguments de la requérante ayant trait au bien-fondé des considérations formulées par la Commission dans la décision attaquée afin d’exclure l’existence de difficultés sérieuses en ce qui concerne le caractère incitatif, nécessaire et proportionné des mesures litigieuses ainsi que l’absence d’altération des échanges entre les États membres dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

1)      Sur le caractère incitatif, nécessaire et proportionné des mesures litigieuses

82      Premièrement, selon la requérante, la Commission a inversé la charge de la preuve en relevant que rien n’indiquait que les mesures litigieuses généreraient des profits excessifs. En effet, une décision au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589 ne pourrait être légalement adoptée que dans l’hypothèse où il est possible d’exclure en première analyse que les mesures concernées ont un caractère disproportionné. Or, les considérations figurant dans la décision attaquée ne seraient manifestement pas suffisantes à cette fin, étant donné que le montant de l’aide et son intensité seraient opaques, selon les propres dires de la Commission, et que le contrat litigieux ne fournirait pas de précision sur les coûts susceptibles de compensation par la renonciation de la part du Land de Berlin à la perception d’un loyer correspondant aux conditions du marché.

83      À cet égard, la requérante soutient que la Commission s’est limitée, à tort, à observer que les autorités administratives du Land de Berlin possédaient une connaissance approfondie des besoins de financement et des capacités disponibles des auberges de jeunesse locales et à considérer que cette connaissance suffisait à garantir que les mesures litigieuses respectaient le principe de proportionnalité. Selon elle, les autorités allemandes n’ont pas effectué d’études sur la proportionnalité des mesures litigieuses, mais se sont bornées à faire droit à la demande du DJH, au motif que l’article 47, paragraphe 3, du Gesetz des Landes Berlin zur Ausführung des Kinder- und Jugendhilfegesetzes (loi du Land de Berlin portant exécution de la loi sur l’aide aux enfants et aux jeunes) (GVBl. 2001, p. 134), modifié en dernier lieu par l’article XII du Gesetz zur Regelung von Partizipation und Integration in Berlin, du 15 décembre 2010 (loi portant réglementation de la participation et de l’intégration à Berlin) (GVBl. 2010, p. 560), autorisait la mise à disposition à titre gratuit de locaux publics à des organismes d’aide à la jeunesse.

84      Deuxièmement, la requérante fait remarquer que la Commission se livre à un raisonnement circulaire lorsqu’elle soutient que, à supposer que les mesures litigieuses donnent lieu à une surcompensation disproportionnée, la JBO serait tenue, en tant que personne morale d’utilité publique, de réinvestir ses bénéfices dans la réalisation de son objectif statutaire d’aide à la jeunesse.

85      La Commission soutient que la décision attaquée contient une analyse complète des mesures litigieuses à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

86      Tout d’abord, la Commission rappelle que les mesures litigieuses contribuent à l’objectif, énoncé à l’article 165 TFUE, de promouvoir la jeunesse et de favoriser le développement des échanges de jeunes. Elles seraient nécessaires et appropriées, en raison de l’approche pédagogique étendue poursuivie par la JBO.

87      Ensuite, la Commission fait valoir que, lors de l’adoption de la décision attaquée, elle a pu établir le caractère proportionné des mesures litigieuses en s’appuyant non seulement sur la longue expérience des autorités administratives du Land de Berlin, mais aussi sur plusieurs pièces du dossier administratif. Par ailleurs, les mesures litigieuses auraient un effet incitatif, dès lors que le projet portant sur la réalisation de l’auberge d’Ostkreuz, et notamment les éléments qui concernent son centre de formation, n’auraient pas pu être mis en œuvre sans lesdites mesures.

88      Enfin, en ce qui concerne les profits réalisés par la JBO et l’affectation de ceux-ci à son objectif d’aide à la jeunesse, la Commission fait observer que son raisonnement n’est pas circulaire et que tant les coûts que les recettes pronostiquées ont bel et bien été intégrés et dûment pris en considération, sur la base d’analyses écrites.

89      La République fédérale d’Allemagne fait valoir que le caractère adéquat des mesures litigieuses est déjà assuré par les prescriptions légales de la promotion de la jeunesse et par le statut d’utilité publique de la JBO.

90      En premier lieu, il convient de rappeler, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission a renversé la charge de la preuve, qu’une aide d’État, pour qu’elle puisse être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, doit non seulement viser le développement d’une activité qui constitue un objectif d’intérêt public, mais doit aussi être appropriée, nécessaire et proportionnée à cette fin (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233, point 125).

91      En outre, selon la jurisprudence, la Commission ne peut déclarer une aide compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que si elle peut constater que cette aide contribue à la réalisation d’une activité supplémentaire que l’entreprise bénéficiaire ne pourrait mener à bien par ses propres moyens. En d’autres termes, il ne faut pas permettre aux États membres d’effectuer des versements qui apporteraient une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être nécessaires pour atteindre les buts prévus par l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Il ne saurait, en effet, être accepté qu’une aide comporte des modalités dont les effets restrictifs iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour que l’aide puisse atteindre les objectifs admis par les traités (voir arrêt du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission, T‑422/07, non publié, EU:T:2012:11, points 122 et 123 et jurisprudence citée).

92      Dans le cadre de l’application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, c’est donc à la Commission qu’il revient de démontrer qu’elle dispose d’éléments suffisants quant à la compatibilité des mesures de l’État membre concerné avec le marché intérieur.

93      À cet égard, il convient de rappeler que, au considérant 89 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les mesures litigieuses avaient un effet incitatif, dès lors que, en leur absence, l’auberge d’Ostkreuz, avec son centre pédagogique, n’aurait pas été réalisée ou, à tout le moins, ses activités auraient été moins nombreuses et de qualité inférieure, de sorte que l’objectif de promotion de l’aide à la jeunesse n’aurait pas été atteint. Au considérant 90 de cette décision, la Commission a estimé que ces mesures étaient proportionnées, en faisant référence à la connaissance approfondie du secteur concerné des autorités berlinoises et en affirmant, d’une part, que rien n’indiquait que les mesures litigieuses conduiraient à des profits excessifs et, d’autre part, que de tels profits, s’ils existaient, devraient nécessairement être réinvestis dans l’aide à la jeunesse.

94      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’effet incitatif d’une mesure étatique, il résulte de la jurisprudence que l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE requiert l’examen de la question de savoir si l’objectif d’intérêt public poursuivi par l’État membre serait réalisé en l’absence d’une intervention de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, point 77).

95      À l’appui des affirmations contenues au considérant 89 de la décision attaquée, la Commission a soutenu, dans le mémoire en défense, que l’effet incitatif en cause ressortirait clairement des calculs de coûts figurant dans la présentation du projet de réalisation de l’auberge d’Ostkreuz, datée du 5 novembre 2013 (ci-après la « présentation du projet »), et dans un rapport sur le financement de celui-ci, daté du 18 avril 2013, annexés à la requête, ainsi que dans les annexes au contrat litigieux et au premier contrat de bail conclu en 2010 entre le Land de Berlin et le DJH, qui n’avait pas abouti à la réalisation de ladite auberge pour manque de financement. Ces calculs montreraient également que l’importante participation propre de la part de la JBO, qui s’élèverait à plusieurs millions d’euros, ne peut être fournie parallèlement aux prix des nuitées fixés que si, dans le même temps, la mise à disposition de l’immeuble est exemptée de bail.

96      En outre, dans sa réponse écrite à une question du Tribunal, la Commission a fait observer que les documents auxquels elle s’était référée dans le mémoire en défense en ce qui concerne l’effet incitatif des mesures litigieuses devaient être interprétés dans leur contexte, qui inclurait d’autres documents du dossier administratif mentionnés dans la décision attaquée, notamment aux considérants 4 et 31 de cette dernière. Il résulterait de l’ensemble de ces documents que, comme la Commission l’a affirmé au considérant 89 de ladite décision, en l’absence des mesures litigieuses, toutes les utilisations possibles de l’auberge d’Ostkreuz seraient déficitaires.

97      Lors de l’audience, la Commission a notamment mis l’accent sur la présentation du projet, qui permettrait d’établir que même l’adoption des mesures litigieuses n’a pas permis d’éviter que la JBO subisse des pertes pendant ses premières années d’activité concernant l’auberge d’Ostkreuz.

98      Il doit être relevé que le considérant 89 de la décision attaquée ne fait pas la moindre mention des documents sur lesquels la Commission cherche à s’appuyer à présent. Les considérants 4 et 31 de ladite décision, que la Commission a évoqués devant le Tribunal, se limitent à citer l’existence de documents soumis par les autorités allemandes, dans la partie factuelle de cette décision ou dans celle consacrée au résumé des arguments desdites autorités à l’égard de l’existence d’un avantage, et donc d’une aide d’État, mais non dans la partie consacrée à la compatibilité de cette aide. Par ailleurs, aucun considérant de la décision en question ne contient un examen de la présentation du projet, laquelle, selon les dires de la Commission devant le Tribunal, est pourtant fondamentale dans son raisonnement concernant l’effet incitatif.

99      Il s’ensuit que ni le considérant 89 de la décision attaquée ni les autres considérants de ladite décision mentionnés par la Commission ne permettent d’établir que celle-ci a effectué un examen suffisant et complet du caractère incitatif des mesures litigieuses, lui permettant d’exclure l’existence de difficultés sérieuses à cet égard (voir points 59 et 67 ci-dessus). Par ailleurs, l’existence de telles difficultés est confirmée par le fait que la Commission, pour soutenir que les mesures litigieuses avaient un effet incitatif, cherche à s’appuyer sur des pièces du dossier qui concernent principalement la question de savoir si ces mesures constituent ou non une aide d’État, en ce qu’elles comportent ou non un avantage pour leur bénéficiaire. À cet égard, il convient de relever que, en dépit de la présence au dossier administratif des pièces en cause, la Commission a admis qu’il ne lui était pas possible d’exclure l’existence de difficultés sérieuses quant à l’existence d’un avantage et que cette question devait être laissée à l’appréciation du juge national, ainsi que cela résulte du considérant 52 de cette décision. Dans ces circonstances, la Commission ne saurait valablement soutenir, au demeurant pour la première fois devant le Tribunal, que ces mêmes pièces, tout en n’étant pas suffisantes pour exclure l’existence de difficultés sérieuses sur ladite question, permettent néanmoins d’exclure de telles difficultés en ce qui concerne l’effet incitatif des mesures litigieuses.

100    D’ailleurs, même dans sa réponse écrite aux questions du Tribunal, la Commission, tout en prétendant que les chiffres dont elle disposait permettaient de conclure que la JBO avait encouru des pertes pendant de nombreuses années à défaut des mesures litigieuses, souligne une fois de plus les contradictions existantes entre les différentes expertises qui lui avaient été soumises.

101    Si le choix de la Commission de ne pas se prononcer sur l’existence d’un avantage n’est, en soi, aucunement critiquable, il ne saurait toutefois avoir pour effet que la Commission puisse conclure à l’absence de difficultés sérieuses sans accomplir un examen suffisant et complet des questions pertinentes (voir points 72 et 73 ci-dessus). Cela est d’autant plus vrai que, les mesures litigieuses, pour autant qu’elles constituent une aide d’État, doivent être considérées comme une aide individuelle au fonctionnement (voir point 75 ci-dessus), à l’égard de laquelle la Commission était tenue d’effectuer une analyse plus rigoureuse (voir points 78 et 79 ci-dessus).

102    En troisième lieu et en tout état de cause, la Commission était tenue d’évaluer aussi la proportionnalité des mesures litigieuses. Son raisonnement à cet égard ne figure qu’au considérant 90 de la décision attaquée, dont le contenu a été repris au point 93 ci-dessus. Il y a lieu de vérifier si le raisonnement de la Commission se fonde sur un examen permettant d’exclure toute difficulté sérieuse aussi en ce qui concerne ladite proportionnalité.

103    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les mesures imposées par les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser l’objectif visé et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à cet effet (arrêt du 18 septembre 1986, Commission/Allemagne, 116/82, EU:C:1986:322, point 21). En tant que principe général de l’Union, le principe de proportionnalité est un critère de la légalité de tout acte des institutions de l’Union, y compris les décisions que la Commission adopte en sa qualité d’autorité de la concurrence (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 75 et jurisprudence citée).

104    Premièrement, dans ses écritures devant le Tribunal, la Commission cherche à établir un lien entre sa position sur la proportionnalité des mesures litigieuses, telle qu’examinée au considérant 90 de la décision attaquée (voir point 95 ci-dessus), et certains documents figurant au dossier administratif. Elle invoque une estimation, commandée par la requérante, du montant maximal de l’aide potentielle ainsi qu’un rapport sur le financement de la JBO, contenant le détail tant de la planification de la rentabilité que de la planification de la trésorerie du DJH pour les années 2013 à 2017. Il résulterait de ces documents que les frais relatifs à la maintenance et aux investissements prévus s’élèvent à quelque 10,2 millions d’euros, face aux 27,4 millions d’euros qui représentent la valeur actuelle du loyer usuel sur le marché, rapportée à la durée du bail de 30 ans et onze mois.

105    Cependant, le Tribunal n’est pas à même de comprendre comment ces arguments de la Commission peuvent se rattacher au raisonnement suivi au considérant 90 de la décision attaquée quant à la proportionnalité des mesures litigieuses. À supposer que la Commission, par ces arguments, veuille soutenir que l’absence de loyer à payer au Land de Berlin revient à un montant de 27,4 millions d’euros pour la JBO, laquelle devrait cependant effectuer des travaux de maintenance et des investissements pour un montant de 10,2 millions d’euros, il n’est pas évident de comprendre en quoi la différence de 17,2 millions qui sépare ces deux montants permet de considérer qu’il n’existait pas de difficultés sérieuses quant à la proportionnalité des mesures litigieuses.

106    Dans ses réponses écrites aux questions du Tribunal, la Commission a indiqué que la connaissance approfondie du secteur de la part des autorités berlinoises, qui leur aurait permis d’apprécier la proportionnalité des mesures litigieuses, ressortait notamment d’un rapport de la République fédérale d’Allemagne, mentionné aux considérants 4 et 31 de la décision attaquée. Elle a ajouté que, pour l’appréciation de ladite proportionnalité, le seul facteur déterminant était l’absence de surcompensations.

107    Dans ce contexte, il y a lieu de relever que la Commission, ainsi qu’elle l’a soutenu à juste titre dans ses réponses écrites aux questions du Tribunal, n’était pas obligée de déterminer de manière exacte le montant de l’éventuelle aide (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, Autriche/Commission, T‑356/15, sous pourvoi, EU:T:2018:439, points 249 et 250). Néanmoins, il lui revenait de préciser les éléments concrets et spécifiques sur lesquels elle pouvait s’appuyer pour étayer sa conclusion quant au caractère nécessaire et proportionné des mesures litigieuses. Or, au considérant 52 de la décision attaquée, la Commission a clairement reconnu que les expertises soumises par la République fédérale d’Allemagne et par la requérante se contredisaient. Par ailleurs, nulle part dans ladite décision il n’est soutenu que, même en se situant dans l’hypothèse la plus favorable à la requérante, à savoir celle dans laquelle les mesures litigieuses contiendraient un élément d’aide s’élevant à un certain montant, celui-ci serait nécessaire et proportionné, pour des raisons données.

108    Conformément aux principes rappelés aux points 91 et 92 ci-dessus, c’était à la Commission de prouver l’absence de surcompensation. Cependant, si la Commission soutient que cette absence est démontrée par des pièces du dossier administratif, elle n’est pas en mesure d’expliquer comment ces pièces ont été examinées et en quoi elles étayent concrètement le considérant 90 de la décision attaquée, alors qu’elles sont, tout au plus, simplement mentionnées dans cette décision, sans être accompagnées d’aucune appréciation, et qu’elles ont principalement trait à la question de l’existence d’un avantage et donc d’une aide d’État. À cet égard, les considérations exposées au point 101 ci-dessus sont également applicables.

109    Deuxièmement, quant à l’argument de la Commission, figurant au considérant 90 de la décision attaquée et relatif au fait que les éventuels profits doivent être réinvestis dans l’aide à la jeunesse, il y a lieu de relever, comme le fait valoir, en substance, la requérante, que le fait que les éventuels bénéfices de la JBO soient affectés au développement de ses activités d’exploitation d’auberges de jeunesse renforce les effets des mesures litigieuses.

110    En effet, la JBO, même si elle est une personne morale d’utilité publique au sens du droit allemand et même si elle n’a pas de but lucratif, est une entreprise qui exerce une activité économique consistant à offrir, en vue de la réalisation des buts qui lui sont fixés en conformité avec son statut, des services qui sont en concurrence avec ceux proposés par d’autres opérateurs économiques, tels que la requérante, ainsi que le reconnaît clairement la Commission aux considérants 19, 49 et 53 de la décision attaquée. En particulier, les considérants 19 et 53 de ladite décision se lisent comme suit :

« (19)       Le plaignant doit être qualifié de concurrent direct de la [JBO] (pour autant qu’elle exerce une activité économique) […]

[...]

(53)             Puisque des auberges de jeunesse financées par de l’argent public peuvent être – et, en l’espèce, sont (voir considérant 19) – en concurrence avec d’autres auberges financées de manière privée et avec d’autres fournisseurs d’hébergements à prix bas, [les mesures litigieuses peuvent] créer une distorsion de la concurrence. »

111    Dans la décision attaquée, la Commission part donc du principe que la requérante et la JBO sont des concurrents.

112    Le fait que, comme l’a retenu la Commission dans la décision attaquée, il existe une relation de concurrence entre la JBO et la requérante est confirmé par un courriel du 6 décembre 2016, que la requérante a produit devant le Tribunal. Dans ce courriel, un organisateur de voyages linguistiques pour jeunes qui avait à plusieurs reprises eu recours aux services de la requérante lui a annoncé que, pour l’été 2017, il préférait s’adresser à la JBO. Ce courrier témoigne donc du fait que même des opérateurs dans le secteur du tourisme comportant des aspects pédagogiques, tels que les activités d’apprentissage d’une langue et de la culture du pays où cette langue est parlée, considèrent qu’il existe une substituabilité entre les services de la requérante et ceux de la JBO.

113    Lors de l’audience, la Commission a cherché à nuancer sa position, en soutenant, pour l’essentiel, qu’il existe un minimum de concurrence entre ces deux entreprises, laquelle se trouverait toutefois réduite par le fait que la JBO offrirait des services pédagogiques que la requérante n’offrirait pas, en tout cas, pas de la même manière, et par le statut d’entreprise d’utilité publique propre à la JBO, mais non à la requérante.

114    À cet égard, force est de constater que de telles nuances ne résultent aucunement de la décision attaquée. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal l’invitant à préciser quelle était la partie de ladite décision qui contenait une thèse semblable à celle résumée au point 113 ci-dessus, la Commission n’a pu mentionner que les considérants 8 à 17 de cette décision. Or, si ces considérants décrivent le statut et les objectifs du DJH et de la JBO, en soulignant leur mission pédagogique et culturelle, ils ne remettent pas en cause le fait qu’il s’agit bien d’entreprises au sens du droit de l’Union. Surtout, ces considérants figurent juste avant le considérant 19 de la même décision, où la Commission a clairement affirmé que la requérante était un concurrent direct de la JBO, pour autant que celle-ci exerce une activité économique. Par ailleurs, au considérant 70 de la décision en question, la Commission a laissé ouverte la question de savoir si l’activité d’hébergement à bas prix de la JBO était intrinsèquement liée à ses activités pédagogiques.

115    Ainsi, la Commission ne saurait réécrire la décision attaquée devant le Tribunal, en cherchant à fonder son analyse de la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE sur une distinction entre l’activité économique et les autres activités de la JBO qui n’a pas été constatée dans cette décision.

116    Il y a donc lieu de conclure que la JBO est soumise aux règles du droit de l’Union relatives aux aides d’État, même si elle n’a pas de but lucratif (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, points 122 et 123, et du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 27). Il s’ensuit que, même si les profits que la JBO est susceptible de réaliser en vertu des mesures litigieuses doivent être utilisés, en vertu du droit allemand applicable aux organisations sans but lucratif, exclusivement afin de développer davantage l’activité de l’auberge d’Ostkreuz, cette activité, tout en pouvant avoir un but d’aide à la jeunesse, inclut un service de fourniture d’hébergements à bas prix, qui peut être fourni par d’autres opérateurs économiques, tels que la requérante. Dès lors, la Commission ne pouvait pas exclure l’existence de difficultés sérieuses quant à la proportionnalité des mesures litigieuses en se fondant, au considérant 90 in fine de la décision attaquée, sur le statut d’organisation sans but lucratif de la JBO et sur la manière dont seraient utilisés les profits auxquels ces mesures pouvaient donner lieu.

117    Les considérations qui précèdent permettent de répondre aussi à l’argument avancé par la République fédérale d’Allemagne selon lequel, puisque les dispositions fiscales allemandes applicables n’admettent au bénéfice d’un soutien les organismes indépendants d’aide à la jeunesse que dans la mesure où ils garantissent une utilisation conforme et efficiente des fonds et poursuivent la réalisation d’objectifs d’utilité publique, il serait garanti que la JBO affecte tous ses revenus à la promotion de l’aide à la jeunesse et que les mesures litigieuses respectent ainsi le principe de proportionnalité. En effet, du point de vue du droit de l’Union relatif aux aides d’État, il importe peu que le droit national oblige la JBO à réinvestir ses éventuels profits dans l’aide à la jeunesse, si cette aide inclut l’offre de services d’hébergement à bas prix qui se trouvent en concurrence avec ceux proposés par d’autres entreprises. De même, il n’est pas déterminant de savoir quel est le régime fiscal applicable aux recettes réalisées par la JBO, étant donné que tout ce qui reste de ces recettes après taxation, quelle qu’elle soit, doit être réinvesti afin de développer davantage l’activité de l’auberge d’Ostkreuz.

118    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater l’existence de difficultés sérieuses quant au caractère incitatif, nécessaire et proportionné des mesures litigieuses.

2)      Sur l’altération des échanges entre les États membres dans une mesure contraire à l’intérêt commun

119    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir effectué la pondération des effets favorables et défavorables des mesures litigieuses sur le segment du marché des voyages pour enfants et pour jeunes à vocation éducative et pédagogique, lequel serait caractérisé par l’existence de barrières à l’entrée extrêmement élevées. Un examen diligent aurait dû amener la Commission à entretenir des doutes en raison des effets desdites mesures sur la concurrence et les échanges entre les États membres.

120    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que les répercussions des mesures litigieuses sur la concurrence et les échanges entre États membres sont tout au plus marginales, compte tenu de l’énorme demande d’hébergement à Berlin, ce qui permettrait d’exclure toute hypothèse de saturation du marché. Le marché pertinent ne serait pas limité aux voyages pour les enfants et pour les jeunes, mais inclurait aussi les voyages pour les familles.

121    Il doit être relevé que la Commission est fondée à soutenir que le marché en question n’est pas limité aux voyages des enfants et des jeunes, mais inclut également les voyages en famille. Aussi, c’est à juste titre que, aux considérants 92 à 94 de la décision attaquée, la Commission a observé que la part de marché de la JBO était très réduite par rapport à la capacité des hébergements berlinois, qu’il s’agissait d’un marché qui n’était pas en déclin, que les mesures litigieuses ne créaient ni ne renforçaient une position dominante à Berlin et qu’elles ne maintenaient pas un déséquilibre sur le marché concerné.

122    Cependant, il y a lieu de rappeler que la Commission, bien qu’elle ait choisi de ne pas se prononcer sur l’existence d’une aide d’État, a confirmé, lors de l’audience, que, ainsi que cela résultait du considérant 59 de la décision attaquée, la seule question qui demeurait était celle de savoir si les mesures litigieuses comportaient un avantage pour la JBO, tandis que toutes les autres conditions pour la constatation de l’existence d’une aide étaient réunies, y compris celle tenant à l’affectation des échanges entre les États membres. Par ailleurs, au considérant 58 de ladite décision, la Commission a exclu que, à défaut de pouvoir établir précisément le montant de l’aide éventuelle, lesdites mesures puissent relever du règlement (UE) no 360/2012 de la Commission, du 25 avril 2012, relatif à l’application des articles 107 et 108 [TFUE] aux aides de minimis accordées à des entreprises fournissant des [SIEG] (JO 2012, L 114, p. 8). A fortiori, elle ne peut pas avoir considéré que ces mesures relèvent du règlement (UE) no 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 [TFUE] aux aides de minimis (JO 2013, L 352, p. 1). En effet, ce règlement n’est même pas mentionné dans cette décision et prévoit, en tout état de cause, des seuils inférieurs à ceux du règlement no 360/2012.

123    Ainsi, il est acquis que, dans la décision attaquée, la Commission part du principe que les mesures litigieuses sont susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres, dès lors que, dans le cas contraire, aucune aide n’aurait pu exister et il n’aurait pas été nécessaire d’apprécier la compatibilité de ces mesures à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

124    En outre, il a été conclu que la Commission n’avait pas exclu à suffisance de droit l’existence de difficultés sérieuses quant à la proportionnalité des mesures litigieuses. Or, il doit être relevé que, selon la jurisprudence, la nécessité d’une mise en balance des effets positifs attendus en termes de réalisation des objectifs visés à l’article 107, paragraphe 3, sous a) à e), TFUE avec les effets négatifs d’une aide en termes de distorsion de concurrence et d’affectation des échanges entre États membres n’est que l’expression du principe de proportionnalité et du principe d’interprétation stricte des exemptions visées à l’article 107, paragraphe 3, TFUE (arrêt du 19 septembre 2018, HH Ferries e.a./Commission, T‑68/15, EU:T:2018:563, point 211).

125    Dans ces circonstances, la Commission ne pouvait pas non plus exclure l’existence de difficultés sérieuses en ce qui concerne la question de savoir si les mesures litigieuses altéraient les échanges entre les États membres dans une mesure contraire à l’intérêt commun, en se fondant sur le simple fait que leurs effets seraient insignifiants, au vu des conditions du marché berlinois des hébergements à bas prix.

126    Par ailleurs, en ce qui concerne la référence faite par la Commission et par la République fédérale d’Allemagne à l’arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission (T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341), il doit être observé que l’approche suivie par le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt ne peut pas être transposée aux circonstances de l’espèce.

127    En effet, d’une part, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission (T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341), il s’agissait d’un régime d’aides et non, comme en l’espèce, de mesures susceptibles de constituer une aide individuelle. Or, selon la jurisprudence, dans cette dernière hypothèse, la Commission est tenue d’effectuer un examen plus approfondi (voir point 79 ci-dessus). D’autre part, alors que, dans la décision contestée dans ladite affaire, la Commission avait relevé que la promotion du sport pour le grand public à travers des associations sans but lucratif avait des avantages de nature éducative et sociale et créait des externalités positives, notamment en ce qu’elle permettait la réalisation d’activités complémentaires, comme l’utilisation des infrastructures par les écoles et par d’autres institutions publiques, en l’espèce la décision attaquée ne mentionne aucune externalité positive que la JBO créerait grâce à l’auberge d’Ostkreuz.

128    Il s’ensuit qu’il n’était pas exclu qu’il existe des difficultés sérieuses quant à l’altération des échanges entre les États membres dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

129    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que l’examen effectué dans la décision attaquée au regard de la compatibilité des mesures litigieuses avec le marché intérieur à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne permettait pas d’exclure l’existence de difficultés sérieuses en ce qui concerne aussi bien le caractère incitatif, nécessaire et proportionné des mesures litigieuses que l’altération, par ces mesures, des échanges entre les États membres dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

130    Dès lors que le moyen unique de la requérante est fondé à ce double titre, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner, premièrement, les arguments de la requérante visant les considérations de la Commission résumées au point 13, premier et deuxième tirets, ci-dessus, deuxièmement, ses arguments concernant le respect de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (voir point 80 ci-dessus) et, troisièmement, les deuxième à quatrième griefs de la requérante (voir point 55 ci-dessus).

 Sur les dépens

131    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

132    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. La République fédérale d’Allemagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2017) 3220 final de la Commission, du 29 mai 2017, relative à l’aide d’État SA.43145 (2016/FC) – Allemagne, concernant les prétendues mesures d’aides d’État non fiscales illégales en faveur de la Jugendherberge Berlin Ostkreuz gGmbH, est annulée.

2)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par a&o hostel and hotel Berlin GmbH.


3)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.